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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1 ère année Institut Supérieur du Commerce Droit civil Première année ISC Année Universitaire 2007/2008 Isabelle BEYNEIX COURS Introduction Quelle est l’origine du droit ? Probablement dans l’inconscient des hommes existe déjà l’idée de droit. Idée vague selon laquelle lorsque plusieurs êtres se trouvent ensemble, surgit le besoin d’ordonner leurs conduites et pour cela si éparses et informelles qu’elles puissent être, des règles composent un ensemble : le Droit. Le droit est un ensemble de règle de conduite qui dans une société donnée – et plus ou moins organisée- régissent les rapports entre les hommes . A cet ensemble, on applique l’expression de droit objectif 1 . Les droits sont des prérogatives 2 que le droit objectif reconnaît à un individu ou à un groupe d’individus et dont ceux-ci peuvent se prévaloir dans leurs relations avec les autres, en invoquant s’il y a lieu, la protection et l’aide des pouvoirs publics, au sens large de la société (droit de propriété, droit de créance, droit de vote…). Le titulaire du droit, attributaire d’une prérogative, est traditionnellement appelé sujet de droit, d’où l’expression de droits subjectifs 3 par laquelle on désigne les droits ainsi entendus. Droit positif : ensemble des règles de droit effectivement en vigueur (par opposition au droit naturel 4 ou droit idéal 5 ). 1 Droit objectif : ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. 2 Faculté, avantage. 3 Droit subjectif : prérogative attribuée à un individu dans son intérêt lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation. 4 Le droit naturel est l'ensemble des normes prenant en considération la nature de l'homme et sa finalité dans le monde (définition du Petit Larousse). Ainsi, les droits naturels de l'homme sont des droits qui viennent du fait que l'homme est un être humain, indépendamment de sa position sociale, de son ethnie, de sa nationalité, ou de toute autre considération. 1

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

Droit civil Première année

ISC

Année Universitaire 2007/2008 Isabelle BEYNEIX

COURS

Introduction

Quelle est l’origine du droit ?

Probablement dans l’inconscient des hommes existe déjà l’idée de droit. Idée vague selon

laquelle lorsque plusieurs êtres se trouvent ensemble, surgit le besoin d’ordonner leurs

conduites et pour cela si éparses et informelles qu’elles puissent être, des règles composent

un ensemble : le Droit.

Le droit est un ensemble de règle de conduite qui dans une société donnée – et plus ou

moins organisée- régissent les rapports entre les hommes. A cet ensemble, on applique

l’expression de droit objectif1.

Les droits sont des prérogatives2 que le droit objectif reconnaît à un individu ou à un groupe

d’individus et dont ceux-ci peuvent se prévaloir dans leurs relations avec les autres, en

invoquant s’il y a lieu, la protection et l’aide des pouvoirs publics, au sens large de la société

(droit de propriété, droit de créance, droit de vote…).

Le titulaire du droit, attributaire d’une prérogative, est traditionnellement appelé sujet de droit, d’où l’expression de droits subjectifs3 par laquelle on désigne les droits ainsi

entendus.

Droit positif : ensemble des règles de droit effectivement en vigueur (par opposition au droit

naturel4 ou droit idéal5).

1 Droit objectif : ensemble des règles régissant la vie en société et sanctionnées par la puissance publique. 2 Faculté, avantage. 3 Droit subjectif : prérogative attribuée à un individu dans son intérêt lui permettant de jouir d’une chose, d’une valeur ou d’exiger d’autrui une prestation. 4 Le droit naturel est l'ensemble des normes prenant en considération la nature de l'homme et sa finalité dans le monde (définition du Petit Larousse). Ainsi, les droits naturels de l'homme sont des droits qui viennent du fait que l'homme est un être humain, indépendamment de sa position sociale, de son ethnie, de sa nationalité, ou de toute autre considération.

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Distinction droit réel/droit personnel : - Les droit réels portent directement sur les biens. Ils sont en nombre limité (ex. le droit de

propriété).

- Les droits personnels ou droit de créances sont des droits qui naissent entre deux

personnes. Il s’agit d’un rapport d’obligation entre un créancier et un débiteur (d’une

obligation de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose). Les contrats sont des

droits personnels ou droit de créances. Ils sont en nombre illimité.

PARTIE I LES CADRES DE LA VIE JURIDIQUE

CHAPITRE I La notion de droit

Section I Droit et religion

Il existe des règles de droit dont on imagine mal les relations avec la religion, ainsi en est-il

des dispositions du Code de la route. Il en est d’autre au contraire dont on perçoit aisément

les possibles rapports avec la religion (par exemple celles qui gouvernent le mariage ou le

divorce). Surtout là où un groupement est particulièrement imprégné par la religion (Islam,

Inde…) la distinction des règles de droit et des commandements religieux est souvent

difficile et artificielle. Cependant, il y a des préceptes qui par leur contenu s’accordent mal

avec les impératifs de la religion (par exemple, il y a une contradiction entre la légitime

défense et le comportement consistant à tendre l’autre joue). D’autre part, là même où le

contenu des prescriptions inspirées par la loi religieuse est le même que celui des règles de

droit (ex. ne pas tuer, ne pas voler), l’on est conduit à considérer que les préceptes religieux

concernent, au niveau de la sanction, les relations de l’homme avec la divinité, tandis que les

règles de droit apportent dans leur sillage la sanction du groupe social.

L’étude des grands systèmes montre l’existence d’ensembles juridiques fortement

imprégnés par la religion, de sorte qu’il est utile de procéder à une étude comparée des

Au sens large, le droit naturel désigne toute recherche objective de normes de droit en fonction des seules caractéristiques propres à l'être humain, indépendamment des conceptions du droit déjà en vigueur dans les sociétés humaines. L'expression droit naturel est susceptible d'acceptions légèrement différentes : * Recherche du juste par une analyse rationnelle et concrète des réalités sociales dans leur contexte mondial, orientée par la considération de la finalité de l'homme dans l'univers, * Principes immuables, découverts par la raison, permettant d'éprouver la valeur des règles de conduite admises par le droit objectif, qui dérivent du comportement « naturel » (instinctif) des êtres. 5 Règle considérée comme conforme à la nature de l’homme et des choses et à ce titre reconnu comme de droit idéal. Le droit idéal, aussi appelé droit naturel, au nom duquel on peut légitimement critiquer le droit positif. Contraire : positivisme juridique.

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influences des diverses religions. L’histoire des relations entre le droit et la religion est faite

d’alternances. Des positions diverses ont été dégagées : dissolution du droit dans la religion,

séparation radicale ou démarche intermédiaire. Affirmer le principe de laïcité, ce n’est

aucunement nier la liberté de conscience et de religion. C’est au contraire reconnaître la

liberté des croyances, mais en sauvegardant la république, au moyen d’une distinction vitale

pour celle-ci, de l’espace religieux et de l’espace politique. Entre la morale et le droit les

relations sont plus nettes qu’avec la religion : de très nombreuses règles de droit sont

empruntées à la morale.

Section II Droit et morale

De très nombreuses règles de droit sont empruntées à la morale, ce qui peut amener à

considérer que le droit n’est pas autre chose que la morale relayée et sanctionnée par le

groupe social. Les relations étant réciproques, l’on peut aussi estimer qu’en influençant les

mœurs, le droit peut rejaillir sur la morale ; il y a d’ailleurs une morale civique.

Les préceptes de la morale résultent de la révélation divine, de la conscience (individuelle ou

collective), voire des données de la science, tandis que les règles de droit sont issues de

certaines autorités. A vrai dire, il est fréquent que celles-ci s’inspirent des règles de la morale

mais l’on répond que le droit ne s’en serait pas moins formé et formulé d’une manière qui lui

est propre.

La morale se préoccupe des devoirs de l’homme non seulement à l’égard des autres

hommes, mais aussi à l’égard de lui-même, voire de la divinité. En ce sens, son domaine est

plus vaste que celui du droit. Inversement, le droit formule des règles moralement neutres,

voire de nature à consolider des situations immorales (le voleur devenant propriétaire après

trente ans de possession). En ce sens, son domaine déborde celui de la morale.

Les sanctions de la morale et du droit sont différentes. Tandis que les violations de la morale

seraient sanctionnées au niveau interne, celui de la conscience ; les sanctions de la violation

du droit auraient une origine externe, l’autorité contraignante des pouvoirs publics.

Les incertitudes en la matière contribuent à expliquer la diversité des opinions. Tandis que

certains auteurs atténuent la distinction de la morale et du droit et en viennent à soutenir que

le droit est une morale ou qu’il est constamment irrigué par la morale (G. RIPERT), d’autres

prétendent qu’il convient d’établir entre eux une séparation rigoureuse. Il est probablement

plus exact de penser que la solution moyenne est préférable. Cependant, de nombreuses

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règles de droit sont empruntées à la morale mais le fait qu’il y ait un devoir moral ne permet

pas de considérer qu’il y ait un devoir juridique. Ainsi s’interroge-t-on à propos des

engagements d’honneur sur le point de savoir si ces engagements lient ou non

juridiquement leurs auteurs (de même en droit des sociétés avec les lettres d’intention ou de patronage qui vont du gentleman agreement à l’obligation de résultat).

[Expliquer]

Normalement l’obligation juridique donne prise à la contrainte étatique : si le débiteur

n’exécute pas volontairement, il peut être contraint par la force. A cet égard, le devoir moral

s’oppose à l’obligation juridique, il lui manque la contrainte étatique.

Entre ces deux notions, il existe une catégorie intermédiaire, celle des obligations naturelles par opposition aux obligations civiles. L’obligation naturelle n’est pas

susceptible d’exécution forcée (elle ressemble en cela au devoir moral). Mais si le débiteur

de l’obligation naturelle l’exécute volontairement et en connaissance de cause, il est censé

exécuter une obligation reconnue par le droit positif. Alors le seuil juridique est atteint,

l’obligation naturelle est une obligation juridique.

Le Code civil n’a pas dressé une liste des obligations naturelles ; ce sont les tribunaux qui en

ont reconnu l’existence dans un certain nombre de cas.

EX. Lorsqu’une obligation civile préexistante a disparu dans certaines conditions, le débiteur

peut être tenu d’une obligation naturelle. Il en est ainsi notamment lorsque l’une obligation

civile a été éteinte par prescription6. On admet que la nullité d’une obligation pour incapacité

laisse subsister une obligation naturelle à la charge du débiteur. Il en va de même lorsque

les héritiers d’une personne acceptent d’exécuter un legs7 verbal, par conséquent nul en la

forme.

L’obligation naturelle, dont l’exécution ne peut être exigée par une action en justice, peut être

exécutée volontairement. Lorsque le débiteur de l’obligation naturelle procède à une telle

exécution, deux conséquences en découlent :

6 Mode d’acquisition ou d’extinction d’un droit, par l’écoulement d’un certain laps de temps et sous les conditions déterminées par la loi (article 2219 du Code civil). La prescription est acquisitive lorsqu’elle mène à l’acquisition d’un droit réel principal (ex. propriété) ou extinctive, lorsqu’elle entraîne l’extinction d’un droit par non-usage (sauf droits imprescriptibles). 7 Libéralité (acte par lequel une personne procure à autrui, ou s’engage à lui procurer un avantage sans contrepartie) contenue dans un testament et qui ne prend effet qu’à la mort de son auteur.

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- Le paiement est valable : le débiteur ne peut revenir sur le paiement qu’il a fait, agir en

restitution, en prétendant qu’il a payé ce qu’il ne devait pas. Certes, le paiement qui a été

fait par une personne qui ne devait rien peut faire l’objet d’une action en restitution, mais

la loi considère que le paiement d’une obligation naturelle est dû, encore que la dette ne

fut pas exigible, aussi l’article 1235 du Code civil exclut en ce cas l’action en répétition.

Mais le texte suppose que le paiement a été fait volontairement, c’est-à-dire en

connaissance de cause ; si le débiteur qui a payé croyait être tenu civilement, il pourrait

agir en restitution, l’exécution de l’obligation naturelle ne pouvant être que volontaire.

- Le paiement de l’obligation naturelle ne sera pas considéré en principe comme une

libéralité8. A la différence de la libéralité qui suppose la spontanéité, rien n’obligeant

l’auteur d’une libéralité à consentir la donation ou le legs, l’exécution de l’obligation

naturelle est motivée par une obligation préexistante, encore quelle ne fût point exigible :

le débiteur qui a payé se sentait tenu par sa conscience, il n’exécute donc pas une

libéralité.

Si le débiteur de l’obligation naturelle, sans l’acquitter immédiatement, s’engage simplement

à le faire, cette promesse est considérée comme valable et engage civilement son auteur.

C’est ce que l’on exprime en parlant de la novation9 de l’obligation naturelle en obligation

civile. A partir de là, le créancier pourra en exiger le paiement justice; mais dans une autre

opinion, on considère que l’engagement pris par le débiteur de l’obligation naturelle fait

naître à sa charge une obligation civile valable, distincte de l’obligation naturelle, née de

l’engagement d’exécuter.

La promesse d’exécuter une obligation naturelle est un acte juridique qui doit être prouvé

selon les modes de preuve de droit commun des actes juridiques10, c’est-à-dire pour une

8 V. au-dessus. 9 Convention par laquelle une obligation est éteinte et remplacée par une obligation nouvelle (article 1271 du Code civil). 10 En principe, la preuve des actes juridiques (différent des faits juridiques : liberté de preuve) se fait par des procédés de preuve parfaits, que sont l'écrit, l'aveu judiciaire et le serment décisoire. Ces procédés de preuve parfaits sont admissibles en toute matière et lient le juge, qui doit en tirer les conséquence. Au premier plan des procédés de preuve parfaite, il y a la preuve littérale, l'écrit. L'art. 1341 du Code civil dispose : « Il doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toute chose excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôt volontaire, et il n'est reçu aucune preuve par témoin contre ou outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre ». Il existe plusieurs sortes d'écrit. L’acte authentique : L'acte authentique est défini par l'art. 1317 du Code civil comme étant « celui qui a été reçu par officiers publics [un officier ministériel ayant le pouvoir d'authentifier des actes juridiques ou judiciaires et de procéder à l'exécution des décisions de justice comme, par exemple, les notaires, les huissiers de justice.] ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises ». L’acte sous seing privé : Les actes sous seing privé sont les actes écrits par les particuliers et portant leur signature. Ils sont prévus par le Code civil aux art. 1322 et s. Les actes sous seing privé doivent respecter des conditions de forme. La première

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somme supérieure à 1 500 € par écrit (décret du 20 août 2004) ou tout au moins avec un

commencement de preuve par écrit11, sauf s’il a été matériellement ou moralement

impossible au créancier d’exiger la preuve écrite d’une telle promesse.

Section III Les grandes disciplines du droit

D’après les conceptions classiques, le droit interne se divise en deux branches : le droit

public et le droit privé. Les Romains considéraient déjà que les institutions publiques dont les

actions correspondaient à des intérêts publics appartenaient forcément au droit public.

MONTESQUIEU définissait le droit public (appelé par lui « droit politique ») comme « les lois

dans le rapport qu’ont ceux qui gouvernent avec ceux qui sont gouvernés »et le droit privé

(pour lui, le droit civil), comme « les lois dans le rapport que tous les citoyens ont entre

eux ».

§1 Les disciplines de droit privé Le droit privé est l’ensemble des règles qui gouvernent les rapports des particuliers entre

eux ou avec les collectivités privées (associations, sociétés). C’est le droit civil qui constitue

l’essentiel de ces règles. L’expression nous vient des romains pour qui elle désignait le droit

des citoyens romains (de civis, citoyen). Le droit privé s’identifiait ainsi avec le droit civil, qui

régissait tous les rapports juridiques entre particuliers. Puis des règles spéciales ont fait leur

apparition : d'entre elles est commune à tous les actes sous seing privé, à savoir la signature des parties. Depuis la loi du 13 mars 2000, qui a modifié la définition de la preuve littérale, l'article 1316 du Code civil englobe aussi bien l'écrit traditionnel sur support papier que l'écrit électronique. L'article 1316-3 du Civil reconnaît à l'écrit électronique la même force probante que l'écrit sur support papier. N.B. : Cette définition de l'écrit ne concerne par l'écrit exigé à peine de nullité, ad validitatem. Article 1316 du Code civil : « La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission ». Il faut néanmoins noter que si la loi admet comme mode de preuve l'écrit sous forme électronique, c'est sous réserve que la personne dont il émane puisse être dûment identifiée et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité (Article 1316-1 du C.Civ). On peut noter qu'il s'agit d'une transposition d'une décision de la Cour de Cassation à propos de la valeur de la télécopie. La seconde condition est supplétive pour certains actes et obligatoire pour les contrats synallagmatiques. Selon l'art. 1325 al.1er du Code civil, « Les actes sous seing privé qui contiennent des conventions synallagmatiques, ne sont valables qu'autant qu'ils ont été faits en autant d'originaux qu'il y a de parties ayant un intérêt distinct ». Certains actes doivent contenir des mentions particulières. Ainsi, « l'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettre et en chiffres » (art. 1326 al. 1er C. civ.). 11 Ecrit n’apportant pas la preuve complète, n’étant pas un acte instrumentaire (c’est-à-dire ayant valeur de preuve littérale préconstituée) mais simple lettre missive ou autre document comparable

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- Le droit civil, qui a pour objet la réglementation des rapports de droit privé, c’est-à-dire

les droits que les particuliers peuvent exercer dans leurs rapports entre eux et des

obligations réciproques pesant sur eux. Il détermine quelles sont les personnes qui

peuvent être titulaires de ces droits ou sujets de ces obligations, quels sont les droits

privés reconnus à ces personnes et les obligations corrélatives, comment ces personnes

acquièrent, transmettent ou perdent leurs droits ou leurs obligations, comment sont

sanctionnés ces rapports de droit privé. L’histoire contemporaine du droit montre qu’à

partir du droit civil des branches du droit ont conquis leur autonomie. En tenant compte

de ces dernières, on peut définir le droit civil comme étant le droit qui régit les rapports

privés, mais seulement en tant qu’ils n’ont rien de spécifiquement commercial, industriel,

social ou rural et abstraction faite des règles relatives à la réalisation judiciaire du droit.

Malgré les retranchements qu’il a subi, le droit civil conserve son aptitude originelle à

régir tous les rapports d’ordre privé. Il est très souvent le droit privé commun applicable à

tous, sauf lorsque certains rapports sont régis par des dispositions particulières.

- Le droit commercial est un démembrement du droit privé né à l’initiative de COLBERT

en 1673 lorsque furent codifiées les règles relatives au commerce. Il a été conçu selon

les époques comme le droit applicable aux personnes qui ont la qualité de commerçant

(conception subjective) ou comme le droit applicable aux opérations juridiques

constituant des actes de commerce (conception objective). Il est actuellement sur le point

d’être absorber dans un ensemble plus vaste, celui du droit des affaires, comprenant le

droit fiscal, droit pénal, droit comptable, droit du travail, droit administratif, financier,

économique. Le droit financier est face à un phénomène inquiétant de mondialisation des

affaires, des marchés financiers de nature à remettre en cause l’efficacité et l’existence

des techniques juridiques traditionnelles. Autrefois, le mouvement était en sens inverse :

maintes modifications du droit civil étaient dues à l’influence du droit commercial,

considéré comme plus souple, moins formaliste, plus dynamique. Ainsi, tel a été le cas

de la cession de créance en matière commerciale, cession simplifiée en droit commercial

au contraire du droit civil (article 1690 du Code civil). De même, la réforme des sociétés

commerciale opérée par la loi du 24 juillet 1966 a influencé fortement la réforme des

sociétés civiles et le droit commun des sociétés réalisée par la loi du 4 janvier 1978.

- Le droit du travail s’est également émancipé au regard du droit civil. Ce droit regroupe

les règles relatives aux rapports individuels ou collectifs entre les chefs d’entreprise et

leur salarié.

(note, inventaire, papier domestique, registre…etc.) qui a cependant pour vertu spécifique, de rendre admissible la preuve testimoniale ou indiciaire (c’est-à-dire pas témoin ou par indice).

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§2 Les disciplines de droit public

Le droit public comprend l’ensemble des règles qui, dans un état donné, ont pour objet

l’organisation même de cet état et des collectivités publiques et qui gouvernent leurs

rapports avec les particuliers.

Il se subdivise en plusieurs branches :

- Le droit constitutionnel qui détermine les règles relatives à la forme de l’Etat, à la

constitution du gouvernement et des pouvoirs publics.

- Le droit administratif qui réglemente l’organisation des collectivités publiques (Etat,

régions, départements, communes…etc.) et des services publics.

- Le droit financier qui comprend les règles relatives aux finances publiques

- Le droit pénal et la procédure pénale. Ces deux matières ont des liens avec le droit

privé et sont considérées comme sa sanction ultime mais il n’en demeure par moins que

par leurs objets, ils sont une branche du droit public.

Il existe des disciplines mixtes comme la procédure civile (ou droit judiciaire privé).

Procéder en justice, c’est accomplir les formalités nécessaires (action) pour porter à une

juridiction la connaissance d’une affaire (litige) et obtenir d’elle une décision (jugement).

De même, le droit international privé est une discipline mixte : relevant du droit public en

ce qui concerne la nationalité et la condition des étrangers, relevant du droit privé en ce que

les conflits de lois portent sur le droit privé.

CHAPITRE II Les sources du droit

Le droit objectif12 est l’ensemble des règles de droit qui gouvernent les rapports des hommes

entre eux. Malgré la primauté du droit écrit, essentiellement le fait de la loi (section I), il

existe également un pluralisme en la matière avec l’existence de sources concurrentes

(section II).

Section I La loi §1 Les règles d’origine nationale

12 V. note 1.

8

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Il existe un droit écrit exprimé essentiellement par la loi mais aussi d’autres manières,

spécialement par le règlement administratif. Dans ce cas, les règles sont formulées par une

autorité sociale établie à cet effet et dont la mission consiste à les exprimer.

A- La loi au sens strict Au sens large, la loi englobe tous les textes formulés par le pouvoir législatif et par le pouvoir

réglementaire. Au sens strict, la loi est l’acte qui émane du pouvoir législatif conformément

aux règles établies par la Constitution.

La loi parlementaire comprend :

- la loi organique13 qui a pour objet de fixer les modalités d’organisation et de fonctionnement

des pouvoirs publics, dans des matières limitativement énumérées par la Constitution. Le

texte doit être voté en termes identiques par l’Assemblée Nationale et le Sénat (séance du

Congrès au château de Versailles).

- la loi ordinaire est celle qui résulte d’un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat et qui est

l’expression du pouvoir législatif.

Plusieurs points sont à envisager quant à l’étude de la loi de son domaine (1) à son

application dans l’espace (4) et dans le temps (5) en passant par son élaboration (2) et son

entrée en vigueur (3).

1. Domaine de la loi

Le domaine de la loi est fixé par l’article 34 de la Constitution :

La loi fixe la totalité des règles concernant :

- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice

des libertés publiques, les sujétions imposées par la Défense nationale aux citoyens en leur

personne et en leurs biens

- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les

successions et les libéralités

- la détermination des crimes et des délits ainsi que les peines qui leur sont applicables, la

procédure pénale, l’amnistie, la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des

magistrats

- l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures, le

régime d’émission de la monnaie

13 La loi organique est celle qui fixe, dans le cadre de la constitution, les règles relatives aux pouvoirs publics, et soumise pour son adoption à une procédure spéciale par l’article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958. Elle précise ou complète les disposition de la constitution de 1958.

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- le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales

- la création de catégories d’établissements publics

- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat

- les nationalisations d’entreprises et les transferts de propriété du secteur public au secteur

privé

La loi fixe les principes fondamentaux :

- de l’organisation générale de la Défense nationale

- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs

ressources

- de l’enseignement

- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales

- du droit du travail, du droit syndical et de la Sécurité sociale

Les mesures d’application sont prises par le gouvernement.

2. Elaboration de la loi Un texte préliminaire est présenté aux deux assemblées parlementaires qui le votent,

généralement après l’avoir modifié par voie d’amendement.

L’initiative des lois appartient :

- au Premier ministre et aux membres du gouvernement qui établissent un projet de loi,

délibéré en Conseil des ministres, après avis du Conseil d’Etat

- aux députés et sénateurs qui formulent une proposition de loi précédée d’un exposé des

motifs

Les simples citoyens n’ont pas l’initiative des lois. Ils s’expriment par l’intermédiaire de leurs

représentants au Parlement.

Discussion et vote Le vote en séance publique par l’une des assemblées du projet ou de la proposition de loi

comprend une discussion d’ensemble portant sur les motifs et l’opportunité du texte,

l’examen du texte (article par article) et des amendements (modifications proposées par la

commission ou les parlementaires), le vote du texte ou son rejet.

1.- Le texte voté par une assemblée est transmis à l’autre assemblée qui l’examine. Elle peut

soit le rejeter, soit le voter soit le modifier par voie d’amendement.

2.- En cas de désaccord entre les deux assemblées, le texte revient devant la première

assemblée. Si celle-ci n’adopte pas le texte qui lui est proposé, elle le renvoie pour une

seconde lecture : c’est ce qu’on appelle la navette.

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3.- Après deux lectures par chaque assemblée, le Premier ministre peut mettre fin à la

navette par la création d’une commission mixte paritaire14 composée de 7 sénateurs et de 7

députés. Cette commission est chargée d’établir un texte commun qui peut être soumis au

vote des deux assemblées.

Si la commission ne peut parvenir à établir un texte commun ou si ce texte ne recueille pas

l’adhésion des deux assemblées, l’assemblée nationale statue définitivement.

14 Constitution de la CMP : C'est, au sein de chaque assemblée, à la commission compétente pour l'examen au fond du texte qu'il revient de désigner les représentants de l'Assemblée nationale ou du Sénat à la CMP Le nombre de ces représentants a été fixé, en accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, à sept titulaires et à sept suppléants pour chaque assemblée. b. La composition de la délégation de chaque assemblée obéit à des impératifs techniques, à des impératifs politiques et à des impératifs d'équilibre entre les groupes : * impératifs techniques : doivent faire partie de la délégation le président et le rapporteur de la commission saisie au fond de l'examen du texte ainsi que, le cas échéant, le ou les rapporteurs de la ou des commissions saisies pour avis. * impératifs politiques : il s'agit ici de déterminer le nombre de sièges attribués à l'opposition et à la majorité de chaque assemblée. Depuis 1981, à la suite d'un accord tacite entre les Présidents des deux assemblées qui étaient alors de sensibilité politique opposée, il a été décidé de composer la délégation de chaque assemblée de cinq représentants de sa majorité et de deux représentants de sa minorité. * impératifs d'équilibre entre les groupes : compte tenu des deux paramètres précédents, les sièges sont attribués, au sein de la délégation de chaque assemblée, en proportion de l'importance des groupes composant la majorité et la minorité de chaque assemblée. Les candidats désignés par la commission n'en sont pas nécessairement membres, même si en pratique (exception faite des rapporteurs pour avis), ce cas de figure se présente très rarement. c. La liste des candidats est affichée dans les couloirs du Sénat. Le Président donne avis de cet affichage au cours de la séance à l'ordre du jour de laquelle figure la désignation. A l'expiration d'un délai d'une heure à compter de cet avis, la liste est ratifiée, à moins qu'il n'y ait opposition. La pratique a toutefois suscité une procédure abrégée - les délais étant parfois extrêmement brefs- où la commission désigne ses candidats à l'éventuelle CMP avant même que la demande de réunion de celle-ci ait été officiellement formulée et annoncée en séance plénière.

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

Tableau récapitulatif de l’élaboration de la loi

Députés ou sénateurs :proposition de loi

Gouvernement : projet de loi Dépôt sur le bureau du Sénat ou de l’Assemblée Nationale

Etude en commission Inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée Préparation du texte à l’Assemblée nationale Débats

L’Assemblée peut : L’adopter ou le modifier rejeter le texte

Présentation du texte voté au Sénat Débats

Le Sénat peut : L’adopter rejeter le texte ou le modifier

Retour à l’Assemblée nationale qui peut : A. Se ranger à l’avis du Sénat être en désaccord avec le Sénat

NAVETTE : Retour au Sénat : Si celui-ci ne se range pas à l’avis de l’Assemblée, le texte est renvoyé

devant le Sénat et ainsi de suite Commission mixte paritaire B. Elle élabore un texte commun elle ne parvient pas à établir un

texte commun

Retour devant l’Assemblée nationale qui vote le texte définitif

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

3. Entrée en vigueur de la loi

L’entrée en vigueur de la loi est subordonnée à trois formalités qui sont, dans l’ordre

chronologique, la promulgation, la publication et l’expiration d’un délai d’information.

1.- La promulgation C’est l’acte par lequel le Président de la République atteste l’existence et la régularité de la

loi et ordonne sa publication et son exécution par tous ceux qui y sont assujettis. Le jour de

la promulgation est la date de la loi. Par exemple, une loi du 4 janvier 2005 a été promulguée

le 4 janvier 2005.

2.- La publication Elle a pour objet de faire connaître le texte de la loi au public. Elle a lieu dans le Journal

Officiel (J.O.)

3.- Un délai légal Un délai est accordé aux citoyens pour prendre connaissance de la loi. A l’expiration de ce

délai, « nul n’est censé ignorer la loi », la loi devient obligatoire.

- A Paris, la loi est obligatoire un jour franc après sa publication.

- Dans les autres départements, la loi est obligatoire un jour franc après la distribution

effective du Journal Officiel à la préfecture ou à la sous préfecture. [ Un jour franc, c’est

24 heures sans compter le jour servant de point de départ, ni le jour servant de point

d’arrivée].

Ex. : une loi publiée au J.O. du 3 janvier entre en vigueur à Paris le 5 janvier. Le jour franc

est le 4 janvier.

Dans les autres départements, le J.O. arrive le 4 janvier, la loi entre en vigueur le 6 janvier,

le jour franc étant le 5 janvier.

De nos jours, avec les moyens de télécommunication modernes, le texte du JO est

disponible dans tous les départements le même jour qu’à Paris notamment grâce à Internet.

La loi peut prévoir sa date de mise en vigueur ou en subordonner l’application à la

publication de textes particuliers (ex. décret d’application). Ex.: ainsi la loi du 13 juillet 1965

sur les régimes matrimoniaux n’est entrée en vigueur que le 1er janvier 1966.

Chaque loi a un numéro qui permet de la distinguer des autres textes publiés le même jour.

Ce numéro comprend, en principe, les deux derniers chiffres de l’année de publication et le

numéro d’ordre de la loi dans l’année. Par exemple la loi n°98-1567 est la 1567ème loi de

l’année 1998. Pour l’année 2000, le numéro indique l’année en entier soit 2000 pour éviter

que le numéro soit 00. Ainsi, la loi 2000-75 est la 75ème loi votée dans l’année 2000. Depuis

cette date, l’année est toujours indiquée en entier (2001, 2002, 2003, 2004, 2005).

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Abrogation de la loi

L’abrogation fait perdre à la loi son caractère obligatoire pour l’avenir. Elle est expresse quand la loi nouvelle la prévoit. Elle est tacite si les dispositions du texte nouveau sont

incompatibles avec les dispositions du texte antérieur. En principe, une loi ne peut pas être

abrogée par désuétude, c’est-à-dire par non-application.

4. Application de la loi dans l’espace La loi française s’applique sur tout le territoire national. Les lois de police et de sûreté

s’imposent à tous ceux qui habitent sur le territoire national. Par exemple, une loi relative à

l’enfance en danger est applicable à tous les mineurs résidant en France, quelle que soit leur

nationalité. Les immeubles, même ceux possédés par des étrangers sont régis par la loi

française.

Les deux départements d’Alsace et celui de la Moselle ont conservé dans certains domaines

un droit local issu de l’application du droit allemand pendant la période 1871-1918.

Les lois relatives à l'état et à la capacité des personnes s’appliquent aux Français, même

résidant à l’étranger.

Une loi française peut s’appliquer aux étrangers résidant en France ; ceci peut entraîner un

conflit de lois qui relève du droit international privé.

5. Application de la loi dans le temps Cette question présente un intérêt lorsqu’une loi en vigueur est abrogée par une loi nouvelle.

Par exemple, la loi du 5 juillet 1974 a fixé l’âge de la majorité à 18 ans au lieu de 21 ans. Les

personnes âgées de 18 à 21 ans sont-elles devenues majeures à cette date ?

Il est important de déterminer le domaine d’application dans le temps des deux lois

successives. Il faut déterminer à quels actes ou faits on appliquera la loi ancienne et ceux

auxquels on appliquera la loi nouvelle. Dans certains cas, la loi nouvelle contient des

dispositions transitoires qui règlent la question. Mais il n’en est pas toujours ainsi.

Le principe de la non rétroactivité des lois et de son effet immédiat. L’article 2 du code civil dispose « la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point

d’effet rétroactif ».

Deux règles sont ainsi posées :

- La loi n’a pas d’effet rétroactif, autrement dit, elle ne peut pas être appliquée à des actes

ou des faits antérieurs à sa publication. La loi sur l’âge de la majorité ne change rien pour

les personnes qui ont eu 21 ans avant son entrée en vigueur. A l’inverse, si la loi

nouvelle avait fixé l’âge de la majorité à 21 ans et la loi ancienne à 18 ans, les personnes

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

de plus de 18 ans n’auraient pas été concernées par la loi nouvelle. Elles seraient

restées majeures.

- La loi nouvelle s’applique pour l’avenir : elle s’applique aux faits et actes postérieurs à sa

publication. Les personnes qui ont plus de 18 ans au jour de la publication de la loi

deviennent majeures.

La mise en œuvre de ces principes est parfois délicate : des situations créées sous l’empire

d’une loi ancienne peuvent avoir des effets qui se prolongent sous l’empire de la loi nouvelle.

Par exemple un contrat de location.

Plusieurs solutions ont été proposées :

La théorie des droits acquis distingue les droits acquis (devenus définitifs) qui ne peuvent

pas être remis en question par une loi nouvelle et les simples expectatives (droits non

encore acquis à l’individu) qui seront soumis à la loi nouvelle. Par exemple, une loi nouvelle

vient modifier les règles successorales et a pour conséquence que des proches qui

pouvaient se considérer comme héritiers ne le sont plus après la loi nouvelle. Si le décès a

eu lieu avant la loi nouvelle, les héritiers ont des droits acquis, la loi nouvelle ne leur est pas

applicable. Si le décès survient après la loi nouvelle, ils n’ont que de simples expectatives (ils

espéraient hériter), la loi nouvelle s’applique.

L’inconvénient de cette théorie est qu’elle ne traite pas des situations juridiques en cours.

Désormais, on applique la règle de l’effet immédiat. - Si une situation juridique est créée et terminée au moment de l’entrée en vigueur de la loi

nouvelle, celle-ci ne s’applique pas. Par exemple, la personne qui a eu 21 ans avant

l’entrée en vigueur de la loi sur l’âge de la majorité.

- Si une situation juridique est créée postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi

nouvelle, elle s’applique. Par exemple, la personne qui est âgée de 18 ans après la loi

sur la majorité, devient majeure.

- Pour les situations juridiques en cours, les actes passés avant la loi nouvelle sont

soumis à la loi en vigueur au moment de la création de la situation juridique. Les actes

passés après la loi nouvelle sont soumis à la loi nouvelle même si la situation juridique a été créée avant.

Par exemple une loi de 1985 a modifié les pouvoirs respectifs du mari et de la femme pour

gérer les biens de la communauté. Des époux se sont mariés en 1970. Tous les actes

passés avant 1985 sont soumis à la loi en vigueur au moment du mariage. Mais tous les

actes passés après 1985 sont soumis à la loi nouvelle même si le mariage a eu lieu en 1970.

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- Pour les contrats en cours au moment de la loi nouvelle, il faut distinguer le cas des

lois supplétives15 et celui des lois impératives, c’est-à-dire d’ordre public. S’il s’agit

d’une loi nouvelle supplétive, les règles contractuelles ne sont pas modifiées. S’il s’agit

d’une loi impérative, le contrat est modifié en application de la loi nouvelle.

Exceptions au principe de non rétroactivité des lois : L’article 2 du Code civil est une loi qui émane du Parlement. Le législateur peut donc modifier ou écarter partiellement le principe de non rétroactivité des lois.Il le fait généralement dans quatre cas :

- 1.- Lois expressément rétroactives : le législateur prévoit une date d’application

antérieure à la date de publication. Par exemple, la loi du 6 juillet 1989 sur les SARL

prévoit qu’elle entre en vigueur « à compter du 1er mars 1989 »

- 2.- Lois interprétatives : elles fixent le sens d’un texte antérieur obscur et s’appliquent

rétroactivement à la date d’entrée en vigueur de celui-ci

- 3.- Lois pénales plus douces : elles atténuent ou suppriment des pénalités. Elles

s’appliquent pour les infractions commises avant leur entrée en vigueur

- 4.- Lois de procédure et de compétence : elles s’appliquent aux procès en cours car

elle améliorent le service de la justice

B- Les règlements Les règlements sont les textes émanant du pouvoir exécutif. Les règlements sont soumis à

l’autorité de la loi. Autrement dit, un règlement ne peut pas être contraire à une loi. C’est

pourquoi, les règlements ne peuvent pas être rétroactifs. Ils doivent être conformes à l’article

2 du Code civil qui prévoit la non rétroactivité des lois. Il en existe trois sortes selon les

autorités dont ils émanent : les ordonnances (1), les décrets (2) et les arrêtés (3).

1. Les ordonnances

15 Supplétif : qui remplace, s’applique à défaut de… qui comble une lacune. Se dit d’une règle applicable à défaut d’autres dispositions (légales ou conventionnelles).

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Pour une application rapide de sa politique16, le gouvernement peut demander au Parlement

l’autorisation de prendre « pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du

domaine de la loi ». Par exemple, les ordonnances de 1982 sur la durée du travail. Après

avoir obtenu l’autorisation du Parlement, les ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais

elles deviennent caduques si un projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement.

2.- Les décrets

On distingue :

- Les décrets autonomes pris en application de l’article 37 de la Constitution dans des

domaines qui ne relèvent pas de la loi

- Les décrets d’application : ils précisent les modalités d’application d’une loi

En principe, le Président de la République ne signe que les décrets délibérés en conseil des

ministres. Le Premier ministre dispose d’un pouvoir réglementaire propre. Les décrets

peuvent être contresignés par le ou les ministre(s) chargé(s) de leur exécution.

3.- Les arrêtés Ils émanent des ministres, préfets et maires…

Ces textes réglementaires comme des lois doivent être publiés au J.O.

§ 2 Les sources internationales

16 L'article 49 de la Constitution comprend 4 alinéas et constitue un des éléments forts pour permettre d'éviter les crises ministérielles, telles que la France les a connues sous la IVe République. Il organise : * l'engagement de responsabilité sur un programme (dite aussi « question de confiance ») à l'initiative du gouvernement ; * la motion de censure à l'initiative de l'Assemblée nationale ; * l'engagement de responsabilité sur un texte, le point le plus original, qui permet au gouvernement de forcer l'adoption d'un texte, sauf si l'Assemblée est prête à le renverser ; (49-3) * la possibilité enfin pour le gouvernement de demander l'approbation de sa politique par le Sénat, cette dernière ou son refus éventuel étant dépourvue d'effets juridiques. L'article 49.2, dit de « censure spontanée » (par opposition à l'alinéa suivant, où la censure est en quelque sorte « provoquée » par le gouvernement), en imposant l'adoption de la motion par la majorité absolue des membres, change la charge de la preuve, force l'Assemblée à démontrer qu'il y a un rejet effectif du gouvernement. Le gouvernement ne peut être renversé avec le concours d'indécis qui se contenteraient de s'abstenir. L'article 49.2 n'a abouti qu'une seule fois, en octobre 1962 contre Georges Pompidou qui dut démissionner, pour être aussitôt reconduit, et soutenu par une nouvelle majorité issue des élections. L'article 49.3, dit d' « engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte qu'il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que l'opposition se doit de déposer pour la forme, avec peu d'espoir de réussite.

17

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

On les appelle également les sources externes car elles ont une origine extérieure au pays

auquel elles s’appliquent. On distingue les traités internationaux (A) et les le droit

communautaire (B).

A- Traités internationaux Les traités sont des accords entre Etats. Plusieurs types de conventions peuvent être

signées par les Etats :

- Les conventions qui s’appliquent seulement aux relations internationales entre les pays

signataires mais sans aucune incidence sur le droit interne.

- Les conventions concernant à la fois les relations internationales et le droit interne, dans

un but, rarement atteint, d’uniformisation du droit.

- Les conventions qui entraînent la création d’organismes supranationaux tels que l’ONU17

ou l’UNESCO18.

Les traités doivent être ratifiés par le Président de la République ou par le Parlement pour

les matières qui lui sont réservées. Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou

approuvés, ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois ordinaires

sous réserve de leur application par l’autre partie (principe de réciprocité).

B- Droit communautaire Il s’agit de l’ensemble des règles mises en place par les traités communautaires, ce qu’on

appelle le droit originaire et les règles édictées par les institutions européennes, autrement

dit le droit dérivé.

Le traité de Rome du 25 mars 1957 a institué la communauté économique européenne

(CEE). Les traités de Maastricht des 9 et 10 décembre 1991 doivent réaliser l’union

politique, économique et monétaire de la communauté sous le nom d’Union Européenne

(UE). Ces textes sont complétés par le traité d’Amsterdam. Depuis 2007, l’UE comprend vingt-sept pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre,

Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie,

17 Organisation des Nations unies (ONU ou encore Nations unies) est une organisation internationale fondée le 26 juin 1945 à San Francisco pour résoudre les problèmes internationaux. Elle succède à la Société des Nations (SDN). Elle ne dispose pas de force militaire mais elle peut demander aux États-membres de fournir des contingents pour mettre sur pied des forces de maintien de la paix (les Casques bleus). Son secrétariat général est actuellement dirigé par Ban Ki-Moon, successeur de Kofi Annan. 18 UNESCO = Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture est une institution spécialisée du Système des Nations unies créée le 16 novembre 1945. Elle est principalement connue sous son acronyme anglais UNESCO (ou Unesco) qui signifie United Nations Educational, Scientific and Cultural Organisation. Son siège est au 7/9, place de Fontenoy dans le 7e arrondissement de Paris.

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, République

Tchèque, Slovaquie, Slovénie, Suède, Bulgarie, Roumanie.

L’UE est régie par des institutions politiques et administratives qui élaborent des textes de

droit communautaire et par des institutions judiciaires propres.

Il existe deux juridictions communautaires : la Cour de justice des communautés européennes19 (CJCE - Luxembourg) et le tribunal de première instance20. Le rôle de la CJCE est d’assurer le respect du droit dans l’interprétation des traités. Elle a

une fonction consultative : elle donne son avis sur les propositions de révision des traités et

la compatibilité des accords externes avec le traité instituant la Communauté européenne.

Sa fonction principale est contentieuse. Elle peut être saisie de différents recours

directement ou en seconde instance.

Le tribunal de première instance a été créé par une décision du Conseil du 24 octobre

1988. Sa compétence, limitée à certains domaines au moment de sa création, a été étendue

en 1993 et 1994 à l’ensemble des recours formés par des personnes physiques ou morales.

Ne pas confondre avec la CEDH : Cour européenne des droits de l'Homme (aussi appelée

CEDH ou Cour de Strasbourg, par opposition à la Cour de justice des communautés

européennes) est un organe juridictionnel supra-national crée par la Convention européenne

des droits de l'homme, dans le cadre du Conseil de l'Europe.

19 CJCE : Instituée en 1952 par le Traité de Paris, la Cour de justice des Communautés européennes (abrégée en CJCE), située au Luxembourg (ce qui lui vaut également son surnom de « Cour de Luxembourg », par opposition à la Cour européenne des droits de l'homme, qui siège à Strasbourg), est une institution juridictionnelle qui veille au respect du droit de l'Union européenne. 20 Le Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE ou TPI) est le juge de droit commun du droit communautaire. L’art. 168 A introduit par l’Acte unique a posé les fondations d’une juridiction de première instance, sur la base desquelles a été institué, par une décision du Conseil du 24 octobre 1988, entrée en vigueur le 1er janvier 1990, le Tribunal de première instance. Cette création répond d’une part à la nécessité de décharger la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) d’un certain nombre d’affaires, en particulier celles touchant au contentieux de la fonction publique communautaire, et d’autre part, pour les recours directs formés par des particuliers, c’est-à-dire les personnes physiques et morales, « l’institution d’un double degré de juridiction (est) de nature à améliorer le niveau de protection juridictionnelle des justiciables ». Sa position institutionnelle s'est renforcée graduellement. Il a d’abord été « adjoint à la Cour de justice », et créé par une décision du Conseil puis, inscrit dans le traité en 1992, enfin en 2001 l’article 224 supprime la référence à l’adjonction. Cet enracinement institutionnel s’accompagne d’une tendance lourde à l’extension de ses compétences, au point qu’il devient juge de droit commun en première instance. Le Traité de Rome de 2004 consacre ce mouvement en le désignant par une nouvelle appellation : « Tribunal de Grande instance ». Celle-ci reflète mieux ses prérogatives juridictionnelles, étant à la fois une juridiction de première instance sur certains recours directs, et de deuxième, voire dernier ressort pour les affaires transférées aux chambres. Cela ne signifie pas pour autant qu’il est une institution au sens de l’art. 7 CE. De fait il ne dispose pas de sa propre structure administrative mais son autonomie est assurée par un greffe distinct de la Cour. Le régime du TPI est défini par des textes particuliers, outre la décision du Conseil fondatrice, le TPI établit son propre règlement de procédure (RP TPI), en accord avec la Cour de justice, après qu’il a été approuvé à la majorité qualifiée par le Conseil.

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Elle a été créée en 1959 et siège, depuis le 1er novembre 1998, à Strasbourg. Sa mission

est de veiller au respect de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des

libertés fondamentales (CESDH). La Cour européenne des droits de l'homme est

compétente lorsqu’un État membre du Conseil de l'Europe, qui a ratifié la Convention et ses

Protocoles additionnels (État partie), ne respecte pas les droits et les libertés qui y sont

reconnus. Pour pouvoir saisir la CEDH, il faut que le justiciable ait épuisé toutes les voies de

recours qui lui sont offerts dans leur droit interne.

Section II Les sources concurrentes Certaines règles de droit sont issues des usages, elles constituent la coutume (1). Un autre

type de droit non écrit est fourni par la jurisprudence (2), qui est l’ensemble des décisions

rendues par les tribunaux sur les questions relevant de leur compétence. Quel que soit le

souci de précision qui puisse animer les autorités chargées de légiférer, la loi, et pas

davantage la coutume ne peuvent prévoir toutes les difficultés et il faudra nécessairement

adapter la règle générale à chaque situation particulière. Il peut encore arriver que la loi,

sans être incomplète, soit obscure, le législateur s’étant mal exprimé. Dans ces divers cas,

on est obligé d’interpréter la loi et la même observation vaut pour la coutume. Cette

interprétation est l’œuvre de la jurisprudence et de la doctrine (3).

§1 La coutume

Il s’agit de la plus ancienne source de droit. Les usages ne se confondent pas avec la

coutume. Si un simple usage peut acquérir force obligatoire, tout usage ne constitue pas une

coutume. Il existe en effet quantité d’usage qui fixe la conduite à tenir dans certaines

circonstances. Ils entrent dans les mœurs mais n’ont pas forcément de caractère juridique

(tel que les usages mondains, de bienséance, de politesse).

Les juristes ont précisé les caractères qu’un usage doit présenter pour être juridiquement obligatoire, pour constituer une coutume.

La coutume implique des comportements suffisamment répandus dans l’espace et anciens

dans le temps. « Une fois n’est pas coutume ». Il est nécessaire que l’usage soit considéré

comme ayant force obligatoire par la population qui le suit pour devenir une coutume. Cette

opinion résulte de la croyance généralement répandue qu’il s’agit d’une règle juridiquement

obligatoire (ex. perte du nom de jeune fille pour les femmes mariées).

20

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La coutume peut avoir divers rôles :

- secundum legem21 : dans un certain nombre de cas, des règles de nature coutumière,

ainsi que des usages, spécialement des usages locaux, s’appliquent en vertu d’une

prescription formelle du législateur ou de l’autorité parlementaire. Ainsi en est-il en

matière contractuelle, il est ainsi fait expressément référence aux usages pour compléter

ou interpréter les contrats (article 1135, 1159 et 1160 du Code civil) ou en matière de

propriété foncière (article 645, 663, 671 du Code civil). Le droit social en connaît (usage

d’entreprise).

- Praeter legem22 (dans le silence de la loi): ce rôle de la coutume a été violemment

contesté parce que la coutume ne pourrait avoir de force obligatoire sans un renvoi

exprès de la loi, au motif que le parlement est seul dépositaire de la souveraineté

nationale. En fait, ce cas est très rare car lorsqu’une question soulève des difficultés, elle

est généralement réglée par la loi ou la jurisprudence avant qu’une coutume n’ait eu le

temps de se former [la coutume qui veut que la femme porte le nom de son mari, la

preuve de la qualité d’héritier (acte de notoriété)].

- Contra legem23 : cette catégorie pose le problème plus général de l’abrogation des lois

par désuétude. On peut admettre qu’une coutume puisse détruire une loi interprétative

ou supplétive de volonté24 mais il est délicat d’accepter l’existence de coutume contraire

à des lois impératives pourtant cela peut arriver (ex. coutume en vertu de laquelle,

malgré l’existence d’un acte notarié en matière de donation [article 931 du Code civil], la

pratique du don manuel est valable).

Le droit commercial a laissé une large place à la coutume (ex. les règles permettant, en

matière de compte courant, l’anatocisme25, c’est-à-dire la capitalisation des intérêts,

contrairement à l’article 1154 du Code civil ; les sources professionnelles, à l’instar des

normes élaborées par des organismes de caractère corporatif : usage de place en matière

financière ou bancaire).

§2 La jurisprudence

21 Termes latins signifiant « conformément à la loi », utilisés pour désigner une coutume, un usage, une pratique qui s’établit conformément à la loi écrite ou qui s’applique en vertu d’un renvoi exprès de la loi. 22 Expression latine signifiant « au-delà de la loi » aujourd’hui utilisée pour caractériser une coutume, un usage qui s’établit, à défaut de texte, dans le silence de la loi, pour combler une lacune de la loi écrite. 23 Se dit d’une coutume, d’un usage, d’une pratique qui s’établit contrairement à la loi écrite. 24 Loi qui ne s’impose à un individu qu’à défaut de manifestation de volonté contraire de sa part. 25 Capitalisation des intérêts. Les intérêts intégrés au capital, produisent eux-mêmes des revenus, ce qui tend à augmenter rapidement le pois de la dette.

21

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L’interprétation jurisprudentielle est susceptible d’être créatrice de règles de droit. On appelle

« jurisprudence », « l’ensemble des décisions de justice rendue pendant une certaine

période soit dans une matière, soit dans une branche du droit, soit dans l’ensemble du

droit ». Les tribunaux sont chargés de juger les litiges. A cet effet, ils appliquent le droit aux

rapports humains. Un litige suscite deux questions : une question de fait et une question de

droit. Les juges ayant découvert et déterminé les faits doivent appliquer le droit. Mais la loi

peut être difficile à comprendre, obscure et imprécise. De plus, les faits peuvent être

complexe et offrir une combinaison non prévue par la loi car le législateur est incapable de

faire face à la complexité des cas particuliers et ne peut le faire à défaut de rendre la loi

incompréhensible.

Le juge a une obligation de juger (article 4 du Code civil). Le déni de justice est

pénalement réprimé. Le juge ne peut statuer en équité26 en raison du risque d’arbitraire et

d’incohérence dans les décisions (ce qui est équitable pour l’un ne le sera pas forcément

pour l’autre). Une solution rationnelle est attendue. Le juge utilisera donc les décisions

rendues antérieurement dans des cas identiques, il s’appuiera sur les précédents judiciaires,

sur ce qu’on appelle la jurisprudence. Les jugements sont motivés, c’est-à-dire qu’avant

d’énoncer sa sentence, le juge doit la justifier par le raisonnement. Dès lors, un autre juge

qui doit juger une affaire semblable, s’il est convaincu par la justesse du raisonnement

pourra se l’approprier à son tour. L’utilisation des précédents judiciaires tient encore au fait

que les juges sont conscients de ce qu’il leur faut satisfaire un besoin de sécurité.

Le juge a interdiction de légiférer. Prohibition des arrêts de règlement (article 5 du Code

civil). Que la jurisprudence puisse créer du droit cela heurte le principe de séparation des

pouvoirs27 et notamment du judiciaire et du législatif. Le juge n’a pas le droit d’édicter des

26 Un premier sens de la notion d'équité se rencontre chez Aristote: le terme intervient alors dans le cadre d'une réflexion sur la loi et ses conditions d'application. L’équité complète, corrige le droit positif. C’est la justice naturelle fondée sur la reconnaissance des droits de chacun. La notion d'équité telle qu'elle est employée aujourd'hui dans le discours public et notamment dans les argumentaires politiques renvoie à un autre cadre théorique: celui qu'a contribué à définir le philosophe John Rawls (1921-2002, Théorie de la justice, 1987 ; Le droit des gens, 1996). Cette notion désigne alors le souci d'organiser la coopération sociale selon des principes qui tiennent compte des éventuelles disparités entre les membres d'une même société: c'est le sens des principes de la justice tels que les définit Rawls. 27 Séparation des pouvoirs est un principe de répartition des différentes fonctions de l'État, qui sont confiées à différentes composantes de ce dernier. On retient le plus souvent la classification de Montesquieu, appelée Trias Politica : le pouvoir législatif, confié au parlement ; le pouvoir exécutif, confié au gouvernement, à la tête duquel se trouve un chef d'État et / ou de gouvernement ; le pouvoir judiciaire, confié au juge. Mais il arrive fréquemment qu'on ne parle que des deux premiers. La séparation des pouvoirs a été, pour l'essentiel, élaborée par Locke (John Locke 1632 –1704, était un philosophe anglais) et Montesquieu (Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, connu sous le nom de Montesquieu - 1689 1755) est un moraliste, penseur politique,

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dispositions qui auraient force de loi, dans la tradition de droit public français, la puissance

législative n’appartient qu’au Parlement qui représente la volonté générale. Pour compléter

l’interdiction faite au pouvoir judiciaire d’empiéter sur le domaine du pouvoir législatif, l’article

5 du Code civil interdit aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et

réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. Par ce texte, le Code civil interdit la

pratique des arrêts de règlement : sous l’ancien régime, il était loisible aux parlements de

rendre des arrêts non pas applicables seulement à un cas déterminé mais constituant une

règle qui par la suite était applicable à des cas analogues.

De même, la relativité de la chose jugée paraît s’opposer au pouvoir de la jurisprudence

de créer du droit. Les jugements n’ont qu’une autorité relative, limitée à l’affaire sur laquelle

ils statuent : la solution donnée ne vaut que pour l’espèce à propos de laquelle elle a été

rendue. Le fait qu’une juridiction, si haut placée qu’elle soit, a tranché une question dans un

certain sens n’oblige pas une autre juridiction à adopter la même solution. Ce principe

comporte une seule exception : en cas de cassation d’une décision par les chambres réunies

de la Cour de cassation, ou à présent, par l’Assemblée plénière, la juridiction de renvoi doit

se ranger à l’opinion de la Cour de cassation. Il en est autrement dans les pays anglo-

saxons où règne la valeur obligatoire du précédent judiciaire, les tribunaux étant liés par les

décisions rendues dans des affaires semblables par les juridictions supérieures. La relativité

de la chose jugée concourt ainsi à l’interdiction des arrêts de règlements.

Cependant, la prohibition des arrêts de règlement n’empêche pas le juge d’émettre des

principes généraux de solution, dès lors qu’il y a un lien entre le principe exprimé et la

solution du litige. En d’autres termes, l’article 5 du Code civil interdit au juge –même au juge

de cassation- de créer des normes en dehors de tout litige mais n’exclut pas la création de

normes prétoriennes dans le cadre de l’activité juridictionnelle. Ainsi, le système permet tout

à la fois l’édiction de principes généraux de solutions à propos des litiges qui se présentent,

mais n’empêche nullement de les modifier lorsque se présentent d’autres espèces. On appel

de tels arrêts, des arrêts de principe28.

précurseur de la sociologie, philosophe et écrivain français du siècle des Lumières. mais de manière bien différente de ce que l'on conceptualise aujourd'hui. En effet, les philosophes des Lumières ne concevaient qu'un simple agencement entre différentes puissances équilibrées, qui se partageraient les différentes fonctions de l'État. À partir des révolutions américaine et française, cependant, les juristes ont déformé cette théorie pour en faire un modèle juridique où chaque puissance aurait le monopole d'une des fonctions et ne pourrait être influencée par une autre. Cette évolution du concept a permis une classification des régimes politiques, où l'on distingue maintenant entre régime parlementaire (séparation souple des pouvoirs, comme celle de Locke ou de Montesquieu) et régime présidentiel (séparation stricte des pouvoirs, telle qu'énoncée par les juristes). 28 Arrêt /jugement

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Une question agite depuis longtemps la doctrine : la jurisprudence est-elle une simple

autorité ou une authentique source de droit ? L’importance grandissante de la jurisprudence

a multiplié ses interférences avec la loi et augmenté leurs occasions de conflits. Ainsi arrive-

t-il à la jurisprudence de modifier la loi. Jurisprudence secundum legem, praeter legem,

contra legem ?

§3 La doctrine

La doctrine n’est pas une source directe de droit. Néanmoins son rôle est loin d’être

négligeable dans le domaine des sources. La doctrine est constituée par l’ensemble des

travaux et études de juristes sur différents problèmes de droit. La doctrine ne joue qu’un rôle

indirect dans l’élaboration des règles de droit, l’opinion d’un auteur ne s’impose ni aux

tribunaux ni au législateur. Cependant en dégageant à partir des arrêts et des textes des

solutions juridiques, la doctrine trace certaines lignes de conduite que suivront parfois les

tribunaux. Les travaux de la doctrine mettent à jour les imperfections des solutions existantes

et en proposent de nouvelles. La doctrine influence les tribunaux et le législateur.

Le rôle des praticiens (avocats, notaires) est d’aider les particuliers à résoudre les difficultés

juridiques qu’ils rencontrent. Ils interviennent comme conseil ou défenseur. Ils créent

indirectement des règles de droit dans la mesure où les clauses et formules utilisées dans

leurs actes finissent par devenir des clauses de style adoptées par tous à titre d’usage. Les

praticiens contribuent à l’interprétation de la règle de droit en proposant des solutions qui, si

elles sont retenues par les juges, formeront la jurisprudence.

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PARTIE II LES ACTEURS DE LA VIE JURIDIQUE Les droits subjectifs sont destinés à des êtres humains, considérés individuellement ou en

groupes lorsque ceux-ci constituent des entités suffisamment caractérisées et structurées.

Les êtres humains sont dotés de la personnalité juridique. La personnalité juridique est

précisément cette aptitude à être titulaire actif ou passif de droits subjectifs, que le droit

objectif reconnaît à chacun (Chapitre I). La loi, par l’effet d’une fiction juridique, reconnaît

également la personnalité juridique aux personnes morales (sociétés, associations...etc.), ce

qui leur permet d’avoir, la capacité juridique, un patrimoine et d’être propriétaire à l’instar des

personnes physiques qui les ont créées (II) [cf. Le cours de Mme Bianca LAURET au second

semestre].

CHAPITRE I La personne physique

Seules les êtres humains sont dotés de la personnalité juridique. Les animaux29 en sont

dépourvus, mais il existe un courant qui tend à traiter l’animal quelque peu, voire beaucoup à

l’instar des personnes physiques. Positivement tous les êtres humains ont droit à la

personnalité juridique, ce qui vaut condamnation de l’esclavage aboli en France en 1848.

Les droits de la personnalité sont des droits extra-patrimoniaux30 (section I) qui ont traits à

l’état des personnes (section II).

Section I Les droits de la personnalité La protection de la vie privée (§1) et son corollaire le droit de la personne sur son image

(§2), ainsi que le droit au respect du corps humain (§3) sont des droits de la personnalité.

§1 Le droit au respect de l’intimité ou le droit au respect de la vie privée

29 Les animaux sont des biens meubles (qui se déplacent d’eux-mêmes ou que l’on peut déplacer) en droit français. 30 Droit patrimonial : droit subjectif entrant dans le patrimoine : il est dans le commerce juridique, il est cessible et prescriptible. En principe tout droit subjectif est patrimonial. Droit extrapatrimonial : qui est en dehors du patrimoine, intéressant la personne elle-même et non ses biens, donc incessible et intransmissible (droit à l’honneur, à la dignité, à la présomption d’innocence, au respect de la vie privée…etc.).

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La protection de la vie privées est affirmée par une série de textes internationaux (CEDH

art.8 ; art. 17 du pacte des nations unis sur les droits civils et politiques, art. 17 de la

convention de New-York de 1990 sur les droits de l’enfant…etc.). dans une société libre

chaque individu a deux vies, sa vie publique et sa vie privée. Seule la vie privée doit être

protégée contre les atteintes des tiers.

Evolution historique :

1.- Lorsque du fait du développement de la presse à sensation, les procès se sont multipliés,

c’est essentiellement l’article 1382 du Code civil « tout fait quelconque de l’homme qui

cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » que

les tribunaux ont utilisé. La référence au droit de la responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle (article 1382 et 1383 du Code civil) a entraîné tout naturellement la nécessité de

rapporter la preuve d’une faute et celle d’un préjudice.

2.- Extension de la notion de faute : un glissement s’est opéré et le seul fait de raconter la

vie privée d’une personne, même connue, sans son consentement au moins tacite était

considéré comme une faute. Si le comportement antérieurement complaisant de la victime

n’est pas de nature à atténuer la faute du défendeur, il est de nature à diminuer, le cas

échéant, l’étendue du préjudice et en conséquence le montant des dommages et intérêts. L’extension de la notion de faute a été telle qu’il n’est désormais plus nécessaire de prouver

la faute.

3.- Les progrès techniques ont engendré de graves atteintes à la vie privée par la biais de

l’audiovisuel et de l’informatique. On a considéré que le secret de la vie privée serait protégé

plus efficacement si on érigeait en droit subjectif l’intérêt que peut avoir une personne,

connue ou inconnue au respect de sa sphère d’intimité, toute atteinte permettant d’agir sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute ni de démontrer l’existence d’un préjudice,

même simplement moral. Antérieurement en 1970, la jurisprudence s’était déjà orientée

dans cette voie. Mais, c’est une loi du 17 juillet 1970 qui a inséré à l’article 9, alinéa 1er du

Code civil, la disposition suivante : « chacun a droit au respect de sa vie privé » (A). Après

son étude, nous envisagerons la mise en œuvre de l’article 9 (B).

A Conditions de l’article 9 du Code civil

La Cour de cassation a clairement affirmé la spécificité de la protection issue de l’article 9 du

Code civil et affirmé que « la seule constatation de l’atteinte à la vie privée ouvre droit à

réparation » (Cass. 1ère civ., 5 novembre 1996, Bull. civ. I, n°378). L’existence d’un dommage

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cesse d’être alors prise en compte pour apprécier une responsabilité pour atteinte à un droit

de la personnalité ; mais elle continue de l’être relativement à la détermination des

éventuelles sanctions.

Qu’est-ce que la vie privée ? Il est délicat de répondre à cette question car certaines

données personnelles servent aussi à identifier la personne dans la société. Au cœur de la

vie privée, il y a la vie personnelle. Peuvent être rattachées à ce premier cercle, les données

tenant à l’identité, à l’origine, à la santé (ex. au sujet d’un état de grossesse, Paris 27 février

1981, Isabelle Adjani), au caractère ou aux mœurs (ex. condamnation d’un coming out forcé,

CA PARIS, 21 octobre 2004, comm. Com. electr. Mars 2005, p.44, note A. LEPAGE).

Le législateur a consacré des dispositions à l’étude génétique des caractéristiques d’une

personne et à son indentification par ses empreintes génétiques. Mais il ne s’est pas

prononcé sur le statut de l’information génétique.

Relèvent aussi de la vie privée d’une personne, dans un cercle plus large, les éléments

intéressant sa vie sentimentale, conjugale, extra-conjugale, familiale.

Il a été décidé que le domicile31 ou l’adresse appartient au domaine de la vie privée (ex. viole

l’intimité de celle-ci celui qui révèle l’endroit où se trouve un objet d’art de valeur, TGI

TOURS, 7 août 1986, D.1987, somm., p.138, obs. R. LINDON et D. AMSON). Il en va

autrement lorsque la dissimulation du lieu du domicile, de résidence ou du n° de téléphone, a

pour seul but de se dérober à l’exécution de ses obligations et faire ainsi échec aux droits

des créanciers.

Relèvent de la vie publique d’une personne, connue ou inconnue, des comportements

attestant une participation à des manifestations publiques (pratiques religieuses), dès lors

que leur révélation n'est pas inspirée par la volonté de nuire ou de susciter des attitudes

discriminatoires et agressives.

Il est difficile de tracer la ligne de partage entre les deux vies. Le domaine de ce qui est

public s’étend au détriment de ce qui est privé lorsqu’il y a notoriété de certains faits ou

lorsqu’il s’agit de personnages historiques.

31 Domicile : lieu dans lequel une personne est censée demeurer en permanence. C’est la raison pour laquelle les actes judiciaires faits à son domicile lui sont opposables. En droit positif, le domicile est situé au lieu du principal établissement (art. 102 du Code civil) / Résidence : lieu où se trouve en fait une personne. On oppose la résidence au domicile qui est le lieu où elle est située en droit. Toutefois, la résidence séparée des époux, en cours de procédure de divorce ou de séparation de corps, entraîne de plein droit domicile distinct.

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La vie professionnelle : des interférences peuvent se produire entre vie privée et

professionnelle, sous réserve de règles sanctionnant les discriminations et il n’est pas exclu

qu’à l’embauche l’employeur puisse être intéressé par des éléments tenant à la vie privée

d’une personne, notamment à sa situation de famille.

Des convictions religieuses peuvent être prises en compte si elles ont été prises en

considération lors de la conclusion du contrat de travail (ex. institutrice dans une institution

religieuse attachée à l'indissolubilité du mariage et qui se remarie après un divorce...cette

institution ne commet aucune faute en rompant le contrat de travail de cette salariée pour

remariage après divorce : Ass. Plén32. 19 mai 1978, D.78, p.541, note Ph. ARDANT).

Si, en revanche des données tenant à la vie privée n’ont pas été prises en considération lors

de la conclusion du contrat, n’ont pas été incluses dans le champ contractuel (par une

clause), le comportement de l’intéressé (en particulier ses mœurs) ne peut être invoqué

contre lui par son employeur dès lors qu’il n’apporte ni scandale, ni trouble dans le

fonctionnement de l’entreprise (ex. Cass. soc. 17 avril 1991, JCP 1991, II, 21724, note A.

SERIAUX, affaire du sacristain33 homosexuel de l’église St Nicolas du Chardonnet).

L’intimité de la vie privée implique le secret des correspondances, l’employeur ne peut

prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à

un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et même au cas où l’employeur

aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur (Cass. soc. 2 octobre 2001,

Bull. civ. V, n°291).

Longtemps la jurisprudence a considéré que le patrimoine d’une personne relevait de la vie

privée. Puis elle a considéré que la divulgation par voie de presse d’information concernant

le patrimoine individuel n’est pas en elle-même de nature à porter atteinte au secret de la vie

privée (peut être au secret professionnel) s’agissant de personnalités du monde des affaires

ayant une position qui les signale à l’attention générale par l’influence qu’elles exercent sur

la vie économique et financière (Cass. 1ère civ., 20 novembre 1990, Bull. civ. I, n°257) puis la

32 Formation de la Cour de cassation comprenant, sous la présidence du Premier président, les présidents et doyens des chambre ainsi qu’un conseiller pris au sein de chaque chambre (19 membres). Elle intervient obligatoirement lorsqu’une juridiction de renvoi ne s’étant pas inclinée, un second pourvoi est formé et fondé sur les mêmes moyens que le premier. Sa saisine est facultative lorsqu’il existe des solutions divergentes soit entre les juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation. Dans tous les cas, sa décision s’impose à la juridiction de renvoi. Elle peut, à titre exceptionnel, juger sans renvoyer. 33 Personne qui a la charge de la sacristie d’une église, pièce où l’on range les objets sacrés (ornements sacerdotaux).

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solution a été étendue à tout un chacun (Cass. 1ère civ., 28 mai 1991, D.1992, p.213, note P.

KAYSER).

B Mise en œuvre de l’article 9 du Code civil : l’atteinte à la vie privée

« Notre liberté se bâtie sur ce qu’autrui ignore de nos existences » Soljenitsyne.

Il n’y a pas atteinte à la vie privée d’une personne lorsque celle-ci autorise une immixtion

dans celle-ci. De la part de gens célèbres cette autorisation est assez fréquente et il n’est

pas rare qu’elle soit rémunérée, ce qui marque bien les limites du caractère extra-patrimonial

des droits de la personnalité. Les nombreuses déclarations accordées par l’intéressé sont de

nature à atténuer l’atteinte subie par lui du fait d’une publication litigieuse.

L’autorisation n’est pas nécessairement expresse, elle peut être tacite mais à condition

qu’elle soit certaine. C’est pourquoi le fait de ne pas avoir exercé dans le passé des actions

en justice pour obtenir la condamnation d’atteintes antérieures ne vaut pas consentement.

La charge de la preuve incombe à celui qui se prévaut d’une autorisation et il faut tenir

compte de l’appréciation souveraine des tribunaux quant à l’existence et la portée de

l’autorisation. La notoriété des éléments considérés et de nature à écarter l’idée d’atteinte à

la vie privée, notamment lorsqu’ils ont donné lieu à des débats judiciaires. Il y a une

nécessaire appréciation par les juges du fond du degré de notoriété. Celle-ci peut s’effacer

avec le temps, ce qui subordonne une nouvelle information portant sur les mêmes faits à un

nouvel accord (il existe un droit à l’oubli). Le fait que la personne ait elle –même révélé des

faits n’autorise pas la re-divulgation de certains de ces faits.

Le droit au respect de la vie privée est reconnu à toute personne. Mais le droit d’agir pour le

respect de la vie privée s’éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce

droit (Cass. 1ère civ., 14 décembre 1999, Bull. civ. I, n°245), ce qui n’exclut pas, mais à

d’autres titres, notamment en termes de responsabilité civile, que la vie privée des proches

du défunt appelle respect et protection.

Enfin, la divulgation échappe à la critique si elle porte sur des faits appartenant à l’histoire.

Les sanctions :

- Réparation du dommage en application des règles du droit de la responsabilité civile.

Mais on ne peut rendre secret ce qui a cessé de l’être et le montant des dommages et

intérêts et difficilement chiffrables.

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- L’article 9 alinéa 2 du Code civil dispose que « les juges peuvent, sans préjudice de la

réparation du dommage subi, prescrire toute mesures, telles que séquestre34, saisie et

autres propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces

mesures peuvent s’il y a urgence être ordonnées en référé. »

L’alinéa 1er parle de « l’atteinte à la vie privée » et l’alinéa 2 de « l’atteinte à l’intimité de la vie

privée ». Le législateur n’a pas précisé comment il fallait comprendre cette distorsion entre

les deux expressions. Sans doute a-t-il voulu souligner qu’il y a un équilibre à trouver entre la

protection des particuliers, le pouvoir du juge et la liberté de la presse. C’est-à-dire que

l’atteinte doit être d’une certaine gravité (d’où le terme d’intimité) afin de ne limiter le droit

légitime de l’information du public qu’à bonne escient.

La Cour de cassation adopte une interprétation large de l’article 9 alinéa 2 et a fondu la

notion « d’intimité à la vie privée » (al. 2 de l’art. 9) dans celle de « vie privée » (al. 1 même

article) la seule constatation d’une atteinte aux droits de la personne caractérisant l’urgence

au sens de l’article 9 du Code civil.

Certains modes d’extériorisation de la personne appellent une protection semblable à celle

qui a été dégagée précédemment. Attachés à la personne, mieux encore inhérents à celle-ci,

ils relèvent de la vie privée et de l’article 9 du Code civil. Tel est le cas de l’image.

§2 Le droit de la personne sur son image

Avant que la notion de droit au respect de la vie privée ne soit apparue en jurisprudence et

n’ait été consacrée par la loi, celle du droit d’une personne sur son image était déjà admise

(CA PARIS, 27 février 1967, D.1967, p.453). Là encore, il a été admis que la victime pouvait

recourir aux règles régissant la responsabilité civile (cf. article 1382 du Code civil). La

distinction entre les deux a cependant subsisté, même s’il arrive souvent que l’atteinte à la

vie privée accompagne une atteinte au droit à l’image.

En cas de reproduction d’une dépouille mortelle, le décès met fin au droit du vivant, mais la

fixation de l’image d’une personne, vivante ou morte, sans autorisation préalable des

personnes ayant pourvoir de l’accorder est prohibée, ce qui rend irrecevable, à ce titre, la

demande des héritiers, mais n’exclut pas qu’ils puissent se plaindre, à cette occasion,

d’atteintes à leur propre vie privée. Ex) publication dans la presse de la photographie du

34 Personne désignée par justice ou par des particuliers pour assurer la conservation d’un bien qui est l’objet d’un procès ou d’une voie d’exécution (article 1956 du Code civil).

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cadavre d’une personne assassinée, le préfet Erignac, au cours de la période de deuil des

proches parents de cette personne, constitue, dès lorsqu'elle n’a pas reçu l’assentiment de

ceux-ci, une profonde atteinte à l’intimité de leur vie privée (caractère sacré, secret et

personnel du deuil).

Le droit au respect de la vie privée et du droit à l’image sont distincts et ouvrent droit à des

réparations différentes. Il y a d’ailleurs atteinte au droit à l’image dès la prise de l’image,

avant même sa reproduction et sa diffusion.

La réalisation de l’image d’autrui, connu ou inconnu, se trouvant dans un lieu privé, est subordonné à son consentement. Lorsqu’une personne se trouve dans un lieu public,

ce droit est moins étendu parce que son droit à l’image doit être concilié avec d’autres

considérations, comme la liberté de communication des informations.

La reproduction et la diffusion de l’image d’autrui prise dans un lieu privé est subordonnée au

consentement de la personne. C’est à celui qui reproduit l’image qu’il appartient de rapporter

la preuve de l’autorisation. Il ne suffit pas d’avoir acquis les droits du photographe. En outre,

le consentement accordé à l’un ne l’est pas nécessairement à l’autre. La jurisprudence a une

interprétation restrictive de l’autorisation.

A moins qu’il ne s’agisse d’un homme d’état dans l’exercice public de ses fonctions, chacun

peut interdire la reproduction de ses traits. Le fait qu’une personne intéressant l’actualité se

trouve dans un lieu public ne vaut pas renonciation au droit qu’elle a sur son image et sur sa

vie privée.

Il peut exister des cas où la profession ou l’activité de l’intéressé permet de présumer

l’existence d’une autorisation tacite d’utilisation de l’image qu’il est possible d’éviter par une

manifestation préalable de volonté (ex. artistes). Lorsque la prise de l’image est effectuée au

vu et au su de l’intéressé, il y a lieu de présumer qu’il y a consenti.

Les sanctions civiles attachées à l’atteinte au droit à l’image sont les mêmes que celles

attachées à la violation du droit au respect de la vie privée. D’ailleurs lorsqu’il y a atteinte au

droit à l’image, il y a aussi, la plupart du temps, atteinte à la vie privée. C’est au pénal que

les différences se manifestent, il existe des sanctions spécifiques pour les atteintes à la vie

privée relatives à l’image ou à la voix (art. 226-1 du NCP).

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§3 Le droit au respect du corps humain

Le principe d’inviolabilité (article 16-1 al. 2du Code civil35 « le corps humain est inviolable ».

Un tempérament, l’article 16-3 al. 1er dispose qu’ « il ne peut être porté atteinte à l’intégrité

du corps humain qu’en cas de nécessité médicale pour la personne »36. La Cour de

cassation a jugé qu’une ligature des trompes de Fallope pratiquée à des fins contraceptives

est prohibée (Cass. avis. 6 juillet 1998, JCP 1998, IV, 3005). Mais, la loi a admis la

stérilisation des handicapés mentaux majeurs le 4 juillet 200137. Tatouage, piercing…. Le

consentement de l’intéressé est nécessaire préalablement hors le cas où son état rend

nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir (art.

16-3 al2). Depuis 1997, le médecin est tenu d’une obligation d’information vis-à-vis du

patient (Cass. 1ère civ., 25 février 1997, D. 1997, somm., p.319, obs. J. PENNEAU).

35 Article 16-1 du Code civil (inséré par Loi nº 94-653 du 29 juillet 1994 art. 1 I, II, art. 3 Journal Officiel du 30 juillet 1994) : Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. 36 Article 16-2 du Code civil (inséré par Loi nº 94-653 du 29 juillet 1994 art. 1 I, II, art. 3 Journal Officiel du 30 juillet 1994) : Le juge peut prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte illicite au corps humain ou des agissements illicites portant sur des éléments ou des produits de celui-ci. Article 16-3 du Code civil (Loi nº 94-653 du 29 juillet 1994 art. 1 I, II, art. 3 Journal Officiel du 30 juillet 1994) (Loi nº 99-641 du 27 juillet 1999 art. 70 Journal Officiel du 28 juillet 1999 en vigueur le 1er janvier 2000) (Loi nº 2004-800 du 6 août 2004 art. 9 a Journal Officiel du 7 août 2004) Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir 37 Article L.2123-2 du Code de la santé public : (inséré par Loi nº 2001-588 du 4 juillet 2001 art. 27 Journal Officiel du 7 juillet 2001) La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne mineure. Elle ne peut être pratiquée sur une personne majeure dont l'altération des facultés mentales constitue un handicap et a justifié son placement sous tutelle ou sous curatelle que lorsqu'il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée de les mettre en œuvre efficacement. L'intervention est subordonnée à une décision du juge des tutelles saisi par la personne concernée, les père et mère ou le représentant légal de la personne concernée. Le juge se prononce après avoir entendu la personne concernée. Si elle est apte à exprimer sa volonté, son consentement doit être systématiquement recherché et pris en compte après que lui a été donnée une information adaptée à son degré de compréhension. Il ne peut être passé outre à son refus ou à la révocation de son consentement. Le juge entend les père et mère de la personne concernée ou son représentant légal ainsi que toute personne dont l'audition lui paraît utile. Il recueille l'avis d'un comité d'experts composé de personnes qualifiées sur le plan médical et de représentants d'associations de personnes handicapées. Ce comité apprécie la justification médicale de l'intervention, ses risques ainsi que ses conséquences normalement prévisibles sur les plans physique et psychologique. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. Nota : Loi 2001-588 2001-07-04 art. 28 I : les présentes dispositions sont applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte.

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

Le principe de non-patrimonialité du corps humain, de ses éléments et de ses produits (art.

16-1 al. 3 : « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit

patrimonial »). Il est précisé à l’article 16-5 que « les conventions ayant pour effet de

conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses éléments ou à ses produits sont

nulles ». L’article 16-6 dispose qu’ « aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se

prête à une expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à

la collecte de produits de celui-ci ».

Le principe d’indisponibilité du corps humain. Les conventions ne peuvent pas porter

directement sur le corps humain. Il est hors du commerce. La formule est convaincante pour

le corps en son entier mais moins pour ses éléments ou ses produits. Ex) les mères

porteuses (Ass. Plén. 31 mai 1991, D. 1991, p.417 : la convention par laquelle une femme

s’engage, fû-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa

naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à

celui de l’indisponibilité de l’état des personnes). Article 16-7 du Code civil (issu de la loi du

29 juillet 1994) : « toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte

d’autrui est nulle ».

Non-brevetabilité des éléments ou des produits du corps humain (des gènes, des séquences

génétiques contenus dans les cellules humaines). Loi n°94-633 du 23 juillet 1994 : « le corps

humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance de la structure totale ou

partielle d’un gène humain ne peuvent, en tant que tels, faire l’objet de brevets ». Article 16-6

du Code civil : « Aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête à une

expérimentation sur sa personne, au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte

des produits de celui-ci ».

Sauf expérimentation des médicaments : art. L.5121-10 à L.5121-20 du Code de la santé

publique38.

38 Article L.5121-20 du Code de la santé publique : (Loi nº 2002-1487 du 20 décembre 2002 art. 43 II 2º Journal Officiel du 24 décembre 2002) (Loi nº 2003-1199 du 18 décembre 2003 art. 19 II Journal Officiel du 19 décembre 2003) (Loi nº 2004-800 du 6 août 2004 art. 19 III Journal Officiel du 7 août 2004) (Loi nº 2004-806 du 9 août 2004 art. 148 II Journal Officiel du 11 août 2004) (Loi nº 2007-248 du 26 février 2007 art. 15 Journal Officiel du 27 février 2007) (Ordonnance nº 2007-613 du 26 avril 2007 art. 4 Journal Officiel du 27 avril 2007) Les modalités d'application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d'Etat, et notamment : 1º Les critères scientifiques justifiant, le cas échéant, l'exonération des études de biodisponibilité des spécialités génériques définies au 5º de l'article L. 5121-1, la procédure d'inscription au répertoire des groupes génériques mentionné à l'article L. 5121-10, ainsi que les modalités de l'inscription dans un groupe générique existant d'une spécialité remplissant la condition pour être spécialité de référence et de la création de groupes génériques en l'absence de spécialité de référence ; 2º Les conditions dans lesquelles des autorisations de mise sur le marché peuvent être considérées comme faisant partie d'une autorisation de mise sur le marché globale ;

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Section II L’état des personnes

L’état d’une personne, c’est sa situation juridique. Chaque personne a un état dont elle ne peut pas disposer librement. C’est le principe de l’indisponibilité de l’état des personnes.

La loi a organisé un système officiel de constatation de l’état des personnes : c’est le

système de l’état civil. Les actes constatant la naissance, le mariage et le décès doivent être

consignés dans les registres de l’état civil.

En ce qui concerne son organisation, l’état civil est tenu par l’officier d’état civil qui est le

maire; il peut donner délégation à des membres du conseil municipal. Ce rôle peut être tenu

par les agents diplomatiques ou consulaires pour les Français à l’étranger.

Les registres sont au nombre de trois : naissance, mariage, décès ; ils sont tenus en double

original, dont un qui est déposé au TGI (Tribunal de Grande Instance).

La rectification de ces actes se fait soit par une procédure administrative en cas d’erreur,

d’omission « purement matérielle » (ex : mauvaise orthographe). Le procureur de la

République donne directement les instructions nécessaires aux dépositaires des registres

soit par décision judiciaire : devant le président du TGI sur requête, s’il s’agit d’une erreur

simple ou devant le TGI si l’affaire est plus complexe et s’il s’agit d’une véritable action d’état

(problème de filiation, de changement d’état civil…)

Exemple : en cas de changement de sexe : la jurisprudence n’admettait pas l’action en

rectification quant le changement avait été provoqué artificiellement. Un arrêt du 25 mars

1992 de la Cour européenne des droits de l’homme a donné tort aux juridictions françaises

qui depuis, ont modifié leur jurisprudence (cf. Ass. Plén. 11 décembre 1992 confirmée en

1995).

La consultation des actes n’est pas autorisée pour les registres de moins de cent ans, mais

la publicité est assurée par la délivrance de copies intégrales de l’acte : elles peuvent être

délivrées à l’intéressé ou à une personne qui justifie un lien avec lui (mais les actes de décès

peuvent être délivrés à toute personne) ou d’extraits : accessibles à tout requérant.

En ce qui concerne la force probante de ces actes, pour ce que l’officier d’état civil a lui-

même constaté (jour, heure…) : les registres et extraits font foi jusqu’à « inscription de

3º Les règles relatives à l'étiquetage, la notice et la dénomination des médicaments et produits mentionnés au présent chapitre ; (…). 9º Les règles applicables à l'expérimentation des médicaments en vue de leur autorisation de mise sur le marché ainsi qu'aux essais organisés après la délivrance de cette autorisation ; (…).

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faux »39 ; pour ce qu’il n’a pas lui-même constaté (ex. sexe d’un nouveau né) : les mentions

font foi jusqu’à preuve contraire. La responsabilité de l’officier d’état civil peut être engagée

sur le plan pénal, disciplinaire ou civil

La reconnaissance de la personnalité juridique assure l’insertion de l’être humain dans la

société. Le rattachement de la personne physique s’opère aussi par sa désignation, c’est-à-

dire par son nom (§1). Toute personne a également un domicile (§2).

§1 Le nom et ses accessoires

Il comprend : le nom de famille depuis la loi de mars 2002, le prénom et éventuellement des

éléments accessoires comme le surnom ou le pseudonyme…

Avant la loi du 4 mars 2002, le nom de famille était désigné sous le terme de nom

patronymique. Le nom, c’est l’appellation servant à désigner une personne physique dans sa

vie sociale et juridique, chaque individu a le devoir de porter son nom (A) et la possibilité de

le défendre (B).

A Le devoir de porter son nom

Cette appellation se décompose en plusieurs éléments : essentiellement le nom

patronymique et ses accessoires, parmi lesquels les prénoms. Le nom patronymique d’une

personne physique résulte habituellement d’un rapport de famille, en raison d’un lien de

filiation (1) ou de mariage (2). Il est également possible de changer de nom (3).

1°L’attribution du nom par la filiation

L’enfant légitime prend le nom de son père et il peut ajouter à son nom patronymique à titre

d’usage le nom de sa mère en application de l’article 43 alinéa 1er de la loi du 23 décembre

198540. Le premier mode d’acquisition du nom de famille est la filiation.

Par la suite d’une coutume concernant les époux, reprise par une loi du 23 décembre 1985,

un époux peut porter à titre d’usage le nom de son conjoint. Cet époux, le plus souvent la

femme, ne perd pas son patronyme.

39 Contestation portée devant une juridiction civile en vue de faire reconnaître qu’un acte authentique est faux. 40 Article 43 de la loi n°85-1372 du 23 décembre 1985 : Toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien.

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La loi 2002-304 du 4 mars 2002 change les règles de transmission du nom, [elle ne devait

entrer en vigueur qu’en septembre 2003. Mais le texte de 2002 a été complété par la loi

2003-516 du 18 juin 2003 qui a reporté l’entrée en vigueur de la loi de 2002 au 1er janvier

2005].

Article 311-21 du Code civil : (Loi nº 2002-304 du 4 mars 2002 art. 4 Journal Officiel du 5 mars 2002 en vigueur le 1er septembre 2003) (Loi nº 2003-516 du 18 juin 2003 art. 2 Journal Officiel du 19 juin 2003 en vigueur le 1er janvier 2005) (Ordonnance nº 2005-759 du 4 juillet 2005 art. 3, art. 8 I Journal Officiel du 6 juillet 2005 en vigueur le 1er juillet 2006)

Lorsque la filiation d'un enfant est établie à l'égard de ses deux parents au plus tard le jour

de la déclaration de sa naissance ou par la suite mais simultanément, ces derniers

choisissent le nom de famille qui lui est dévolu : soit le nom du père, soit le nom de la mère,

soit leurs deux noms accolés dans l'ordre choisi par eux dans la limite d'un nom de famille

pour chacun d'eux. En l'absence de déclaration conjointe à l'officier de l'état civil mentionnant

le choix du nom de l'enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l'égard duquel sa

filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie

simultanément à l'égard de l'un et de l'autre.

En cas de naissance à l'étranger d'un enfant dont l'un au moins des parents est français,

les parents qui n'ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions du précédent

alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l'acte,

au plus tard dans les trois ans de la naissance de l'enfant.

Lorsqu'il a déjà été fait application du présent article ou du deuxième alinéa de l'article 311-

23 à l'égard d'un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les

autres enfants communs.

Lorsque les parents ou l'un d'entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par

une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu'un seul nom à leurs enfants.

Avant ces textes, le nom transmis à l’enfant de parents mariés ou lors d’une reconnaissance

conjointe par les deux parents était le nom du père. La loi du 4 mars 2002 modifie le Code

civil en y ajoutant une section sur la dévolution (transmission) du nom.

Désormais, les parents transmettent le nom qu’ils souhaitent : celui du père, celui de la mère, les deux dans l’ordre qu’ils choisissent. En cas de désaccord, c’est le nom du

A l’égard des enfants mineurs, cette faculté est mise en œuvre par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale.

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père qui sera transmis. Dans le projet initial, en cas de désaccord, les deux noms étaient

transmis dans l’ordre alphabétique mais le Sénat a amendé cette disposition en prévoyant la

transmission du nom du père. L’Assemblée nationale a accepté cette modification pour que

la loi puisse être votée avant la fin de la législature 2002 (avant les élections législatives de

juin 2002). Le nom choisi par les parents pour leur premier enfant commun vaut pour les

autres enfants à venir.

En résumé, pour la filiation légitime, la loi 2002-304 du 4 mars 2002 complétée par la loi

2003- 516 du 18 juin 2003, entrée en vigueur le 1er janvier 2005 : les parents de l’enfant

choisissent le nom qu’il portera : nom du père, de la mère ou des deux. En cas de désaccord, c’est le nom du père qui sera transmis

Pour la filiation naturelle, l’enfant naturel prend le nom de celui de ses parents qui le

reconnaît et en cas de reconnaissance conjointe simultanée, les parents choisissent le nom

transmis (loi 2002). En cas de reconnaissance postérieure par l’un des parents, l’enfant peut

prendre par substitution le nom de celui de ses parents qui l’a reconnu en second lieu ou

accoler les deux noms, pendant sa minorité, si les parents en font la déclaration conjointe

devant le greffier en chef du TGI.

Pour la filiation adoptive, en cas d’adoption simple41 : l’adopté rajoute le nom de l’adoptant

à son nom. Dans le cas d’une adoption plénière42 : l’adopté prend le nom de l’adoptant, en

cas d’adoption par deux époux, mêmes règles que pour enfant légitime (loi 2002).

Si la filiation est non établie, c’est le cas des enfants « trouvés »43 : on procède à une

attribution administrative par l’officier d’état civil, il choisit plusieurs prénoms dont l’un est le

nom de famille.

41 L’adoption simple laisse subsister des liens juridiques entre l’enfant et sa famille d’origine, tout en créant des liens de filiation entre l’adoptant et l’adopté. 42 Elle provoque une rupture de tout lien juridique entre la famille d’origine. L’enfant adopté est assimilé à un enfant légitime. 43 Article 58 du Code civil : (Ordonnance nº 58-779 du 23 août 1958 art. 1 Journal Officiel du 30 août 1958) (Loi nº 93-22 du 8 janvier 1993 art. 3 Journal Officiel du 9 janvier 1993) Toute personne qui aura trouvé un enfant nouveau-né est tenue d'en faire la déclaration à l'officier de l'état civil du lieu de la découverte. Si elle ne consent pas à se charger de l'enfant, elle doit le remettre, ainsi que les vêtements et autres effets trouvés avec lui, à l'officier de l'état civil. Il est dressé un procès-verbal détaillé qui, outre les indications prévues à l'article 34 du présent code, énonce la date, l'heure, le lieu et les circonstances de la découverte, l'âge apparent et le sexe de l'enfant, toute particularité pouvant contribuer à son identification ainsi que l'autorité ou la personne à laquelle il est confié. Ce procès-verbal est inscrit à sa date sur les registres de l'état civil. A la suite et séparément de ce procès-verbal, l'officier de l'état civil établit un acte tenant lieu d'acte de naissance. En plus des indications prévues à l'article 34, cet acte énonce le sexe de l'enfant ainsi

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2°L’attribution du nom par le mariage

Du fait du mariage, chacun des époux a un droit d’usage du nom de son conjoint, droit

qu’utilise souvent dans notre société la femme mariée. Sous réserve de diverses exceptions

et de tempéraments, à la suite du divorce chacun des époux reprend l’usage de son nom

(art. 264 du Code civil).

En cas de divorce, chacun des époux reprend l’usage de son nom de famille. Par exception,

la femme peut demander à conserver l’usage du nom de son mari. Elle pourra obtenir ce

droit si son mari donne son accord ou à défaut avec l’autorisation du juge, si elle justifie

« d’un intérêt particulier » pour elle même ou pour ses enfants44.

3°Le changement de nom

Le changement de nom patronymique a longtemps été subordonné à des conditions assez

strict (L. 11 germinal an XI, Titre II). Ce qui illustrait le fait que le nom soit considéré non

seulement comme l’objet d’un droit subjectif, mais aussi comme une institution de police

civile. Désireuse de simplifier les règles existantes, la loi du 8 janvier 1993 a cependant

abrogé la loi du 11 germinal an XI et inséré dans le Code civil (article 61 et s.)45 des

dispositions propres à élargir et à faciliter les règles relatives au changement de nom. A

que les prénoms et nom qui lui sont donnés ; il fixe une date de naissance pouvant correspondre à son âge apparent et désigne comme lieu de naissance la commune où l'enfant a été découvert. Pareil acte doit être établi, sur déclaration des services de l'assistance à l'enfance, pour les enfants placés sous leur tutelle et dépourvus d'acte de naissance connu ou pour lesquels le secret de la naissance a été réclamé. Les copies et extraits du procès-verbal de découverte ou de l'acte provisoire de naissance sont délivrés dans les conditions et selon les distinctions faites à l'article 57 du présent code. Si l'acte de naissance de l'enfant vient à être retrouvé ou si sa naissance est judiciairement déclarée, le procès-verbal de la découverte et l'acte provisoire de naissance sont annulés à la requête du procureur de la République ou des parties intéressées. 44 Article 264 du Code civil : Loi nº 75-617 du 11 juillet 1975 art. 1 Journal Officiel du 12 juillet 1975 en vigueur le 1er janvier 1976) (Loi nº 2004-439 du 26 mai 2004 art. 16 Journal Officiel du 27 mai 2004 en vigueur le 1er janvier 2005) A la suite du divorce, chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint. L'un des époux peut néanmoins conserver l'usage du nom de l'autre, soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge, s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants. NOTA : La loi 2004-439 du 26 mai 2004 entrera en vigueur le 1er janvier 2005 sauf pour les exceptions citées par l'article 33 II. 45 Article 61 du Code civil : (Décret nº 65-422 du 1 juin 1965 art. 12 Journal Officiel du 5 juin 1965) (inséré par Loi nº 93-22 du 8 janvier 1993 art. 4, art. 64 Journal Officiel du 9 janvier 1993 en vigueur le 1er février 1994) Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret.

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l’idée suivant laquelle le nom est une institution de police civile, on rattachera l’obligation

imposée à chacun de porter son nom dans la vie juridique (article 99)46.

En principe, le nom est immuable47, il est impossible d’en changer. Il existe des exceptions

en cas de changement d’état (adoption par exemple) et par autorisation administrative pour

certains motifs.

La personne qui désire changer de nom doit justifier d’un intérêt légitime (loi du 8 janvier

1993 et décret n°94-52 du 20 janvier 1994). Est considéré comme tel par la jurisprudence : la

consonance étrangère d’un nom, l’homonymie avec un terme injurieux, grossier ou un nom

rappelant de mauvais souvenirs historiques, le désir de mettre en harmonie son nom avec

les autres membres de la famille ayant obtenu un changement.

La requête doit être adressé au garde des sceaux par l’intermédiaire du procureur de la

république, qui instruit la demande. L’acceptation se fait par décret, si la demande est

refusée, le refus doit être motivé.

La requête et le décret sont publiés au JO. Les tiers ont deux mois pour faire opposition

devant le Conseil d’Etat.

La mention du changement est portée en marge des actes de l’état civil. Le changement

s’étend aux membres de la famille directe. Les enfants de plus de 13 ans doivent donner leur

consentement personnel.

Il est admis que le droit d’une personne sur son nom patronymique est incessible : elle ne

peut se dépouiller en le cédant car il est trop lié à sa personnalité. C’est pourquoi on est

porté à y voir un droit de la personnalité, comme le droit à l’honneur, le droit au respect de la

vie privé, le droit à l’image…

46 Article 99 du Code civil (Loi du 8 juin 1893)(Loi du 20 novembre 1919)(Loi du 10 mars 1938) (Ordonnance nº 58-779 du 23 août 1958 art. 1 Journal Officiel du 30 août 1958) (Décret nº 81-500 du 12 mai 1981 art. 1 Journal Officiel du 14 mai 1981) La rectification des actes de l'état civil est ordonnée par le président du tribunal. La rectification des jugements déclaratifs ou supplétifs d'actes de l'état civil est ordonnée par le tribunal. La requête en rectification peut être présentée par toute personne intéressée ou par le procureur de la République ; celui-ci est tenu d'agir d'office quand l'erreur ou l'omission porte sur une indication essentielle de l'acte ou de la décision qui en tient lieu. Le procureur de la République territorialement compétent peut procéder à la rectification administrative des erreurs et omissions purement matérielles des actes de l'état civil ; à cet effet, il donne directement les instructions utiles aux dépositaires des registres. 47 Article 1er de Loi du 6 fructidor an II : Aucun citoyen ne pourra porter de nom ni de prénom autres que ceux exprimés dans son acte de naissance : ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre.

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B Le droit de défendre son nom Il existe une sorte de « propriété48 » du nom de famille. D’où une forte protection : le

propriétaire peut interdire à quiconque d’user de son nom.

Quant à sa nature juridique, le nom est à la fois :

- un droit subjectif, droit de la personnalité ;

la reconnaissance d’un droit au nom entraîne sa protection par l’action en usurpation (1) et

l’action pour utilisation abusive ou dommageable (2).

1.- L’action en usurpation

Article 434-23 du Code pénal :

(Ordonnance nº 2000-916 du 19 septembre 2000 art. 3 Journal Officiel du 22 septembre

2000 en vigueur le 1er janvier 2002)

Le fait de prendre le nom d'un tiers, dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient

pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales, est puni de cinq ans d'emprisonnement

et de 75000 euros d'amende.

Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5, les peines prononcées pour ce délit

se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour

l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation a été commise.

Est punie des peines prévues par le premier alinéa la fausse déclaration relative à l'état

civil d'une personne, qui a déterminé ou aurait pu déterminer des poursuites pénales contre

un tiers.

Elle est exercée contre un tiers qui porte indûment un nom.

2.- L’action pour utilisation dommageable ou abusive Elle est utilisable contre un auteur qui a donné à l’un de ses personnages le nom d’une

personne (le demandeur doit rapporter la preuve d’un préjudice c’est-à-dire une possibilité

de confusion entre lui et le personnage).

Il faut rapporter la preuve d’un préjudice et d’une faute (exigé par la JP) si le nom est

employé dans une œuvre littéraire (pas besoin contre un tiers lambda, le préjudice est constitué par l’utilisation du nom). Ce régime plus sévère concernant les œuvres

littéraires s’explique par le fait que sinon il serait difficile aux auteurs de trouver des noms ! ! 48 Terme impropre juridiquement pour le nom de famille comme l’expression du droit de propriété rapporte aux biens. Ce n’est pas un vrai droit de propriété mais un droit extra-patrimonial (à la fois une

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Le nom est également :

- une institution de police civile qui se justifie par la nécessité pour l’Etat de distinguer

les individus. L’utilisation d’un faux nom entraîne des sanctions pénales.

Le nom est obligatoire, immuable (sauf exception), indisponible c’est-à-dire qu’il ne peut être

vendu ou légué (exception : nom commercial) et imprescriptible.

C Les accessoires du nom - Le prénom : il permet d’individualiser les membres d’une même famille. Le prénom est

obligatoire, chaque enfant doit recevoir un ou plusieurs prénoms choisis par les parents.

Pendant longtemps, une loi imposait de choisir les prénoms dans un calendrier et

l’officier d’état civil pouvait s’opposer au choix des parents. La loi du 8 janvier 1993

enlève à l’officier de l’état civil le droit de refuser un prénom et la loi n’impose plus de

choisir sur un calendrier. Cependant si le prénom choisi paraît contraire à l’intérêt de l’enfant, l’officier de l’état civil peut avertir le procureur de la République qui pourra saisir

le JAF. Il est possible de changer de prénom en cas d’adoption plénière (le tribunal peut

sur demande de l’adoptant modifier les prénoms de l’enfant), d’acquisition de la

nationalité française (demande de francisation du prénom), d’intérêt légitime. Depuis la

loi de 1993, tout prénom inscrit dans l’acte de naissance peut être choisi comme prénom

usuel.

- Le pseudonyme : c’est un nom de fantaisie que se donne une personne physique

(Molière = J. B. Poquelin ou Johnny Halliday = J. P. Smet). Il bénéficie de la protection

contre toute usurpation mais ne doit pas se substituer au nom véritable dans les actes

officiels.

- Le surnom : c’est une appellation donnée à une personne par son entourage, il n’a

aucune valeur juridique.

- Les titres de noblesse : prince, duc, marquis, vicomte, baron, chevalier…ils sont acquis

par des règles particulières ; ils n’octroient plus aucun privilège mais ils sont protégés

juridiquement contre l’usurpation. Il s’agit d’une distinction honorifique attachée au nom.

- Les particules et les armoiries : ils sont traités différemment des titres de noblesse. Ils

font parti intégrante du nom de famille, transmise et protégée comme lui. La particule (de,

manifestation de l’état civil de la famille et un attribut de la personne physique, donc un droit e la personnalité).

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du, de la, des, d’) est un élément du nom de famille. Les armoiries bénéficient de la

même protection.

§2 Le domicile

Jadis le domicile constituait un élément important de rattachement lorsqu’il s’agissait de

déterminer le droit applicable à des relations de droit privé. Depuis la rédaction du Code civil,

cet intérêt a disparu, mais nombre d’intérêts pratiques demeurent attachés à la détermination

du domicile d’une personne physique (ex. en droit civil, l’article 1247 en matière de lieu de

paiement49) ou la compétence territoriale en procédure civile (article 43 du NCPC50). Le

domicile de tout français, quant à l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement. La notion de domicile mérite d’être étudié (A) puis les moyens de

procéder à sa détermination (B).

A La notion de domicile

L’article 102 alinéa 1er du Code civil dispose que « le domicile de tout français, quant à

l’exercice de ses droits civils, est au lieu où il a son principal établissement ». Ce mode de

rattachement n’est pas unique. Il coexiste avec la notion plus concrète de résidence51 qui

suivant les cas, la concurrence ou la remplace. En principe, le domicile est volontaire, c’est-

à-dire qu’il est choisi librement et résulte de la coexistence d’un élément matériel (le principal

établissement) et d’un élément intentionnel (la volonté de l’intéressé de fixer là son principal

établissement).

Le domicile se distingue de la résidence. Le domicile est une situation de droit : c’est le lieu

où est rattachée la personnalité juridique de l’individu. Il est unique. La résidence est une

situation de fait : c’est le lieu où une personne habite ou séjourne. Un individu peut avoir

plusieurs résidences. Mais souvent domicile et résidence sont confondus.

49 1247 du Code civil : le paiement doit être exécuté dans le lieu désigné par la convention. Si le lieu n’y est pas désigné, le paiement lorsqu’il s’agit d’un corps certain et déterminé, doit être fait dans le lieu où était, au temps de l’obligation, la chose qui en fait l’objet. Les aliments alloués en justice doivent être versés, sauf décision contraire du juge, au domicile ou à la résidence de celui qui doit les recevoir. Hors ces cas, le payement doit être fait au domicile du débiteur. 50 Article 43 du NCPC : le lieu ou demeure le défendeur s’entend : s’il s’agit d’une personne physique, du lieu où celui-ci à son domicile ou, à défaut, sa résidence. S’il s’agit d’une personne morale, du lieu où celle-ci est établie. 51 Lieu où se trouve en fait une personne. On oppose la résidence au domicile qui est le lieu où elle est située en droit. Toutefois la résidence séparée des époux, au cours de la procédure de divorce ou de séparation de corps entraîne de plein droit domicile distinct.

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Certains effets sont attachés à la détermination du domicile. Par exemple, en droit fiscal, il

permet de déterminer le lieu d’imposition ; en droit public, il détermine le lieu de vote et

d’éligibilité ; en droit civil, il détermine le lieu d’exercice de certains droits ou obligations

comme la célébration du mariage ou l’ouverture de la succession du défunt…

En principe, le choix du domicile est libre et il est unique dans le sens où une personne ne

peut avoir qu’un domicile.

Le domicile est volontaire : l’expression de la volonté quant au choix du domicile suppose

un élément matériel (le fait d’occuper les lieux) et un élément intentionnel (la volonté d’y fixer

son principal établissement). Le changement de domicile s’opérera par le fait d’habiter un

autre lieu joint à l’intention d’y fixer son principal établissement.

Le domicile est inviolable : la violation du domicile est un délit pénal et constitue une atteinte

à la vie privée.

B La détermination du domicile

Il arrive que le domicile soit dit légal (déterminé par la loi). C’est ainsi que le mineur non

émancipé est domicilié chez ses père et mère. Si les père et mère ont un domiciles distincts,

il est domicilié chez celui des parents avec lequel il réside (article 108-2 du Code civil)

- Exception au libre choix : le domicile légal peut être imposé aux individus en raison de

leur situation de dépendance (le mineur non émancipé est domicilié chez ses parents,

le majeur en tutelle chez son tuteur), de leurs fonctions (les fonctionnaires publics inamovibles doivent avoir comme domicile le lieu où ils exercent leurs fonctions, les

employés et domestiques majeurs qui travaillent habituellement chez autrui ont le même

domicile que leur employeur), de leur mode de vie (les bateliers, forains et nomades

doivent choisir leur domicile dans l’une des communes dont le nom figure sur une liste

établie par l’administration, c’est ce qu’on appelle le domicile de rattachement ; les

personnes sans domicile fixe peuvent dorénavant indiquer comme domicile l’adresse

d’un organisme de secours).

- Exception à l’unicité :il peut exister des domiciles spéciaux à l’exercice de certains droits :

le domicile matrimonial détermine la commune dans laquelle on peut se marier et peut

résulter d’une simple résidence de plus d’un mois ou le domicile électoral qui permet à

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un électeur inscrit sur la liste électorale de son domicile ou celle de sa résidence (si elle

date de plus de 6 mois) ou celle du lieu où il paie ses impôts directs depuis plus de 5 ans

- Exceptions jurisprudentielles : le domicile apparent, dans certains cas, les tribunaux font

produire à la résidence les mêmes effets qu’au domicile en appliquant la théorie de

l’apparence et la jurisprudence des gares principales qui permet d’assigner une société

devant le tribunal du lieu où elle a un établissement (expression tirée d’un arrêt de 1876

qui a jugé qu’une assignation était valable si elle n’était pas faite au siège mais au lieu du

principal établissement à propos de la Compagnie des Chemins de fer d’Orléans

assignée à Tours).

L’élection de domicile ou domicile élu : c’est un domicile fictif choisi pour une opération

donnée. Par exemple, les partie peuvent élire domicile chez un notaire pour l’exécution d’un

contrat. L’élection de domicile donne compétence au tribunal du lieu indiqué.

Le domicile est inviolable. Des sanctions pénales de prison et d’amende (art.226-4 NCP)

frappent « l’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres,

menaces, voies de fait ou contrainte ». Il y aurait d’ailleurs une atteinte à la vie privée

contraire à l’article 9 du Code civil. Les constats, perquisitions ou visites domiciliaires au

domicile des particuliers sont entourés de garanties particulières qu’imposent d’ailleurs les

déclarations, conventions et pactes internationaux (art. 12 déclaration universelle des droits

de l’homme ; convention européenne des droits de l’homme, art. 8 ; pacte des nations unies

sur les droits civils et politiques, art. 17).

Article 134 alinéa 1er du Code de procédure pénal : L'agent chargé de l'exécution d'un

mandat d'amener, d'arrêt et de recherche ne peut s'introduire dans le domicile d'un citoyen

avant 6 heures ni après 21 heures.

Section III La capacité juridique des personnes

La capacité est l’aptitude d’une personne à être titulaire de droits et à les exercer. Un incapable est une personne juridique à laquelle la loi ne reconnaît pas la faculté de

passer des actes juridique, en particulier un contrat.

La matière vient d’être réformée.

La réforme des tutelles opérée par la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2009.

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Une incapacité spéciale ne porte alors que sur certains contrats, quelle que soit la partie

avec laquelle l’incapable contracte : ainsi les associations reconnues d’utilité publique ne

peuvent recevoir de dons sans une autorisation administrative (loi 1er juillet 1901, art. 11

alinéa 2 ; art. 910 du Code civil52). La loi peut aussi interdire à certaines personnes de passer

certains actes juridiques avec telles ou telles autres personnes déterminées : ainsi en est-il

de l’interdiction faite au médecin ou au ministre du culte de recevoir des libéralités53 de la

personne qu’il soigne ou qu’il assiste dans les conditions prévues à l’article 909 du Code

civil54. Il s’agit d’interdictions légales de contracter.

52 Article 910 du Code civil : (Ordonnance nº 2005-856 du 28 juillet 2005 art. 1 Journal Officiel du 29 juillet 2005 en vigueur le 1er janvier 2006) (Loi nº 2006-728 du 23 juin 2006 art. 9, art. 10 Journal Officiel du 24 juin 2006 en vigueur le 1er janvier 2007) Les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux, des pauvres d'une commune, ou d'établissements d'utilité publique, n'auront leur effet qu'autant qu'elles seront autorisées par un décret. Toutefois les dispositions entre vifs ou par testament, au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités, à l'exception des associations ou fondations dont les activités ou celles de leurs dirigeants sont visées à l'article 1er de la loi du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, sont acceptées librement par celles-ci, sauf opposition motivée par l'inaptitude de l'organisme légataire ou donataire à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire. L'opposition est formée par l'autorité administrative à laquelle la libéralité est déclarée, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. L'opposition prive d'effet cette acceptation. 53 Toute disposition à titre gratuit, quel qu’en soit le mode de réalisation : libéralité entre vifs (donation ordinaire, indirecte, déguisée), libéralité à cause de mort (legs...etc.). 54 Ancien article 909 du Code civil : (Loi nº 2006-728 du 23 juin 2006 art. 9 Journal Officiel du 24 juin 2006 en vigueur le 1er janvier 2007) Les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé et les pharmaciens qui auront traité une personne pendant la maladie dont elle meurt, ne pourront profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de cette maladie. Sont exceptées : 1º Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ; 2º Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu'au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n'ait pas d'héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers. Les mêmes règles seront observées à l'égard du ministre du culte. Nouvel article 909 du Code civil : (Loi nº 2006-728 du 23 juin 2006 art. 9 Journal Officiel du 24 juin 2006 en vigueur le 1er janvier 2007) (Loi nº 2007-308 du 5 mars 2007 art. 9 Journal Officiel du 7 mars 2007 en vigueur le 1er janvier 2009) Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci. Les mandataires judiciaires à la protection des majeurs et les personnes morales au nom desquelles ils exercent leurs fonctions ne peuvent pareillement profiter des dispositions entre vifs ou testamentaires que les personnes dont ils assurent la protection auraient faites en leur faveur quelle que soit la date de la libéralité. Sont exceptées : 1º Les dispositions rémunératoires faites à titre particulier, eu égard aux facultés du disposant et aux services rendus ;

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Il y a incapacité de jouissance lorsque la personne est absolument privée du droit de

passer des actes juridiques au sujet desquels elle est incapable (le mineur non émancipé ne

peut faire des donations). En ce qui concerne les incapacités de jouissance, l’incapacité

générale de jouissance n’existe plus depuis la disparition de l’esclavage et de la mort civile.

Les incapacités spéciales sont prévues par certains textes (article 909 du code civile :

interdiction du médecin).

Il y a incapacité d’exercice, lorsque la personne, sans pouvoir accomplir seule des actes,

peut cependant les accomplir, soit par l’intermédiaire d’un représentant (administrateur légal,

tuteur), soit avec l’assistance d’une autre personne (curateur) ou une autorisation. La

capacité est l’aptitude d’une personne à être sujet de droits et d’obligations et à les exercer.

Il faut distinguer :

- la capacité de jouissance : c’est l’aptitude à avoir des droits et des obligations

- la capacité d’exercice : c’est le pouvoir de mettre en œuvre soi-même ses droits et ses

obligations

§1 Condition sine qua non : la personnalité juridique On acquiert la personnalité juridique (A) mais on peut également la perdre ou la voir réduire

(B).

A L’acquisition de la personnalité juridique La personnalité juridique, c’est l’aptitude à être sujet de droit reconnue de plein droit et sans distinction à tous les êtres humains (personnes physiques) et sous certaines conditions variables selon leur nature aux personnes morales. La personnalité juridique

confère à un titulaire (sujet de droit) des droits et des obligations et qui, de ce fait, a un rôle

dans l’activité juridique. La capacité est la règle.

2º Les dispositions universelles, dans le cas de parenté jusqu'au quatrième degré inclusivement, pourvu toutefois que le décédé n'ait pas d'héritiers en ligne directe ; à moins que celui au profit de qui la disposition a été faite ne soit lui-même du nombre de ces héritiers. Les mêmes règles seront observées à l'égard du ministre du culte.

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Toute personne physique a une capacité générale de jouissance, mais la capacité d’exercice

peut être réduite ou même disparaître : la personne est frappée d’incapacité. La protection

des incapables est alors organisée.

On acquiert la personnalité juridique à la naissance.

B La perte et la réduction de la personnalité juridique La perte de la personnalité juridique est fixée au moment de la mort, qui fait du corps

humain une chose.

La mort civile55, sous l’ancien régime, faisait perdre à un homme sa personnalité même de

son vivant. Elle a été abolie par une loi du 31 mai 1854.

Si la mort cérébrale marque la fin de la personnalité juridique et le passage de l’état de

personne à celui de chose, il n’en demeure pas moins que l’être humain appelle une

protection particulière, spécialement des expérimentations effectuées alors que le

fonctionnement du cœur et de la circulation sanguine peuvent être artificiellement maintenus.

Le comité consultatif national d’éthique a considéré en 1988 que semblables

expérimentations ne portent plus sur des personnes vivantes et le Conseil d’Etat a adopté la

même analyse. Ultérieurement, la loi du 25 juillet 1994 n’a pas proscrit les expérimentations

sur un être humain en état de mort cérébrale si cette personne y avait consenti.

Le corps humain sans vie est considéré comme sacré. Le cadavre est une chose mais pas

une chose comme les autres. C’est une chose et non une personne de sorte qu’on ne

saurait lui reconnaître un droit quelconque, y compris un droit de la personnalité (droit à

l’image, droit au respect de la vie privée) ce qui n’exclut pas la possibilité pour les ayants

cause56 du défaut d’agir en justice s’il est porté atteinte à son image, à sa mémoire (sur le

fondement de la responsabilité civile).

Il existe des cas où la personnalité juridique ne disparaît pas, mais où elle est réduite :

55 Sanction qui frappait (avant son abolition en 1854) les condamnés aux peines les plus graves et qui consistait à les réputer morts au regard du droit bien qu’ils fussent physiquement en vie d’où résultaient pour eux une perte de leur personnalité juridique et également une incapacité générale de jouissance. 56 Il s’agit des personnes qui tiennent leur droit d’une autre appelée « auteur ». par exemple, l’ayant cause universel est un héritier, la personne qui a vocation à recueillir l’ensemble du patrimoine de son auteur.

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Les différents types d’incapacités : la réduction de la personnalité juridique

Une loi n°2007-308 du 5 mars 2007 (qui n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2009) a

réformé le droit des tutelles.

On distingue les incapacité de protection qui concernent les incapacités en raison de

l’insuffisance de discernement en raison de l’âge ou de l’altération des facultés mentales ou

corporelles (exemples : le mineur, le majeur incapable) des incapacités fondées sur la

défiance ou la suspicion qui sont des incapacités d’ordre public qui ont pour but de

protéger la société (exemples : perte des droits civils, civiques et familiaux à la suite d’une

condamnation pénale : incapacité sanction ; incapacité pour un médecin d’hériter du malade

qu’il a soigné pendant sa dernière maladie).

Les techniques de protection ne sont pas les mêmes selon les types d’incapacité :

En ce qui concerne les incapacités d’exercice, l’incapable relève d’un régime juridique

adapté à sa situation. Il en existe trois :

- La représentation légale pour :

- les mineurs non émancipés

- les majeurs en tutelle

- les interdits légaux57

- L’assistance pour les majeurs en curatelle.

- L’autorisation pour certains actes (mariage d’un mineur).

Quel que soit le régime, on distingue trois catégories d’actes, plus ou moins graves ; les

mesures de protection diffèrent selon la catégorie d’actes :

57 Les personnes frappées d’une peine à perpétuité sont déchues de leur capacité. Autrefois, les interdits légaux :l’article 29 de l’ancien code pénal prévoyait que les condamnés à une peine criminelle étaient « interdits légaux ». Les interdits légaux étaient sous le régime de la tutelle. La loi du 3 janvier 1968 avait laissé subsister cette situation mais en assouplissant le régime de la tutelle. Le nouveau code pénal entré en vigueur en 1994 a supprimé l’interdiction légale. Cependant, la suppression des droits civil, civiques et de famille demeure mais elle est facultative pour le juge. Les condamnés interdits légaux avant l’entrée en vigueur du nouveau code pénal bénéficient de la mainlevée de l’interdiction et reprennent l’exercice de leurs droits.

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- Les actes conservatoires sont les actes sans danger pour le patrimoine : ils consistent à

assurer la conservation d’un bien. Exemples Contrat d’assurance

- Les actes d’administration sont les actes qui correspondent à la gestion normale d’un

patrimoine par exemple la location d’un immeuble

- Les actes de disposition sont les actes qui font sortir un bien du patrimoine par exemple

la vente d’immeuble, donation.

§2 La protection des mineurs Selon l’article 388 du Code civil (non modifié), « le mineur est l’individu de l’un ou l’autre

sexe qui n’a point encore l’âge de 18 ans accomplis ».

Etendue de l’incapacité du mineur :

Le mineur non émancipé est frappé d’une incapacité générale d’exercice : il ne peut exercer

lui-même les droits dont il est titulaire : c’est son représentant qui agit en son nom.

Mais il est bien évident qu’on ne peut pas considérer de la même manière un tout jeune

enfant (appelé infans) et un mineur de 17 ans : la capacité de discernement n’est pas la

même. Ce sera souvent une question d’appréciation par le juge.

On peut distinguer :

Le tout jeune enfant : il est dépourvu de discernement. Son incapacité d’exercice est totale.

L’enfant pourvu de discernement : son incapacité d’exercice n’est pas totale :

- Il peut agir seul pour accomplir certains actes :

- actes de la vie courante

- reconnaissance d’un enfant naturel

- possibilité de disposer par testament de la moitié de ses biens à partir de 16 ans

- cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise les mineurs à agir eux mêmes (ex : se

constituer un livret d’épargne)

- adhésion à un syndicat professionnel à partir de 16 ans.

- Sa responsabilité pour les dommages causés à autrui est encourue.

- Il peut agir avec autorisation ou assistance de son représentant légal :

- Pour le mariage : pour une fille dès 15 ans avant 2006. Depuis la loi n°2006-399 du 4 avril 2006 : « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-

huit ans révolus ».

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La loi du 8 janvier 1993 lui permet, s’il est capable de discernement :

- d’être entendu dans toute procédure le concernant même s’il a moins de 13 ans

- d’être assisté d’un avocat (avocat de l’enfant)

- de saisir le juge des enfants pour lui demander des mesures d’assistance

éducative

Conséquences de la minorité : En ce qui concerne la personne du mineur : il doit être sous une autorité chargée de l’élever,

l’éduquer et le guider, de le protéger.

Quant à l’exercice de ses droits, notamment patrimoniaux : il doit être représenté. Le droit

français a prévu deux systèmes selon que le mineur a ou non ses parents : l’autorité

parentale58 et la tutelle.

La tutelle du mineur :

C’est une institution qui a pour but de protéger le mineur qui ne peut être soumis à l’autorité

parentale. Elle s’applique au mineur orphelin de père et mère ou dont aucun des parents

n’exerce l’autorité parentale (par exemple en cas de déchéance). Le droit français fait

prédominer une conception familiale de la tutelle, cependant, elle laisse une place à

l’intervention du juge.

Les organes de la tutelle sont le conseil de famille qui est l’organe de décision, le tuteur qui

est l’organe d’exécution et le subrogé tuteur et le juge des tutelles qui sont les organes de

contrôle.

Le conseil de famille est composé de 4 à 6 membres qui peuvent être des parents ou

alliés59 du mineur à égalité dans les deux lignes paternelle et maternelle si possible ou des

amis, voisins ou toute autre personne qui semble pouvoir s’intéresser à l’enfant. Il est

présidé par le juge des tutelles. Depuis une loi de 1998, l’orphelin peut participer au conseil

de famille

Ses membres sont désignés par le juge des tutelles. Les fonctions sont obligatoires pour les

parents ou alliés qui peuvent cependant présenter des excuses.

58 L’autorité parentale est l’ensemble des droits et des devoirs qui appartiennent au père et mère en vertu de la loi (article 371-2 du Code civil) et que ceux-ci exercent en commun pendant le mariage (article 372 du Code civil) relativement à la personne de leurs enfants mineurs non émancipés en vue de les protéger et sur leurs biens. 59 Parents par alliance.

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Quant à son fonctionnement, le conseil de famille est convoqué par le juge des tutelles

soit d’office, soit à la demande de 2 de ses membres, du tuteur ou du mineur s’il a plus de 16

ans.

Délibérations : le conseil ne peut délibérer que si la moitié de ses membres sont présents

ou représentés. A défaut, le juge des tutelles doit faire une nouvelle convocation ou s’il y a

urgence, prendre la décision lui-même. Les décisions sont prises à la majorité absolue, en

cas de partage des voix, la voix du juge des tutelles est prépondérante. Le tuteur assiste aux

séances mais ne vote pas. Le mineur peut y assister à titre consultatif. Les délibérations

doivent être motivées. Elles sont exécutoires et un recours est possibles devant le TGI dans

un délai de 15 jours.

Son rôle est de désigner le subrogé-tuteur, le tuteur.

Pour la personne du mineur, il fixe le budget de la tutelle, règle les conditions générales de

l’entretien et de l’éducation du mineur, donne les autorisations nécessaires (mariage,

émancipation, adoption).

Pour la gestion des biens du mineur, il donne au tuteur les autorisations nécessaires pour

tous les actes graves

Le tuteur peut être désigné par testament ou déclaration spéciale devant notaire par le

dernier survivant des père et mère : tutelle testamentaire. A défaut par la loi qui l’attribue à l’ascendant le plus proche : s’il y a plusieurs ascendants de

même degré, c’est le conseil de famille qui choisit : tutelle légale. A défaut par le conseil de famille qui choisit un membre de la famille ou non : tutelle dative

(« donnée » au tuteur par le conseil de famille).

La tutelle revient à l’Etat dans le cas où personne n’a voulu ou n’a pu y être contraint

La charge tutélaire est personnelle (exceptionnellement plusieurs tuteurs peuvent être

nommés), gratuite et obligatoire (les membres de la famille ne peuvent en principe refuser

sauf s’ils présentent des excuses : âge, maladie, éloignement). Les autres personnes ne

peuvent pas être contraintes d’accepter.

La fonction de tuteur a un caractère définitif pour la durée de la tutelle, le tuteur peut être

relevé de sa tutelle sur sa demande avec excuse valable ou sur décision judiciaire en cas de

circonstances graves.

Sur la personne de l’enfant : le tuteur prend soin de la personne du mineur mais c’est le

conseil de famille qui prend la plupart des décisions, le tuteur les exécute.

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Sur le patrimoine de l’enfant : son rôle est essentiellement un rôle de représentation : il

peut accomplir seul les actes conservatoires et pour les actes de disposition il doit être

autorisé par le conseil de famille ou le juge des tutelles

Quant à sa responsabilité, le tuteur est tenu à un inventaire des biens du mineur, il doit

chaque année rendre des comptes au subrogé-tuteur. A la fin de la tutelle, il rend un compte

définitif de sa gestion. Une action en responsabilité pour faute de gestion est possible dans

les 5 ans de la majorité du mineur.

Le subrogé-tuteur est désigné par le conseil de famille, parmi ses membres dès l’ouverture

de la tutelle.

Il a pour rôle : Surveillance de la gestion du tuteur :le tuteur doit lui remettre chaque

année un compte de gestion transmis avec les observations du subrogé-tuteur au juge des

tutelles.

Assistance du tuteur : à l’ouverture de la tutelle lors de l’inventaire, au cours de la tutelle

pour certains actes.

Remplacement du tuteur : pour des actes où les intérêts du tuteur sont en opposition avec

ceux du mineur ou pour permettre d’effectuer un acte interdit au tuteur.

Information du juge des tutelles chaque fois que cela est nécessaire.

Il engage sa responsabilité et en cas d’inaction, il peut être solidairement responsable avec

le tuteur.

Il est désigné pour toute la durée de la tutelle, en cas de décès du tuteur, il doit informer le

juge des tutelles et provoquer la nomination d’un nouveau tuteur par le conseil de famille.

Le juge des tutelles est un juge du tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le

domicile du mineur.

Ses attributions sont les suivantes :

- Surveillance de la tutelle : à ce titre, il peut convoquer les organes de la tutelle et leur

demander des éclaircissements, leur adresser des observations et des injonctions ; il

surveille la gestion du tuteur ; par rapport au conseil de famille, il le convoque et le

préside, il en nomme et en destitue les membres, il assiste à toutes les réunions.

- Autorisation de certains actes pour lesquels il supplée le conseil de famille (actes portant

sur des biens d’une valeur inférieure à 15245 €) et en cas d’urgence

Sanction de l’incapacité du mineur

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

L’incapacité du mineur étant une incapacité de protection, les actes accomplis ne pourront

être annulés que sous certaines conditions. Le droit français distingue la rescision pour

lésion60 et l’annulation61.

Le mineur émancipé L’émancipation est l’acte juridique qui donne au mineur la pleine capacité civile. La loi du 5

juillet 1974 qui a fixé l’âge de la majorité à 18 ans a abaissé également l’âge de

l’émancipation de 18 à 16 ans.

1-Motifs de l’émancipation (article 413-2 du Code civil et 413-7) - Avant 2006 : émancipation par le mariage : le mineur est émancipé de plein droit par le

mariage. Ceci n’est possible en principe que pour la femme qui peut se marier dès l’âge

de 15 ans. De même en cas de divorce succédant au mariage, s’il est toujours mineur, il

reste émancipé. Depuis une loi du 4 avril 2006, les deux époux doivent avoir 18 ans pour

pouvoir se marier (article 144 du Code civil).

- Emancipation judiciaire : elle est prononcée par le juge des tutelles, s’il y a de justes

motifs. Elle peut être souhaitée soit pour simplifier une situation (mineur cohéritier en vue

d’un partage…) soit pour des raisons moins honorables, par des parents souhaitant

échapper à leurs responsabilités. La décision du juge des tutelle

- peut faire l’objet d’un recours devant le TGI.

2- Effets de l’émancipation - Assimilation au majeur capable : le mineur échappe à l’autorité parentale ou à la tutelle ;

les parents ne sont plus responsables des dommages causés par leur enfant et le mineur

a la pleine capacité civile.

Différences subsistantes : le mineur ne peut pas exercer le commerce, être électeur ou

éligible ni se marier ou se faire adopter sans autorisation, ni conduire. Pour ce faire, il doit

attendre 18 ans révolus.

§3 La protection des incapables majeurs

60 Il s’agit de la destruction par décision judiciaire d’un acte lésionnaire. La lésion est le préjudice découlant de la différence de valeur entre les prestations d’un contrat synallagmatique (il s’agit d’un contrat dans lequel les deux parties ont des obligations réciproques). 61 Déclaration judiciaire de la nullité. Acte juridictionnel par lequel un tribunal constate l’existence d’une cause de nullité et décide en conséquence que l’acte vicié sera rétroactivement tenu pour non avenu. Les choses étant alors remises en l’état avant l’acte incriminé. On oppose la résolution, cause de nullité d’un contrat à la résiliation d’un contrat (car celle-ci ne vaut que pour l’avenir).

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Pour les majeurs, la règle est la capacité (contrairement aux mineurs). Toutefois, cette

capacité connaît des exceptions, notamment en ce qui concerne les personnes dont les

facultés sont altérées. Le droit des incapables majeurs applicable résultait de la loi du 3

janvier 1968. Désormais, la loi du 5 mars 2007 (en vigueur le 1er janvier 2009) a réformé la

matière. Cette loi a été intégrée dans le code civil. Les 2 corps de texte (ancien et nouveau)

se juxtaposent pour le moment. Cette loi fixe le principe de non validité des actes juridiques

passés sous l’empire d’un trouble mental (insanité d’esprit) et elle prévoit la mise en place

des régimes de protection.

La réforme a conservé le cadre ancien de la réforme en édictant des principes directeurs

nouveaux. Il s’agit de protéger les faibles sans jamais les diminuer. Les lois de 1964 et 1968

avaient conservé un vocabulaire traditionnel (incapacité, contrôle, gouvernement de la

personne…) qui ne convenait plus à notre époque. Ces lois faisaient en outre confiance à

une famille solidaire, stage et statique géographiquement qui n’est plus la règle avec

l’évolution des mœurs.

1-Les personnes protégées (plus les « incapables », le terme est moins utilisé avec la réforme) L’article 488 ancien du Code civil permet de mettre en évidence les situations suivantes :

- altérations des facultés personnelles : soit une altération mentale (malade mentaux,

altération due à l’âge…) soit une altération corporelle (maladies, infirmités) quand elle

rend impossible l’expression de la volonté.

Ancien article 488 du Code civil : (Loi nº 68-5 du 3 janvier 1968 art. 1 Journal Officiel du 4 janvier 1968 en vigueur le 1er novembre 1968) (Loi nº 74-631 du 5 juillet 1974 art. 1 Journal Officiel du 7 juillet 1974) La majorité est fixée à dix-huit ans accomplis ; à cet âge, on est capable de tous les actes de la vie civile. Est néanmoins protégé par la loi, soit à l'occasion d'un acte particulier, soit d'une manière continue, le majeur qu'une altération de ses facultés personnelles met dans l'impossibilité de pourvoir seul à ses intérêts. Peut pareillement être protégé le majeur qui, par sa prodigalité, son intempérance ou son oisiveté, s'expose à tomber dans le besoin ou compromet l'exécution de ses obligations familiales. Article 414-1 du Code civil (nouveau) qui est une disposition indépendante des mesures de protection (disposition générale) : (inséré par Loi nº2007-308 du 5 mars 2007 art. 7 Journal Officiel du 7 mars 2007 en vigueur le 1er janvier 2009)

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Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. L’esprit de la réforme apparaît dans le nouvel article 415 qui est une disposition commune aux majeurs protégés : Nouvel article 415 du Code civil : Les personnes majeures reçoivent la protection de leur personne et de leurs biens que leur état ou leur situation rend nécessaire selon les modalités prévues au présent titre. Cette protection est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne. Elle a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. Elle favorise, dans la mesure du possible, l'autonomie de celle-ci. Elle est un devoir des familles et de la collectivité publique. Concernant les mesures de protection juridique des majeurs : Nouvel article 425 : Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions. La notion d’altération des facultés personnelles a été appliquée aux inadaptés mentaux, aux malades mentaux hospitalisés ou non, aux personnes âgées (démunies d’un statut global comme au Brésil). - Ancien droit (article 488 du Code civil) Prodigalité62, oisiveté63, intempérance64 : une

personne peut dépenser beaucoup sans être prodigue si elle a des revenus importants. Il

faut la protéger quand elle risque de tomber dans le besoin ou quand elle n’assume pas

ses obligations familiales.

Les régimes mis en place par la loi de 1968 se caractérisait par une grande souplesse

puisqu’ils pouvait être modifiés à tout moment pour permettre une bonne adaptation aux

besoins de l’intéressé notamment par l’existence de passerelles entre les différents régimes.

Le juge des tutelles disposait d’un large pouvoir quant à la mise en œuvre de ces régimes et

leur adaptation à chaque cas. Une autre caractéristique de ces régimes est le rôle joué par

les médecins qui doivent collaborer avec le juge des tutelles et le procureur de la

République.

62 Est prodigue une personne qui se livre habituellement à des dépenses déraisonnables entamant son capital. 63 Inactivité qui expose à tomber dans le besoin ou compromet l’exercice de ses obligations familiales. 64 Personne qui manque de sobriété, de modération.

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Liberté, dignité et solidarité = esprit de la réforme.

C’est « l’état ou la situation » du majeur qui guideront l’octroi ou le refus d’une protection, et

non plus l’appartenance à des catégories médicales ou administratives (cf. article 415 du

Code civil). La notion « d’intérêt de la personne » devient primordiale et d’autonomie du

majeur.

La dignité implique aussi que le majeur ait des droits au cours de sa protection :les actes

strictement personnels, les actes de la vie courante, un accès aux comptes. La réforme

renforce la responsabilité des divers organes de protection, pour toutes les formes de

protection : mandat de sauvegarde, mandat de protection future, tutelle, curatelle,

accompagnement judiciaire, accompagnement social personnalisé).

2-Les personnes intervenantes - Le médecin : la loi de 1968 avait fait une large place au médecin traitant : il constate

l’altération des facultés mentales ou corporelles, il a l’initiative de la déclaration aux fins

de sauvegarde. Son avis est nécessaire pour l’ouverture et la clôture de chacun des

régimes, avant toute décision par laquelle le juge des tutelles organise la protection des

intérêts de l’incapable, pour augmenter ou diminuer la capacité du malade en tutelle ou

curatelle et pour autoriser le mariage de l’incapable en tutelle. La réforme le considère

comme trop peu indépendant des familles, de ce fait, il ne jouera plus un rôle important.

C’est le médecin agréé (article 431) qui fera le certificat médical.

- Le juge des tutelles : comme dans le régime de protection du mineur, le juge des

tutelles est le principal organe de décision. En effet, il prononce d’office ou à la demande

des personnes qualifiées, l’ouverture de la tutelle ou de la curatelle ; il en prononce la

mainlevée (c’est-à-dire la fin) et il détermine l’étendue des pouvoirs des différents

organes de la tutelle. Il a une grande liberté et peut se déplacer pour aller entendre toute

personne protégée, chaque fois qu’il l’estime nécessaire.

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- Le procureur de la république : il a un rôle général de surveillance des incapables

majeurs. C’est à lui que doit être faite la déclaration tendant à placer le majeur sous le

régime de sauvegarde de justice.

Il existe trois régimes allant de la simple surveillance jusqu’à la représentation du majeur

protégé en passant par l’assistance : la sauvegarde de justice, la curatelle et la tutelle.

Ils instaurent une protection croissante de l’intéressé.

Innovation de la réforme : les juges ne pourront prononcer une mesure de protection

juridique que lorsque des dispositifs juridiques moins contraignants ne pourront être mis en

œuvre et lorsque l’intéressé n’aura pas déjà organisé lui-même sa protection juridique au

moyen d’un mandat de protection futur (art. 428).

Pourront seuls saisir le juge des tutelles, les membres de la famille ou une personne

entretenant des liens étroits et stables avec le majeur et le procureur de la République.

Mais, ils devront examiner si les règles du droit commun de la représentation (notamment

par le jeu de procurations) ou si les règles des régimes matrimoniaux applicables entre

conjoints ne suffisent pas à résoudre les difficultés rencontrées65.

Proportionnalité et individualisation depuis la réforme : les mesures doivent être adaptées à

chaque cas (une personne qui n’a besoin que d’assistance ne doit pas être placée sous

tutelle). Et les mesures de protection devront être révisées régulièrement.

A La tutelle - La tutelle : elle concerne le majeur dont les facultés mentales ou corporelles sont si

altérées qu’il doit être représenté d’une manière continue dans les actes de la vie civile.

Elle est ouverte par un jugement du juge des tutelles à la suite d’une demande d’une

personne : le majeur, son conjoint, ses ascendants ou descendants, ses frères ou sœurs, le

curateur, le ministère public

Le juge doit faire constater l’état de la personne par un médecin spécialiste, après enquête,

le jugement est rendu (recours possible devant le TGI), la publicité du jugement se fait au

répertoire civil, une mention est portée dans l’acte de naissance et le jugement est

opposable aux tiers après un délai de 2 mois

65 Article 217 et 219 du Code civil : l’un des époux peut représenter l’autre de manière durable ou à l’occasion d’un acte particulier, son conjoint hors d’état de manifester sa volonté.

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La tutelle est organisée comme dans le cas d’un mineur (tuteur, subrogé-tuteur et conseil de

famille)

Particularités : le tuteur légal est le conjoint s’il y a toujours communauté de vie entre les

époux et si aucune cause (en raison de la situation) n’interdit l’attribution de la tutelle au

conjoint. Si le conjoint est tuteur, l’ouverture de la tutelle ne sera pas n’est nécessaire si

l’application du régime matrimonial permet la protection de la personne protégée.

En l’absence de conjoint, la tutelle est confiée à toute autre personne physique ou morale (il

existe même des associations spécialisées).

La tutelle pouvant durer longtemps, le tuteur peut demander son remplacement au bout de 5

ans sauf si c’est le conjoint ou une personne morale

Le majeur est frappé d’une incapacité générale d’exercice : les actes antérieurs à la tutelle

deviennent suspects et leur annulation est possible si la cause qui a justifié l’ouverture de la

tutelle existait déjà notoirement.

Pour certains actes, le tuteur doit avoir l’autorisation du conseil de famille.

Tous les actes passés seul par le majeur après l’ouverture de la tutelle sont nuls de droit.

Elle prend fin par le décès du majeur protégé ou par un jugement de mainlevée en cas de

guérison.

Il faut noter que au lieu d’ouvrir la tutelle, le juge peut choisir l’une des solutions suivantes : - Application du régime matrimonial : si le majeur a un conjoint non divorcé et non

séparé, celui-ci peut obtenir en justice le droit de le représenter

- L’administration sous contrôle judiciaire : quand l’incapable a un parent ou allié

apte à gérer ses biens, le juge des tutelles peut décider qu’il les gérera en qualité

d’administrateur sans organiser une tutelle avec subrogé tuteur et conseil de famille.

Il y a assimilation avec les règles de l’administration légale sous contrôle judiciaire

des mineurs.

- Nomination d’un gérant de tutelle : si le majeur a peu de biens à gérer et pas de

famille ou une famille inapte. Le gérant a des pouvoirs limités : percevoir les

revenus du majeur, les employer à son entretien. Il doit rendre compte chaque

année de sa gestion au juge des tutelles.

- Recourir à la tutelle d’Etat : si le majeur a un patrimoine important et s’il y a

vacance de la tutelle

Depuis la réforme :

Nouvel article 459 du Code civil : Hors les cas prévus à l'article 458, la personne protégée

prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet.

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Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision

personnelle éclairée, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué peut prévoir qu'elle

bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il

énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection. Au cas où cette

assistance ne suffirait pas, il peut, le cas échéant après l'ouverture d'une mesure de tutelle,

autoriser le tuteur à représenter l'intéressé.

La personne chargée de la protection du majeur peut prendre à l'égard de celui-ci les

mesures de protection strictement nécessaires pour mettre fin au danger que, du fait de son

comportement, l'intéressé ferait courir à lui-même. Elle en informe sans délai le juge ou le

conseil de famille s'il a été constitué.

Toutefois, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans

l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant

pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à

l'intimité de sa vie privée.

Option du juge à l’ouverture de la tutelle ou par une décision ultérieure. Principe de simple assistance et non de représentation. Le nouvel article 503 ouvre une période suspecte dès qu’est instaurée une tutelle période

pendant laquelle les actes qui ont été faits par la personne pourront être attaqués.

Le majeur sous tutelle peut désormais, sous certaines conditions, faire ou révoquer un

testament et consentir des donations.

- Pour le mariage (article 460 nouveau, seule la tutelle est modifiée) : l’autorisation pourra

désormais être donnée par le JDT et non plus par le seul CDF. Le consentement des

père et mère ne permettra plus d’éviter cette autorisation. L’exigence de l’avis du

médecin traitant est supprimé.

- Pour le PACS (articles 461 et 462) : le majeur sous tutelle pourra désormais conclure un

PACS alors que cela lui était interdit (506-1 du Code civil) selon des modalités identiques

à celles du mariage. Il est prévu différentes hypothèses :

• Le tuteur assiste simplement le majeur (signature de la convention ou modification de

celle-ci).

• Le tuteur peut avoir l’initiative de l’acte (rupture unilatérale du PACS avec autorisation du

JDT ou du CDF).

• L’assistance et la représentation sont expressément exclues (déclaration conjointe de

conclusion du PACS au greffe du TI et formalités relatives à la rupture du PACS par

déclaration conjointe).

- Divorce : aucune modification.

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- Autorité parentale exercée par un parent faisant l’objet d’une mesure de protection :

ancien article 389-7 et 442 (qui devient 395) : les parents sous tutelle perdent de plein

droit l’administration légale sur les biens de ses enfants.

- Principe de protection du logement et des objets personnels ou indispensables est

réaffirmé (art. 426 nouveau – actuellement 490-2).

- Droit au maintien des comptes ou livrets ouverts au nom du majeur protégé

(innovation). Contre la pratique qui pour des raisons de commodité de gestion, faisait que

de nombreux tuteurs professionnels avaient pris l’habitude de centraliser les comptes

des majeurs protégés dans un établissement financier.

- Droit de vote : modification : article 5 du Code électoral est modifié : il impose au JDT,

lorsqu’il ouvre ou renouvelle une mesure de tutelle, de statuer sur le maintien ou la

suppression du droit de vote de la personne protégée (avant perte automatique puis

autorisation du JDT par la loi du 11 février 2005)

- Nouvel article 459 : la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa

personne dans la mesure où son état le permet « dans la mesure où son état le

permet »…sphère d’assistance voire de représentation en matière personnelle prévue.

- Il existe un domaine réservé dans lequel l’acte personnel est tellement intime que nul tuteur ne peut s’immiscer (et si le majeur ne peut pas consentir à ces actes ; alors ils ne se feront pas : article 458 nouveau : Sous réserve des dispositions

particulières prévues par la loi, l'accomplissement des actes dont la nature implique un

consentement strictement personnel ne peut jamais donner lieu à assistance ou

représentation de la personne protégée. Sont réputés strictement personnels la

déclaration de naissance d'un enfant, sa reconnaissance, les actes de l'autorité parentale

relatifs à la personne d'un enfant, la déclaration du choix ou du changement du nom d'un

enfant et le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant).

- 459-2 : La personne protégée choisit le lieu de sa résidence. Elle entretient librement

des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non. Elle a le droit d'être visitée et, le

cas échéant, hébergée par ceux-ci.

En cas de difficulté, le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué statue.

Depuis la réforme, les mesures de curatelle et de tutelle devront être prononcées pour un

temps déterminé qui ne pourra excéder 5 ans (art. 441).

Par exception (et aussi pour la curatelle) depuis la réforme, lorsque l’altération des facultés

personnelles de l’intéressé ne paraîtra pas manifestement susceptible de connaître une

amélioration future au regard des données acquises de la science, le juge pourra, par

décision spécialement motivé et sur l’avais conforme du médecin spécialiste, ouvrir une

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mesure pour une durée indéterminée (art. 442 al. 2). La mesure peut toutefois toujours être

arrêtée ou modifiée.

- Place éminente au choix du majeur (désignation anticipée du mandataire) et de sa

famille (tutelle ou curatelle testamentaire).

- A défaut d’un tel choix, la désignation du tuteur sera l’œuvre du conseil de famille s’il a

été institué (456 al.3) ou celle du juge. Le conjoint, le partenaire ou le concubin seront

prioritaires, sous condition de vie commune, puis viennent les parents, alliés ou co-

résidents en lien étroit et stable avec le majeur).

- Ce n’est qu’à titre subsidiaire que le juge pourra recourir aux mandataires professionnels

(art. 450) qu’il s’agisse d’une PP ou d’une PM (art. 450, ou d’un préposé d’établissement

de soins ou d’un établissement social ou médico-social (art. 451).

B.- La curatelle

- La curatelle : elle concernait les majeurs dont les facultés mentales ou corporelles, sans

être altérées au point de les mettre hors d’état d’agir eux-mêmes, les mettaient dans le

besoin d’être contrôlés ou surveillés dans les actes de la vie civile ainsi que les majeurs

qui par leur prodigalité, intempérance, oisiveté, s’exposent à tomber dans le besoin ou

compromettent l’exécution de leurs obligations familiales.

Désormais, elle est définie à l’article 440 nouveau : La personne qui, sans être hors d'état

d'agir elle-même, a besoin, pour l'une des causes prévues à l'article 425, d'être assistée ou

contrôlée d'une manière continue dans les actes importants de la vie civile peut être placée

en curatelle.

La curatelle n'est prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut

assurer une protection suffisante.

La personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 42566, doit être représentée

d'une manière continue dans les actes de la vie civile, peut être placée en tutelle.

La tutelle n'est prononcée que s'il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle

ne peuvent assurer une protection suffisante.

66 Article 425 nouveau : Toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique prévue au présent chapitre. S'il n'en est disposé autrement, la mesure est destinée à la protection tant de la personne que des intérêts patrimoniaux de celle-ci. Elle peut toutefois être limitée expressément à l'une de ces deux missions.

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Elle est ouverte par un jugement du juge des tutelles à la suite d’une demande d’une

personne : le majeur, son conjoint, ses ascendants ou descendants, ses frères ou sœurs, le

ministère public. Le juge doit faire constater l’état de la personne par un médecin spécialiste,

après enquête, le jugement est rendu (recours possible devant le TGI), la publicité du

jugement se fait au répertoire civil, une mention est portée dans l’acte de naissance et le

jugement est opposable aux tiers après un délai de 2 mois. Toutefois si la demande est

fondée sur la prodigalité, le certificat médical n’est pas obligatoire. C’est un système assez

souple

Un curateur est nommé : le conjoint est le curateur légal. Dans les autres cas, il est désigné

par le juge. Le majeur peut faire seul les actes conservatoires et les actes d’administration sauf la réception et l’emploi de capitaux. Il est protégé par l’action en

réduction et l’action en rescision pour lésion67. Le majeur ne peut pas faire seul les actes de

disposition, se marier, faire un contrat de mariage, faire une donation

En cas d’aggravation, la curatelle sera transformée en tutelle. Sinon, elle cesse par le décès

du majeur protégé ou par un jugement de mainlevée en cas de guérison

La désignation de la curatelle est toujours dative68 (art. 447 al. 1).

Nouveauté :

- La co-tutelle et la co-curatelle réclamée depuis longtemps par les parents de jeunes

adultes handicapés (447 al. 2 : Celui-ci peut, en considération de la situation de la

personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à

administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la

mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir

reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin

d'aucune autorisation.).

- La division de la tutelle ou de la curatelle qui permet de répartir la charge en fonction

des compétences (447 al. 3 : Le juge peut diviser la mesure de protection entre un

curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur 67 V. infra. note n°33. 68 Article 447 du Code civil : Le curateur ou le tuteur est désigné par le juge. Celui-ci peut, en considération de la situation de la personne protégée, des aptitudes des intéressés et de la consistance du patrimoine à administrer, désigner plusieurs curateurs ou plusieurs tuteurs pour exercer en commun la mesure de protection. Chaque curateur ou tuteur est réputé, à l'égard des tiers, avoir reçu des autres le pouvoir de faire seul les actes pour lesquels un tuteur n'aurait besoin d'aucune autorisation. Le juge peut diviser la mesure de protection entre un curateur ou un tuteur chargé de la protection de la personne et un curateur ou un tuteur chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un curateur ou à un tuteur adjoint. A moins que le juge en ait décidé autrement, les personnes désignées en application de l'alinéa précédent sont indépendantes et ne sont pas responsables l'une envers l'autre. Elles s'informent toutefois des décisions qu'elles prennent.

62

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chargé de la gestion patrimoniale. Il peut confier la gestion de certains biens à un

curateur ou à un tuteur adjoint.)

C. La sauvegarde de justice Article 433 à 439 et art. 491 à 491-6 anciens.

- La sauvegarde de justice : elle concerne les majeurs dont les facultés altérées justifient

une protection temporaire pour les actes de la vie civile et en général avant l’ouverture

d’un régime de curatelle ou de tutelle.

Elle a seulement fait l’objet d’un renforcement formel.

Désormais l’article 433 nouveau prévoit : Le juge peut placer sous sauvegarde de justice

la personne qui, pour l'une des causes prévues à l'article 425, a besoin d'une protection

juridique temporaire ou d'être représentée pour l'accomplissement de certains actes

déterminés.

Cette mesure peut aussi être prononcée par le juge, saisi d'une procédure de curatelle ou

de tutelle, pour la durée de l'instance.

Par dérogation à l'article 432, le juge peut, en cas d'urgence, statuer sans avoir procédé à

l'audition de la personne. En ce cas, il entend celle-ci dans les meilleurs délais, sauf si, sur

avis médical, son audition est de nature à porter préjudice à sa santé ou si elle est hors

d'état d'exprimer sa volonté.

Ancien droit :Le régime peut être mis en place à la suite d’une déclaration faite au procureur

de la République par le médecin traitant avec avis conforme d’un médecin spécialiste ou par

une décision provisoire du juge des tutelles.

La publicité faite lors de cette mesure est faible : le procureur mentionne la déclaration ou la

décision sur un répertoire spécialement tenu à cet effet. Des proches du majeur ou certains

juristes peuvent demander des extraits de ce registre.

En ce qui concerne son fonctionnement, le majeur placé sous sauvegarde de justice

conserve l’exercice de ses droits mais la loi a prévu des mesures : s’il est demandeur ou

défendeur dans une action en justice, la demande ne pourra pas être examiné et il y aura

lieu à une mise sous curatelle ou tutelle Le juge peut désigner un mandataire pour certains

actes précis. Le majeur est protégé par l’action en nullité relative, l’action en réduction et

l’action en rescision pour lésion.

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La sauvegarde de justice prend fin si la situation du majeur est redevenue normale, une

nouvelle déclaration médicale doit en attester. Elle prend fin également par la péremption de

la déclaration (la première doit être renouvelée dans les 2 mois puis chaque renouvellement

dure 6 mois). Enfin, elle cesse par radiation sur décision du procureur de la république s’il a

constaté un abus. En cas d’aggravation de la situation du majeur, elle cessera et sera

remplacée par une curatelle ou une tutelle.

Depuis la réforme, par application du principe de proportionnalité, les mesures de

sauvegarde de justice deviendront caduques après une année, qu’elles soient judiciaires ou

médicales. Elles pourront néanmoins être renouvelées une fois pour une durée d’un an (art.

439, ce qui double la durée énoncée par la loi ancienne).

Nouveau droit :

- La saisine du juge s’accompagne d’une requête et d’un certificat médical circonstancié

(art. 431).

- La personne sera obligatoirement entendue sauf urgence (art. 432).

Conséquences de l’incapacité - Responsabilité civile du majeur incapable : dans un souci d’assurer l’indemnisation des

victimes, la loi du 3 janvier 1968 prévoit que celui qui a causé un dommage à autrui alors

qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation. Cette

responsabilité est mise en œuvre selon le droit commun de la responsabilité. Elle n’exclut

pas éventuellement la responsabilité de la personne qui doit répondre de l’incapable.

- Responsabilité pénale du majeur incapable : elle est écartée par l’article 122-1 du

nouveau code pénal.

- Sanction de l’incapacité du majeur incapable : la nullité est une nullité relative ou peut

donner lieu à une rescision pour lésion.

La loi prévoit également un mandat de protection future (art477 à 494) : article 477 nouveau : Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une

mesure de tutelle peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la

représenter pour le cas où, pour l'une des causes prévues à l'article 425, elle ne pourrait plus

pourvoir seule à ses intérêts.

La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu'avec

l'assistance de son curateur.

Les parents ou le dernier vivant des père et mère, ne faisant pas l'objet d'une mesure de

curatelle ou de tutelle, qui exercent l'autorité parentale sur leur enfant mineur ou assument la

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charge matérielle et affective de leur enfant majeur peuvent, pour le cas où cet enfant ne

pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts pour l'une des causes prévues à l'article 425,

désigner un ou plusieurs mandataires chargés de le représenter. Cette désignation prend

effet à compter du jour où le mandant décède ou ne peut plus prendre soin de l'intéressé.

Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. Toutefois, le mandat

prévu au troisième alinéa ne peut être conclu que par acte notarié.

Chacun pourra pour lui-même ou son enfant désigner d’avance le tuteur ou le curateur

potentiel, mais pourra organiser complètement la représentation ou celle de son enfant, sous

la forme de ce mandat (influence du Québec et de l’Allemagne).

Pour éviter les sectes : s’il s’agit d’une personne morale, elle doit être inscrite sur la liste des

MJPM (mandataires judiciaires de protection des majeurs).

- Les mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ) : elle remplace la tutelle aux

prestations sociales versées pour les adultes.

- Les mesures administratives d’accompagnement social (MASP) : 2 mesures sœurs.

Mises à la charge du département. C’est un contrat passé entre l’intéressé et le

département, représenté par le président du conseil général (en faveur de l’insertion

sociale et permettant l’autonomie de l’intéressé). L’intéressé pourra autoriser le

département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie des prestations

sociales devant lui revenir en les affectant en priorité au paiement du loyers et des

charges locatives (1e mesure). 2e mesure : si l’intéressé refuse de signer le contrat

d’accompagnement ou n’en respecte pas les clauses, le président du conseil général

pourra afin de prévenir une expulsion locative, solliciter du juge d’instance l’autorisation

de verser, chaque mois, le montant du loyer et des charges locatives en cours,

directement au bailleur, par prélèvement sur les prestations sociales dues à l’intéressé.

CHAPITRE II La personne morale (cf. Cours de Mme Bianca LAURET)

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PARTIE III LE DROIT ET LES BIENS

CHAPITRE I Les différentes catégories de biens

On envisagera deux distinctions fondamentales : meubles et immeubles (section 1) et les

autres distinctions envisageables (section 2).

Section I La distinction meuble/immeuble

L’article 516 du Code civil dispose que « tous les biens sont meubles ou immeubles ». Ainsi est posé un principe de distinction fondé sur une considération d’ordre physique. Les meubles sont les biens qui comportent un déplacement possible (§2) alors que les

immeubles ont une situation fixe (§1). Cette distinction binaire vient du droit romain et elle

a un intérêt :

- L’aliénation des immeubles n’est pas régie par les mêmes règles que celle des meubles.

Les aliénations immobilières et les constitutions de droits réels immobiliers sont

soumises à publicité. De ce fait les immeubles sont susceptibles d’hypothèque. / Pour les

meubles, il n’y a pas de publicité (difficulté pratique) réserve faite de certaines catégories

de meubles qui sont identifiables, localisables (ex. navires, avions). Les transactions

mobilières sont opposables aux tiers par elles-mêmes et indépendamment de toute

publicité.

- Le critère de la valeur (qui date du Code civil 1804) n’est plus exact. A l’époque les

meubles étaient considérés comme ayant une valeur moindre que les immeubles. La

catégorie des meubles s’est considérablement accrue en raison de la multiplication des

valeurs mobilières ou titres négociables en Bourse, (émis par l’Etat, les sociétés,

principalement les actions et les obligations), et d’autre part, par l’importance des droits

intellectuels.

§1 Les immeubles

L’article 517 du Code civil énumère trois catégories d’immeubles : par nature (A)/ par

destination (B) / par l’objet auquel ils s’appliquent (C).

A Les immeubles par nature

Cette catégorie comprend le sol et tout ce qui adhère au sol. - Le sol (article 518). Les fonds de terre (terres cultivables) constituent l’immeuble par

excellence. Ils comprennent la surface du sol et le sous-sol avec les mines qui y sont

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contenues. Mais ces dernières deviennent des immeubles distincts de la surface

spécialement lorsque l’Etat en a concédé l’exploitation en sorte qu’il y a alors deux

immeubles superposés, la mine et la surface.

- Ce qui est fixé au sol. Il s’agit des végétaux et des constructions. Les végétaux sont

immeubles tant qu’ils adhèrent au sol (articles 520 et 521). Tout ce qui est planté dans la

terre fait partie de l’immeuble, y compris les récoltes pendantes par les racines et les

fruits des arbres non encore recueillis (article 520 alinéa 1er). Mais dès que les grains

sont coupés et les fruits détachés, ils acquièrent une individualité distincte et prennent le

caractère de meubles, quoique non encore enlevés (article 520 alinéa 2). De même, les

coupes ordinaires des bois taillis ou de futaies mises en coupes réglées ne deviennent

meubles qu’au fur et à mesure que les arbres sont abattus (article 521).

- Toute construction adhérant au sol est immeuble. Le Code civil ne mentionne que « les

bâtiments » (article 518), mais ce mot viser toute édifice, digue, pont, barrage. Il en est

de même, dispose l’article 519, des « moulins à vent ou à eau, fixés sur piliers et faisant

partie du bâtiment ». On considérera comme immeubles tous les accessoires incorporés

à la construction qui, sans eux, serait incomplète. La même solution vaut pour les

canalisations de gaz ou d’électricité, les convecteurs électriques, les paratonnerres, les

ascenseurs ou même les boiseries décorant une pièce. Quant aux choses qui sont ainsi

immeubles, en tant qu’elles sont fixées au sol, on observera qu’il n’y a pas à rechercher

si l’incorporation a un caractère provisoire ou définitif. Ainsi les arbres d’une pépinière

sont immeubles, bien qu’ils soient destinés à être déplacés. De même en est-il des

bâtiments d’une exposition devant être démolis. L’immobilisation se produira même si les

constructions ou plantations ne sont pas l’œuvre du propriétaire du fonds, sauf à

rechercher à qui elles appartiennent.

B Les immeubles par destination

Ce sont des choses mobilières considérées fictivement comme des immeubles en raison du lien qui les unit à un immeuble par nature dont ils constituent l’accessoire.

ainsi en est-il des ustensiles aratoires69 servant la culture d’un fonds (ils ne peuvent être

saisis mobilièrement, indépendamment du fonds auquel ils sont affectés, sinon l’exploitation

du fonds serait paralysée), de l’outillage industriel.

Conditions de l’immobilisation par destination :

69 qui concernent l’agriculture.

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- Il faut que les deux biens (immeuble par nature et meuble affecté) appartiennent au

même propriétaire. En effet, si les propriétaires sont différents, l’immobilisation par

destination qui tend à solidariser les deux biens ne peut atteindre ce but, puisque, ne se

trouvant pas dans le même patrimoine, ils ne seront jamais hypothéqués, ni saisis, ni

vendus ou légués en même temps.

- Il faut qu’un rapport de destination, tel qu’il a été prévu par la loi existe entre le meuble et

l’immeuble. La seule volonté qu’aurait le propriétaire de l’immeuble par nature de créer

un lien entre le meuble et l’immeuble, de faire du meuble un immeuble par destination ne

suffit pas. Ce lien objectif de destination peut être établi par deux procédures : par

l’affectation du meuble au service ou à l’exploitation d’un fonds, abstraction faite de tout

lien matériel, ou bien par l’attache matérielle des meubles à perpétuelle demeure.

Comme tout à l’heure, la seule volonté du propriétaire ne saurait suffire à leur faire

perdre cette qualité, s’il n’y a pas eu soit séparation effective entre l’immeuble par nature

et l’immeuble par destination, soit aliénation de l’un ou de l’autre.

1e sorte : les choses affectées au service de l’exploitation d’un fonds (article 524 du

Code civil) « les animaux et les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le

service et l’exploitation de ce fonds » implique que le bien doit servir au fonds lui-même et non au propriétaire. Les objets servant à la personne plutôt qu’au fonds ne sont point

immobilisés (ex. meubles meublants, voiture de tourisme). La jurisprudence exige en outre

que le meuble qui fait l’objet de l’affectation soit nécessaire et même indispensable au

service de l’exploitation du fonds. Non prévue par le Code civil, cette condition a été posée

afin d’éviter l’extension de la catégorie des immeubles par destination au détriment des

créanciers chirographaires70 menacés par le droit de préférence71 des créanciers ayant

hypothèque72 sur l’immeuble par nature, une telle hypothèque s’étendant aux immeubles par

destination.

- Affectation agricole. Sont considérés comme immeubles, en application de l’article 524

du Code civil : les animaux attachés à la culture ; le matériel agricole (ustensiles

70 Créancier démuni de toute sûreté particulière (privilège, hypothèque, gage…etc.) ; se dit du créancier qui n’étant muni d’aucune sûreté, n’a que les prérogatives attachées à tout droit de créance et subit dans la distribution (au marc le franc) la loi du concours égal entre les créanciers ordinaires. 71 Droit pour certains créanciers d’échapper au concours des autres créanciers (ou de certaines catégories de créanciers) dans la distribution du prix de vente des biens du débiteur et d’être payés avant ceux auxquels ils sont préférés. Ex. droit pour le créancier privilégié d’être préféré à tous autres créanciers chirographaires o hypothécaires (article 2095 du Code civil). 72 Sûreté réelle immobilière constituée sans la dépossession du débiteur par une convention, la loi ou une décision de justice et en vertu de laquelle le créancier qui a procédé à l’inscription hypothécaire a la faculté (en tant qu’il est investi d’un droit réel accessoire garantissant sa créance) de faire vendre l’immeuble grevé en quelques mains qu’il se trouve (droit de suite) et d’être payé par préférence sur e prix (droit de préférence). Elle peut être conservatoire, conventionnelle, judiciaire ou légale.

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aratoires, pressoirs, cuves, tonnes…etc.) ; les semences données aux fermiers et qui ne

sont pas encore mises en terre, car, à ce moment, elles se confondent avec le sol ; les

pailles, les engrais, les pieds de vignes, les animaux vivants à l’état libre sur le fonds et

en constituant une dépendance (pigeons de colombiers, lapins de garennes, poissons de

plans d’eau, ruches à miel. Au contraire, les lapins enfermés dans un clapier, les

poissons se trouvant dans un vivier ou dans un bassin restent meubles.

- Affectation industrielle. Selon l’article 524 qui date de 1804, époque où l’industrie était

peu développée, sont des immeubles par destination « les ustensiles nécessaires à

l’exploitation des forges, papeteries et autres usines ». On peut considérer que sont

immeubles par destination toutes les choses qui servent à l’exploitation de l’industrie et à

la fabrication de ses produits.

- Affectation commerciale. Elle n’est pas prévue à l’article 524, mais il convient de

décider par analogie que les objets servant à l’exploitation du fonds de commerce

peuvent être immeubles par destination. Les cas d’application sont toutefois assez rares,

car il faut un lien nécessaire entre le bâtiment et le matériel commercial qu’il contient ; or

un commerce est exercé le plus souvent dans un immeuble quelconque et le matériel ne

pouvant être considéré comme indispensable à la mise en valeur du bâtiment reste

meuble. Il peut cependant y avoir un lien nécessaire entre le matériel et l’exploitation d’un

bâtiment (ex. meubles garnissant un hôtel, machines et décors de théâtre, cabines et

matériel d’un établissement de bains).

- Affectation au service particulier d’une maison. L’immobilisation doit être étendue à

l’utilisation des immeubles pour d’autres usages, mais toujours à la condition que les

objets placés par le propriétaire soient nécessaires au service de l’immeuble. ex) il en est

ainsi pour les objets servant à l’exploitation d’une maison de rapport (douche, baignoire,

volets mobiles, tapis des escaliers). Il en va autrement des tablettes de radiateur

simplement posée ou d’équipements ménagers composés de meubles standards.

2e sorte : choses attachées au fonds à perpétuelle demeure. Deviennent aussi

immeubles par destination tous les effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à

perpétuelle demeure (article 524 préc.). Ce second procédé d’immobilisation s’oppose au

premier en ce que son fondement n’est plus l’idée de service, d’exploitation : c’est

l’affectation à perpétuelle demeure, sans qu’il soit nécessaire que le meuble présente une

utilité économique pour l’immeuble ; peu importe qu’il ne soit utile qu’au propriétaire lui-

même et même qu’il n’ait qu’une destination somptuaire. Selon l’article 524, l’intention du

propriétaire doit se traduire par une attache au fonds, une telle attache devant, pour la Cour

de cassation se manifester par « des faits matériels d’adhérence apparente et durable »

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(Cass. civ. 18 octobre 1950). Le lien ainsi exigé est plus fort qu’une simple mise en place et

moins fort qu’une incorporation. A partir de l’article 525 se sont précisées des procédés

d’attache faisant présumer l’intention du propriétaire :

1) le scellement en plâtre ou à chaux ou à ciment, ou tout autre procédé tels que les

meubles ne puissent être détachés sans être fracturés et détériorés, ou sans briser

ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés ;

2) en ce qui concerne les glaces, tableaux et autres ornements, le fait que le parquet

sur lequel ils sont attachés fasse corps avec la boiserie ;

3) quant aux statues, l’aménagement d’une niche pratiquée exprès pour les recevoir,

encore qu’elles puissent être enlevées sans fracture ou détérioration. L’interprétation

de ce texte doit tenir compte des changements qui se sont produits dans

l’architecture et la décoration modernes. Aujourd’hui, on fixe les glaces directement

au mur par des pattes, au lieu de les placer sur des boiseries ; elles n’en doivent pas

moins être considérées comme des immeubles par destination.. Mais en dehors de

ce cas, la jurisprudence continue de s’attacher au critère édicté par l’article 525

alinéa 1er et ne considère comme immeuble par destination que les objets scellés ou

qui, du moins, font partie d’un ensemble décoratif dont ils sont inséparables.

L’attache n’est cependant pas une incorporation. L’immeuble par destination demeure un

bien distinct. Il en va autrement, du fait d’une confusion, physique ou juridique, des

matériaux utilisés pour la construction d’un immeuble.

Différences entre les immeubles par nature et les immeubles par destination

- En principe, les immeubles par destination sont solidaires de l’immeuble auquel ils sont

attachés et traités comme immeubles : l’aliénation du fonds englobera les immeubles par

destination et les droits exigés lors de la mutation sont ceux concernant les immeubles.

L’hypothèque portera sur les immeubles par destination en même temps que sur le

fonds. De même, les immeubles par destination ne peuvent être saisis indépendamment

de l’immeuble, sauf pour paiement de leur prix. Ainsi ne peut-on faire abstraction de la

nature véritable des immeubles par destination. Ce sont là des différences entre l’objet

simplement immobilier par destination et les objets qui, ayant été incorporés au fonds,

ont perdu de ce fait leur individualité et sont devenus immeubles par nature.

- Elles s’ajoutent à la différence principale selon laquelle l’immobilisation par nature, en

cas de construction par exemple, se réalise même si le meuble utilisé et l’immeuble

n’appartiennent pas au même propriétaire, alors que l’immobilisation par destination

70

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suppose que le meuble et l’immeuble auquel il est attaché appartiennent au même

propriétaire.

- Si un locataire fait sceller dans l’appartement loué des glaces ou des boiseries, ou placer

une statue dans une niche, ces objets ne deviendront pas immeubles par destination,

puisqu’il n’ont pas été introduits par le propriétaire lui-même ; le locataire pourra les

enlever à la fin du bail, à condition de remettre les lieux en l’état. si, au contraire, il faisait

recouvrir à ses frais le toit de la maison, ou ouvrait des fenêtres et y plaçait des battants

ou des volets, il ne pourrait plus enlever ces objets, parce qu’ils ont perdu leur

individualité par leur incorporation à l’immeuble.

C Les immeubles par l’objet auquel ils se rapportent

La Code civil range dans cette catégorie des biens incorporels, des droits. Rigoureusement,

la nature abstraite d’un droit s’oppose à ce qu’on puisse le considérer comme un meuble ou

un immeuble. Mais le législateur y a inclus les droits en considérant les objets sur lesquels ils

portent : un droit est immobilier lorsqu’il porte sur un immeuble.

L’article 526 considère ainsi comme immeubles « l’usufruit des choses immobilières ; les

servitudes ou services fonciers ; les actions qui tendent à revendiquer un immeuble ». Il est

très incomplet. En réalité, il y a lieu de considérer comme immeubles incorporels :

1) Les droits réels immobiliers (autres que le droit de propriété qui, en vertu d’une

conception traditionnelle, se confonde avec son objet et sera donc immeuble par nature

ou par destination et non par l’objet auquel il s’applique). Il s’agit tant des droits réels

principaux (usufruit immobilier, emphytéose73, servitude74) que des droits réels

accessoires établis sur un immeuble pour garantir une créance (privilège75,

hypothèque76, antichrèse77). Ces droits grevant un immeuble sont immobiliers, bien qu’ils

soient l’accessoire d’une créance mobilière.

73 Droit réel sur un immeuble corporel (ordinairement mais non nécessairement rural) né d’un bail emphytéotique et caractérisé par sa longue durée (18 à 99 ans), la modicité de la redevance (appelée canon emphytéotique), le droit de céder et d’hypothéquer. 74 Charge établie sur un immeuble pour l’usage et l’utilité d’un autre immeuble appartenant à un autre propriétaire (article 637). Démembrement de la propriété de l’immeuble qu’elle grève (appelé fonds servant), elle est un droit accessoire de la propriété du fonds auquel elle profite (fonds dominant). 75 Droit appartenant à un créancier d’être payé sur le prix de vente d’un ou plusieurs biens du débiteur par préférence à d’autres créanciers. Au sens strict, sûreté accordée par la loi à certains créanciers en raison de la qualité de leur créance (article 2095…du Trésor, de la Sécurité sociale, des salariés….etc.). 76 V. infra note 4.

71

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2) Les créances immobilières (non cité par le texte) car en principe les créances sont mobilières en tant qu’elles ont pour objet soit une somme d’argent, soit un fait ou une

abstention présentant une valeur pécuniaire pour le créancier. Il en est ainsi même

lorsqu’un débiteur s’oblige à livrer un immeuble au créancier : voilà pourquoi l’obligation

de l’architecte qui s’est engagé à construire une maison est mobilière car elle consiste à

mettre au service du client les connaissances et le talent de l’architecte. Même

l’obligation qu’assume le vendeur d’un immeuble de le livrer à l’acheteur et qui a donc

bien pour objet un immeuble n’a pas comme pendant une créance immobilière. En effet,

le simple consentement suffit entre les parties à transférer la propriété. Ainsi par l’effet de

la vente, l’acheteur ne devient pas créancier, mais propriétaire de l’immeuble ; il n’a donc

pas une créance immobilière contre le vendeur. L’obligation du vendeur consiste

uniquement à lui faire délivrance de l’immeuble. Il n’a donc pas une créance immobilière

contre le vendeur. L’obligation du vendeur consiste uniquement à lui faire délivrance de

l’immeuble ; c’est une obligation de faire, qui est en conséquence mobilière.

Pour que la vente donne naissance à une créance immobilière, il faut supposer que le

transfert de la propriété ne s’opère pas au moment de l’accord des parties. Il en est ainsi :

- Lorsque les parties ont convenu de retarder le transfert de propriété pendant un certain

délai, par exemple jusqu’au complet paiement du prix. Jusqu’à l’expiration du délai,

l’acheteur n’a qu’un droit de créance contre le vendeur et cette créance ayant pour objet

un immeuble est immobilière. Ex) clause de réserve de propriété.

- La vente a pour objet un immeuble in genere, c’est-à-dire non encore individualisé. Par

exemple, la vente porte sur 100 mètres de terrain à prendre dans une parcelle plus

grande. Tant que la partie vendue n’a pas été délimitée, l’acheteur ne peut en devenir

propriétaire. Il n’a qu’une créance immobilière.

3) Les actions immobilières. Bien qu’il ne soit fait état, à l’article 526 que des « actions qui

tendent à revendiquer un immeuble », cette expression ne doit pas être limitée à l’action

en revendication du propriétaire contre le tiers qui est en possession de son immeuble ;

elle vise toutes les actions réelles immobilières, c’est-à-dire celles qui sanctionnent les

droits réels immobiliers : action confessoire d’usufruit ou de servitude au profit de

celui qui invoque un de ces droits sur l’immeuble d’autrui ; action négatoire de servitude que le propriétaire intente contre la personne exerçant sur son fonds une

servitude qu’il prétend ne pas exister ; action hypothécaire que le créancier peut

77 « Gage » d’un immeuble avec dépossession (article 2072 et 2085) ; contrat par lequel un créancier acquiert pour sûreté de sa créance, la faculté de percevoir les fruits d’un immeuble qui lui est remis par son débiteur.

72

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invoquer en vertu de son droit de suite contre le tiers détenteur de l’immeuble grevé ;

actions possessoires données au possesseur voire au détenteur précaire d’un

immeuble pour se défendre contre les tiers.

Mais il y a encore des actions mixtes immobilières. Il s’agit d’actions dans lesquelles sont

jointes deux demandes, l’une réelle, l’autre personnelle. Parmi ces actions les unes tendent

à l’exécution de l’acte juridique qui, créant ou transférant un droit réel immobilier, a en même

temps donné naissance à un droit de créance. Ainsi lorsque l’acheteur d’un terrain délimité

devenu propriétaire dès le jour de l’acte agira en délivrance, il invoquera par la même action

un droit de propriété et une créance de livraison. D’autres actions mixtes tendent à la

destruction de l’acte juridique translatif ou créateur d’un droit réel immobilier ; telles sont

l’action en résolution d’une vente d’immeuble intentée par le vendeur contre l’acheteur qui

ne paye pas le prix convenu (article 1654) ; l’action en rescision de la vente d’un immeuble

pour cause d’ingratitude du donataire (article 955) ou pour cause de lésion subie par le

vendeur (article 1674) ; l’action en révocation d’une donation d’immeuble pour cause

d’ingratitude du donataire (article 954). Dans tous ces cas, le résultat de l’action est de faire

recouvrer la propriété de l’immeuble à celui qui l’exerce.

§2 Les meubles

La situation juridique des meubles est plus simple que celle des immeubles en ce qu’il

n’existe ni meubles correspondant à la catégorie des immeubles par destination, ni meubles

par simple déclaration de volonté.

L’article 527 du Code civil distingue les meubles par leur nature (A) et les meubles par

détermination de la loi (C). L’article 529 alinéa 1er explicite le principal contenu de cette 2e

catégorie : il s’agit des actions ou obligations des sociétés, encore que des immeubles

puissent appartenir à ces entreprises. L’expansion de l’incorporel permet de constater le

caractère désuet de cette catégorie. A ces deux catégories, il convient d’en ajouter une 3e

dégagée par la jurisprudence, celle des meubles par anticipation (B) (il s’agit de choses

actuellement immobilières, qui sont fictivement traitées comme mobilières par anticipation,

les particuliers les ayant envisagées dans leur existence future).

A Les meubles par nature

Ce sont les choses mobiles de par leur nature. L’article 528 modifié par la loi du 6 janvier

1999 vise les animaux et les corps qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils

73

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se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne peuvent changer de place que par l’effet d’une

force étrangère comme les choses inanimées (tableaux, livres, linge…etc.). C’est dans cette

deuxième catégorie que figure les meubles meublants visés par l’article 534, c’est-à-dire

ceux qui sont « destinés à l’usage et à l’ornement des appartements » (tapisseries, lits,

sièges, pendules, tables…etc.).

Parmi les meubles par nature, il en est qui sont soumis à une immatriculation

administrative et qui, de ce fait, sont considérés comme situés au lieu de cette

immatriculation. Ces meubles immatriculés (navires, bateaux de rivière, avions…) sont

soumis à un régime juridique propre qui les rapproche des immeubles quant au transfert de

la propriété et à l’hypothèque.

La catégorie des meubles corporels s’est enrichie avec le développement des titres

au porteur. En effet, lorsqu’un droit de créance est constaté dans un titre au porteur78, on

considère qu’il y a incorporation de la créance dans le titre, et la créance est traitée de ce fait

comme un meuble corporel. Cette conception procède d’une confusion entre le titre

(instrument de preuve sans autre valeur que celle du papier imprimé) et la créance (valeur

économique de la créance constatée par le titre).

B Les meubles par anticipation

Un bien actuellement immobilier peut revêtir le caractère mobilier en raison de l’angle sous lequel il a été considéré par ceux qui l’ont envisagé non dans sa forme actuelle mais dans sa nature future. Ainsi des contractants ayant passé contrat sur des immeubles

en considération du moment où ces biens seront devenus meubles, on leur attribue par

anticipation dès la formation du contrat, le caractère mobilier. Ex) des récoltes vendues sur

pied, actuellement elle sont immeubles, mais compte tenu du but poursuivi par les parties,

78 La très large majorité des titres détenus en France le sont dans le cadre de titres "au porteur". Dans le cas de titres "au porteur", les titres sont inscrits auprès d’un intermédiaire financier. En contrepartie de cette inscription dans ses livres, l'intermédiaire financier vous facture des droits de garde plus ou moins élevés. La société dont on détient les titres ne connaît pas directement le nom des actionnaires au "porteur". Seul l’intermédiaire connaît la liste exacte des personnes détenant des titres de telle ou telle société. Ce mode de détention a des avantages mais aussi des inconvénients. Ainsi, le paiement de droits de garde mais aussi le manque d'informations sont des inconvénients majeurs. L'entreprise dont vous détenez les titres n'ayant pas connaissance de vos coordonnées, ne pourra vous envoyer une information complète et précise sur la société (lettre d'actionnaire, lettre semestrielle, etc.). S’il s’agit d’un achat de titres dans une optique à court terme ou à moyen terme (quelques jours ou quelques semaines), les titres "au porteur" sont à privilégier. Ils permettent une meilleure flexibilité dans les investissements, car ne nécessitent pas de procédures administratives. De plus, l'intérêt de titres "au nominatif" est réel uniquement dans le cas de détentions longues.

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ces récoltes étant vendues en vue de leur séparation du fonds, on admet que ces choses

sont mobilières et que la vente elle-même est mobilière.

Il s’agit d’une création de la jurisprudence. Aucune disposition du Code civil ne visant les

meubles par anticipation. Elles constituent une dérogation au principe général que la nature

mobilière ou immobilière d’un bien ne dépend pas de la volonté de l’homme, que la

distinction des biens mobilier/immobiliers est d’ordre objectif : on tient compte ici de la

volonté des parties qui imprime à un bien dès à présent le caractère qu’il aura en fait dans

l’avenir. Autres exemples : la jurisprudence a fait application de la théorie des arbres vendus

pour être abattus, sans distinguer selon l’importance de l’opération et quand bien même elle

porterait sur une forêt entière, ni selon l’état des arbres (bois taillis ou arbres de haute

futaie) ; la vente de matériaux à extraire d’une mine ou d’une carrière ; aux maisons ou

bâtiments quelconques qui seraient vendus en vue d’être démolis.

C Les meubles par détermination de la loi

L’article 529 alinéa 1er dispose que sont meubles par détermination de la loi « les actions ou

intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d’industrie ». A priori, cette

solution paraît logique, l’action ou l’intérêt donne droit à une part des bénéfices annuels et,

après dissolution de la société, à une part dans l’actif social, c’est-à-dire une somme

d’argent ; les droits de l’associé portent sur des objets mobiliers, il est naturel de leur

attribuer une nature mobilière. Mais il est ensuite ajouté « encore que des immeubles

dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies ». Cette solution ne peut

s’expliquer qu’en faisant appel à la notion de personnalité de la société. La plupart des

sociétés (civiles ou commerciales) sont dotées de la personnalité morale, c’est-à-dire

qu’elles sont des personnes juridiques. Donc ce sont elles qui sont propriétaires des

immeubles composant le fonds social et non les associés. Ceux-ci n’ont à l’encontre de la

société qu’un droit mobilier qui deviendra immobilier quand la société étant dissoute, leur

droit se transportera sur l’actif à partager, dans la mesure au moins où celui-ci est composé

d’immeubles.

Section II Les autres distinctions §1 Choses appropriées, choses sans maître et choses communes

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- Les choses communes79 (res communes). Article 714 du Code civil : « il est des choses

qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous. Des lois de police

règlent la manière d’en jouir ». Ce sont des choses pouvant être utilisées (usus80)

indépendamment de toute appropriation, individuelle ou collective. Traditionnellement, on

classe dans cette catégorie l’eau, l’air, la mer, les eaux courantes (liste non exhaustive).

Cependant, le fait que les choses soient communes n’exclut pas qu’elles puissent faire

l’objet d’une prise de possession, voire d’une appropriation privée. Ainsi l’air est

susceptible d’une appropriation sous certaines formes (ex. air liquide). Sans que sa

substance soit naturellement modifiée, l’air peut cesser d’être une chose commune du

fait qu’il est accueilli dans le cadre d’un certain espace. Des observations comparables

peuvent être présentées au sujet de l’eau de mer (on peut puiser dans cette eau, en

extraire le sel…etc.) Une autre analyse pourrait y voir une res nullius (une chose

n’appartenant à personne, ce qui laisse penser qu’elle pourrait appartenir à certains).

Des analyses semblables peuvent être développées au sujet de l’air. S’il demeure vrai

que l’air est bien une chose commune, il est devenu nécessaire d’aménager « une

politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air

qui ne nuise pas à sa santé » (article L.220-1 alinéa 1er du Code de l’environnement).

- Les choses sans maître81. L’article 713 du Code civil dispose que « les biens qui n’ont

pas de maître appartiennent à l’Etat ». Formule trop large car l’on s’accorde à

reconnaître que la règle ne s’applique qu’aux immeubles. Formule au demeurant

contestable car elle donne à penser que l’Etat n’est pas un maître ou encore que

l’appartenance n’est pas une maîtrise. Il s’agit de chose qui pour l’instant, ne sont pas

appropriées ; mais elles sont appropriables. Le Code civil paraît exclure l’existence de

choses sans maître, les articles 539 et 713 disposant que les biens qui n’ont pas de

maître appartiennent à l’Etat ; mais cette règle ne s’applique qu’aux immeubles et il peut

parfaitement y avoir des meubles sans maître. Dans cette catégorie rentre les res nullius

(le gibier, les poissons de mer et les eaux courantes, les produits de la mer, l’eau

pluviale…) et les res derelictae, c’est-à-dire les choses mobilières volontairement

abandonnées par leur ancien maître et qui pourront d’ailleurs être appropriées à

nouveaux par ceux qui les recueilleront (ex. les chiffonniers).

79 Chose qui n’appartient à personne et dont l’usage est commun à tous (ex. air, mer). 80 Terme latin signifiant usage (action ou faculté d’user) encore utilisé dans la trilogie des attributs du droit de propriété (usus, fructus, abusus) ou dans la définition de l’usufruit pour désigner le droit d’usage. 81 Ce sont les choses qui, par leur nature, sont susceptibles de propriété privée, mais qui n’appartiennent à personne.

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- Les choses appropriées : elle s’opère à titre dérivé, à la suite d’une convention entre

deux ou plusieurs personnes (vente, échange, donation…) soit à titre originaire (création,

occupation, prescription…). Au cours de ces moments, on voit se manifester

l’appropriation juridique. L’occupation, c’est-à-dire la mainmise réelle ou fictive sur une

res nullius, sans propriétaire ou même seulement sans possesseur actuel est rare. Elle

n’a plus lieu d’être lorsqu’il s’agit d’immeubles parce que ceux-ci, lorsqu’il sont sans

maître appartiennent à l’Etat (en application des articles 713 et 539 du Code civil). Tel

n’est pas le cas des meubles qui, malgré les formules générales des articles 739 et 539,

échappent alors à l’emprise de l’Etat et peuvent faire l’objet d’une occupation (ex.

produits de la chasse et de la pêche). La création : aux termes de l’article L.111-1 du

Code de la propriété intellectuelle, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette

œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et

opposable à tous ». La création de l’œuvre coïncide avec la création du droit subjectif.

S’il y a création de signes distinctifs (qui attirent la clientèle), le créateur acquiert sur eux

un droit privatif par l’effet d’un premier usage public, non précaire et non équivoque. Ces

exigences suffisent lorsqu’il s’agit de l’enseigne ou du nom commercial. S’il s’agit de

marques, il lui faut satisfaire à l’exigence d’un enregistrement (article L.712-1 Code de la

propriété intellectuelle). Les inventions illustrent encore mieux le passage de la chose au

droit, avant tout dépôt l’invention peut faire l’objet d’une possession, le possesseur

pouvant préférer exercer son pouvoir de fait sur l’invention en la gardant secrète. C’est

du dépôt de la demande de brevet que naît le droit privatif. La prescription qui est le

mode d’acquisition ou d’extinction d’un droit, par l’écoulement d’un certain laps de temps

(d’un délai) et sous les conditions déterminées par la loi (article 2219) peut être

acquisitive ou extinctive. La première mène à l’acquisition d’un droit réel principal (la

propriété) surtout en matière immobilière par la possession prolongée pendant trente ans

(article 2262 du Code civil) ou pendant une durée inférieure déterminée par la loi

(prescription dite abrégée, article 2265 du Code civil). La seconde entraîne l’extinction

d’un droit.

§2 Choses fongibles et choses non fongibles

- Les choses fongibles82 ne sont déterminées que par leur nombre, leur poids ou leur

mesure. Elles peuvent être employées indifféremment les unes pour les autres dans un

paiement. C’est dire que deux ou plusieurs choses sont en rapport d’équivalence, de

82 Choses qui n’étant déterminées que par leur nombre, leur poids ou leur mesure, peuvent être remployées indifféremment l’une pour l’autre dans un paiement ; les autres choses ont dites non fongibles.

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sorte que l’une quelconque d’entre elles peut servir à la satisfaction d’un même besoin.

Ces choses sont envisagées dans leur genre ou espèce et non dans leur identité (ex.

billets de banque, quintaux de blé de telle qualité).

- Les choses non fongibles sont les choses qui sont envisagées dans leur individualité

(ex. telle maison, tel tableau, tel sac de blé) qu’on ne peut pas remplacer exactement par

une autre. Cette distinction est à la base de la classification des obligations qui ont pour

objet un corps certain83. Ainsi le transfert de propriété par le seul effet de la convention

suppose que l’objet de celle-ci soit déterminé dans son individualité même, qu’il soit à

l’état de corps certain. Lorsque la vente porte sur des choses de genre84, le transfert de

propriété85 est différé et se réalise seulement lors de l’individualisation de la chose

vendue (ex. marque mise par le vendeur sir la chose fongible) et non par la délivrance.

L’on assiste à notre époque à une expansion du domaine des choses fongibles liée au

développement de la normalisation et au recul relatif de l’individualisation favorisé

notamment par l’essor du droit de la consommation et à la dématérialisation des biens

(ex. valeurs mobilières). Le seul fait que deux choses portent des numéros ou des

marques distinctes (ex. billets de banque, valeurs mobilières) n’est pas contraire à leur

fongibilité. Sous réserve de la protection des droits des tiers, la volonté individuelle peut

agir sur les qualifications, par la transformation de choses fongibles en corps certains ou

de corps certains en choses fongibles ex) un livre acheté parce qu’il appartient à tel

personnage illustre ne saurait être remplacé par aucun autre exemplaire.

§3 Choses consomptibles et choses non consomptibles

- Les choses consomptibles sont celles qui se consomment du seul fait que l’on s’en sert

selon leur destination (denrées alimentaires, combustibles, monnaie que l’on utilise en la

dépensant). Lorsque ces droits portent sur des choses consomptibles, leur nature

juridique en est affectée : ainsi lorsque de telles choses sont soumises à un usufruit,

celui-ci devient un quasi-usufruit86, c’est-à-dire que l’usufruitier devient propriétaire avec

83 Chose corporelle déterminée dans sa matérialité, spécifié dans son individualité : un bijou de famille, tel sac de blé différencié par une marque, tel tonneau étiqueté, s’oppose à chose de genre, chose fongible. 84 Expression employée pour désigner les choses fongibles par opposition aux corps certains. 85 Transfert d’un droit d’un titulaire (auteur) à un autre (ayant-cause). Désigne aussi bien le résultat de l’opération, l’effet translatif (ex. le transfert de propriété résultant de la vente) que l’opération même (l’acte translatif). 86 Un presque usufruit. Droit équivalent à l’usufruit qui porte sur des choses consomptibles par le premier usage et, pour cette raison confère à son titulaire la faculté de les consommer ou de les aliéner, à charge de restituer à la fin de l’usufruit soit des choses de même quantité et qualité, soit leur valeur estimé à la date de restitution.

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charge de rendre, à l’expiration de l’usufruit, soit des choses de même qualité et en

même quantité, soit une somme d’argent représentative de leur valeur (article 587).

- Lorsqu’au contraire une chose est susceptible d’un usage prolongé, on la dit non consomptible, alors même qu’elle diminuerait de valeur du fait de cette utilisation

(maison, meubles meublants). Seules les choses non consomptibles peuvent faire l’objet

de droit impliquant, pour leur titulaire, l’obligation de les rendre, après coup, dans leur

identique individualité.

§4 Chose frugifères et choses productives

- Il est des biens oisifs ou non frugifères : meubles meublants, bijoux. Cela ne signifie

pas pour autant qu’ils ne puissent pas constituer des objets de placements financiers

(thésaurisation). Il est des biens frugifères : certains biens constituent un capital

(champ, maison, titre de bourse) d’autres sont des fruits87, des revenus (ceux-ci sont

donnés par des capitaux : récoltes, loyers payés par des locataires, les dividendes versé

par une société à ses actionnaires). Les intérêts de la distinction capitaux/fruits sont

nombreux : en matière de capacité et de pouvoir, la loi se montre plus exigeante pour

l’aliénation d’un capital que pour celle des fruits ; lorsqu’un bien fait l’objet d’un usufruit,

les fruits ou revenus appartiennent à celui qui a la jouissance de la chose (l’usufruitier) ;

le capital reste au nu-propriétaire.

- Les produits88 sortent d’une chose sans périodicité ou avec une altération sensible de la

substance, ex) les pierres qui sont extraites d’une carrière, les matériaux d’une maison

démolie par son propriétaire. Cette distinction fruit/produit a un intérêt : l’usufruitier a en

principe le droit de percevoir uniquement les fruits à l’exclusion des produits, ceux-ci

appartenant au nu-propriétaire.

§5 Choses hors du commerce et les choses marchandes

87 Biens de toute sorte (somme d’argent, biens en nature) que fournissent et rapportent périodiquement les biens frugifères (sans que la substance de ceux-ci soit entamée comme elle l’est par les produits au sens strict) ; espèce de revenus issus des capitaux, à la différence des revenus du travail. Ex) récoltes, intérêts des fonds prêtés, loyers des maisons ou des terres louées, arrérages de rentes. 88 Ce qui est retiré d’un capital moyennant une diminution de substance et en dehors d’une exploitation régulière. Ex) matériaux extraits épisodiquement d’une carrière non exploitée (article 598) ; arbres abattus isolément (article 592).

79

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Il existe des articles du Code civil relatifs aux choses dites hors du commerce89. Ce sont

des choses qui ne peuvent pas être l’objet de convention (article 1128), qui ne peuvent être

vendues (article 1598) ou prêtées (article 1878) ou encore qui ne peuvent être acquises par

prescription (article 2226). La personne humaine n’est pas une chose, au moins depuis

l’abolition de l’esclavage et si le corps humain n’échappe pas à l’emprise de certains

contrats, à commencer par le contrat médical, le contrat de travail et bien d’autres contrats, il

ne saurait constituer une chose au sens de l’exclusion envisagée. Les choses hors du

commerce sont les tombeaux, les sépultures ne peuvent être vendus mais ils peuvent faire

l’objet d’actes juridiques à titre gratuit. Il s’agit également des choses dangereuses placées

hors du commerce en application de textes spéciaux, particuliers (ex. drogue).

§6 Les biens corporels et incorporels

Des considérations historiques bien connues expliquent l’ampleur donné à la catégorie des

meubles corporels puis incorporels et le principe selon lequel tout ce qui n’est pas immeuble

est meuble. L’expansion de l’incorporel est notable, ainsi en est-il en matière de créances.

L’objet incorporel ne consiste plus seulement dans la créance, mais aussi dans la datte, plus

largement encore dans le contrat. Nombre de contrats portent sur des obligations. Les parts

sociales ou actions dans les sociétés sont des meubles incorporels. En droit commercial

s’est peu à peu dégagé l’idée que les divers éléments constitutifs d’un fonds de commerce

(boulangerie, papeterie…etc.) constituent un ensemble considéré comme un bien incorporel

distinct de ses éléments constitutifs (clientèle, droit au bail, enseigne, marques,

marchandises…etc.). Ainsi un nantissement (qui est en réalité une hypothèque mobilière)

peut être prise sur le tout. La création d’une œuvre littéraire ou artistique confère à son

auteur (puis après son décès, à ses ayants droit pendant l’année civil en cours et les

soixante dix années qui suivent (article L.123-1 alinéa 2 CPI) un droit de nature économique,

c’est-à-dire le droit de tirer profit de l’édition et de l’exploitation de l’œuvre. Il s’agit là d’un

bien incorporel de nature mobilière, distinct du bien corporel que constitue pour l’auteur la

propriété de la chose dans laquelle se matérialise son œuvre. De même avec internet.

CHAPITRE II Les différentes catégories de droit

Section I Les droits réels, les droits personnels

89 Choses qui ne peuvent pas faire l’objet d’un contrat entre particuliers. Ex) sépultures ; biens du domaine public.

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Le droit réel est celui qui donne à la personne un pouvoir direct et immédiat sur une chose,

pouvoir qui s’exerce sans l’entremise d’un autre individu : le propriétaire d’une maison,

l’habite ou la loue ; l’usufruitier d’un domaine en perçoit les fruits, sans avoir à s’adresser à

une personne quelconque.

Il comporte seulement deux éléments : la personne, sujet actif du droit et la chose, objet du

droit ; c’est un droit direct sur la chose (jus in re).

Le droit de créance ou droit personnel est le droit qu’a une personne appelée créancier,

d’exiger une certaine prestation d’une autre personne, le débiteur. Il comporte trois

éléments : le créancier, sujet actif du droit ; le débiteur, sujet passif et la prestation, objet du

droit. Ce droit appelé droit de créance par rapport au sujet actif, se nomme obligation ou

dette, si on l’envisage du côté passif (droit des obligations = droit des contrats).

Les obligations se divisent en trois grandes classes :

- L’obligation de donner, par laquelle le débiteur s’engage à transférer au créancier un

droit réel, notamment la propriété sur une chose lui appartenant (par exemple, l’obligation

de transférer la propriété d’un bien meuble ou immeuble, vendu, mais non encore

individualisé).

- L’obligation de faire, par laquelle le débiteur s’engage à un fait (obligation du peintre qui

s’engage à faire un tableau, de l’architecte qui se charge de l’élaboration du plan de

construction d’une maison) / L’obligation de ne pas faire, par laquelle le débiteur

s’engage à une abstention (ex. un vendeur de fonds de commerce s’engage à l’égard de

l’acquéreur à ne pas ouvrir dans la même ville un établissement semblable à celui qu’il

cède).

La comparaison entre droit réel et droit personnel a conduit la doctrine classique à relever

des différences fondamentales :

- Le droit réel s’exerçant directement sur la chose est absolu, en ce sens qu’il peut être

opposé par son titulaire à toutes autres personnes. Tout autre individu est tenu de laisser

le titulaire du droit réel exercer son pourvoir sur la chose. Ce titulaire ne peut d’ailleurs

opposer son droit à tout le monde que sous une forme négative ; on doit respecter ce

droit, mais aucun acte positif ne peut être exigé d’autrui.

- Le droit personnel est relatif : il n’établit de rapports qu’entre le créancier et le débiteur.

C’est seulement de ce dernier que le créancier peut exiger la prestation, objet du droit.

La différence entre l’absolutisme du droit réel d’où découle son opposabilité erga omnes et la

relativité du droit personnel doit toutefois être nuancée. D’une part, l’absolutisme du droit réel

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comporte une limite inhérente à la publicité : un droit réel ne peut parfois être opposé à

certaines personnes que si l’acte constitutif ou translatif de droit a été publié. D’autre part, si

le droit personnel est relatif, c’est uniquement au point de vue de son effet obligatoire ;

abstraction faite de cet effet, le droit personnel est en lui-même opposable aux tiers en tant

que fait.

Le droit réel comporte :

- le droit de suite : le titulaire d’un droit réel quelconque peut suivre en quelques mains

qu’elle passe la chose qui lui appartient ou qui est grevée d’un droit en sa faveur. Ainsi,

le propriétaire d’un immeuble peut le revendiquer contre tout détenteur ; l’usufruitier peut

réclamer la chose pour en jouir, quel qu’en soit le propriétaire. Au contraire, le droit

personnel n’emporte pas droit de suite. Il en résulte que le créancier n’a qu’un droit de

gage général sur le patrimoine de son débiteur. Il ne possède aucun droit particulier sur

tel ou tel bien de son débiteur. Aussi celui-ci pourra-t-il aliéner ses biens jusqu’à ce que

le créancier procède à leur saisie ; un créancier ordinaire n’a pas le droit de suite sur les

biens de son débiteur, il ne peut les saisir entre les mains d’un acquéreur. En outre,

l’absence de droit de suite affecte aussi l’exécution des obligations concernant l’utilisation

des choses : après vous avoir promis de vous prêter mon automobile pour un voyage, je

la vends ; vous ne pourrez réclamer l’exécution de l’obligation à l’acquéreur nouveau

propriétaire ; moi seul en suis tenue.

- Le droit de préférence : comme l’attribut précédent, il s’explique par le large

rayonnement du droit réel. S’il y a conflit entre le titulaire d’un tel droit et le titulaire d’un

droit personnel, à propos d’une chose, le premier, ayant un droit absolu, opposable à

tous, sera préféré au second, qui par hypothèse n’a aucun droit contre le titulaire du droit

réel. Ex) une personne a déposé une chose lui appartenant chez un commerçant ; avant

restitution, le dépositaire devient insolvable. Cette situation n’affectera pas le titulaire du

droit réel, il écartera toute prétention sur les choses ; les créanciers du dépositaire ne

pourront saisir le bien qui n’appartient pas à leur débiteur ; tel est le résultat de

l’obligation négative qui pèse sur tout le monde de ne pas troubler le titulaire du droit réel.

Il convient de maintenir la distinction du droit réel et du droit personnel, à laquelle correspond

une différence de régime juridique, deux observations doivent cependant être présentées.

- Les transformations dans les moyens de production et de financement des affaires ont

entraîné la naissance de notions juridiques, traduisant un rapprochement entre les deux

catégories de droits, réels et personnels.

- Les nécessités du crédit ont amené une transformation dans la structure du droit de

créance. A l’origine, c’est un lien entre le créancier et le débiteur, lien strictement

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dépendant de la personne de ceux-ci. A l’heure actuelle, les créances sont

essentiellement cessibles.

Il existe des cas où l’on peine à tracer la limite entre droit réel et droit personnel et à

appliquer la distinction. La question de la nature du droit du locataire d’un immeuble montre

ces difficultés.

Les droits réels se divisent en deux catégories :

Les droits réels principaux

Droits réels principaux : la propriété Et les droits réels principaux démembrés :

- usufruit - usage - habitation - servitudes90 - emphytéose91 - superficie92 - droit du preneur à bail dans le bail à construction

(Selon la doctrine classique, cette liste est limitative).

Le droit de propriété constitue le droit le plus complet que l’homme puisse exercer sur la

chose. Il comprend l’usage (l’usus) de la chose, le droit d’en tirer les fruits et produits (le

fructus), le droit d’en disposer, soit matériellement en les consommant, en les transformant,

ou en les détruisant, soit juridiquement, en cédant le droit que l’on a sur elle (vente,

donation) ou en la grevant de droits réels (servitude, hypothèques) (l’abusus). A ce titre et de

part sa nature même, le droit de propriété est considéré comme un droit réel principal. Il n’en

demeure pas moins que, sans altération de ses caractères, le droit de propriété peut être

utilisé à des fins de garantie, ou de sûreté (fiducie93, vente à réméré94, clause de réserve de

90 Servitude : charge imposée à un immeuble, bâti ou non bâti (le fonds servant) au profit d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire distinct (fonds dominant). Elle est apparente lorsqu’un signe extérieur la révèle. Elle est continue lorsqu’elle s’exerce sans l’intervention de l’homme. Elle est personnelle lorsqu’elle existe au profit d’une personne déterminée. Elle est réelle lorsqu’elle s’exerce au profit de tout propriétaire du fonds dominant. 91 Emphytéose : bail de longue durée, pouvant atteindre 99 ans portant sur un immeuble et conférant au preneur un droit réel (article 1709 du Code civil). 92 Superficie :Droit de propriété sur les édifices et plantations reposant sur le terrain d’autrui (article 553 du Code civil). 93 Contrat introduit en droit français par la loi du 19 février 2007 par lequel est organisé le transfert de biens accompagné d’une mission de gestion ou d’administration de ceux-ci ; les biens transférés forment un patrimoine séparé du patrimoine personnel du fiduciaire (donc un patrimoine d’affectation).

83

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propriété95, crédit-bail96…etc.). Cela de manière à remédier aux inconvénients ou aux

insuffisances des sûretés traditionnelles.

Les droits réels accessoires Droits réels accessoires - Sur les immeubles : hypothèques97, privilèges98 immobiliers spéciaux, antichrèse99.

- Sur les meubles : gage100, privilèges mobiliers spéciaux.

Pour se garantir contre le risque d’insolvabilité de leur débiteur, les créanciers peuvent

obtenir des sûretés.

Ce peut être une sûreté personnelle, consistant à donner au créancier, au lieu d’un seul

débiteur, plusieurs personnes répondant de la même dette. Le créancier aura plus de

chances d’être payé, car si l’un des débiteurs est insolvable, un autre ne le sera peut être

pas. Ex. le créancier exigera l’engagement solidaire de plusieurs débiteurs, ce qui lui

permettre de réclamer à l’un quelconque d’entre eux la totalité de la dette, quitte pour celui

qui a payé plus que sa part à exercer un recours contre les autres codébiteurs. Ou bien

encore le créancier demandera l’engagement d’une caution, débiteur accessoire qui devra

payer la dette à défaut du débiteur principal.

Inspiré du trust des pays de droit anglo-saxon, il permettrait de gérer des biens, des sûretés, des libéralités. 94 Vente à réméré : clause d’un contrat de vente, par laquelle le vendeur se réserve le droit de racheter la chose dans un délai maximum de cinq ans, en remboursant à l’acquéreur le prix et les frais. 95 Clause de réserve de propriété :clause par laquelle un vendeur (pour garantir sa créance) se réserve la propriété de la chose vendue jusqu’au paiement intégral du prix par l’acheteur. Cette clause est opposable aux tiers, notamment aux créanciers de l’acquéreur mis en redressement ou en liquidation judiciaires lorsque certaines conditions sont réunies. 96 Technique contractuelle moderne (d’origine américaine « leasing ») de crédit à moyen terme, par laquelle une entreprise de crédit-bail acquiert, sur la demande d’un client, la propriété de biens d’équipement mobilier sou immobiliers à usage professionnel, en vue de les donner en location à ce client pour une durée déterminée et en contrepartie de redevances ou de loyers. A l’issue de la période fixée, le locataire jouit d’une option, il peut : soit restituer le bien à la société financière, soit demander le renouvellement du contrat, soit acquérir le bien pour un prix qui tient compte, au moins pour partie, des versements effectués à titre de loyers. 97 Droit réel accessoire grevant un immeuble et constitué au profit d’un créancier en garantie du paiement de la dette. 98 Privilège : droit que la loi reconnaît à un créancier, en raison de la nature des créances d’être préféré aux autres créanciers sur l’ensemble des biens de son débiteur (privilège général) ou sur certains d’entre eux seulement (privilège spécial). 99 Sûreté réelle née de la convention des parties et permettant au créancier de prendre possession d’un immeuble et d’en imputer annuellement les fruits et les revenus d’abord sur les intérêts, ensuite sur le capital de sa créance, jusqu’au règlement de cette dernière. 100 Contrat réel (c’est discuté depuis la réforme du 23 mars 2006) par lequel un débiteur remet une chose mobilière à son créancier en garantie du paiement de la dette. Le gage entraîne généralement la dépossession du débiteur.

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

Les sûretés peuvent être des sûretés réelles, consistant dans l’affectation au payement

d’une dette d’un ou plusieurs biens, appartenant en général au débiteur : le créancier obtient

sur le bien qui lui est affecté un droit réel servant de garantie à la dette. Ce sont les droits

réels accessoires, accessoires de la créance. Ainsi le créancier se fera remettre en gage un

meuble de son débiteur, ou il prendre hypothèque sur un immeuble de celui-ci. Ce droit réel

ne lui permet pas d’user de la chose de son débiteur, mais seulement de faire servir cette

chose à la garantie de sa créance. Il aura ainsi les prérogatives essentielles du droit réel :

- Le droit de préférence : si la dette n’est pas acquitté à l’échéance, le créancier fera

vendre la chose, mise en gage ou hypothéquée, et sera payé avant tout autre créancier

sur le prix ;

- Le droit de suite : si le bien est aliéné par le débiteur, le créancier conserve cependant

le droit de le saisir ente les mains du nouveau propriétaire et de se payer sur le prix, au

cas où la dette ne serait pas acquittée à l’échéance.

Parmi les sûretés réelles, il faut encore citer les privilèges. Le privilège s’analyse en un droit

que la loi donne à un créancier, en raison de la qualité de sa créance, d’être préféré aux

autres créanciers, même hypothécaires (article 2095 ancien/ 2324 nouveau). Certains

privilèges sont généraux, la loi conférant à certaines créances dignes de protection un droit

de préférence sur tous les biens ou sur tous les meubles du débiteur (ex. privilèges

garantissant le payement des salaires et créances assimilées, des frais funéraires, des

fournitures de subsistance). Les privilèges spéciaux confèrent au créancier un droit de

préférence sur un ou plusieurs biens déterminés (ex. le vendeur de meubles a le droit de se

faire payer sur la valeur de l’objet vendu avant tous autres créanciers de l’acheteur ; le

bailleur d’immeuble a sur les meubles apportés par le preneur dans les lieux loués un

privilège garantissant le règlement des sommes qui lui sont dues, notamment des loyers ou

fermages).

Les créanciers ordinaires, non munis de droits réels accessoires, sont appelés créanciers

chirographaires par opposition aux créanciers gagistes privilégiés ou hypothécaires.

La question qui se pose est de savoir si l’on peut établir par convention, voir par acte

unilatéral, d’autre droits réels que ceux qui sont prévues par la loi ? En d’autres termes, le

nombre de droits réels est-il limité ?

*La tendance classique répond affirmativement à cette question. Les droits personnels sont

illimités pas les droits réels. Les contractants peuvent compte tenu du principe de la liberté

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

contractuelle, aménager leurs rapports juridiques et dans cette perspective créer des

rapports non prévus par la loi.

Pour refuser la création de nouveaux droits réels, on fait valoir que la loi dans l’énumération

des droits réels qu’elle reconnaît, doit être considérée comme limitative car aux termes de

l’article 6 du Code civil on ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui

intéressent l’ordre public et qu’au nombre de ces lois, il faut nécessairement faire figurer

celles qui intéressent le public, la sécurité des conventions et le mode de transmission des

biens. Il serait de plus difficilement admissible que les particuliers puissent ainsi créer des

droits qui, étant opposables à tous, risqueraient de constituer une gêne pour la collectivité. Il

ne pourrait donc y avoir d’autres droits réels que ceux qui sont formellement reconnus par la

loi.

*Cette argumentation n’est pas convaincante. Aucun texte n’indique formellement la création

de droits réels nouveaux ou la modification des droits réels reconnus dès lors que la volonté

individuelle ne heurte pas une disposition d’ordre public. Il est seulement précisé à l’article

543 du Code civil qu’on « peut avoir sur les biens, ou un droit de propriété, ou un simple droit

de jouissance, ou seulement des services fonciers à prétendre ».

Section II Le droit de propriété

Le droit de propriété est le plus important des droits réels. Son importance est telle que les

rédacteurs du Code civil en ont presque fait le centre du Code.

En fait un seul texte, mais de grande ampleur, exprime une théorie générale du droit de

propriété. C’est l’article 544 du Code civil ainsi rédigé « la propriété est le droit de jouir et

disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage

prohibé par les lois ou par les règlements ».

La conception française une tradition individualiste du droit de propriété : la propriété privée.

Sous-section I Les prérogatives du propriétaire

§1 Les caractères du droit de propriété Il est exclusif (A), absolue (B) et perpétuel (C).

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A Le caractère exclusif L’exclusivisme complète l’absolutisme. Personne physique, personne morale, le propriétaire

est le seul maître de son bien, en ce sens, qu’il peut s’opposer à ce que des tiers empiètent

sur son droit, par exemple pénètrent sur son terrain sans qu’il soit nécessaire de se

demander si cet empiétement lui cause un préjudice matériel ou moral.

Cependant, le propriétaire est dans certaines circonstances obligé de supporter certains

empiétements sur son droit (servitudes légales, pouvoirs de perquisition reconnus aux

autorités publiques dans le cadre d’investigations ou poursuites liées à l’action publique, à

l’action fiscale…etc.).

L’on est volontiers porté à attacher une autre signification au caractère exclusif du droit de

propriété : le propriétaire, personne physique ou personne morale, serait investi d’un

monopole. En d’autres termes, lorsqu’une chose est appropriée, elle n’appartient qu’à une

seule personne. Ce qui donne à penser qu’il n’y a pas de propriété privée sans propriétaire

unique et que s’il y a plusieurs propriétaires d’une même chose, le groupe que forme ces

propriétaires n’est pas autant protégé que le propriétaire unique face aux tiers. Dans les

rapports entres les membres d’une indivision101 et entre des copropriétaires102 titulaires de

droits identiques mais conjoints la prérogative de l’un s’arrêtent dans une certaine mesure, là

ou commencent celles de l’autre. Et c’est à ce titre qu’il y a alors atteinte au monopole

reconnu normalement au propriétaire unique.

La situation est différente lorsque plusieurs personnes sont investies sur une même chose

de droits réels de nature différente. Tel est le cas notamment lorsque l’une d’elle est

usufruitière, tandis que l’autre est nue-propriétaire. Le démembrement de propriété supprime

alors, dans leurs relations, le caractère exclusif du droit de propriété, autrement lorsque la

propriété est conditionnelle.

101 Indivision : situation juridique née de la loi ou de la convention des parties et qui se caractérise par la concurrence des droits de même nature exercés sur un même bien ou sur une même masse de biens par des personnes différentes (les coïndivisaires) sans qu’il y ait de division matérielle de leurs parts. 102 La copropriété est une modalité du droit de propriété découlant de la pluralité des titulaires du droit sur la chose d’où il résulte que le droit de propriété de chacun est ramené à une quote-part (1/2 : 1/3 ; ¼ ) dont le copropriétaire peut librement disposer, tandis que la gestion du bien indivis lui-même est soumise à l’accord de tous, par ce que le droit s’applique matériellement à la totalité du bien. 2° Le terme désigne souvent, dans la pratique et le langage usuel, la situation d’un immeuble construit et divisé en appartements attribués privativement à des personnes déterminées : la copropriété ne porte alors que sur le parties communes et le gros œuvre.

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Les propriétés conditionnelles : une propriété (entre vifs ou à cause de mort) peut être

transmise sous condition : ex) une personne achète une maison sous la condition qu’elle

sera nommée à un emploi dans telle vielle ; une maison est léguée sous la condition du

payement, par le légataire, d’une rente viagère au profit de telle personne.

De même, la loi établit pour la propriété diverses cause de résolution : ex) lorsque l’acheteur

d’un immeuble ne paye pas immédiatement le prix convenu, la propriété est comme affectée

d’une condition résolutoire, car elle lui échappera si un jugement prononce la résolution de la

vente pour inexécution des obligations par lui assumées (article 1184 et 1654 du Code civil).

Des exemples qui précèdent, il ressort que selon les cas :

- la condition est suspensive lorsqu’elle suspend le transfert de propriété (par exemple

jusqu’au payement du prix)

- la condition est résolutoire lorsque la disparition de la propriété sur la tête du propriétaire

est subordonnée à sa réalisation (non-paiement du prix de l’acquéreur).

Le mécanisme de la condition (suspensive ou résolutoire) d’origine volontaire ou légale

implique dans chaque cas la coexistence de deux propriétés, l’une sous condition

suspensive, l’autre sous condition résolutoire. Ainsi, une personne achète une chose sous la

condition que tel événement se réalise ; l’acquéreur est propriétaire sous condition

suspensive : il deviendra propriétaire pur et simple si la condition s’accomplit. mais ce même

événement affecte d’une condition résolutoire le droit de propriété du vendeur, celui-ci est

propriétaire jusqu’à l’accomplissement de la condition, mais cet accomplissement anéantira

son droit.

B Le caractère perpétuel

Il est assez naturel de rattacher l’héritage au caractère perpétuel de la propriété, mais le

véritable caractère perpétuel du droit de propriété signifie qu’à la différence de l’usufruit

(article 617 du Code civil) ou de la servitude du fait de l’homme103 (article 706), le droit de

propriété ne s’éteint pas par le non-usage de la chose. Il ne connaît pas de prescription

extinctive. Il se peut que pendant la période de non-usage du propriétaire, une autre

103 Charge imposée à un immeuble, bâti ou non bâti, le fonds servant, au profit d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire distinct (fonds dominant). Elle est apparente lorsqu’un signe extérieur la révèle. Elle est continue lorsqu’elle s’exerce sans l’intervention de l’homme. Elle est personnelle lorsqu’elle existe au profit d’une personne déterminée. Elle est réelle lorsqu’elle s’exerce au profit de tout propriétaire du fonds dominant. Elle est dite de « cour commune » lorsqu’ils ‘agit d’une interdiction de bâtir ou de dépasser une certaine hauteur en construisant, imposée par l’administration sur un terrain voisin d’un autre fonds pour lequel le permis de construire a été demandé. La servitude de cour commune est contrôlée par le juge judiciaire. Les servitudes discontinues sont celles dont l’exercice requiert le fait actuel de l’homme, tels sont, selon l’article 688 du Code civil : « les droits de passage, puisage, pacage au autres semblables ».

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personne acquière par prescription acquisitive la propriété du bien, c’est alors ce processus

acquisitif qui prive le propriétaire de son droit sur la chose, ce n’est pas le non-usage de

celle-ci.

C Le caractère absolu

L’absolutisme du droit de propriété illustre le rejet de la division féodale du domaine éminent

et du domaine utile. La plénitude des prérogatives reconnues au propriétaire incita

ROUBIER à écrire que le droit de propriété est la forme la plus complète de droit subjectif.

Ainsi l’article 544 du Code civil précise que « la propriété est le droit de jouir et disposer des

choses de la manière la plus absolue… ». Le propriétaire peut faire ce qu’il veut de son bien,

sa maîtrise est illimitée.

§2 Les composantes du droit de propriété

On considère que la tradition du droit français, du moins depuis 1789, constitue le droit réel

par excellence car il permet à son titulaire d’exercer sur la chose, la plena in re potestas. La

primauté ainsi reconnue au droit de propriété est le prototype des droits subjectifs. Elle

conduit à penser que les autres droits réels, notamment l’usufruit, la servitude, ne sont que

des démembrements du droit de propriété. Le droit romain reprit par les jurisconsultes a

dégagé que la propriété est composée de 3 prérogatives liées, l’usus (le droit d’user), le

fructus (jouir) et l’abusus (disposer) de la chose. Les deux premières prérogatives, séparées

de la 3e, constituent l’usufruit. Les deux derniers sont expressément prévues à l’article 544

du Code civil « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus

absolue, pourvu qu’on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou règlements ».

A Le droit d’usage : l’usus

Double aspect du droit d’usage :

- Il peut constituer en tant que tel un droit réel (comme le droit d’habitation).

- Envisager comme un des éléments dont le faisceau compose le droit de propriété, le

pouvoir d’user de la chose se manifeste de manière négative ou positive.

Positivement, le droit d’user de la chose, c’est le droit de s’en servir (usus) pour son

agrément ou pour l’exploitation économique de la chose (habiter une maison, cultiver un

domaine, utiliser une voiture). Ce droit permet aussi à son titulaire de choisir en principe

librement l’usage qu’il entend faire de la chose ou de son image sous réserve des correctifs

importants qui résultent de l’abus des droits et des restrictions d’intérêts publics ou privés à

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l’exercice du droit de propriété. Ce droit s’accompagne du pouvoir d’accomplir sur elle des

actes conservatoires.

Négativement, le droit d’user de la chose, c’est aussi le droit de ne pas en user, de ne pas

s’en servir (ne pas utiliser sa voiture, ne pas exploiter son domaine). Il faut également ajouter

le droit de s’opposer à la seule utilisation de l’image de son bien, même à des fins non

lucratives. Il existe également des restrictions à ce droit négatif, comme les réquisitions de

locaux à usage d’habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés.

L’usage de choses consomptibles, surtout s’il s’agit de choses qui se consomment par le

premier usage, se confond aussitôt avec l’abusus, c’est-à-dire la disposition de la chose.

B Le droit d’acquérir les fruits : le fructus

Le droit de jouir de la chose ou de ne pas en jouir, sous réserve de l’existence de restrictions

de nature à restreindre la liberté du propriétaire en vue d’assurer, dans certaines conditions,

l’exploitation de richesses nationales.

Le droit de jouir de la chose peut se manifester de deux manières, l’une matérielle, l’autre

juridique. Matériellement, le propriétaire peut percevoir lui-même les fruits de la chose puis

en faire ce que bon lui semble. Il se peut aussi que sans procéder de la sorte directement, il

jouisse de la chose en ayant recours à des actes juridiques (d’administration, voire de

disposition) ex) en louant un bien frugifère. Cette dualité des modes de jouissance n’est pas

étrangère à la qualification des fruits. Jouir de la chose, ce peut être aussi négativement

s’opposer à sa reproduction photographique, notamment à des fins commerciales.

Fruits : tout ce que la chose produit périodiquement et sans altération de sa substance.

Plusieurs catégories de fruits sont distinguées :

- Les fruits naturels : ceux que la chose produit spontanément sans le travail de l’homme,

comme les fruits des arbres, le fourrage des prairies naturelles.

- Les fruits industriels : ceux qui sont produits à l’aide du travail de l’homme (récolte des

champs, prairies artificielles, jardins, vignes, la pêche d’un étang). Le propriétaire

acquiert ces fruits même s’ils ne sont pas nés de son propre travail (même s’il faut

cultiver sa terre par d’autres individus à son service : article 548 du Code civil).

- Les fruits civils : revenus périodiques dus par des tiers auxquels le propriétaire a concédé

la jouissance de la chose, tels que les loyers des biens loués, les intérêts ou les

arrérages des sommes prêtées.

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Par opposition aux fruits, on appelle produits tout ce qui provient de la chose, mais sans

périodicité ou en épuisant la substance, comme coupes du bois dans les futaies non

aménagées, les matériaux extraits des carrières non exploitées.

La volonté individuelle peut changer la nature des richesses issues de la chose : cela dépend

de l’aménagement qui est donné à l’exploitation de chose. Ainsi, les arbres abattus dans une

forêt sont des produits. Il en est autrement si la forêt est aménagée et mise en coupes réglées ;

les matériaux extraits de carrières non exploitées sont des produits, alors qu’il sont considérés

comme des fruits si les carrières sont régulièrement exploitées, la périodicité étant le signe

distinctif des fruits.

C Le droit de disposer de la chose : l’abusus

Composante essentielle du droit de propriété, le droit de disposer de la chose est garanti par

la Constitution.

2 modes de disposition :

- Disposition physique Le propriétaire a, tout d’abord, la disposition physique de la chose. Il peut faire tous les actes

matériels qui correspondent à son droit d’usage (travaux, abattre les arbres, raser les

constructions qui existent). Le propriétaire peut en outre transformer la substance de la

chose et même la détruire (ex. tuer un animal ou épuiser une carrière). Cette faculté de

disposer matériellement de la chose distingue le droit de propriété de tous les autres droits

réels : ces deniers, en effet, autorisent leurs titulaire à jouir de la chose d’autrui d’une

manière plus ou moins complète, mais toujours à charge d’en conserver la substance (article

578 du Code civil au sujet de l’usufruit). des nécessités d’intérêt public peuvent cependant

fonder des restrictions plus ou moins fortes au droit, reconnu au propriétaire, de détruire la

chose qui leur appartient. Ainsi, « les monuments naturels ou les sites classés ne peuvent ni

être détruits, ni être modifiés dans leur état » loi du 2 mai 1930, art. 12.

- Disposition juridique 1. Disposition à cause de mort : souvent le propriétaire décide du sort de son bien pour le

temps qui suivra son décès par voie de disposition à cause de mort. L’article 895 dispose

que « le testament est un acte par lequel le testateur dispose pour le temps où il

n’existera plus, de tout ou partie de ses biens et qu’il peut révoquer ».

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2. Abandon de la propriété : le propriétaire peut aussi de son vivant disposer de son droit en

l’abandonnant par déguerpissement. Il se peut que des considérations d’intérêt général

empêchent d’abandonner n’importe où et n’importe commente. Traditionnellement, on

considère que la chose abandonnée ne passe pas, du moins directement, entre les

mains d’un tiers devenant propriétaire par voie dérivée, mais qu’elle devient alors une res

nullius. Si l’esprit d’abandon a été absolu de la part de l’ancien propriétaire ; celui-ci

comme toute autre personne conserve le droit de la reprendre tant que personne ne se

l’est appropriée.

3. Transmissions entre vifs de la propriété : le propriétaire peut transférer à autrui, en partie

ou en totalité, le droit de jouissance et de consommation qui lui appartient sur la chose.

S’il concède seulement un droit de jouissance sur sa chose, il démembre sa propriété, il

crée sur la chose un droit réel d’usufruit, d’emphytéose ou de servitude. Si au contraire, il

transmet la totalité de son droit, il aliène la chose, il fait alors un acte translatif de

propriété.

Ces différents actes juridiques sont accomplis, non sur la chose, elle même, mais sur le

droit du propriétaire. En lui-même, en effet, le droit de propriété n’autorise que les actes

matériels, de jouissance ou de consommation, qui seuls, forment l’objet du droit.

Sous-section II L’acquisition et la conservation de la propriété

Le livre III du Code civil est intitulé « les différentes manières dont on acquiert la propriété ».

La possession peut mener à la propriété (§1), mais il existe également d’autres modes

d’acquisition de la propriété (§2).

§1 Propriété et possession

L’acquisition directe de la propriété d’un bien, sans le tenir d’un précédent propriétaire, n’est

pas une hypothèse d’école. En matière immobilière, cette acquisition d’une propriété

originaire, que l’on ne tient de personne apparaît dans deux cas : l’accession et l’usucapion

(prescription acquisitive). Avant de les étudier, il convient de s’intéresser à la notion de

possession (A) et à ses effets (B).

A La notion de possession

La possession implique la détention de la chose : l’exercice d’un pouvoir matériel sur celle-ci

(garde, usage…etc.) et la possibilité d’en tirer l’utilité économique en accomplissant des

actes de jouissance (habitation de l’immeuble, exploitation de la ferme, utilisation du

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véhicule…etc.). Mais elle est plus que la simple détention matérielle, elle nécessite une attitude psychologique du détenteur : la volonté de se comporter comme s’il était propriétaire de la chose. Ce n’est pas le cas du simple détenteur (locataire,

emprunteur…etc.)

B Les effets propres de la possession

Le droit fait produire d’importantes conséquences à la possession :

- D’abord la position de défendeur dans le procès.

- Puis il la protège par des actions possessoires. La complainte a pour objet de faire

cesser les troubles occasionnés, trouble de fait (ex. actes de passage, travaux sur le

fonds d’autrui…) ou de droit (ex. sommation de payer un loyer adressée au

possesseur…). La dénonciation de nouvel œuvre présente au contraire un caractère

préventif. C’est-à-dire que nous sommes dans le cas où des travaux entrepris par un

voisin, s’ils étaient poursuivis, causeraient un trouble possessoire. L’action a pour objet

d’en obtenir la suspension, en raison de l’existence d’un trouble éventuel. Si les travaux

sont déjà réalisés, ou ont déjà causé un trouble, seule la complainte peut être exercée.

S’il accueille l’action, le tribunal ordonne le rétablissement de la situation antérieur au

trouble, au besoin sous astreinte. La réintégration (nouveau nom de la réintégrande) est

l’action possessoire qui sanctionne les dépossessions les plus graves, celles qui

résultent d’une voie de fait (le possesseur se trouve privé de la chose par l’acte brutal

d’un tiers).

- Si la possessions se prolonge suffisamment, le possesseur devient propriétaire, même

s’il ne l’était pas lors de son entrée en possession (prescription acquisitive ou usucapion).

- Le possesseur de bonne foi conserve les fruits qu’il a perçus, lorsqu’il doit restituer la

chose.

- Dans le domaine mobilier, la possession est un mode de preuve et d’acquisition de la

propriété.

C L’acquisition de la propriété immobilière par la possession

L’usucapion ou prescription acquisitive est un mode d’acquisition de la propriété (article 712

du Code civil), par l’effet d’une possession prolongée pendant une certaine durée. C’est une

institution d’ordre social : elle interdit la prolongation indéfinie d’un divorce entre la

possession et le droit de propriété, en faisant coïncider, après un certain temps, le droit

et le fait.

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Dans la plupart des cas, le possesseur est propriétaire : l’usucapion consolide son droit et le

met à l’abri d’une revendication intempestive, en lui permettant d’apporter une preuve

décisive que les titres ne parviendraient pas, eux-mêmes à établir.

Lorsque le possesseur est un spoliateur, l’usucapion crée une injustice ; mais le vrai

propriétaire peut se voir reprocher sa négligence : l’usucapion ne s’accomplit pas

clandestinement. Il pouvait revendiquer à temps.

L’usucapion de droit commun, comme la prescription extinctive, nécessite l’écoulement d’un

délai de 30 ans. Il en existe une autre, fondée sur des considérations de sécurité juridique,

qui s’accomplit sur une durée de 10 à 20 ans (usucapion abrégé).

Tout usucapion doit réunir deux éléments :

- La possession pour permettre l’usucapion implique une maîtrise de la chose exempte de

vices, paisible et publique.

- Le point de départ du délai de l’usucapion est celui de l’entrée en possession du

possesseur ou de son auteur (dans ce cas, on par de « jonction de possessions », art.

2235, l’acquéreur, le donataire, l’héritier pourront ajouter à leur temps de possession

celui pendant lequel avaient possédé le vendeur, le donateur ou le défunt. Il peut y avoir

une interruption (la possession disparaît ou repart de zéro) ou une suspension (certaines

circonstances arrêtent provisoirement le cours de la prescription sans en abolir les

effets).

La prescription ordinaire s’accomplit par 30 ans. Il suffit que, pendant cette durée, la

possession ait été utile pour que le possesseur devienne propriétaire. Peu importe que le

possesseur n’ait aucun titre et même qu’il soit de mauvaise foi. Le seul écoulement du temps

interdit de remettre en cause une situation qui, juridiquement, pourrait être contestable :

mieux vaut l’ordre que la justice, ou plutôt que le respect du droit de propriété.

Lorsque le possesseur est entré en possession en vertu d’un titre juridique (non acquisitif

par hypothèse) et qu’il est de bonne foi, l’usucapion est abrégé (10 ans). Toutefois, si le propriétaire évincé n’est pas domicilié dans le ressort de la cour d’appel où est situé l’immeuble possédé, le délai est doublé (20 ans) car le propriétaire

a pu ignorer la possession d’un immeuble qui n’était pas sous son regard. Si le propriétaire

change de domicile pendant la prescription, il faut combiner les délais (article 2266), c’est

pourquoi on parle de prescription de 10 à 20 ans.

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Le juste titre de l’article 2265 du Code civil doit être translatif et en doit pas être affecté de

certains vices. Le possesseur de bonne foi remplace le défaut de propriété de l’auteur du

possesseur. Il doit s’agir d’un titre (negocium) susceptible en lui-même de transférer la

propriété (vente, donation, legs à titre particulier, échange, apport en société…etc.).

L’aliénateur n’était pas le véritable propriétaire.

Le titre putatif (imaginaire) fait jouer la prescription trentenaire et la prescription abrégée.

La bonne foi est la seconde exigence exigée par l’article 2265 du Code civil.

D L’acquisition de la propriété mobilière par la possession

Les meubles corporel se déplacent de main en main. Il sont souvent fongibles, donc difficile

à identifier. Le commerce des meubles se passe généralement d’écrit. La propriété des

meubles corporels est liée à la possession, selon une disposition célèbre du Code civil « en

fait de meubles, possession vaut titre » (article 2279 du Code civil).

Cet article signifie que la possession est non seulement une présomption de propriété, mais

surtout un mode d’acquisition instantanée d’un meuble appartenant à autrui. §2 Les autres modes d’acquisition de la propriété

L’acquisition de la propriété peut également se faire par accession (A) ou par convention (B).

A L’acquisition par l’accession

Aux termes de l’article 546 du Code civil, « la propriété d’une chose, soit mobilière, soit

immobilière, donne droit à tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement, soit

naturellement, soit artificiellement. Ce droit s’appelle droit d’accession ». Application de

Accessorim sequitur principale (l’accessoire suit le principal).

D’après l’article 546 précité, les accessoires peuvent avoir deux sources : la production et

l’incorporation. Les accessoires produits par la chose constituent les fruits.

Il faut réserver le terme d’accession lorsqu’une chose indépendante vient s’unir à celle du

propriétaire pour former avec elle un unique objet de propriété, c’est à ce titre qu’elle est un

mode d’acquisition de la propriété. L’accession peut être mobilière ou immobilière.

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L’accession mobilière est l’adjonction d’un meuble à un autre (ex. une carrosserie ajoutée

à un châssis). La règle est que le propriétaire du principal acquiert la propriété de

l’accessoire contre indemnité à celui qui se trouve évincé. Mais, en matière mobilière, il est

souvent difficile de distinguer entre le principal et l’accessoire et le Code civil renvoie à

l’équité (article 567).

L’accession immobilière peut être naturelle ou artificielle. Elle est naturelle lorsque

l’accroissement résulte d’un phénomène de la nature, sans intervention humaine (article 556

à 564) tel que l’action des eaux (accroissement de terre provenant d’alluvions) ou le

déplacement spontané des animaux (pigeons, lapins, poissons…etc.).

L’accession artificielle résulte d’une activité humaine de construction ou de plantation

(articles 553 à 555 du Code civil). Lorsqu’il y a accession artificielle, le plus souvent, le

propriétaire d’un fonds plante et construit sur son fonds avec des matériaux qui lui

appartiennent : le principe de l’accession se borne à vérifier le régime des constructions ou

plantations devenues immeuble par nature.

L’article 553 du Code civil énonce une double présomption :

- Une présomption de propriété des ouvrages (plantations, replantations et constructions)

qui les attribue au propriétaire du sol.

- Une présomption de dépense : ces accessoires qui sont présumés avoir été réalisés par

le propriétaire du terrain et à ses frais.

Ces deux présomptions sont simples, c’est-à-dire qu’elles tombent devant la preuve

contraire.

Lorsque les matériaux incorporés au sol n’appartenaient pas au propriétaire de celui-ci, le

principe de l’accession réalise un véritable transfert de propriété : le propriétaire du fonds

devient propriétaire des constructions ou plantations. Cette acquisition l’oblige à indemniser

le propriétaire initial des meubles incorporés, suivant des modalités différentes selon que

celui-ci est ou n’est pas constructeur.

B Le transfert de propriété par convention Le mode habituel d’acquisition de la propriété est le transfert : le nouveau propriétaire a

acquis son droit du précédent propriétaire ; il est l’ayant cause de son auteur.

La transmission peut être forcée : légale (succession, à la suite du décès d’une personne,

nationalisation) ou judiciaire (cession judiciaire d’une entreprise en difficultés) ; elle peut

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aussi être volontaire, par un acte unilatéral (testament) ou une convention (donation, vente,

apport en société, échange).

Le transfert de la propriété rend la vente parfaite. Il intervient de droit lors de l’échange des

consentements. Il est automatique et s’opère solo consensu. Ce mode de transfert, qui ne

concerne que les corps certains, n’est pas spécifique de la vente. Le Code civil l’applique à

la donation (article 938) et en fait un principe de droit commun (article 1138 du Code civil). Il

en résulte que le droit de propriété se transmet indépendamment de la chose sur laquelle il

porte. La remise de la chose à l’acheteur, qui correspondait à la « tradition » (remise

matérielle de la chose) fait l’objet d’une obligation particulière à la charge du vendeur :

l’obligation de délivrance.

Exceptions : pour les choses de genre, le transfert est reporté à l’individualisation de la

chose, c’est-à-dire au moment où précisément, la vente devient un corps certain. De même,

la vente de chose future n’est pas immédiatement translative de propriété. Le transfert est

retardé à l’achèvement de la chose.

Sous-section III Les cas de propriété collective Il s'agit de situations où plusieurs personnes sont titulaires d'un droit de propriété sur un bien

unique. Trois situations peuvent se rencontrer:

- La copropriété

- la mitoyenneté

- L'indivision

§1 La copropriété

Il s'agit de la situation où un immeuble est divisé en plusieurs appartements de manière à ce qu'il

existe à la fois des parties privatives et des parties communes sur lesquelles chaque propriétaire a un

droit indivis.

Un droit est indivis lorsque s'exerçant sur un bien unique, il y a plusieurs titulaires sans que de cette

pluralité ne découle une division matérielle du bien.

Ex): cour, escalier, entrée...

Chaque copropriétaire a un lot composé d'un droit exclusif sur une partie privative et d'un droit indivis

(c'est à dire avec les autre) sur les parties communes. On attribue alors à chacun un certain nombre

de millième. La répartition se trouve inscrite dans le règlement de copropriété. Le nombre de millième

détenu par chaque copropriétaire constitue la clé de voûte de ses droits et obligations au sein de la

copropriété.

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L'ensemble des copropriétaires, appelé syndicat des copropriétaires désigne un syndic qui

administre l'immeuble en appliquant les décisions de l'assemblée des copropriétaires et le

règlement de propriété.

§2 La mitoyenneté

On appelle mur mitoyen un mur qui appartient de manière indivise aux deux propriétaires dont les

fonds joignent les murs de chaque côté.

Il existe une règle de présomption de mitoyenneté.

La preuve contraire peut être apportée par un titre, c'est à dire un papier signé du propriétaire voisin

qui reconnaît que le mur a été construit par l'autre propriétaire. Le titre de propriété peut également

parfois mentionner la nature du mur.

La preuve contraire peut également être faite par des marques. Ainsi quand le sommet du mur est en

pente, le propriétaire du mur est réputé être celui qui est propriétaire du terrain qui reçoit l'écoulement

des eaux. En revanche si le sommet du mur a été construit d'une telle façon que les eaux vont

s'écouler de part et d'autre, sur les deux fonds, le mur est réputé mitoyen. Tout dissymétrie de

construction doit être considérée comme une marque de mitoyenneté.

§ 3 L'indivision

Il s'agit de l'hypothèse où plusieurs sujets de droit ont sur une chose unique des droits identiques sans

division de cette chose.

Ex: l'indivision post-successorale: celle qui naît entre héritiers appelés à venir recueillir une

succession. Du jour du décès jusqu'au partage de l'hérédité les héritiers sont en indivision.

Ex: L'indivision post-communautaire: celle qui s'établit à la dissolution du régime de communauté, soit

entre les époux eux-mêmes s'ils divorcent, soit entre le conjoint survivant et les héritiers de l'époux

décédé. De la date de la dissolution au partage des biens communs, les ayants-droits sont dans

l'indivision.

Ex: L'acquisition à plusieurs personnes d'un bien.

Ces exemples témoignent que l'indivision peut avoir plusieurs sources: légales ou volontaires.

Il existe un grand principe posé à l'article 815 du Code civil en vertu duquel "nul n'est censé demeuré

dans l'indivision". En principe chaque coïndivisaire désireux de sortir de l'indivision est en droit de

provoquer et donc d'imposer le partage. Mais cette prérogative n'est pas absolue et le juge pourra

maintenir l'indivision. A cet égard, il existe deux sources de maintien dans l'indivision:

- Le maintien conventionnel: Il nécessite l'accord de tous les coïndivisaires. La convention de

maintien doit être établie par écrit à peine de nullité. La durée peut être soit déterminée (5 ans au plus),

soit indéterminée.

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- Le maintien judiciaire: Même à défaut d'accord entre les intéressés, le partage peut être retardé à la

demande de l'un ou plusieurs d'entre par décision de justice (T.G.I.). Le maintien judiciaire de

l'indivision peut revêtir deux modalités. Le sursis au partage par lequel le tribunal peut surseoir au

partage pour deux années au plus si la réalisation immédiate de celui-ci risque de porter atteinte à la

valeur des biens indivis. Il s'agit d'une mesure de conjoncture destinée à attendre une situation plus

favorable pour la vente des biens. La deuxième modalité de maintien judiciaire consiste dans

l'aportionnement d'un indivisaire. Lorsqu'un seul indivisaire demande le partage et que les autres

entendent demeurer dans l'indivision, les autres peuvent, à la demande de l'un ou de plusieurs de ces

derniers et en fonction des intérêts en présence attribuer sa part, soit en nature, soit en argent, à celui

qui désire sortir de l'indivision.

Chapitre III La preuve des faits et actes juridiques

Les preuves sont des procédés à l’aide desquels on peut établir l’existence d’un droit ou d’une

prétention.

Apporter une telle preuve est primordial : N’avoir pas de droit ou ne pas pouvoir le prouver sont choses

équivalentes.

Le droit de la preuve est en plein bouleversement, principalement du fait des progrès

scientifiques : de nouvelles techniques vont sans doute modifier les différents modes de preuve

reconnus et leur admissibilité. À signaler à cet égard une loi du 13 mars 2000, complétée par un décret

du 30 mars 2001, relative à la preuve électronique.

Section 1 L’admissibilité de la preuve

Deux systèmes peuvent se concevoir : soit celui de la preuve libre (tout mode de preuve licite

est admis et le juge est libre dans son appréciation afin de former son intime conviction) ; soit celui de

la preuve légale (les modes de preuve licites sont déterminés par la loi est le juge est lié par certains

d’entre eux).

Concernant le monde des affaires, le système est mixte selon l’objet de la preuve :

• faits juridiques et quasi-contrats (article 1348 du Code civil) : preuve libre ;

• actes juridique (article 1341 de ce même code) : en principe preuve légale, plus précisément

preuve écrite ; mais il existe nombre d’exceptions. C’est surtout cette dernière hypothèse qui

vous intéressera en pratique, aussi est-ce celle que nous allons envisager à présent.

Au préalable, je tiens à vous signaler que, sauf exceptions, les règles de preuve ne sont pas d’ordre

public. En conséquence, les conventions relatives à la preuve sont en principe valides (exemple :

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les contrats de carte bancaire que nous avons tous signés et qui autorisent la signature sous forme

d’un code matérialisé par la frappe d’une suite de numéros, en lieu et place d’une signature

manuscrite).

§1 Le principe de la preuve écrite

Ce principe est le pendant du consensualisme, selon lequel un écrit n’est pas exigé pour la validité

d’un acte juridique.

Si un écrit n’est pas exigé au stade de la création du droit, la sécurité des transactions impose

l’exigence de l’écrit pour apporter la preuve de l’acte juridique.

La preuve par écrit s’impose exclusivement entre les parties et pas pour les tiers (par hypothèse on

ne saurait reprocher à ces derniers de pas s’être ménager une preuve écrite d’un acte juridique auquel

ils n’ont pas participé).

D’une part, l’écrit fait la preuve de l’EXISTENCE de l’acte juridique.

Aussi l’article 1341 s’applique-t-il à tous les actes juridiques ayant pour résultat immédiat, soit de

créer ou de transférer, soit de confirmer ou de reconnaître, soit de modifier ou d’éteindre des obligations ou des droits (par exemple, la preuve du paiement du prix dans un contrat de vente).

En revanche, il ne s’impose pas pour la preuve de simples faits qui n’impliquent eux-mêmes ni obligations ni libération (par exemple la preuve d’une erreur matérielle dans un acte ou encore la

preuve d’une intention libérale justifiant la modicité d’un prix de vente).

D’autre part, l’écrit fait la preuve du CONTENU de cet acte.

En conséquence de quoi, il n’est en principe plus possible de contester les stipulations d’un acte prouvé par écrit ni prétendre qu’elles sont incomplètes.

Exceptions :

1° production d’un autre écrit ; 2° constatation par le juge d’une circonstance constitutive d’une fraude (dans cette dernière

hypothèse, la preuve contraire pourra être rapportée par témoignages et présomptions : art. 1353).

§2 Les exceptions à l’exigence de la preuve écrite

Ces exceptions sont nombreuses et souvent d’une importance pratique capitale (je vous les indiquerai

par ordre décroissant d’intérêt pratique).

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Avant d’aborder chacune des exceptions, il convient de retenir que dans de telles hypothèses, la

preuve de l’acte juridique peut alors être rapportée par tout moyen, c’est-à-dire par témoignages

(art. 1341) ou par présomptions (art. 1353).

• L’acte juridique constatant un engagement d’un montant inférieur à 800 €. (art. 1341 al 1) :

l’écrit redevient nécessaire si l’action contient une demande d’intérêts qui réunis au capital

excèderaient ce chiffre (art. 1342) ;

• La preuve entre commerçants (art. 1341 al. 2 et L 110-3 cod. com.) : en ce qui concerne les

actes mixtes (passés entre un commerçant et un particulier), soit la preuve est libre (preuve par

le particulier contre le commerçant), soit elle est légale (preuve par le commerçant contre le

particulier) ;

• Les conventions sur la preuve admises par la jurisprudence et déjà mentionnées : elles sont

admises sauf exceptions d’ordre public (par exemple les mentions obligatoires exigées par l’art.

1326) : elles se sont beaucoup développées avant que la réforme du 13 mars 2000 n’admette

l’écrit sous forme électronique et ne devraient pas disparaître pour autant.

• L’existence d’un commencement de preuve par écrit (art. 1347) : est visé ici « tout acte par

écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente,

et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

En principe il est donc constitué d’un écrit (par exemple un acte sous seing privé auquel il manque une

condition de validité, ou encore une copie, un courrier, un acte comportant une signature raturée).

Mais, la loi autorise également le juge à admettre comme tel des déclarations faites par une partie

lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution (art.

1347, al 2). Par ailleurs, il arrive que le juge admette également de simples déclarations verbales.

• L’impossibilité de produire un écrit (art. 1348) :

- l’écrit peut avoir été détruit « par suite d’un cas fortuit ou d’une force majeure » (il ne faut pas que la

perte soit imputable à un fait personnel de négligence ou d’imprudence du demandeur à la preuve) ;

- la personne n’avait peut-être pas la « possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve

littérale ».

L’impossibilité matérielle vise les circonstances particulières de la naissance de l’acte qui auraient

empêché la rédaction d’un écrit (exemple du contrat signé sur un champ de bataille).

L’impossibilité morale vise les relations particulières d’affection (entre concubins ou fiancés, etc. ; à

noter absence de jurisprudence concernant les rapports de type amical ou ceux entre « pacsés »), de

famille (entre époux, frère et sœur, parents-enfants, etc.) ou encore de travail, qui font qu’une partie ne

peut exiger de l’autre la rédaction d’un écrit ;

• L’existence d’un commencement de preuve par écrit (art. 1347) : est visé ici « tout acte par

écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente,

et qui rend vraisemblable le fait allégué ».

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En principe il est donc constitué d’un écrit (par exemple un acte sous seing privé auquel il manque une

condition de validité, ou encore une copie, un courrier, un acte comportant une signature raturée).

Mais, la loi autorise également le juge à admettre comme tel des déclarations faites par une partie

lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution (art.

1347, al 2). Par ailleurs, il arrive que le juge admette également de simples déclarations verbales.

• L’aveu et le serment (voir infra) : même lorsque la preuve par écrit est exigée il est toujours

possible d’y suppléer par ces 2 modes de preuve solennels (par hypothèse ici il ne saurait y

avoir ni témoignages, ni présomptions) .

Section 2 La charge de la preuve Dans un système dit accusatoire, l’initiative de l’instance revient aux parties et c’est sur elles que

repose la charge la preuve.

En revanche, dans un système dit inquisitoire, l’initiative de l’instance revient au juge et c’est alors

sur lui que repose la charge de la preuve.

En droit français, le droit pénal et le droit administratif relève du système inquisitoire.

Concernant le droit civil, une évolution est apparue. À l’origine purement accusatoire (art. 9 NCPC), le

système s’est donc transformé, le NCPC (années 70) reconnaissant deux attributions importantes au

juge :

• Art. 10 : pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles ;

• Art. 11 : obligation faite aux parties d’apporter leur concours aux mesures d’instruction, sauf au

juge à en tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus. Si une partie détient une

preuve, le juge peut lui enjoindre de la produire (éventuellement sous astreinte) à la requête de

l’autre partie.

En théorie, les parties n’ont pas à prouver le droit (art. 12 al. 2 NCPC), c’est au juge de qualifier

juridiquement les faits présentés par les parties.

Il leur revient de prouver les faits pertinents au succès de leur prétention. La répartition de la preuve

des faits entre les parties obéit à un principe qui connaît évidemment des exceptions.

§ 1 Le principe : l’article 1315 du code civil

Art. 1315 du Code civil :

• al 1er : « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » ;

• al 2 : « réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit (en) justifier… ».

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Apparaît ainsi la partie de tennis à laquelle se livrent le plus souvent les plaideurs en se

renvoyant la charge de la preuve.

Dans la pratique, cet ordre chronologique n’est pas respecté et chacun apporte d’emblée en

quelque sorte tous les moyens de preuve dont il dispose.

En conséquence, l’art. 1315 sert en réalité à déterminer celui qui supportera le risque de la preuve,

c’est-à-dire celui qui perdra le procès si un doute subsiste : un tel doute sera retenu au détriment de

celui qui avait la charge de cette preuve.

Exemple : un chirurgien diagnostique une tumeur osseuse d’un fémur et ampute la jambe du malade.

Un examen postérieur montre qu’une réduction aurait suffit. Une cour d’appel condamne le chirurgien

qui n’aurait pas obtenu le consentement de son malade.

La Cour de cassation casse cet arrêt (Civ. 29 mai 1951) au motif que le risque de la preuve incombait

au contraire au malade, qui aurait dû établir qu’il n’avait pas donné son consentement. L’existence du

contrat médical étant prouvé, il paraît normal de considérer que l’acte médical était conforme à ce

contrat, sauf preuve contraire du malade.

Enfin, il fait savoir que les parties ne peuvent se prévaloir d’un moyen de preuve qu’elles auraient elles-mêmes constitué (« Nul ne peut se constituer une preuve à lui-même ») : par exemple, un

débiteur ne peut prouver un paiement par une inscription figurant sur ses propres livres de comptes

(3ème Civ. 18 nov. 1997).

§ 2 Les exceptions : les présomptions légales

Art. 1349 du Code civil : « les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d’un

fait connu à un fait inconnu ».

Les présomptions légales opèrent un renversement de la charge de la preuve.

Exemple 1 : la bonne foi est présumée (art. 2268 cod. civ.) ;

Exemple 2 : l’enfant né d’une femme mariée est présumé être l’enfant du mari de la mère.

Justification de ces présomptions : elles sont généralement fondées sur la probabilité (comme pour

l’enfant né dans le mariage !) ; souvent la preuve est très difficile à rapporter (preuve d’un fait

négatif : prouver que l’enfant n’est pas celui du mari, en 1804 avant les tests génétiques, n’était pas

chose aisée !).

Il existe 3 types de présomptions légales :

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• Présomptions simples : elles peuvent être combattues par la preuve contraire ;

• Présomptions mixtes : elles ne peuvent être combattues que par des moyens limitativement

prévus par la loi (art. 1402 du Code civil. concernant le régime matrimonial légal : tout bien est

réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par écrit) ;

• Présomptions irréfragables : elles ne peuvent être renversées par aucun moyen de preuves à

l’exception l’aveu ou le serment (exemple : libéralité faite au profit d’un incapable notamment

via des personnes interposées sont nulles ; les père et mère sont entre autres réputées des

personnes interposées Cass. civ. 22 janv. 1884).

Section 3 Les différents modes de preuve On distingue principalement entre la preuve par écrit, dite pré-constituée car elle est

« constituée » avant tout litige et les autres moyens de preuve.

§ 1 La preuve par écrit

Ce mode de preuve a été actualisé par la loi précitée du 13 mars 2000 aux fins de tenir compte de

l’écrit sous forme électronique.

- L’art. 1316 définit la preuve par écrit comme une suite de lettres (peu importe l’alphabet choisi), de

chiffes, de caractères ou autres symboles (images, logos, empreintes etc.), suite qui doit être

compréhensible, déchiffrable par autrui. Si cette suite était établie par le hasard elle ne constituerait pas un écrit valant preuve.

- L’art. 1316-4 al 1er définit pour sa part le rôle de la signature comme nécessaire à la perfection d’un

acte juridique. Elle identifie celui qui l’appose et manifeste le consentement des parties aux

obligations découlant de l’acte écrit.

Pendant des siècles, l’écrit retenu était principalement le support papier, mais le législateur a

souhaité expressément tenir compte de l’évolution des techniques et y ajoutant en 2000 l’écrit sous

forme électronique (art. 1316 modifié).

On relèvera d’ores et déjà que les 2 écrits (sur support papier ou sous forme électronique) ont

logiquement la même force probante (art. 1316-3), ce qui pourra soulever des difficultés s’ils

contiennent des éléments de preuve différents. Il reviendra alors au juge de déterminer par tous

moyens lequel de ces 2 écrits est le titre le plus vraisemblable (art. 1316-2).

A L’écrit sur support papier

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1°L’acte authentique

Art. 1317 du Code civil vise l’acte qui est dressé par les officiers publics. Plus précisément, c’est la

signature apposée par une telle personne qui confère l’authenticité à l’acte (art. 1316-4 al 1).

Exemples : actes notariés (ventes d’immeubles, successions etc.), actes établis par les officiers d’état

civil ou dans certains cas par les huissiers.

2 conditions sont exigées :

♦ Intervention d’un officier public matériellement et territorialement compétent (chaque officier

public exerce ses activités dans un ressort géographique déterminé) ;

♦ Respect de certaines formalités variant selon les actes.

Si ces conditions ne sont pas remplies l’acte pourrait valoir comme acte sous seing privé.

En ce qui concerne leur force probatoire, en principe ces actes font « pleine foi » de la convention

qu’ils renferment entre les parties et leurs héritiers ou ayants cause (art. 1319). En réalité, il faut

distinguer entre :

• les mentions correspondant aux constatations personnelles de l’officier public (présence des

parties, date, heure et lieu etc.) font foi jusqu’à procédure en inscription de faux.

Cette procédure est longue est complexe et risquée (en cas d’échec, le demandeur encourt une

amende civile de 15 à 1.500 €, sans préjudice des DI éventuels) ;

• les mentions relatives à des faits que l’officier public ne peut pas personnellement constater ou

aux déclarations des parties ne font foi que jusqu’à la preuve contraire par écrit.

Enfin, on relèvera que les erreurs matérielles grossières font perdre cette force probante à l’acte

authentique (par exemple, une erreur conséquente sur la surface d’un bien indiquée dans l’acte :

surface indiquée 98 m2 quand la surface réelle n’est que de 49 m2). La preuve d’une telle erreur peut

être rapportée par tous moyens.

2° L’acte sous seing privé

Un tel acte est soumis à une seule condition de forme : la signature de la partie qui s’oblige.

Le code civil de 1804 ne donnant pas de définition de la signature, les tribunaux ont dû cerner cette

notion avec une certaine rigueur (refus d’une croix, d’empreintes digitales, etc.)

Tel ne devrait plus être le cas avec l’apport de la loi de 2000 et le nouvel article 1316-4, encore qu’il ne

donne pas réellement de définition.

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Sinon la signature peut être donnée à l’avance ; c’est la technique du blanc seing ; très

dangereuse virtuellement pour celui qui accepte de s’engager ainsi.

Enfin, je vous rappelle que la mention encore trop souvent exigée du « lu et approuvé » est dénuée de

toute portée depuis belle lurette (Civ. 1ère 27 janv. 1993).

Certains actes sont par ailleurs soumis à des CONDITIONS PARTICULIÈRES :

• les actes constatant une convention synallagmatique (dans laquelle chacune des parties est

tenue à quelque chose ; ex. la vente : livraison de la chose contre le paiement du prix ; art.

1325) : doivent être établis en autant d’exemplaires qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct. En outre chaque originale doit mentionner le nombre d’originaux (art. 1325).

Il s’agit d’éviter que, si l’acte était dressé en un seul exemplaire, il ne soit caché par l’une des parties

pour empêcher l’autre de prouver sa créance.

À défaut, l’acte est nul en tant que preuve par écrit, mais peut valoir commencement de preuve par

écrit ;

• les actes constatant un engagement unilatéral de payer une somme d’argent ou de livrer une

chose fongible (art. 1326) : doivent contenir, outre la signature de celui qui s’engage, « la

mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en

chiffres ». En cas de différence entre la somme écrite en chiffres et celle écrite en lettres, cette

dernière l’emporte (elle est plus difficile à modifier).

Il s’agit de protéger celui qui s’engage en attirant son attention par l’existence de cette mention

manuscrite.

À défaut, l’acte est nul en tant que preuve par écrit, mais peut valoir commencement de preuve par

écrit. À noter cependant que la seule mention en lettres suffit pour que l’acte vaille preuve par écrit

(peu importe l’absence de chiffres) (1ère Civ. 19 déc. 1995).

En ce qui concerne leur FORCE PROBANTE :

• Entre les parties : l’acte sous seing privé a la même foi que l’acte authentique (art. 1322) ; il

s’impose donc au juge en l’absence de contestation.

- si la contestation porte sur l’origine de l’acte (la partie à qui on l’oppose dénie son écriture ou sa

signature) : le juge peut être saisi par la partie qui se prévaut de la sincérité de l’acte (art. 1324). Soit il

estime qu’il a les éléments suffisants pour trancher directement cette question, soit il peut recourir à

une procédure spéciale de vérification d’écriture (art. 287 s. NCPC).

Un tel acte ainsi vérifié acquiert alors la même foi qu’un acte authentique.

- si la contestation porte sur le contenu de l’acte : la preuve contraire peut être rapportée par écrit.

• À l’égard des tiers : en vertu de l’effet relatif des conventions, ceux-ci ne sont pas engagés mais

ils peuvent en revanche se voir opposer cet acte. Cela dit ils ne sont pas sans protection,

puisqu’ils peuvent en apporter la preuve contraire par tout moyen.

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

Les concernant, le problème qui se pose souvent est celui de la date à partir de laquelle l’acte leur est

opposable (risque que l’acte soit ensuite antidaté pour frauder leurs droits). Aussi, la loi impose-t-elle la

date certaine (art. 1328 qui prévoit exclusivement à cette fin : l’enregistrement de l’acte auprès de

l’Administration, la date du décès de l’un des signataires ou la date de reprise dans un acte

authentique).

3° Les autres écrits

Sont visés :

• le courrier, sous le terme de missives : il vaut acte sous seing privé s’il est détenu régulièrement

par celui qui les invoque et qu’il ne heurte pas le principe de confidentialité de la

correspondance (distinction à faire ici entre les lettres d’affaires et les autres) ; et sous les

conditions vues supra.

Un télex ne saurait valoir être missives ni donc acte sous seing privé faute d’être régulièrement signé

par son auteur (il peut valoir commencement de preuve par écrit) ;

• les livres de commerce : entre commerçants ils peuvent valoir acte sous seing privé (art. L 123-

23 cod. com ; exception est faite concernant une comptabilité irrégulièrement tenue) ; dans un

litige entre un commerçant et un particuliers ces livres ne peuvent être invoqués par le

commerçant à son bénéfice mais ils peuvent lui être opposés de manière indivisible (art. 1329

et 1330) ;

• les registres et papiers domestiques : sauf exceptions (notamment lorsqu’ils énoncent un

paiement reçu) ils ne valent pas titres (art. 1331) et ne sont utilisables par le juge que comme

présomption complétant un autre élément de preuve.

A signaler que les juges sont extrêmes réticents à admettre les journaux intimes (atteinte à l’intimité

de la vie privée comme pour certaines missives) ;

• les mentions libératoires portées sur un titre de créance (ex. : le créancier qui inscrit le fait

que son débiteur l’a payé) : elles peuvent faire foi lorsqu’elles tendent à établir la libération du

débiteur (art. 1332).

Les copies méritent un paragraphe particulier.

Au préalable, il convient de les distinguer de l’acte recognitif (qui reprend un acte ancien mais qui est

donc un acte nouveau) dont le rôle probatoire est faible.

La copie a pris récemment une importance capitale avec le développement des moyens techniques de

reproduction (photocopie, mais aussi microfilms, télex, fax, email imprimé etc.).

- si l’ORIGINAL SUBSISTE : la copie n’a pas de valeur probante autonome, c’est-à-dire qu’elle ne

présentent une utilité que si l’existence de l’original et la conformité de la copie à cet original ont été

reconnus, même implicitement ;

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Isabelle BEYNEIX – Cours de droit civil 1ère année Institut Supérieur du Commerce

- si l’ORIGINAL NE SUBSISTE PAS : la copie peut valoir commencement de preuve par écrit (mais

jamais acte sous seing privé) si elle en est la « reproduction non seulement fidèle mais aussi

durable », sachant qu’est « réputée durable toute reproduction indélébile de l’original qui entraîne une

modification irréversible du support « (art. 1348 al 2). Il en a été jugé ainsi de microfilms (tous les

chèques sont microfilmés avant d’être détruits et c’est pour soulager les banques que le législateur a

introduit cette exception).

Parfois également la jurisprudence a reconnu une telle valeur à la copie au carbone et la

photocopie, voire à la télécopie et surtout elle a été jusqu’à affirmer que ces copies vaudraient quoi

qu’il en soit commencement de preuve par écrit même si elles s’avéraient pas fidèles et durables).

Cette dernière jurisprudence annonçait la réforme du 13 mars 2000 consacrant l’écrit sous forme

électronique.

B L’écrit sous forme électronique

Pour que l’écrit électronique soit reconnu comme mode de preuve au même titre que l’écrit sur

support papier, 2 conditions doivent être satisfaites :

• la personne dont il émane doit être dûment identifiée ;

• l’écrit électronique doit être établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité.

Concernant la signature électronique, elle doit consister « en l’usage d’un procédé fiable

d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité (…) est présumée,

jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et

l’intégrité de l’acte garanti dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » (cf décret 30 mars

2001, art. 1 et 2).

Plus précisément la signature sécurisée impose qu’elle soit propre au signataire, créée par des

moyens que le signataire garde sous son contrôle exclusif, et garantisse avec l’acte auquel elle

s’attache un bien tel que toute modification ultérieure de l’acte soit détectable.

Devrait être admise à terme la signature par frappe d’un code d’accès (dont le principe même

est aujourd’hui encore discuté, sauf convention particulière sur la preuve du type de celles relatives

aux cartes bancaires, auquel cas son admission ne soulève pas de difficulté particulière).

§ 2 Les autres modes de preuve

Pour des étudiants d’écoles de commerce, principalement concernés à ce titre par les contrats

dits « d’affaires », ces autres modes de preuve ne peuvent présenter qu’un caractère résiduel,

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puisque, je vous le rappelle, le code civil affirme le principe de la preuve par écrit des actes

juridiques (plus acceptation des conventions sur la preuve).

Certains ne présentent plus guère qu’un caractère anecdotique aussi vais-je me contenter de

vous les mentionner : le serment (affirmation solennelle par une partie d’un fait qui lui est favorable ;

toujours faite devant un juge : art. 1357) et l’aveu (reconnaissance par une personne de l’exactitude

d’un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques ; on distingue entre l’aveu extra-

judiciaire qui intervient en dehors de tout litige et l’aveu judiciaire qui intervient pendant une instance

devant un juge : art. 1355 et 1356).

En revanche présentent plus d’intérêt les témoignages et les présomptions de fait.

Le témoignage peut être défini comme la déclaration d’un tiers au litige relative à des faits dont il

a eu personnellement connaissance (art. 199 NCPC). Un tel témoignage peut valoir preuve, soit

lorsque tous les moyens de preuve sont admis, soit pour corroborer un commencement de preuve par

écrit (un seul témoignage peut suffire ; nul texte n’impose un chiffre supérieur). Le témoignage est

recueilli oralement lors d’une enquête ou par écrit dans une attestation (le témoin doit avoir la capacité

de témoigner : art. 205 NCPC).

Ce n’est qu’exceptionnellement en au contraire que le droit reconnaît une valeur probatoire à une

connaissance collective et indirecte d’un fait, que ce soit à travers la notoriété (concubinage notoire) ou

la commune renommée, voire la rumeur).

Les présomptions de fait correspondent aux conséquences que le magistrat tire d’un fait connu

à un fait inconnu (art. 1349). Par exemple, de la présence d’un époux au domicile d’une tierce

personne régulièrement constatée par huissier (fait connu) le juge peut déduire l’adultère (fait inconnu

dont l’autre époux veut s’assurer).

Le juge ne doit retenir que les présomptions graves, précises et concordantes (art. 1353), même si les

tribunaux (3ème Civ. 28 nov. 1972) reconnaissent la possibilité pour le juge de former sa conviction sur

un unique fait.

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Partie IV La responsabilité délictuelle

La responsabilité peut se définir comme l’obligation de réparer le préjudice résultant doit de

l’inexécution d’un contrat (responsabilité contractuelle) soit de la violation d’une devoir

général de ne causer aucun dommage à autrui par son fait personnel, ou du fait des choses

dont on a la garde, ou du fait des personnes dont on répond (responsabilité du fait d’autrui).

Dans ce dernier cas, il s’agit de la responsabilité délictuelle (qui naît d’un délit civil). Lorsque

la responsabilité n’est pas contractuelle, elle est dite délictuelle ou quasi-délictuelle104.

Pour que la responsabilité délictuelle soit reconnue, il faut qu’existe un dommage (chapitre I),

un fait générateur de responsabilité (une faute) (chapitre II) et ces éléments seront reliés

entre eux par un lien de causalité.

Chapitre I Le dommage

A la différence de la responsabilité pénale qui peut être engagée du seul fait de la tentative,

la responsabilité civile suppose un fait dommageable (c’est-à-dire un fait ayant porté

préjudice).

Et tous les faits dommageables ne donnent pas lieu à réparation. Ex) un acte de loyale

concurrence, si dommageable soit-il, n’appelle pas en principe la moindre réparation. Elle est

envisagée comme la conséquence d’une liberté fondamentale, celle du commerce et de

l’industrie.

Section I Les caractères du dommage

L’existence d’un préjudice, condition nécessaire, n’est pas une condition suffisante. S’il n’est

pas indispensable (comme en matière de responsabilité contractuelle) que le dommage soit

prévisible, encore faut-il qu’il soit certain (§1) et direct (§2). On peut aussi se demander s’il

doit correspondre à la violation d’un intérêt légitime (§3).

§1 Le dommage doit être certain

Sans dommage, pas de droit à réparation :

Cas du dommage actuel :

104 Quasi signifie « presque » en latin. Le quasi-délit est le fait de l’homme illicite mais commis sans intention de nuire, qui cause un dommage à autrui et oblige son auteur à le réparer (cf. article 1383).

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Si le dommage s’est déjà réalisé :

- soit parce que la victime a éprouvé une perte (damnum emergens)

- soit qu’elle a manqué un gain (lucrum cessans)

Ce manque à gagner ou cette perte est actuelle.

Cas du dommage futur :

Le préjudice futur peut lui aussi être considéré comme certain surtout si son évaluation

judiciaire est possible. Ex) un préjudice appelé à se prolonger dans le temps donne lieu à la

condamnation du responsable au versement d’une rente viagère.

Cas du dommage éventuel :

La réalisation de ce dommage n’est pas certaine et il ne peut donner lieu à réparation, tant

que l’éventualité ne s’est pas transformé en certitude.

Entre le préjudice futur (réparable) et le préjudice éventuel (non réparable), il existe : - La perte d’une chance :

Ex) Est perdue la chance qu’avait un plaideur de gagner son procès dès lors qu’un avocat a

négligé d’accomplir un acte de procédure en temps utile. Est aussi perdue la chance d’un

candidat de réussir un examen si un accident l’empêche de s’y présenter.

Il ne s’agit pas d’accorder à la victime l’avantage dont la survenance de l’accident l’a

irrémédiablement privée de la possibilité de briguer car ce serait supposer à coup sûr que le

plaideur aurait gagner son procès et le candidat réussit son examen.

Il s’agit seulement de considérer que la chance perdue valait quelque chose, ce dont la

victime a déjà été privée. Les tribunaux tiennent compte des probabilités, en fonction des

circonstances de chaque cas.

S’il est vrai que par définition, la réalisation d’une chance n’est jamais certaine, il n’en

demeure pas moins que le préjudice causé par la perte d’une chance présente un caractère

direct et certain chaque fois qu’est constaté la disparition de la probabilité d’un élément

favorable.

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§2 Le dommage doit être direct Le dommage doit être la suite directe de l’accident.

Il ne faut pas en déduire qu’à côté de la victime principale du dommage, le chargé de famille

par exemple, il ne puisse pas exister d’autres victimes plus éloignées et qui souffrent de ses

blessures ou de sa mort, matériellement ou moralement. Bien que l’on parle, en pareil cas,

de dommages par ricochet, on doit considérer que ces victimes se prévalent à titre

personnel de dommages directs.

Dire que le dommage doit être direct, c’est dire qu’il doit y avoir entre le fait dommageable et

le dommage un lien suffisant de causalité. L’exigence d’un lien de causalité rejoint celle d’un

dommage direct.

Problème : quand plusieurs choses sont à l’origine d’un dommage. Ex) cas de la

prédisposition de la victime. La jurisprudence distingue :

- Si les prédispositions de la victime ne sont pas traduites par des manifestations

extérieures attestant l’existence d’incapacités ou d’infirmités antérieures, le dommage

doit être intégralement réparé.

- Si au contraire les états pathologiques antérieurs étaient déterminés et extériorisés lors

de l’accident, il en est tenu compte de sorte que la réparation mise à la charge du

responsable ne doit porter que sur le nouveau préjudice.

- Les prédispositions sont négligées et la réparation intégrale si l’accident a transformé

radicalement la nature d’une invalidité préexistante.

§3 Le caractère légitime du dommage

Cette condition prolonge l’article 31 du Nouveau Code de Procédure Civile qui dispose que

« l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une

prétention (…) ».

Ex) lorsqu’un criminel est, du fait d’un tiers découvert par la police, il ne peut demander

réparation à ce tiers.

Mais la Cour de cassation n’est pas toujours aussi rigoureuse. Par ex) réparation du

dommage causé à un voyageur ayant monté san billet dans un train (Cass. 2e civ., 2

novembre 1994, D.1996, somm., p.28, obs. J. MOULY) ou sur un télésiège (Cass. 1ère

civ.,17 novembre 1993, Bull. civ. I, n°236).

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La Cour de cassation a précisé que l’existence de l’enfant conçu ne peut, à elle seule,

constituer pour sa mère un préjudice juridiquement réparable, même si la naissance est

survenue après une intervention pratiquée sans succès en vue de l’interruption de

grossesse (Cass. 1ère civ., 25 juin 1991, Bull. civ. I, n°213).

Section II Les sortes de dommages

§1 Le dommage corporel C’est l’atteinte portée à l’intégrité physique de la personne : les blessures et la mort.

L’atteinte à l’intégrité corporelle appelle, en tant que telle, réparation et il en va de même du

préjudice d’agrément. ce dernier consiste dans la privation totale ou partielle, provisoire ou

définitive, des « plaisirs de la vie », notamment celles que procure la pratique d’un sport.

La réparation du préjudice, y compris du préjudice d’agrément est due, même si la victime

est tombée dans un état de totale inconscience. L’indemnisation d’un dommage n’est pas

fonction de la représentation que s’en fait la victime, mais de sa constatation par les juges et

de son évaluation objective.

Il en est de même de la gêne dans la vie courante ou des troubles dans les conditions

d’existence de la victime. Le préjudice est défini largement comme la diminution du bien-être

de la victime. Relèvent aussi de la catégorie des dommages corporels indemnisés au titre du

pretium doloris105, les souffrances physiques, passées ou futures, subies par la victime. C’est

la même chose pour le préjudice esthétique.

§2 Le dommage matériel

- Destruction de biens.

- Atteinte à l’intégrité corporelle empêchant de gagner sa vie (incapacité de travail) (1°).

- Plus les autres dommages que l’accident peut causer à d’autres personnes par ricochet

(2°).

1° Les victimes immédiates

- Elles subissent une perte (damnum emergens) ou un manque à gagner (lucrum

cessans). De tels dommages appellent réparation.

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- Il en va de même en cas d’accidents corporels, de frais de transports, de frais médicaux

et pharmaceutiques.

- Si l’accident corporel entraîne une incapacité de travail, il y a lieu aussi à une

indemnisation des pertes de salaires, de traitements ou de gains qui en résultent. Ces

pertes étant évaluées aux revenus réels de la victime, ainsi qu’à ses perspectives

normales de carrière. Il peut donc en résulter l’octroi de très importantes indemnités.

2° Les victimes par ricochet

- Ex) tout en étant une victime médiate, la personne à charge n’en est pas moins une

victime directe, dès lors que la mort d’un parent la prive de subsides sur lesquels elle

pouvait suffisamment compter. La difficulté est de savoir jusqu’où il convient d’aller dans

cette voie….

- Constitue un dommage par ricochet, donnant droit à réparation, la perte des subsides

qu’un proche obtenait antérieurement de celui qui a été tué dans un accident.

- En droit positif, il n’est pas nécessaire de se prévaloir d’un lien de caractère alimentaire

ou de parenté ou d’alliance pour obtenir une telle indemnisation. Il faut que le dommage

réponde à la condition de certitude de manière suffisamment probable : le demandeur

aurait reçu des subsides de la victime immédiate, si elle avait vécu. Plus on s’éloigne du

lien de parenté ou de cohabitation, plus la certitude du dommage tend à s’estomper.

- Enfin, il faut noter que les héritiers du défunt, s’ils acceptent sa succession, peuvent être

conduits à agir à deux titres différents, à titre propre et à titre d’héritiers, lorsqu’elles

réclament réparation à la fois de leur dommage par ricochet et du dommage subi par le

défunt avant qu’il ne meurt.

-

§3 Le dommage moral

Il s’agit du dommage extra-patrimonial. Il est délicat de trouver la réparation adéquate

notamment pour la douleur morale car il peut être choquant de monnayer ses larmes devant

les tribunaux.

En décidant que le dommage moral était réparable, la jurisprudence a pu affirmer la

responsabilité de son auteur en cas d’atteinte à l’honneur, à la pudeur ou aux convictions

religieuses d’une personne. Des indemnités ont même été accordées en réparation du

préjudice d’affection subi par la mort d’un animal (Cass. 1ère civ., 16 janvier 1962 : mort d’une

jument : préjudice d’affection : 1500 F). 105 Le prix de la douleur.

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Le dommage moral par ricochet : « le préjudice d’affection ».

C’est surtout à propos de la réparation de la douleur éprouvée en raison de la mort d’un être

cher ou de ses souffrances physiques que l’on a pu se demander si la jurisprudence n’allait

pas trop loin ?

1er temps : aucun tempérament.

2e temps : Elle a voulu subordonner la réparation du préjudice d’affection à l’existence d’un

lien de parenté ou d’alliance et ne l’admettre qu’en cas de décès de la victime ou si ces

proches souffrent d’un dommage de gravité exceptionnelle (dans les années 40 ; par ex)

Cass. civ. 19 octobre 1943 : exigence d’un lien de parenté ou d’alliance donc refus aux

fiancés).

3e temps : ces restrictions ont été abandonnées.

Chapitre II Le fait générateur de responsabilité

L’article 1384 alinéa 1er du Code civil dispose : « on est responsable non seulement du

dommage que l’on cause par son propre fait (section 1), mais encore de celui qui est causé

par le fait des personnes dont on doit répondre (section 2), ou des choses que l’on a sous sa

garde (section 3) ».

Section I Le fait personnel

L’article 1382 du Code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à

autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Le fait fautif

engage la responsabilité d’une personne, même s’il est des cas où la responsabilité d’une

personne peut être engagée, même sans faute de sa part, mais sous certaines conditions.

§1 Les éléments constitutifs de la faute

Il n’y a pas de définition de la faute dans le Code civil (faut générateur). Les formules

générales des articles 1382 et 1383106 du code précité suffisent à fonder la responsabilité

des auteurs des faits visés, sans qu’il soit nécessaire que le fait reproché ai été commis en

violation d’une disposition suffisamment précise d’un texte législatif, voir réglementaire. La

faute civile se distingue donc en ce sens de la faute pénale (nullum crimen sine lege = pas

de crime sans loi).

106 Article 1383 du Code civil : « Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

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1° Eléments matériels Si la responsabilité du fait personnel suppose en principe une faute, celle-ci implique un

comportement répréhensible. Pareil comportement peut consister en :

- une abstention dans l’action : il a été jugé qu’un auteur commettait une faute en

s’abstenant systématiquement de citer BRANLY dans un ouvrage sur la TSF (Cass. civ.

27 février 1951, D.1951, p.329, note H. DESBOIS).

- Une absention pure et simple : hors les cas où elle est sanctionnée pénalement (ex.

omission de porter secours, article 223-6 du Nouveau Code pénal), il y aune faute civile.

2° Elément moral - A titre liminaire, il faut distinguer entre :

Faute civile et faute pénale. Nombre de faute civile ne constitue pas une faute pénale. De

plus, si une faute pénale constitue en principe une faute au point de vue civil, elle

n’entraîne pourtant pas nécessairement réparation, c’est-à-dire responsabilité civile. Ex)

les infractions pénales qui ne causent pas de dommage à autrui (mendicité, port d’arme

prohibée) ou qui n’ont en pas causé en fait (tentative manqué de meurtre ou de vol). La

différence résulte du fait que la responsabilité civile suppose un dommage, ce qui n’est

pas nécessairement le cas de la responsabilité pénale.

Faute civile et faute morale. : à ne pas confondre.

- La faute intentionnelle

L’auteur du dommage a agi intentionnellement. Pour reconnaître une telle faute, le juge doit

se livrer à une analyse subjective du comportement concret de l’individu, compte tenu des

ses particularités, de sa force physique, de son caractère, de sa profession. On dit alors que

la faute intentionnelle s’analyse in concreto.

- La faute d’imprudence ou de négligence : les tribunaux se réfèrent à un modèle abstrait :

« le bon père de famille », c’est-à-dire l’homme raisonnable placé dans la même

situation. Appréciation in abstracto.

§2 La disparition de la faute

1° Non-imputabilité - Responsabilité de l’infans : il était traditionnellement admis que l’infans, c’est-à-dire

l’enfant en bas âge, n’ayant pas atteint l’âge de raison, n’engage pas sa responsabilité

personnelle, lorsqu’il cause un dommage à autrui. Ensuite, opérant un net revirement, la

Cour de cassation a affirmé dans le cadre de la responsabilité du fait personnel, qu’il n’y

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avait pas lieu de vérifier si le mineur est capable de discerner les conséquences de ses

actes pour décider que, victime d’un accident, son comportement fautif justifiait la

réduction de l’indemnité due, sur le fondement de la responsabilité pour faute (Cass. Ass.

Plén., 9 mai 1984, Bull. civ. 2 et 3 : une fillette de 5 ans renversée et un enfant de 13 ans

électrocuté). Cette nouvelle solution devait aussi être admise dans le cas où le mineur

est uniquement auteur du dommage.

Extension contestable :

- La nouvelle jurisprudence peut entraîner au détriment des enfants (dommages subis par

eux) l’abandon d’une réparation intégrale.

- Et s’il s’agit de dommages causés par ces enfants, la consécration de leur responsabilité

personnelle, distincte de celle que leurs parents peuvent engager en application de

l’article 1384 alinéa 4 du Code civil aboutit à faire peser sur eux le poids de réparation

très lourde.

- Certains auteurs (MM. TERRE, LEQUETTE et SIMLER) appellent une intervention

législative qui consiste à substituer à ces nouvelles responsabilités des mécanismes

d’assurance obligatoire et non pas à les en assortir.

- A propos des accidents causés par des aliénés, la jurisprudence s’est dans le passé,

prononcée dans le sens de l’irresponsabilité. N’ayant pas conscience de leurs actes, les

déments ne pouvaient engager leur responsabilité. Cette solution a été critiquée car elle

aboutissait à priver les victimes de réparation.

- La jurisprudence a donc limité la solution à l’inconscience totale et l’a écarté, y compris

sous la forme d’une simple atténuation de responsabilité, en cas de demi-folie. Ex) en

affirmant la responsabilité du dément en présence d’un lien de causalité, lorsque la

démence avait son origine dans une faute de l’aliéné (ex. alcoolisme) ou en estimant que

la preuve de l’état de démence au moment de l’acte n’était pas rapportée.

- Même si les dommages causés par les déments pouvaient donner lieu à réparation au

titre de la responsabilité d’autres personnes ayant manqué à leur devoir de surveillance

ou en raison de la responsabilité du fait des choses éventuellement utilisées par le

dément, la jurisprudence avait néanmoins maintenu la règle de principe selon laquelle un

dément n’était pas responsable de son fait personnel.

- Lors de la réforme du droit des incapables majeurs, réalisée par la loi du 3 janvier 1968,

la solution traditionnelle a été abandonnée : l’article 489-2 du Code civil dispose en effet

117

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« celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble

mental, n’en est pas moins obligé à réparation ».

2° faits justificatifs Certaines données, sans être imprévisibles, retirent au fait son caractère fautif.

- Circonstances extérieures :

L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime = faits justificatifs en droit

pénal produisant des conséquences analogues en ce qui concerne la faute civile.

L’état de nécessité peut justifier un comportement dommageable. Ex) automobiliste qui

défonce une devanture pour éviter de blesser un piéton.

- Attitudes de la victime :

Conventions de non-responsabilité : il semble qu’en matière délictuelle, ces conventions

qui suppriment la responsabilité ou se bornent à la limiter, soient nulles, de nullité absolue,

comme contraires à l’ordre public, dans la mesure où il paraît choquant de pouvoir à l’avance

s’exonérer d’une telle responsabilité.

Attitudes unilatérales de la victime :

Etat de légitime défense de soi-même ou d’autrui efface la culpabilité de l’auteur du

dommage.

Consentement de la victime.

§3 La faute dans l’exercice d’un droit

Le droit subjectif, tout particulièrement lorsqu’il revêt la forme d’un droit réel exclusif, tel que

le droit de propriété, confère un pouvoir de nuire et justifie en quelque sorte un

comportement qui, sans lui, serait fautif. Cet effet justificatif est nuancé par la théorie de

l’abus des droits.

Il existe néanmoins des droits dont l’exercice abusif est licite : ex) la défense du droit de

propriété contre un empiétement ne saurait, selon une jurisprudence encore vivace,

dégénérer en abus.

Section II Le fait des choses

Toutes les fois qu’une faute (délit ou quasi-délit) est établie à l’encontre d’une personne, que

celle-ci se soit ou non servie d’une chose en causant le dommage, sa responsabilité peut

être engagée en application des articles 1382 et 1383. Toutefois dès qu’intervient une chose

dans la réalisation d’un dommage, il y a éventuellement place, si les autres conditions sont

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réunies, pour une responsabilité du fait des choses, même si celles-ci ont été actionnnées

par l’homme.

§1 Evolution jurisprudentielle Article 1384 du Code civil : « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil. Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux. Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ; Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance » Article 1385 du Code civil : « Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ». Les rédacteurs du Code civil n’ont estimé nécessaire d’améliorer la situation de la victime

qu’à propos des accidents causés soit par des animaux (article 1385 du Code civil), soit du

fait de la ruine d’un bâtiment (article 1386 du Code précité). Sans doute était-il écrit à l’article

1384 alinéa 1er qu’ « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son

propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit

répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Mais dans la pensée de leurs auteurs,

ces formules n’avaient pas de valeur autre qu’annonciatrice des cas particuliers de

responsabilité du fait d’autrui ou du fait des choses prévus aux articles 1384, 1385 et 1386.

- Fin XIXe siècle, SALEILLES et JOSSERAND ont pensé tirer parti d’un membre de phrase

du 1er alinéa de l’article 1384.

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- Thèse de la responsabilité objective : fondée non pas sur une présomption de faute, mais

sur le seul fait de la propriété de la chose cause du dommage.

- Admission à partir de 1897 de la présomption de faute.

- Renforcement de la présomption : la jurisprudence ne se contenta plus de la preuve

négative que le gardien de la chose n’avait commis aucune imprudence ou négligence.

Elle exigea qu’il apporte la preuve positive d’un fait extérieur générateur du dommage

(cas fortuit ou force majeure, faute de la victime ou d’un tiers). De sorte qu’il restait

responsable toutes les fois qu’il n’apportait pas la preuve précise d’une cause étrangère

ayant déterminé le dommage.

- La loi du 7 novembre 1922 dispose que l’incendie est une hypothèse spéciale de

responsabilité à laquelle l’article 1384 alinéa 1er, ne s’applique pas et qui relève

uniquement de l’article 1382.

- Application de l’article 1384 alinéa 1er en cas d’accident d’automobile.

Ultérieurement a été dégagée, à partir de 1384 alinéa 1er, une règle générale de

responsabilité du fait des choses, dont l’article 1385, relatif à la responsabilité du fait des

animaux, n’est plus apparu que comme une illustration.

Un accident est causé par une chose : morsure d’un animal, chute d’un arbre…etc. Pour

obtenir réparation, la victime doit-elle conformément aux articles 1382 et 1383 prouver la

faute du détenteur de la chose ? peut-elle, au contraire, se prévaloir d’une présomption la

dispensant de la preuve de cette faute ?

Une première condition est nécessaire : l’intervention d’une chose.

§2 Une chose

1° L’article 1385 : les animaux L’animal que vise l’article 1385, en rendant responsable des dommages qu’il cause son

propriétaire ou celui qui s’en sert, peut être dangereux ou inoffensif (domestique ou sauvage,

à supposer qu’il ait été capturé).

2° L’article 1384 alinéa 1er : les choses inanimées Les choses dont le fait peut rendre responsable celui qui en la garde sont fort nombreuses.

- Le principe : application à toutes les choses inanimées. Ex) peu importent leurs

dimensions, leurs caractères (inoffensif ou dangereux) ou leur substance, que celle-ci

soit solide, liquide ou gazeuse

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- Les limites : certaines choses échappent à l’empire de l’article 1384 alinéa 1er :

Choses soumises à un régime spécial de responsabilité.

Les res nullius (elles échappent à l’application de l’article 1384 alinéa 1er parce que

n’étant appropriées ni détenues par personne, elles ne sont sous la garde de personne.

Ex) la jurisprudence a décidé que la neige accumulée sur un toit, constituant une res

nullius ne pouvait donner lieu qu’à l’application des articles 1382 ou 1383. Cette analyse

est critiquée par des auteurs (TERRE, SIMLER, LEQUETTE) qui pensent que si la neige

ou la pluie qui tombe du ciel est bien une res nullius, son dépôt sur un toit lui fait perdre

son caractère.

§3 Un fait de la chose

1° Exigence d’un fait de la chose

Les articles 1384 alinéa 1er et 1385 ne sont applicables que s’il y a eu du fait de la chose,

animée ou inanimée.

- Un contact entre la chose et la victime n’est pas exigé : fréquemment, l’accident est dû

au heurt de la victime par la chose : le chien la mort, la voiture la renverse. Mais ce

contact matériel n’est pas une condition d’application de l’article 1384 alinéa 1er. La

réalisation du dommage peut être moins directe, sans que le lien de causalité cesse de

l’être. ex) le caillou est projeté par le pneu, la voiture tamponnée en heurte une autre. Ex)

le fait d’un taureau qui cause à une femme sans la toucher un choc nerveux.

- Il n’est pas nécessaire que la chose ait été en mouvement ou actionnée par la main de

l’homme au moment de l’accident.

- Nécessité d’un rôle actif : il faut qu’elle ait été l’instrument du dommage. Sinon, son

gardien échappe à l’application de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil. Ex) une chose

n’a pas été l’instrument d’un dommage toutes les fois que, lors de l’accident, son

comportement a été normal : une personne glisse dans un escalier non glissant, un

passant heurte un arbre dans une forêt.

Charge de la preuve : la preuve du fait de la chose incombe à la victime.

- Lorsqu’une chose en mouvement lors de la réalisation du dommage est entrée en

contact avec la personne lésée ou le bien endommagé, elle est présumée être la cause

du dommage. Il suffit alors à la victime de prouver l’intervention de la chose pour que

soit, du même coup, établi contre le gardien le fait actif de la chose. Le gardien pourra

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néanmoins en ce cas échapper à sa responsabilité en démontrant l’existence d’une

cause étrangère.

- Lorsque la chose était inerte lors de l’accident ou encore lorsque étant en mouvement,

elle n’a pas heurté le siège du dommage, il ne suffit pas à la victime de prouver son

intervention. Il lui est nécessaire d’en établir le rôle actif : son caractère défectueux, son

comportement anormal, le fait qu’elle ait été l’instrument du dommage. Vraisemblable

lorsqu’il y a mouvement et contact, le rapport de causalité l’est beaucoup moins dans le

cas contraire. Toutefois, une tendance exclusive se manifeste en jurisprudence dans la

mesure où le seul fait qu’une vitre se brise révélerait son rôle actif.

2° Exclusion de certains faits de la chose

Pour des raisons diverses, deux choses échappent à l’application du régime de droit

commun.

- La ruine d’un bâtiment (article 1386 du Code civil : le propriétaire d'un bâtiment est

responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du

défaut d'entretien ou par le vice de sa construction).

- L’incendie née d’une chose : la loi du 7 novembre 1922 a inséré dans l’article 1384 alinéa

2 la disposition selon laquelle celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de

l’immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera

responsable, à l’égard des tiers, des dommages causés par cet incendie que s’il est

prouvé qu’il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est

responsable. En l’absence de faute prouvée, et notamment si l’origine de l’incendie

demeure inconnue, le gardien n’encourt aucune responsabilité.

§4 La garde de la chose

La responsabilité n’est pas attachée aux choses elles-mêmes mais à la garde, la définition

de ce rapport entre la personne et la chose est nécessaire.

- Eléments objectifs : pour la jurisprudence, la garde est caractérisée par l’usage, le

contrôle et la direction de la chose. La responsabilité est attachée à l’autorité.

La garde coïncidera souvent avec le droit réel de propriété. Le propriétaire est présumé

gardien de la chose, ce qui ne l’empêche pas de se dégager en prouvant par tous

moyens qu’au moment de l’accident, il avait cessé d’être gardien.

Le propriétaire de la chose peut perdre sa qualité de gardien, sans perdre celle de

propriétaire. Ainsi en est-il dans tous les cas de transfert de la garde d’une chose

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inanimée, par l’effet de contrats de location, prêt, dépôt, transport de marchandises…etc.

La garde incombant alors à l’emprunteur, au dépositaire, au transporteur.

Perte de la garde : vol de la chose. Ex) une voiture, la Cour de cassation a décidé le 2

décembre 1941 que le propriétaire, privé de l’usage, de la direction et du contrôle de sa

voiture, n’en a plus la garde. Le voleur sera considéré comme gardien (Cass. ch. réunies,

2 décembre 1941).

Caractère alternatif de la garde. Si un propriétaire transfère à autrui la garde de la chose

ou si on lui vole celle-ci, il cesse d’être gardien au moment même o une autre personne

le devient. Il se peut que la garde d’une chose soit exercée en commun par plusieurs

personnes, chacun des cogardiens étant alors tenu à réparation intégrale à l’égard de la

victime. Ex) des copropriétaires peuvent être cogardiens, ou que des joueurs de tennis

peuvent être cogardiens des balles.

Garde de la structure et garde du comportement. Suivant que, par sa nature, l’accident

ressort du comportement, à l’utilisation de la chose ou, au contraire, à sa structure, à son

état interne. Ex) un transporteur blesse un passant en déchargeant une caisse. Il est

normal de considérer comme gardien responsable, celui qui maniait la chose ou son

commettant (donc d’attribuer la responsabilité au gardien du comportement de la chose).

A supposer que des récipients transportés explosent par suite d’une malformation

probable, il est normal de faire peser sur le propriétaire, gardien de la structure,

l’obligation de garantir le dommage causé par le vice interne de la chose. Mais la

jurisprudence n’utilise pas toujours ce critère.

Considérations d’ordre subjectif : une personne morale et pas seulement une personne

physique peut être gardienne au sens de l’article 1384 alinéa 1er et 1385 du Code civil. En

outre, il existe une sorte d’incompatibilité entre les qualités de gardien et de victime. Donc s’il

n’y a qu’un seul gardien, il ne peut invoquer l’article 1384 alinéa 1er ou 1385 contre lui-même

et si la chose est soumise à la garde de plusieurs personnes, celle qui subit un dommage du

fait de la chose ne peut – serait-ce pour partie- invoquer contre les autres ces dispositions.

Gardiens privés de discernement :

- Gardien sous l’empire d’un trouble mental : cf. article 489-2 du Code civil.

- Gardien infans : être un enfant mineur ne met pas obstacle au fait d’être gardien, dès lors

que l’on a atteint le niveau de discernement requis. Pour l’infans, l’enfant en bas âge,

l’Assemblée Plénière le 9 mai 1984 a opéré un revirement en décidant qu’un enfant de

trois ans qui avait blessé un camarade avec un bâton en tombant d’une balançoire, était

responsable en tant que gardien, que les juges du fond avaient pu considérer que

l’enfant avait l’usage, la direction et le contrôle.

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§5 Cause d’exonération du gardien - Un moyen inopérant : la seule preuve de l’absence de faute.

- Le rôle passif de la chose : le défendeur soutient que la chose dont il avait la garde lors

de l’accident n’a eu qu’un rôle passif dans la réalisation de celui-ci. La Cour de cassation

a sans doute mis fin à cette jurisprudence en 1984. Mais il est difficile de dégager une

solution certaine et claire des arabesques de la jurisprudence.

- La cause étrangère : le défendeur doit établir un fait positif caractéristique :

Cas fortuit ou force majeure : imprévisibilité, insurmontabilité, extériorité.

Fait d’un tiers

Attitude de la victime

Section III Le fait d’autrui

- Responsabilité de l’Etat du fait de membres de l’enseignement public.

- Responsabilité de l’Etat du fait des juges

- Responsabilité des personnes morales de droit public du fait des véhicules utilisé par

leurs agents.

Sous-section I Les responsabilités pour autrui

§1 Responsabilité des pères et mères du fait de leurs enfants mineurs

Jeu de la présomption si 3 conditions sont remplies :

- L’enfant est mineur.

- L’enfant habite avec ses parents : en affirmant le caractère de plein droit de la

responsabilité prévue à l’article 1384 alinéa 4 du Code civil, la Cour de cassation a

également décidé par un arrêt distinct au sujet d’un enfant en temps d’hébergement par

le parent non gardien, que cette situation ne fait pas cesser la cohabitation du mineur

avec celui des parents qui exerce sur lui le droit de garde (Cass. 2e civ., 19 février 1997,

Bull. civ. II, n°55). La Cour de cassation a également jugé que le fait que les enfants aient

été confiés à des centres médicaux ou à des établissements scolaires ne faisaient pas

cesser la cohabitation de l’enfant avec les parents (Cass. 2e civ., 9 mars 2000 et 20 avril

2000).

- Nécessité d’un fait de l’enfant. La Cour de cassation a décidé que les enfants en bas âge

pouvaient être gardiens ou commettre des fautes du seul fait de l’anormalité de leur

conduite (arrêts GABILLET et LEMAIRE du 9 mai 1984). La Cour de cassation a remis

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en cause cette jurisprudence en décidant (arrêt FULLENWARTH Ass. Plén. 9 mai 1984)

que « pour que soit présumée la responsabilité des père et mère d’un mineur habitant

avec eux, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage

invoqué par la victime ». Il n’y a plus lieu d’apprécier le comportement de l’enfant, la

seule implication, suffit à déclencher la responsabilité pesant sur les parents. Cette

analyse a été confirmée en 2001, « la responsabilité de plein droit encourue par les père

et mère des dommages causés par leur enfant mineur habitant avec eux n’est pas

subordonnée à l’existence d’une faute de l’enfant ». Seule subsistant (en l’espèce, il

s’agissait d’un match de rugby organisé par des élèves dans la cour de récréation d’une

école privée) l’exigence d’un fait causal (Cass. 2e civ., 10 mai 2001).

Portée de la présomption :

Avant l’arrêt FULLENWARTH, la Cour de cassation considérait qu’il suffisait aux parents

d’établir que le dommage n’était pas dû à une faute de surveillance ou d’éducation de leur

part pour s’exonérer.

Depuis cet arrêt, la haute juridiction semble annoncer qu’elle abandonnerait tôt ou tard l’idée

de faute présumée pour lui substituer celle de responsabilité objective, de sorte que les

parents ne pourraient plus échapper à leur responsabilité que par la preuve d’une cause

étrangère.

La consécration en 1991 par l’arrêt BLIECK107, d’un principe de responsabilité de plein droit

du fait d’autrui inclina à l’adoption de cette solution pour la responsabilité des père et mère.

Le revirement de 1997 : à la suite d’une collision entre une moto et une bicyclette conduite

par un enfant de 12 ans, le conducteur de la moto blessé demanda réparation au père de

l’enfant, qui se prévalut de la solution suivant laquelle la présomption pesant sur les parents

pouvait être écartée lorsque ceux-ci rapportaient la preuve de n’avoir pas commis de faute

dans la surveillance et l’éducation de l’enfant. Par l’arrêt BERTRAND, la Cour de cassation

(Cass. 2e civ., 19 février 1997, Bull. civ. II, n°56) a énoncé que « seule la force majeure ou la

faute de la victime pouvait exonérer le père de la responsabilité de plein droit encourue du

fait des dommages causés par son fils mineur habitant avec lui ».

§2 Responsabilité des artisans du fait de leurs apprentis

Les artisans sont responsables du dommage causé par leurs apprentis pendant le temps

qu’ils sont sous leur surveillance.

107 Un handicapé mental confié à un centre d’aide par le travail, qui avait mis le feu à une fôrêt appartenant aux consorts BLIECK au cours d’un travail qu’il effectuait en milieu libre, la Cour d’appel de LIMOGES a condamné le centre en estimant que le risque social créé par les méthodes libérales permettait d’appliquer l’article 1384 alinéa 1er. (Cass. Ass. Plén. 29 mars 1991 a conforté la position de la cour d’appel).

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Sous-sesction II Les responsabilités par autrui §1 Responsabilité des commettants du fait de leurs préposés

L’article 1384 alinéa 5 dispose que « les maîtres et les commettants (sont responsables) du

dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont

employés ». Si les conditions prévues à l’article 1384 alinéa 5 sont réunies, ils ne peuvent

pas se dégager en rapportant une preuve contraire.

Conditions de la responsabilité des commettants :

- Lien de commettant à préposé : préposition et subordination.

- Le fait du préposé.

Il doit s’agir d’un fait licite.

Ce fait doit avoir été causé dans l’exercice des fonctions.

- Le dommage doit avoir été causé dans l’exercice des fonctions du préposé.

Recul de la responsabilité des préposés : longtemps en jurisprudence, a prévalu l’idée que,

simple garantie de la solvabilité du préposé, la responsabilité du commettant laissait ouverte

la possibilité de mettre en cause la responsabilité du préposé soit sur l’action de la victime,

soit sur appel en garantie du commettant, soit sur action récursoire. Si la victime choisissait

d’agir uniquement contre le préposé, celui-ci ne pouvait exiger la mise en cause du

commettant sauf à démontrer la faute personnelle de celui-ci ou sa responsabilité sur le

terrain de la responsabilité du fait des choses.

Revirements :

- La Chambre commerciale de la Cour de cassation a posé, par un arrêt du 12 octobre

1993, que la responsabilité du préposé ne peut pas être engagée lorsqu’il agit dans le

cadre de la mission qui lui est impartie par son employeur et qu’il n’en outrepasse pas les

limites. Aucune faute personnelle n’est caractérisée à son encontre (Cass. com. 12

octobre 1993).

- La Cour de cassation a rompu avec la conception traditionnelle d’un commettant garant

de la solvabilité du préposé. Elle a enfin décidé par l’arrêt COSTEDOAT rendu le 25

février 2000 que « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit

sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant ». Alors

que la victime avait jusque là deux débiteurs, le préposé et le commettant, elle n’en a

plus qu’un, le commettant, dès lors que le préposé n’outrepasse pas les limites de sa

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mission. Cette jurisprudence va à l’encontre des tendances générales du droit de la

responsabilité qui cherche à favoriser la réparation du dommage.

On assiste à des mouvements contraires : dans le même temps que la responsabilité des

père et mère devient une véritable garantie d’indemnisation au profit de la victime, la Cour de

cassation met fin à une telle garantie au sujet des commettants.

§2 Responsabilité des sociétés du fait des dirigeants sociaux.

La responsabilité des dirigeants de sociétés civiles et surtout commerciales appellent des

observations particulières. Ex) dans le cadre des sociétés commerciales, la situation des

gérants de SARL, des présidents, administrateurs, membres du directoire ou du conseil de

surveillance des SA, a-t-elle notamment justifié la mise en place de dispositions particulières

dans la loi du 24 juillet 1966, reprises dans le nouveau Code du commerce (art. L.225-251,

L.225-56, L.226-7, L.227-7, L.227-8).

L’existence de ces textes qui ne concernent que les dirigeants de droit et non de fait,

n’empêche pas la reprise des conditions habituelles de la responsabilité civile.

- A l’égard de la société et des associés, le dirigeant social engage sa responsabilité

par l’effet de 3 sortes de fautes que le législateur a cru nécessaire de préciser et

distinguer :

Manquement aux dispositions légales ou réglementaires

Manquement aux obligations statutaires

Faute de gestion (imprudence, négligence, déloyautés, inactions)

Dans le cadre des procédures collectives, les règles régissant celles-ci excluent ces

dispositions (ancien article L.624-3 du Code de commerce). Un dirigeant peut voir engagée

sa responsabilité soit par extension du redressement ou de la liquidation judiciaire, soit par

une action en comblement du passif. Il y a en principe non-cumul de l’action en comblement

de passif et des actions en responsabilité de droit commun, sauf s’il y a faute séparable des

fonctions imputables personnellement au dirigeant.

- A l’égard des tiers, la jurisprudence décide que le tiers victime d’une faute du dirigeant,

lequel n’est pas un préposé, ne peut en principe agir contre ce dernier et doit agir contre

la société, sauf si la faute du dirigeant est séparable des ses fonctions, même lorsque le

tiers est lié par un contrat de société. La responsabilité civile du dirigeant social suppose

alors une faute détachable ou séparable des fonctions et qui lui soit « imputable

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personnellement ». Ces solutions sont retenues aujourd’hui sous le visa des textes

propres à la responsabilité des dirigeants et non plus sous celui de l’article 1382 du Code

civil.

Vers une responsabilité générale du fait d’autrui…

Le pouvoir créateur de la jurisprudence ne peut pas être contesté en la matière. « on est

responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore de

celui qui est causé par le fait des choses dont on doit répondre, ou des choses que l’on a

sous sa garde ». Ce passage ne servait que d’annonce aux dispositions suivantes, mais

sous l’influence de SALEILLES et de JOSSERAND, on découvrit tout le profit que l'on

pouvait tirer d’un passage du texte

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