Droit Administratif Semestre 1 L2

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IntroductionUn auteur a pu crire que lexistence du droit administratif relve du miracle (M .Veille dans son intro au que sait-je du droit administratif). Le miracle auquel fait allusion cet auteur tient ce que lEtat et les personnes publiques acceptent de se plier un droit quils contribuent forger. En effet, que les particuliers respectent des rgles de droit, on le comprend aisment, les rgles de droit leur sont imposes de lextrieur et leur inobservation est sanctionne par des organes tatiques, les juridictions. A linverse les personnes publiques produisent des rgles de droit et donc, sagissant de lEtat, la soumission au droit ne prsente pas du tout le mme caractre dvidence. Lorsquil y a soumission au droit des personnes publiques, il y a passage de lEtat de police un Etat de droit. Lorsquil y a Etat de police, les personnes publiques, qui agissent dans un but dintrt gnral, ne sont lies par aucune rgle de droit particulire. Il y a arbitraire au sens littral du terme, cd quil y a libre arbitre pour les personnes publiques. Au contraire dans un Etat de droit, les personnes publiques sont lies par le droit, elles ne peuvent pas agir librement, elles ne peuvent agir que dans un cadre juridique prdtermin, que dans les limites de ce cadre juridique. On dit que dans un Etat de droit, les personnes publiques sont soumises au respect du principe de lgalit, notion trs importante. Cest lide que la personne publique ne fait pas ce quelle veut, mme si elle agit pour lintrt gnral Ce passage dun Etat de police Un Etat de droit sest opr progressivement. Il y a eu transformation de la nature de lEtat et cest dans le cadre de ce passage quest apparu le droit administratif.

Section 1 : Dfinition du droit administratifCe qui semble logique, cest de dfinir le droit administratif comme le droit applicable ladministratif, cd le droit de lAdministration. En ralit, cette approche est beaucoup trop imprcise. Dune part en effet, le droit administratif nest pas tout le droit de ladministration, dautre part, le droit administratif peut sappliquer des personnes prives. Il faut donc ds le dpart clairement distinguer droit administratif et droit de ladministration. Lun des lments de cette distinction tient ce que le droit administratif est appliqu par une juridiction spcialise, qui est la juridiction administrative.

A) La ncessaire distinction entre droit administratif et droit de ladministrationOn est pass en France dun Etat de police un Etat de droit. Ce passage nentrainait pas ncessairement lapparition dun droit spcial. En effet, on aurait parfaitement pu admettre que lEtat et les personnes publiques soient soumis aux mmes droits que les particuliers. Ce nest pas le systme qui a t retenu. En France, les personnes publiques sont soumises au respect du droit, mais ce droit est un droit spcial, qui sur certains points soppose au droit commun. Pourquoi ce droit spcial ? Les personnes publiques, la diffrence des particuliers, agissent toujours dans lintrt gnral. Dans la mesure o les personnes publiques agissent dans lintrt gnral, il est normal quelles disposent de prrogatives particulires, et quelles soient soumises un droit spcifique. Ce droit spcial est le droit administratif. -Pour autant, il arrive que les personne publiques, ce quon appelle ladministration au sens organique, utilisent des techniques empruntes au droit priv. Dans les cas o ladministration agit dans les mmes conditions quune personne prive, on utilise le droit commun, et elle relve du juge judiciaire. Un premier constat simpose alors: Le droit de ladministration, cest en fait un droit mixte. Il est pour parti compos de rgles spcifique (droit administratif) et de rgles de droit commun (droit priv).

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-Par ailleurs, ce qui caractrise les personnes publiques, cest quelles agissent dans lintrt gnral, mais il arrive que des personnes prives elles mme agissent dans lintrt gnral (ex : association). Certaines personne prives grent de vritables activits de service public (ex : les caisses primaire dassurance maladie). Dans ce cas l, la jurisprudence a admis que lon applique cette personne prive le droit administratif, dans la mesure o elle a en charge une activit dintrt gnral. Dans cette hypothse, on dit que lon est en prsence dune administration au sens matriel. On peut faire ici un second constat : le droit administratif est un droit qui ne sapplique pas exclusivement des personnes publiques mais qui peut sappliquer galement des personnes prives lorsque celles-ci agissent dans un but dintrt gnral avec des prrogatives de puissance publique. Si on combine ces deux constats, il ressort que le droit administratif nest pas tout le droit de ladministration au sens organique, mais il peut aller au-del et sappliquer des personnes prives lorsque lactivit de celles-ci prsentent un caractre matriellement administratif.

B) Le droit administratif est un droit spcifiquement appliqu par les juridictions administrativesLe lien entre droit administratif et juridiction administrative est un lien fondamental. Ce lien entre les deux, peut tre illustr par un arrt du tribunal des conflits qui a longtemps t considr comme larrt fondateur du droit administratif. Cest larrt Blanco, rendu le 8 fvrier 1873 par le Tribunal des conflits. Une enfant avait t blesse par un wagonnet qui relevait de la manufacture de tabac de Bordeaux, entreprise publique relevant de lEtat. Le pre veut engager une action mais ne sait devant quel tribunal se prsenter. Le tribunal des conflits retient la comptence du juge administratif en mettant un considrant essentiel : La responsabilit qui peut incomber lEtat pour les dommages causs aux particuliers, par le fait des personnes quil emploie dans le service public, ne peut tre rgie par les principes qui sont tablis dans le Code civil pour les rapports de particuliers particuliers. Il ajoute cette responsabilit nest ni gnrale, ni absolue. Elle a ses rgles spciales, qui varient suivant les besoins du service et la ncessit de concilier les droits de lEtat avec les droits privs. Ds lors lautorit administrative (= le juge administratif) est seul comptent pour en connaitre. Le droit administratif est n pratiquement de larrt Blanco. Le droit administratif est constitu de lensemble des rgles qui sappliquent de faon spcifique laction administrative entendue la fois dans son sens organique cd (une personne publique) et matriel (une activit dintrt gnral) et dont le respect est assur par un ordre juridique particulier, la juridiction administrative.

Section 2 : Caractres gnraux du droit administratifTrois caractres principaux : Cest un droit du dsquilibre, jurisprudentiel, en mutation.

A) un droit du dsquilibreOn doit cette formule un auteur, Laubadre. Les personnes publiques sont censes agir dans lintrt gnral, la diffrence des particuliers, de sorte quon a dun cot, des personnes publiques qui agissent dans lintrt gnral et de lautre, des personnes prives qui agissent dans des intrts particuliers. Il y a donc confrontation entre lintrt gnral et lintrt particulier, lintrt gnral lemporte alors. De sorte que la relation entre ladministration et lusager est une relation fondamentalement ingalitaire, et ce dsquilibre se fait au profit de ladministration. Aujourdhui le droit administratif protge efficacement les droits et les liberts des particuliers. Mais ceci tant, cela reste un droit dsquilibr. Ex(1) : en droit des contrats : dans un contrat de droit priv, le contrat fait la loi des parties, qui sont supposes tre base sur un mme pied dgalit et doivent respecter ce contrat. La personne publique peut pourtant rsigner unilatralement ce contrat si lintrt gnral le justifie un moment.

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Ex(2) : lexpropriation

B) Un droit jurisprudentielLarrt Blanco dit que le juge administratif est comptent, et ne doit pas appliquer le droit commun. Mais cette poque, le droit administratif nexiste pas. Il a donc fallu que le juge administratif forge lui mme le droit quil a ensuite appliqu ladministration. Fin 19me sicle, cest un droit quasi uniquement jurisprudentiel.

C) Un droit en mutationQuatre constatations : Linfluence croissante du droit communautaire sur le droit administratif. Pendant longtemps le CE a t rticent reconnaitre le droit communautaire, jusqu un arrt fameux (larrt Nicolo rendu le 20 octobre 1989 par le CE) Aujourdhui, 80% du droit franais est communautaire. Il y a confrontation entre des notions classiques du droit administratif et des notions du droit communautaire, ce qui produit une remise en cause de ces notions classiques Leffectivit croissante du droit administratif Pendant longtemps, lorsque le juge administratif censurait des actes de ladministration, ces arrts ntaient suivis daucun effet concret. Depuis lanne 90, le juge administratif sest vu accord les moyens lui permettant de faire respecter ses dcisions, par exemple, les injonctions. En mme temps il sest vu accord les moyens de statuer dans lurgence (notamment par les procds de rfrs) ; Aujourdhui le rle du juge est plus effectif. La rigueur croissante du contrle du juge administratif Au dpart, le juge administratif na t cr que pour protger ladministration, mais pas les particuliers. Aujourd'hui, il y un renversement de cette perspective, il est devenu un vritable protecteur des citoyens. Il nhsite pas contrler ladministration strictement, engager la responsabilit administrative, contrler certains actes. La place croissante au sein du droit administratif du droit applicable aux collectivits territoriales. A partir de 1982, la France a men une politique de dcentralisation, il y a eu transfert de comptences de lEtat central aux collectivits territoriales.

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Partie 1 : Le domaine dapplication et les sources du droit administratif

Titre 1 : La notion dadministration et la justice administrativeSous titre 1 : La notion dadministrationLe mme mot administration a deux significations : organique et matriel Au sens organique, ladministration dsigne lensemble des personnes publiques. Ladministration est une simple collection de personnes morales de droit public. Au sens matriel, ladministration dsigne une activit et non une personne. Peut tre qualifie dactivit administrative toute activit qui sexerce dans un but dintrt gnral. A lorigine, ces deux significations se superposaient presque parfaitement. En effet, lorigine ladministration pouvait se dfinir comme une activit dintrt gnral (matriel) mise en uvre par une personne publique (organique). Mais durant la premire moiti du 19s, il sest opr une dissociation entre les lments organiques et matriels de ladministration. La jurisprudence a en effet admis quune activit dintrt gnral puisse tre prise en charge par une personne prive. Dans cette hypothse, il y a administration au sens matriel du terme, mais plus au sens organique. De sorte que lorsque lon traite la notion dadministration, on doit ltudier sous ses deux traits. Dans tous les cas de figure, laction administrative peut se caractriser par la possibilit dexercer des prrogatives que lon appelle des prrogative de puissance publique tandis qu linverse, il pse sur elle des sujtions, que lon peut qualifier de sujtions de puissance publique. Les prrogatives de puissance publique permettent ladministration dagir dans des conditions exorbitantes du droit commun. On peut citer par exemple le pouvoir dexpropriation (= semparer dun bien). Ces prrogatives sont des prrogatives daction, mais aussi de protection (par ex la prescription quadriennale). Ladministration doit linverse supporter des contraintes que nont pas les particuliers (par ex, une personne publique ne recrute pas qui elle veut, comme elle veut. Une personne prive passe des contrats avec qui elle veut, comme elle veut, alors que la personne publique non)

Chapitre 1 : Ladministration au sens organique : lensemble des personnes morales de droit publicSection 1 : La notion de personne morale de droit publicParmi les sujets de droit, on opre une distinction entre personnes physiques et morales, et au sein mme des personnes morales, une distinction entre personne publique et personne prive.

A) les personnes sujet de droitLes personnes sont des tres susceptibles de devenir des sujets de droit. Elles se distinguent des choses.

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A lorigine, seules les personnes physiques, les tres humains sont sujets de droit, en tant individualises par le nom, le domicile, et les actes de ltat civil. Puis progressivement, on va admettre que la qualit de personne puisse se transfrer dun individu un groupement dindividus. Les personnes morales sont des groupements dintrt, des collectivits dindividus, que le droit considre comme distincts des personnes physiques qui les composent, et comme constituant des sujets de droit autonomes. Il ya personnification. Alors quune personne physique vise la satisfaction de ses intrts particuliers, une personne morale agit dans les intrts des personnes qui la composent. La personne morale est une fiction, mais elle est galement titulaire de droits et dobligations. Une personne morale est un centre dintrt juridiquement protg . Le droit franais connait deux catgories de personnes morales : les personnes morales de droit priv et les personnes morales de droit public.

B) Distinction entre personne morale de droit public et personne morale de droit privLes personnes morales de droit priv sont trs diverses. - Certaines ont un but lucratif et sont des socits commerciales ou civiles. - Dautres nont pas pour but le bnfice, ce sont les associations et les syndicats. Les personnes morales de droit public sont moins nombreuses : - LEtat - Les collectivits territoriales, - Les tablissements publics - Les GIP (groupement dintrt public) - Certaines personnes morales de droit public originales (ex : la banque de France) Le rgime juridique des personnes morales de droit priv et celui des personnes morales de droit public prsentent un certain nombre de points communs : Tout dabord, mis part lEtat, toutes les personnes morales ont leur activit et leur capacit juridique limite par ce quon appelle le principe de spcialit. Cd quil est interdit aux personnes morales de faire des actes qui ne se rapportent pas lobjet particulier qui est le leur. Ensuite, les personnes morales, en droit, sont une fiction, une construction intellectuelle. Les personnes morales ne peuvent exister qu travers des organes qui sont des personnes physiques (individuelles ou collectives). Et sagissant des personnes publiques lorgane par lequel la personne publique agit sappelle lautorit administrative. Il y a aussi un certain nombre de diffrences : Pour appartenir une personne morale de droit priv, il faut de lindividu un acte positif (adhrer une association, acquisition dun capital) Pour relever dune personne morale de droit public, il nya pas daction volontaire (on nait rmois, on nait franais, etc. ) Les personnes morales de droit public remplissent une mission particulire, une mission dintrt gnral.

Section 2 : Les diffrentes personnes morales de droit publicLa doctrine a opr une distinction entre administration gnrale et administration spcialise. Ladministration gnrale est celle qui a pour objet de couvrir lensemble des secteurs dactivit correspondant aux besoins des habitants qui en relvent. Ainsi LEtat et les collectivits territoriales relvent de ladministration gnrale.

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Au contraire ladministration spcialise englobe des autorits qui ont une comptence limite dans un domaine particulier (ex : luniversit a une comptence limite). Les tablissements publics relvent de cette administration spcialise. Aujourd'hui on considre que cette distinction nest plus trs utile ni pertinente, dans la mesure ou se sont dveloppes des personnes publiques que lon ne sait pas ou mettre, ce sont les tablissements publics territoriaux. Ce sont les communauts urbaines, les communauts dagglomration et les communauts de commune.

A) LEtatLEtat est une personne morale trs particulire, unique en son genre, ceci pour au moins trois raisons : - Une institution politique LEtat est bien sr une institution administrative, mais cest aussi et surtout une institution politique. Les autorits par lintermdiaire desquelles lEtat sexprime en tant que personne morale sont des autorits administratives, mais aussi des autorits publiques. - Une comptence nationale interdisciplinaire LEtat a une comptence gographique nationale et en mme temps, il a une comptence pour intervenir dans tous les domaines de laction administrative. LEtat est la seule personne juridique tre dans cette situation, on dit que lEtat a la comptence de sa comptence. Cela signifie quil fixe lui mme la limite de ses comptences. - Linclusion dinstitutions nationales LEtat inclut en lui toutes les autres institutions nationales, cd les autres personnes publiques quil a dailleurs seule comptence pour instituer.

B) les collectivits territorialesDans sa rdaction initiale, lart 72 de la Constitution disposait que les collectivits territoriales de la Rpublique sont les communes, les dpartements et les territoires doutre-mer, tout autre collectivit territoriale est cre par la loi. Aprs la premire vague de dcentralisation de 1982, dautres collectivits territoriales sont apparues (ex : la rgion). Mais la rgion avait t cre par le lgislateur, donc elle avait un statut lgislatif, alors que les autres avaient un statut constitutionnel. Une rforme importante de cet article est intervenue le 17 mars 2003. Dsormais lart 72 alina 1 dispose que les collectivits territoriales de la Rpublique sont les communes, les dpartements, les rgions, les collectivits statut particulier et les collectivits doutre-mer rgies par lart 74. Toute autre collectivit est cre par la loi, le cas chant, en lieu et place dune ou de plusieurs collectivits mentionnes au premier alina. On constate laugmentation du nombre de collectivits territoriales statut constitutionnel. Caractristiques des collectivits territoriales : -Les collectivits territoriales ont pour point commun davoir un territoire. Ce territoire nappartient pas au sens juridique la collectivit. La rgion, la commune, etc.., sont simplement considrs comme gestionnaire et donc garante de cette fraction de territoire. Superposition de collectivits. : On a vocation tre rgi par plusieurs personnes morales de droit public ce qui pose parfois des problmes. -Les collectivits territoriales sont toujours administres par des organes lus. Cette exigence rsulte de lart 72 alina 2 de la Constitution qui prvoit que les collectivits sadministrent librement par des Conseils lus Une fois quil est lu, lorgane dirigeant dsigne en son sein lexcutif. -Les collectivits territoriales ont une vocation gnrale rgler les affaires de leur comptence. Cest ce quon appelle la clause de comptence gnrale des collectivits territoriales. Chaque collectivit a pour vocation de prend en charge les besoins de ses habitants. La comptence des collectivits est limite aux seules affaires

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locales. Cette notion daffaire locale soppose la notion daffaire nationale. Mais comment distinguer les deux ? Comment savoir sil sagit dune affaire municipale, dpartementale, rgionale ? -Les collectivits territoriales constituent des collectivits dcentralises. Elles sont les diffrents chelons de ce quon appelle la dcentralisation territoriale. La France a longtemps t un Etat centralis, puis avec Mitterrand en 1982, elle sest dcentralise. La rforme constitutionnelle du 17 mars 2003 a modifi larticle 1er de la Constitution qui prvoyait la France est une Rpublique indivisible, laque, dmocratique et sociale . A cet ensemble, la rforme a ajout son organisation est dcentralise Cest la reconnaissance du mouvement qui a eu lieu entre 1982 et 2003. Les collectivits territoriales participent donc au caractre dcentralis, elles ont des budgets propres, des comptences propres, elles administrent librement mais sont tout au moins soumise au respect du principe de lgalit. Par ailleurs les collectivits territoriales disposent dun pouvoir rglementaire qui a t consacr lart 72 alina 3 de la Constitution en 2003.

C) les tablissements publicsA la diffrence de lEtat ou des collectivits territoriales, les tablissements publics, sont des personnes morales qui, en principe, ont une comptence spcialise. Cela signifie quils ninterviennent que dans un domaine particulier dactivit. Sapplique aux tablissements publics le principe de spcialit. La liste des tablissements publics est trs diverse (ex : hpital, chambre de commerce, universit, etc..) Alors que les collectivits territoriales sont gres par des lus, il ny a pas de rgle pour les tablissements publics. Les tablissements public disposent dun budget autonome, ils peroivent parfois des recettes sur les usagers ou vivent parfois de subventions.

D) les autres personnes publiquesLEtat, les collectivits territoriales, et les tablissements publics reprsentent aujourd'hui eux seuls 95% des personnes morales de droit public. Avant il nexistait que ces trois catgories. Aujourd'hui, deux nouvelles catgories : les GIP et la Banque de France

1/ Les GIP (groupement dintrt public)Ce sont des organismes qui ont dabords t institus dans le domaine de la recherche par une loi du 15 juillet 1982, puis des textes ultrieurs, notamment une loi du 23 juillet 1987, les ont tendus dautres domaines. Les GIP regroupent plusieurs tablissements publics et des personnes prives le cas chant, pour leur permettre la gestion en commun de moyens matriels et la poursuite dactivits communes. Chacun des membres dun GIP conserve sa propre personnalit juridique mais lui mme constitue une personne morale autonome. La question sest longtemps pose de dterminer la nature juridique prcise des GIP. Le Tribunal des Conflits sest prononc sur cette question dans une dcision du 14 fvrier 2000, la dcision GIP habitat et intervention sociale pour les mal logs et les sans abri Dans cette dcision, le tribunal des conflits les a qualifis de personnes publiques soumises un rgime spcifique. Cette formule signifie deux choses : Les GIP sont bien des personnes publiques. Ce sont en mme temps des personnes publiques soumises un rgime spcifique, cd que ce ne sont pas des tablissements public, ce ne sont pas des associations, ce sont donc des personnes publiques originales.

2/ La Banque de FranceLa Banque de France a plus de deux sicles (cre par une loi du 28 nivse an 8) pourtant aucun texte nest venu prciser sa nature juridique.

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Avec une loi de 1993, le statut de la Banque de France a t modifi. La Banque de France est une institution dont le capital appartient lEtat Il a fallu attendre une dcision du rendue le 16 juin 1997, la dcision Socit La fontaine de mars pour la voir reconnue en tant que personne publique : La Banque de France est une personne publique Puis il y a eu larrt du CE du 22 mars 2000 Syndicat autonome du personnel de la Banque de France et autres. Dans cet arrt le Conseil d'Etat dit deux chose la Banque de France constitue une personne publique charge par la loi dune mission de service public il ajoute elle na pas le caractre dun tablissement public mais revt une nature particulire et prsente des caractristiques propres.

Chapitre 2 : lAdministration au sens matriel : La participation des personnes prives lactivit administrative

La reconnaissance de la possibilit pour les personnes prives de grer des services publics remonte au 19me sicle. Elle est la consquence de lutilisation de la technique du contrat de concession. En effet, lorsquil y a contrat de concession une personne publique, quon appelle autorit concdante, confie une personne prive, quon appelle concessionnaire, le soin de grer un service public en contrepartie dune rmunration perue sur les usagers du service. Ds le 19me sicle, la puissance publique a concd des personnes prives des activits telles que des chemins de fer, les transports urbains, la distribution de leau, du gaz, etc. Ces services taient de nature un peu particulire, il sagissait exclusivement dactivits de nature industrielle ou commerciale. Et cest pour cette raison quil napparaissait pas de difficult les confier des personnes prives. En revanche, il paraissait inconcevable que des services publics purement administratifs puissent tre grs par des personnes prives. A la fin du 19me sicle, il existe un lien troit entre la notion de personne publique et celle de service public administratif. Seule une personne publique peut avoir en charge une activit de service public administratif, cd non industrielle ou commerciale. Cette distinction va tre remise en cause partir des annes 30. En effet, la jurisprudence va progressivement admettre que des personnes prives puissent participer lactivit administrative. Elle va admettre quen dehors mme de tout contrat, une personne prive puisse grer un service public purement administratif. Le fait que des personnes prives participent ainsi ladministration va tre lorigine dun certain nombre de difficults

Section 1 : La reconnaissance de la participation des personnes prives lactivit administrativeCette reconnaissance est luvre de la jurisprudence.

A) Les tapes de lvolution jurisprudentielle- Larrt tablissements Vezia (gaja) Le point de dpart de lvolution jurisprudentielle est marqu par cet arrt du CE, rendu le 20 dcembre 1935. Un dcret avait cr en Afrique occidentale franaise (colonie franaise). Il y avait alors ce qui sappelait des socits indignes de prvoyance, qui taient des organismes de droit priv. Par le dcret, les agriculteurs devaient obligatoirement saffilier ces organismes de droit priv et par ailleurs, ces organismes staient vu confier le droit dexproprier des terres, soit une prrogative exorbitante du droit commun. La question principale tait de savoir sil

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tait possible daccorder une personne morale prive une prrogative de puissance publique. Dans son arrt, le CE rpond positivement. Mais ce qui est important ce sont les conclusions sur cette affaire du commissaire du Gouvernement Latournerie: Les activits publiques ou prives prsentent trois types distincts : elles constituent en effet, ou bien un service public, ou bien un service purement priv sans prrogatives de puissance publique, ou bien un service intermdiaire qui, sans tre un service public, est dot cependant de certaines prrogatives de puissance publique et qui pourrait tre qualifi de service dintrts. Cest la premire fois que lon voit apparaitre cette ide selon laquelle on pourrait dissocier laspect organique et matriel de la notion dadministration. - Larrt caisse primaire Aide et Protection (gaja) Cest un arrt dassemble rendu le 13 mai 1938 par le CE. Cest un arrt essentiel. Dans cette affaire le CE tait saisi de la question de la lgalit dun dcret du 28 octobre 1936 qui prvoyait que les rgles relatives au cumul demplois ou de rmunrations dans le service public seraient applicables au personnel des caisses dassurance sociale. Or les caisses dassurance sociale sont des organismes de droit priv. La question tait de savoir si on pouvait appliquer un texte valable pour le service public un organisme de droit priv. La caisse primaire expliquait le contraire, mais le CE va rejeter le recours de la caisse primaire sur la base du considrant suivant : il rsulte tant des termes de la loi que de ses travaux prparatoires quelle sapplique tous les agents ressortissant un organisme charg de lexcution dun service public, mme si cet organisme a le caractre dun tablissement priv. Or pour le CE, les caisses dassurance sociale relvent prcisment de cette catgorie dorganisme du droit priv qui ont en charge lexcution dun service public administratif. Cet arrt est trs important car cest la premire fois quil est clairement affirm par le juge quune activit purement administrative peut tre prise en charge par une personne prive et ceci, en dehors de tout contrat entre la personne publique et la personne prive. Cet arrt marque une nouvelle tape dans lanalyse de la notion de service public et la notion dadministration. Il remet en cause fondamentalement la conjonction qui existait jusque l entre les aspects organiques et matriels de ladministration. Lorsque lon parle dadministration, on doit maintenant prendre en compte la notion de personne prive en charge dune activit de service public. Ex : la fdration franaise de football est une activit de service public qui est une personne prive ; centre de lutte contre le cancer ; certains syndicats ; etc. Cela a des consquences sur le rgime juridique qui leur est applicable.

B) Les consquences de la nature administrative de lactivit de certaines personnes privesDes organismes de droit priv peuvent se voir confier la gestion dun service public administratif. Des arrts extrieurs ont prcis le rgime juridique alors applicable lactivit de ces organismes. Trois dcisions du Conseil d'Etat sont trs importantes : Larrt Monpeurt du 31 juillet 1942 (gaja) Dans cette affaire, M. Monpeurt avait introduit un recours devant le CE lencontre de la dcision dun organisme, le comit dorganisation des industries du verre, organisme imposant un certain nombre de contraintes son entreprise. La question de la comptence du juge se pose alors : Pour que le juge administratif soit comptent, il faut que cet acte soit un acte administratif. Jusquen 1942, il avait toujours t admis en jurisprudence comme en doctrine cest que seule une personne publique pouvait dicter des actes administratifs unilatraux. M. Monpeurt ntait donc recevable que si le comit dorganisation des industries du verre tait une personne publique. Or le CE observe dans sa dcision : les comits dorganisation, bien que le lgislateur nen ait pas fait des tablissements publics, sont chargs de participer lexcution dun service public, et les dcisions quils sont amens prendre dans la sphre de ces attributions constituent des actes administratifs.

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La doctrine tait perplexe sur linterprtation de ce considrant. Il y a eu deux interprtations diffrentes : Certains auteurs ont dit seul une personne publique peut dicter des actes administratifs. Or le CE reconnait que les comits dorganisation dictent des actes administratifs alors quils ne sont pas des tablissements publics. Ce sont donc une nouvelle catgorie de personnes publiques Dautres ont dit Les comits dorganisation ne sont pas des tablissements publics, donc ce sont des personnes morales de droit priv, donc le Conseil d'Etat reconnait quune personne prive puisse dicter des actes administratifs. Les deux lectures sont importantes. Larrt Bouguen du 2 avril 1943 (gaja) M. Bouguen tait un mdecin auquel le conseil sup de lordre des mdecins avait refus le droit de maintenir ouvert un cabinet mdical secondaire dans une commune diffrente de son installation principale. M. Bouguen saisit le CE en annulation de cette dcision. Le juge administratif ne peut accepter dexaminer le recours de M. Bouguen que si la dcision de lordre des mdecins est un acte administratif. Le CE accepte, et il le fait sur cette base : Le lgislateur a entendu faire de lorganisation et du contrle de lexercice de la profession mdicale un service public. il ajoute Si le conseil sup de lordre des mdecins ne constitue pas un tablissement public, il concourt au fonctionnement de ce service. le CE en dduit que les dcisions quil est amen prendre dans ce cas ont le caractre dactes administratifs. Deux interprtations nouveau, les mmes que pour larrt Monpeurt. Larrt Magnier du 13 janvier 1961 Cet arrt va permettre la fin des doutes quant linterprtation des arrts prcdents. Le dpartement de lAisne tait envahi par les hannetons, de sorte que la fdration dpartementale de lAisne des groupements contre les ennemis des cultures stait charge de dtruire les hannetons. Aprs avoir caus cette destruction, elle stait retourne vers les agriculteurs qui avaient profit de cette prestation pour leur demander une contribution. M. Magnier devait donc verser une somme cet organisme. Le CE ntait comptent que si la demande de lorganisme avait un caractre administratif. La diffrence avec les arrts davant tient au fait que la fdration est une personne morale de droit priv. Le CE observe dans sa dcision que lactivit des groupements de dfense correspond un service public administratif dont la gestion est confie, sous le contrle de ladministration, des organismes de droit priv. Puis il observe que les dcisions prises par ces groupements, pour lexcution du service qui leur a t confi, prsentent le caractre dactes administratifs relevant de la comptence de la juridiction administrative. A la diffrence des arrts Monpeurt et Bouguen, il ny a aucune ambigit ici quant au sens et la porte de la dcision du CE. Ce quil dit, cest qu partir du moment o un organisme de droit priv a en charge une mission de service public administratif, celui-ci peut dicter des actes administratifs. Et larrt Magnier permet rtroactivement de comprendre les arrts Monpeurt et Bouguen. Parmi les dcisions de la personne prive, ont le caractre dactes administratifs les actes unilatraux qui prsentent deux caractristiques : Dune part ce sont des actes unilatraux pris dans le cadre de la mission de service public confie la personne prive, et dautre part qui utilisent des prrogatives de puissance publique. Cette volution a rendu beaucoup plus difficile la distinction entre personne publique et personne prive

Section 3 : Le problme de la distinction entre personne publique et personne prive.Il peut paraitre surprenant que lon soit parfois dans lincertitude sur le caractre public ou priv dun organisme quelconque. En ralit ce cas de figure se rencontre lorsque lon est en prsence dun organisme charg dune activit dintrt gnral, et que cet organisme na pas t expressment qualifi par lautorit qui la cr.

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En effet, si lorganisme en question a en charge une activit qui est strictement prive, cest un organisme de droit priv. Mais si lactivit nest pas strictement prive et que lautorit qui la cr ne la pas qualifi, il y a un problme. La rponse ne peut tre donne que par le juge, lorsquil y a litige. Le juge a mis au point la mthode du faisceau dindice. Cependant le recours cette mthode nest que partiellement satisfaisant.

A) Le recours la mthode du faisceau dindiceLe juge utilise quatre indices : - Lorigine de lorganisme qui la qualifi. Si lorganisme a t cr linitiative des pouvoirs publics, on peut prsumer quil sagit dune personne publique. Dans le cas inverse, on peut prsumer quil sagit dune personne prive. - Le but de lactivit Si lactivit dveloppe par lorganisme a un but dintrt gnral, on peut penser que lon est en prsence dune personne publique. A linverse, si le but unique est la ralisation de profit, on est en prsence dun organisme de droit priv. - Le degr de dpendance de lorganisme lgard des pouvoirs publics. Un organisme dans le fonctionnement duquel sont impliqus les pouvoirs publics (dirigeants nomms par les pouvoirs publics par ex) laisse prsumer son caractre public. - La prsence ou labsence au profit de lorganisme en cause de prrogatives de puissance publique. Si lorganisme dispose de telles prrogatives on peut prsumer son caractre public. Aucun de ces quatre indices nest en lui mme, cd lui seul, dterminant. En effet, on a des personnes prives qui sont cres par les pouvoirs publics, on a aussi des personnes prives en charge dactivit dintrt gnral, etc. Ce qui compte, cest le degr de convergence de ces indices. (Faisceau dindices) Cette mthode, si elle est assez simple noncer, elle est plus complexe mettre en uvre. Trois exemples fameux en jurisprudence / - la dcision Bourguet contre centre rgional de lutte contre le cancer Eugne Marquis Le tribunal administratif de Rennes dans un jugement du 14 mars 1960, laffaire Bourguet, avait qualifi un centre rgional de lutte contre le cancer dtablissement public. Le CE dans un arrt dassemble du 9 juin 1961 Bourguet contre centre rgional de lutte contre le cancer Eugne marquis ntait pas parvenu qualifi linstitution et avait renvoy laffaire au tribunal des conflits, qui, dans une dcision du 20 novembre 1961, a fini par qualifier ces organismes dtablissements privs, en observant que certes, il sont chargs dun service public et sont troitement contrls par ladministration, mais lintention du lgislateur tait quil sagissent de personnes prives. - Larrt Navizet : Pendant vingt-cinq ans, il y a eu des hsitations sur la nature juridique de lINAO (Institut National des Appellations dOrigine). Dans un arrt du 13 novembre 1959, larrt Navizet, le CE a fini par dire quil sagissait dun tablissement public - Larrt poux Muet et Socit La Fontaine de Mars Pendant presque deux sicles, depuis sa cration, on sen est moqu. Le tribunal des conflits, dans sa dcision du 16 juin 1997 poux Muet et socit la Fontaine de Mars a fini par qualifi la Banque de France de personne publique (originale, catgorie part)

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Les qualifications, mme lorsquelles sont donnes par le juge, napparaissent pas toujours videntes.

B) Lincertitude des solutionsIl se peut que tous les indices convergent dans le mme sens et que pourtant, la qualification donne par le juge soit diffrente de ce que les indices portaient croire. Cette contradiction peut avoir une origine lgitime (si un texte en donne la qualification par ex). Parfois, il ny a pas de texte et pourtant le juge retient une qualification diffrente. Ce sont des raisons de pure opportunit. Indpendamment des indices, il arrive que des considrations dopportunit conduisent le juge donner une solution contradictoire. Un auteur, Chaput a dit Tout est possible, rien est sur . Il nexiste pas de critre scientifique certain, de la notion de personne publique. Pour conclure, en droit, la notion dadministration cest bien sur les personnes morales de droit public, mais ce sont aussi les personnes prives en charge dactivit dintrt gnral, le droit administratif et le droit commun sappliquant en consquence. Le droit administratif est aussi un droit particulier qui est appliqu uniquement par le juge administratif

Sous titre 2) : La justice administrativeLexistence en France dune justice administrative est la consquence du principe de sparation des autorits administratives et judiciaires. En revanche ce principe de sparation nest plus aujourd'hui un principe absolu. En effet, les textes dune part, la jurisprudence dautre part (notamment le Conseil constitutionnel), ont admis que le juge judiciaire puisse connaitre dune partie du contentieux administratif.

Chapitre 1 : Les consquences du principe de sparation des autoritsLapparition dun ordre juridictionnel administratif comptent pour connaitre du contentieux administratif est le produit dune longue histoire qui commence sous lAncien rgime.

Section 1 : La formation de lordre juridictionnel administratifLordre juridictionnel administratif sest form par tapes successives.

$1) Les tapes de la formation de lordre juridictionnel administratifLexistence en France dune juridiction administrative est la consquence dun principe fondamental, celui de la sparation des autorits administratives et judiciaires. Cependant lapparition du juge administratif nest pas la consquence directe de la formation du principe de sparation des autorits administratives et judiciaires. En effet, la premire consquence du principe de sparation des autorits administratives et judiciaires a t de faire chapper ladministration tt contrle judiciaire, puisque pas dautre juge. Pour quapparaisse la juridiction administrative, il a fallu quapparaisse un second principe fondamental, le principe de sparation de la juridiction administrative et de ladministration active. De sorte que la formulation de ces deux principes apparait comme essentielle dans lvolution qui conduit lapparition de la juridiction administrative.

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A) Le principe de sparation des autorits administratives et judiciairesCe principe est une cration de lAncien rgime, qui a t simplement raffirm en 1789.

1/ Lapparition du principeCe principe apparait deux ans avant la mort de Louis 13, en 1641, avec ldit de Saint-Germain-en-Laye. Cet dit interdit aux parlements de paris et de province de connaitre des affaires concernant lEtat, ladministration et le Gouvernement, affaires rserves la seule connaissance du roi. A lorigine, ils pouvaient en connaitre, mais la monte de labsolutisme et le souci de dfendre les prrogatives royales ont conduit ldiction de cet dit. Au moment ou apparait cette interdiction, on est au cur dun conflit entre le roi et les tribunaux. Avant la Rvolution, les parlements taient entrs en lutte contre la monarchie. On aurait pu sattendre ce que les rvolutionnaires de 1789 remettent en cause cet dit mais ces derniers ont trs vite raffirm le principe de la sparation des autorits administratives et judiciaires, notamment dans un texte important, les articles 13 et 16 de la loi du 24 aout 1790. Lart 13 de cette loi dispose que Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours spares des juridictions administratives. Les juges ne pourront peine de forfaiture troubler de quelque manire que ce soit les oprations des corps administratifs ni citer devant eux les administrateurs en raison de leur fonction. On interdit ici au juge de sintresser lactivit de ladministration. Le dcret du 16 Fructidor an 3 rappellera la dfense quest faite aux tribunaux de connaitre des actes de ladministration. Pourquoi est-ce que les rvolutionnaires raffirment un principe apparu sous labsolutisme royal ? Cela tient la mfiance des rvolutionnaires lgard du pouvoir judiciaire. Finalement, ils avaient pu constater que les parlements taient entrs en rsistance contre le pouvoir royal et donc pourquoi ils ne le feraient pas contre les rvolutionnaires eux mme. Il sagit tt simplement de protger la libert daction de lautorit administrative en soustrayant celle-ci du contrle du juge judiciaire Fondamentalement, les proccupations des rvolutionnaires ne sont pas thoriques mais politiques. Ils souhaitent protger ladministration.

2/ Les consquences du principeOn interdit au juge judiciaire de connaitre du contentieux administratif. Or il ny a pas dautre juge. Le contentieux administratif est donc trait par ladministration elle-mme. Autrement dit, cest ladministration qui va tre amene trancher les diffrends quelle a avec les citoyens. Aprs la rvolution, chaque ministre, dans sa comptence, sera amen rgler les problmes contentieux. Cest le systme de ladministrateur juge. Systme dans lequel il y a confusion totale (dans la forme et dans le fond) entre les affaires administratives et les affaires contentieuses. Un tel systme est trs fcheux car ladministration est la fois juge et partie. Que ce systme soit ritr la rvolution est surprenant car il est en total opposition avec le principe fondamental de la sparation des pouvoirs : Toute socit dans laquelle la garantie des droits nest pas assure ni la sparation des pouvoirs dtermines na point de Constitution. (Article 16 de la DDHC) Lobjectif est de distinguer les trois pouvoirs et dempcher lempitement des uns sur les autres et notamment lempitement de lexcutif sur le judiciaire. Or avec le principe de la sparation des autorits administratives et judiciaires, il y a confusion entre le pouvoir excutif et le pouvoir judiciaire ; Cette contradiction a longtemps t occulte durant le 19me sicle, et les auteurs ont mme cherch a montrer que ces principes ntaient pas contradictoires, notamment Henrion de Pansey qui on doit ladage : juger ladministration cest encore administrer . Cest lide selon laquelle lorsque lon juge ladministration, on participe ladministration. Par le biais de cet adage, la doctrine a pu concilier les deux principes.

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La cration du CE par la Constitution de lan 8 va marquer le point de dpart dune dissociation entre les fonctions dadministrer et la fonction de juger. Dissociation qui ira jusqu la sparation au sein mme de ladministration entre ladministration active et ce qui relve la juridiction administrative.

B) Le principe de service public de ladministration active et de la juridiction administrativeLa Constitution du 22 Primaire An 8, cd du 15 dcembre 1789, a cr dans son article 52 le CE, et la loi du 28 Pluvise An 8 cre dans chaque dpartement un conseil de prfecture. Cette cration va marquer une profonde volution. On distingue donc au sein de ladministration ce qui relve de laction, de la dcision, et ce qui relve de la juridiction, du contentieux. Le Conseil d'Etat et le conseil de prfecture ne sont pas de vraies juridictions, leur mission est de conseiller ladministration et notamment dans le domaine contentieux. Le systme de ladministrateur juge subsiste. Progressivement, les ministres vont prendre lhabitude dentriner les propositions du CE. On reste dans un systme de justice retenue (au niveau de ladministration). Pour que le CE devienne une vraie juridiction, il faut quon passe dun systme de justice retenue par ladministration, un systme de justice dlgue. Ce pouvoir de juger lui mme des affaires qui lui sont soumises, le CE va lavoir de manire provisoire pendant quatre ans, entre 1848 et 1852. Ce nest quavec la loi du 24 mai 1872 quil se voit dfinitivement confier le soin de trancher les litiges. Dsormais le Conseil d'Etat va statuer de faon souveraine et indpendante. Pour autant, la naissance de la juridiction administrative nest pas encore acheve. En effet, jusqu la fin du 19me sicle, on continue de considrer que le ministre est le juge de droit commun, le CE nintervenant en quelque sorte que comme juge dappel des dcisions rendues par le ministre. On en reste avec la thorie du ministre juge. Celle-ci ne sera dfinitivement abandonne quavec un arrt du CE important du 13 dcembre 1889, larrt Cadot. Dans cette affaire, pour la premire fois le CE admet que quelquun puisse porter directement devant lui un litige sans lavoir au pralable soumis un ministre. Larrt Cadot donne le coup de grce la thorie du ministre juge. A dix ans de la fin du 19me sicle, le principe de la sparation de la juridiction administrative et de ladministration active est install. Il ny a plus de confusion entre les fonctions juridictionnelles et administratives. Dsormais ladministration est soumise un vritable contrle juridictionnel.

$2) lordre juridictionnel administratifIl existe aujourd'hui un vritable ordre juridictionnel administratif distinct de lordre juridictionnel judiciaire. Lindpendance de la juridiction administrative a t consacre par le Conseil Constitutionnel qui a considr dans sa dcision du 22 juillet 1980 que ctait un principe fondamental reconnu par les lois de la Rpublique. De la mme manire lexistence mme du juge administratif sest vu reconnaitre un statut constitutionnel avec la dcision du 23 janvier 1987, la dcision Conseil de la concurrence

A) les juridictions de lordre juridictionnel administratifLordre juridictionnel administratif est compos de deux catgories de juridictions :

1/ Les juridictions administratives spcialisesLa premire est celle des juridictions administratives spcialises. Cest la catgorie la plus nombreuse, la plus fournie. On y trouve dabord un certain nombre dinstances disciplinaires. Ex : le Conseil de discipline de luniversit, la Cour des comptes, le Conseil sup de la magistrature, etc.

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2/ Les juridictions comptence gnraleLa deuxime catgorie est compose de juridictions administratives comptence gnrale. Il ya le CE, les Cours administratives dappel et les tribunaux administratifs. a) le Conseil d'Etat Le Conseil d'Etat a une double fonction : - Il est dabords le Conseil du Gouvernement (comptence exclusive au dpart) - Cest galement une juridiction administrative. Cette dualit de fonction transparait dans la structure du Conseil d'Etat. Il comporte 7 sections : - 6 sections purement administratives (charges de conseiller le Gouvernement) - 1 section contentieuse (charge de rendre la Justice) La section contentieuse tant elle mme divise en 10 sous sections. Le rle de ces sous sections est dinstruire les affaires, cd vrifier que les parties se sont changes leurs arguments et que les affaires sont en tat dtre juge. Si laffaire est complexe, plusieurs sous sections peuvent tre concernes. Laffaire est juge en Assemble si le niveau de difficult est extrme. Jusquau 1er janvier 1954 le CE tait juge de droit commun en matire administrative, cd quil avait vocation connaitre de tout le contentieux administratif. Paralllement, les Conseils de prfecture, dans les dpartements, taient juges dattribution en matire administrative, cd quils pouvaient connaitre des affaires qui leur taient attribues expressment par un texte. Un dcret loi du 30 sept 1953 entr en vigueur le 1er janvier 1954 a opr plusieurs modifications ; - Dabords ce texte a chang le nom des conseils de prfecture, ils sont devenus des tribunaux administratifs. - Par ailleurs, dsormais la comptence des tribunaux administratifs est interdpartementale. - Enfin, ces tribunaux administratifs se sont vus reconnaitre la qualit de juge de droit commun en premier ressort, ce qui veut dire que le CE est alors devenu le juge dappel des jugements des tribunaux administratifs, mais en mme temps, le CE est rest comptent en premier ressort pour certains contentieux (par exemple pour les recours contre les dcrets ou les dcisions ministrielles plus importantes). La loi du 31 dcembre 1987, entre en vigueur le 1er janvier 1989, a instaur une nouvelle catgorie de juridictions administratives, les cours administratives dappel. A partir de l, le CE na plus t le juge dappel de droit commun. Par contre, il est devenu juge de cassation des arrts des cours administratives dappel. Depuis cette loi, le CE peut tre saisi par un tribunal administratif ou une cour administrative dappel afin de donner son avis sur la manire dappliquer ou dinterprter une rgle nouvelle. Au total aujourd'hui, dans le cadre se sa fonction contentieuse (juge), le Conseil d'Etat peut intervenir en quatre qualits diffrentes : - Il peut intervenir pour certains litiges en premier et dernier ressort. - Pour dautres affaires, il est rest juge dappel, notamment pour tt une srie de dcisions de juridictions spcialises. - Il est juge de cassation lgard des arrts des cours administrative dappel ou de jugements de premire instance pour lesquels un appel nest pas possible. - Il peut galement rendre des avis sur un texte pour les tribunaux ou les cours administratives dappel b) Les tribunaux administratifs Les tribunaux administratifs ont pour anctre les conseils de prfecture qui ont t crs par la loi du 28 Pluvise An 8. Ces conseils de prfecture ont vu leur organisation modifie plusieurs reprises.

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A lorigine, ce ntaient pas de vritables juridictions. Ils ne sont devenus des juridictions quen 1926, avec un dcret loi, leur prsident tant dsormais nomm par dcret et leurs membres recruts sur concours. En 1953, ces conseils deviennent des tribunaux administratifs comptence interdpartementale, et il y a aujourd'hui 29 tribunaux administratifs en mtropole et 8 en outre mer. Ce nest que depuis une loi du 6 janvier 1986 que les juges des tribunaux administratifs ont les mmes garanties que les juges des tribunaux judiciaires, notamment leur inamovibilit. Les tribunaux administratifs sont juges de droit commun en premier ressort et lappel de leurs dcisions est port devant les Cours administratives dappel. Les tribunaux administratifs, comme le CE, au niveau rgional ont galement des fonctions de conseil, le prfet peut leur demander leur avis. Cette possibilit quont les prfets est trs peu utilise. c) Les Cours administratives dappel : Les Cours administratives dappel sont les dernires nes, elles fonctionnent depuis le 1 er janvier 1989. Il y a aujourdhui 8 cours administratives dappel. Elles ont t cres pour dsengorger le CE de tous les recours en appel de tous les jugements administratifs. Les procdures taient extrmement longues, et le but tait de gagner du temps dans le droit administratif pour simplifier des affaires qui durait parfois 15 ans. La loi du 8 fvrier 1995, relative lorganisation des juridictions des procdures pnales, civiles et administratives, a prvu qu partir du 1er octobre 1995, les cours administratives dappel sont seules comptentes pour connaitre des appels forms contre les jugements des tribunaux administratifs. Ce nest quen matire de contentieux local que le CE est rest juge dappel des tribunaux administratifs. Site : www.conseildtat.com

B) La classification des recours contentieux : 1/ Les lments de la classification :On distingue en droit administratif, trois types principaux de recours contentieux. a) Le recours pour excs de pouvoir Il consiste de la part dune personne quon appelle le requrant, demander au juge de prononcer lannulation dun acte administratif, au motif que cet acte viole une rgle de droit qui lui est hirarchiquement suprieure. Dans le cas du recours pour excs de pouvoir, ce qui est au cur du dbat judiciaire est un acte administratif. On dit parfois cest un procs fait un acte . Si le juge fait droit la requte, alors il annule lacte. Cest un des principaux contentieux, et cest un des moyens essentiels dont disposent les citoyens, les administrs pour faire respecter le principe de lgalit par ladministration. b) Le recours de pleine juridiction Il consiste de la part dun requrant se prtendre titulaire dune crance sur ladministration. Le recours de pleine juridiction est un recours en rapport avec le droit administratif des obligations, puisquil sagit davoir de ladministration une sanction se traduisant par une somme dargent. Cest un recours qui concerne le contentieux des contrats et celui de la responsabilit. Il ne sagit pas pour le juge dannuler un acte, mais de constater lexistence dun droit, et en consquence, de condamner ladministration au profit du requrant. c) Le recours en apprciation de lgalit

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Dans cette hypothse, le juge judiciaire, loccasion dun litige dont il est saisi, doit se poser la question dun acte administratif. En principe le juge judiciaire nest pas comptent, il doit sursoir statuer et saisir le juge administratif, pour que ce dernier apprcie lui-mme la lgalit de lacte. Le juge administratif va se prononcer pour dire si lacte est lgal ou non, il ne peut lannuler puisque ce nest pas un recours pour excs de pouvoir. Le contentieux pnal : Le juge administratif peut tre saisi dans le cadre dun contentieux pnal, et dans une telle hypothse il sagit de prononcer une sanction. Cest notamment la fonction de toute une srie de juridictions administratives spcialises (ex : le conseil de discipline de la facult).

2/ Les propositions de classificationsLa doctrine sest efforce doprer une classification entre les diffrents recours contentieux. La classification la plus ancienne est celle mise en place par M. La Ferrire. Cela consistait distinguer 4 branches pour le contentieux administratif : a) La classification base sur les pouvoirs du juge administratif Le contentieux de pleine juridiction : Cette classification repose sur la prise en compte des pouvoirs du juge. Ainsi en matire de contentieux de pleine juridiction, qui est en fait un contentieux de lindemnisation, le juge a le pouvoir de modifier les dcisions prises par ladministration en une connaissance du droit des administrs. Ce contentieux inclut le contentieux contractuel, le contentieux de la responsabilit et le contentieux lectoral (car le juge peut modifier les rsultats). Le contentieux de lannulation : Le juge rejette la demande ou annule la dcision sans pouvoir la modifier. Le contentieux de linterprtation : Le juge se contente de dire le droit mais ne rend pas de dcisions directement applicables aux administrs. Le contentieux de la rpression : Ici, le juge prononce une peine. A ces classifications fondes sur les pouvoirs du juge, la doctrine a oppos ultrieurement une autre distinction fonde sur la nature de la question pose au juge. b) La classification base sur la question pose au juge. Cette seconde classification a t propose par M. Lon Duguit et M. Marcel Waline. Cette seconde classification consiste distinguer deux contentieux : Le contentieux objectif : Ce type de contentieux intresse la lgalit. Ce qui se trouve en cause avec ce type de contentieux, ce nest pas le droit particulier dun requrant mais cest une situation juridique objective. Ce qui se trouve en question, cest le problme de la conformit dun acte par rapport une rgle qui lui est suprieure. Est en cause ici lintrt gnral, avec le respect du principe de la lgalit. Il est vident que le recours en excs de pouvoir, le recours en apprciation de lgalit et le contentieux de la rpression relvent du contentieux objectif.

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Le contentieux subjectif : Il intresse la situation individuelle du requrant. La question est alors de savoir si telle personne dtermine dispose lgard de ladministration de tels droits quelle prtend avoir. ( si elle prtend avoir une crance, est-elle bien titulaire de cette crance, quel est son montant, etc.) Sont en cause ici des intrts particuliers. Le contentieux de la responsabilit et le contentieux contractuel relvent du contentieux subjectif. Cette distinction est intressante au sens ou elle permet de comprendre que les conditions douverture des recours ne sont pas les mmes. En effet, il est beaucoup plus facile dintroduire auprs du juge administratif un recours en excs de pouvoir plutt quun recours en apprciation. c) Le rfr administratif Pour quil y ait un vritable Etat de droit, il faut que plusieurs conditions soient remplies. - Il faut dabord notamment quil existe un juge indpendant et impartial. - Il faut ensuite que les individus puissent accder normalement, facilement ce juge. - Il faut enfin que ce juge, lorsquil est saisi, se prononce dans des dlais raisonnables. Le juge administratif, est indpendant et impartial depuis le 19me sicle. Par ailleurs, il est trs simple de saisir le juge administratif (surtout en recours en excs de pouvoir). Par contre, lexigence que le juge statue dans un dlai raisonnable, pendant longtemps, na pas t respecte par le juge administratif. Lun des problmes rcurant de la justice administrative est sa lenteur et son engorgement. En effet, le contentieux administratif est en croissance constante. Il ny a pas de tribunaux administratifs sur tout le territoire, et les tribunaux ont ainsi beaucoup daffaires traiter. De ce point de vue, il y avait une diffrence essentielle entre le juge administratif et le juge judiciaire. Devant le juge judiciaire, il y a des procdures de rfr, y compris des rfrs dheure heure qui permettent davoir des dcisions en quelques heures. Devant le juge administratif, ces procdures durgence nexistaient pas. Cette absence tait dautant plus fcheuse quen matire de recours pour excs de pouvoir, les recours ne sont pas suspensifs. Ex (1) : une association fait un recours en annulation dun refus du maire devant le juge administratif, mais au moment o la dcision est rendue, elle nest plus vraiment utile. Ex (2) : Une proprit en montagne avec une superbe vue. Quelqu'un construit un immeuble juste en dessus, mais le permis de construire semble irrgulier. Mais si la justice est longue, limmeuble est construit quand mme. Cest le problme de leffectivit de la justice administrative. En matire de responsabilit, on avait les mmes problmes. On sest notamment pos la question avec laffaire des transfusions sanguines et les problmes de sida, les victimes dcdaient avant mme dtre indemnises par le juge. Aprs avoir tent diverses rformes, le lgislateur a fini par crer de vritables procdures durgence auprs de la juridiction administrative. Cela a t lobjet dune loi du 30 juin 2000, loi relative aux rfrs devant les juridictions administratives, loi entre en vigueur le 1er janvier 2001. Ce texte trs important a institu trois procdures de rfrs de droit commun. (A cot de ceux la, il a institu des rfrs particuliers concernant les trangers ou les contrats.) Le rfr-suspension Le premier rfr de droit commun, le plus gnral, est le rfr-suspension qui a t codifi larticle L-521-1 du code de justice administrative. Ce rfr est la procdure qui permet une personne qui y a intrt de demander, sil y a urgence, au juge des rfrs la suspension dexcution dun acte administratif dont elle a demand paralllement lannulation au tribunal. Et cette

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suspension sera accorde par le juge administratif, ds lors quil lui semblera quun doute srieux existe sur la lgalit de la dcision conteste. Cette procdure est donc soumise quatre conditions : - Il faut que la personne ait intrt agir. - Il faut que cette personne ait paralllement introduit un recours en annulation. - Il faut quil y ait urgence. - Il faut quun doute srieux existe quant la lgalit de la dcision conteste. Lorsque le juge des rfrs administratif statue dans ce recours, le texte dit quil doit statuer dans les meilleurs dlais, cd en gnral entre une semaine et quinze jours. Si le juge des rfrs suspend la dcision, par ordonnance, cette ordonnance restera valable jusquau jour du jugement sur le fond. Il y a alors deux hypothses : Soit le tribunal annule la dcision, soit il nest pas daccord avec le juge des rfrs, alors le jugement se substitue lordonnance et lacte peut tre excut. Cette procdure a considrablement fait progresser leffectivit de la justice administrative. Le rfr-libr Codifi larticle L-521-2 du code de justice administrative, il est fondamental pour les liberts. En effet, cette procdure permet toute personne qui y a intrt de saisir le juge des rfrs pour obtenir de celui-ci toute mesure ncessaire la sauvegarde dune libert fondamentale ds lors que ladministration, dans lexercice dun de ses pouvoirs, a port cette libert une atteinte grave et manifestement illgale. Ici aussi, cest une procdure motive par lurgence, mais son objet est diffrent du cas prcdent, il sagit ici de sauvegarder une libert fondamentale, libert laquelle il serait port atteinte par ladministration. A la diffrence du cas prcdent, il nest pas ici ncessaire de saisir paralllement le tribunal sur le fond, on peut se contenter dune procdure de rfr. Et lorsquil est saisi le juge doit obligatoirement statuer dans un dlai de 48h maximum. Et lorsque le juge statue, le texte dit quil prend toute mesure qui lui apparait ncessaire . Ce rfr est une innovation fondamentale pour les liberts collectives et individuelles. Le rfr conservatoire Codifi larticle L-521-3 du code de justice administrative, il consiste, non pas contester un acte, mais demander au juge dordonner toute mesure utile. Ex : demande dexpertise, de la communication dun dossier, etc. Lintroduction de ces trois rfrs a progressivement modifi la pratique du juge. On peut dire quautre fois la culture de lurgence tait totalement trangre au juge administratif, et cela a aujourd'hui conduit une amlioration globale du systme.

Section 2 : La comptence de lordre juridictionnel administratifQuels sont les critres de comptence ratione materiae (matriel) du juge administratif ? Il arrive qu cette question, la rponse soit simple, lorsque les textes attribuent expressment comptence lordre judiciaire ou administratif. Ex : le contentieux des accidents causs par un vhicule moteur est un contentieux judiciaire. En matire de march public, les textes prvoient quil y a automatiquement comptence du juge administratif. La difficult vient du fait que ces textes sont rares. Et en leur absence, cest la jurisprudence quil advient de se prononcer. Aujourd'hui, environ 80% de la jurisprudence est claire sur le sujet. Mais il reste des problmes de rpartition des comptences dans certaines affaires. Dans son manuel de droit administratif, le professer Jacques Moreau crit que la question du critre de comptence de la juridiction administrative aboutit des solutions subtiles. Il ajoute les praticiens sy perdent parfois mais les amateurs dart sen dlectent.

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Lhistoire de cette question sur la comptence du juge administratif est marque par la recherche par la doctrine dun critre unique de comptence, mais cette recherche a t vaine. Ce quon admet aujourd'hui, cest en fait quil existe une pluralit de critres de comptences du juge administratif, et cela explique la grande diversit des dcisions.

A) La recherche dun critre unique de comptenceDeux priodes sont distinguer : La premire va du Consulat jusqu la 3me Rpublique : Cest une priode de concurrence entre plusieurs critres. La seconde priode dbute en 1873, cd larrt Blanco : cest le triomphe du critre du service public. Cette seconde priode prendra fin dans les annes 35-40, avec la crise du critre du service public.

1/ Du consulat la 3me Rpublique : la concurrence de plusieurs critresDurant cette priode, deux critres sont utiliss en mme temps pour trouver la comptence du juge administratif. Le critre de l'Etat-dbiteur Il se fondait sur une loi du 17 juillet-18 aout 1790 et un dcret du 26 septembre 1793. Le CE interprtait ces textes comme interdisant aux tribunaux judiciaires de connaitre de toute action tendant une condamnation pcuniaire de l'Etat. De sorte que, ds quune action avait pour objet le paiement par l'Etat dune somme dargent, je juge administratif tait obligatoirement comptent. Ce critre ne valait que pour l'Etat, et pas pour les autres personnes publiques. Le critre reposant sur une distinction entre les actes dautorit et les actes de gestion Lorsquune autorit administrative utilise ses prrogatives de puissance publique, elle fait ce quon appelle des actes dautorit. Cest le cas lorsquelles donnent des ordres, lorsquelle accorde des autorisations, lorsquelle impose des obligations. Il y a alors comptence de la juridiction administrative. A linverse il y a acte de gestion lorsque laction administrative ne saccompagne pas de la mise en uvre de prrogatives de puissance publique. Il y a alors comptence du juge judiciaire.

2/ Larrt Blanco du 8 fvrier 1873 : le triomphe du critre du service publicLa question pose au Tribunal des conflits tait de savoir quelle tait la juridiction comptente pour juger cette affaire. Le TC attribue comptence au juge administratif, et pour cela, le TC suit les conclusions de son commissaire du Gouvernement, M. David, qui interprte le principe de sparation des autorits en ce sens que les juridictions judiciaires sont radicalement incomptentes pour connaitre de toutes les demandes formes contre ladministration raison des services publics. Autrement dit, il sagissait de la part du pre de lenfant de demander la condamnation de l'Etat une somme dargent, il suffisait alors de se fonder sur le critre de l'Etat-dbiteur. Mais M. David propose labandon de ce critre au profit dun nouveau critre, le critre du service public. Il va dailleurs dire que le droit applicable par le juge administratif doit tre un droit spcial et non un droit commun. Larrt Blanco amne un apport au niveau de la comptence avec un nouveau critre, et un apport au niveau du fond, au niveau de lapplication dun droit spcial par le juge administratif. Dans cet arrt, le critre de service public est utilis dans le cas dune affaire ne concernant que l'Etat. Sagissant des autres personnes publiques, on a continu de faire la distinction entre les actes dautorit et les actes de gestion. Ce nest que progressivement aprs larrt Blanco quil y a eu unification de lensemble du contentieux administratif autour du critre de service public. Cette unification a t ralise au terme de deux arrts importants. Larrt Terrier du 6 fvrier 1903 (gaja)

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Dans cette affaire, le Conseil Gnral de Sane et Loire avait dcid dattribuer une prime de 25centimes pour toute vipre dtruite. M. terrier ne sest pas vu remis cette prime, il a donc saisi le CE pour obtenir le rglement de cette somme. Le CE va se reconnaitre comptent en observant que M. Terrier, en chassant les vipres, avait du fait particip une activit du service public. Ce que marque larrt Terrier, cest lextension du critre du service public au contentieux contractuel des collectivits locales. Larrt Feutry du 29 fvrier 1908 (gaja) Dans cette affaire, il sagissait dun alin mental qui stait chapp de ltablissement relevant du dpartement de LOise dans lequel il tait intern. Il met le feu du foin appartenant M. Feutry. Celui-ci subit un prjudice et met en cause la responsabilit du dpartement, gestionnaire de ltablissement. Le TC observe que laction de M. Feutry incrimine lorganisation et le fonctionnement dun service la charge du dpartement et dintrt public. Lapprciation des fautes qui auraient pu se produire dans lexcution de ce service nappartient pas lautorit judiciaire. Cet arrt marque une extension du critre su service public au contentieux de la responsabilit des collectivits locales. Finalement, ces trois arrts marquent lunification du contentieux de l'Etat et des collectivits locales la fois dans le domaine contractuel et dans celui de la responsabilit, autour dun seul critre, celui de service public. Sur la base de ces trois dcisions, va se constituer eu dbut du 20me sicle lcole du service public ou encore lcole de Bordeaux. Il sagit dun ensemble dauteurs emmens par Lon Duguit, professeur Bordeaux, et ces derniers vont prtendre expliquer tout le droit administratif par la notion de service public. Le service public est alors dfini par superposition de trois critres : - Cest une activit dintrt gnral (critre matriel) - Mise en uvre par une personne publique (critre organique) - Dans des conditions exorbitantes du droit commun (critre formel) Ce critre avait pour lui le mrite de la simplicit. En effet, ds quil y a service public, il y a droit exorbitant, il y a donc comptence du juge administratif. Toutefois celui-ci est rapidement entr en crise.

3/ La crise du critre de service publicDans lapproche classique, trois lments composent le service public (matriel, organique, formel). Le problme est que ces trois lments vont se dissocier les uns des autres, et le critre de service public va devenir beaucoup moins oprationnel. Cette dissociation va soprer en deux temps : Dans un premier temps, la jurisprudence va admettre quil puisse y avoir service public sans lment formel, cd quil puisse y avoir service public et nanmoins application du droit priv. Dans un second temps il va se produire une dissociation entre les lments organiques et matriels, cd que la jurisprudence va admettre quune personne prive puisse grer un service public. a) La disparition de llment formel La jurisprudence va dabord admettre quil puisse y avoir disparition de llment formel, cd que des rgles de droit priv puissent tre appliques des personnes prives grant des services publics. Cest lapparition des SPIC (services publics industriels et commerciaux) Cette volution va se faire en deux tapes, marques par deux arrts importants. Larrt Socit des granits porphyrodes des Vosges du 31 juillet 1912 (gaja) Dans cette affaire la ville de Lille avait pass un contrat avec une socit vosgienne, ayant pour objet la livraison de pavs par cette socit, ces derniers devant tre utiliss dans le cas dun service public. On est alors dans le cas dun

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contrat pass entre une personne publique et une personne prive, ayant pour objet une activit contribuant au service public. Le CE va suivre dans cette affaire les conclusions de son commissaire au Gouvernement Lon Blum et va considrer que cest le juge judiciaire qui est comptent pour connaitre du litige. En effet, le CE a estim que rien ne distinguait le contrat conclu par la ville de Lille dun contrat pass entre personnes prives. Ce quadmet ici le CE pour la premire fois, cest quune personne publique grant un service public administratif puisse recourir ponctuellement, pour certains actes, des procds de droit priv. Cette dcision est un premier accro au critre du service public. Larrt socit commerciale de lOuest africain ou Bac dEloka du 22 janvier 1921 (gaja) Dans cette affaire, la colonie de Cote divoire avait mis en place un bac permettant de passer dune rive lautre. Mais le bac coule au moment dun passage, une personne meurt et beaucoup de vhicules sont endommags. La socit propritaire de lun des vhicules dcide dengager la responsabilit de la colonie de Cote divoire, qui est une personne morale de droit public. Le Tribunal des conflits retient la comptence du juge judiciaire. Il le fait sur la base de lobservation suivante : En effectuant, moyennant rmunration, les oprations de passage de piton et de voitures dune rive lautre de la lagune, la colonie de la Cote dIvoire exploite un service de transport dans les mmes conditions quun industriel ordinaire. Compar larrt prcdent, ce nest pas seulement un acte ponctuel mais un service tout entier. Ce quadmet ici le juge cest la possibilit de la gestion prive dun service public, ce qui va conduire la doctrine a dissocier dsormais deux services publics : le service public administratif et le SPIC. Lorsquil y a SPIC, il y a activit dintrt gnral, mais celle-ci se fait dans les conditions qui ressemblent celle dune activit purement priv. Lapplication de cette nouvelle catgorie, les SPIC porte un critre dur aux services publics en tant que critre de comptence. b) La dissociation des lments organiques et matrielles de la notion de service public Dans la doctrine classique, un service public peut tre partiellement ou totalement gr par le droit priv. On admet quune personne prive puisse grer un service public administratif. La jurisprudence va admettre quil puisse y avoir service public au sens matriel, sans pour autant quil y ait service public au sens organique. Larrt fondamental dj voqu est larrt caisse primaire aide et protection du 13 mai 1938. Dans cette affaire, le CE reconnait que les caisses charges dassurer la gestion des assurances sociales, qui sont de personnes privs, sont en charge dun service public administratif. Cet arrt marque lapparition dun service public par une personne prive. Cet arrt marque une crise profonde de la notion de service public. A partir de 1938, le lien entre les trois lments du service public qui faisait de cette notion le critre de comptence du juge administratif disparait compltement. Maintenant mme lorsquil y a service public il peut y avoir comptence du juge judiciaire. En fait, ctait une erreur de vouloir trouver un seul critre de comptence pour le juge administratif. Ce quon admet aujourd'hui, cest quon na pas un, mais plusieurs critres de comptence, quil faut combiner entre eux.

B) La ncessit de combiner les critres de comptenceLa priode qui a suivi larrt caisse primaire Aide et Protection a t en doctrine une priode de perplexit, voire mme de confusion. Les auteurs senttaient trouver un nouveau critre de comptence. Aujourd'hui la situation sest clarifie car on a compris quil y avait plusieurs critres, la vraie difficult tant de les combiner entre eux. Parmi eux, les deux critres dominant sont celui du service public et celui de la puissance publique. Aucun de ces deux critres ne peut tre considr comme le critre dominant, pour autant, ce sont des critres fondamentaux. Mais ils ne sont pas exclusifs, il y a cot le critre organique par exemple.

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Et finalement, cest en fonction de chaque cas quil y a lieu de combiner entre eux ces diffrents critres. La mthode pour cela est assez impressionniste, peu simple. Il y a deux exemples : - Comment savoir si un contrat pass par une personne publique est un contrat priv ou public. Le premier critre est le critre organique : Est-ce-que le contrat a t pass par une personne publique ? Si la rponse est non, on sarrte, si cest oui, on continue ; Le deuxime critre est le critre matriel : Est-ce -que le contrat a pour objet le service public ? Le troisime critre est le critre formel : Est-ce-que le contrat fait rfrence des prrogatives de puissance publique ? - Comment savoir si une personne prive qui gre un service public peut dicter des actes administratifs. Il faut donc une grille danalyse, avec plusieurs questions successives. La comptence du juge administratif est elle ou non une comptence exclusive ? Peut-on admettre paralllement une comptence du juge judiciaire pour connaitre dune partie du contentieux administratif ? Ces questions reviennent sinterroger sur la valeur du principe de sparation des autorits administratives et judiciaires. Car si lon considre que ce principe a une porte absolue, il ny a pas de place pour le juge judiciaire. Si lon considre que ce principe peut connaitre des drogations, alors on peut admettre quil y ait de la place pour le juge judiciaire dans le domaine du contentieux administratif. Cela renvoie la question de la valeur juridique exacte du principe de sparation des autorits administratives et judiciaires. Pendant des sicles, ce principe a t utilis sans quon en ait une vision trs claire. Il a fallu attendre une dcision du Conseil Constitutionnel du 23 janvier 1987 (gaja) pour quon ait enfin une rponse sur la valeur juridique exacte de ce principe. Dans cette affaire tait en cause le contentieux des dcisions du Conseil de la concurrence. Le Conseil de la concurrence est ce quon appelle une autorit administrative indpendante cre par lordonnance du 1er dcembre 1986 et qui rend des dcisions pour sassurer que le droit de lassurance est bien respect. Une loi de janvier 1987 prvoyait que le contentieux des dcisions du Conseil de la concurrence relverait de la comptence de la CA de Paris. Autrement dit, cela revient dire que le contentieux de dcision administrative relverait de la comptence du juge judiciaire. Le Conseil Constitutionnel fut saisi dun recours par les parlementaires, avec largument selon lequel confier au juge judiciaire la dcision de contentieux administratif violerait le principe de sparation des autorits administratives et judiciaires, qui a valeur constitutionnelle. Pour la premire fois, le juge constitutionnel va pouvoir prciser la valeur et la porte de ce principe. Il labore la jurisprudence suivante : les dispositions des articles 10 et 13 de la loi des 16 et 24 aot 1790 et du dcret du 16 fructidor An III qui ont pos dans sa gnralit le principe de sparation des autorits administratives et judiciaires n'ont pas en elles-mmes valeur constitutionnelle. Cette premire affirmation est donc trs claire, pas de valeur constitutionnelle Il dit aussi conformment la conception franaise de la sparation des pouvoirs, figurent au nombre des principes fondamentaux reconnus par els lois de la Rpublique, celui selon lequel, lexception des matires rserves par nature lautorit judiciaire, relvent en dernier ressort de la comptence de la juridiction administrative lannulation ou la rformation des dcisions prises dans lexercice des prrogatives de puissance publique par les autorits exerant le pouvoir excutif, leurs agents, les collectivits territoriales de la Rpublique ou les organismes placs sous leur autorit et leur contrle. Ce considrant du Conseil Constitutionnel est particulirement riche, il signifie deux choses : - Lexistence du juge administratif comptent, pour le contentieux de la lgalit des actes administratifs pris avec exercice de prrogatives de puissance public a un caractre constitutionnel, tout simplement parce quelle constitue un principe fondamental de la Rpublique.

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Il y a donc un noyau dur de comptence du juge administratif qui se trouve ainsi constitutionnellement protg, sur ce qui concerne lannulation ou la rformation des actes administratifs saccompagnant de lexercice de prrogative de puissance publique. - Le reste de la comptence du juge administratif nest pas protg par la Constitution. Cela veut dire que la loi peut parfaitement transfrer au juge une partie de sa comptence. Enfin, le Conseil Constitutionnel ajoute que mme en ce qui concerne le noyau dur, il peut y avoir transfert au juge judiciaire, partir du moment o ce transfert se fait dans lintrt dune bonne administration de la justice, cd partir du moment o il sagit dunifier des rgles de comptence au profit dune juridiction. Pour synthtiser, on peut rsumer lapport de la dcision du Conseil Constitutionnel au travers de quatre propositions : -Le principe de sparation des autorits administratives et judiciaires nest pas un principe de valeur constitutionnelle. - Constitue au contraire un principe de valeur constitutionnelle, dune part lexistence du juge administratif et dautre part, le fait que ce juge ait une comptence exclusive pour connaitre du contentieux de la lgalit des actes administratifs pris par les personnes publiques et saccompagnant de la mise en uvre de prrogatives de puissance publique. Cest le noyau dur de la comptence administrative, protg constitutionnellement. - Par exception au principe qui prcde, il peut y avoir comptence du juge judiciaire pour ce contentieux de la lgalit des actes administratifs, soit parce quil sagit de matires rserves par nature lautorit judiciaire soit parce quil sagit dunifier les rgles de comptence dans un domaine particulier - Tous les autres cas de comptence du juge administratif (tt ce qui est hors noyau dur) ne sont pas constitutionnellement protgs de sorte que rien ninterdit un transfert de comptence au profit du juge judiciaire. La conclusion est quil existe des drogations au principe de sparation des autorits, il y a alors comptence du juge judiciaire dans le contentieux administratif.

Chapitre 2 : les drogations au principe de service public des autorits : la comptence de lordre juridictionnel judiciaire pour connaitre du contentieux administratifIl y a donc place pour une comptence du juge judiciaire en matire administrative. On peut regrouper les cas de comptence du juge judiciaire en deux catgories. La premire regroupe les cas de comptence du juge judiciaire qui relvent de lide selon laquelle le juge judiciaire est le gardien naturel de la proprit prive et des liberts. La seconde regroupe tous les autres cas de comptence, cd des hypothses de comptence qui ne relvent pas dune ide particulire mais qui rsulte dune sdimentation de textes ou de jurisprudence.

Section 1 : Le juge judiciaire, gardien naturel de la proprit prive et des libertsLide selon laquelle le juge judiciaire est le gardien naturel de la proprit prive et des liberts est une ide ancienne, ide qui sest forge partir de la loi du 8 mars 1810 sur lexpropriation qui donnait commun au juge judiciaire pour prononcer le transfert du droit de proprit au profit de ladministration et pour valuer les indemnits rgler une personne exproprie. Cette ide a pu se dvelopper car il nexistait pas de juge administratif indpendant de ladministration. Cette ide a t consacre en jurisprudence et a t galement formule dans certains textes, ainsi par exemple, larticle 66 de la Constitution de 1958 dispose que nul ne peut tre arbitrairement dtenu, lautorit judiciaire gardienne de la libert individuelle assure le respect de ce principe dans les conditions prvues par la loi . Donc ce principe sest traduit par des textes de lois, et en labsence de texte, la jurisprudence a fait application du principe dans deux hypothses particulires qui sont dune part, lhypothse de lemprise, et dautre part, lhypothse de la voie de fait.

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A) Les traductions lgislatives du principe 1/ Le droit de propritIl y a quatre exemples : - En matire dexpropriation Une personne publique peut exproprier une personne prive en lindemnisant. Le juge de lexpropriation, celui qui va prononcer le transfert forc de proprit de la personne priv vers la personne publique et allouer des indemnits la personne prive est un magistrat du TGI, cd un juge judiciaire. - En matire dindemnisation pour les dommages rsultant de certaines servitudes administratives. La personne publique peut imposer des servitudes aux personnes prives, le juge comptent est alors le juge judiciaire. - En matire de rquisition mil En cas de besoin, larme peut rquisitionner des biens qui appartiennent un particulier. La rquisition est encore une atteinte au droit de proprit. Le juge comptent est l encore le juge judiciaire. - Lexercice du droit de premption A chaque vente dun bien qui se situera dans un secteur dtermin, la collectivit est automatiquement avertie et pourra se substituer lacheteur, en exerant ce droit de premption. La collectivit aujourdhui, a la possibilit de prempter des fonds de commerce. Le vendeur ne choisit plus son acheteur, et celui-ci nest plus maitre du prix car celui-ci est fix par la collectivit publique. Toute contestation relve du juge judiciaire, car est en cause ici lexercice dun pouvoir administratif qui touche le droit de proprit.

2/ Les liberts individuellesLes traductions lgislatives du principe concernent principalement deux hypothses : - Le placement doffice en hpital psychiatrique par le prfet dune personne considre comme aline mentale. La personne qui est interne, ou si celle-ci nest pas capable sa famille ou ses proches peuvent saisir le juge pour obtenir quil ordonne la sortie immdiate de la personne concerne si la mesure napparait pas ncessaire. Et alors quil sagit dune mesure du prfet, le juge comptent est le juge judiciaire. Cependant, le juge judiciaire est comptent pour mesurer le bien fond de la mesure dinternement dcide par le prfet, par contre, si ce qui est en compte ce nest pas le bien fond mais la rgularit procdurale de la mesure, ce nest plus le juge judiciaire mais le juge administratif. - Celle de larticle 136 du code de procdure pnale. Au terme de cet article, les tribunaux judiciaires sont toujours exclusivement comptents pour statuer sur les action en DI exerces contre les fonctionnaires, titre personnel, ou contre les collectivits publiques dont ils relvent en raison datteinte porte la libert individuelle ou linviolabilit du domicile. Les hypothses vises ici sont diverse, il sagit aussi darrestation, de dtention arbitraire, de violation de domicile, assignation en rsidence. Alors mme que cest le comportement du fonctionnaire qui est en cause, cest la juge judiciaire qui est comptent. A lorigine, le CE et le TC faisaient une interprtation restrictive de larticle 136 du cpp, en effet, ils considraient que la comptence du juge judiciaire tait limite lvaluation du prjudice subi par la victime et la condamnation du fonctionnaire ou de ladministration incrimine mais que cette comptence judiciaire nincluait pas la possibilit pour de juge dapprcier la lgalit de la mesure en cause. Le TC rend un arrt le 16 novembre 1964 TG, larrt Clment Le CE rend un arrt le 11 janvier 1978, larrt dame veuve Audin Cette jurisprudence a heureusement t abandonne par une dcision du TC du 12 mai 1997, larrt prfet de police de Paris. Il sagissait de deux clandestins qui navaient pas pu dbarquer

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Depuis cette affaire, le juge judiciaire, dans le cadre de larticle 136 du cpp, a une plnitude de juridictions, cd que non seulement, il est comptent pour accorder rparation la victime, mais il est aussi comptent pour apprcier lui mme la lgalit des actes administratifs qui sont lorigine de la privation de libert.

B) Les applications jurisprudentielles du principeEn dehors de tout texte, ce principe a t appliqu par la jurisprudence dans le cas de deux thories :

1/ La thorie de la voie de faitLa notion de voie de fait est apparue en jurisprudence la fin du 19me sicle, spcialement partir de 1890, o elle est frquemment utilise dans les dcisions. Elle a sembl tomber en dsutude au dbut du 20me sicle puis elle est rapparue aprs la 2GM, et a connu ensuite un certain succs dans les annes 90. Ce succs tient au fait que ds quil y a voie de fait, il y a plnitude de juridictions au profit du juge judiciaire pour connaitre dune action de ladministration, le cas chant en rfr. a) la dfinition de la voie de fait Une voie de fait, selon le sens que la jurisprudence a donn cette notion, est une action de ladministration prsentant un caractre gravement illgal et qui porte atteinte la proprit prive ou une libert fondamentale. La dfinition prcise de la voie de fait a t fluctuante en jurisprudence, elle a t dsormais stabilise par une dcision du TC du 19 novembre 2001, larrt Mlle Mohamed dans lequel la police interpelle une personne l'aroport de Roissy qui lui prsente un certificat de nationalit franaise et un passeport franais mentionnant son tat civil. Souponnant une fraude d'identit et de nationalit, la police, en application de l'article 35 quater de l'ordonnance du 2 novembre 1945, confisque Mademoiselle Mohamed son passeport et la place en zone d'attente durant les vrifications, jusqu' ce que, cinq jours plus tard, ce soit le juge dlgu du tribunal de grande instance de Bobigny qui mette fin sa retenue. L'intervention de la police ne dbouchera sur aucune poursuite pnale et son passeport ne lui a pas t remis. Au terme de cette dcision, il y a voie de fait lorsque ladministration, soit a procd lexcution dans des conditions irrgulires dune dcision mme rgulire portant une atteinte grave au droit de proprit ou une libert fondamentale, soit a pris une dcision ayant lun ou lautre de ces effets, si cette dcision est manifestement insusceptible de se rattacher un pouvoir appartenant ladministration. Cette dcision veut dire donc quil y a aujourd'hui deux hypothses principales de voie de fait : - Lexcution irrgulire dune dcision administrative Cest ce que Maurice Hauriou appelait une voie de fait par manque de procdure . Il faut noter quune simple menace dexcution irrgulire, si elle est prcise, peut constituer une voie de fait. - Une dcision qui a des consquences sur une libert fondamentale ou sur le droit de proprit et qui est manifestement insusceptible de se rattacher un pouvoir appartenant ladministration. La rgularit de cette dcision sapprcie par rapport aux pouvoirs qui appartiennent ladministration. Dans les deux cas, il y a certes une irrgularit mais pour que lirrgularit qui est en ca