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UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE FACULTE DE DROIT ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011 1 ère  ANNEE DE CAPACITE DROIT CIVIL Partie I : Introduction générale au droit Les définitions du droit sont nombreuses et complexes. Pour parvenir à le définir, il s’agit de se demander : « à quoi sert le droit ? » , quelles sont ses finalités ? On se rend alors compte que le droit présente de nombreuses fonctions. Il sert aussi bien à attribuer un nom à une personne, à déterminer la propriété d’un bien, à donner un statut aux couples, à organiser la circulation routière, à sanctionner les infractions ou encore à justifier une intervention militaire... Le droit est ainsi un phénomène social. Il répond aux attentes de la société en la dotant de règles destinées à régir son fonctionnement et à organiser les relations de ses membres. L’ensemble de ces règles compose le droit.  Dans un premier sens, le droit est ainsi l’ensemble des règles destiné à organiser la vie en  société et s’imposant au besoin par la contrainte. Cet ensemble se subdivise en différentes catégories : par exemple, le droit français s’oppose aux autres droits étrangers ; le droit civil se distingue du droit pénal ou du commercial, … Ainsi défini, le droit est fait de règles qui concernent chaque personne et ne désignent personne en particulier. Par exemple : la règle posée par l’article 1382 du Code civil : « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Cette règle édicte un principe qui s’applique à tous. Elle est générale, impersonnelle. Elle est considérée objectivement. L’ensemble de ces règles constitue ce que l’on appelle le droit objectif . On envisage la règle de droit pour elle-même, indépendamment de son application aux personnes, autrement dit, en dehors de sa mise en œuvre personnelle. Cependant, cette première signification du mot droit ne suffit pas. Il s’agit de ne pas perdre de vue que la finalité du droit est d’organiser la vie en société, donc de régir les personnes.  Dans un second sens, le droit est donc envisagé de manière plus concrète. Il correspond aux prérogatives individuelles que les personnes ont la possibilité de puiser dans le droit

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  • UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE FACULTE DE DROIT ANNEE UNIVERSITAIRE 2010-2011

    1re ANNEE DE CAPACITE DROIT CIVIL

    Partie I : Introduction gnrale au droit

    Les dfinitions du droit sont nombreuses et complexes. Pour parvenir le dfinir, il sagit de se demander : quoi sert le droit ? , quelles sont ses finalits ? On se rend alors compte que le droit prsente de nombreuses fonctions. Il sert aussi bien attribuer un nom une personne, dterminer la proprit dun bien, donner un statut aux couples, organiser la circulation routire, sanctionner les infractions ou encore justifier une intervention militaire... Le droit est ainsi un phnomne social. Il rpond aux attentes de la socit en la dotant de rgles destines rgir son fonctionnement et organiser les relations de ses membres. Lensemble de ces rgles compose le droit. Dans un premier sens, le droit est ainsi lensemble des rgles destin organiser la vie en socit et simposant au besoin par la contrainte. Cet ensemble se subdivise en diffrentes catgories : par exemple, le droit franais soppose aux autres droits trangers ; le droit civil se distingue du droit pnal ou du commercial, Ainsi dfini, le droit est fait de rgles qui concernent chaque personne et ne dsignent personne en particulier. Par exemple : la rgle pose par larticle 1382 du Code civil : tout fait quelconque de lhomme, qui cause autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arriv le rparer . Cette rgle dicte un principe qui sapplique tous. Elle est gnrale, impersonnelle. Elle est considre objectivement. Lensemble de ces rgles constitue ce que lon appelle le droit objectif. On envisage la rgle de droit pour elle-mme, indpendamment de son application aux personnes, autrement dit, en dehors de sa mise en uvre personnelle. Cependant, cette premire signification du mot droit ne suffit pas. Il sagit de ne pas perdre de vue que la finalit du droit est dorganiser la vie en socit, donc de rgir les personnes. Dans un second sens, le droit est donc envisag de manire plus concrte. Il correspond aux

    prrogatives individuelles que les personnes ont la possibilit de puiser dans le droit

  • objectif. On parle alors des droits subjectifs. Les droits sont considrs du point de vue de leurs titulaires. Pour reprendre lexemple de larticle 1382 du Code civil, cest le droit pour celui qui subit un dommage par la faute dun tiers den demander rparation. Ces deux sens du mot droit ne sopposent pas ; ils sont complmentaires et permettent

    dapprhender le droit dans son ensemble. Nous tudierons donc dans un premier titre, le droit objectif, puis dans un second titre, les droits subjectifs.

  • Titre I : Le droit objectif

    Comme nous lavons dit, le droit objectif englobe lensemble des rgles juridiques qui rgissent la vie en socit. Il sagira donc, dans un premier temps, danalyser ce qui le compose, c'est--dire la rgle juridique, la rgle de droit (Chapitre I). Lorsque sa consistance aura t lucide, il conviendra ensuite dtudier la naissance du droit en prsentant les sources de la rgle de droit (Chapitre II).

    Chapitre I : La rgle de droit

    La rgle de droit a pour objet dorganiser la vie en socit et les relations entre ses membres. Cette conception de la rgle de droit nest cependant pas suffisante. Elle ne permet pas de distinguer la rgle de droit dautres rgles qui ont aussi vocation rgir la vie en socit (la morale, le savoir-vivre, lhonneur, la religion, ). Il va donc sagir dtudier les caractres de la rgle de droit (Section I), ainsi que sa diversit (Section II) afin de voir apparatre la spcificit de cette rgle.

    Section I : Les caractres de la rgle de droit

    La rgle de droit prsente trois caractres principaux : elle est gnrale (1), abstraite (2) et obligatoire (3).

    1 : Le caractre gnral de la rgle de droit

    La rgle de droit est, tout dabord, gnrale quant son contenu. Cette gnralit est rendue ncessaire par un impratif dgalit et de scurit. Lgalit commande que le contenu de la rgle de droit soit le mme pour tous, indpendamment de sa condition sociale ou professionnelle. La loi est la mme pour tous (il existe certaines exceptions en faveur des personnes les plus vulnrables : consommateurs, locataires, salaris,). La scurit impose, quant elle, que le contenu de la rgle de droit ne varie pas selon les particularits de lindividu. Par exemple, lge de la majorit est fix 18 ans pour tous, sans gard la maturit relle de chaque personne.

    La rgle de droit est ensuite gnrale quant aux personnes concernes : lapplication de la

  • rgle de droit est indpendante de la connaissance que lon en a. On dit ainsi que nul nest cens ignorer la loi . Autrement dit, le fait de ne pas connatre la rgle ne fait pas obstacle son application. Evidemment, la masse des rgles juridiques rend totalement irraliste leur connaissance parfaite. Mme les meilleurs juristes ne connaissent pas toutes les rgles. Il sagit seulement dune fiction juridique destine viter que lon puisse chapper la rgle sous prtexte de son ignorance. Ce principe comporte toutefois une attnuation : lerreur de droit (peut tre invoque dans certaines circonstances, notamment en matire pnale).

    La rgle de droit est enfin gnrale dans lespace : elle sapplique de la mme manire sur tout le territoire franais (art. 1 Code civil). Cependant, elle nest pas universelle : elle ne sapplique que sur le territoire franais. Elle va ainsi parfois entrer en conflit avec les droits dautres pays et provoquer des conflits de lois dans lespace qui seront rgls par le droit international priv.

    2 : Le caractre abstrait de la rgle de droit

    La rgle de droit est abstraite en ce quelle est impersonnelle. Elle nest pas destine une personne en particulier. Elle vaut pour toutes les personnes et toutes les choses se trouvant

    dans la situation juridiquement dfinie. Il est ainsi possible denglober une grande varit de situations concrtes dans une seule formule. Si lon reprend lexemple de larticle 1382 du Code civil : tout fait quelconque de lhomme qui cause autrui un dommage , ce fait quelconque pourra tre un coup de poing, comme une rupture de fianailles, Labstraction prsente nanmoins certains inconvnients. Le principal est une invitable rigidit. Elle empche dintgrer des donnes concrtes. Par exemple : le responsable dun dommage, mme sans revenus, doit indemniser la victime, mme riche.

    Ces deux caractres (gnral et abstrait) sont communs la plupart des rgles ; il en va notamment ainsi des rgles morales ou religieuses. Ils ne permettent donc pas didentifier, de reconnatre la rgle de droit. Il existe cependant un troisime caractre propre (cette fois) la rgle de droit : le caractre obligatoire.

  • 3 : Le caractre obligatoire de la rgle de droit

    Toutes les rgles de droit sont obligatoires. Mais toutes ne le sont pas au mme degr. Certaines simposent de manire absolue : on parle de rgles impratives ; dautres de manire relative, on parle de rgles suppltives.

    - les rgles impratives (ou dordre public) : il sagit de rgles auxquelles on ne peut droger mme avec laccord de la personne concerne. Il en est ainsi de la rgle dindisponibilit du corps humain : les conventions de mre porteuses sont prohibes malgr laccord de toutes les personnes intresses.

    - les rgles suppltives de volont : elles ne sappliquent que si les intresss nen ont pas dcid autrement. Si les personnes ont manifest une volont contraire, la rgle est carte. Exemple : les poux ne sont soumis au rgime matrimonial lgal (communaut rduite aux acquts) que sils nont pas manifest leur volont contraire dans le choix dun contrat de mariage. Ces rgles sont proposes et non imposes.

    Lobligation quimpose la rgle de droit revt une importance particulire en ce quelle est sanctionne par lautorit publique. La rgle de droit est assortie dune contrainte tatique. On distingue deux types de sanctions :

    - les sanctions civiles dont certaines imposent lexcution force (expulsion, saisie, astreinte, ), alors que dautres sont orientes vers la rparation et consistent soit en lannulation dun acte irrgulier, soit en lallocation de dommages-intrts venant rparer le prjudice subi par la victime. - les sanctions pnales qui tendent la rpression des infractions : rclusion criminelle, emprisonnement correctionnel, amende, travail d'intrt gnral, annulation du permis de conduire, La sanction est toujours le monopole de lautorit publique. Cest ce quexprime ladage nul ne peut se faire justice lui-mme . Il est ainsi interdit un propritaire de dtruire lui-mme et sans autorisation une construction empitant sur son terrain (exception : il a le droit de couper les racines qui avancent sur son fonds).

    => Parmi les trois caractres principaux de la rgle de droit, seul le caractre obligatoire

  • lui est spcifique et permet de lidentifier. Cette unit de caractre, propre la rgle de droit, cache toutefois une grande diversit de la rgle de droit.

    Section II : La diversit de la rgle de droit

    Puisquelle vise organiser la vie en socit, la rgle de droit ne peut se contenter de rester vague et gnrale. Elle doit prendre en compte le particularisme de diverses situations de la vie sociale pour tre adquate. Les rgles de droit doivent tre adaptes chaque type de situation. Par exemple, le mariage ne peut tre soumis aux mmes rgles que la socit commerciale. La rgle de droit tente donc de se spcialiser. Cette spcialisation se manifeste dabord par la distinction fondamentale entre le droit priv et le droit public (1). Elle se traduit ensuite par la multiplication de droits spciaux, encore appels branches du droit ou subdivisions internes du droit (2).

    1 : La distinction entre le droit priv et le droit public

    Depuis les juristes romains, le droit interne (c'est--dire le droit franais, oppos au DIP) se divise en deux branches : le droit priv et le droit public.

    - le droit priv rgit les rapports, conomiques ou non, des particuliers entre eux. Exemple : le mariage, les contrats de vente, de prt, les successions, Il envisage lindividu. Ses rgles assurent prioritairement la sauvegarde dintrts individuels. Elles sont, le plus souvent, suppltives de volont et non impratives (cf supra). Elles sont sanctionnes par les tribunaux de lordre judiciaire (cf infra). - le droit public vise organiser lEtat et les collectivits publiques et rgir leurs relations avec les particuliers. Il recherche satisfaire lintrt gnral et assure lexercice de la puissance publique. Il est le droit propre lEtat et aux collectivits publiques agissant en tant que puissance publique et investis dun pouvoir de commandement qui les soustrait aux rgles applicables aux particuliers. Exemple : tout le droit de lAdministration. Ses rgles sont, en gnral, impratives. Elles simposent de manire absolue. Elles sont sanctionnes par les tribunaux de lordre administratif (cf infra). Cette distinction du droit priv et du droit public, bien quutile, se rvle cependant insuffisante face la multiplication des subdivisions internes du droit.

  • 2 : Les subdivisions internes du droit ou branches du droit

    On entend par subdivision du droit ou branche du droit , un ensemble autonome et cohrent de rgles de droit, adapt un secteur dtermin dactivits. Si certaines branches du droit entrent, sans trop de difficults, dans lune ou lautre de ces catgories, rvlant leurs subdivisions (A et B), il en est dautres qui participent des deux la fois : les droits mixtes (C).

    A. Les subdivisions du droit public

    Le droit public se subdivise en plusieurs branches :

    - le droit constitutionnel qui dtermine les rgles relatives la forme de lEtat, la constitution du gouvernement et des pouvoirs publics. Sa substance se trouve dans le Constitution et les diffrents textes qui sy rattachent et rgissent les divers organes de lEtat (Chef de lEtat, Gouvernement, Assemble Nationale, Snat, Conseil constitutionnel,).

    - le droit administratif qui rglemente lorganisation des collectivits publiques (Etat, rgions, dpartements, communes, ) et des services publics, ainsi que leurs rapports avec les particuliers.

    - les finances publiques qui noncent les rgles qui gouvernent les dpenses et les recettes des collectivits publiques et, plus particulirement, le budget de lEtat.

    - le droit fiscal qui rgit les diverses impositions destines alimenter le budget de lEtat. - le droit international public qui dsigne les rgles qui gouvernent les rapports intertatiques ainsi que celle qui rgissent les organisations internationales (ONU). Il ne sagit plus dune subdivision du droit public interne mais dune branche du droit public au sens large.

    B. les subdivisions du droit priv

    Pendant longtemps, le droit priv tait seulement constitu du droit civil. Cette branche est la plus ancienne du droit. Elle assure lindividualisation de la personne (nom, domicile, tat civil) et rgit les rapports entre particuliers. Il rglemente ainsi la famille, dans ses aspects

  • patrimoniaux (rgimes matrimoniaux et successions) et extra-patrimoniaux (PACS, mariage, divorce, filiation). Il organise galement la proprit et les diffrents dont une personne peut disposer sur un bien (droit des biens). Il dfinit enfin les rapports dobligations (crance et dette) qui peuvent stablir entre les personnes, soit par un contrat, soit en consquence dun fait gnrateur de responsabilit civile.

    Le domaine du droit civil sest restreint devant lapparition de matires spcialises. Toutefois, il occupe encore une place particulire, puisquil est considr comme le droit priv commun , c'est--dire en principe applicable tous, sauf drogation expresse. Cest, par ailleurs, du droit civil que sont issues la quasi-totalit des notions et des techniques juridiques. A partir du droit civil, se sont dveloppes de nouvelles branches du droit qui se sont peu peu loignes de lui jusqu devenir autonomes. Aujourdhui, le droit civil est le droit qui rgit les rapports entre particuliers, mais seulement tant quils ne sont pas trop spcifiques

    (commerciaux, industriels, ruraux, sociaux, ). Ds lors que les rapports entre individus se spcialisent, ils sont rgis par des branches du droit spcialises. Ces branches du droit se prsentent comme des dmembrements du droit civil.

    Parmi elles, le droit commercial : cette branche du droit est apparue lorsque, sur linitiative de Colbert, furent codifies en 1673 les rgles relatives au commerce. Elle rgit les oprations commerciales et les rapports entre commerants. Cette branche du droit se subdivise elle-mme en matires plus spcialises, telles que le droit des transport, le droit des socits, le droit bancaire ou encore le droit de la proprit intellectuelle (proprit industrielle + proprit littraire et artistique).

    Deuxime dmembrement du droit civil : le droit rural qui runit lensemble des rgles qui organisent lespace foncier agricole (remembrement) et celles qui permettent lexploitation agricole.

    Troisime dmembrement : le droit social qui nest devenu une branche du droit autonome quau 20 sicle. Lui aussi se dcompose. Il comporte le droit du travail, qui rgit les relations individuelles et collectives de travail, et le droit de la Scurit Sociale.

    Si ces diffrentes branches du droit ont pu tre rattaches soit au droit public, soit au droit priv, dautres ne peuvent tre classes parmi lune ou lautre de ces catgories. On parle

  • alors de droits mixtes .

    C. Les droits mixtes

    Constitue un droit mixte, toute branche du droit compose partiellement de rgles de droit priv, partiellement de rgles de droit public.

    Le droit pnal figure comme lun des plus importants de ces droits. Il dfinit les infractions et fixe les sanctions applicables leurs auteurs. LEtat joue en cette matire un rle important. Les infractions sont dtermines en fonction de lintrt gnral et cest la puissance publique qui a la matrise de la sanction. La victime nest pas autorise se venger elle-mme. Elle doit recourir la puissance publique. Par ces aspects, le droit pnal se rapprocherait donc du droit public. Pourtant, il a longtemps t rattach au droit priv. On considre que le droit pnal protge, au moins pour partie, certains intrts privs. Par exemple, lorsquun vol est commis, plus que la socit dans son ensemble, cest le particulier et son droit de proprit qui ont t atteints par linfraction. Devant cette ambivalence, on considre aujourdhui que le droit pnal est un droit mixte. Il en va de mme du droit processuel (c'est--dire du droit du procs). Cette branche du droit regroupe trois matires qui visent organiser la justice ; plus prcisment qui posent les rgles relatives la comptence et au fonctionnement des diffrentes juridictions. Il sagit de la procdure civile, de la procdure pnale et de la procdure administrative. Chacune de ces procdures dtermine lorganisation et la comptence de leurs tribunaux respectifs et rgle le droulement des procs caractre civil, pnal ou administratif. La procdure civile et la procdure administrative se rapprochent en ce que les parties au procs civil ou au procs administratif ont la matrise de celui-ci : elles seules ont le pouvoir de saisir le juge ou de se dsister. A linverse, au pnal, cest en principe lEtat, reprsent par le Procureur de la rpublique, qui dcide des poursuites au nom de lintrt gnral. Toutefois, les procdures pnales et administratives ont en commun de rgler des litiges auxquels lune des parties est une personne publique, souvent lEtat lui-mme. Face une telle complexit, le droit processuel est considr comme un droit mixte.

    Tel est encore le cas du droit international priv. Cette branche du droit vise rgler les conflits de lois dans lespace. Par exemple : quelle est la rgle de droit applicable un contrat conclu en Allemagne entre un anglais et un franais ou encore au divorce de deux

  • marocains rsidant en France ? Puisquelle dtermine ltendue de lapplication de la loi franaise dans les rapports entre particuliers, cette branche du droit semble incontestablement ressortir du droit priv. Cependant, le droit international priv a galement pour fonction de fixer les conditions dattribution de la nationalit franaise. En ce sens, elle est domine par des proccupations tatiques qui la rapprochent du droit public.

    Cette mixit se retrouve enfin dans le droit communautaire ou droit de lUnion Europenne qui rassemble les textes des diffrents traits ayant particip la cration de lUnion europenne (trait de Rome, trait CECA, trait de Maastricht, ). Cet ensemble de textes relve la fois du droit public en ce quil prcise notamment le fonctionnement des organes de lUnion europenne (le Conseil de lEurope, la Cour de Justice,) et du droit priv en ce quil rglemente les changes conomiques entre les personnes prives lintrieur de lUnion europenne.

    => cette multiplication des branches du droit tmoigne plus largement de la multiplication des rgles de droit dans la socit contemporaine. Ce phnomne tient deux causes : dune part, la promotion de lEtat de droit comme valeur dmocratique. LEtat sest oblig mettre en uvre et respecter de plus en plus de droits. Dautre part, la multiplication des changes conomiques. Les relations se sont diversifies et complexifies, rendant ncessaire lintervention du droit pour rgir chaque nouveau type dactivit. On peut alors sinterroger sur la valeur du principe selon lequel nul nest cens ignor la loi . Il semble en effet, quaujourdhui plus que jamais, le droit ne puisse tre matris que par un spcialiste.

    Chapitre II : Les sources de la rgle de droit

    Connatre les diffrentes sources du droit est encore plus essentiel que connatre les rgles de droit elles-mmes, car on croit souvent que tout le droit se trouve dans la loi, ce qui est largement faux.

    En ralit, le droit se trouve dans une multitude de textes diffrents, mais aussi dans la coutume, dans la jurisprudence ou encore dans la doctrine. Il faut donc analyser quelles sont les diffrentes sources qui peuvent donner naissance une rgle de droit, en distinguant

  • les sources textuelles (Section I) et les sources non-textuelles (Section II).

    Section I : Les sources textuelles

    Parmi les sources textuelles, on retrouve les textes suprieurs la loi (1), la loi (2) et les textes infrieurs la loi (3).

    1 : Les textes suprieurs la loi

    Il existe deux sortes de textes qui ont une valeur suprieure la loi : la Constitution (A) et les traits internationaux (ou conventions internationales) (B).

    A. La Constitution

    La Constitution est le texte fondateur de tout Etat dmocratique. Aujourdhui, la France vit sous le rgime de la Constitution de la 5me Rpublique, adopte en 1958. Dans ce texte, on trouve un nombre restreint de rgles qui concernent essentiellement lorganisation des institutions publiques. La Constitution de la 5me Rpublique comprend galement la Dclaration des droits de lhomme de 1789. Ce qui signifie que cette dclaration des droits de lhomme a la mme valeur que la Constitution. Une juridiction spciale, le Conseil constitutionnel, est charge de contrler la conformit des lois avec la Constitution. Si une loi ny est pas conforme, elle sera annule par le Conseil constitutionnel (ex : loi sur la dduction fiscale des prts immobiliers). Juste aprs (juste en dessous) de la Constitution arrivent les traits internationaux.

    B. Les traits internationaux

    On peut distinguer trs rapidement les accords internationaux et le droit europen, encore appel droit communautaire ou droit de lUnion europenne, que lon a dj voqu. Les accords internationaux sont passs entre deux ou plusieurs Etats. Larticle 55 de la Constitution leur accorde expressment une autorit suprieure celle de la loi. Il existe une infinit daccords internationaux entre diffrents pays. Les plus importants sont signs par un trs grand nombre dEtats et imposent alors un droit uniforme dans le monde entier. On peut ainsi citer la Convention de Vienne (11 avril 1980) sur les Contrats internationaux de

  • vente de marchandise. Ds quun contrat est pass entre commerants de deux pays trangers portant sur la vente de marchandises, les droits nationaux ne sappliquent plus ; il faut se rfrer la convention pour savoir notamment comment rdiger le contrat.

    Le droit communautaire : il gouverne les relations conomiques au sein de lunion europenne et est compos de lensemble des traits europens. Le trait fondateur est le trait de Rome de 1957 qui a cr la Communaut Economique Europenne. Ont suivi les traits de Maastricht (1992), dAmsterdam (1997) et, plus rcemment, de Nice (2001). Le droit communautaire, cest avant tout un droit du commerce et de lentreprise. Il a pour objet dassurer la libre circulation des personnes des biens et des capitaux au sein de lUnion. Il a progressivement permis la disparition des droits de douanes et des mesures de protectionnisme conomique entre Etats de lunion. Aujourdhui, tout habitant dun des Etats de lunion peut librement exercer sa profession dans un autre Etat sans avoir besoin dun visa, dun permis de travail ou autre. Pour avoir autorit sur le sol franais, les accords internationaux et le droit communautaire doivent, avoir t ratifis par le Prsident de la Rpublique. Pour ce faire, ils doivent imprativement tre conformes la Constitution. Ces textes ont, par consquent, une valeur

    infrieure celle de la Constitution, mais suprieure celle de la loi.

    2 : La loi

    Le mot loi a plusieurs sens. Au sens large, la loi sentend de toute rgle crite manant de lautorit publique et qui prsente un caractre gnral, impersonnel et obligatoire. La notion de loi englobe alors des textes dorigines diverses : la Constitution, les lois organiques, les lois au sens strict, les rglements, les traits internationaux et le droit communautaire. On parle dans ce cas de la Loi (avec un grand L !). Au sens troit du mot, la loi est un texte adopt par le Parlement (Assemble Nationale/Snat).

    Aprs avoir tudi son laboration (A) et son entre en vigueur (B), nous prsenterons le mcanisme de labrogation (C), ainsi quune classification des diffrentes catgories de lois existantes (D).

  • A. Llaboration de la loi

    La loi se forme en plusieurs tapes : 1. Le processus dbute gnralement par une mission denqute confie, par des Parlementaires ou des ministres, des spcialistes dune question prcise sur laquelle une rforme parat ncessaire. A la suite de cette mission, le spcialiste rend un rapport crit qui sera, sil est retenu, transform en projet de loi (texte linitiative du gouvernement) ou en proposition de loi (texte linitiative du parlement).

    2. Le projet ou la proposition de loi est successivement discut par lAssemble Nationale (AN) et par le Snat. Il y a navette entre les deux chambres avec modifications du texte par amendements de part et dautre.

    3. La navette prend fin lorsque lAN adopte en termes identiques le texte vot en dernier lieu par le Snat. A dfaut daccord entre lAN et le Snat, larticle 45 de la Constitution prvoit la runion dune commission mixte paritaire (compos dautant de dputs que de snateurs). Si aucun consensus ne parvient tre trouv, cest lAssemble Nationale qui a le dernier mot (exemple : la loi du 11 juillet 1975 sur le divorce). La loi est alors adopte. Il peut ensuite y avoir saisine du Conseil Constitutionnel pour vrifier sa conformit la Constitution (cf votre cours de Droit Constitutionnel). Si elle est juge conforme, elle pourra alors entrer en vigueur.

    B. Lentre en vigueur de la loi

    Lentre en vigueur de la loi suppose que soient remplies deux conditions : sa promulgation et sa publication.

    - la promulgation de la loi : il sagit dune prrogative du Prsident de la Rpublique. Elle intervient dans les 15 jours qui suivent le vote de la loi par le Parlement. Elle donne force juridique la loi adopte. La signature du Prsident et des ministres concerns en fin du texte de loi lui confre valeur officielle. On dit alors que la loi a force excutoire.

    - la publication de la loi : la publication est ralise au Journal officiel, la fois sur support papier et sur support lectronique (lgifrance). Toute personne a gratuitement accs cette information.

  • La loi qui remplit ces conditions entrera en vigueur, la date quelle fixe ou, dfaut, le lendemain de sa publication. Ladage nul nest cens ignor la loi prend ici tout son sens.

    La loi restera en vigueur jusqu son abrogation.

    C. Labrogation de la loi

    Une loi est abroge lorsquil est dcid quelle disparaisse pour lavenir. Seul le Parlement a ce pouvoir et seul un texte dune valeur gale ou suprieure peut abroger une loi. Labrogation est un mcanisme frquent, puisquelle intervient chaque fois quune nouvelle loi est adopte. La loi nouvelle remplace la loi ancienne (entirement ou partiellement).

    Il existe plusieurs types de lois, quil est cependant possible de classifier.

    D. La classification des lois

    Il y a tout dabord, les lois constitutionnelles : elles modifient la Constitution et ont une valeur gale celle de la Constitution ;

    Viennent ensuite, les lois organiques : ces lois prcisent les modalits dorganisation et de fonctionnement des pouvoirs publics. Par exemple : les lois qui rglementent le statut de la magistrature. Elles sont adoptes par le Parlement selon une procdure particulire puisquil est ncessaire de consulter le Conseil constitutionnel. Elles ont une valeur infrieure la Constitution, quelles doivent respecter, mais une valeur suprieure celle des lois ordinaires.

    Les lois ordinaires reprsentent la trs grande majorit des lois. En plus des lois entendues au sens strict du terme (cf supra), cette catgorie contient les lois rfrendaires, adoptes directement par lensemble des citoyens, et les ordonnances de larticle 16 de la Constitution, prises par le Prsident de la Rpublique dans les situations de crise (renvoi au cours de Constit).

    Aprs les textes suprieurs la loi et la loi au sens strict, voyons prsent les textes

    infrieurs la loi.

  • 3 : Les textes infrieurs la loi

    Les textes ayant une valeur infra-lgislative sont regroups sous lappellation

    rglements .

    Parmi ces textes rglementaires, on trouve tout dabord les dcrets qui manent de lautorit gouvernementale (gnralement du Premier ministre, plus rarement du Prsident de la Rpublique) ; ensuite, les arrts ministriels ou interministriels qui proviennent dun ou plusieurs ministres agissant dans leur domaine ; et enfin, les arrts prfectoraux et municipaux qui sont le fait des prfets et des maires.

    Tous ces textes sont des rglements dapplication (qui prcisent les modalits de lapplication dune loi). Ils sont donc subordonns aux lois dont ils servent lexcution.

    On trouve encore parmi les textes rglementaires, les ordonnances (ou rglements lgislatifs) qui sont des rgles prises par le gouvernement dans une matire qui relve du pouvoir lgislatif (exemple : ordonnance portant rforme du droit de la filiation).

    Ces textes doivent tous tre conformes aux textes qui leur sont suprieurs, c'est--dire aux lois, mais galement la Constitution, aux traits internationaux et au droit communautaire. Si le contrle de constitutionnalit de la loi incombe au Conseil constitutionnel, le contrle de lgalit des rglements incombe au Conseil dEtat (sur ses modalits, cf cours de constit). => ces diffrents textes sont hirarchiss (hirarchie de la norme) : ceux des catgories infrieures sont subordonns et doivent tre conformes ceux des catgories suprieures. Apparat ainsi une pyramide lgislative plusieurs degrs : au sommet, les textes valeur constitutionnelle ; juste en dessous, les traits internationaux, ensuite, les textes valeur lgislative et, enfin, les textes valeur rglementaire.

    A cette liste des sources textuelles de la rgle de droit sajoute encore celle des sources non-textuelles.

    Section II : Les sources non-textuelles

    Il existe trois sources non-textuelles de la rgle de droit : la coutume (1), la

  • jurisprudence (2) et la doctrine (3).

    1 : La coutume

    La coutume est sans doute la plus ancienne source de droit. Puisquil ny a pas de socit sans droit, les premires socits de lAntiquit, ndictant pas encore de lois, taient rgies par des rgles de droit dcoulant des usages. Quand un usage est devenu suffisamment ancien, constant et rgulier, les hommes en viennent considrer quil doit tre obligatoirement suivi ; on est alors en prsence de ce que lon appelle une coutume. Celle-ci peut donc tre dfinie comme une pratique habituellement suivie et considre comme normale, dans un milieu ou une profession donn. Pour devenir une coutume, lusage doit remplir plusieurs conditions :

    - il faut, tout dabord, que lusage soit largement rpandu dans un milieu social ou dans une profession.

    - il faut ensuite que lusage soit constant, rgulirement suivi et quil soit ancien. Do lexpression une fois nest pas coutume .

    - il est enfin ncessaire que lusage soit considr comme obligatoire par la population qui le suit.

    Exemple de coutume : lpouse qui prend le nom de son mari (coutume ayant aujourdhui fait lobjet dune transcription dans le Code civil) ou encore le fait quentre commerants la rgle est de facturer les prix HT.

    Les usages ne doivent donc pas tre confondus avec la coutume : un usage peut devenir une coutume (sil remplit les conditions vues supra). Mais, un usage peut aussi rester au stade de lusage et ne pas se transformer en coutume (exemple : les usages mondains, les rgles du savoir-vivre,). En dautres termes, lusage est la base de la coutume, mais il ne suffit pas la constituer.

    La coutume se distingue galement des sources textuelles du droit, puisque la coutume se forme progressivement, par lhabitude, et nest pas transcrite. Celui qui linvoque va cependant devoir la prouver (alors que la loi est cense tre connue des juges et na pas tre prouve).

  • Lorsque la coutume est contraire la loi, la loi lemporte.

    La coutume constitue donc une source non-textuelle de la rgle de droit. Il en va de mme de la jurisprudence.

    2 : La jurisprudence

    Le mot jurisprudence a plusieurs sens : Au sens large, il dsigne lensemble des dcisions rendues par les juridictions : cest la jurisprudence1. Il sagit des rgles de droit qui manent les juridictions. Dans un sens plus troit, le terme jurisprudence dsigne la solution habituellement donne par les juridictions ou lune dentre elles un problme de droit particulier : il sagit dune jurisprudence. La jurisprudence est alors une faon habituelle de juger dans tel ou tel sens. Cest lhabitude prise par les juridictions dappliquer une rgle de droit. Exemple : la jurisprudence de la Cour dappel de Grenoble en matire de divorce pour faute. Dans tous les cas, la jurisprudence mane des juridictions. Il est donc ncessaire de prsenter, dans un premier temps, lorganisation juridictionnelle (qui en rendant les dcisions de justice est lorigine de la jurisprudence) (A), avant de prciser, dans un second temps, le rle de la jurisprudence (B).

    A. Lorganisation juridictionnelle

    Dans les civilisations primitives, la population se rendait justice elle-mme. Il sagissait du systme de la justice prive. La victime ou ses proches exerait un droit de vengeance, aide par son clan. cette priode a ensuite succd celle de larbitrage o les adversaires sentendaient pour soumettre leur litige un arbitre charg de rgler la question. Puis, larbitrage a t remplac par la justice tatique ou publique rendue par les juridictions de lEtat (larbitrage demeure aujourdhui, mais occupe une place rsiduelle). Seule lautorit publique est habilite faire respecter les droits particuliers, c'est--dire rendre la justice. Tel est le sens de ladage nul ne peut se faire justice soi-mme . Les juridictions franaises qui sont charges de dire le droit sont trs diversifies. Nous tudierons successivement les diffrents ordres de juridictions.

    1 B. Petit, n 75.

  • 1). Lordre constitutionnel Trois juridictions relvent de cet ordre. La premire juridiction est la Haute Cour de Justice : cette juridiction a pour fonction de juger les actes accomplis par le Prsident de la Rpublique en cas de haute trahison. Celui-ci ne peut tre mis en accusation que par lAssemble Nationale en accord avec le Snat ( la majorit absolue de leurs membres). Cette Cour se compose de 24 juges, lus pour moiti par lAssemble Nationale et, pour lautre moiti, par le Snat.

    La deuxime juridiction de cet ordre est la Cour de Justice de la Rpublique : celle-ci a pour fonction de juger les actes accomplis par les membres du gouvernement dans lexercice de leurs fonctions et qualifis crimes ou dlits au moment o ils ont t commis. Elle comprend 15 juges, dont 12 parlementaires et 3 juges de la Cour de cassation. La troisime et dernire juridiction prenant place dans cet ordre est le Conseil constitutionnel. Institu par la Constitution de 1958, il comprend 9 membres (les neuf sages ) dont le mandat dure 9 ans non renouvelables. Cette juridiction se renouvelle par tiers tous les trois ans : trois de ses membres sont nomms par le Prsident de la Rpublique, trois par le Prsident de lAssemble Nationale et trois par le Prsident du Snat. Tous les anciens Prsident de la Rpublique en sont membres de droit. Le prsident du Conseil constitutionnel est nomm par le Prsident de la Rpublique. Le Conseil se prononce sur la

    compatibilit dun trait la Constitution, sur la conformit des lois la Constitution avant leur promulgation ou encore sur la rgularit des lections du Prsident de la Rpublique ou des dputs ou des snateurs. Il ne peut tre saisi que par le Prsident de la Rpublique, le Premier ministre, le Prsident de lAssemble Nationale, le Prsident du Snat ou soixante dputs ou soixante snateurs. Le simple justiciable ne possde donc pas la facult de saisir le Conseil.

    2). Lordre administratif

    La naissance de lordre administratif repose sur le principe de sparation des autorits administratives et des autorits judiciaires pos par la loi des 16 et 24 aot 1790. En interdisant aux juges de connatre des actes de lAdministration, cette loi a suscit lapparition de juridictions administratives.

  • Ces juridictions sont comptentes pour trancher les litiges dans lesquels lAdministration se trouve implique loccasion de son action de puissance publique. Elles appliquent alors les rgles du droit public adaptes lAdministration. Les juridictions de cet ordre sont hirarchises.

    a). Les tribunaux administratifs

    Le tribunal administratif est le premier degr de juridiction en matire administrative. Il est comptent pour connatre, au premier degr, de tous les litiges relevant des juridictions administratives, c'est--dire impliquant lAdministration. Ces tribunaux sont composs de conseillers et non pas de juges , recruts par lEcole Nationale dAdministration (lENA). Lun des conseillers remplit la fonction de commissaire du gouvernement, lquivalent du ministre public devant les juridictions judiciaires (cf infra). Les tribunaux administratifs rendent des jugements . Ces jugements sont labors par trois conseillers au moins. La rgle est donc celle de la collgialit. Les jugements de ces tribunaux sont susceptibles dun appel port, en principe, devant la Cour administrative dappel.

    b). Les Cours administratives dappel

    Cette juridiction a t cre en 1987 afin de dcharger le Conseil dEtat dune partie de sa tche. Il existe actuellement 8 Cours administratives dappel tablies Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris et Versailles. Elles sont comptentes pour connatre

    des appels forms contre les jugements rendus par les tribunaux administratifs de leur ressort. Elles sont organises de la mme manire que les tribunaux administratifs, ceci prs quelles sont prsides par un conseiller dEtat. Comme toutes les Cours, elles rendent des arrts et non plus des jugements .

    c). Le Conseil dEtat

    Le Conseil dEtat est situ au sommet de lordre administratif. Il sagit dune juridiction unique, sigeant Paris. Il est prsid par le Premier ministre, en son absence par le garde des Sceaux mais, en pratique, par son vice-prsident. Il est compos, par ordre hirarchique croissant, des auditeurs, des matres des requtes et des conseillers dEtat. Les commissaires du gouvernement y joue le rle du ministre public. Aucun de ses membres nest magistrat. Ils sont plutt issus de lENA. Le Conseil dEtat a des attributions diverses au sein de lordre administratif (cf cours constit) mais il est surtout le juge de cassation de cet ordre. Son rle est presque identique celui de la Cour de cassation. Il tudie les

  • pourvois, quil peut ventuellement casser et renvoyer une autre juridiction du second degr (Cour administrative dappel). Contrairement la Cour de cassation, il peut rgler lui-mme laffaire au fond lorsquil lestime ncessaire. Le Conseil dEtat rend des arrts .

    => Lordre administratif se dcompose en trois degrs : le tribunal administratif au premier degr, la Cour administrative dappel au second et, enfin, le Conseil dEtat au sommet ; les dcisions du premier degr tant susceptibles dun recours devant celles du deuxime et les deuximes pouvant tre contestes devant le troisime.

    3). Lordre judiciaire Tout comme lordre administratif, lordre judiciaire prsente, sur le plan vertical, laspect dune pyramide : la base, les tribunaux ; au second degr, les Cours dappel et au sommet, une juridiction unique, la Cour de cassation. Sur le plan horizontal, cet ordre est rparti selon la nature des questions traiter. Il comprend ainsi deux types de juridictions : les juridictions civiles (a) qui tranchent des litiges entre particuliers et les juridictions pnales (b) qui opposent lEtat des personnes aux auteurs dinfractions.

    a). Les juridictions civiles

    La formule juridictions civiles prsente une double signification. Au sens strict, elle dsigne seulement les juridictions statuant en matire civile. Au sens large, elle comprend toutes les juridictions de lordre judiciaire, lexception des juridictions pnales. Par exemple, le tribunal de commerce est une juridiction civile au sens large, mais non au sens strict. Nous allons ici nous intresser aux juridictions civiles au sens strict, mais aussi au sens large du terme, en tudiant, ici aussi, les trois degrs de juridictions.

    ). Les juridictions de premire instance ou du premier degr Le Tribunal de grande instance (TGI) occupe une place particulire dans lordre judiciaire. Il sagit en effet de la juridiction de droit commun, c'est--dire quelle a vocation connatre de tous les litiges civils auxquels la loi na pas expressment donn un autre juge. En tant que juridiction de droit commun, il a donc une comptence gnrale en toute matire, sauf exceptions fondes sur la nature de laffaire (exemple : les affaires commerciales relvent du tribunal de commerce), ou sur limportance de laffaire : ce tribunal nest, en effet, comptent que pour les litiges dont la demande est suprieure

  • 10.000 euros. Il a, par ailleurs, une comptence exclusive dans certaines matires, telles que ltat des personnes, les successions, les rgimes matrimoniaux, la proprit immobilire et les actions possessoires.

    Il est compos de magistrats professionnels. Les jugements sont en principe rendus par trois magistrats ; il sagit donc dune juridiction collgiale (et non pas statuant juge unique). Le Tribunal dinstance (TI) est compos de magistrats professionnels. Le tribunal dinstance prsente deux particularits. La premire est quil statue juge unique : ce nest donc pas une juridiction collgiale. La seconde est que devant lui la reprsentation nest pas obligatoire, c'est--dire que les parties peuvent se passer dun avocat. Il a, par ailleurs, comme le TGI, une double comptence : tout dabord, une comptence exclusive dans certaines matires, comme le bail dimmeuble. Il a ensuite une comptence gnrale pour connatre des litiges civils, mais cette comptence est partage avec le TGI : le tribunal dinstance ne connat en effet que des affaires dont le montant de la demande est infrieur 10 000 euros. Il est le juge des petites affaires civiles . Sa comptence gnrale est galement partage avec la juridiction de proximit, comptente pour les demandes dun montant infrieur ou gal 4000 euros. La juridiction de proximit est une juridiction rcente puisquelle a t cre en 2002 pour dsengorger les tribunaux dinstance. Elle statue galement juge unique. Elle est compose de magistrats non professionnels recruts, pour 7 ans non renouvelables, parmi les personnes justifiant de diplmes ou de comptences juridiques. Elle est comptente pour connatre de tout litige civil dont le montant de la demande est infrieur ou gal 4000 euros.

    Ces trois juridictions peuvent tre considres comme des juridictions de premire instance, civiles au sens strict du terme ; elles ne sont, en effet, comptentes que pour des litiges concernant le droit civil. Il sagit prsent denvisager les juridictions, toujours de premire instance mais civiles au sens large du terme.

    Le Tribunal de commerce est comptent pour connatre des affaires commerciales (exemple : litiges entre commerants ou associs dune socit ou encore procdures de faillite des entreprises). Il est compos de commerants lus par leurs pairs (dautres commerants).

  • Le Conseil des prudhommes est la juridiction comptente pour connatre des litiges ns loccasion dun contrat de travail. Il sagit dune juridiction mixte, compose pour moiti de reprsentants des salaris et, pour moiti, de reprsentants des employeurs. La prsidence de cette juridiction alterne chaque anne entre les employeurs et les salaris. Mais, le prsident nayant pas de voix prpondrante, cest un magistrat professionnel, le juge dinstance (juge dpartiteur), qui est appel trancher en cas dgalit des votes. Le Tribunal paritaire des baux ruraux est comptent pour trancher les litiges ns loccasion dun bail rural. Il sagit dune juridiction dite chevinale, c'est--dire compose de magistrats professionnels et de magistrats non-professionnels. Ce tribunal est, en effet, prsid par un juge dinstance, entour pour moiti de reprsentants des bailleurs (propritaires) et, pour lautre moiti, de reprsentants des locataires.

    Le Tribunal des affaires de Scurit sociale est, quant lui, comptent pour connatre des litiges relatifs lapplication de la lgislation de la Scurit sociale. Il est, lui-aussi, prsid par un juge du tribunal dinstance entour de reprsentants des salaris, de reprsentants des employeurs et de reprsentants des travailleurs non salaris.

    ). La juridiction unique du second degr : la Cour dappel Toute personne ayant perdu son procs en premire instance a la possibilit de faire juger une deuxime fois son litige devant une autre juridiction. Cest le principe du double degr de juridiction. Cette juridiction du second degr est la Cour dappel. Elle connat de tous les appels forms contre les jugements rendus par les juridictions du premier degr. La Cour dappel est une juridiction collgiale, compose de magistrats professionnels ( conseillers ) rpartis en chambres spcialises : chambres civiles, chambre sociale, chambre commerciale, Elle rend des arrts . Il existe 30 Cours dappel en mtropole et 5 en outre-mer.

    Lappel produit deux effets : - tout dabord, leffet suspensif : le premier jugement nest pas excut tant que la Cour dappel ne sest pas prononce. - ensuite, leffet dvolutif : lintgralit du litige est dvolu la Cour dappel (en fait et en droit). Les parties ne peuvent toutefois pas soumettre la Cour des demandes nouvelles, non formules en premire instance.

    ). La juridiction suprme : la Cour de cassation

  • La Cour de cassation est la juridiction qui occupe le sommet de lordre judiciaire. Elle sige Paris. Elle est divise en six chambres (trois pour les matires civiles au sens strict, une chambre commerciale, une chambre sociale et une chambre criminelle pour la matire pnale). Elle est compose de magistrats professionnels (les conseillers la Cour de cassation).

    Cette Cour nest pas un troisime degr de juridiction. En effet, elle ne juge pas une troisime fois le litige, aprs le tribunal et la Cour dappel. Elle ne procde pas un nouvel examen des faits. Elle se contente de vrifier si dans la dcision attaque (celle de la Cour dappel), la rgle de droit a t correctement applique. Contrairement aux juges de premire instance et ceux de la Cour dappel, les juges de la Cour de cassation sont juges du droit et non du fait. Cette juridiction a ainsi une mission rgulatrice : elle cherche viter quune mme rgle de droit soit applique de faon diffrente Grenoble ou Bordeaux. Elle uniformise les solutions locales donnes par les juges du fond (premire instance et appel). Elle ne donne cependant pas de solution concrte au litige. Si elle considre que le droit na pas t correctement appliqu, elle ne peut que casser la dcision, cest--dire lannuler et renvoyer devant les juges du fond pour quil soit nouveau statu sur la question. Elle rend des arrts .

    La Cour de cassation est saisie par un pourvoi en cassation , form gnralement linitiative du plaideur (le pourvoi peut aussi tre form par le Procureur gnral prs la Cour de cassation).

    La Cour de cassation peut galement tre saisie dune demande davis manant des juges du fond, lorsquils sont confronts une question de droit nouvelle et posant de grosses difficults. Lavis ne lie cependant pas la juridiction qui la demand.

    b). Les juridictions pnales

    Les juridictions pnales ne se distinguent pas fondamentalement des juridictions civiles. Elles sont composes de magistrats appartenant au mme corps. Elles ne sont, le plus souvent, que la version pnale des juridictions civiles. Le tribunal correctionnel constitue ainsi la formation pnale du tribunal de grande instance. Il est comptent pour juger les dlits, c'est--dire les infractions punies dune

  • peine demprisonnement et/ou dune amende suprieure ou gale 3750 euros.

    Le tribunal de police est ainsi le tribunal dinstance statuant au pnal. Il est comptent pour juger les contraventions, c'est--dire les infractions punies dune amende infrieure ou gale 3000 euros.

    La juridiction de proximit est, quant elle, comptente pour les contraventions les moins graves.

    Les dcisions rendues par ces diffrentes juridictions sont susceptibles dappel devant la chambre des appels correctionnels, chambre spcialise de la Cour dappel.

    Les pourvois sont ensuite forms devant la chambre criminelle de la Cour de cassation.

    Outre ces rapprochements possibles avec les juridictions civiles, les juridictions pnales prsentent tout de mme quelques spcificits. Il existe en matire pnale deux juridictions qui nont pas leur quivalent en matire civile.

    Tout dabord, la Cour dassises. Il sagit dune juridiction qui se runie de temps autre pour juger les crimes (infractions punies de la rclusion criminelle perptuit ou temps. Exemple : le meurtre ou le viol). Elle est compose de trois magistrats professionnels et de neuf jurs tirs au sort parmi la population. Un appel contre ses dcisions est possible devant une autre Cour dassises, dsigne par la chambre criminelle de la Cour de cassation.

    Autres juridictions spcifiques la matire pnale : les juridictions dinstruction. Plus prcisment, le juge dinstruction est un magistrat du tribunal de grande instance charg dinstruire charge et dcharge les infractions qui lui sont soumises. Ses dcisions sont susceptibles dappel devant la chambre de linstruction, chambre spcialise de la Cour dappel.

    Aprs lordre constitutionnel, lordre administratif et lordre judiciaire, voyons prsent le tribunal des conflits.

    4). Le Tribunal des conflits Comme son nom lindique, cette juridiction est appele trancher les conflits de comptence entre les juridictions de lordre administratif et celles de lordre judiciaire. Elle est compose de huit membres : trois conseillers la Cour de cassation, trois conseillers dEtat et deux autres membres dsigns par les six prcdents (un conseiller la Cour de cassation et un conseiller dEtat). Elle est prside par le Ministre de la Justice.

  • Ltude de toute cette organisation juridictionnelle va, prsent, nous permettre de mieux cerner le rle de la jurisprudence.

    B. Le rle de la jurisprudence

    1). La notion de jurisprudence Imaginons quune question de droit se pose devant le tribunal de commerce : quelle rgle appliquer un pharmacien qui est en procs avec un laboratoire pharmaceutique ? Le pharmacien exerce une profession mdicale, donc une profession civile. On devrait lui appliquer le droit civil. Mais dun autre ct, ce pharmacien exerce des actes de commerce (sa profession est proche de celle dun picier). Il achte des produits pour les revendre. Le tribunal de commerce dcide que lactivit est civile. Cette dcision narrange pas le pharmacien qui voudrait bnficier de certains privilges accords aux commerants par le droit commercial. Il fait donc appel de la dcision. Le jugement est rform (infirm) en appel qui dcide que le pharmacien est un commerant.

    Insatisfait, cette fois-ci, cest le laboratoire pharmaceutique qui se pourvoit en cassation. La Cour de cassation (chambre commerciale) examine laffaire et considre aprs rflexion que les pharmaciens sont commerants (cest une dcision du 25 mai 19052). Si un nouveau tribunal est saisi de la mme question, il connatra dsormais la solution de la Cour de cassation. Il sait donc que sil prend une dcision inverse, son jugement sera remis en cause, soit par la Cour dappel, soit, en toute hypothse, pas la Cour de cassation. En dcidant que le pharmacien est un commerant, la Cour de cassation pose donc une rgle nouvelle, qui navait pas t prcise par la loi, et qui simpose dsormais toutes les juridictions franaises. Cette rgle nouvelle constitue la jurisprudence nationale. Outre la jurisprudence de la Cour de cassation, il existe galement des jurisprudences rgionales, celles des Cours dappel, ainsi que des jurisprudences locales, celles des tribunaux de premire instance. En effet, toutes les questions ne sont pas tranches par la Cour de cassation. Ds lors, si votre affaire doit tre juge par le tribunal de commerce de Grenoble, et que cette juridiction a dj jug une affaire similaire, il est probable quelle suive sa prcdente dcision. Il est

    2 Cass. crim. 25 mai 1905, DP , 1905, 1, p. 399.

  • donc possible de prvoir lavance quelle sera la dcision du juge sil sest dj prononc sur la question.

    La notion de jurisprudence tant dsormais prcise, il sagit dtudier la porte des rgles quelle dgage.

    2). La porte de la jurisprudence Nous avons prcdemment vu quil existe un grand nombre de rgles de droit dorigine textuelle. On peut alors se demander quoi sert la jurisprudence, quelle est sa porte. - une premire rponse est vidente : un texte nest jamais assez prcis, sa formulation est souvent gnrale car il a vocation sappliquer un grand nombre de cas diffrents. Le rle de la jurisprudence est donc dinterprter le texte et de lappliquer des cas concrets. Autant de cas particuliers, autant de jurisprudences adaptes ces cas particuliers. - la deuxime fonction de la jurisprudence est de combler les lacunes du droit. La loi ou le rglement volue trs lentement car le pouvoir de dcision des institutions politiques est soumis une grande inertie. Cest alors la jurisprudence qui prend le relais de la loi pour crer des rgles adaptes la vie conomique.

    La jurisprudence est donc une source non-textuelle importante du droit. Il ne faut cependant pas oublier, en dernier lieu, le rle jou par la doctrine.

    3 : La doctrine

    On entend par doctrine lensemble des travaux crits consacrs ltude du droit, ainsi que leurs auteurs. Elle est principalement labore par des universitaires. Ces derniers commentent et critiquent les diffrentes rgles de droit, mais aussi la manire dont elles sont mises en uvre par la jurisprudence. La doctrine est donc emprunte dune grande subjectivit. La doctrine remplit ainsi deux fonctions : La premire est damener la jurisprudence la meilleure utilisation possible des textes existants.

    La seconde est de mettre en lumire les dfaillances des rgles de droit et de proposer les moyens dy remdier.

  • La doctrine ne peut cependant pas tre considre comme une source du droit. Les universitaires ne sont investis daucun pouvoir permettant de crer des rgles de droit.

    Toutefois, la doctrine exerce une influence incontestable sur la jurisprudence et sur la pratique du droit (les juges et, plus gnralement, tous les praticiens du droit sont guids par les lectures de la doctrine). La doctrine peut galement influer sur la cration mme de la rgle de droit en proposant de nouvelles rformes, de nouveaux textes que le lgislateur finit parfois par adopter.

    Le droit objectif, tel quil a t tudi, nest quun aspect du phnomne juridique. Il envisage lensemble des rgles de droit destines organiser la socit. Il ne faut cependant pas se limiter cette vision particulire du droit. Le droit a, aussi et surtout, vocation sappliquer aux diffrents individus qui composent la socit. Ltude des droits subjectifs va ainsi permettre denvisager la personne au sein du droit objectif, autrement dit la prise en compte de la personne par le droit.

    Titre II : Les droits subjectifs

    Les droits subjectifs sont les prrogatives individuelles que les personnes tirent de la rgle de droit, c'est--dire du droit objectif. Il existe ainsi une multitude de droits subjectifs quil est toutefois possible de classifier. Nous verrons donc, dans un premier chapitre, la classification des droits subjectifs (Chapitre I), puis nous tudierons le procd de leur naissance travers leurs sources (Chapitre II), et nous envisagerons enfin leur mise en uvre avec ltude de leur preuve (Chapitre III).

    Chapitre I : La classification des droits subjectifs

    Le critre de classification des droits subjectifs est un critre dordre conomique. On distingue, dun ct, les droits qui ont une valeur qui peut se traduire en argent, les droits patrimoniaux (Section I), de lautre, les droits qui ne possdent pas de valeur montaire, les droits extra-patrimoniaux (Section II).

    Section I : Les droits patrimoniaux

  • Les droits patrimoniaux sont donc les droits ayant une valeur apprciable en argent. Ils sont classs en fonction de leur objet. Certains droits patrimoniaux concernent la personne : on parle alors de droit personnel (1). Dautres droits patrimoniaux portent sur une chose matrielle : il sagit dans ce cas dun droit rel (2). Dautres enfin reposent sur une chose immatrielle : on parle de droit intellectuel (3).

    1 : Les droits personnels

    Le droit personnel, encore appel droit de crance, est un lien de droit qui unit deux personnes. Il sagit, plus prcisment, du droit que dtient une personne (le crancier) dexiger dune autre personne (le dbiteur) laccomplissement dune prestation. Pour le crancier, il sagit dune crance. Pour le dbiteur, cest une dette. Et dun point de vue plus gnral, cest ce que lon appelle un rapport dobligation.

    Il existe un nombre illimit de droits personnels. Toutefois, ces droits, ces obligations, peuvent tre classs selon deux procds.

    Le premier classement possible peut seffectuer selon la source de lobligation. Il aboutit distinguer quatre types dobligations.

    Tout dabord, les obligations lgales : elles sont prvues par la loi. Exemple : lobligation dducation et dentretien des enfants, obligation de verser une prestation compensatoire son poux divorc,

    Deuxime type dobligation, les obligations contractuelles : elles proviennent dun contrat entre plusieurs personnes. Exemple : lobligation de lacheteur de payer le prix de la chose achete lors dun contrat de vente,

    Troisime type dobligation, les obligations quasi-contractuelles : elles sont issues dun quasi-contrat. Il en existe trois : la gestion daffaires, le paiement de lindu et

    lenrichissement sans cause. Cf. votre cours de la seconde moiti de lanne. Enfin, quatrime et dernier type dobligation, les obligations dlictuelles ou quasi-dlictuelles : elles dcoulent dun dlit ou dun quasi-dlit, c'est--dire dune infraction intentionnelle (dlit) ou non intentionnelle (quasi-dlit).

    Le second classement des obligations seffectue selon leur objet. Il conduit distinguer trois types dobligations.

    Tout dabord, les obligations de faire. Ce sont les plus nombreuses. Elles obligent, tout

  • simplement, une personne faire quelque chose. Exemple : lobligation du mdecin de soigner son patient, lobligation du salari deffectuer son travail,

    Viennent ensuite les obligations de ne pas faire. Elles imposent leur dbiteur (la personne qui la doit) de ne pas faire quelque chose. Exemple : lobligation de non-concurrence dun salari envers son employeur,

    Arrivent enfin les obligations de donner. Le dbiteur doit alors tout simplement donner quelque chose son crancier. Exemple : le vendeur dune chose doit remettre la chose son acheteur,

    Ces diffrents droits personnels ont en commun une caractristique. Ce sont tous des droits dits relatifs. Cela signifie quils ne produisent deffet quentre les parties (le crancier et le dbiteur) et non pas lgard des tiers.

    Toujours dans la catgorie des droits patrimoniaux, voyons aprs les droits personnels, les droits rels.

    2 : Les droits rels

    Un droit est rel lorsquil porte directement sur une chose. Ne font donc pas partie de cette catgorie, les droits qui concernent une chose mais dont lexercice passe par lintermdiaire dune personne. Pour illustrer ces propos, on peut prendre lexemple du droit du locataire et du droit du propritaire dun bien. Le locataire a le droit dhabiter la chose (son appartement) mais il ne dtient pas directement ce droit sur la chose. Il ne peut exercer ce droit que par lintermdiaire du propritaire de lappartement qui a bien voulu lui consentir un contrat de bail. A linverse, le propritaire de lappartement qui lhabite, exerce son droit de proprit de manire directe et sans lintermdiaire dune autre personne.

    Contrairement aux droits personnels, les droits rels sont absolus, c'est--dire quils sont opposables toute personne (exemple : le droit de proprit).

    Il existe des droits rels principaux et des droits rels accessoires (cf. infra cours de droit des biens).

    Aprs les droits personnels et les droits rels, viennent enfin les droits intellectuels.

  • 3 : Les droits intellectuels

    Un droit est dit intellectuel lorsquil porte sur une chose immatrielle. Les droits intellectuels sont apparus assez rcemment avec le dveloppement de limmatriel. Ce sont des droits absolus. On retrouve parmi ces droits les droits sur les crations intellectuelles (droit de proprit littraire et artistique qui protge toutes les uvres : droit temporaire. Il steint 70 ans aprs le dcs de lauteur de luvre + droits de proprit industrielle : droit de linventeur sur son invention par le biais du brevet dinvention, droit du crateur sur les dessins et modles, droit du fabricant ou du commerant sur sa marque). Figurent galement parmi ces droits intellectuels, les droits sur les clientles.

    => voici pour les droits patrimoniaux, qui regroupent les droits personnels, les droits rels et les droits intellectuels. Il sagit denvisager, prsent, la deuxime catgorie de droits subjectifs, celle des droits extra-patrimoniaux.

    Section II : Les droits extra-patrimoniaux

    A la diffrence des droits patrimoniaux, les droits extra-patrimoniaux nont aucune valeur pcuniaire. Ils ne se monnayent pas. Comme leur nom lindique, ils ne rentrent donc pas dans le patrimoine de la personne. On peut citer, titre dexemple, le droit de faire reconnatre son lien de filiation, le droit au respect de son intgrit physique, le droit dexercer lautorit parentale sur son enfant, le droit au respect de sa vie prive,

    Il existe diffrents droits extra-patrimoniaux (1), qui prsentent cependant tous un rgime commun (2).

    1 : Les diffrents droits extra-patrimoniaux

    La premire catgorie de droits extra-patrimoniaux est celle des droits de la personnalit. Ces droits sont ceux qui portent sur les lments essentiels de la personnalit. On peut notamment citer le droit lintgrit physique (interdiction des de homicide et des coups et blessures), le droit lhonneur (intgrit morale : interdiction de la diffamation, de linjure, respect de la prsomption dinnocence), le droit sur le nom, le droit sur limage et le droit au respect de la vie prive. Cf. infra cours de droit des personnes.

  • La deuxime catgorie de droits extra-patrimoniaux est celle des droits familiaux. Il sagit des droits reconnus une personne dans ses rapports avec sa famille. La plupart de ces droits concerne la filiation ou le mariage. Tel est le cas du droit de lenfant de faire tablir son lien de filiation ou encore dentretenir des relations avec ses parents et ses grands-parents. Tel est galement le cas du droit pour les parents dexercer sur leur enfant leur autorit parentale. En matire de mariage, on peut citer le droit de lpoux de bnficier du respect, de la fidlit et de lassistance de son conjoint. La troisime et dernire catgorie de droits extra-patrimoniaux concerne le droit moral de lauteur. Nous avons vu tout lheure le droit patrimonial de lauteur, savoir son droit de proprit littraire et artistique. Ici, il ne sagit plus dun droit pcuniaire, c'est--dire de son droit dexploitation de luvre, mais dun droit moral sur son uvre. A la diffrence du droit patrimonial de proprit littraire et artistique, ce droit moral est perptuel (reste attach lauteur mme aprs son dcs). Ce droit signifie concrtement que son titulaire a le droit de veiller au respect de son uvre (agir contre un plagiaire) ou encore le droit de dcider ou non de sa divulgation.

    Tous ces droits extra-patrimoniaux suivent un rgime juridique commun.

    2 : Le rgime des droits extra-patrimoniaux

    Les droits extra-patrimoniaux prsentent plusieurs caractristiques.

    Ils sont, tout dabord, incessibles. Cela signifie que ces droits ne peuvent tre cds par la personne de son vivant. Concrtement, ils ne peuvent ni tre donns, ni tre vendus.

    Ces droits sont galement intransmissibles. Ils ne se transmettent pas aux hritiers au dcs de la personne. Ils restent attachs la personne qui en est titulaire et disparaissent avec elle sa mort. Ce principe vaut pour tous les droits extra-patrimoniaux, sauf pour le droit moral de lauteur.

    Ces droits sont enfin imprescriptibles, c'est--dire quils ne se perdent pas par leur non usage. Le fait de ne pas utiliser un droit fait normalement perdre ce droit au bout dun certain temps (30 ans). Ce principe ne sapplique pas aux droits extra-patrimoniaux qui continuent dexister et donc de pouvoir tre revendiqus (sous rserve de la recevabilit de laction) mme lorsque leur titulaire nen a pas fait usage pendant longtemps.

  • => Aprs avoir envisag la classification des droits subjectifs et la grande distinction entre les droits patrimoniaux et les droits extra-patrimoniaux, il sagit de sintresser au processus qui conduit lapparition de ces droits, c'est--dire aux sources de ces droits (Chapitre II).

    Chapitre II : Les sources des droits subjectifs

    Ltude des sources des droits subjectifs va nous permettre de dterminer les circonstances, les vnements provoquant la naissance dun droit subjectif. Il apparat que les droits subjectifs peuvent provenir de deux sources, soit dun acte juridique (Section I), soit dun fait juridique (Section II).

    Section I : Les actes juridiques

    Lacte juridique est une manifestation de volont destine produire des effets de droit. Il est ralis par les parties dans le but dobtenir des effets juridiques. Cest un acte volontaire. Il sagit par exemple du contrat : dans le contrat de vente, le vendeur dsire vendre sa chose et lacheteur veut lacheter. Les deux parties sont daccord pour raliser cet acte.

    Lacte juridique comprend deux aspects : le negotium et linstrumentum. Le negotium est lopration juridique ralise par lacte juridique. Le negotium concerne ce qui est abstrait. Cest une notion de fond. Tandis que linstrumentum est le document crit qui constate lopration. Cest le document papier. Linstrumentum est concret. Cest une notion de preuve. Exemple : dans le contrat de vente, le negotium est lopration de vente du bien, alors que linstrumentum est le document crit qui constate cette vente.

    Aprs avoir envisag la classification des actes juridiques (1), nous verrons leurs conditions de validit (2) puis, en cas de non respect de ces conditions, leur nullit (3).

    1 : La classification des actes juridiques

    Il existe toute une varit dactes juridiques quil est possible de regrouper par catgorie. - premire catgorie : les actes unilatraux/les actes bilatraux et les actes plurilatraux : comme leur nom lindique, les actes unilatraux sont raliss par une seule personne (exemple : le testament, la reconnaissance denfant, la dmission,).

  • Les actes bilatraux ou plurilatraux, linverse, sont effectus par plusieurs personnes (exemple : le contrat, le mariage, ).

    - deuxime catgorie : les actes titre onreux et les actes titre gratuit : les actes titre onreux sont ceux qui prsente un intrt financier pour chacune des parties (exemple : la vente).

    Ils sopposent aux actes titre gratuit qui reposent sur lintention de donner et ne contiennent donc pas de contrepartie financire (exemple : la donation ou le testament).

    - troisime catgorie : les actes conservatoires/ les actes dadministration et les actes de disposition : les actes conservatoires sont raliss pour sauvegarder le patrimoine (exemple : intervention durgence dun voisin pour faire couvrir le toit de la maison des voisins emport par une tempte).

    Ces actes sopposent aux actes dadministration qui sont accomplis pour la gestion

    courante du patrimoine (exemple : contrat dassurance, contrat dentretien du bien,).

    Les actes de disposition sont, quant eux, les actes graves par lesquelles la personne se

    spare dun bien de son patrimoine (exemple : la vente).

    - quatrime catgorie : les actes entre vifs et les actes cause de mort : les actes entre vifs produisent leurs effets du vivant des parties (exemple : une vente).

    Les actes cause de mort sont raliss du vivant des intresss mais ne produiront leurs effets qu compter de leur dcs (exemple : le testament).

    Exemples : la donation est un acte bilatral, titre gratuit, de disposition et entre vifs.

    La vente dune voiture par un garagiste => acte bilatral, titre onreux, de disposition et entre vifs.

    Le testament => acte unilatral, titre gratuit, de disposition, cause de mort.

    2 : Les conditions de validit de lacte juridique

    Lacte juridique doit respecter des conditions de fond (A) mais aussi parfois, des conditions de forme (B).

    A. Les conditions de fond

  • Pour tre valable, lacte juridique doit remplir quatre conditions de fond. Il doit, tout dabord, contenir le consentement de son ou de ses auteurs (ce consentement doit en outre tre sain, c'est--dire exempt de vice. Il existe trois vices du consentement c'est--dire trois raisons qui peuvent vicier (altrer) le consentement : lerreur, la violence et le dol. Lerreur consiste croire vrai ce qui est faux 3 ou, inversement, croire faux ce qui est vrai 4. La personne se trompe. La violence peut quant elle tre une violence

    physique ou morale (menace). Enfin, le dol constitue une tromperie qui a pour effet de provoquer chez celui qui contracte une erreur.

    Lacte juridique doit ensuite provenir dune personne dote de la capacit juridique. Lauteur de lacte doit tre mentalement en mesure de le passer. Tel nest pas le cas du mineur ou du majeur incapable (sous tutelle ou curatelle). Lacte juridique doit encore comporter un objet dtermin, licite et moral. Exemple : les contrats de mres porteuses sont interdits car ils ont pour objet le corps humain, c'est--dire une chose hors du commerce et donc illicite.

    Enfin, la cause de lacte juridique doit elle-aussi tre licite. Elle devait galement tre morale mais la jurisprudence a considrablement diminu le domaine de limmoralit en la matire puisque est dsormais valable la donation faite dans le but de maintenir des relations adultres avec sa matresse.

    B. Les conditions de forme

    Lacte juridique nest, en principe, soumis aucune condition de forme. Le principe est celui du consensualisme, c'est--dire que lacte juridique est valablement form par le seul change des consentements des parties.

    Il existe toutefois certaines exceptions ce principe. Certaines hypothses exigent un

    formalisme. Tel est le cas des actes solennels. La validit de ces actes suppose laccomplissement de certaines formalits, plus prcisment, elle impose la rdaction dun crit. Il en est ainsi de la donation qui ncessite lintervention dun notaire et, par consquent, la rdaction dun acte authentique. Tel est encore le cas du mariage qui doit ncessairement tre clbr par un officier de ltat civil charg de rdiger lacte de mariage.

    Si lacte juridique ne respecte pas les conditions prcites, il encourt la nullit.

    3 Y. BUFFELAN-LANORE, Droit civil premire anne, Armand Colin, 13 d., 2003, p.52.

    4 Idem.

  • 3 : La nullit de lacte juridique

    Les actes juridiques peuvent tre atteints de diffrents dfauts : soit, le manque dune des conditions de fond (consentement, capacit, objet et cause), soit le non-respect dune condition de forme.

    La sanction du dfaut de lacte va tre diffrente selon le dfaut en cause. Il sagira soit dune nullit absolue, soit dune nullit relative.

    La nullit absolue sanctionne les dfauts les plus graves, telle que labsence de consentement, dobjet ou de cause. Elle peut tre demande par toute personne (et non pas par les deux seules parties lacte) pendant 30 ans.

    La nullit relative sanctionne, quant elle, les dfauts moins graves, portant seulement atteinte aux intrts des parties lacte. Elle est ainsi invoque notamment en cas dabsence de consentement ou de capacit de lune des parties, ou encore en cas de vices du consentement. Elle ne peut tre demande que par la partie victime de ce dfaut et seulement pendant 5 ans.

    La nullit, absolue comme relative, a pour consquence dannuler rtroactivement les effets de lacte juridique. On fait comme si lacte navait jamais exist. On remet les parties dans ltat o elles se trouvaient antrieurement lacte.

    Si les actes juridiques peuvent ainsi tre la source de droits subjectifs, les faits juridiques peuvent galement concourir la naissance de tels droits.

    Section II : Les faits juridiques

    Le fait juridique est un vnement produisant par lui-mme des effets de droit qui nont pas t directement recherchs. Les consquences juridiques de ce fait vont se raliser sans que les personnes lorigine du fait ne laient dcid. Autrement dit, ce fait produit des effets de droit involontairement. Exemple : un accident de voiture ou encore un meurtre (si le meurtrier a bien voulu tuer sa victime, il ne recherchait cependant pas directement les effets juridiques de son geste, savoir la peine de prison). Puisque les effets engendrs par les faits juridiques sont involontaires, ces faits ne ncessitent pas, contrairement aux actes juridiques, le consentement ou encore la capacit

  • des parties.

    Certains de ces faits sont totalement involontaires (outre leurs effets cest leur survenance mme qui est involontaire). On parle encore de faits juridiques naturels. Il en va ainsi de la naissance et du dcs (gnralement non dsir par celui qui meurt).

    Tel est galement le cas des vnements que lon dit de force majeure, comme par exemple une tempte.

    Si certains faits juridiques sont donc involontaires, dautres sont cependant volontaires. La personne a voulu lvnement mais na pas dsir ses consquences juridiques. Tel est le cas des quasi-contrats, des quasi-dlits (infractions dimprudence) et des dlits (exemple de lassassinat).

    => Les faits juridiques sont donc une source possible de droits subjectifs. Exemple : beaucoup de droits extra-patrimoniaux existent du seul fait de la naissance de la personne. Le droit lintgrit physique ou encore le droit au respect de la vie prive apparaissent automatiquement, du seul fait de la naissance.

    Aprs avoir envisag et class les diffrents droits subjectifs existant et tudi leur naissance travers leurs sources, il sagit prsent dtudier leur preuve.

    Chapitre III : La preuve des droits subjectifs

    La question de la preuve est essentielle. En effet, un droit qui ne peut tre prouv est un droit qui nexiste pas. Pas de preuve, pas de droit. Il va sagir de convaincre le juge que lon dispose bien du droit revendiqu et quil lui a bien t port atteinte.

    Trois questions principales se posent en matire de preuve : tout dabord, que faut-il prouver ? Cest la question de lobjet de la preuve (Section I). Ensuite, qui doit prouver ? Cest la question de la charge de la preuve (Section II). Et enfin, comment doit-on le prouver ? Cest la question des modes de preuve (Section III).

    Section I : Lobjet de la preuve

    Les parties doivent rapporter la preuve du fait et non du droit. En effet, le juge est cens connatre la loi applicable, les plaideurs nont donc pas lui prouver lexistence

  • de telle ou telle rgle de droit ; le juge est plus comptent queux en la matire. En revanche, le juge ne connat pas le fait lorigine du procs (exemple : laccident de la circulation, le non-respect du contrat de travail par lemployeur, linfidlit justifiant le divorce,). Il appartient donc aux parties qui elles ont connaissance de ce fait de rapporter sa preuve devant le juge. Si le juge est cens connatre la loi et la jurisprudence, il nest toutefois pas cens connatre toutes les coutumes. Celui qui invoque une coutume devant le juge doit donc en rapporter la preuve.

    Lorsque lon dit que les parties doivent prouver les faits , encore faut-il savoir ce que lon entend par faits . Il ne sagit pas ici des faits juridiques, par opposition aux actes juridiques. Lexpression est comprise au sens large du terme. Ce sont donc tous les vnements, les situations mais aussi les actes (contrats,). Plus prcisment, il sagit des faits qui seront utiles pour remporter lissue du procs. Exemple : une pouse qui veut divorcer de son mari car il est infidle devra rapporter la preuve de linfidlit de celui-ci.

    => Puisque lon sait dsormais ce quil faut prouver, il faut maintenant se demander qui doit rapporter cette preuve : cest la question de la charge de la preuve.

    Section II : La charge de la preuve

    Celui qui a la charge de la preuve est celui qui est charg de rapporter la preuve devant le juge. Cela peut tre le demandeur ou le dfendeur au procs. Dans la pratique les deux parties vont essayer de prsenter le plus grand nombre possible de preuves en leur faveur. Si on reprend lexemple de lpouse qui souhaite divorcer, celle-ci va essayer de produire des tmoignages, des lettres, des photos, voire des constats dhuissier ou des rapports denquteur priv, pour prouver linfidlit de son mari et celui-ci va, inversement, essayer de produire tout un tas dlments dmontrant sa fidlit ou une faute de son pouse.

    La question de la charge de la preuve va devenir essentielle lorsque les parties nont pas russi prouver le fait en cause. En effet, quand le fait na pas pu tre tabli, la partie qui perd le procs (celle qui succombe dans son procs) sera celle sur qui pesait la charge de la preuve. Elle perd le procs parce quelle na pas satisfait son obligation de prouver le

  • fait litigieux. On considre que le doute profite laccus , c'est--dire la partie dfenderesse.

    La charge de la preuve pse en principe sur le demandeur au procs. Cest celui qui invoque un fait den rapporter la preuve. Exemple : celui qui rclame le paiement dune somme dargent doit tablir lexistence dune dette en sa faveur.

    Si le dfendeur invoque un moyen de dfense, il devra alors en rapporter la preuve. Exemple : si le dfendeur se dfend en invoquant le paiement de la somme rclame, il devra son tour rapporter la preuve de ce paiement. Les deux parties supportent donc chacune leur tour la charge de la preuve.

    Toutefois, il arrive quil soit trop difficile pour la partie de rapporter sa preuve. Il existe

    en effet des hypothses o le fait que lon veut prouver est particulirement difficile dmontrer. Exemple : tablir que telle personne est bien son pre,

    Le droit prvoit deux possibilits pour remdier ces difficults :

    Tout dabord, le juge peut venir apporter son aide aux parties dans la recherche de leur preuve. Le juge peut en effet ordonner toutes mesures dinstruction quil estime utiles lissue du litige. Ces mesures dinstruction sont diverses. Il sagira le plus souvent dune enqute ou dune audition. Le juge a galement le pouvoir dordonner ladversaire ou un tiers la production de documents quil dtient. Exemples : pour aider lenfant dmontrer que lhomme quil poursuit est bien son pre, le juge va ordonner une expertise biologique. De mme, pour aider lpouse prouver ladultre de son mari, le juge pourra ordonner la ralisation dun constat dadultre par un huissier.

    Ensuite, le droit a prvu certains mcanismes destins faciliter la production de la preuve par la partie. Il sagit des prsomptions. Les prsomptions sont des consquences que la loi tire dun fait connu un fait inconnu. La loi tient certains faits pour tablis et dispense ainsi la partie de devoir en rapporter la preuve. On peut citer comme exemple la prsomption de paternit. Larticle 312 du Code civil nonce que lenfant n ou conu pendant le mariage a pour pre le mari . Lenfant issu dune femme marie naura donc pas prouver que le mari de sa mre est bien son pre ; ce dernier est prsum tre le pre des enfants de sa femme.

    Certaines prsomptions sont simples, alors que dautres sont irrfragables.

  • Les prsomptions sont simples lorsque la preuve contraire peut tre rapporte par tous

    moyens. La prsomption de paternit est une prsomption simple. Le mari qui pense ne pas tre le pre de cet enfant, car il sait que sa femme a un amant, peut rapporter la preuve quil nest pas le pre de cet enfant. La prsomption dinnocence est lvidence elle-aussi une prsomption simple.

    A linverse, les prsomptions sont dites irrfragables lorsquil nest pas possible de rapporter la preuve contraire. Celles-ci sont beaucoup plus rares. On peut citer la prsomption de vrit issue de la chose juge. Il nest en effet pas permis de rapporter linexactitude dune dcision de justice devenue irrvocable. Puisque lon sait dsormais ce que lon doit prouver et qui doit le prouver, reste dterminer de quelle faon ou par quels moyens il est possible de rapporter cette preuve. Cest la question des modes de preuve.

    Section III : Les modes de preuve

    Rpondre la question comment prouver revient envisager quels sont les moyens mis la disposition des parties pour leur permettre de prouver le fait quils invoquent. Pour y rpondre, le Code civil prvoit deux systmes de preuve possibles : le systme de la libert de la preuve et celui de la lgalit de la preuve. Ces systmes dterminent les moyens de preuve que la partie est autorise prsenter devant le juge. Toutefois, lorsque ces preuves arrivent devant le juge, celui-ci nest pas toujours contraint de les accepter, ni de leur donner une quelconque valeur. Cest le problme de ladmissibilit et de la force probante des lments de preuve. Nous verrons donc, dans un premier temps, les diffrents modes de preuve possibles (1), puis les deux systmes de preuve existants (2) et, enfin, leurs admissibilit et force probante (3).

    1 : Les diffrents modes de preuve

    Il existe diffrents modes de preuve. Le plus important demeure sans doute aujourdhui lcrit (A). Mais le droit admet plusieurs autres modes de preuve (B), tels que le tmoignage, laveu ou encore le serment.

  • A. Lcrit

    La preuve par crit est encore appele preuve littrale. Lcrit a, pendant longtemps, t tout simplement lcrit sur support papier. Il pouvait toutefois prendre diverses formes. Il pouvait ainsi sagir dun acte authentique, dun acte sous seing priv, dune lettre, dune reconnaissance de dette, dune facture, dun livre de commerce, de registres, de papiers domestiques, de listings, ...

    Lacte authentique est un acte qui est dress par une personne qui a reu un pouvoir spcial pour cela, c'est--dire par un officier public. Il peut sagir dun notaire, dun huissier, dun greffier ou encore dun officier de ltat civil. Lacte est dit authentique seulement dans lhypothse o il est rdig par une telle personne. Cet acte est dot dune force probante importante, suprieure aux autres crits, car on considre quil est plus fiable puisquil a t rdig par un officier public. Il doit tre sign par les parties.

    Lacte sous seing priv est, quant lui, un acte rdig par de simples particuliers. Sa force probante est donc moindre que celle de lacte authentique. La signature de cet acte par les parties est indispensable.

    Une question sest cependant pose lorsque les progrs informatiques ont rendu possible la ralisation dcrits lectroniques. Les fax, puis les mails ont en effet rvolutionn les relations, notamment commerciales. Il a alors fallu moderniser le droit et permettre aux personnes dveloppant des changes sur le net dapporter la preuve de ceux-ci. Cest ainsi que le Code civil admet dsormais lcrit lectronique galit avec lcrit sur support papier. Lacte authentique, comme lacte sous seing priv, peuvent aujourdhui tre raliss par la voie lectronique. La signature de lacte reste cependant obligatoire. Elle peut prendre la forme dune signature manuscrite scanne et appose sur lcrit lectronique.

    A ct de ces deux types dcrit (acte authentique et acte sous seing priv), il existe toute une srie dautres crits possibles : les lettres, les fax, les mails, et mme les SMS depuis peu.

    Le droit admet, en plus de la preuve littrale, plusieurs autres modes de preuve.

    B. Les autres modes de preuve

    On retrouve ici le tmoignage, laveu et le serment.

  • La preuve par tmoignage est encore appele preuve testimoniale . Elle correspond au rcit dun vnement par une personne layant personnellement constat ou rapportant les propos dun tiers. Les tmoignages peuvent tre recueillis par crit : on parle alors dattestations ; ou oralement, sous serment, devant le juge. Le droit a toujours t mfiant lgard des tmoignages. Les tmoins peuvent avoir oubli des dtails et tre plus ou moins favorables lune des parties (notamment quand il sagit dun membre de la famille). Leur force probante est donc limite. Le juge est libre de les accueillir ou de les refuser, puis de leur accorder le crdit quil estime convenir.

    Laveu est la dclaration faite par une personne qui reconnat un fait qui va produire contre elle des consquences juridiques. Il peut tre judiciaire ou extra-judiciaire. Laveu judiciaire est celui qui est ralis devant le juge, au cours du procs. Il peut tre oral ou crit. Il lie le juge, c'est--dire que le juge doit obligatoirement en tenir compte. On dit quil fait pleine foi contre son auteur . Il permet mme de prouver contre un crit. Il dispense le juge de procder toute autre recherche. Il sagit dune preuve parfaite . Laveu extra-judiciaire est celui qui, linverse, nest pas fait devant le juge. Il sagit en quelque sorte dun tmoignage ralis contre soi-mme en labsence du juge. Cet aveu a une force infrieure celle de laveu judiciaire. Le juge lui accorde en effet la mme valeur quun tmoignage ordinaire, c'est--dire quil peut, sil nest pas convaincu, lui refuser toute force probante.

    Le serment correspond quant lui laffirmation solennelle, par une partie au procs, de la ralit dun vnement 5. Ce mode de preuve peut paratre un peu dsuet. Il consistait autrefois pour le jureur invoquer une puissance suprieure et se soumettre sa merci afin de garantir la vracit dune affirmation. Celui qui avait prt un faux serment tait cens subir un chtiment divin. Ce mode de preuve surnaturel est par la suite devenu, dans les socits lacises, une simple affirmation solennelle.

    Le Code civil distingue deux types de serment, le serment suppltoire et le serment dcisoire. Le serment suppltoire est dfr doffice par le juge lune ou lautre des parties 6. Il sagit dun moyen dinstruction, rserv lusage du juge et destin parfaire sa conviction. Il est donc demand par le juge lorsquil ne sestime pas suffisamment convaincu. Il ne lie pas le juge. Le serment dcisoire est dfr par une partie lautre,

    5 B. Petit, Introduction gnrale au droit, PUG, 6 d., 2006, p. 145.

    6 Art. 1357-2 du Code civil.

  • c'est--dire quil est effectu par une partie la demande de lautre. La partie peut accepter de prter ou refuser. Sa rponse dcide, dans tous les cas, de lissue du procs. Sil accepte de prter serment, il gagne le procs ; sil refuse, il perd. Cest une preuve parfaite, qui lie le juge. Dans les deux cas, le faux serment constitue une infraction pnale. => Ces diffrents modes de preuve ne pourront pas toujours tous tre utiliss par les parties. Leur utilisation va dpendre du systme de preuve dans lequel les parties se trouvent.

    2 : Les diffrents systmes de preuve

    Il existe deux systmes de preuve possibles : le systme de la libert de la preuve, encore appel systme de la preuve libre (A) et le systme de la lgalit de la preuve, encore appel systme de la preuve lgale (B).

    A. Le systme de la preuve libre

    Dans le systme de la preuve libre, tous les modes de preuve peuvent tre utiliss par les parties. Une fois ports devant le juge, celui-ci est libre de les accepter ou de les refuser. On dit que ces lments de preuve sont soumis la libre apprciation du juge . Dans ce systme, la libert est donc prsente deux niveaux : tout dabord, au niveau de la partie, qui est libre de choisir nimporte quel moyen de preuve ; ensuite au niveau du juge qui est libre daccepter ou non llment de preuve (de le recevoir aux dbats ), puis de lui accorder la force probante quil estime approprie. Ce systme est appliqu en matire pnale, en matire commerciale, en matire sociale et en matire administrative.

    B. Le systme de la preuve lgale

    Dans ce systme, cest la loi qui dtermine quelles preuves les parties peuvent utiliser et quelle force le juge doit leur accorder. Ce dernier est li par les preuves qui lui sont apportes. Il ne possde ici aucun pouvoir da