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Droit des affaires : : enjeux d'attractivité internationale et de

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Mai 2015

Droit des affaires : enjeux d'attractivité internationale et de souveraineté

Étude préfacée par Didier KLING, Vice-Président Trésorier de la CCI Paris Ile-de-France et réalisée sous la coordination de Anne Outin-Adam, Directeur des politiques législatives et juridiques et de Françoise Arnaud-Faraut, Chef du département de droit civil et commercial à la Direction générale adjointe chargée des études et de la mission consultative

Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France

27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8

www.cci-paris-idf.fr/etudes

Registre de transparence de l’Union européenne N° 93699614732-82

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ETUDE CONDUITE AVEC LA PARTICIPATION

• d’experts du think tank de la CCI Paris Ile-de-France :

- Claudine Alexandre-Caselli, Entreprises en difficulté (OCED)

- Juliette Bertiaux, Finances - Marc Canaple, Emploi et travail - Céline Delacroix, Concurrence,

Consommation - Sophie Dessertaine, Fiscalité - Catherine Druez-Marie, Propriété

intellectuelle (IRPI) - Henri Hamon, Numérique - Sophie Henry, Médiation et arbitrage

(CMAP)

- Nathalie Huet, Contentieux boursier (CREDA)

- Elie Lounis, Secret des affaires - Dominique Moreno, Droit public - Anne-Marie Reita-Tran, Action de groupe - Arnaud Reygrobellet, Vente internationale

(CREDA) - Julie Uzan-Naulin, Données personnelles - Corinne Vadcar, Commerce international - Matthieu Zolomian, Droit des sociétés

• et d’experts extérieurs, professeurs de droit et praticiens :

- Michel Germain, Professeur agrégé à l’Université Panthéon-Assas, Président de l’Observatoire consulaire des entreprises en difficultés de la CCI Paris Ile-de-France

- Alain Lienhard, Directeur éditorial Dalloz

- François-Xavier Lucas, Professeur agrégé à l’École de droit de la Sorbonne

- Denis Mouralis, Professeur agrégé à l’Université d’Avignon

- Alain Pietrancosta, Professeur agrégé à l’École de droit de la Sorbonne

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SOMMAIRE PREFACE ......................................................................................................................................... 5

CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE ........................................................................................................ 7

MISE EN PERSPECTIVE DE L’OBJECTIF POURSUIVI ............................................................................. 8

SOUVERAINETÉ ET ATTRACTIVITÉ : DES CONCEPTS ÉVOLUTIFS ET PROTÉIFORMES ......................... 12

PREMIÈRE PARTIE

MESSAGES FORTS : POUR UN DROIT ATTRACTIF ET COMPÉTITIF RECENTRÉ VERS UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE ET D'ÉCHANGES INTERNATIONAUX ...................................................................... 15

DEUXIEME PARTIE

PRESENTATION SYNTHETIQUE PAR CHAMPS DISCIPLINAIRES DE MARGES DE PROGRÈS ET DE PRÉCONISATIONS - EXEMPLES CHOISIS ....................................................................................... 25

THEME 1 - AFFAIRES

• PEUT-ON RENFORCER L’ATTRACTIVITE DU MARCHE BOURSIER PAR LE DROIT ? ................. 26

• UNE REFORME NECESSAIRE DU CONTENTIEUX BOURSIER ? ................................................. 27

• UN FACTEUR D’ATTRACTIVITÉ DU DROIT FRANÇAIS : LE DROIT DES SOCIETES ..................... 28

• LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ EST-IL ADAPTÉ / COMPÉTITIF PAR RAPPORT À D’AUTRES DROITS, NOTAMMENT ANGLO-AMÉRICAINS ? ..................................................... 30

• LA TRANSFORMATION NUMERIQUE, LE FACTEUR CLE POUR LA CROISSANCE DES ENTREPRISES .......................................................................................................................... 31

• LA VENTE INTERNATIONALE DE MARCHANDISES : LE DROIT FRANÇAIS, BIEN QUE RELATIVEMENT ATTRACTIF, POURRAIT ETRE ASSOUPLI ET MIEUX CONNU ......................... 32

• PARIS - PLACE FINANCIÈRE : MAINTENIR ET FAVORISER LES « ÉCOSYSTÈMES » (SERVICES AUX ENTREPRISES, EMPLOIS…) .............................................................................................. 33

• PEUT-ON CONTRECARRER LES EFFETS INDESIRABLES DES PROCEDURES DE DISCOVERY ? . 34

• UN ENJEU DE COMPETITIVITE POUR LES ENTREPRISES : PROTEGER LE SECRET DES AFFAIRES ................................................................................................................................ 35

• LA PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES : UN DÉFI EN PLEINE MUTATION .............. 36

THEME 2 – CONSOMMATION / CONCURRENCE

• LE RISQUE D’INTENSIFICATION DES DOMAINES DE L’ACTION DE GROUPE EN FRANCE ...... 38

• LE DÉVELOPPEMENT DES SANCTIONS CIVILES EN EUROPE EN MATIERE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES UNE CERTAINE INSÉCURITÉ JURIDIQUE POUR LES ENTREPRISES . 40

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THEME 3 – SOCIAL

• FAIRE DU DIALOGUE SOCIAL DANS L’ENTREPRISE UN LEVIER DE CROISSANCE ET D’EMPLOI ........................................................................................................................... 41

• ACCROÎTRE LA FLEXIBILITÉ DE NOTRE MARCHÉ DU TRAVAIL ET SÉCURISER LES PARCOURS PROFESSIONNELS ................................................................... 42

• AFFIRMER L’AUTORITE CONVENTIONNELLE DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR PROMOUVOIR L’EMPLOI ........................................................................................................ 43

THEME 4 – FISCAL

• SIMPLIFIER L’ENVIRONNEMENT NORMATIF POUR METTRE UN TERME À L’OPACITÉ DE LA PRESSION FISCALE PESANT SUR LES ENTREPRISES LA NÉCESSAIRE RATIONALISATION DES PETITES TAXES ......................................................... 44

• AMÉLIORER LES RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION FISCALE ET LES ENTREPRISES LE PROGRAMME DE « LA RELATION DE CONFIANCE » : UN OUTIL DE COMPÉTITIVITÉ ET D’ATTRACTIVITÉ ................................................................ 45

THEME 5 – PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

• POUR UN RENFORCEMENT DE LA PLACE DE PARIS EN MATIERE DE CONTENTIEUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE ........................................................................................ 46

THEME 6 – INTERNATIONAL

• UNE ATTEINTE À LA SOUVERAINETE DU DROIT FRANÇAIS : LE FORUM SHOPPING .............. 47

• UN EXEMPLE DE FRAGILISATION DES ENTREPRISES FRANCAISES : L’APPLICATION EXTRATERRITORIALE DES LOIS AMERICAINES DES ENJEUX DE SOUVERAINETÉ .................... 48

• LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES À L’ÉTRANGER APPELLE DES RÉPONSES GLOBALES ET CONCERTÉES, EUROPÉENNES OU INTERNATIONALES ........... 49

• L’IMAGE DE LA FRANCE ET DE SON DROIT « SOIGNER SON IMAGE (AVEC SES ACQUIS) » ... 50

THEME 7 – ARBITRAGE / MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENTS DES DIFFÉRENDS (MARD)

• CONFORTER L’ATTRACTIVITE DE LA PLACE DE PARIS EN MATIERE D’ARBITRAGE INTERNATIONAL IMPLIQUANT DES PERSONNES PUBLIQUES FRANÇAISES .......................... 51

• LE DEVELOPPEMENT DES MODES AMIABLES DE REGLEMENT DES DIFFERENDS (MARD) : UN ENJEU D’ATTRACTIVITE POUR LA FRANCE - L’EXEMPLE DU CMAP : CENTRE CREATEUR DE SOLUTIONS - ...................................................................................... 52

ANNEXE 1

FICHES DETAILLEES ................................................................................................................... 53

ANNEXE 2

FUITE DES CENTRES DE DECISION, QUELLES REALITES ? Synthèse / Executive summary ............................................................................................... 130

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PREFACE

arler d’attractivité du droit des affaires est assez légitime et le sujet va de soi dès lors que la mondialisation se traduit par le fait que les frontières s’abaissent, que les

biens et services, les hommes et les capitaux circulent. Un problème de compétitivité se pose tout naturellement entre les territoires et chacun essaye de faire valoir ses arguments d’attractivité. Nous avons en France une force : notre capacité entrepreneuriale et nos grands groupes. Nos centres de décision sont pour certains d’entre eux malheureusement en train de partir car, c’est un fait, nous ne sommes pas suffisamment attractifs. Pire, nous sommes parfois déceptifs, sauf à y remédier par un certain nombre de mesures, d’ordre fiscal et de coût du travail et à mettre de la stabilité dans notre droit. En effet, qui l’eut cru : le défaut de prévisibilité juridique est … la première cause de la non–implantation des investisseurs étrangers, d’après l’avant-dernier baromètre EY de l’attractivité de la France de 2014. Dès lors, le fil rouge de ce document pluridisciplinaire, mêlant approche juridique et économique est simple. Il n’est autre que le besoin d’un droit sûr, lisible et stable pour les entreprises. Une exigence qui relève finalement du bon sens et qui pourrait se décliner dans les politiques publiques autour de principes sûrs : respecter le champ de la soft law (bien sûr en droit des sociétés, mais aussi en droit de la concurrence) ; adapter le temps législatif et administratif à la vie des affaires, surtout à l’heure du numérique ; cesser d’ériger des barrières réglementaires dissuasives pour les activités innovantes et les investissements étrangers ; et, pour chaque projet de réforme, insuffler un état d’esprit compétitif/comparatif en réalisant systématiquement un benchmark juridique des autres droits. Cela dit, cette démarche n’en exclut pas une autre tout aussi importante : valoriser et mieux communiquer l’image du droit français à l’étranger. Arrêtons le french bashing, sachons reconnaître que l’on a de bons droits et faisons le savoir : droit des sociétés, en particulier droit de la SAS ; droit des obligations ; droit de la prévention des difficultés des entreprises ; règles de gouvernance ; droit français de la vente internationale ; protection des données personnelles ; avance de la législation française en matière de modes amiables de résolution des litiges ; droit de la propriété intellectuelle…

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Didier KLING Vice-Président Trésorier

de la CCI Paris Ile-de-France

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Autant d’avantages qui doivent donner confiance aux opérateurs économiques. Et tout l’enjeu consiste à répondre efficacement à leurs besoins. A cet égard, le croisement du droit et de l’économie, qui est l’élément moteur, conduit à raisonner en termes de « places » et « d’écosystèmes » à préserver (services aux entreprises, emplois…). C’est le cas de la place de Paris en matière d’arbitrage international ou encore de Paris en tant que place financière. Cela est également vrai du renforcement de la localisation à Paris du contentieux de la propriété intellectuelle … Sans nul doute, c’est la logique qui doit prédominer afin de faire de Paris la capitale du droit !

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CONTEXTE ET MÉTHODOLOGIE

a mondialisation implique une concurrence évidente des territoires, en même temps qu’elle induit une mobilité des centres de décision. Ce phénomène de « géopolitique des entreprises » s’accompagne d’un bouleversement de la vie des affaires réalisées

dans l’hexagone. Si notre pays n’est pas le seul à être concerné, il semble particulièrement touché. À partir de ce constat, la CCI Paris Ile-de-France a analysé la question très controversée des départs des centres de décisions et a joué un rôle d’alerte auprès des pouvoirs publics pour les sensibiliser sur les causes et l’ampleur du phénomène, à travers une étude1 publiée en 2014. Dans la continuité de cette étude, la CCI Paris Ile-de-France a été auditionnée le 18 mars 2015 – comme l’AFEP, le MEDEF, AmCham et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes – par la Commission des lois du Sénat, sur le thème « droit des entreprises : enjeux d’attractivité internationale, enjeux de souverainetés » 2. Son rapport vient d’être rendu public3. De son côté, à la suite de cette audition et en s’appuyant sur une équipe d’experts pluridisciplinaires4, la CCI Paris Ile-de-France a réalisé une étude pour identifier des marges de progrès et aller plus loin dans ses propres préconisations. En tant que think tank, la CCI Paris Ile-de-France souhaite aborder la problématique dans sa globalité, en la recentrant dans une logique économique et d’échanges internationaux. Les thèmes d’étude s’imbriquent par conséquent dans un tout plus vaste dont il faut prendre la mesure. Ils ont ainsi volontairement été élargis aux matières fiscale et sociale, champs disciplinaires qui n’entraient pas « naturellement » dans le cadre de la Mission d’information du Sénat, mais dont les enjeux sont essentiels en termes d’attractivité et de compétitivité de notre droit.

1 Jean-Yves DURANCE, Anne OUTIN-ADAM, Fuite des centres de décision, quelles réalités ?, octobre 2014, [En ligne] http://www.cci-paris-idf.fr/etudes/competitivite/fuite-des-centres-de-decision-quelles-realites-etudes. 2 Ont été entendus : MM. Didier KLING et Jean-Yves DURANCE, élus de la CCI Paris Ile-de-France et Mme Anne OUTIN-ADAM, directeur des politiques législatives et juridiques. 3 Michel DELEBARRE, Christophe-André FRASSA, Rapport n° 395 sur le droit des entreprises : enjeux d’attractivité internationale, enjeux de souveraineté, 2015. [En ligne] http://www.senat.fr/controle/dossier /2014/3981.html. 4 Parmi lesquels figurent des juristes en droit des affaires, en droit de la concurrence, droit fiscal, droit social, droit de la propriété intellectuelle, mais aussi des experts du commerce international et de l’économie. Des expertises extérieures (professeurs de droit et praticiens) sont également venues nourrir les positions du groupe, notamment Michel GERMAIN, Professeur agrégé à l’Université Panthéon-Assas, Président de l’Observatoire consulaire des entreprises en difficultés (OCED) de la CCI Paris Ile-de-France, Alain LIENHARD, Directeur éditorial Dalloz, François-Xavier LUCAS, Professeur agrégé à l’École de droit de la Sorbonne, Denis MOURALIS, Professeur agrégé à l’Université d’Avignon, Alain PIETRANCOSTA, Professeur agrégé à l’École de droit de la Sorbonne.

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MISE EN PERSPECTIVE DE L’OBJECTIF POURSUIVI

ertes un bon droit ne suffit pas à lui seul à faire une économie prospère mais il y participe inéluctablement. Dès lors, la question est de savoir si notre dispositif juridique est à la hauteur des enjeux.

Tel que très justement formulé par les travaux du Sénat, il s’agit d’apprécier, d’une part, si le droit français, dans ses principes et ses règles comme dans leur application par le juge, est adapté au contexte de la compétition économique des systèmes juridiques nationaux, notamment vis-à-vis du droit anglo-américain et, d’autre part, s’il offre aux entreprises françaises des armes appropriées à l’international et aussi efficaces que celles des autres systèmes. Des éléments de droit comparé éclairent le débat.

Éléments de droit comparé : contexte européen

a modernisation du droit des affaires au sein de l’Union Européenne est un mouvement de fond au sein de tous les Etats en raison de la prédominance du droit de l’Union européenne. En effet, ce droit supranational édictant des règlements – d’application

directe – ou des directives – transposées dans le droit national par des lois –, les législations nationales sont dans l’obligation permanente de s’adapter. Parmi les normes européennes qui aboutiront ainsi à une modification de ces droits substantiels nationaux, on citera pêle-mêle la directive du 26 novembre 2014 sur les actions en dommages et intérêts pour les infractions aux règles de la concurrence, la directive du 22 octobre 2014 sur la publication des informations non financières et relatives à la diversité ou encore la directive du 8 juillet 2014 sur le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’Etats membres différents. A côté de ces évolutions dictées ainsi par la modification du droit de l’Union européenne et en quelque sorte « subies », des Etats prennent des initiatives. En écartant le cas des tous petits Etats récemment entrés dans l’UE et qui cherchent à combler leur retard dans la législation, on relèvera schématiquement deux catégories bien différentes. Une première catégorie est animée par l’objectif clair d’utiliser le droit comme un outil venant au soutien d’une relance économique en adaptant à leur législation des instruments juridiques permettant de soutenir l’activité économique des entreprises. A ce titre, on peut citer en Italie, le décret-loi « libéralisation » du 24 janvier 2012, qui introduit la Società a responsabilità limitata semplificata, directement inspirée de la société par actions simplifiée française. Cette influence se retrouve aussi aux Pays-Bas lors de la création de la Flex BV néerlandaise5. Il en va de même avec le droit espagnol sur le traitement des entreprises en difficulté. La Ley concursal qui régit ce domaine a connu deux modifications importantes en 2014 par la Ley 17/2014 du 30 septembre 2014 et par le Real decreto-ley 11/2014 du 5

5 En vigueur depuis le 1er octobre 2012.

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septembre 2014, qui ont toutes deux insisté sur la nécessité pour l’entreprise de traiter en amont ses difficultés, si possible en évitant que s’ouvre l’équivalent espagnol de la procédure collective. On trouve ici un lien évident avec le droit français, connu comme l’un des droits privilégiant tout particulièrement le traitement préventif des difficultés des entreprises. Au-delà, une seconde catégorie peut être identifiée comme rassemblant les « influenceurs », c’est-à-dire, ceux qui souhaiteraient que leur droit constitue des modèles pour d’autres pays, voire pour des normes européennes. C’est notamment le cas du droit néerlandais des sociétés, dont la performance a pu inspirer de nombreux Etats membres. Autre exemple et s’agissant des informations communiquées par les sociétés, les normes européennes en la matière6 sont grandement guidées par le droit anglais. On citera la diffusion, par certaines sociétés, d’informations relatives à la diversité au sein des organes de gestion. Par certains aspects, on pourrait estimer que le droit français peut être considéré comme un droit leader. C’est ainsi le cas de certaines règles de droit des sociétés, avec la société par actions simplifiée dont la création en 1994 a constitué une source d’inspiration de plusieurs droits d’Etats de l’Union européenne. Il en va de même du droit applicable aux gestionnaires d’actifs, qui a inspiré la réglementation européenne en la matière. C’est également le cas de certains pans du droit de la propriété intellectuelle7.

Attractivité du droit français

’est dans ce cadre que doivent être appréhendés les moyens d’améliorer l’attractivité de notre droit et, par là-même, la compétitivité des entreprises8. On le sait bien, depuis les différents rapports rendus par Doing Business9 qui ont stigmatisé notre

corpus juridique, l’objectif d’attractivité est devenu le pivot de toute réforme en France. Ses enjeux sont multiples. Sont ainsi intimement mêlés attractivité et développement des affaires. De façon très pragmatique, il s’agit de convaincre les entreprises étrangères de choisir le droit français et nos entreprises nationales de le garder. Mais au-delà de l’impact 6 Voir notamment : directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d'entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, JOUE L 182 du 29 juin 2013, p. 19 ; directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes, JOUE L. 330 du 15 novembre 2014, p. 1. 7 Voir infra. 8 Voir : COMMISSION EUROPEENNE, Pour une renaissance industrielle européenne, 22 janvier 2014. [En ligne] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2014:0014:FIN:FR:PDF. Selon cette communication, il est possible d’améliorer considérablement l’environnement des entreprises qui est perçu comme un fardeau pesant sur le potentiel de croissance et d’exportation des PME. Leur performance globale est amoindrie par le nombre de procédures administratives à respecter pour s’acquitter des taxes et faire enregistrer la propriété, par l’instabilité de la législation et par les nombreuses réglementations associées aux limites de taille, qui réduisent les incitations à la croissance des PME. 9 Selon la dernière mouture de ce rapport de la Banque Mondiale, la France se classe 38ème à l’échelle mondiale et 16ème dans l’UE, soit un recul de trois places par rapport à 2013.

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sur les opérateurs du commerce international, son attractivité participe de l’influence de la France auprès des Etats dont les législations nous sont proches, notamment les Etats africains : rayonnement culturel, développement des affaires et environnement juridique favorable aux investissements étrangers sont autant de challenges à relever pour en faire des atouts incontournables. Dans ce contexte, comment concilier attractivité internationale et souveraineté nationale ?

Données économiques

ette problématique ne peut s’appréhender qu’à l’aune de l’environnement macro-économique. De ce point de vue, ni satisfecit, ni flagellation.

Quelques rappels s’imposent. Certes, la France dispose de très nombreux atouts : sa puissance commerciale – 4ème exportatrice mondiale de services et 6ème exportatrice mondiales de biens ; la qualité de ses infrastructures de transport ou de communication ; un système de formation d’excellence, qui attire de très nombreux étudiants étrangers ; sa position géographique au cœur de l’Europe ou la présence d’une métropole mondiale. Ses atouts lui permettent de rester le 4ème pays d’accueil des investissements étrangers (IDE) dans le monde, après les Etats-Unis, la Chine et le Royaume-Uni: « En 2014, la France s’affirme comme l’un des pays les plus attractifs en Europe avec 1014 décisions d’investissements d’opérateurs étrangers recensées (dont 740 à périmètre constant). Après trois années de stabilité, le nombre des investissements étrangers créateurs d’emplois recensés par la branche Invest de Business France et ses partenaires régionaux a connu une hausse de 8 % en 2014 »10. A l’opposé, ses handicaps ne sont pas moindres : poids et instabilité de la fiscalité, rigidité du marché du travail, coût de la protection sociale, complexité de l’organisation territoriale, etc. La France était déjà le pays des 35 heures, elle est aussi devenue le pays qui taxait, jusqu’au 1er février 2015, à 75% les hauts revenus. Les rapports publics, tel que celui rédigé par Louis Gallois en 2013, soulignent à la fois une perte de compétitivité en termes de coûts de production, mais aussi en termes de hors prix (positionnement de l’offre nationale, qualité, orientations géographiques des exportations etc.). Les produits français sont relativement chers par rapport à l’offre des pays émergents ou de ses partenaires d’Europe du Sud, sans bénéficier de l’image de l’offre des pays d’Europe du Nord, Allemagne en tête. Au final, la balance avantages/inconvénients s’est sensiblement dégradée ces dernières années avec une position de notre pays en recul par rapport à des partenaires qui ne sont pas restés immobiles. La France continue d’enregistrer un déficit de sa balance des paiements de l’ordre de 1% du PIB en 2014, malgré un contrechoc pétrolier et la faiblesse de sa demande intérieure, signe de ses problèmes structurels de compétitivité.

10 BUSINESS FRANCE Rapport sur l’internationalisation de l’économie française – Bilan 2014 des investissements étrangers, mars 2015. [En ligne] http://sayouitofrance-innovation.com/wp-content/uploads/2015/03/1-2.pdf.

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Si le french bashing n’a donc pas lieu d’être, si le décalage reste considérable entre la réalité des chiffres (en particulier ceux sur l’attractivité) et l’image qui en ressort dans les classements mondiaux, force est cependant de constater que des efforts structurels restent à mener pour exploiter un potentiel important, source de croissance et de créations d’emplois.

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SOUVERAINETÉ ET ATTRACTIVITÉ : DES CONCEPTS ÉVOLUTIFS ET PROTÉIFORMES

Souveraineté

i la souveraineté est traditionnellement définie comme une qualité propre à un État, elle est aujourd’hui confrontée à un double mouvement géopolitique, au-delà et en-deçà de la puissance régalienne. Du fait de ce double coup de boutoir, la souveraineté

étatique peut être repensée. D’une part, la mondialisation des échanges économiques entraîne un affaiblissement des particularités propres à chaque pays et donc de ses marges de manœuvres législatives, les réponses apportées étant le plus souvent le fruit de politiques concertées lors de réunions internationales. Le phénomène s’est accentué avec le développement d’un mouvement de rapprochement économique entre les États présents au sein d’un sous ensemble géographique : par exemple, à l’ALENA nord-américaine répond le MERCOSUR sud-américain ; l’ASEAN asiatique a, quant à elle, été directement inspirée par l’Union européenne, matrice de tous les regroupements économiques modernes entre États… Cette évolution s’est doublée, pour l’Union Européenne, d’une seconde réalité, plus juridique, tenant au pouvoir de l’UE d’édicter des normes vouées à devenir communes à tous les États, ceux-ci acceptant de perdre une part de leur souveraineté. Dès lors, il est difficile pour un État d’actionner certains leviers qui lui permettraient d’être plus attractif et attrayant aux yeux des entreprises. D’autre part, dans une dimension plus locale, un mouvement de régionalisation administrative peut être décelé au sein de tous les États, affectant en quelque sorte la souveraineté étatique au profit d’ensembles plus petits. Ce déplacement du centre de gravité de l’attractivité vers les régions, qui accroît leur mise en compétition, est patent dans le cas d’États fédéraux – les länder allemands ayant des compétences législatives leur permettant de gagner en visibilité – mais s’exprime même dans le cadre d’États non fédéraux. Par exemple, pour l’Ile-de-France, certains facteurs, tels que les règles d’urbanisme ou encore la fiscalité locale sont des éléments clés d’attractivité pour les entreprises.

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Attractivité

e la même manière, la notion d’attractivité d’un droit doit être précisée, parce qu’elle peut être à la fois une force d’attraction des entreprises étrangères, qui viendraient s’installer en France, et une force de conservation, visant à conforter nos

entreprises et leur permettre de pérenniser leur activité à la fois en France et à l’étranger. Ces deux perceptions de l’attractivité ont des conséquences radicalement différentes sur le rôle du législateur national et donc sur la souveraineté dont il peut faire preuve. Ainsi, l’attractivité « à l’étranger » impliquerait de réduire le nombre de règles s’appliquant à la sphère économique, car celle-ci est sensible à un droit minimal avec une qualité et une stabilité préservées, signifiant que la souveraineté de l’État serait particulièrement réduite en la matière. A l’inverse, si l’attractivité est entendue comme outil de conservation des entreprises françaises et moyen de développement de leur activité – notamment à l’étranger –, les manifestations de la souveraineté doivent être plus nombreuses, les entreprises françaises pouvant désirer faire l’objet d’un droit plus vigoureux, notamment afin de les protéger au niveau international. En d’autres termes, les thématiques d’attractivité d’un droit national et de souveraineté sont telles des aimants : selon les sens donnés à ces notions, celles-ci peuvent être liées l’une à l’autre ou au contraire totalement opposées.

PLUS DE SOUVERAINETÉ MOINS DE SOUVERAINETÉ

ATTRACTIVITÉ À L’ÉGARD DES ENTREPRISES

NATIONALES

Résultat positif, les entreprises nationales

peuvent se sentir sécurisées, si elles sont protégées au

niveau international.

Résultat négatif, les entreprises peuvent ne

pas se sentir soutenues dans leur démarche.

ATTRACTIVITÉ À L’ÉGARD DES ENTREPRISES

ÉTRANGÈRES

Résultat négatif,

les entreprises étrangères sont méfiantes à l’égard des

règles nationales pouvant être considérées comme

exotiques. Au final, plus de souveraineté aurait

tendance à les dissuader de s’installer.

Résultat positif, les entreprises étrangères

souhaitent un minimum de contraintes légales pesant sur elles, et donc un État moins interventionniste.

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D’où une thématique qui s’articule autour d’un constat et d’un défi : 1. Un constat :

À l’heure où la concurrence entre les droits nationaux est exacerbée par les différents classements internationaux, la multiplication des échanges et la facilitation de l’installation des sièges sociaux, il est essentiel de vérifier si le droit français est suffisamment attractif afin d’être un instrument de création de valeur.

2. Un défi :

L’objectif de cette étude est délicat en ce qu’il nécessite de combiner des notions qui sont à première vue difficilement conciliables. Dès lors, dans quelle mesure la mise en œuvre de règles nationales – faisant parfois preuve d’une exception française – est-elle un moyen de renforcer cette attractivité ou au contraire un facteur de fragilisation ?

L’ÉTUDE COMPORTE TROIS VOLETS :

1) Des messages forts portés par la CCI Paris Ile-de-France et articulés autour de trois convictions : - appréhender la question de l’attractivité et de la compétitivité de notre droit

dans un contexte européen et mondial ; - construire un droit tant au niveau des sources que du contenu prévisible au

regard des besoins des entreprises ; - valoriser et mieux communiquer l'image du droit français à l'étranger.

2) Une présentation synthétique par champ disciplinaire de marges de progrès et des préconisations à défendre : exemples choisis

3) Des annexes : - Annexe 1 : Fiches détaillées - Annexe 2 : Executive summary « Les centres de décisions »

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PREMIÈRE PARTIE

MESSAGES FORTS : POUR UN DROIT ATTRACTIF ET COMPÉTITIF RECENTRÉ VERS UNE LOGIQUE ÉCONOMIQUE ET D'ÉCHANGES INTERNATIONAUX Positionner la démarche dans un environnement transversal et pluridisciplinaire en

prenant en compte tant le droit social et le droit fiscal que les facteurs économiques et internationaux ;

Repenser l’art de légiférer au regard des entreprises, lesquelles ont besoin d’un droit lisible et stable ;

Adapter le temps législatif et administratif à celui de la vie des affaires : l’enjeu est d’autant plus fort à l’heure du numérique ;

Préserver la place de Paris en matière financière et d’arbitrage international pour maintenir et favoriser les « écosystèmes » constituant des facteurs de compétitivité de notre droit ;

Sensibiliser l’exécutif et la représentation nationale, en amont, sur les enjeux de compétitivité et d’attractivité pour chaque projet de texte, tant au niveau hexagonal qu’européen ;

Mieux « vendre » le droit français à l’étranger lorsqu’il a une réelle attractivité.

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I. REPLACER DANS UN CONTEXTE PLUS LARGE LA QUESTION DE L’ATTRACTIVITE ET DE LA COMPETITIVITE DE NOTRE DROIT, S’AGISSANT TANT DES MATIERES VISEES QUE DES TERRITOIRES.

1) Même si l’on comprend bien que la Commission des lois du Sénat s’est située, dans sa démarche et dans son rapport, dans son champ de compétence, il est essentiel d’aborder les aspects pluridimensionnels de la problématique soulevée. L’heure est inévitablement à la transversalité : - des branches du droit, y compris le droit social et le droit fiscal qui sont des leviers

déterminants ;

- des données juridiques, économiques, géopolitiques, démographiques, sociologiques pour tenir compte de l’ensemble des facteurs qui pèsent globalement sur la compétitivité des entreprises. En d’autres termes, l’attractivité d’un pays ne résulte pas uniquement d’un environnement juridique « business friendly » : c’est une condition indispensable mais insuffisante. Par exemple, tant le financement que l’innovation et la R&D sont essentiels.

2) Prendre en compte, au-delà, la dimension européenne et mondiale et en deçà, la

dimension territoriale de ces problématiques :

La construction européenne et la mondialisation ont contribué à faire émerger un droit européen et un droit international La France est ainsi devenue acteur d’espaces communautarisés et globalisés. Les règles européennes et mondiales prennent de plus en plus d’importance. Pour autant, il y a encore trop de règles fragmentées. D’une façon générale, en matière de commerce international, les règles et principes qui infèrent sont des règles multilatérales, voire plurilatérales, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qu’il s’agisse des accords de libéralisation des biens et services (GATT et GATS en cours de révision avec les initiatives NAMA11 et TiSA12), de la protection de la propriété intellectuelle (ADPIC) ou encore de l’accord sur les marchés publics (AMP) et de l’accord sur les technologies de l’information (ATI). Il s’agit également de normes et principes directeurs, autrement dit de soft law, édictés dans le cadre d’organismes comme l’OCDE, l’ISO, les Nations Unies (travaux de la CNUDCI) voire par des enceintes privées. D’une manière générale, dans ces deux types de discussions, ce sont les rapports de force entre les États ou entre secteurs d’activités voire entre entreprises qui trouvent à s’exercer.

11 Non-Agricultural Market Access, c’est-à-dire accès aux marchés pour les produits non-agricoles. 12 Trade in Service Agreement, c’est-à-dire l’accord sur le commerce des services.

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Par ailleurs, membre de l’UE, la France participe à la définition et à la mise en œuvre de la politique commerciale européenne qui est une politique commune : c’est la Commission européenne qui négocie les accords commerciaux de libre-échange (ALE) et plus largement les accords globaux de partenariat et d’investissement avec les instances internationales pour les traités multilatéraux et avec les États tiers quand il s’agit de traités bilatéraux ou régionaux. Il en est de même, depuis le Traité de Nice, avec la politique d’investissement, devenue une politique commune européenne. De ce fait, des conventions de garantie et de protection réciproques des investissements conclues hier par chacun des États membres avec des États tiers (hors OCDE) ont vocation à être aujourd’hui remplacées par des conventions d’investissement (Bilateral Investment Treaties ou BIT) négociées et signées, là-encore, par la Commission européenne. C’est dire combien, en matière d’échanges commerciaux et économiques internationaux, les droits nationaux ont laissé place d’une part, à un droit européen et, d’autre part, à un droit international, s’évertuant tous deux à définir les mêmes règles pour tous les membres.

La compétitivité et l’attractivité passent aussi par les territoires.

En certaines matières, le centre de gravité décisionnel s’est progressivement, mais clairement, déplacé vers l’échelon de la région et de l’intercommunalité. Le mouvement vers le « territorial » est donc irrésistible. Les documents d’orientation ou réglementaires territoriaux se multiplient : pour preuve, la future loi NOTRE13 (nouvelle organisation territoriale de la République) généralise, à l’instar du SDRIF, des schémas régionaux, d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires ou, encore, instance des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation. Choix pluriel pour l’implantation des entreprises, mais choix délicat qui suppose une bonne visibilité.

II. CONSTRUIRE UN DROIT PREVISIBLE, TANT AU NIVEAU DES SOURCES QUE DU

CONTENU, ET PRENANT EN COMPTE LES BESOINS DES ENTREPRISES

1) Une économie générale quant à l’art de légiférer - Avoir des textes lisibles (moins sujets à interprétation), clairs et stables14 / Attention

à ne pas surajouter aux lois existantes / Veiller à ce que les décrets d’application soient pris / Eviter les lois de circonstances.

- Limiter le recours aux ordonnances

13 Projet de loi n° 336 du 11 mars 2015 portant nouvelle organisation territoire de la République. [En ligne] http://www.senat.fr/leg/pjl14-336.pdf. 14 Le baromètre EY de l’attractivité de la France 2014 révèle que la stabilité et la transparence de l’environnement politique législatif et réglementaire est le premier critère des entreprises dans leur choix de localisation.

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La multiplication du recours aux ordonnances s’avère préjudiciable à un double égard : le texte ne peut être amélioré par la représentation nationale, ni son application éclairée par la teneur des débats parlementaires.

- Poursuivre la simplification et procéder à des évaluations périodiques de son

efficacité : en d’autres termes, éviter le paradoxe de complexifier en simplifiant.

- Avoir un État facilitateur car les entreprises n’ont pas besoin qu’on les aide, mais qu’on les laisse travailler dans un contexte favorable : elles ne veulent pas non plus qu’on les « tire vers le bas » avec de la complexité administrative et du « juridisme » tatillon.

- Adapter le « temps » législatif et administratif à celui de l’entreprise, à « l’heure »

numérique. L’exemple topique est celui des petites entreprises exerçant dans l’économie numérique qui sont dans un rapport immédiat au temps et à l’espace (ce sont souvent des entreprises « born global », s’inscrivant dès leur création dans un développement international). Ce défi du temps prédomine pour leur développement.

- Accepter que la loi ne traite pas tout. Respecter et développer le champ de la soft law. C’est vrai pour le droit des

sociétés. Mais la place de la soft law est tout aussi essentielle en droit de la concurrence. Par exemple, les programmes de conformité devraient se voir accorder une place plus significative en tant que circonstance atténuante dans le prononcé des sanctions ;

Favoriser le mouvement d’assouplissement du dialogue entre les entreprises et leur environnement (exemples : MARL, procédures négociées, dialogue social…) ;

Pointer le phénomène selon lequel l’intervention des personnes publiques s’oriente de plus en plus vers des formes négociées. Les décideurs publics sont tentés par des modes d’intervention partenariaux avec les opérateurs privés. Au lieu d’une réglementation imposée « par le haut », une conception partagée est mieux acceptée et les collectivités publiques peuvent aussi tirer profit de l’initiative privée. Le nouveau contrat de partenariat d’innovation dans la commande publique, dans le secteur de l’aménagement, les contrats de développement territorial du Grand Paris ou le partenariat public-privé comme instrument de financement d’opération de construction sont autant de preuves de ce mouvement désormais irrésistible.

- Prêter attention aux droits et aux bonnes pratiques étrangères. A l’instar de la pratique obligatoire des études d’impact, mener

systématiquement un travail de benchmark pour comparer les avantages des autres droits ; l’idée est d’insuffler, lors de l’élaboration d’un texte, un état d’esprit compétitif/comparatif.

En tirer les enseignements : la France peut utilement prendre en compte – ce qui ne signifie pas pour autant de recourir au copier/coller – les expériences de pays/économies/droits y compris celles de pays plus proches de la France qu’il n’y paraît (exemple des pays nordiques) et, dès lors, plus facilement transposables.

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2) Pour un État moins interventionniste dans le contenu des règles Il faut avoir pleinement conscience que se développent de nombreux textes porteurs de contraintes et de limites pour les entreprises, dont l’impact anti-compétitif pour la France est amplifié à l’étranger. Plusieurs exemples illustrent ce foisonnement de lois ou de pratiques que l’on pourrait qualifier de repoussoirs tant elles pourraient bien dissuader les entreprises étrangères de s’établir en France :

- En se limitant à l’actualité, on peut d’ores et déjà citer, la loi ESS15 qui, en instaurant une consultation préalable des salariés en cas de cession d’entreprise s’avère… impraticable. Pire encore, une récente proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale propose un droit de préemption aux salariés en cas de cession de l’entreprise16.

- La signature d’un décret17 qui vient restreindre davantage – par rapport au texte de 2005 – l’accès des entreprises étrangères à l’investissement dans certains secteurs dits stratégiques (tels que la santé publique, l’énergie ou l’approvisionnement en eau) conduit à privilégier une posture ouvertement protectionniste, alors même que la France adopte un discours prônant la concurrence loyale et la régulation de la mondialisation18. Il est vrai cependant que notre pays n’est pas le seul à avoir édicté des législations encadrant les investissements étrangers dans des secteurs stratégiques19. Ce n’est pas une idée nouvelle de protéger les domaines d’investissements dits stratégiques pour la France, mais il convient de faire attention au champ d’application de textes dont on ne comprend plus les motivations. S’agit-il de protéger des domaines stratégiques qui relèvent des fonctions régaliennes ou plutôt de considérer plus largement que l’économie nationale dans son ensemble est visée ? Sur ce point, un projet de loi relatif au renseignement examine par la Commission des lois de l’Assemblée nationale20 intègre, au sein des « intérêts publics » pouvant faire l’objet d’une protection par le biais d’une intervention des « services spécialisés de renseignement », « les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ». Ce changement de paradigme portant sur le domaine des intérêts de l’Etat interpelle quant à ses conséquences en matière de compétitivité de notre économie.

15 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, JORF du 1er août 2014, p. 12666. Il doit toutefois être noté que la suppression de ce mécanisme de consultation des salariés en cas de cession de l’entreprise a été abrogé par le projet de loi n° 2765 du 13 mai 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, tel que voté par le Sénat. 16 Proposition de loi n° 2688, du 25 mars 2015, relative au droit de préemption des salarié-e-s. [En ligne] http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/propositions/pion2688.pdf. 17 Décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 relatif aux investissements étrangers soumis à autorisation préalable, JORF du 15 mai 2014, p. 8062. 18 De fait, le texte a été recensé par le rapport OMC-CNUCED-OCDE sur les mesures de restriction aux échanges et aux investissements des pays du G20 pour son caractère restrictif. Voir : OECD, OMC, UNCTAD, Reports on G20 Trade and Investment Measures – Mid-November to Mid-May 2014, 2014. [En ligne] http://www.oecd.org/daf/inv/investment-policy/11thG20report.pdf. 19 L’Allemagne, l’Italie, les Etats-Unis ou encore le Royaume-Uni disposent de législations similaires. 20 Projet de loi n° 2697 du 1er avril 2015 relatif au renseignement. [En ligne] http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta-commission/r2697-a0.asp.

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- Autre source d’inquiétude : les propositions de loi successives visant à renforcer l’obligation de vigilance des sociétés pour les agissements de leurs filiales et de leurs sous-traitants (dernière en date de février 201521). La compétitivité des entreprises françaises et l’attractivité de la France seraient mises à mal par l’obligation de produire un « plan de vigilance », nouvelle charge en matière de RSE pesant sur les grandes entreprises avec le risque d'un préjudice concurrentiel énorme. L’exception française serait une nouvelle fois à l’œuvre, aucun État au monde n'imposant une telle législation en la matière.

- Également, le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques22 interpelle quant à son économie générale, à travers plusieurs constats caractérisant un développement de l’encadrement étatique. Paradoxalement, sous prétexte de libéralisme, il initie un retour à un contrôle des prix pourtant opportunément abandonné. Autre interrogation, le rôle conféré aux autorités administratives indépendantes va au-delà de celui originel d’organe régulateur, par exemple dans la mise en place d’une cartographie pour les professions réglementées ou les péages d’autoroutes. De même, il faut regretter l’instauration d’une injonction structurelle dans le commerce de détail, qui accorderait sous certaines conditions à l’Autorité de la concurrence un pouvoir pour obliger un distributeur à céder des magasins pour permettre l’installation de nouveaux entrants et garantir une concurrence effective. Ce dispositif qui apporte une limite à la liberté d’entreprendre est un frein à l’attractivité en érigeant des barrières réglementaires susceptibles de décourager les investissements des enseignes étrangères souhaitant ouvrir des magasins en France.

- Il faut également combattre à tout prix la généralisation du mécanisme de l’action de

groupe, en germe devant la Chancellerie, dont les conséquences pour les entreprises n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact et alors que le délai d’expérimentation propre au droit de la consommation n’a pas expiré.

- On mentionnera aussi le droit des offres publiques, qui a fait l'objet d'une réforme par

la loi visant à reconquérir l'économie réelle du 29 mars 201423. Cette loi encadre très strictement les offres publiques, en alourdissant leur régime. Plusieurs règles sont ainsi posées : introduction d'un seuil de caducité paralysant les droits de vote d'actions acquises en cas d'échec de l'offre publique, ou encore intervention plus importante des comités d'entreprise des sociétés initiatrice et cible lors du déroulé de l'offre publique. On peut regretter ces deux mesures qui marquent une intervention trop importante de l'Etat, en ce que la première introduit légalement un mécanisme contractuel, en le sclérosant. Il aurait été plus opportun de laisser la pratique réguler la caducité des offres publiques. Par ailleurs, le rôle important conféré aux comités d'entreprise des sociétés concernées par l'offre publique pourrait bien être analysé

21 Proposition de loi n° 2578 du 11 février 2015 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. [En ligne] http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion2578.asp. 22 Voir : Jean-Claude HANUS, Projet de loi pour la croissance et l’activité – Rapport de la CCI Paris Ile-de-France, 18 décembre 2014. [En ligne], http://www.cci-paris-idf.fr/etudes/competitivite/droit-entreprise/projet-de-loi-pour-la-croissance-et-lactivite-etudes. 23 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle, JORF du 1er avril 2014, p. 6227.

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comme un signal négatif envoyé aux opérateurs de marché, annonçant une procédure contraignante applicable aux offres publiques.

- Enfin, sur le droit des contrats, il faut saluer les efforts menés par la Chancellerie pour offrir aux opérateurs un droit des contrats moderne, performant et prévisible. Pour autant, il faut se garder de quelques fausses avancées consistant à enserrer les échanges marchands dans un contrôle de l’équilibre contractuel qui ne se retrouverait nulle part aussi présent que dans le futur droit français des contrats. Par exemple, la solution cumulative de contrôles (violence économique, clauses abusives généralisées) viendrait trop fragiliser la force obligatoire du contrat et, finalement, attenter à la sécurité juridique nécessaire aux opérations économiques soumises au droit français. Cette réforme doit s’attacher aussi à écarter toutes les notions floues, susceptibles d’ouvrir la porte à des contentieux sans fin. On signalera que notre droit des contrats est très utilisé en matière d’arbitrage international, d’où la nécessité d’en garantir l’attractivité pour les différents opérateurs internationaux. L’enjeu de la réforme est donc de taille.

3) Combler les manques patents de notre droit - deux exemples La CCI Paris Ile-de-France se retrouve largement dans les préconisations du rapport du Sénat24.

- 1er exemple : enjeu de compétitivité « de la vie des affaires ». La consécration de la protection du secret des affaires en est une manifestation éclairante. En effet, les atteintes à ces secrets se multiplient depuis un certain nombre d’années. Les opérateurs économiques ont un besoin réel et croissant de protection. Or, notre droit est lacunaire sur cette question. Il apparaît également que nous sommes très en retard par rapport à nos voisins, en Europe et au-delà, ce qui creuse d'autant plus le déficit compétitif de notre pays25.

- 2ème exemple : enjeu de compétitivité du « droit des affaires ».

Si la reconnaissance du legal privilege est un corollaire de la préservation des secrets d’affaires, elle va bien au-delà. Elle est déterminante pour maintenir la place de notre droit dans la compétition internationale, car dès que les juristes français disposeront du legal privilege, ils seront plus facilement désignés comme directeurs juridiques à la tête de grands groupes français comme étrangers, ce qui aura inéluctablement une influence sur l’utilisation du droit français dans leur pratique. C’est un enjeu complètement substantiel au droit lui-même illustrant à l’envi le lien entre la compétitivité de la vie des affaires et du droit des affaires.

24 Précité note 3. 25 Voir : La protection des secrets d’affaires dans l’Union européenne et à l’international, 11 septembre 2014. [En ligne] : http://www.cci-parisidf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/protection-secrets-affaires-benchmark.pdf.

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III. VALORISER ET MIEUX COMMUNIQUER L’IMAGE DU DROIT FRANÇAIS A L’ETRANGER

1) En même temps, ne pas caricaturer l’image du droit français car il y a de réels points

d’attractivité. On a de bons droits et on ne le fait pas assez savoir : droit des sociétés, en particulier droit de la SAS, droit des obligations – même si la Chancellerie souhaite en perfectionner encore la technicité –, droit de la prévention des difficultés des entreprises, règles de gouvernance, droit de la vente applicable aux opérations internationales, protection des données personnelles, droit de la propriété intellectuelle, d’autant que certaines de ces règles sont, au plan européen, sources d’inspiration. Par exemple, la France est à la pointe de la lutte contre la contrefaçon et la cyber-contrefaçon aux niveaux européen et mondial. Elle a ainsi toujours joué un rôle pilote auprès des instances communautaires pour l’élaboration d’un cadre législatif efficace, comme en témoigne l’introduction du modèle français de la saisie-contrefaçon dans la directive du 29 avril 2004 sur le respect des droits de propriété intellectuelle. Autre illustration : notre régulation dans la gestion d'actifs est reconnue mondialement. La réglementation européenne applicable aux dépositaires d’actifs a été calquée sur notre droit qui a montré sa robustesse pendant la crise. C'est l'une des grandes victoires de ces dernières années et on en a peu parlé... En outre, le droit national de la concurrence, certes très imprégné du droit communautaire, s'engage de plus en plus vers la voie des solutions négociées qui sont des outils adaptés aux besoins des entreprises et qui permettent de tendre vers un traitement rapide des dossiers. Par ailleurs, le développement des programmes de conformité – que l'on espère efficaces – devrait contribuer, à terme, à la diminution des infractions en la matière.

2) Mieux relayer à l’étranger :

Les réformes menées en France : par exemple, communiquer davantage sur le choc de

simplification et les progrès faits26.

Faire des classements internationaux un outil de marketing de notre droit. Il existe d’autres rankings internationaux que Doing Business et il convient de les utiliser comme outils de marketing pour valoriser les atouts de la France. Il importe de communiquer sur ces positionnements, mais aussi d’expliciter davantage le droit français pour montrer qu’il n’est pas forcément à l’image de ce que les entreprises étrangères en ont – celui d’une France bureaucratique, lente, complexe, etc. – mais qu’elle a, comme de nombreux autres pays, des règles et des normes qu’il convient de respecter. Certaines procédures sont tout aussi lourdes et longues dans certains pays sans que ceux-ci soient pointés du

26 Une page web a été créée sur le site France.fr en anglais (http://www.france.fr/en/working-and-succeeding-france/200-administrative-simplification-measures.html) mais elle mène ensuite à 200 mesures de simplification expliquées en français. Certaines ambassades ont également relayé l’information, notamment dans le cadre de la campagne « Say oui to France » pilotée par Business France. Mais tout cela mérite probablement d’être encore mieux relayé à l’étranger.

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doigt. Le rapport de l’OCDE sur l’entrepreneuriat nous classe ainsi à la première place des pays membres pour la création d’entreprise27.

Des comportements vertueux en matière, par exemple, de résolutions des litiges

L'évolution vers davantage de négociation dans les modes de résolution des litiges doit être soutenue. C’est le cas par exemple de la composition administrative devant l’AMF ou des procédures de transaction devant l’Autorité de la concurrence. On évoquera bien évidemment ici la médiation, qui s’étend à de plus en plus de domaines28. Ainsi, en matière prud'homale par exemple, la future loi croissance, activité et égalité des chances économiques ouvrira la médiation conventionnelle aux litiges s’élevant à l’occasion d’un contrat de travail (jusqu’à présent, seuls les différends à caractère transfrontalier peuvent être résolus par ce biais)29. Dans ce contexte, d'aucuns interpellent la question de la place du juge... Il garde en tout état de cause un rôle important et son impérium ne saurait être diminué. Ces évolutions inéluctables qui participent aussi de mouvements de fond de la société civile ne se font pas contre lui, mais bien au contraire à ses côtés, et en quelque sorte sous son égide. Tous les modes de résolutions des conflits qu'ils soient judiciaires, relevant d'une autorité administrative indépendante ou amiables, doivent pouvoir coexister en harmonie.

Ce phénomène n’est autre, en réalité, que le pendant de l’émergence du droit négocié.

3) Maintenir et favoriser les « écosystèmes » (services aux entreprises, emplois…)

indirectement facteurs de compétitivité de notre droit Préserver Paris, en tant que place financière, est essentiel en termes notamment d’écosystèmes regroupant des salariés très qualifiés à haut revenu induisant plusieurs emplois, en particulier dans les services30. Maintenir Paris comme place d’arbitrage international relève de la même ambition. La localisation à Paris de l’International Chamber of Commerce (ICC) est à cet égard radicalement déterminante31.

27 OCDE, Entrepreneurship at a Glance 2014. [En ligne] http://www.oecd-ilibrary.org/docserver/download/3014031e.pdf?expires=1430731302&id=id&accname=guest&checksum=AFE925A61DC1E029C9B9FCF64159AED3. 28 Voir infra. 29 Le même texte étendra la procédure participative au droit du travail, jusque-là exclu de son champ. 30 Un auteur évoque les brain-hubs cities estimant que ce sont des agglomérations regroupant des salariés très qualifiés à haut revenu entraînant chacun cinq emplois induits, plus particulièrement dans les services (médecins, serveuses, avocats, coiffeurs, professeurs de yoga, etc.). Selon lui, trois facteurs contribuent à la clusterisation des compétences dans ces villes : les effets du marché du travail, la fourniture de services intermédiaires et les effets d’entraînement du capital humain (spillover effects). Voir : Enrico MORETTI, The New Geography of Jobs, New York, Houghton Mifflin Harcourt, 2012. 31 Voir : Michel PRADA, Rapport sur certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris, mars 2011. [En ligne] http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/1_Rapport_prada_20110413.pdf.

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Qu’on ne s’y trompe pas, c’est dans un cadre ainsi préservé que nos droits trouveront pleinement leur efficience. Cela est également vrai du maintien des centres de décision ou du renforcement de la localisation à Paris du contentieux de la propriété intellectuelle.

4) Sensibiliser la représentation nationale en amont sur les enjeux de compétitivité et

d’attractivité pour chaque projet de texte tant au niveau national qu’européen On constate la trop faible représentation dans les instances européennes des élus français. Ceci traduit une vision trop franco-française des sujets et nous situe dans une approche parfois défensive, peu conquérante. Il conviendrait que nos parlementaires européens soient davantage intégrés dans les groupes de travail et de réflexion sur les textes et désignés comme rapporteurs pour défendre des textes européens. Nous comptons en outre sur nos représentants nationaux pour être force d’anticipation et d’initiative32. Plus généralement, nous devons pratiquer davantage une politique d’influence et de lobbying : favoriser la présence des entreprises dans les instances de normalisation, mais aussi au niveau européen.

32 A titre d’exemple, dans le domaine du crowdfunding, la France se situe à la 2ème place derrière le Royaume-Uni.

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DEUXIEME PARTIE

PRESENTATION SYNTHETIQUE PAR CHAMPS DISCIPLINAIRES DE MARGES DE PROGRÈS ET DE PRÉCONISATIONS - EXEMPLES CHOISIS

Pour chaque champ identifié, des propositions ou pistes de solutions ont été élaborées. Elles sont hiérarchisées au moyen de la grille de lecture suivante :

Légende de l’outil de hiérarchisation des propositions

GRILLE DE LECTURE INTUITIVE

DEGRÉ D’IMPORTANCE

DÉLAI D’INTERVENTION

MOYEN D’ACTION

Très important Immédiat / à court terme / à moyen terme /

à long terme

Loi / décret / règlement / directive / influence /

bonnes pratiques / aucune action / évaluation

Important

Assez important

Des focus renvoient à une fiche détaillée en annexe

et sont présentés ci-après autour des thématiques suivantes :

1. Affaires (fiches 1 à 11) 2. Consommation /concurrence (fiches 12 à 13) 3. Social (fiches 14 à 16) 4. Fiscal (fiches 17 à 18) 5. Propriété intellectuelle (fiche 19) 6. International (fiches 20 à 23) 7. Arbitrage / Modes alternatifs de règlements des différends (MARD) (fiches 24 à 25)

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THEME 1 - AFFAIRES PEUT-ON RENFORCER L’ATTRACTIVITE DU MARCHE BOURSIER PAR LE DROIT ?

Voir pour le détail, fiche 1 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

Pourquoi rendre notre marché boursier attractif ? L’attractivité de la place boursière de Paris contribue indéniablement au bon développement d’un écosystème profitable à l’économie nationale. Attirer les capitaux vers notre marché boursier permettrait de faire bénéficier les entreprises souhaitant se coter à Paris d’une offre de financement plus importante. Le droit a-t-il un rôle à jouer ? Oui. Même s’il n’est pas le seul facteur d’attractivité d’une place boursière – jouent également la qualité des infrastructures de marché, la fluidité des relations avec le régulateur, voire le degré de professionnalisme des intervenants de marché –, la qualité du droit constitue l’une des raisons essentielles qui justifie le choix d’une place d’investissement ou de cotation.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES S’interroger sur la possibilité de simplifier davantage le droit des introductions en

bourse. Cela pourrait notamment passer par la suppression de l’obligation de prévoir, à l’occasion d’une introduction en bourse, une offre au public de titres destinée aux investisseurs retail à hauteur de 10% du montant global de l’opération.

Important, à court terme, évaluation

Poursuivre la simplification du contenu du prospectus pour les PME et sociétés à

faible capitalisation boursière. Très important, à court terme, règlement (UE)

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THEME 1 - AFFAIRES UNE REFORME NECESSAIRE DU CONTENTIEUX BOURSIER ?

Voir pour le détail, fiche 2 en annexe 1

RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Un marché est d’autant plus attractif qu’il existe un arsenal de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives pour en garantir le bon fonctionnement. La durée de la procédure pénale, l’incertitude liée au cumul possible d’une procédure administrative (devant la Commission des sanctions de l’AMF) et d’une procédure pénale sont autant d’éléments d’insécurité juridique susceptibles d’affaiblir l’attractivité de la place financière française. Dans une décision du 18 mars 2015, le conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la Constitution certaines dispositions du Code monétaire et financier concernant les sanctions des opérations d’initiés. Le législateur a jusqu’au 1er septembre 2016 pour adopter une réforme.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Réformer le contentieux boursier en profitant le cas échéant de la transposition de la directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché. Indispensable, à court terme, loi

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THEME 1 - AFFAIRES UN FACTEUR D’ATTRACTIVITÉ DU DROIT FRANÇAIS :

LE DROIT DES SOCIETES

Voir pour le détail, fiche 3 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

Avons-nous, grâce à nos outils juridiques la capacité d’attirer des entreprises étrangères ? Le droit des sociétés est un droit compétitif, qui comporte assurément de nombreux points positifs, tels que la constitution de SAS ou encore la formulation de nombreuses règles de gouvernance des sociétés. Cette compétitivité est toutefois progressivement limitée par l’importance du droit européen en la matière, qui tend à une uniformisation du droit des sociétés au sein de l’Union européenne. Il n’en demeure pas moins que le droit français des sociétés dispose de règles qui lui sont propres, et qui offrent donc une marge de manœuvre permettant au législateur d’utiliser ce droit comme un levier d’attractivité. Dans cette démarche, il est nécessaire de conserver à l’esprit que l’œuvre du législateur doit être mue par plusieurs objectifs : simplification de la constitution et du fonctionnement des sociétés, tout en limitant le plus possible son intervention afin de garantir les objectifs de lisibilité et de prévisibilité des règles applicables aux entreprises. A titre d’exemple, il y a lieu de se réjouir de l’abandon de la velléité du législateur d’étendre la définition de l’intérêt social, qui aurait abouti à singulariser le droit français et à dissuader les sociétés d’y établir leur siège social. Afin de développer l’attractivité du droit des sociétés françaises, plusieurs axes de modification de ce droit s’offrent alors : il s’agit tout d’abord de repenser le droit des sociétés anonymes, afin de le simplifier et de rendre cette société plus accessible. La CCI Paris Ile-de-France réaffirme ensuite son attachement à la soft law, particulièrement importante en ce domaine. Enfin, elle rappelle que les sociétés commerciales ne peuvent omettre la digitalisation, et pourraient en tirer profit.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES

Repenser la société anonyme Introduire une société anonyme unipersonnelle, et aménager sa gouvernance en

conséquence

Introduire l’apport de savoir-faire Important, à moyen terme, loi

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Faciliter l’aménagement statutaire des dispositions relatives aux décisions collectives. Supprimer l’obligation de convoquer une assemblée générale afin de décider si les

salariés peuvent participer à une augmentation de capital par apport en numéraire Assez important, à moyen terme, loi

Préserver et développer la soft law Simplifier les règles relatives au cumul des mandats en laissant une place plus importante à la soft law. Très important, à court terme, loi Renforcer la digitalisation Introduire l’utilisation des technologies de l’information et de communication pour les assemblées générales. Assez important, à moyen terme, règlement

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THEME 1 - AFFAIRES LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ EST-IL ADAPTÉ / COMPÉTITIF PAR

RAPPORT À D’AUTRES DROITS, NOTAMMENT ANGLO-AMÉRICAINS ?33

Voir pour le détail, fiche 4 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

Avons-nous, grâce à nos outils juridiques la capacité d’attirer des entreprises étrangères ? Le droit des entreprises en difficulté, qu’il concerne leur détection ou leur traitement, a fait récemment l’objet de diverses réformes visant à renforcer son attractivité internationale. Il est d’ailleurs reconnu qu’à travers ses dernières évolutions, il a gagné en compétitivité au point de devenir un droit particulièrement avancé et constituant un modèle pour d’autres États. C’est notamment le cas en matière de prévention des difficultés, car il a sans nul doute inspiré la Commission européenne pour l’élaboration de la recommandation du 12 mars 2014. La progression du droit français de la détection et du traitement des difficultés des entreprises ne doit toutefois pas être interrompue, des voies d’amélioration étant envisageables, notamment par l’introduction d’un volet social au traitement des difficultés des entreprises. Mais de réforme en réforme, à trop vouloir réglementer, le risque est grand de dénaturer les procédures – préventives ou curatives – et de les rendre illisibles ou en partie inutiles. Il y aurait alors lieu d’entamer la réflexion quant à la possibilité de simplifier l’architecture des différentes procédures.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Mettre en place un droit social des entreprises en difficultés. Très important, à moyen terme, loi Redonner de la lisibilité au droit des entreprises en difficulté, et en particulier initier une réflexion sur la simplification de l’architecture des différentes procédures. Assez important, à moyen terme

33 Les développements qui suivent s’appuient sur des échanges réalisés avec des experts de la matière : Michel GERMAIN, Professeur agrégé à l’Université Panthéon-Assas, Président de l’Observatoire consulaire des entreprises en difficultés de la CCI Paris Ile-de-France ; Alain LIENHARD, Directeur éditorial Dalloz ; François-Xavier LUCAS, Professeur agrégé à l’Ecole de droit de la Sorbonne.

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THEME 1 - AFFAIRES LA TRANSFORMATION NUMERIQUE,

LE FACTEUR CLE POUR LA CROISSANCE DES ENTREPRISES

Voir pour le détail, fiche 5 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Y’a-t-il fragilisation des entreprises françaises ? À l’horizon 2018, dans la plupart des secteurs d’activité, les positions établies des principaux leaders du marché seront significativement fragilisées par la montée en puissance de nouveaux concurrents ou d’acteurs historiques qui auront transformé leur organisation et leur modèle économique en exploitant les technologies numériques - qu’il s’agisse du mobile, du cloud et du big data…-. La révolution digitale présente, certes, des risques, en ce qu’elle bouscule les business models et les organisations, mais elle est aussi et surtout une source d’opportunités incroyable pour les entreprises, qui sont confrontées à une période charnière.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES « Disrupter pour ne pas être disrupté », en encourageant la création de nouvelles PME

disruptives françaises, à vocation mondiale. Il s’agit de s’inspirer des succès de Blablacar ou de Criteo.

Cesser d’ériger des barrières réglementaires qui dissuadent l’allocation de capital à des

activités innovantes et empêche donc à terme l’émergence de champions français dans ces secteurs.

Important, à moyen terme, influence

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THEME 1 - AFFAIRES LA VENTE INTERNATIONALE DE MARCHANDISES :

LE DROIT FRANÇAIS, BIEN QUE RELATIVEMENT ATTRACTIF, POURRAIT ETRE ASSOUPLI ET MIEUX CONNU

Voir pour le détail, fiche 6 en annexe 1

RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Contrairement à ce qu’on entend souvent, le droit français de la vente présente toujours un intérêt dans les échanges internationaux. Certes ancien, puisqu’il est hérité du Code civil, il a su aussi se renouveler en intégrant les dispositions de la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises34. L’absence de contentieux sur les modèles contractuels proposés (conditions générales de vente ou contrats-types) prouve qu’ils sont efficacement utilisés et que ce ne sont pas les questions juridiques qui freinent ou limitent les exportations. Pour autant, le droit français pourrait gagner en attractivité si : - on assouplissait certaines de ses dispositions lorsque la vente a une dimension

internationale et n’est pas soumise à la Convention de Vienne ; - on le faisait mieux connaître de nos partenaires qui en ont souvent l’image d’un droit

peu moderne.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Élaborer des règles matérielles propres à la vente internationale Assez important, à moyen terme, loi, influence

34 Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, 11 avril 1980. [En ligne] http://www.uncitral.org/uncitral/fr/uncitral_texts/sale_goods/1980CISG.html.

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THEME 1 - AFFAIRES PARIS - PLACE FINANCIÈRE : MAINTENIR ET FAVORISER LES « ÉCOSYSTÈMES »

(SERVICES AUX ENTREPRISES, EMPLOIS…)

Voir pour le détail, fiche 7 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Le risque d’une fuite des activités financières de Paris vers d’autres places est aujourd’hui réel : il faut sortir de ce cercle vicieux qui aura à terme des conséquences négatives pour nos entreprises, qu’elles soient financières ou non. Si Londres est la place financière mondiale dominante, il reste incontestablement des segments financiers à occuper pour Paris afin d’offrir à nos entreprises les services financiers dont elles ont besoin et créer un écosystème favorable les rendant compétitives.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Créer un écosystème financier à Paris favorable aux entreprises. Très important, à moyen terme, influence

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THEME 1 - AFFAIRES PEUT-ON CONTRECARRER LES EFFETS INDESIRABLES

DES PROCEDURES DE DISCOVERY ?

Voir pour le détail, fiche 8 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS En quoi ces procédures peuvent-elles affecter la compétitivité des entreprises ? Si un ressortissant français est attrait devant une juridiction étrangère connaissant la procédure de discovery, il devra coopérer et communiquer l’intégralité des renseignements utiles au procès sous peine de lourdes sanctions. Par conséquent, il existe un risque d’instrumentalisation de ces procédures par la concurrence, afin de pratiquer l’espionnage économique et commercial de façon légale. Faut-il voir dans la discovery une atteinte à la souveraineté de la France ? C’est incontestable, dans la mesure où ces procédures peuvent avoir un effet extraterritorial. Elles sont en effet susceptibles de contraindre les nationaux français à communiquer à des personnes ou autorités étrangères les renseignements demandés.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Pour atténuer l’impact de la discovery sur les opérateurs français, la réalisation des préconisations ci-dessous serait opportune : Reconnaître un statut juridique spécifique au secret des affaires au niveau national Affirmer la confidentialité des avis juridiques internes aux entreprises (legal privilege

ou statut d’avocat en entreprise) Rendre plus efficace la loi de blocage Important, à moyen terme, loi

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THEME 1 - AFFAIRES UN ENJEU DE COMPETITIVITE POUR LES ENTREPRISES :

PROTEGER LE SECRET DES AFFAIRES

Voir pour le détail, fiche 9 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS En quoi l’état actuel du droit fragilise-t-il les entreprises ? Les entreprises françaises s’estiment trop peu armées pour faire face aux risques de vol de leurs informations sensibles. Les dispositifs du droit existant (de fond comme de procédure) n’ont pas été pensés pour s’appliquer spécifiquement aux atteintes au secret des affaires, ce qui rend leur mise en œuvre difficile. Cette situation met la France à l’écart par rapport aux autres Etats qui, pour la plupart, ont adopté une réglementation sur le secret des affaires. Le droit français peut-il défendre les entreprises françaises ? La France devrait prévoir des moyens de protection du secret des affaires. Cela pourrait passer par l’édiction de règles fixant des sanctions civiles, et le cas échéant, pénales, en cas d’atteinte. Par ailleurs, la procédure juridictionnelle devrait être adaptée afin que le procès ne conduise pas à une diffusion malencontreuse de ces secrets.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Au niveau européen, soutenir l’idée poursuivie par la Commission européenne, d’harmoniser la protection civile du secret des affaires dans l’Union européenne35. Très important, immédiat, influence Au niveau national soutenir le principe d’une réglementation protectrice et dédiée au secret des affaires, au civil comme au pénal. Très important, à moyen terme (pour 2016), loi de transposition de la

directive en cours d’adoption.

35 Voir : Jérôme FRANTZ, La protection des secrets d’affaires dans l’Union européenne, 11 septembre 2014. [En ligne] http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/protection-secrets-affaires-rapport-frantz.pdf.

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THEME 1 - AFFAIRES LA PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES :

UN DÉFI EN PLEINE MUTATION

Voir pour le détail, fiche 10 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Y’a-t-il fragilisation des entreprises ? Le droit français de la protection des données personnelles peut sembler à première vue assez strict pour les entreprises. De nombreuses obligations existent à l’égard de celles-ci, notamment en termes de recueil du consentement et de sanctions. Le droit français peut-il défendre les entreprises françaises ? Pour que la France soit attractive, ces obligations et les charges administratives en découlant ne doivent pas être trop lourdes. En tout état de cause, si le droit français est relativement contraignant à l’égard des entreprises, c’est qu’il tend à renforcer la protection des données personnelles et, corrélativement, à préserver la confiance qu’ont les citoyens, nécessaire à l’innovation et à la compétitivité du secteur marchand. Le cercle est donc vertueux.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Éviter les obligations et les charges administratives trop contraignantes Laisser aux entreprises le choix des moyens du recueil du consentement, à l’occasion

des discussions sur le futur règlement européen relatif aux données personnelles Important, à moyen terme, règlement européen et modification de la loi

« informatique et libertés »

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THEME 1 - AFFAIRES LEVER CERTAINS FREINS À L’IMPLANTATION

DES ENTREPRISES SUR LES TERRITOIRES

Voir pour le détail, fiche 11 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Y’a-t-il fragilisation des entreprises ? L’implantation des entreprises sur les territoires est soumise à des règles contraignantes et complexes qui peuvent devenir rédhibitoires. Il en va ainsi de l’obtention de l’agrément préalable au permis de construire, de la redevance pour création de locaux d’activité et de l’avis conforme des commissions d’aménagement commercial. Reste-t-il une marge de manœuvre au législateur français pour améliorer encore le dispositif ? Le législateur national dispose encore d’une marge de manœuvre, pour preuve le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques envisage d’exonérer de ces taxes et redevance les pépinières d’entreprise. Il est possible d’aller plus loin.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Etudier l’éventuelle suppression de l’agrément création d’activités visé par les articles

L. 510-1 et suivants du Code de l’urbanisme

Mener une réflexion sur les aspects financiers visés aux articles L. 520-1 et suivants du Code de l’urbanisme et à l’article 231 ter du Code général des impôts

Ecarter toute double procédure en supprimant l’avis des commissions d’aménagement commercial à l’intérieur de l’instruction du permis de construire

Conserver une seule voie d’autorisation : le permis de construire

Important, à moyen terme, loi

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THEME 2 – CONSOMMATION / CONCURRENCE

LE RISQUE D’INTENSIFICATION DES DOMAINES DE L’ACTION DE GROUPE EN FRANCE

Voir pour le détail, fiche 12 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

En quoi cette procédure peut-elle affecter la compétitivité des entreprises ? Les professionnels sont particulièrement inquiets par l’élargissement du champ de l’action de groupe qui se profile déjà, avant même l’évaluation du dispositif de la loi Hamon du 17 mars 201436, pourtant prévue dès l’origine dans cette loi (rapport appréciant les conditions de mises en œuvre de cette procédure et proposant des adaptations nécessaires avant d’envisager les éventuelles évolutions de son champ d’application). En effet, soulignons qu’avant même l’entrée en vigueur de cette nouvelle procédure d’action de groupe issue de loi Hamon, le projet de loi Santé, voté par l’Assemblée Nationale en avril 201537, préconisait déjà d’introduire une disposition habilitant une association agréée d’usagers du système de santé à engager une action de groupe pour faire reconnaître la responsabilité médicale dans la survenue de dommages corporels occasionnés par une même cause. En outre, il est question de décliner ce dispositif dans bien d’autres domaines, tels que l’environnement ou encore le droit social. Plus généralement encore, la Chancellerie travaille sur la mise en place d’un socle commun procédural sur les actions de groupe. A ce jour, il n’est pas possible de dresser le bilan de la procédure issue de la loi Hamon, après seulement 6 mois d’existence et aucune décision au fond. Il est donc totalement prématuré d’envisager son extension à d’autres domaines.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Ne pas élargir le champ d’application d’un tel dispositif, sous peine de s’engager dans une judiciarisation pénalisante à l’excès pour les entreprises et la compétitivité. Important, immédiat, aucune action Procéder, dans un an, à un bilan d’évaluation de la loi Hamon pour corriger les éventuels dysfonctionnements qu’elle suscite. Important, à moyen terme, évaluation

36 Loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, JORF du 18 mars 2014, p. 5400. 37 Projet de loi de modernisation de notre système de santé, TA 505, 14 avril 2015. [En ligne] http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0505.asp.

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Clarifier, en matière de concurrence, les conséquences des décisions résultant de procédures négociées (engagement, clémence, non-contestation des griefs) qui n'aboutissent pas toujours au constat clair et sans ambigüité d'une infraction des règles de concurrence. Quelles conséquences le juge de l'action de groupe sera-t-il susceptible d'en tirer ? Important, à moyen terme, loi de transposition de la directive européenne du

26 novembre 2014

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THEME 2 – CONSOMMATION / CONCURRENCE LE DÉVELOPPEMENT DES SANCTIONS CIVILES EN EUROPE

EN MATIERE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES UNE CERTAINE INSÉCURITÉ JURIDIQUE POUR LES ENTREPRISES

Voir pour le détail, fiche 13 en annexe 1

RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Y’a-t-il un risque de fragilisation des entreprises ? Jusqu’à présent en France et d’une manière générale en Europe, des sanctions administratives élevées coexistaient avec des sanctions civiles faibles et rares. A l’heure où les pouvoirs publics réfléchissent à la généralisation des contentieux de masse dans différents secteurs, les professionnels craignent non pas que la tendance s’inverse mais que, par un phénomène d’adjonction, on assiste à une augmentation des sanctions administratives ainsi que des sanctions civiles. Le droit français peut-il aménager une politique de sanction équilibrée ? En France, il y a encore très peu de décisions qui donnent lieu à une indemnisation au profit des victimes des pratiques anticoncurrentielles et le montant des dommages et intérêts accordés ne représente que 6 % des demandes en justice. On distingue deux systèmes d’application des règles de concurrence : le private enforcement (la réparation du dommage civil) et le public enforcement (sanction administrative). Alors qu’aux Etats-Unis, le droit de la concurrence est essentiellement mis en œuvre par l’intermédiaire d’actions civiles, l’Europe cherche à favoriser de telles actions tout en préservant l’action publique. Elle a adopté une directive régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions au droit de la concurrence le 26 novembre 2014, devant être transposée dans les droits nationaux au plus tard en 2017.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES

Adopter des règles claires et transparentes en matière d’accès aux dossiers lors des actions en réparation pour les dommages causés par des pratiques anticoncurrentielles

Limiter les dommages et intérêts en fonction de la sanction administrative ou la sanction administrative en fonction des dommages et intérêts accordés

Très important, à moyen terme (pour 2017), loi de transposition de la

directive européenne.

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THEME 3 – SOCIAL FAIRE DU DIALOGUE SOCIAL DANS L’ENTREPRISE

UN LEVIER DE CROISSANCE ET D’EMPLOI

Voir pour le détail, fiche 14 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

Décloisonner le dialogue social dans l’entreprise. Le droit français de la représentation des salariés, fondé sur une démultiplication des acteurs aux compétences redondantes (délégué du personnel, comité d’entreprise, CHSCT, comité de groupe, comité d’entreprise européen, délégué syndical, représentant de la section syndicale) et régulé par une série de seuils et d’obligations sans cohérence apparente, sclérose le dialogue social dans l’entreprise. Ses acteurs ne s’en saisissent alors que pour répondre aux exigences formelles de la loi, sous la menace du droit pénal (délit d’entrave), sans appréhender les opportunités économiques et sociales qu’il peut générer.

L’heure pour le législateur de saisir l’opportunité d’une refonte du système ? Alors même que les partenaires sociaux ont été impuissants à réformer en profondeur le système, le législateur doit se saisir de l’opportunité qui lui est ainsi offerte de partir d’une page blanche pour recréer les conditions d’un dialogue social mature, source de croissance et d’emploi dans l’entreprise. Il ne doit en aucun cas se contenter d’une réforme a minima, relativement consensuelle, mais qui ne dépasserait en rien les travers décriés.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES

Refondre le droit de la représentation du personnel dans l’entreprise, dans un objectif de simplification, de sécurisation et de développement économique. Pour cela :

- Limiter l’impact négatif du franchissement des seuils sociaux : Instaurer une période « transitoire » de 3 ans à compter du franchissement du

seuil ; Regrouper et clarifier certains seuils ; Ne retenir que deux modalités de calcul de l’effectif.

- Regrouper des instances existantes dans une représentation unique du personnel (RUP) à partir de 11 salariés. La RUP serait pour l’employeur le destinataire unique de l’ensemble des

informations/consultations, suivant des modalités plus souples qu’actuellement. L’instance s’organiserait autour d’une réunion mensuelle, et traiterait des questions d’hygiène, sécurité et conditions de travail dans une commission créée au-delà de 50 salariés ;

Le nombre d’interlocuteurs pour l’employeur serait également réduit, permettant de simplifier les échanges avec les représentants élus des salariés dans l’optique de leur professionnalisation. La diminution du nombre de représentants, en parallèle de la préservation du volume global d’heures de délégation, garantirait la qualité du dialogue social en valorisant les parcours syndicaux.

Important, à court terme, loi

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THEME 3 – SOCIAL ACCROÎTRE LA FLEXIBILITÉ DE NOTRE MARCHÉ DU TRAVAIL

ET SÉCURISER LES PARCOURS PROFESSIONNELS

Voir pour le détail, fiche 15 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS En finir avec la rigueur excessive des règles régissant notre marché du travail. Dénoncées par les organisations internationales, telle l’OCDE, la rigueur excessive des diverses réglementation régissant les conditions d’accès et de sortie du marché du travail français (contrat de travail, CDD, licenciement…) pénalise nos entreprises. Elles sont alors frileuses à embaucher en CDI, faute de visibilité économique à moyen terme, mais ne peuvent recourir simplement aux contrats temporaires en raison du pointillisme juridique qui les entoure. Poursuivre l’effort de flexisécurité engagé en 2008 par les partenaires sociaux. Seule une réforme du marché du travail dans le sens d’une flexibilité accrue en contrepartie d’une sécurisation du parcours professionnel permettra de contourner cet obstacle. Les partenaires sociaux l’ont d’ailleurs bien compris, qui ont introduit en droit français, en 2008, la rupture conventionnelle du contrat de travail dont on connaît depuis le succès. Les efforts en ce sens doivent donc être poursuivis, notamment en matière de rupture du contrat de travail où la contractualisation des causes de rupture, sur le modèle du contrat de projet, doit désormais prendre toute sa place. En revanche, à ce stade, la proposition d’un contrat de travail unique mérite d’être encore discutée, le CDD ayant un sens dans de nombreuses situations pour les entreprises.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Inscrire dans la loi la possibilité pour les parties au contrat de travail à durée

indéterminée de préciser, dès sa conclusion, que la réalisation du projet précis pour lequel il est conclu autorise l’employeur à y mettre fin par licenciement, la rupture n’étant alors qu’une simple faculté.

Assouplir les exigences du licenciement pour motif économique, par définition non

inhérent à la personne du salarié. Dans ce cas, restreindre le contrôle par le juge du motif de licenciement au seul constat de la suppression ou de la transformation de l’emploi, à l’exclusion de l’analyse du raisonnement et des choix économiques de l'employeur.

Important, à moyen terme, négociation nationale interprofessionnelle et/ou

loi

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THEME 3 – SOCIAL AFFIRMER L’AUTORITE CONVENTIONNELLE

DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR PROMOUVOIR L’EMPLOI

Voir pour le détail, fiche 16 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Une démocratie sociale bâillonnée ? La place de notre droit dans la compétition mondiale s’apprécie aussi au regard de sa capacité à reconnaître au contrat le rôle qui doit être le sien dans l’adaptation des règles étatiques aux situations individuelles. Cette souplesse s’impose particulièrement en droit du travail, le contrat collectif que figure la convention collective en étant le bras armé. Les évolutions récentes en la matière affirment la légitimité des partenaires sociaux et de leurs décisions et développent des instruments conventionnels de nature à préserver l’emploi. Pourtant, force est de constater que ces outils ne rencontrent pas le succès escompté, loin s’en faut : aucun accord de mobilité interne et à peine une dizaine d’accords de maintien de l’emploi en dix-huit mois, certains avec des effets paradoxaux, occasionnant plus de licenciements que ceux initialement envisagés. Qui dit légitimité dit autorité… Le droit français doit sortir de ce paradoxe d’une démocratie sociale où la légitimité des partenaires sociaux est impuissante à encadrer la volonté individuelle des salariés, sur la base d’une jurisprudence aujourd’hui mise en question par certains magistrats de la Chambre sociale de la Cour de cassation. Au contraire, il convient d’affirmer dans la loi que les partenaires sociaux, adoubés par les urnes, ont autorité à imposer aux salariés, par voie d’accord majoritaire, des modifications de leurs contrats de travail. Cette solution déjà envisagée ponctuellement – loi Aubry II38, loi Warsmann relative à la simplification du droit du 22 mars 201239 – est la seule de nature à garantir pleine efficacité à la négociation collective en matière d’emploi, faisant logiquement prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt individuel.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Inscrire dans la loi les conditions dans lesquelles une convention ou un accord collectif de travail prime sur le contrat de travail, indépendamment des règles relatives à la modification du contrat.

Important, à court terme, loi

38 Loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, JORF du 20 janvier 2000, p. 975. 39 Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, JORF du 23 mars 2012, p. 5226.

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THEME 4 – FISCAL SIMPLIFIER L’ENVIRONNEMENT NORMATIF POUR METTRE UN TERME À

L’OPACITÉ DE LA PRESSION FISCALE PESANT SUR LES ENTREPRISES LA NÉCESSAIRE RATIONALISATION DES PETITES TAXES

Voir pour le détail, fiche 17 en annexe 1

RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Avec plus d’une centaine de prélèvements obligatoires (contre environ 55 en Allemagne, par exemple), la France se distingue nettement de ses voisins de l’Union européenne par sa complexité source de coûts de gestion élevés et d’insécurité juridique pour les entreprises. La multiplication des taxes est une spécificité française, qui a pris de l’ampleur dans un contexte conduisant à solutionner le besoin de ressources par une pression fiscale toujours plus forte. C’est pourquoi la CCI Paris Ile-de-France s’est emparée de ce dossier dès 2012, considéré à tort comme secondaire, et a proposé des pistes pour une rationalisation de ces petites taxes fortement pénalisantes pour les entreprises40. Cette démarche ne dispense bien entendu pas d’une réflexion plus générale sur une réforme structurelle du système fiscal français soutenue par la CCI Paris Ile-de-France. À ce jour, elle poursuit ses travaux sur la rationalisation de l’environnement fiscal français, proposant, par exemple, la nécessaire simplification des formalités déclaratives incombant aux entreprises, ou encore le besoin de mettre un terme à l’opacité de la fiscalité locale aux fins d’attractivité territoriale et de compétitivité des entreprises.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Redéfinir les modalités de création et de suivi des petites taxes Simplifier les petites taxes par fusion ou suppression Important, à court terme, loi

40 Rapport « 30 milliards de « petites taxes » sur les entreprises à rationaliser », présenté par Monsieur Bruno Laubard et adopté en Assemblée Générale du 12 juin 2012

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THEME 4 – FISCAL AMÉLIORER LES RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION

FISCALE ET LES ENTREPRISES LE PROGRAMME DE « LA RELATION DE CONFIANCE » :

UN OUTIL DE COMPÉTITIVITÉ ET D’ATTRACTIVITÉ

Voir pour le détail, fiche 18 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Depuis plusieurs années, les entreprises constatent une dégradation de leurs relations avec l’administration fiscale, allant jusqu’à ressentir une « présomption de fraude » qui pèse sur elles. En parallèle, le durcissement de l’action du fisc, et l’intensification de la lutte contre la fraude, génèrent un climat fiscal hostile et conflictuel. Face à ce constat, l’ambition du projet de la Relation de confiance prend tout son sens : instaurer des rapports coopératifs et décomplexés entre l’administration fiscale et les entreprises. Outre le bouleversement sociétal et culturel qui en découlerait, les entreprises verraient leur gouvernance fiscale optimisée en termes de sécurité, de coût et de temps-homme. Ce programme est en phase d’expérimentation depuis octobre 2013, date à laquelle une quinzaine d’entreprises ont commencé à le mettre en œuvre. Un nouvel appel à candidatures a été lancé par la DGFIP le 4 juin dernier. La deuxième année d’expérimentation est en cours (depuis début 2015), les retours sont attendus pour septembre. Basé sur l’audition de ces entreprises et sur l’analyse des retours d’expérience à l’international, le rapport du 6 novembre 2014 élaboré par la CCI Paris Ile-de-France est fort de propositions concrètes pour l’amélioration de cette expérimentation.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Soutenir le programme en cours d’élaboration et contribuer à son amélioration pour, qu’à terme, il permette aux entreprises de gagner en compétitivité par une diminution des coûts de gouvernance fiscale et par une prévisibilité fiscale inédite. Important, à moyen terme, soft law

Suivre la deuxième année d’expérimentation actuellement en cours

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THEME 5 – PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE POUR UN RENFORCEMENT DE LA PLACE DE PARIS

EN MATIERE DE CONTENTIEUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

Voir pour le détail, fiche 19 en annexe 1 RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS À l’heure où le droit de la propriété intellectuelle est plus harmonisé que jamais (conventions internationales, ADPIC, directives communautaires), le système normatif français doit constituer un contrepoids au droit anglo-américain et continuer à inspirer le législateur communautaire dans les débats en cours ou à venir sur la protection des droits immatériels. En tout état de cause, une concurrence entre des systèmes de droit ne doit pas occulter celle entre les mécanismes juridictionnels. D’où l’importance de la consécration de la place de Paris comme division centrale de la juridiction unifiée des brevets et l’intérêt d’envisager le renforcement de ce lieu en matière de contentieux de la propriété intellectuelle. Ainsi, la création au sein du Tribunal de grande instance de Paris d’un pôle spécialisé en propriété intellectuelle, unifiant les voies civile et pénale et doté de moyens adéquats, conforterait l’efficacité et la cohérence du traitement de la contrefaçon pour toutes les entreprises – françaises et étrangères – titulaires de droits en France.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Créer au sein du Tribunal de grande instance de Paris un pôle spécialisé en propriété intellectuelle unifiant les voies civile et pénale et doté de moyens adéquats. Important, moyen terme, loi

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THEME 6 – INTERNATIONAL UNE ATTEINTE À LA SOUVERAINETE DU DROIT FRANÇAIS :

LE FORUM SHOPPING

Voir pour le détail, fiche 20 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNEES CLES

Y’a-t-il fragilisation des entreprises : Le forum shopping dans certaines matières de droit commercial est un moyen pour le demandeur d’obtenir ce qu’il n’obtiendrait pas, par exemple, en France (comme des dommages intérêts plus importants, ou l’application de la discovery si le for choisi est le for américain). Le droit français peut-il défendre les entreprises françaises ? Le droit français ne dispose pas de mesure permettant de lutter contre le forum shopping. L’introduction de l’anti-suit injunction pourrait aller en ce sens.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Introduire une anti-suit injunction en droit français avec effet extra communautaire. Accessoire, loi, à moyen terme

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THEME 6 – INTERNATIONAL UN EXEMPLE DE FRAGILISATION DES ENTREPRISES FRANCAISES :

L’APPLICATION EXTRATERRITORIALE DES LOIS AMERICAINES DES ENJEUX DE SOUVERAINETÉ

Voir pour le détail, fiche 21 en annexe 1

RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS Y’a-t-il fragilisation des entreprises françaises ? Oui. Les entreprises peuvent être soumises, quasi arbitrairement, à des règles étasuniennes. Cette extraterritorialité est le fruit d’une volonté des attorneys américains et des gouvernements fédéraux et locaux ; elle est le plus souvent un levier de négociation avec les entreprises (l’amende infligée à BNP ne l’a pas été par une juridiction, par exemple). Les juridictions américaines, lorsqu’elles sont saisies de la question de l’applicabilité extraterritoriale d’une loi étasunienne, ont quant à elles plutôt tendance à conclure à l’inapplicabilité de la règle en question41.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Favoriser une action européenne pour anticiper les effets de l’application extraterritoriale des lois étasuniennes. Assez important, à moyen terme, règlement européen

41 Voir en ce sens, infra, les décisions Morrison et Kiobel de la Cour suprême des Etats-Unis, concluant à chaque fois à l’inapplicabilité du droit américain, faute de critère de rattachement suffisant.

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THEME 6 – INTERNATIONAL LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES À L’ÉTRANGER APPELLE DES RÉPONSES GLOBALES ET CONCERTÉES, EUROPÉENNES OU INTERNATIONALES

Voir pour le détail, fiche 22 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

La multilatéralisation des règles du commerce international et la libéralisation de l’accès aux marchés, dans le cadre de l’OMC notamment, ont permis de créer des conditions de concurrence convergentes pour les opérateurs économiques internationaux. Le droit français n’est pas (ou plus) opératoire dans les échanges économiques et commerciaux internationaux, où la règle supranationale s’est substituée. Dans un monde où le commerce international ne consiste plus tant à vendre des biens qu’à fabriquer des biens à l’étranger (production et assemblage dans des chaînes de valeur mondialisées), la fragmentation des normes et des législations est dommageable. Plus grave encore, la tentation française de ne réguler qu’à l’échelle nationale les relations des entreprises avec leurs partenaires étrangers (sous-traitants, etc.) peut être dommageable dès lors qu’elle les met dans des situations de distorsion par rapport aux entreprises d’autres pays non soumises à ces règles.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES

Adopter une posture plus ouverte par rapport à la globalisation et privilégier une approche offensive.

Soutenir les négociations commerciales qui renforcent l’accès des entreprises aux

marchés internationaux, notamment dans les secteurs qui vont faire la croissance de demain (services, technologies de l’information et biens environnementaux).

Mieux associer, dans ces négociations, les entreprises, plus particulièrement les PME,

pour faire valoir leurs intérêts (consultations publiques et concertations préalables). Favoriser la mutualisation des moyens ou les groupements ponctuels d’entreprises

(comme lors d’un appel d’offre) permettant la création d’une « ETI de fait », nécessaire pour exister sur la scène internationale.

A moyen-long terme, influence

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THEME 6 – INTERNATIONAL L’IMAGE DE LA FRANCE ET DE SON DROIT

« SOIGNER SON IMAGE (AVEC SES ACQUIS) »

Voir pour le détail, fiche 23 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

Il faut faire des rankings un outil de marketing pour mieux communiquer sur un ensemble d’indices internationaux où la France a un bon positionnement : la France est ainsi bien placée dans des classements comme l’indice marque-pays "Country brand index" (13ème sur 118) ou les critères culturels de l’indice de globalisation (12ème devant l’Allemagne et le Royaume-Uni). Dans un contexte où les classements internationaux font écho à la compétition économique à laquelle se livrent les nouveaux acteurs de la globalisation, il importe de jouer sur tous les atouts et de mettre en avant les évolutions favorables, améliorations comme simplifications (quelle communication la France a-t-elle fait à l’étranger de son choc de simplification ?).

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Communiquer sur les aspects positifs du droit français Privilégier la communication sur les dimensions qualitatives des benchmarks Mettre en avant les progressions ("top risers") même modestes qui participent à créer

un environnement « business friendly » Faire valoir le positionnement de la France à travers ses entreprises Important, immédiat, influence

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THEME 7 – ARBITRAGE / MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENTS DES DIFFÉRENDS (MARD)

CONFORTER L’ATTRACTIVITE DE LA PLACE DE PARIS EN MATIERE D’ARBITRAGE INTERNATIONAL IMPLIQUANT

DES PERSONNES PUBLIQUES FRANÇAISES

Voir pour le détail, fiche 24 en annexe 1

RÉSUMÉ DONNÉES-CLÉS

Par ses nombreux atouts, Paris est un siège d’arbitrage international juridiquement sûr et pratique et l’un des plus communément choisi. Il doit le rester. De nombreux efforts ont été menés en ce sens pour renforcer la promotion de la place de Paris, ce qui participe de l’attractivité de la France dans le monde. C’est également un enjeu économique important pour la région Ile-de-France. - L’encadrement du droit de l’arbitrage récemment codifié et réformé en 2011 est

efficace et permet de régler la plupart des questions liées à sa mise en œuvre. Les juridictions parisiennes ont une grande expérience de ce type d’affaires et n’interfèrent ni avant, ni pendant la procédure. En cas de recours contre une sentence, elles n’interviennent que pour apprécier la validité de la convention d’arbitrage et le respect du principe du contradictoire.

- Paris offre une convergence d’expertise polyglotte (experts internationaux de l’arbitrage) et d’excellentes infrastructures (transport, hôtel…).

- Les coûts sont compétitifs par rapport à la moyenne européenne. Toutefois, un domaine particulier mérite attention : la question de l’arbitrage international impliquant des personnes publiques. L’attractivité de la place de Paris est ici amoindrie en raison des incertitudes créées par la jurisprudence récente du Tribunal des conflits et du Conseil d’Etat, auxquelles il serait opportun de remédier.

PROPOSITIONS HIÉRARCHISÉES Il conviendrait d’ajouter : un alinéa à l’article 2060 du Code civil, autorisant expressément les conventions

d’arbitrage en matière de contrats internationaux impliquant une personne publique ; un autre alinéa concentrant à nouveau la compétence du contrôle des sentences au

profit du juge judiciaire ; à l’article 1520 du Code de procédure civile, que le respect des principes fondamentaux

du droit public français (ce qui ne recouvre pas nécessairement toutes les règles impératives applicables aux contrats administratifs internes) par les sentences internationales impliquant une personne publique française doit faire l’objet d’un contrôle plein et entier.

Important, à moyen terme, loi

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THEME 7 – ARBITRAGE / MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENTS

DES DIFFÉRENDS (MARD) LE DEVELOPPEMENT DES MODES AMIABLES DE REGLEMENT

DES DIFFERENDS (MARD) : UN ENJEU D’ATTRACTIVITE POUR LA FRANCE

- L’EXEMPLE DU CMAP : CENTRE CREATEUR DE SOLUTIONS -

Voir pour le détail, fiche 25 en annexe 1

RÉSUMÉ

DONNÉES-CLÉS

Le besoin des entreprises est avéré pour un règlement des litiges rapides, consensuels et préservant la pérennité des relations commerciales. Depuis presque 20 ans le CMAP, précurseur, œuvre auprès des entreprises pour faire connaître et développer l’usage des modes amiables de règlement des différends (MARD) aux côtés de nombreux partenaires : plus de 3 500 conflits ont été résolus dans cette période par la médiation ou par l’arbitrage. De nombreux textes au niveau national comme européen ont consacré l’existence des MARD. Aujourd’hui, le ministère de la justice, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi justice du XXIème siècle, réfléchit au travers d’un Comité de pilotage dédié à la généralisation du recours à la médiation et à la conciliation via leur institutionnalisation. Ce mouvement participe à l’attractivité de notre pays en offrant aux entreprises des modalités également sûres et innovantes de règlement des litiges. Sans aller jusqu’à rendre le recours à la médiation obligatoire, la CCI Paris Ile-de-France partage l’objectif du Comité de pilotage de renforcer les incitations à recourir aux MARD et d’accroître les garanties offertes par les acteurs au travers notamment d’une réflexion à mener sur un socle de formation.

PROPOSITION HIÉRARCHISÉE Soutenir la démarche menée par le ministère de la justice de développer le recours aux modes alternatifs de règlement des différends. Inciter les juges à proposer les MARD aux parties. Indispensable, à court terme, décret, influence

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ANNEXE 1

FICHES DETAILLEES

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 1

RENFORCER L’ATTRACTIVITE DU MARCHE BOURSIER PAR LE DROIT ?

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Dans un contexte de concurrence des places financières européennes et mondiales42, un certain nombre de réflexions sur l’avenir de la place financière de Paris ont été lancées ces dernières années. On doit citer notamment les travaux de Paris EUROPLACE, ceux du comité de place de Paris 2020 ainsi, naturellement, que ceux de l'AMF. Le Sénat s’est également intéressé à la question : une série d’auditions avaient été menées en février 2014 par la Commission des finances, sous la présidence du sénateur Marini, sur le thème « Évolution et développement de la place financière de Paris ». Plus récemment, le Haut Comité Juridique de la Place Financière de Paris a tenu une première réunion le 28 janvier 2015, avec pour ambition d’anticiper les évolutions internationales, notamment eu égard au projet européen d’union des marchés de capitaux43 et de préciser les positions juridiques de la place financière de Paris. Trois axes principaux de réflexion peuvent être dégagés : - le droit des introductions en bourse et la sortie de la cote ; - la gouvernance des sociétés cotées, notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la

loi Florange44 ; - la fiscalité boursière. Sur le droit des introductions en bourse et la sortie de la cote Faisant suite au rapport final du groupe de travail sur les introductions en bourse, l'AMF a procédé à une modification de son règlement général45 et a adopté une position-recommandation46. La modification du cadre réglementaire vise à rendre plus compétitif notre droit, dans un contexte de reprise des introductions en bourse (IPO) sur les marchés européens et notamment Français. Il a ainsi été décidé :

42 Voir fiche 7. 43 COMMISSION EUROPEENNE, livre vert du 18 février 2012 « Construire l’union des marchés de capitaux », COM(2015) 63 final. 44 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, JORF n°77 du 1er avril 2014, p. 6227. 45 Arrêté du 14 janvier 2015 portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, JORF du 21 janvier 2015 p. 926. Cet arrêté modifie les articles 212-12 et 223-10-1 du règlement général de l'AMF. 46 AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS, position-recommandation sur les introductions en bourse, 21 janvier 2015, DOC-2015-02. [En ligne] http://www.amf-france.org/technique/multimedia?docId=workspace:// SpacesStore/b78085df-c346-496b-a975-13e31d2f80e4_fr_1.3_rendition.

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- d’autoriser la rédaction d’un prospectus d’introduction en langue anglaise, sous réserve de fournir un résumé en langue française ;

- d’offrir une plus grande flexibilité quant aux modalités de fixation du prix d’introduction ; - d’abandonner en conséquence l’obligation de présenter, dans le prospectus, les critères

d’appréciation de la fourchette de prix ; - d’offrir aux analystes des banques du syndicat de placement un accès aux informations en

amont de la publication du document visé par l’AMF, sous engagement de confidentialité. La place est parvenue à un accord sur l'assouplissement de la réglementation sur les IPO, ce dont certains auteurs se félicitent47. Pour d’autres48, la réforme aurait été trop timide en ce qu’elle n’a fait que remettre en cause des positions restrictives de l’AMF. Une autre réserve importante, exprimée par les chefs d’entreprise confrontés à la décision stratégique d’entrer ou non en bourse, repose sur la difficulté, le cas échéant, d’en sortir. Enfin, les coûts et contraintes réglementaires engendrés par une cotation boursière font encore reculer nombre de responsables d’entreprises. A cet égard, les travaux engagés au niveau européen dans le cadre du projet sur l’union des marchés de capitaux devraient conduire à l’élaboration d’un cadre juridique mieux adapté à la situation des PME/ETI. Sur certains aspects de gouvernance des sociétés cotées : la loi Florange

Notamment aux yeux de certains investisseurs étrangers, la loi Florange pose la question de l’attractivité de la place boursière de Paris à trois titres : - Tout d'abord, en ce qu'elle institue par défaut la règle droit de vote double au sein de

nos sociétés cotées, pour autant que les actionnaires détiennent leurs actions à titre nominatif depuis au moins deux ans. Si on assiste en ce moment à la suppression de la généralisation de ce mécanisme par les assemblées générales des sociétés cotées, sans doute est-ce précisément parce qu'il rencontre de fortes résistances de la part des investisseurs49. En d'autres termes, c'est bien le principe de la généralisation par la loi qui semble poser problème, mais pas le droit de vote double en lui-même, les sociétés choisissant majoritairement de revenir au statu quo ante. Si l'on se place du point de vue des investisseurs étrangers, cette généralisation des droits de vote double est perçue comme un signal négatif car en dépit de leur investissement, le poids politique d'un actionnaire de long terme pourrait être plus élevé du fait du doublement des droits. La chose est d’autant plus mal ressentie que, détenant souvent leurs actions sous la forme au porteur, ils se trouvent de facto exclus de l’avantage que constitue le doublement du droit de vote.

47 Bruno ZABALA, « La réforme des introductions en bourse : une évolution exemplaire », BRDA, 3/15, pp. 23-24. 48 Voir notamment en ce sens : Frank MARTIN-LAPRADE, « Bilan critique de la consultation publique de l’AMF sur les introductions en bourse », BJB 2015, p. 14 ; François BARRIERE, « La réforme des introductions en bourse », BJB 2015, p. 135. 49 A cet égard, 22 sociétés du CAC 40 reviendraient au doublement statutaire (par ailleurs 3 accepteraient la loi Florange) et 11 autres supprimeraient purement et simplement ce doublement légal.

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- Ensuite, en ce qu'elle supprime le devoir de neutralité des organes sociaux dans le cadre des offres publiques. Bien que cette disposition nous rapproche du droit néerlandais servant souvent de référence, le droit français semble désormais faciliter les mesures défensives. Il n'est donc pas certain que cela favorise la compétitivité de notre place...

- Enfin, en ce qu'elle favorise l'implication des représentants des salariés au sein des

offres publiques. L'immixtion des comités d'entreprise dans l'OPA, et notamment par le biais de l'information-consultation, peut être perçue comme un repoussoir en raison de l'image – souvent négative – attachée aux procédures de consultation des institutions représentatives du personnel.

Sur la fiscalité boursière

Dans le cadre de l’audition de février 2014 au Sénat, Gérard Mestrallet, président de Paris EUROPLACE et président-directeur général de GDF SUEZ, évoquait « la surfiscalité qui affecte le secteur financier ». La crainte des conséquences d’une fiscalité trop lourde applicable aux opérations sur titres de sociétés cotées sur l’attractivité de la place de Paris a également été affirmée par le Comité place de Paris 202050. Paris EUROPLACE combat également de manière vigoureuse l’idée d’une taxe sur les transactions financières (TTF) au niveau de l’Union européenne51. Pour mémoire, le droit fiscal français prévoit déjà un mécanisme de taxation applicable à certaines transactions financières, et notamment boursières. Ainsi et au-delà des taxes sur les CDS souverains52 et sur les ordres annulés dans le cadre du trading algorithmique53, il existe une taxe sur les acquisitions de titres de capital ou titres assimilés54 cotés. Cette dernière taxe s'applique à toute acquisition à titre onéreux d'un titre de capital ou assimilé dès lors qu’il est admis aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger, que son acquisition donne lieu à un transfert de propriété, et qu'il est émis par une entreprise dont le siège social est situé en France et dont la capitalisation boursière excède un milliard d'euros. Le redevable de la taxe est le prestataire de services d'investissement (PSI) intermédiaire et le taux est fixé à 0,2 % du prix payé pour l'acquisition du titre. Allant beaucoup plus loin que les textes français, le projet européen aurait vocation à embrasser davantage d’opérations. En effet, la proposition de directive vise à imposer tous types de transactions (et pas seulement les ventes) portant sur toute sorte d’instruments financiers négociés sur tout marché (marché réglementé, MTF, OTF, internalisateurs systématiques) même de gré à gré. En définitive et du fait notamment de l’extension de son 50 PARIS EUROPLACE, communiqué de presse du 1er décembre 2014, 2ème réunion du Comité Place de Paris 2020 – « Premières mesures d’urgence et engagements dans la durée pour relancer la compétitivité de Paris et l’attractivité des sièges sociaux ». [En ligne] http://www.paris-europlace.net/files/CP_Comite_Place_de_Paris_ 2020_01-12-2014.pdf. 51 Proposition de directive du Conseil du 14 février 2013, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières, COM(2013) 71 final. 52 Article 235 ter ZD bis du Code général des impôts. 53 Article 235 ter ZD bis du Code général des impôts. 54 Article 235 ter ZD du Code général des impôts.

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champ, cette taxe pourrait avoir un impact négatif sur l’attractivité des places des pays participant à la coopération renforcée, dont la Grande Bretagne ne fera pas partie du fait de son opposition55. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Sur le droit des introductions en bourse et la sortie de la cote En matière d’introduction en bourse, il faudrait approfondir les réflexions sur la possibilité d’aller plus loin que la récente réforme. Cela pourrait notamment passer par la suppression de l’obligation de prévoir, à l’occasion d’une introduction en bourse, une offre au public de titres destinée aux investisseurs retail à hauteur de 10% du montant global de l’opération. En effet, cette exigence fait figure d’exception au plan international. En outre, dans un souci d’attirer davantage de PME/ETI et de sociétés à faible capitalisation vers les marchés boursiers, il pourrait être envisagé d’alléger les obligations réglementaires qui pèsent à leur charge. Notamment, le contenu du prospectus devrait être davantage simplifié pour ces sociétés56. Par ailleurs, une évaluation des possibilités d’assouplir les conditions de retrait de la cote serait également la bienvenue. Sur la fiscalité boursière Il serait opportun de faire peser davantage la question de l’attractivité des places financières dans les débats portant sur le projet européen de TTF. A cet égard, il apparaît important de suivre les évolutions en cours et de veiller notamment au champ d’application de cette taxe qui pourrait s’avérer démesurément large.

55 Voir le recours du Royaume-Uni contre la décision du Conseil d’autoriser cette coopération renforcée : CJUE, 30 avril 2014, Royaume-Uni c/ Conseil, aff. C‑209/13. 56 Article 7 §.2 pt. e) de la directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003, JOUE L 345 du 31 décembre 2003, p. 64, révisée. Ce texte prévoit en effet un régime d’information, pour les PME et les sociétés à faible capitalisation boursière, proportionné à leur taille et à leur historique. Force est de constater qu’à l’heure actuelle, les schémas de prospectus mis en place par la Commission européenne sont encore trop contraignants pour ces émetteurs. Voir annexe XXV du règlement CE n° 809/2004 du 29 avril 2009 révisé, JOUE L 149 du 30 avril 2004, p.3.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 2

UNE REFORME NECESSAIRE DU CONTENTIEUX BOURSIER ? I – PROBLÉMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Le traitement du contentieux boursier en France est complexe Une autorité publique indépendante (AMF) instruit et sanctionne, le cas échéant, les manquements aux règles qu’elle a édictées (manquement d’initié, manipulation de cours, manquement aux obligations d’information et manquement aux obligations professionnelles). Le juge pénal instruit et sanctionne, le cas échéant, les infractions pénales, définies par la loi, dont il a connaissance (délit d’initié, délit de manipulation de cours, délit de diffusion de fausses informations, notamment). Mais c’est le juge civil qui doit être saisi par les investisseurs victimes qui souhaitent obtenir réparation du préjudice qu’ils auraient subi du fait d’un manquement ou d’un délit boursier, ou le juge pénal sur constitution de partie civile. Le traitement du contentieux boursier n’est pas satisfaisant La durée du contentieux boursier pose un réel problème d’attractivité Si la procédure devant l’AMF est relativement rapide, les délais judiciaires sont trop longs pour des opérations boursières qui impliquent pourtant une très grande réactivité. Des exemples, largement médiatisés, en témoignent : Dans l’affaire Altran, le Tribunal correctionnel de Paris a renvoyé le 4 juin 2014 la procédure au Ministère public aux fins de régularisation de l’ordonnance de renvoi ; les faits reprochés (divers délits dont la diffusion d'informations fausses ou trompeuses) datent de 2001 et plusieurs juges d’instruction se sont succédé. L’affaire est toujours en cours. Dans l’affaire Péchiney, cinq personnes ont été condamnées le 26 septembre 2014 par le Tribunal correctionnel de Paris pour des délits d’initiés commis lors de l’offre publique d’Alcan sur Péchiney de 2003. L’affaire est toujours en cours. Quant à l’affaire EADS, le Tribunal correctionnel de Paris a ajourné le 3 octobre 2014, soit huit ans après les faits, le procès pour délits d'initiés reprochés aux sociétés Lagardère SCA et Daimler AG ainsi qu’à des cadres d'Airbus et d'EADS, et soulevé une QPC relative à

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l’application du principe non bis in idem. La décision du Conseil constitutionnel du 18 mars 201557 met un terme à une procédure pénale extrêmement longue. Principalement répressif, le contentieux boursier ne prend pas assez en compte le préjudice subi par les investisseurs L’AMF ne peut pas indemniser les investisseurs lésés. Le juge civil n’accepte de ne réparer que la perte d’une chance et non l’intégralité du préjudice éventuellement subi, difficile à évaluer dans la plupart des hypothèses. Le cumul possible des sanctions administratives et pénales est un élément d’insécurité juridique susceptible d’affaiblir l’attractivité de la place financière française L’articulation actuelle des dispositions du Code monétaire et financier et de celles du Règlement général de l’AMF permet que des poursuites administratives et pénales puissent être engagées parallèlement pour un même fait répréhensible. En effet, même si l’AMF transmet à la justice pénale des éléments en sa possession (si elle a, en cours d’enquête, connaissance de faits dont elle pense qu’ils pourraient être qualifiés de délit), deux instructions peuvent se poursuivre concomitamment : - la procédure devant l’AMF, qui se conclut généralement rapidement (en moyenne un an

d’enquête et 18 mois de procédure devant la commission des sanctions). Elle peut déboucher sur une sanction pécuniaire susceptible de recours devant la cour d’appel de Paris ou, dans le cas où un prestataire de services d’investissement est concerné, devant le Conseil d’Etat ;

- la procédure devant la juridiction pénale (le Tribunal correctionnel de Paris), qui connaît le plus souvent une issue tardive. Elle peut se conclure par une amende ou une peine d’emprisonnement. Les recours sont également portés devant la cour d’appel de Paris.

Ce cumul possible de poursuites et, le cas échéant, de sanctions a été mis à mal par la Cour européenne des droits de l’Homme58, qui a considéré que le cumul des poursuites était contraire à l’article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et est également difficilement compatible avec le droit de l’Union européenne. Notamment, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantit le droit à ne pas être jugé ou puni pénalement deux fois pour une même infraction, et la directive relative aux abus de 57 Conseil constitutionnel, 18 mars 2015, M. John L. et autres, n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC, Les petites affiches, 24 mars 2015, p. 4, note Olivia DUFOUR ; JCP G 2015, p. 605, note Frédéric SUDRE ; ibid., p. 609, note Jacques-Henri ROBERT. 58 Voir notamment : CEDH, 4 mars 2014, Grande Stevens contre Italie, Les petites affiches, 30 avril 2014, p. 4, note Olivia DUFOUR ; AJ Pénal 2014, p. 180, note Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE ; Revue de droit bancaire et financier 2014, comm. 83, commentaire Pauline PAILLER ; Droit des sociétés 2014, comm. 87, commentaire Stéphane TORCK ; Bulletin Joly bourse 2014, p. 209, note Jérôme CHACORNAC ; Revue des sociétés 2014, p. 675, note Haritini MATSOPOULOU ; Revue de sciences criminelles 2014, p. 110, obs. Frédéric STASIAK ; BRDA 2014, n° 8, p. 21 ; Banque et droit mai 2014, p. 43, note Anne-Claire ROUAUD ; RJDA 2014, n° 638 ; Revue trimestrielle de droit financier 2014/2, p. 149, obs. Nicolas RONTCHEVSKY.

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marché59 met en garde les Etats membres contre les risques de violation du principe non bis in idem :

Considérant (23) "Lors de l’application du droit national transposant la présente directive, les États membres devraient veiller à ce que l’application de sanctions pénales en cas d’infractions conformément à la présente directive et de sanctions administratives conformément au règlement (UE) no 596/2014 n’entraîne pas une violation du principe non bis in idem."

Les plus hautes juridictions françaises60 ont admis ce cumul de sanctions sous réserve que le montant global des amendes susceptibles d’être prononcées ne dépasse pas le plafond de la sanction encourue la plus élevée. Mais cette jurisprudence a fait l’objet de sérieuses critiques et la Cour de cassation a accepté, fin 2014, de renvoyer au Conseil constitutionnel plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité relatives au cumul de poursuites pénale et administrative pour opérations d’initié61. Le Conseil constitutionnel a ainsi rendu sa décision le 18 mars 2015. Il a rappelé sa jurisprudence selon laquelle le principe de nécessité des délits et des peines énoncé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l'objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction. Mais il a estimé que les articles L. 465-1 (délit d’initié) et L. 621-15 (manquement d’initié) du Code des marchés financiers n’étaient pas conformes à ce principe dès lors que « les sanctions du délit d'initié et du manquement d'initié ne peuvent être regardées comme de nature différente en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction ». Pour ne pas laisser un vide juridique préjudiciable au marché, le Conseil constitutionnel a reporté les effets de sa décision au 1er septembre 2016.

59 Voir : Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché, JOUE L. 173 du 12 juin 2014, p. 179. 60 Conseil Constitutionnel, 28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, n° 89-260 DC, Pouvoirs, 1990, p. 189, note Pierre AVRIL et Jean GICQUEL ; Revue française de droit administratif 1989, p. 671, obs. Bruno GENEVOIS ; Cass. crim., 21 janvier 2014, Bull. crim. no 22 ; D. 2014, p. 1572, obs. Corinne MASCALA ; Revue des sociétés 2014, p. 321, note Bernard BOULOC ; RTD com. 2014, p. 159, obs. Nicolas RONTCHEVSKY ; AJ pénal 2014, p. 180, obs. Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE ; Revue de sciences criminelles 2014, p. 106, obs. Frédéric STASIAK ; JCP G 2014, 345, note Cristina MAURO ; Droit des sociétés 2014, comm. 56, note Renaud SALOMON ; Bulletin Joly Bourse 2014, p. 203, note Jérôme CHACORNAC ; Revue Lamy droit des affaires avril 2014, p. 26, obs. Anne-Dominique MERVILLE ; Revue de droit bancaire et financier 2014, comm. 83, obs. Pauline PAILLER ; Banque et Droit mai-juin 2014, p. 25, obs. Boubou KEITA; ibid., p. 39, obs. Anne-Claire ROUAUD ; RJDA 2014, no 639; Droit pénal 2014, comm. 67, note Evelyne BONIS-GARÇON. 61 Voir notamment : Cass. crim., QPC, 17 décembre 2014 (2 arrêts), D. 2015, p. 7 ; Banque et Droit janvier 2015, p. 79, obs. Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE ; Droit pénal 2015, no 23, note Jacques-Henri ROBERT ; RJDA 2015, n° 196 ; Droit des sociétés 2015, no 58, note Renaud SALOMON ; Cass. crim, QPC, 28 janvier 2015 n° 14-90.049.

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Il appartient donc au législateur de modifier le code monétaire et financier pour tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel. Les directives MIF62 et abus de marché63 devant être transposées au plus tard le 3 juillet 2016, sans doute serait-il de bonne pratique législative que de traiter l’ensemble des questions soulevées dans un même texte. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Des réflexions sont en cours : au niveau ministériel, interministériel, à l’AMF, et au sein d’autres instances, notamment au CREDA, Centre de recherche en droit des affaires de la CCI Paris Ile-de-France. Une première solution consisterait, ainsi que semble y inviter le Conseil constitutionnel, à réécrire les éléments matériels qui définissent les manquements et les délits, c’est-à-dire reformuler les articles L. 465-1 (délit d’initié) et L. 621-15 (manquement d’initié) du Code monétaire et financier. Mais cette réforme a minima ne permet pas de prévenir le risque de censure des dispositions sanctionnant les autres abus de marché que sont la diffusion d’informations fausses ou trompeuses et les manipulations de cours. Il conviendrait donc de réécrire également l’article L. 465-2 et l’article L. 621-15 d) intégralement. Une deuxième solution consisterait à organiser un aiguillage entre la procédure pénale et la procédure administrative. Mais pour répondre véritablement à la problématique soulevée et permettre à la place financière de Paris d’être plus attractive, il conviendrait d’améliorer la procédure pénale ; notamment en faisant en sorte que les délais de procédure soient raccourcis (par exemple, repenser la place du juge d’instruction, introduire la reconnaissance préalable de culpabilité…) et en articulant les règles en tenant compte du Parquet financier. Une troisième solution consisterait en la création d’un tribunal des marchés financiers qui traiterait l’intégralité du contentieux boursier au sein d’une juridiction unique, y compris le contentieux de la réparation. Cela présenterait – outre l’avantage d’une extrême spécialisation à tous les stades de la procédure, d’une répartition plus cohérente des missions, que ce soit au niveau de l’instruction ou de l’élaboration de la sanction –un accès plus aisé à la justice pour les investisseurs ayant subi un préjudice du fait de la diffusion d’une fausse information ou d’une manipulation de cours …

62 Directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE, JOUE L. 173 du 12 juin 2014, p. 349. 63 Précitée note 59

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 3

UN FACTEUR D’ATTRACTIVITÉ DU DROIT FRANÇAIS : LE DROIT DES SOCIETES

I – PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Matière par essence liée à une certaine compétition entre les Etats, le droit des sociétés a été le support des premières études américaines portant sur « l’effet Delaware », c’est-à-dire la propension d’un territoire à attirer l’implantation des entreprises. On évoquait alors le phénomène de « race to the bottom », soit la course au moins-disant normatif ; les études étasuniennes réalisées dans les années 1970 considérant que l’intervention du législateur dans la vie des sociétés était nécessairement inadaptée et nuisible. Bien que l’effet Delaware se soit en partie affaibli64, la problématique de l’attractivité des territoires et des droits qu’il soulève demeure présente. C’est pourquoi il est opportun de se demander si le droit français des sociétés favorise l’attractivité de notre droit au regard de ses dernières évolutions. Historiquement perçu comme ayant vocation à protéger les intérêts des associés, le droit des sociétés opère, depuis le début de ce siècle, une lente mue par laquelle son épicentre tend à se déplacer dans une double mesure. D’une part, le droit des sociétés national - principalement celui des S.A. - tend à subir une influence européenne grandissante, de nombreuses normes françaises trouvant leur origine dans des textes issus du droit européen. Cette uniformisation des règles limite de fait les possibilités de se distinguer et, donc, d’être attractifs les uns par rapport aux autres. D’autre part, le droit des sociétés passe de la protection d’intérêts des associés à la considération progressive des attentes d’autres « collectivités », à savoir les parties prenantes au sein de l’entreprise ou au-delà. A cet égard, on peut noter que la responsabilité sociétale des entreprises, qui se développe à la fois en Europe et en France, entend favoriser la prise de conscience par les sociétés de leur influence sur leur environnement sociétal. Le basculement s’opère alors entre une société centrée sur ses membres et une société ouverte sur les stakeholders. C’est donc sur la prise en compte de ceux-ci que peut se jouer une partie de l’attractivité du droit français.

64 Car n’étant plus lié au nombre de normes, mais plutôt à leur qualité et au nombre d’embûches qu’elles pourraient poser aux entreprises.

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Au fil des nombreuses réformes qui l’ont émaillé depuis près d’une vingtaine d’années, le droit des sociétés français s’est doté d’instruments de compétitivité, dont trois peuvent être identifiés : - la création de la SAS, et surtout le fait qu’elle se soit libéralisée depuis sa création en

1994. Cette société, qui offre une grande liberté dans sa création (pas de capital social minimal, possibilité de l’unipersonnalité, autorisation de tout type d’apports) mais aussi dans son fonctionnement (nombreuses clauses statutaires admises et possibilité de régler l’organisation de la société par les statuts), est un formidable instrument de compétitivité. Elle connaît d’ailleurs un très rapide développement ;

- l’ensemble des règles de gouvernance dans le cadre des sociétés cotées. Ces règles sont unanimement reconnues, sur la place de Paris, comme étant performantes, car elles constituent une adaptation originale des règles anglo-américaines, pionnières en la matière. En d’autres termes, la gouvernance française importe les bons côtés de la gouvernance anglo-américaine, en ne retenant pas la sévérité de ces règles, telle que la composition impérative de comités du conseil d’administration ou encore l’introduction des comparaisons entre les rémunérations des dirigeants et des salariés ;

- la place laissée à la soft law en droit français des sociétés. De nombreux pans de la

règlementation applicable aux sociétés françaises (gouvernance, communication des informations non financières…) sont des règles qui laissent une grande marge de manœuvre aux entreprises. La possibilité de moduler l’application de certaines lois représente assurément un outil de compétitivité pour notre droit, en ce qu’il peut être mieux adapté à l’activité et aux préoccupations des diverses sociétés. Il faut toutefois veiller à préserver la place de la soft law. Récemment, de nombreux accrocs65 l’ont éraillé et il convient d’être vigilant en la matière.

II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Pour rendre encore plus compétitif le droit français des sociétés, il conviendrait d’entreprendre une opération de réduction des contraintes affectant les entrepreneurs, notamment en simplifiant les règles existantes. Plusieurs pistes sont à mettre en œuvre concernant les S.A. non cotées :

65 On peut citer par exemple à la proposition relative au devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre, précitée note 21, qui intègre maladroitement dans la loi une obligation de mise en place d’un plan de vigilance par la société mère pour les agissements de ses filiales, alors même que cette pratique devrait être du ressort de la soft law. De même, l’article 58 du projet de loi n°300 du 19 février 2015 sur la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques entend régir légalement le cumul de mandats, alors que le Code Afep-Medef régit déjà efficacement ce domaine. [En ligne] http://www.senat.fr/leg/pjl14-300.html.

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Tout d’abord, il serait possible d’alléger les règles relatives à leur création et deux possibilités sont envisageables :

- L’admission de la création de sociétés anonymes unipersonnelles, et l’adaptation des

règles de gouvernance en conséquence. La simplification des conditions de création de la société anonyme devrait en effet s’accompagner d’une simplification plus globale du fonctionnement des sociétés anonymes fermées, en introduisant par exemple le mécanisme de l’administrateur unique ;

- L’introduction des apports en industrie dans ces sociétés. Actuellement, les sociétés anonymes sont les seules sociétés à ne pas connaître des apports de savoir-faire. Les admettre permettrait de constituer plus aisément des sociétés anonymes non cotées et favoriserait, dans un contexte économique où l’immatériel constitue de plus en plus souvent un avantage concurrentiel fort, la compétitivité de notre droit.

Ensuite, des règles relatives au statut des dirigeants des sociétés anonymes - toujours non

cotées - pourraient être simplifiées, et ce afin de faciliter leur lecture. À ce titre, les règles applicables au cumul des mandats sociaux sont d’une trop grande complexité entre les divers principes énoncés selon les mandats envisagés et les diverses exceptions qui leurs sont relatives. Il conviendrait sans doute de limiter le rôle de la loi à l’énonciation d’un principe global de limitation des cumuls, et de laisser la soft law organiser plus précisément ces règles de non cumul.

Enfin, les dispositions relatives aux assemblées générales pourraient être modifiées afin de réduire les embûches liées à la tenue de ces réunions au cours desquelles sont prises d’importantes décisions. Plusieurs pistes à explorer :

- Il serait opportun d’exclure les sociétés non cotées de l’alinéa 2 de l’article L. 225-129-

6 du Code de commerce, qui impose de convoquer, dans les sociétés dont 3% du capital est détenu par les salariés, une assemblée générale tous les trois ans afin de statuer sur l’opportunité de faire une augmentation de capital réservée aux salariés. Il est en effet commun de considérer que les obligations de cet alinéa sont formelles, car l’assemblée générale doit uniquement se prononcer sur l’opportunité de faire participer les salariés à une augmentation du capital. La participation des salariés à l’augmentation du capital d’une société reviendrait alors du choix de bonne gouvernance de la société, qui devrait être responsabilisée ;

- Enfin, il faut pousser à la généralisation de l’outil numérique à la vie des sociétés. Les

technologies de l’information et des communications (TIC) sont déjà utilisées, par exemple, pour les réunions du conseil d’administration, sauf pour l’arrêté des comptes66. Il serait ainsi possible de généraliser l’utilisation des TIC aux assemblées

66 L’article L. 225-37 du Code de commerce dispose en effet, dans son alinéa 3 : « Sauf lorsque le conseil est réuni pour procéder aux opérations visées aux articles L. 232-1 et L. 233-16 et sauf disposition contraire des statuts, le règlement intérieur peut prévoir que sont réputés présents, pour le calcul du quorum et de la majorité, les administrateurs qui participent à la réunion par des moyens de visioconférence ou de télécommunication permettant leur identification et garantissant leur participation effective, dont la nature et les conditions d'application sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Les statuts peuvent limiter la nature

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générales d’actionnaires, créant de fait des « assemblées générales virtuelles ». Une proposition a été formulée en ce sens par le Sénat67, pour les sociétés non cotées68.

des décisions pouvant être prises lors d'une réunion tenue dans ces conditions et prévoir un droit d'opposition au profit d'un nombre déterminé d'administrateurs ». 67 Proposition de loi n° 790 du 4 août 2014 de simplification, de clarification et d’actualisation du Code de commerce. [En ligne] http://www.senat.fr/leg/ppl13-790.html. 68 A terme, les assemblées générales virtuelles pourraient être étendues aux sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, mais à condition de renforcer la sécurité attachée au processus de vote. Une limite doit toutefois être soulevée : celle du coût attaché au mécanisme de dématérialisation des assemblées générales. En effet, les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurisation des échanges entre les actionnaires et la société coûte cher, comme le démontre le coût de VOTACCESS (plateforme permettant le vote sur internet), qui ne peut être assumé pour le moment que par les sociétés du CAC 40.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 4

LE DROIT DES ENTREPRISES EN DIFFICULTÉ EST-IL ADAPTÉ / COMPÉTITIF PAR RAPPORT À D’AUTRES DROITS, NOTAMMENT ANGLO-AMÉRICAINS ?69

APPORTE-T-IL DES ARMES JURIDIQUES EFFICACES AU REGARD DES AUTRES SYSTÈMES JURIDIQUES ?

I – PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Depuis la loi de sauvegarde de 200570, réviser le droit national des entreprises en difficulté fait partie des thèmes récurrents : pas moins de trois réformes d’ampleur ont vu le jour – en 200871, 201072 et 201473 – sans compter d’autres modifications plus ponctuelles. Par ces réformes, le législateur avait pour objectif une meilleure adaptation de ce droit à la pratique, mais aussi d’inciter les entreprises à utiliser les outils de la prévention, qui est une des spécificités du droit français et vecteur de sa compétitivité, en considération des autres droits qui privilégient l’intervention a posteriori des juridictions. Toutefois, à trop réformer, un risque guette le droit des entreprises en difficulté, celui d’une plus grande complexification et stratification… Toujours est-il que le droit français se différencie à plus d’un titre des autres législations européennes. Avant tout, il offre l’avantage de traiter des difficultés avérées, de manière totalement confidentielle et dans un cadre judiciaire sécurisé par le biais des procédures amiables. En outre, et à l’inverse de la plupart des législations nationales en Europe74, le droit Français n’est traditionnellement pas pro-créancier. En effet, la sauvegarde comme le redressement judiciaire visent à « permettre la poursuite de l’activité économique, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif »75. L’objectif de remboursement des créanciers arrive donc en troisième position. Il doit enfin être noté que le chef d’entreprise dispose de la possibilité de se mettre sous la protection du tribunal, dès lors qu’il anticipe des difficultés qu’il ne sera pas en mesure de surmonter, en demandant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde76. Ces spécificités du droit français ne le rendent toutefois pas rétif aux changements. En effet, bien que les intérêts des créanciers ne soient pas prioritaires dans le traitement des 69 Les développements qui suivent s’appuient sur des échanges réalisés avec des experts de la matière : Michel GERMAIN, Professeur à l’Université Panthéon-Assas et Président de l’Observatoire consulaire des entreprises en difficultés de la CCI Paris Ile-de-France ; Alain LIENHARD, Directeur éditorial Dalloz ; François-Xavier LUCAS, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne. 70 Loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, JORF du 27 juillet 2005, p. 12187. 71 Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté, JORF du 19 décembre 2008, p. 19462. 72 Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, JORF du 23 octobre 2010, p. 18984. 73 Ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives, JORF du 14 mars 2014, p. 5249. 74 Tels que les droits britannique, allemand, italien, belge… 75 Article L. 620-1 du Code de commerce. 76 Introduite par la loi 26 juillet 2005 précitée note 70, cette procédure a été inspirée par le droit fédéral américain, et plus précisément son chapter 11.

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difficultés des entreprises, il apparaît que les tendances récentes leur confèrent une place plus importante, introduisant dans notre droit des mécanismes anglo-américains. C’est notamment le cas de la sauvegarde accélérée et la sauvegarde financière accélérée (SFA)77, ou encore la possibilité offerte, sous conditions78, aux créanciers de présenter des plans concurrents. Dans le même sens, une autre évolution issue du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 79 doit être évoquée : l’exclusion des actionnaires afin de les remplacer par certains créanciers dans des hypothèses bien précises. On peut regretter que cette éviction soit laissée à la seule appréciation du juge, sans qu’il n’ait été prévu de vérifier qu’elle représente le meilleur désintéressement des créanciers, comme c’est le cas aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Italie par exemple80. En dépit de cette évolution qui est susceptible d’envoyer un message négatif aux investisseurs et, qui pourrait être considérée comme une mesure contraire à l’attractivité du droit français des entreprises en difficulté, force est de constater que notre droit peut représenter une source d’inspiration pour d’autres législations. C’est d’ailleurs le cas du droit de l’Union européenne, car la recommandation 2014/135/UE de la Commission européenne du 12 mars 2014 tend à privilégier une nouvelle approche en matière de défaillances et d’insolvabilité des entreprises, visant les procédures de pré-insolvabilité ainsi que le rebond de l’entreprise. Un autre exemple peut être donné avec les fonds de garantie des salariés, inspirés de notre AGS créée lors du premier choc pétrolier, qui ont été généralisés par une directive du début des années 2000. Notre droit des entreprises en difficultés reste encore cependant à parfaire au regard du droit social. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS • Proposition : créer un droit social des entreprises en difficultés On peut s’étonner qu’il n’y ait pas encore de droit social des entreprises en difficulté auquel les juges et les praticiens pourraient se référer. Chaque révision du droit des entreprises en difficulté vient apporter son lot de modifications et d’adjonctions au droit du travail sans qu’aucune réflexion d’ensemble ne soit jamais menée. Nombre de mesures sociales pensées pour les entreprises in bonis se révèlent difficilement applicables aux entreprises en procédures collectives. Il en va ainsi, par exemple, des mesures de reclassement et des PSE. Et que dire des indemnisations accordées aux salariés dès qu’apparaît un manquement à un formalisme difficile à tenir en situation de cessation

77 Ces procédures peuvent rappeler le mécanisme anglais du pre-packaged plan, c’est-à-dire la négociation d’une phase amiable, puis l’ouverture d’une sauvegarde pour faire voter le plan par les comités de créanciers. 78 A condition qu’un comité de créanciers ait été mis en place, c’est-à-dire lorsque l’entreprise débitrice emploie plus de 150 salariés et qu’elle génère un chiffre d’affaires supérieur à 20 millions d’euros hors taxes. 79 Article 70 du projet de loi, précité note 65. 80 On parle alors de best interest test, par lequel il y a une comparaison des avantages issus de l’exclusion des associés et ceux issus de la liquidation judiciaire de la société.

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des paiements, celles-ci étant prises en charge par l’AGS, autrement dit la collectivité des entreprises. Pour ne prendre qu’un seul exemple, il suffit d’examiner le dispositif du pre-packaged plan introduit en conciliation par l’ordonnance du 12 mars 2014. Cette novation, attendue par les praticiens, se révèle impossible à mettre en œuvre en l’absence d’un véritable droit social de l’entreprise en difficulté. En effet, en l’absence de dérogation, le chef d’entreprise se trouve dans l’obligation d’informer et de consulter les institutions représentatives du personnel, provoquant de manière immédiate la perte de la confidentialité, pourtant indispensable en procédure amiable. Cette disposition est ainsi rendue inopérante... • Pistes de réflexion : comment améliorer la lisibilité au droit des entreprises en

difficultés ? Au fil des réformes depuis 2005, notre droit a eu tendance à se stratifier et donc se complexifier selon un rythme trop rapide. De fait, il comporte un grand nombre de procédures différentes : deux procédures amiables (mandat ad hoc et conciliation), trois formes de sauvegarde (sauvegarde de droit commun, sauvegarde accélérée et sauvegarde financière accélérée), un redressement judiciaire, deux types de liquidation judiciaire (de droit commun et simplifiée), un rétablissement professionnel. Ce système est devenu illisible pour les créanciers et les investisseurs, tout particulièrement s’ils sont étrangers. Dès lors, on peut se demander s’il n’y a pas trop de procédures. Autrement dit, ne serait-on pas arrivés à saturation ? On peut être tenté de répondre par l’affirmative, ce qui signifie qu’il faudrait alors faire disparaître de notre droit, les procédures jugées « non utiles » ou « non opportunes ». En reprenant les débats intervenus, dans le cadre des groupes de travail mis en place par la Chancellerie81, autour de la sauvegarde et du redressement judiciaire, on pourrait aller dans le sens d’une disparition du redressement judiciaire, ce d’autant plus que l’on a pu avoir le sentiment, au lendemain de l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde, que cette procédure perdait de son attrait82. La tâche est toutefois délicate, car il faudrait déterminer quelle procédure devrait être privilégiée pour les entreprises en cessation des paiements qui peuvent être redressées. Devrait-on les orienter vers la liquidation judiciaire ou vers la sauvegarde ? Dans le premier cas, cela signifierait qu’il n’y aurait plus que des plans de cession et des plans de sauvegarde. Dans le second cas, le risque serait grand de brouiller l'image de la sauvegarde, la conséquence inévitable étant une perte de son attractivité : il serait alors nécessaire d’introduire une différenciation entre les différentes situations (avec et sans cessation des paiements) ce qui reviendrait à recréer une forme de redressement judiciaire !

81 Dans les premiers mois de 2013, afin de débattre largement sur les évolutions possibles du droit des entreprises en difficulté. 82 Néanmoins, depuis l’entrée dans la crise, fin 2008, le redressement judiciaire a retrouvé tout son intérêt.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 5

LA TRANSFORMATION NUMERIQUE, LE FACTEUR CLE POUR LA CROISSANCE DES ENTREPRISES

I – PROBLÉMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Selon une étude83 de Capgemini Consulting en collaboration avec le MIT auprès de 400 entreprises, les résultats montrent que les entreprises les plus avancées numériquement, les « digirati84 », sont plus rentables de 26 % par rapport aux autres, génèrent 9 % de revenus supplémentaires par employé et sont mieux valorisées par les marchés financiers (12 %). La digitalisation est un processus schumpétérien qui favorise les nouveaux entrants. Les cartes vont être rebattues, au détriment des acteurs traditionnels, souvent des PME, qui ne sont pas suffisamment conscientes des risques à venir et des opportunités sur lesquelles se positionner. Le conflit entre Uber et les taxis n’en est qu’une petite illustration. Le modèle de disruption suivi par Uber l’avait déjà été par les plates-formes Internet de réservation de voyages, modifiant radicalement les chaînes de valeur du secteur du tourisme. Parce que la transformation digitale doit être au centre de la stratégie des entreprises, leurs business models vont être profondément modifiés ainsi que leurs chaînes de valeur. Globalement, la digitalisation est une réponse à la menace de « stagnation séculaire », mais c'est aussi une occasion d'une nouvelle jeunesse pour les entreprises de la « vieille » économie. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Aujourd’hui, nous sommes face à deux cultures financières différentes. D’un côté, les entreprises établies se satisfont de leurs positions dominantes, et reversent une partie de leurs bénéfices sous forme de dividendes aux actionnaires. De l’autre, on trouve les entreprises numériques qui actionnent tous les leviers possibles pour entretenir leur hyper croissance permanente, aux dépens de leurs marges. Elles croissent beaucoup plus vite, innovent à un rythme sans pareil, et finissent toujours par l’emporter dans la lutte pour le positionnement dans la chaîne de valeur et dans la bataille des marges.

83 CAPGEMINI CONSULTING, MIT SLOAN MANAGEMENT, The Digital Advantage: how digital leaders outperform their peers in every industry, 2012. [En ligne] https://www.capgemini.com/resource-file-access/resource/pdf/The_Digital_Advantage__How_Digital_Leaders_Outperform_their_Peers_in_Every_Industry.pdf. 84 Ces entreprises tirent pleinement profit des technologies digitales. Elles ont dans leur management des individus qui croient en ces opportunités dont elles regorgent et qui justement investissent pour s’assurer une transformation digitale exemplaire.

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Colmater les brèches, « en re-réglementant », revient à ériger des lignes Maginot. Ces réglementations, insuffisamment protectrices, laissent croire aux PME concernées que le « numérique ne passera pas » et leur interdisent a fortiori d’en devenir les nouveaux champions : - La proximité physique avec son client ne suffit pas : la qualité de service d’Amazon, de

Price Minister, de Ventes Privées ont fortement mis en difficulté, jusqu’à la survie, le libraire de quartier pourtant « si proche de son client », ou de distributeurs spécialisés en équipement de la maison ou en high-tech ;

- Les réglementations et « barrières à l’entrée » subissent la pression des consommateurs : les plates-formes telles qu’Airbnb bénéficient d’une telle popularité qu’il est difficile pour les pouvoirs publics de limiter leur activité ;

- La non-délocalisation est une protection illusoire : l’hôtellerie a par nature une activité

non-délocalisable ; elle a pourtant subi une profonde mutation de son modèle économique, avec l’apparition en moins de 10 ans de nouveaux opérateurs Internet qui lui « déroutent » de 15 à 30 % de ses ventes en ligne, et qui sont devenus incontournables…

Si les exceptions se multiplient, si l’on n’abaisse pas les barrières réglementaires à l’innovation de modèle d’affaires, alors notre politique publique ne sera plus au service de l’innovation, principal facteur de la croissance et moteur du développement économique.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 6

LA VENTE INTERNATIONALE DE MARCHANDISES : LE DROIT FRANÇAIS, BIEN QUE RELATIVEMENT ATTRACTIF,

POURRAIT ETRE ASSOUPLI ET MIEUX CONNU I – PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Au moment où l’on ne cesse de parler de la compétitivité des entreprises françaises, on peut se demander si le droit français est un frein aux exportations ou aux importations et compromet, dans une certaine mesure, l’essor du commerce extérieur. Le droit français des ventes de marchandises n’est pas, de prime abord, très attractif pour le vendeur… Il est indéniable que le droit français de la vente, du moins le droit français des ventes de marchandises au sens large du terme, n’est pas, de prime abord, très favorable au vendeur, contrairement aux droits issus de la common law. Les obligations du vendeur sont devenues, en raison d’une jurisprudence abondante, particulièrement pesantes, voire handicapantes. Ainsi en est-il de : - l’obligation de délivrance, à laquelle s’accrochent aujourd’hui les obligations de

renseignement, de conseil ou encore de mise en garde ;

- l’obligation de sécurité, qui conduit le vendeur à indemniser son ou ses cocontractants des préjudices corporels dont ils peuvent être victimes. C’est un risque qui n’est pas sans conséquence en termes d’assurance et donc de coût ;

- l’obligation de garantie des vices cachés qui n’a cessé de s’étendre et d’être systématisée, même dans les relations entre professionnels, d’autant que les clauses limitatives de garantie trouvent rarement grâce aux yeux des tribunaux, ces clauses n’étant admises que dans les relations entre professionnels de même spécialité.

… mais dès lors que la vente est conclue entre professionnels intervenant dans la même sphère de compétence, il présente des avantages intéressants Lorsque la vente est conclue entre professionnels intervenant dans la même sphère de compétence, le droit français présente des avantages non négligeables notamment en ce qu’il admet l’efficacité d’un certain nombre d’aménagements contractuels. Le droit français se caractérise par sa simplicité s’agissant du transfert de propriété … - L’échange des consentements sur les éléments essentiels du contrat (chose et prix) suffit

sans qu’il soit nécessaire d’organiser spécifiquement ce transfert par des conventions complexes et excessivement détaillées.

- Le transfert de propriété opère transfert des risques indépendamment de la livraison effective.

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… mais la règle a un caractère supplétif - Le droit français admet la validité de principe de la clause de réserve de propriété - Le droit français permet de dissocier la qualité de propriétaire et le transfert des risques Le droit français permet l’aménagement de la prescription. Le droit français accueille très favorablement les clauses attributives de juridiction et les clauses compromissoires.

Le choix du droit français : les enseignements à tirer du contentieux de la vente internationale de marchandises Les statistiques générales de l’arbitrage ICC en 2013 indiquent que le droit applicable est prévu au contrat dans 90% des affaires. Le droit français est désigné dans 7% des affaires. En revanche, on observe que le droit suisse et le droit anglais sont souvent désignés, alors même que les affaires soumises à l’ICC n’impliquent ni parties suisses ni parties anglaises. Une des explications réside dans le fait que le Contrat modèle ICC de vente internationale recommande de désigner le droit suisse comme droit applicable pour les questions non réglées par la Convention de Vienne. Cependant les statistiques montrent que l’attrait pour le droit suisse et le droit anglais n’est pas spécifique à la vente. Le relatif « déficit d’image » et une connaissance souvent superficielle du droit français de la vente conduisent trop souvent les juristes à lui préférer des droits prétendument réputés plus modernes et plus aptes à répondre aux besoins des acteurs actuels du commerce international. Pourtant, les sentences analysées tendent au contraire à montrer la grande souplesse du droit français lorsqu’il est appréhendé par les arbitres. La variété des solutions dégagées dans les affaires impliquant des parties françaises devrait au minimum inciter les contractants internationaux à analyser plus finement les caractéristiques du droit français. II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS Le CREDA (Centre de recherche en droit des affaires de la CCI Paris Ile de France) s’apprête à publier, courant 2015, une étude sur le droit français de la vente internationale avec pour objectif d’identifier les forces et les faiblesses de notre droit. Cette étude n’est pas exhaustive, mais elle éclaire un certain nombre de questions que les professionnels, peut-être aussi le législateur, sont en droit de se poser. Trois grandes propositions peuvent être avancées : • Élaborer des règles matérielles propres à la vente internationale Les solutions du droit français de la vente pourraient être assouplies lorsque le droit français s’applique dans des relations internationales commerciales.

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Les clauses limitatives de garantie pourraient, par exemple, être valables lorsque le contrat a une dimension internationale et lorsque les parties ont la qualité de professionnels et sont à même de mesurer toutes les conséquences de leurs engagements. On pourrait écarter la réglementation française sur les délais de paiement dans le cas de la vente internationale, réglementation particulièrement contraignante pour l’acheteur mais qui peut aussi s’avérer in fine préjudiciable aux exportateurs français. • Faire mieux connaître le droit français On constate que le droit français, issu du Code civil, n’est pas systématiquement écarté, mais est loin d’être dominant. Pour autant, ce ne serait pas la qualité du droit qui serait en cause, mais plutôt le fait qu’il est relativement méconnu. D’où la nécessité d’un travail de pédagogie et de diffusion85. • Encourager le recours à la Convention de Vienne Les études et enquêtes de terrain montrent que la Convention de Vienne de 1980 élaborée au sein de la CNUDCI et applicable en France depuis le 1er janvier 1988, a une application trop limitée en France alors qu’elle lie 80 Etats (parmi lesquels figurent les grandes puissances économiques, États-Unis, Chine, Allemagne, Japon). Environ 80 % du commerce mondial des marchandises a vocation à être régi par la Convention de Vienne. Au sein de l’Union européenne, seuls le Royaume-Uni, le Portugal et Malte sont absents de la liste des pays parties à la Convention. Ainsi, une très grande partie du commerce intracommunautaire est potentiellement couvert par la Convention. Parmi les dix premiers partenaires commerciaux de la France en 2012, neuf sont des pays parties à la Convention de Vienne, ce qui a représenté 93 % des exportations françaises et 96 % des importations françaises de marchandises avec ces dix pays. De nouveaux États sont entrés dans le concert des Nations et si l’on ne veut pas qu’ils se tournent exclusivement vers la Common law, il peut être souhaitable que les pays de droit civil, dont la France, fassent quelques pas vers eux et acceptent quelques compromis à l’exemple de ceux que la Convention de Vienne propose.

85 Voir fiche 23.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 7

PARIS - PLACE FINANCIÈRE : MAINTENIR ET FAVORISER LES « ÉCOSYSTÈMES » (SERVICES AUX ENTREPRISES, EMPLOIS…)

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Le transfert par de grands groupes français d’activités financières vers d’autres places financières (déplacement du centre de trésorerie, voire de la Direction financière à Londres), souvent pour des raisons opérationnelles (proximité des marchés, compétitivité…), induit une perte de compétences et de valeur ajoutée pour la Place de Paris. Le risque est que ces départs n’entraînent ceux d’autres entreprises (financières ou non). Et inversement, moins il y aura de services financiers à Paris, plus les entreprises – en particulier les plus grandes – seront amenées à se tourner vers d’autres places. À ce titre, un rapport de la CCI Paris Ile-de-France en cours d’élaboration montrera qu'une place financière internationale est utile pour les entreprises afin de leur prodiguer les outils de financement, de couverture et de placement indispensables à leur bon fonctionnement et que ces activités financières contribuent à la valeur ajoutée du territoire. Il s’agit de trouver des interlocuteurs de proximité, comprenant leurs problématiques et capables de leur proposer les solutions optimales. En d’autres termes, la place financière parisienne ne bénéficie pas, à la différence de Londres, du soutien fort et résolu des pouvoirs publics, des collectivités locales et des entreprises non financières. Il importe ainsi de préserver les activités financières : - qui sont nécessaires au développement des entreprises françaises tout au long de leur vie

(création, développement, transmission) ;

- ou qui permettent d'attirer des émetteurs et intervenants étrangers, facilitant les synergies, les échanges et les développements internationaux.

II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS Pour que les entreprises de la métropole soient compétitives faces à leurs concurrentes étrangères, elles doivent disposer de tous les outils juridiques propices à leur croissance et au développement. Dans le cas des initiatives françaises, la compétitivité de l’ensemble des entreprises (financières ou non) doit être au cœur des préoccupations afin de : - créer l’écosystème créateur de valeur et de travail ;

- se placer dans un cercle vertueux plutôt que vicieux.

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Le rôle de la réglementation est essentiel dans cette perspective en : - créant les conditions de la confiance entre émetteurs et investisseurs. À ce titre,

l’environnement réglementaire et prudentiel régissant le fonctionnement de la place financière parisienne constitue un atout, comme le montre : la quasi-absence de scandales financiers depuis la crise de 2008 ; la bonne image de la réglementation française (protectrice des investisseurs).

- évitant de sur-transposer les directives européennes en matière de droit financier, ce qui

dans ce domaine, comme dans d’autres, peut constituer un handicap pour la compétitivité de la Place.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 8

PEUT-ON CONTRECARRER LES EFFETS INDESIRABLES DES PROCEDURES DE DISCOVERY ?

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES La procédure de « discovery », dans les systèmes de common law86, est une phase préalable au procès au cours de laquelle chaque partie doit révéler à l’autre – on parle alors d’obligation de « disclosure » – l’ensemble des renseignements pertinents pour la résolution du litige. La discovery implique non seulement la révélation des renseignements utiles à sa propre défense, mais également ceux qui pourraient donner droit aux prétentions adverses. Certains renseignements sont toutefois exclus de l’obligation de disclosure, notamment les éléments couverts par le secret professionnel (priviledged information). Aux Etats-Unis, peuvent être généralement écartés ceux protégés par le secret des affaires au sens du droit fédéral ou étatique87. Ces procédures sont extraterritoriales à double titre : - Effet extraterritorial quant aux parties :

L’obligation de disclosure produit ses effets à l’égard de toute partie à un procès devant une juridiction appliquant des règles de procédure prévoyant le mécanisme de discovery, peu important sa nationalité ou son lieu de résidence. Par exemple, si un ressortissant français est attrait devant une juridiction fédérale aux Etats-Unis, il devra coopérer et communiquer l’ensemble des renseignements utiles au procès conformément aux Federal Rules of Civil Procedure. Notons qu’au niveau étatique, des règles équivalentes sont généralement prévues.

- Effet extraterritorial quant aux renseignements à fournir :

Les autorités judiciaires américaines et britanniques considèrent que l’obligation de disclosure ne se limite pas aux seuls éléments situés sur le territoire du pays dans lequel la procédure est ouverte, mais s’applique à l’ensemble des renseignements visés, sans considération de lieu.

Le refus de se conformer à une injonction de discovery est généralement lourdement sanctionné88 puisqu’il peut aller jusqu’au débouté de la partie défaillante. 86 De nombreux Etats connaissent la procédure de discovery, parfois sous un autre nom. On peut citer les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Chine, l’Inde, Israël, l’Irlande, Singapour… 87 Par application des règles relatives à la Protection of trade secrets, 18 U.S.C., § 1831 et seq. pour les procédures fédérales, et des règles étatiques prises par référence au Uniform Trade Secrets Act (UTSA), § 5. 88 Si l’on prend l’exemple des règles fédérales de procédure civile américaines, le juge saisi peut ordonner que pour un point de fait ou une prétention, il soit automatiquement fait droit à la partie défenderesse ; Il peut également ordonner que la partie qui ne se conforme pas à l’ordre voit son affaire radiée, ou que l’instance soit suspendue jusqu’à ce que l’ordre soit exécuté. Le droit fédéral prévoit également des sanctions pécuniaires.

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En France, plusieurs réflexions ont été menées avec pour but d’identifier et d’atténuer les effets indésirables de ces procédures sur les opérateurs français : - Rapport 2014 de la délégation parlementaire au renseignement89

La délégation parlementaire au renseignement (DPR) a relevé les abus découlant de la mise en œuvre de procédures de discovery. Selon les parlementaires, les demandes au titre de la discovery « s’avèrent bien souvent extraordinairement vastes (d’où leur surnom de fishing expeditions, « parties de pêche ») et peuvent procéder d’une volonté de profiter de cette procédure pour se livrer légalement à de l’espionnage économique ». En d’autres termes, selon la DPR, la procédure de discovery serait un outil pour pratiquer l’espionnage économique et commercial de façon légale.

- Projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques - proposition de renforcement de la loi de blocage Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, la question de l’effet extraterritorial des procédures de discovery a également été pointée du doigt, celles-ci permettant la divulgation d’informations sensibles. C’est ainsi qu’un amendement n°SPE1815 – adopté en Commission spéciale mais retiré du texte en séance – prévoyait de renforcer le dispositif prévu par la loi dite « de blocage » 90.

Cette loi fait interdiction à toute personne de divulguer ou de demander des renseignements d’ordre économique dans le cadre de procédures juridictionnelles étrangères, sans préalablement passer par les canaux de coopération internationale prévus par le droit de l’UE91 ou par la convention de la Haye sur l'obtention des preuves à l'étranger en matière civile ou commerciale92. Les sanctions infligées sont de nature pénale93. Or, les juridictions de common law considèrent que la procédure mise en place par la Convention de la Haye n’est pas obligatoire lorsque des demandes de preuve sont formulées à l’étranger94. En effet, selon la Cour suprême des Etats-Unis, les parties peuvent toujours obtenir communication de pièces à l’étranger en passant directement par la procédure de discovery, sans avoir à respecter le système des commissions rogatoires internationales mis en place par la Convention de la Haye.

89 Jean-Jacques URVOAS, Rapport n° 2482 relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014, 18 décembre 2014. [En ligne] http://www.senat.fr/rap/r14-201/r14-2011.pdf. 90 Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968 relative à la communication de documents et renseignements d'ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères, JORF du 27 juillet 1968, p. 7267. 91 Règlement (CE) n° 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale, JOUE L. 174 du 27 juin 2001, p. 1. 92 Convention de la Haye du 18 mars 1970 sur l’obtention des preuves à l’étranger en matière civile ou commerciale. [En ligne] http://www.hcch.net/upload/conventions/txt20fr.pdf. 93 Actuellement, elles sont fixées à un emprisonnement de six mois et d'une amende de 18 000 euros ou de l'une de ces deux peines seulement. Voir l’article 3 de la loi n° 68-678 du 26 juillet 1968, précitée note 90. 94 Les États de tradition civiliste considèrent généralement que le recours aux mécanismes mis en place par la convention de la Haye est obligatoire. Les pays de common law retiennent une approche opposée. Le bureau permanent de la conférence de la Haye refuse de se prononcer sur le caractère obligatoire de la convention « preuves » et encourage les Etats à engager des négociations. Voir : BUREAU PERMANENT DE LA CONFERENCE DE LA HAYE DE DROIT INTERNATIONAL PRIVE, Le caractère obligatoire ou non obligatoire de la convention preuves, décembre 2008. [En ligne] http://www.hcch.net/upload/wop/2008pd10f.pdf.

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La Cour Suprême des Etats-Unis a également affirmé qu’une juridiction américaine pouvait ordonner à une partie de communiquer des éléments de preuve, même en violation de la loi de blocage française95. Elle a élaboré à cette occasion une méthode de mise en balance des intérêts en présence (« balancing test ») pour déterminer si la communication internationale peut être ordonnée. Les facteurs pris en considération pour faire droit ou non à une loi de blocage sont en particulier :

(a) l’importance des documents ou de l’information demandée dans le cadre du litige ; (b) le niveau de précision de la demande ; (c) si la source de l’information demandée se trouve sur le territoire américain ; (d) l’existence de méthodes alternatives d’obtention de l’information demandée ; (e) dans quelle mesure la non-obtention de l’information demandée porte atteinte à

l’intérêt national des Etats-Unis ou, à l’inverse, dans quelle mesure l’obtention de l’information demandée porte atteinte à l’intérêt national de l’Etat où se trouve l’information.

Cette jurisprudence semble bien établie aux Etats-Unis. Récemment encore, une juridiction américaine refusait de faire droit à la demande d’une grande société Française de s’opposer à la disclosure sur le fondement de la loi de blocage française96. II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS Afin de renforcer la protection des opérateurs français contre les effets néfastes des procédures de discovery, notamment américaines, plusieurs solutions pourraient être envisagées : - Reconnaître un statut juridique clair au secret des affaires au niveau national97

Aux Etats Unis, les lois fédérales et nationales prévoient que le juge peut adapter les procédures de discovery lorsque sont en jeu des informations relevant du secret des affaires. Une information ainsi couverte peut, selon les circonstances et à la demande du détenteur, se trouver exemptée de disclosure par le juge98. Aujourd’hui, l’absence de considération, en France, du secret des affaires ne favorise pas les juges étrangers à aller dans le sens d’une telle reconnaissance sur leur propre territoire. En acceptant de protéger ce secret au niveau national, la France donnerait une base solide pour que les entreprises françaises fassent accepter du juge étranger qu’il écarte les procédures de discovery manifestement frauduleuses, tendant à leur divulgation.

95 Société Nationale Industrielle Aérospatiale c. United States District Court for the Southern District of Iowa, (Supreme Court) 482 U.S. 522 (1987). 96 In Re. Activision Blizzard Inc. Stockholder Litig, 86 A.3d 531 (Delaware Court of Chancery, 21 février 2014), se fondant notamment sur le précédent posé par l’arrêt Aérospatiale et aujourd’hui codifié dans le Restatement of Foreign Relations Law, § 441 et seq., dont l’autorité morale est très forte devant les juridictions Américaines. 97 Voir, pour davantage de détails, fiche 9. 98 Par exemple, en Californie, une partie peut demander au juge qu’il prenne un protective order en application du Code of Civil Procedure (CCP), § 2033.080.

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- Reconnaître la confidentialité des avis juridiques internes aux entreprises (legal

privilege ou statut d’avocat en entreprise) La France n’accorde pas de caractère confidentiel aux avis juridiques internes, ni la possibilité pour un avocat d’exercer en entreprise. Il en résulte une asymétrie quant à la situation des directions juridiques françaises par rapport à celles de leurs voisins, qui peuvent opposer la confidentialité des consultations juridiques dans le cadre, justement, de procédures de contrôle et de discovery. Au-delà, ce contexte amène aujourd’hui les entreprises françaises soit à recourir de façon artificielle au service d’avocats, externes à l’entreprise et bénéficiant de la confidentialité, soit à embaucher des avocats étrangers99 en lieu et place de leurs juristes « maison »100. Cela conduit naturellement à un affaiblissement de la pratique du droit français dans les groupes nationaux, puisque ces directeurs ont tendance à importer leur propre droit ainsi que leurs pratiques juridiques. Comme le souligne la commission des lois du Sénat dans son rapport d’information101, « il semble plus que jamais nécessaire que cette question soit tranchée, soit en faveur d’un privilège de confidentialité, soit en faveur d’un statut d’avocat en entreprise ». Il semble pourtant qu’aucun de ces deux modèles n’ait fait l’unanimité, puisque ni la consécration d’un statut d’ « avocat en entreprise » (soumis au secret professionnel) ni la reconnaissance de la confidentialité des avis des juristes d’entreprises102 n’ont été retenus en première lecture par l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Les pouvoirs publics devraient reconsidérer ces options afin de répondre au manque de compétitivité des entreprises françaises en la matière.

- Rendre plus efficace la loi de blocage103 L’un des arguments mis en avant par les juridictions américaines, pour refuser de reconnaître les effets de la loi de blocage française réside dans l’absence de véritables sanctions à l’égard des personnes y contrevenant en France104. Par conséquent, il peut être proposé d’augmenter les sanctions pénales au titre de la loi de blocage pour rendre le droit plus efficient afin de faire obstacle « à certaines

99 C’est ainsi qu’aujourd’hui, le directeur juridique de PSA Peugeot-Citroën, Mark Rolliger, est un avocat anglais (il était, avant sa nomination chez PSA, directeur juridique de Sodexo). 100 En tout état de cause, l’internalisation permanente d’avocats français par les entreprises est actuellement impossible en raison des règles déontologiques applicables aux Avocats et des incompatibilités professionnelles qui caractérisent cette profession. 101 M. DELEBARRE, C.-A. FRASSA, op. cit. note 3, p.17. 102 Notamment les amendements 1355 rectifié, 364 rectifié, 1120 et 2606. 103 Loi n° 68-678 du 26 juillet 1968, précitée note 90. 104 En France, une seule condamnation pénale a été prononcée sur le fondement de la loi de blocage : Cass. crim., 12 décembre 2007, Bull. crim., n° 309 ; Droit pénal 2008, comm. 47, commentaire Jacques-Henri ROBERT ; Revue critique de droit international privé 2008, p. 626, note David CHILSTEIN ; RTD Com., p. 639, obs. Bernard BOULOC ; D. 2008, p. 2820 n° 11, obs. Philippe DELEBECQUE ; AJ Pénal 2008, p. 97, obs. Gildas ROUSSEL.

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procédures internationales (notamment le discovery étatsunien) qui ont pour conséquences (et parfois pour but) de collecter des informations stratégiques notamment dans le cadre d’un contentieux »105. C’est un enjeu d’attractivité et de compétitivité pour la France, mais reste à souhaiter que cet accroissement des sanctions infléchisse réellement la position retenue jusqu’alors outre-Atlantique106 et n’aboutisse pas à ce que les opérateurs se trouvent « coincés » entre les deux sanctions alourdies, d’un côté et l’obligation de fournir ses documents confidentiels, de l’autre.

105 Exposé des motifs de la proposition de loi n° 2139 relative à la protection du secret des affaires du 17 juillet 2014, p. 12. 106 Voir à ce propos, l’arrêt rendu par la Cour Suprême américaine Société Nationale Industrielle Aérospatiale précité note 95. Voir également dans le sens de l’infléchissement de cette position : Noëlle LENOIR, « L’intérêt de la loi du 26 juillet 1968 et l’obtention des preuves au niveau international : un regain d’intérêt », Les Petites affiches 2015, n°13, p. 7.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 9

UN ENJEU DE COMPETITIVITE POUR LES ENTREPRISES : PROTEGER LE SECRET DES AFFAIRES

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Au plan national, la Commission spéciale de l’Assemblée nationale sur le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques avait adopté, le 17 janvier 2015, cinq amendements visant à introduire dans le Code de commerce un dispositif de protection du secret des affaires107. Ces amendements ont finalement été retirés du projet par les députés en séance, du fait de la vive hostilité des journalistes et des lanceurs d’alerte. Au niveau européen, une proposition de directive est pendante devant le Parlement108. Elle prévoit des sanctions civiles (injonctions, condamnation à des dommages-intérêts) à l’égard de celui qui, sans l’autorisation du détenteur, obtient, utilise ou divulgue un secret d’affaires. Il devient urgent de se saisir de la protection du secret des affaires pour les raisons suivantes : • Un environnement propice aux atteintes aux secrets d’affaires

Des statistiques inquiétantes, mises en avant par la Commission européenne, révèlent que les informations confidentielles des entreprises font de plus en plus régulièrement l’objet d’appropriations illicites109. Plusieurs facteurs permettent d’expliquer ce phénomène : mondialisation, impact des nouvelles technologies de l’information, allongement des chaînes de production et de commercialisation, multiplication des partenaires industriels et commerciaux…

• La faiblesse des dispositifs juridiques pour protéger le secret des affaires en France

Les entreprises françaises s’estiment trop peu armées pour faire face aux risques de vol de leurs informations sensibles. Le droit de la propriété intellectuelle est inefficace pour protéger les secrets d’affaires, parce qu’ils ne relèvent pas de cette catégorie. Les juges sont généralement peu enclins à mettre en œuvre le droit commun de la responsabilité en la

107 Amendements SPE1810 à SPE1815. 108 COMMISSION EUROPEENNE, Proposition de directive du 28 novembre 2013, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l’obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, COM(2013) 813 final. [En ligne] http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2014_2019/documents/com/com_com%282013%290813_/com_com%282013%290813_fr.pdf. 109 Une entreprise sur cinq dit avoir subi au moins une tentative de violation de ses secrets au cours des dix dernières années.

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matière. Enfin, les dispositifs de droit pénal général n’ont pas été pensés pour s’appliquer spécifiquement aux atteintes au secret des affaires110.

En définitive, les entreprises établies en France sont en besoin sur cette question et attendent que leurs savoir-faire et, plus généralement, toutes les informations qui garantissent leur potentiel compétitif, puissent être protégées de manière efficace. • La plupart des autres Etats ont adopté une réglementation sur le secret des affaires Sur la base de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ci-après « ADPIC »), adopté en 1994 dans le cadre de l’OMC, la majorité des autres Etats dans l’UE et à travers le monde ont adopté des réglementations de nature à sanctionner les atteintes au secret des affaires. L’ADPIC est actuellement l’accord multilatéral le plus complet en matière de propriété intellectuelle mais également le pilier de la protection internationale des secrets d’affaires. Le droit américain est souvent montré comme un exemple. Aux Etats-Unis, les secrets d’affaires font l’objet d’une protection forte assurée par deux textes : l’Uniform Trade Secrets Act (UTSA) et l’Economic Espionage Act (EEA) ou « Cohen Act ». L’UTSA, d’une part, donne une définition légale des secrets d’affaires et prévoit les mesures civiles applicables en cas d’appropriation illicite. Ces dernières incluent notamment des dispositifs d’injonction, de réparation et de protection de la confidentialité du secret en cours de procédure. L’EEA, d’autre part, est un acte fédéral, qui sanctionne, en tant que délit pénal, le vol et l’utilisation frauduleuse de secrets d’affaires, qu’il prend le soin de définir. Il formule un principe de protection des secrets d’affaires au cours de l’instance pénale. Le droit français ne protège pas suffisamment le secret des affaires si on le compare au droit de la plupart des autres pays européens ou au-delà111. L’absence de réglementation spécifique, la difficulté corrélative de mettre en œuvre les principes de droit commun et la faiblesse des sanctions effectivement prononcées, ne dissuadent pas suffisamment les contrevenants de violer ces secrets sur le territoire national. Ainsi que le souligne le rapport de la mission d’information de la commission des lois du Sénat, « la mise en place d’un régime efficace de protection du secret des affaires est indispensable pour les entreprises françaises »112. Au surplus, le caractère inadapté des procédures juridictionnelles – qui peuvent conduire en pratique à la divulgation des secrets d’affaires – constitue un frein important à l’action des victimes. En conclusion, ces dernières sont trop faiblement armées pour faire face aux atteintes illicites dont elles sont destinataires.

110 Par exemple, l’infraction de vol ne s’applique pas en cas de soustraction d’une information indépendamment de son support physique. Autres exemples, le délit de violation des secrets de fabrique ne vaut que dans les rapports de travail ; le délit d’abus de confiance suppose une remise préalable et le détournement de l’information protégée… 111 Voir l’étude de benchmark, précitée note 25. 112 M. DELEBARRE, C.-A. FRASSA, op. cit. note 3.

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II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS

La CCI Paris Ile-de-France demande une protection efficace et efficiente des secrets d’affaires113. Au niveau européen, la CCI Paris Ile-de-France soutient l’idée poursuivie par la Commission européenne, d’harmoniser la protection civile du secret des affaires dans l’UE. Ses préconisations sont détaillées dans son rapport du 11 septembre 2014114. Au niveau national, elle se place sur la même ligne de conduite qu’au niveau européen, et approuve le principe de prévoir une réglementation protectrice et dédiée au secret des affaires. Elle souhaiterait également que le droit national sanctionne pénalement les atteintes au secret des affaires.

113 CHAMBRE DE COMMERCE DE PARIS ILE-DE-FRANCE, Proposition de loi visant à sanctionner la violation du secret des affaires, février 2012. [En ligne] : http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/secret-affaires-violation-nor1202.pdf. 114 J. FRANTZ, op. cit. note 35.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 10

LA PROTECTION DES DONNEES PERSONNELLES : UN DÉFI EN PLEINE MUTATION

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES • Contexte

La question des données personnelles revêt d’importants enjeux pour les entreprises à travers la constitution et la gestion de leurs fichiers de clientèle (par exemple pour les cartes de fidélité). Eléments essentiels de leur patrimoine immatériel, elles sont indispensables à l’exercice de leur activité commerciale. Pour preuve : - les données personnelles sont de plus en plus détaillées pour mieux cerner les attentes

des consommateurs, elles deviennent de véritables « identités numériques » ; - elles sont susceptibles d’être exploitées et transférées dans le monde entier. Les données sont le nouvel « or noir ». Elles doivent être protégées au même titre que le droit d’accès à l’internet. A l’origine, la règlementation avait pour objectif de préserver les citoyens contre le syndrome du Big Brother. Aujourd’hui, elle doit intervenir au sein du secteur marchand, domaine pour lequel elle n’avait pas été conçue. En effet, les consommateurs souhaitant des offres de plus en plus ciblées et personnalisées, les entreprises doivent affiner leurs fichiers et les rendre de plus en plus détaillés. Les données explosent, on parle de big data. La pièce centrale de la législation communautaire en la matière, à savoir la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, rédigée à l’époque des débuts d’internet, a vite été dépassée. Aussi, compte tenu des développements technologiques, de la mondialisation des échanges et de la nécessité d’harmonisation, la Commission européenne a-t-elle décidé de procéder à une révision du cadre général à travers une proposition de règlement européen115 qui sera applicable en droit interne116. Ce texte tend à alourdir la charge pesant sur les opérateurs économiques en termes de création et de gestion des fichiers. Si certaines formalités administratives préalables à un traitement sont en voie de suppression, elles vont être remplacées par d’autres exigences comme le respect des principes de privacy by design et 115 COMMISSION EUROPEENNE, Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (règlement général sur la protection des données), 25 janvier 2012, COM(2012)0011. [En ligne] http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2012:0011:FIN:FR:PDF. 116 Voir : Gérald BARBIER, Proposition de règlement européen sur la protection des données personnelles et leur libre circulation, 14 février 2013. [En ligne] : http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/protection-donnees-personnelles-bar1302.pdf.

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de privacy by default117, et par l’obligation de notification systématique des failles de sécurité. Parallèlement, en droit français, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 dite Informatique et Libertés vise particulièrement les citoyens, plus que les entreprises. L’instauration d’un climat de confiance dans l’environnement en ligne est cruciale quant au développement économique et passe donc par la protection des données personnelles. • La question de l’attractivité du droit des données personnelles français Un raisonnement en deux temps doit être tenu dans la mesure où la matière est en passe d’être transformée. Aujourd’hui, avant l’adoption de la proposition de règlement européen Pour le moment, et tant que le règlement européen n’est pas adopté, la question de la compétitivité de la France eu égard à la protection des données personnelles présente une réponse nuancée. - Pour : le droit français reste compétitif pour les entreprises françaises et attractif pour

les entreprises étrangères au regard des sanctions. En cas de violation des données personnelles, ces amendes sont plafonnées. Ainsi, le montant maximal s’élève à 150 000 €, et, en cas de récidive, à 300 000 €. Ce plafond n’existe pas dans la proposition de règlement européen qui prévoit uniquement une amende pouvant atteindre au maximum 5% du chiffre d'affaires annuel mondial. Cet avantage sera conservé lors de l’adoption de la proposition de règlement européen, tant que la France reste en deçà de la limite haute de 5% du chiffre d'affaires annuel mondial. - Contre : le droit français peut rebuter tant au regard des pouvoirs importants de la CNIL

en termes de contrôle (elle s’assure de la légalité d’un traitement de données) que du recueil du consentement.

Concernant ses pouvoirs, la CNIL vérifie notamment que les conditions de légalité d’un traitement automatisé de données à caractère personnel sont bien respectées : leur collecte doit être loyale, la finalité du traitement spécifiquement déterminée, pertinente et légitime, les données exactes, mises à jour et conservées pour une durée préalablement fixée. Les données doivent respecter le principe de proportionnalité.

117 C'est-à-dire la mise en place de mécanismes de protection des données dès la conception (privacy by design) et par défaut (privacy by default . En vertu de ce principe, le responsable prend les mesures et procédures techniques et organisationnelles appropriées dès la conception du traitement ou, par défaut, en vue d’un futur traitement.

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Enfin, elle pose plusieurs conditions de légalité d’un traitement : le consentement de la personne concernée ou, à défaut, le respect d’une obligation légale, la sauvegarde de la vie de l’intéressé, l’exécution d’une mission de service public ou d’un contrat, ou encore la réalisation de l’intérêt légitime du responsable du traitement. Or, les autorités nationales de contrôle n’ont pas toutes des exigences équivalentes en matière de protection des données, d’où une forte probabilité de dumping entre elles. C’est pourquoi, entre autres, le siège social de Facebook est implanté en Irlande. Concernant le recueil du consentement, la loi Informatique et Libertés prévoit un consentement exprès qui doit se manifester par une action positive de la personne préalablement informée des conséquences de son choix et disposant des moyens de l'exercer. Des systèmes adaptés doivent donc être mis en place. La CNIL recommande une procédure de recueil du consentement en deux étapes : - l’information de l’utilisateur sur les finalités précises des cookies utilisés, la possibilité de

s'opposer à ces cookies et de changer les paramètres en cliquant sur un lien présent dans le bandeau, le fait que la poursuite de sa navigation vaut accord au dépôt de cookies sur son terminal ;

- la possibilité de cliquer sur la page « En savoir plus / paramétrer les traceurs » dans laquelle les personnes doivent disposer de solutions leur permettant de refuser l'insertion des cookies.

Tout cela est bien trop lourd : il ne faut pas que le recueil du consentement soit long et contraignant. Si plusieurs clics sont nécessaires avant d’aller à la page désirée, le site internet pourrait perdre des utilisateurs. Demain, après l’adoption de la proposition de règlement européen Une fois que la proposition de règlement européen sera adoptée, la France sera au même niveau que les autres Etatsmembres. La question de la compétitivité et de l’attractivité se posera donc au regard des pays tiers, notamment les Etats-Unis. Ainsi, chez ceux-ci, il n’existe pas de règlementation générale mais des dispositifs sectoriels. Par exemple, la loi dite HIPAA118 (Health Insurance Portability and Accountability Act) protège les données de santé, la loi COPPA119 (Children’s Online Privacy Protection Act) l’ensemble des données des enfants collectées sur internet… On peut donc penser que le droit y est plus favorable aux entreprises. Mais il n’en est rien. Si en Europe, et donc en France, le souci de protéger la vie privée des individus est prioritaire, il en va différemment aux Etats-Unis où, en plus des différences pouvant exister entre les Etats fédérés, la cybersécurité – pour protéger les secrets de la défense et les secrets d’affaires – prend le dessus.

118 The Health Insurance Portability and Accountability Act of 1996 (HIPAA), Pub.L. 104–191, 110 Stat. 1936. 119 The Children's Online Privacy Protection Act of 1998 (COPPA), 15 U.S.C. §§ 6501 et seq.

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En effet, le USA PATRIOT Act120 peut agir en tant que repoussoir, auquel cas la France redeviendrait attractive pour les entreprises. Ce texte permet à l’administration américaine d’accéder aux données personnelles exploitées par des entreprises américaines, à leurs filiales partout dans le monde, aux serveurs hébergés sur le territoire des Etats-Unis quelle que soit la nationalité des entreprises qui les exploitent, ainsi que des données hébergées en Europe par des sociétés de droit américain. Toutes les données sont donc concernées. Ces éléments font que les Etats-Unis n’offrent pas une « protection adéquate » aux yeux de la Commission européenne. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Pour que la France soit attractive, les obligations imposées aux entreprises pour la protection des données personnelles ne doivent pas être trop contraignantes, ni entraîner des charges administratives trop lourdes. Dès lors le futur règlement européen doit absolument laisser en ce domaine une marge de manœuvre aux entreprises. Ainsi, concernant le recueil du consentement, les entreprises devraient pouvoir avoir le choix des moyens du recueil du consentement, tel un système de case à cocher, un paramétrage du navigateur du client, ou encore un accord par mail de celui-ci. L’idée est de limiter le nombre de clics pour ne pas perdre d’utilisateurs.

120 Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism Act of 2001 (USA PATRIOT Act), 115 Stat. 272.

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THEME 1 - AFFAIRES FICHE 11

LEVER CERTAINS FREINS À L’IMPLANTATION DES ENTREPRISES SUR LES TERRITOIRES

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES • En Ile-de-France En Ile-de-France, les locaux commerciaux et les bureaux sont notamment soumis à deux règles particulières, qui ne favorisent pas l’attractivité de la France :

- La construction, la reconstruction ou l’extension des activités industrielles, commerciales,

professionnelles, administratives, techniques, scientifiques ou d’enseignement, dans le secteur concurrentiel, sont soumises à un agrément délivré par l’Etat, dont l’obtention doit être préalable au permis de construire121 ;

- Une redevance pour création de locaux d’activité est prévue pour les bureaux, les locaux commerciaux et de stockage. Son taux varie selon des circonscriptions, le tarif normal atteint 17 € le mètre carré122. S’ajoute une taxe annuelle sur ces mêmes locaux, au titre de l’article 231 ter du Code général des impôts, calculée selon les mêmes principes.

• En matière d’implantation commerciale L’urbanisme commercial a fait l’objet d’une réforme importante par la loi ACTPE du 18 juin 2014123 et son décret d’application du 12 février 2015124. D’un côté, la volonté de simplification est patente : le permis de construire vaut désormais autorisation d’exploitation commerciale (une autorisation au lieu de deux !) D’un autre côté, cette simplification est restée au milieu du gué. A été maintenue, à l’intérieur du processus de permis de construire, l’exigence d’un avis conforme des commissions départementales – et en appel de la commission nationale – d’aménagement commercial, d’où le risque de double contentieux : pendant l’instruction du permis en contestation de l’avis, puis contre le permis lui-même le fragilisant significativement. De plus, le montage du dossier de permis, comportant un volet commercial, voit son coût renchéri (parfois jusqu’au triplement). 121 Article L. 510-1 du Code de l’urbanisme. 122 Articles L. 520-1 et suivants du Code de l’urbanisme. 123 Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, JORF du 19 juin 2014, p. 10105. 124 Décret n° 2015-165 du 12 février 2015 relatif à l’aménagement commercial, JORF du 14 février 2015, p. 2870.

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II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS • En Ile-de-France On préconise : - d’étudier l’éventuelle suppression de l’agrément création d’activités visé par les articles

L. 510-1 et suivants du Code de l’urbanisme ;

- de mener une réflexion sur les aspects financiers visés aux articles L. 520-1 et suivants du Code de l’urbanisme et de l’article 231 ter du Code général des impôts. Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques 125 envisage d’exonérer les pépinières d’entreprise des taxes et redevance sur les locaux d’activité visés à ces mêmes articles. Ne faudrait-il pas aller plus loin et examiner l’éventuelle abrogation de ces contributions, d’autant qu’elles se superposent à celles propres au Grand Paris renforcées par la dernière loi de finances du 29 décembre 2014126 ?

• En matière d’implantation commerciale Il serait opportun : - d’écarter toute double procédure en supprimant l’avis des commissions d’aménagement

commercial à l’intérieur de l’instruction du permis de construire prévu aux articles L. 751-1 et L. 752-1 et suivants du Code de commerce ;

- de conserver une seule voie d’autorisation : le permis de construire régi par le Code de l’urbanisme.

125 Précitée note 70. 126 Loi n°2014-1654 du 29 décembre 2014, JORF du 30 décembre 2014, p. 22828, qui a créé deux nouvelles taxes : une taxe additionnelle spéciale à la taxe foncière sur les propriétés bâties et à la cotisation foncière des entreprises (codifiée à l’article 1599 quater D du Code général des impôts) et une taxe annuelle sur les surface de stationnement (codifiée à l’article 1599 quater C du Code général des impôts).

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THEME 2 – CONSOMMATION / CONCURRENCE

FICHE 12 LE RISQUE D’INTENSIFICATION DES DOMAINES

DE L’ACTION DE GROUPE EN FRANCE I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES L’action de groupe qui résulte de la loi Hamon du 17 mars 2014127, permet à des consommateurs s’estimant victimes d’une même pratique commerciale d’une entreprise de se regrouper pour obtenir réparation de leur éventuel préjudice. Pour mener cette action, seules les associations de consommateurs agréées nationales seront habilitées à agir en justice pour obtenir réparation au nom des consommateurs. Elles joueront donc un rôle de filtre, afin d’éviter des actions abusives. Cette mesure s’applique exclusivement aux litiges portant atteinte au droit de la consommation et au droit de la concurrence et engendrant un préjudice matériel. Les modalités de fonctionnement de cette action ont été explicitées par le décret du 24 septembre 2014128 et la circulaire du 26 septembre 2014129. Pour autant ces textes soulèvent des difficultés d’interprétation • Préservation de la réputation des entreprises Depuis l’entrée en vigueur de la loi, plusieurs actions de groupe ont été lancées contre des entreprises en octobre 2014 (UFC Que choisir/Foncia, Axa/Association d’épargnants Agipi, le bailleur social 3F, Lactalis). Avant même que le jugement sur la responsabilité ait été rendu, on observe déjà que les entreprises doivent faire face à un risque réputationnel important : reprise de l’information sur les chaînes TV, radios, réseaux sociaux sans compter l’interview de l’association requérante. L’information relative aux poursuites génère tout d’abord un flux de pages Internet pouvant être dévalorisantes, ensuite le processus judiciaire en tant que tel aggravera cette situation. Cet aspect médiatique, depuis longtemps dénoncé par les professionnels compte tenu des dérives de la class action américaine, prend une dimension encore plus préoccupante lorsque l’entreprise est cotée en bourse, ce qui montre bien qu’avant toute décision judiciaire les parties ne sont pas placées sur un même pied d’égalité. Dès lors, les entreprises ont intérêt à recourir à la médiation pour résoudre leur conflit de manière apaisée tout en préservant leur réputation.

127 Précitée note 36. 128 Décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation, JORF du 26 septembre 2014, p. 15643. 129 Circulaire du 26 septembre 2014 de présentation des dispositions de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation et du décret n° 2014-1081 du 24 septembre 2014 relatif à l’action de groupe en matière de consommation, Bulletin officiel du ministère de la justice du 31 octobre 2014, p. 1.

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• L’utilisation de l’action de groupe en tant que stratégie de contentieux Alors que les entreprises françaises sont exposées à la multiplication de contentieux, le législateur n’a pas pris toute la mesure de risques de l’importation de cet outil juridique. Qui plus est, dans l’hypothèse où l’action de groupe était étendue à d’autres domaines que la consommation et la concurrence, les outils dont disposent l’entreprise pour se défendre s’avèreront de plus en plus faibles. En effet, les juristes d’entreprise français ne disposent pas de la confidentialité de leurs actes par rapport à un certain nombre de leurs homologues européens (Allemagne, Grande-Bretagne, Espagne, Italie) et américains. De fait face à une procédure de discovery, ils ne sont pas en mesure de conseiller et protéger aux mieux les entreprises130. Or, il existe des stratégies de contentieux aux Etats-Unis qui ont pour seul objet d’accéder à des informations via l’action de groupe. Le risque est donc très important en termes de compétitivité pour nos entreprises. • Difficultés d’interprétation des circulaires Dans le cas où le manquement du professionnel constitue une pratique anticoncurrentielle, par exemple une entente, l'action de groupe est subordonnée à une action engagée devant les autorités, juridictions nationales ou européennes compétentes ayant abouti à une décision définitive condamnant le professionnel, c'est-à-dire non susceptible de recours pour la partie relative à la responsabilité du professionnel concernant les manquements reprochés par l'association de défense des consommateurs. D’une certaine façon, le droit de la concurrence tient l’action de groupe en l’état. Mais ce constat ne vaut que pour la constatation de l'infraction et non lorsque le recours contre la décision de l'autorité ou de la juridiction porte sur la seule sanction. En revanche, les décisions résultant de procédures négociées (engagement, clémence, non-contestation des griefs) n'aboutissent pas toujours au constat clair et sans ambigüité d'une infraction des règles de concurrence. Aussi, on peut s'interroger sur les conséquences que le juge de l'action de groupe sera susceptible d'en tirer. La circulaire ne répond pas à d'autres questions pouvant se poser, notamment l'hypothèse où l'infraction aux règles de concurrence invoquée par l'association ne fait l'objet d'aucune procédure en cours devant les autorités de concurrence compétentes. Autre question actuellement sans réponse : l'association doit-elle saisir l'autorité d'une plainte concomitamment à la saisine du juge de l'action de groupe ? II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS La CCI Paris Ile-de-France s’oppose à l’élargissement de l’action de groupe à d’autres domaines que celui de la consommation et de la concurrence. Elle souhaite en revanche promouvoir l’intérêt de recourir à la médiation pour éviter la longueur des procédures qui découle d’une telle action.

130 Voir fiche 8.

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Par ailleurs, elle rappelle que le Gouvernement, conformément à ce qui est prévu par la loi Hamon, doit remettre au Parlement un rapport évaluant les conditions de mises en œuvre de cette procédure, contenant, le cas échéant, des adaptations nécessaires avant d’envisager les évolutions de son champ d’application. Il est donc urgent d’attendre… Enfin, pour préserver la sécurité juridique des entreprises, il est primordial de conférer aux juristes d’entreprise français la confidentialité des avis, pour éviter des stratégies de contentieux via l’action de groupe qui seraient destinées à avoir accès à des informations confidentielles dans un contexte de concurrence économique.

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THEME 2 – CONSOMMATION / CONCURRENCE FICHE 13

LE DÉVELOPPEMENT DES SANCTIONS CIVILES EN EUROPE EN MATIERE DE PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

UNE CERTAINE INSÉCURITÉ JURIDIQUE POUR LES ENTREPRISES I – PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES La directive européenne du 26 novembre 2014131 prévoit un accès large des victimes de pratiques anticoncurrentielles aux documents de la procédure, tout en écartant ceux communiqués par un demandeur de clémence. Le droit français (article L. 462-3 du Code de commerce) est dans la même lignée tandis que la Cour de justice exclut toute approche catégorique en matière d’accès au dossier et demande aux juridictions nationales de procéder à une mise en balance des intérêts protégés par le droit de l’Union. Le traitement de la question de l’accès au dossier par la victime n’est donc pas satisfaisant et génère une insécurité juridique pour les entreprises. On soulignera que les autorités de concurrence des États membres n’ont pas toutes la même position, l’application du principe d’autonomie procédurale pouvant conduire à au moins vingt-huit régimes nationaux différents. À titre d’exemple, le juge anglais se montre beaucoup plus enclin à ouvrir l’accès au dossier à la victime, ce qui incite certaines entreprises à intenter leurs actions au Royaume-Uni pour obtenir réparation de leur dommage concurrentiel, ce qui représente un risque de forum shopping. Tout en proclamant l’aspect fondamental de l’action publique, les législateurs essaient d’encourager l’action privée sans la rendre véritablement simple en termes de procédure. Les entreprises craignent ainsi de voir accroître les sanctions et de supporter à terme une double sanction, publique et privée. En effet, les demandes civiles d’indemnisation après condamnation par les autorités de concurrence sont de plus en plus nombreuses et les dommages-intérêts de plus en plus élevés alors que, parallèlement, les amendes voient leur montant croître (on signalera par exemple que la sanction du cartel des produits d’entretien et d’hygiène a frôlé le milliard d’euros132). À terme, les entreprises auront du mal à faire face à de tels niveaux de sanction. II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS Deux leviers d’action peuvent être envisagés : - A l’occasion de la transposition de la directive, les entreprises attirent l’attention des

pouvoirs publics sur la nécessité d’adopter des règles claires et transparentes en matière

131 Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne, JOUE L. 349 du 5 décembre 2014, p. 1. 132 Exactement le montant a été porté à 951 millions d’euros.

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d’accès au dossier de sorte que les entreprises « auteures » puissent adapter clairement leur défense en fonction des outils dont elles disposent (clémence, transaction, médiation) et que les entreprises « victimes » puissent avoir accès à des informations essentielles pour obtenir une indemnisation de leur dommage (cas pour lesquels la demande de clémence ne confère pas d’immunité, définition claire des cas pour lesquels l’accès au dossier doit être facilité …).

- Afin de mener une politique de sanctions cohérente et incitative en matière

d’indemnisation, la CCI Paris Ile-de-France souhaite que les dommages et intérêts soient limités en fonction de la sanction administrative, ou, lorsqu’une indemnisation intervient avant le prononcé de la sanction administrative, en fonction des dommages et intérêts préalablement accordés.

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THEME 3 – SOCIAL FICHE 14

FAIRE DU DIALOGUE SOCIAL DANS L’ENTREPRISE UN LEVIER DE CROISSANCE ET D’EMPLOI

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Déjà profondément modifiées133, les règles du dialogue social français sont à nouveau appelées à être réformées. L’initiative en revient au gouvernement134 après l’échec de la négociation nationale interprofessionnelle sur la qualité du dialogue social, lancée en octobre 2014. Le projet de loi adressé aux organisations patronales et syndicales par le Ministre du travail, reprenant les grandes lignes du dernier état de la négociation, traduit d’abord le souhait d’une réforme relativement consensuelle : création de commissions régionales paritaires représentant les salariés des TPE, valorisation des parcours syndicaux, extension de la délégation unique du personnel aux entreprises de 300 salariés, regroupement d’obligations d’information/consultation et de négociations notamment. Il prévoit également une harmonisation des seuils sociaux autour de 300 salariés, conformément aux déclarations du Président de la République135. Sur ce point, des études statistiques font état d’une forte concentration des entreprises à la limite des seuils, en raison des coûts induits par leur franchissement. Ainsi, l’embauche du 50ème salarié représenterait un coût de 4 % de la masse salariale de l’entreprise en raison des seules obligations nouvelles pesant sur l’entreprise. Plusieurs analyses sont venues étayer ce constat, mettant en avant le potentiel de création d’emplois – de 70 000 à 140 000 - et de croissance des entreprises qu’induirait une réforme des seuils sociaux136. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Repenser et réformer le dialogue social passe par une montée en puissance du droit conventionnel : l’essentiel des ajustements doit se faire par la négociation collective de branche ou d’entreprise, la loi restant en retrait pour fixer un cadre général. Ce changement de paradigme doit s’accompagner d’évolutions plus techniques, mais nécessaires, sur les questions des seuils sociaux et de la représentation du personnel.

133 Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, JORF du 21 août 2008, p. 13064 ; loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, JORF du 6 mars 2014, p. 4848. 134 Projet de loi relatif au dialogue social et au soutien de l’activité des salariés, ETSX1508596L. [En ligne] http://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do;jsessionid=875FEB1E6FD6D787DBC03D32F57F10A6.tpdila21v_1?idDocument=JORFDOLE000030513128&type=contenu&id=2&typeLoi=proj&legislature=14. 135 Christophe AYAD, David REVAULT D'ALLONNES, Thomas WIEDER, « François Hollande "Je veux accélérer les réformes" », Le Monde, 21 août 2014, p.6. 136 IFRAP, Les seuils sociaux en France : quel impact sur l’emploi ?, janvier 2012. [En ligne] http://www.ifrap.org/emploi-et-politiques-sociales/les-seuils-sociaux-en-france-quel-impact-sur-lemploi.

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• Seuils sociaux La CCI Paris-Ile-de-France se prononce en faveur d’une refonte des seuils sociaux qui, sans les remettre en cause dans leur dimension protectrice des plus petites entreprises en matière d’obligations, renforcerait leur cohérence et limiterait leurs effets négatifs. Ces mesures simples peuvent prendre plusieurs formes : - Une période « transitoire » de 3 ans à compter du franchissement du seuil, durant

laquelle les obligations seraient mises en œuvre progressivement, sur le modèle de certaines obligations financières (réduction Fillon, contribution FNAL, ou contribution formation) qui se trouverait étendu également aux obligations non-financières ;

- Le regroupement et la clarification de certains seuils. Par exemple, des obligations naissent au 9ème, 10ème et 11ème salarié et elles devraient être regroupées en un seul seuil : celui du 11ème salarié ;

- Seulement deux modalités de calcul de l’effectif. La première pour les relations

individuelles et collectives de travail retiendrait l’effectif constaté pendant 12 mois, consécutifs ou non, sur une période de trois ans. La seconde modalité de calcul, pour les obligations financières, fiscales ou sociales, retiendrait l’effectif moyen de l’année civile précédente.

Ces propositions, qui ne visent donc pas à suspendre ou rehausser les divers seuils sociaux, reposent avec pragmatisme sur des modalités plus simples et plus efficaces. Le lissage dans le temps des obligations liées au dépassement de seuil présente à la fois l’avantage de rendre plus acceptable le franchissement, mais également de résoudre simplement la survenance d’une décroissance de l’effectif. • Représentation du personnel La CCI Paris-Ile-de-France recommande un profond changement de leur fonctionnement, qui assure une simplification tout en préservant leurs prérogatives : - Sur le modèle de la délégation unique du personnel (DUP), qui permet de regrouper

délégués du personnel et comité d’entreprise dans les entreprises de 50 à 200 salariés, la CCI Paris-Ile-de-France propose la création d’une représentation unique du personnel (RUP) remplaçant les autres institutions représentatives élues. Suivant les principes énoncés au sujet des seuils sociaux, les prérogatives de la RUP seraient progressivement élargies à mesure de l’augmentation de l’effectif de l’entreprise, chaque étape laissant une période transitoire de mise en place des nouvelles obligations ;

- Instaurée à partir de 11 salariés, la RUP serait pour l’employeur le destinataire unique de l’ensemble des informations/consultations, suivant des modalités plus souples qu’actuellement. L’instance s’organiserait autour d’une réunion mensuelle, et traiterait des questions d’hygiène, sécurité et conditions de travail dans une commission créée au-delà de 50 salariés ;

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- Le nombre d’interlocuteurs pour l’employeur serait également réduit, permettant de simplifier les échanges avec les représentants élus des salariés dans l’optique de leur professionnalisation. La diminution du nombre de représentants, en parallèle de la préservation du volume global d’heures de délégation, garantirait la qualité du dialogue social et apporterait une réponse utile aux souhaits du gouvernement de favoriser des parcours syndicaux valorisants ;

- Pour les entreprises soumises à l’obligation d’avoir des représentants du personnel au

sein de leur Conseil d’administration, la mise en place de la RUP devrait simplifier les modalités de leur désignation ;

- Enfin, les compétences de cette nouvelle instance en matière de négociation collective

d’entreprise devraient faire l’objet d’un examen approfondi au regard des nouvelles thématiques de négociation (maintien de l’emploi, mobilité, PSE) et du rôle traditionnellement dévolu aux organisations syndicales représentatives en ce domaine.

Cet ensemble de propositions innovantes, que la CCI Paris Ile-de-France soutient de longue date137, porte un changement de vision de la représentation du personnel, autour d’une instance de proximité favorisant un dialogue plus fluide et surtout plus efficace, permettant de construire de meilleures relations dans l’entreprise.

137 Pierre DESCHAMPS, Eric HAYAT, Pour une politique des seuils incitant à la croissance des entreprises, 24 janvier 2008. [En ligne] http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/politique-des-seuils-des0801.pdf. Voir aussi : Danielle DUBRAC, 10 propositions pour simplifier la représentation élue du personnel, 23 septembre 2010.

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THEME 3 – SOCIAL FICHE 15

ACCROÎTRE LA FLEXIBILITÉ DE NOTRE MARCHÉ DU TRAVAIL ET SÉCURISER LES PARCOURS PROFESSIONNELS

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES La réforme des règles de fonctionnement du marché du travail – et parmi elles celles du contrat de travail – est un sujet qui intéresse au premier chef les entreprises. La situation actuelle est, en effet, caractérisée par de trop grandes rigidités du cadre juridique des différentes formes de contrat et de leur rupture. Cela conduit à des phénomènes indésirables : complexité des règles, contentieux de la rupture, insécurité des décisions de l’employeur, dualité du marché du travail, recours artificiel aux CDD et à l’intérim, contournement des procédures... Ce constat est partagé, tant par une partie des partenaires sociaux, que par les économistes et les politiques. À ce titre, les partenaires sociaux ont engagé ces dernières semaines un travail de bilan de l’accord national interprofessionnel (ANI) relatif à la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008 qui a engagé la France sur la voie de la flexisécurité grâce, notamment, à la création de la rupture conventionnelle du contrat de travail qui connaît depuis un succès sans égal138. Or, certains signataires de l’ANI soulignent aujourd’hui la nécessité de relancer le processus et plus particulièrement de réviser les règles de rupture du CDI139. Ils sont rejoints sur ce point par des économistes de renom – dont Jean Tirole, Prix Nobel d’économie 2014 – qui prônent un Jobs Act à la française140. Dans ce contexte, le Premier Ministre a relancé l’idée d’un contrat de travail unique141. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Depuis 2007, la CCI Paris Ile-de-France propose des aménagements des règles du contrat à durée indéterminée suivant deux orientations : - La première vise, dans une logique similaire à celle du contrat de projet, à permettre aux

parties au contrat de qualifier à l’avance certaines circonstances comme des causes réelles et sérieuses de licenciement. Dans cette hypothèse, la survenance de l’une des circonstances retenues au contrat permettrait de rompre celui-ci sans avoir à justifier d’une autre cause et sans que le motif avancé à l’appui du licenciement ne puisse être remis en question.

138 En 2014, 335 000 ruptures conventionnelles ont été homologuées. – Dares, février 2015. 139 Bilan des accords nationaux interprofessionnels, MEDEF, mars 2015. 140 « Pour un Jobs Act à la française », Les Echos, 30 mars 2015, p. 11. 141 C.C., « Manuel Valls relance l’idée du contrat de travail unique », Le Figaro économie, 23 octobre 2014, page 1.

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- La seconde tend à assouplir les exigences du licenciement pour motif économique en restreignant le contrôle par le juge du motif de licenciement économique. A la différence du système actuel dans lequel seule une qualification particulière de la situation de l’entreprise («difficultés économiques», «mutations technologiques», «sauvegarde de la compétitivité») justifie la rupture du contrat de travail, le licenciement pour motif économique reposerait sur le seul constat de la suppression ou de la transformation de l’emploi. Le contrôle judiciaire serait, par conséquent, limité à la vérification de la matérialité des faits à l’exclusion de l’analyse du raisonnement et des choix économiques de l'employeur.

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THEME 3 – SOCIAL FICHE 16

AFFIRMER L’AUTORITE CONVENTIONNELLE DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR PROMOUVOIR L’EMPLOI

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES L’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 et la loi du 14 juin 2013142 relatifs à la sécurisation de l’emploi ont instauré des accords de mobilité interne et des accords de maintien de l’emploi qui ont pour but la préservation de l’emploi en cas de difficultés économiques ou de restructuration de l’entreprise. Or, le constat est sans appel à ce jour : aucun accord de mobilité interne n’a été conclu et à peine une dizaine d’accords de maintien de l’emploi ont recueilli l’accord des partenaires sociaux. Ce résultat décevant s’explique, d’abord, par la complexité juridique qui entoure la négociation et la conclusion de tels accords, certains grands groupes privilégiant alors une négociation hors cadre. Il s’explique également par l’insécurité juridique qui entoure le licenciement du salarié qui refuse la mise en œuvre d’un tel accord qui modifie, de jure, son contrat de travail. Cette situation contredit les efforts développés par les partenaires sociaux et le législateur pour garantir la légitimité des acteurs du dialogue social – au travers de la réforme des règles de représentativité – et celle de leurs décisions, par l’exigence majoritaire comme condition de validité des accords et conventions collectives de travail. Elle empêche, en outre, de donner plein effet au concept de démocratie sociale que les réformes successives ont promu, depuis la loi Larcher de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007143 jusqu’à celle relative à la formation professionnelle à l’emploi et à la démocratie sociale du 5 mars 2014144. Elle crée, enfin, une discrimination entre les employeurs qui auront intégré un ensemble de garanties dans les contrats individuels de travail et ceux qui, à l’opposé, auront renvoyé l’exécution de la relation de travail aux conditions conventionnelles. Ce faisant, certaines entreprises ne peuvent mener à bien, malgré l’assentiment des syndicats, les réformes nécessaires à l’adaptation de l’entreprise, à ses contraintes économiques et, le cas échéant, à la préservation de l’emploi. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS La question n’est pas nouvelle et a toujours été résolue, jusque-là, ponctuellement. Ainsi, l'article L. 1222-7 du Code du travail (issu de la loi Aubry II du 19 janvier 2000145) dispose que « la seule diminution du nombre d'heures stipulé au contrat de travail en application d'un accord de réduction de la durée du travail ne constitue pas une modification du contrat de travail ». S’ensuit alors, contre toute logique juridique, un licenciement individuel qui ne

142 Loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, JORF du 16 juin 2013, p. 9958. 143 Loi n° 2007-130 du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, JORF du 1er février 2007, p. 1944. 144 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, JORF du 6 mars 2004, p. 4848. 145 Précitée note 38.

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repose pas sur un motif économique en cas de refus d’un salarié. Une solution analogue a été retenue dans le cadre des accords d’annualisation ou de modulation du temps de travail (article L. 3122-6 du Code du travail), d’accord de mobilité interne (article L. 2242-23 du Code du travail) ou de maintien de l’emploi (article L. 5125-2 du Code du travail)… Dans ces deux dernières hypothèses, le licenciement économique est individuel, quel que soit le nombre de refus. Ces solutions sont insatisfaisantes tant au plan de l’analyse que celui de la sécurité juridique. Elles sont d’autant plus discutables qu’elles reposent exclusivement sur l’interprétation que font les juges de l’article 1134 du Code civil146 et de l’article L. 2254-1 du Code du travail147, selon une idée ancienne du principe dit de faveur, aujourd’hui dépassée. Aussi, en s’appuyant sur le concept de démocratie sociale, il convient d’inscrire dans la loi les conditions dans lesquelles la volonté collective des salariés, exprimées par les organisations syndicales représentatives dans le cadre d’accords majoritaires, primerait sur la volonté individuelle de chaque salarié, quel que soit le contenu de son contrat de travail. Par conséquent, le refus d’un salarié d’appliquer le texte conventionnel en cause justifie son licenciement pour faute, conformément aux règles classiques de la modification du contrat de travail.

146 « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi entre les parties ». 147 Cet article dispose : « Lorsqu’un employeur est lié par les clauses d'une convention ou d'un accord, ces clauses s'appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables ».

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THEME 4 – FISCAL FICHE 17

SIMPLIFIER L’ENVIRONNEMENT NORMATIF POUR METTRE UN TERME À L’OPACITÉ DE LA PRESSION FISCALE PESANT SUR LES ENTREPRISES

LA NÉCESSAIRE RATIONALISATION DES PETITES TAXES I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES La prolifération des taxes en France rend notre système fiscal complexe et peu attractif Les petites taxes sont nombreuses, complexes et en perpétuelle évolution. Elles sont coûteuses et déconnectées de la rentabilité des entreprises. Elles pèsent de manière importante tant en termes de charge fiscale stricto sensu qu’en termes de coûts de gestion administrative. Elles ne font pourtant l’objet d’aucun rapport, étude ou débat public, y compris en milieu universitaire. La CCI Paris Ile-de-France s’est efforcée d’adopter une démarche nouvelle de sélection et de classification des principales petites taxes, en fonction de leur affectation budgétaire actuelle. Cette méthode a permis d’identifier six catégories de taxes selon qu’elles financent le secteur social, la vocation écologique, les infrastructures franciliennes, la formation ou la construction, le déficit conjoncturel de l’Etat ou, enfin, des activités sectorielles. De l’examen de ces taxes ressort un constat général selon lequel elles ne sont pas toujours cohérentes, et qu’aucun procédé n’est prévu pour vérifier si les objectifs sont atteints et si leur affectation se justifie toujours. C’est pourquoi, la CCI Paris Ile-de-France souhaite une rationalisation de ces petites taxes dans le cadre d’un système cohérent et propose d’une part, de redéfinir les modalités de création et de suivi des taxes et d’autre part, de simplifier radicalement certaines d’entre elles. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS • Axe 1 : Redéfinir les modalités de création et de suivi des petites taxes

- Poser le principe que toute création de taxe figure dans la loi de finances ; - Impliquer les entreprises dans l’élaboration des textes régissant les taxes ; - Rendre obligatoire le réexamen systématique des taxes qui changent d’affectation ; - Rendre lisible le bénéfice des projets financés ou des prestations fournies en

contrepartie de la taxe.

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• Axe 2 : Simplifier les « petites taxes » par fusion ou suppression

- Fusionner la taxe et les redevances sur le traitement des déchets en une seule et unique taxe ;

- Rationaliser les taxes à vocation écologique en favorisant une fiscalité responsabilisante ;

- Supprimer les taxes auxquelles pourrait être substituée une interdiction ou une obligation légale ;

- Supprimer les taxes dont la faiblesse du rendement laisse supposer que le produit net est négatif.

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THEME 4 – FISCAL FICHE 18

AMÉLIORER LES RELATIONS ENTRE L’ADMINISTRATION FISCALE ET LES ENTREPRISES

LE PROGRAMME DE « LA RELATION DE CONFIANCE » : UN OUTIL DE COMPÉTITIVITÉ ET D’ATTRACTIVITÉ

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Les entreprises françaises assistent depuis plusieurs années à une dégradation du climat fiscal : complexification et instabilité des normes, durcissement de l’action de l’administration, sentiment de présomption de fraude… Leurs rapports avec l’administration s’en trouvent lourdement affectés. La méfiance et l’incompréhension mutuelle régissent les échanges. Les conséquences ne sont pas négligeables : la gouvernance fiscale des entreprises est instable, coûteuse et risquée quand l’administration perd en compétences, rompt le dialogue et de fait connaît moins la réalité économique des entreprises. La CCI Paris Ile-de-France, en collaboration avec CCI France, s’est penchée sur un projet positif lancé par le gouvernement en octobre 2013, et qui apparaît comme une réponse pragmatique à ce climat fiscal contre-productif : le programme de « la Relation de confiance entre les entreprises et l’administration fiscale ». L’objectif du programme est d’offrir aux entreprises une sécurité fiscale inédite par un système de « transparence-contreparties ». L’entreprise acquiert des certitudes fiscales qui ne pourront être remises en cause par la suite. L’innovation principale repose sur la mise en œuvre d’un dialogue ouvert et compréhensif, qui amènerait l’administration à considérer la réalité et les contraintes des entreprises. Le climat fiscal pourrait s’en trouver transformé. Ce programme est volontaire, destiné aux entreprises qui souhaiteraient sécuriser leur fiscalité pour parer aux incertitudes ou risques fiscaux générés par leur activité. Les enjeux pour l’entreprise seraient multiples : stabilité, gestion en temps réel, prévisibilité, fiabilité et image de l’entreprise auprès des tiers (banquiers, investisseurs, repreneurs…), optimisation des coûts de discipline fiscale, interlocuteur privilégié au sein de l’administration… Ce projet innovant doit être soutenu mais aussi évalué pour mesurer le bénéfice réel qu’en tireraient les entreprises. Le programme est-il suffisamment sécurisé ? L’administration sera-t-elle en mesure de mettre en œuvre une démarche coopérative dans un dialogue ouvert ?

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Le programme est actuellement en expérimentation auprès d’entreprises volontaires. Aussi la CCI Paris Ile-de-France, en collaboration avec CCI France, s’est-elle investie par un rappport dans l’expérimentation en cours afin de participer en amont à l’évaluation du programme voire à son élaboration148. II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS Élaborées sur la base d’auditions d’entreprises en expérimentation, les présentes propositions ont vocation à contribuer concrètement à l’amélioration du programme pour aboutir in fine, en cas de déploiement définitif, à un programme sécurisé pour les entreprises. Les propositions du rapport s’articulent autour des axes suivants : - Communiquer efficacement sur le programme pour permettre aux entreprises

intéressées d’en saisir l’opportunité ; - Sécuriser les entreprises qui s’engagent dans le programme ; - Renforcer la démarche coopérative de l’administration pour qu’elle s’ouvre aux réalités

des entreprises ; - Identifier les points devant être adaptés aux PME.

148 Patrice PUYPEROUX, La relation de confiance entre l’administration fiscale et les entreprises, 6 novembre 2014. [En ligne] http://www.cci-paris-idf.fr/sites/default/files/etudes/pdf/documents/relation-de-confiance-administration-fiscale.pdf.

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THEME 5 – PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE FICHE 19

POUR UN RENFORCEMENT DE LA PLACE DE PARIS EN MATIERE DE CONTENTIEUX DE LA PROPRIETE INTELLECTUELLE

I - PROBLÉMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES

L’application, à l’occasion de contentieux internationaux, d’un droit étranger aux entreprises les fragilise-t-elle ? La dimension internationale est inhérente aux droits de propriété intellectuelle en raison de la nature immatérielle des biens qu’ils protègent et ce phénomène a tout naturellement pris de l’ampleur avec internet. Afin d’apporter une réponse aux limites d’une protection strictement nationale, des conventions internationales ont été mises en place dès la fin du XIXème siècle, tant en matière de propriété industrielle (Convention de Paris149), qu’en matière de droit d‘auteur (Convention de Berne150). L’objectif de ces conventions est d’interdire toute discrimination entre les titulaires de droits ainsi que d’imposer un standard de protection. Ce mouvement législatif a trouvé son apogée en 1994 avec l’adoption, par tous les membres de l’OMC, de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Il a marqué un certain ralentissement de la concurrence normative en matière de propriété intellectuelle (notamment entre les pays du Nord et du Sud et entre le modèle européen et le modèle américain) au profit d’une harmonisation imposant à tous une protection minimale de base. En complément, le droit communautaire de la propriété intellectuelle continue à introduire dans chaque droit de l’Union des instruments juridiques issus d’une sélection des meilleures pratiques nationales151. Nul doute que de vrais conflits de lois internationaux subsistent et ne peuvent être occultés, mais la détermination du juge compétent pour statuer, par exemple, sur une contrefaçon constitue probablement l’enjeu principal et hautement stratégique du litige. Plus spécifiquement en matière de contentieux européen, ce n’est pas tant l’application d’un droit étranger qui fragilise les entreprises françaises que le fait que les parties obtiennent souvent des décisions judiciaires contradictoires dans les différents pays où les actes illicites ont eu lieu. La création d’une juridiction unifiée des brevets (JUB) permettra aux entreprises, 149 Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883. [En ligne] http://www.wipo.int/treaties/fr/text.jsp?file_id=288516. 150 Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques du 9 septembre 1886. [En ligne] http://www.wipo.int/treaties/fr/text.jsp?file_id=283699. 151 Il en a été ainsi pour la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, JOCE L. 195 du 2 juin 2004, p. 16.

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en cas de contrefaçon, d’engager une procédure contentieuse unique afin de permettre la cessation des actes illicites dans tous les pays concernés152. Elle devrait être un facteur de clarté et de prévisibilité, les décisions étant censées être rendues sur un mode homogène et selon des critères stables. Il faut toutefois être réaliste : ces objectifs ne seront atteints que dans une dizaine, voire une quinzaine d’années, une fois que les juridictions de première instance auront rendu un nombre conséquent de décisions et qu’il existera une véritable jurisprudence de la Cour d’appel153. Le droit français joue-t-il à armes égales avec les droits étrangers pour défendre les entreprises françaises et soumettre les autres entreprises aux mêmes contraintes ? Les juristes des pays de droit civil, au-delà des frontières mêmes de l’Europe, estiment que le droit français constitue un contrepoids et une alternative au droit anglo-américain, et plus particulièrement aux intérêts économiques qu’il soutient. Ainsi la sécurité juridique prône de ne pas introduire en droit communautaire le système américain du fair use, qui légitime des comportements sous la seule réserve d’un usage loyal – au sens de raisonnable ou acceptable –, au risque d’exposer nos entreprises aux dangers d’une absence de prévisibilité et d’une apparition de déséquilibres. La France apporte régulièrement des contributions essentielles aux projets européens. En 2004, par exemple, le législateur communautaire s’est inspiré de la saisie-contrefaçon française pour inviter les États membres à introduire dans leur droit des « mesures de conservation des preuves » rapides et efficaces. Désormais, la saisie-contrefaçon a vocation à exister sur tout le territoire de l’Union. Le droit français est-il suffisamment attractif pour les entreprises étrangères qui souhaitent se développer hors de leurs frontières ? Les actifs immatériels des entreprises sont aujourd’hui aussi importants pour leur croissance que les biens corporels. La propriété intellectuelle est véritablement devenue source de valeur. Elle favorise la compétitivité de l’entreprise, en contribuant à lui garantir un retour sur investissements, non seulement en termes de chiffres d’affaires, mais également grâce à un renforcement de son image. Elle est par ailleurs au cœur du processus d’innovation

152 Un centre d’arbitrage et de médiation des litiges est également prévu, dont les sièges seront situés à Ljubljana et à Lisbonne. Nonobstant la création de ce centre ad hoc, rien n’empêchera la place de Paris de proposer des prestations équivalentes. 153 Voir : Règlement n° 1257/2012 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par un brevet, JOUE L. 361 du 31 décembre 2012, p. 1. Dans la mesure où ce règlement, qui a institué le brevet unitaire européen, renvoie largement aux lois nationales, il est à craindre que la désignation de la loi applicable vienne parasiter les premiers contentieux dévolus à la JUB, et ce tant que la Cour de justice de l’Union européenne n’aura pas donné une interprétation autonome des règles applicables. Par ailleurs, la pratique du forum shopping risque de subsister au sein même du système juridictionnel de la JUB, puisque des divisions locales existeront en plus de la division centrale, dans les États traitant le plus de contentieux de brevets. Une compétition risque donc de s’installer entre la division centrale et les divisions locales, ces dernières étant susceptibles d’être saisies en application du règlement de Bruxelles I (tribunal du lieu du dommage ou tribunal du domicile du défendeur).

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ouverte, en plein essor, qui génère de nombreux flux de connaissances entre l’entreprise et ses partenaires externes. Dans un monde globalisé et concurrentiel, la protection de la propriété intellectuelle prend encore plus de sens. Or, le système normatif français est suffisamment sécurisant pour les entreprises étrangères : il n’a de cesse d’afficher le rôle majeur de la France dans la lutte contre la contrefaçon. Ainsi, la loi française du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon154 a tiré les leçons du bilan du dispositif de 2007155 en lui apportant des améliorations et des clarifications de nature à garantir une meilleure indemnisation du préjudice de la victime. Mais la place du droit français doit passer par une réflexion sur la façon de traiter judiciairement les contentieux de propriété intellectuelle. Il s’agit, face à des litiges de plus en plus complexes et techniques – non seulement en matière de brevets, mais aussi de marques, dessins ou modèles et droit d’auteur – d’éviter les pratiques de forum shopping qui permettent aux entreprises de délocaliser leur contentieux devant des juridictions étrangères réputées efficaces pour la défense de leur droits de propriété intellectuelle, telles l’Angleterre ou l’Allemagne. Le droit français garantit-il la compétitivité des entreprises françaises qui entendent se développer à l’international ? La protection de la propriété intellectuelle va de soi en France, mais il n’en est pas forcément de même dans tous les pays où les entreprises veulent préserver leurs droits, soit parce qu’elles y exportent leurs produits, soit parce qu’elles y exploitent une technologie. En effet, les droits de propriété industrielle ne sont valables que dans les pays où ils ont été déposés. Toutefois, le droit communautaire a construit des protections à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne pour les marques, les dessins et modèles, les variétés végétales et les indications de provenance géographique. Venant compléter et renforcer ces mécanismes, les brevets unitaires européens vont offrir aux entreprises de nouvelles opportunités pour développer leurs innovations sur le marché européen en leur donnant accès à une protection globale156.

154 Loi n° 2014-315 du 11 mars 2014 renforçant la lutte contre la contrefaçon, JORF du 12 mars 2014, p. 5112. 155 Loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon, JORF du 30 octobre 2007, p. 17775. 156 Le brevet européen à effet unitaire n’est pas véritablement un nouveau titre de propriété intellectuelle mais consiste en un nouvel effet juridique attribué à un titre existant : le brevet européen. Le règlement du 17 décembre 2012, précité note 153, prévoit en effet de conférer aux brevets européens un effet unitaire sur le territoire de l’ensemble des Etats membres participants. La protection par brevet unitaire sera facultative et coexistera avec les brevets nationaux et européens.

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Si le Commissaire Barnier avait annoncé leurs premières délivrances pour 2014, la mise en place d’un système complexe a pris du retard et on évoque maintenant comme échéance la fin de l’année 2016. Du travail reste encore à faire, notamment en ce qui concerne la détermination du montant des taxes, prévue pour la fin du mois d’avril (il s’agit là d’un élément déterminant susceptible d’inciter, ou au contraire, de dissuader les PME d’avoir recours au brevet unitaire) et la mise en place d’un réseau informatique. En complément, la construction judiciaire présente le mérite d’allier, au sein de la JUB, les compétences juridiques et techniques les plus pointues sur le territoire européen, mais elle génère des règles de compétences et de procédures complexes. Il convient également de rappeler que les frais de justice doivent être les plus limités possibles afin de permettre un accès à ce mécanisme pour les PME157, et que les modalités de formation des magistrats doivent encore être explorées. Pour autant, il faut se féliciter que la France ait été autorisée à ratifier, dès le 24 février 2014, l’accord sur la JUB, dont le siège de la division centrale et la présidence se trouveront à Paris158. Le choix et la nomination du Président sont des décisions très attendues.

II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS La reconnaissance du rôle majeur joué par la propriété intellectuelle dans les entreprises et la lutte sans relâche contre la contrefaçon, véritable fléau tant dans le domaine économique que social, doivent s’imposer aujourd’hui comme l’une des principales priorités de notre société. La Chambre de commerce et d’industrie de Région Paris Ile-de-France a encouragé, dès l’origine, l’initiative visant à créer un pôle judiciaire spécialisé en propriété intellectuelle, au sein du Tribunal de grande instance de Paris, sous l’impulsion de son Président de l’époque, Jean-Claude Magendie159. Cette initiative a ensuite été étendue à la Cour d’appel de Paris. Elle prend une nouvelle dimension dans le cadre de la mise en place de la juridiction compétente en matière de brevet unitaire, ou encore de la loi de lutte contre la contrefaçon du 11 mars 2014 précitée, prévoyant la compétence exclusive du Tribunal de grande instance de Paris en matière de contentieux relatif aux inventions de salariés. Ainsi, la création au sein du Tribunal de grande instance de Paris160 d’un pôle spécialisé en propriété intellectuelle, unifiant les voies civile et pénale et doté de moyens adéquats,

157 S’il est prévu de faciliter l’accès des PME à la juridiction unifiée des brevets, il est regrettable que des modalités de soutien financier n’aient pas fait l’objet de débat. 158 Loi n° 2014-199 du 24 février 2014 autorisant la ratification de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet, JORF du 25 février 2014, p. 3249. 159 Serge HOFFMAN, Eric BONNET, « Entretien avec Jean-Claude Magendie, Président du Tribunal de grande instance de Paris », Gazette de la propriété industrielle 20 et 21 déc. 2006, p. 9. 160 Au civil, les contentieux sont, pour les brevets d’invention et selon l’article D. 211-6 du Code de l’organisation judiciaire, de la compétence exclusive du Tribunal de grande instance de Paris ; en matière de marques, de dessins et modèles et de propriété littéraire et artistique, ils sont, en vertu du tableau VI annexé à l’article D. 211-6-1 du Code de l’organisation judiciaire, de la compétence exclusive des TGI de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Nanterre, Paris, Rennes, Strasbourg et Fort-de-France. Au pénal, il n’existe pas une telle répartition légale et tous les tribunaux correctionnels sont donc compétents.

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conforterait l’efficacité et la cohérence du traitement de la contrefaçon pour toutes les entreprises – françaises et étrangères – titulaires de droits en France161. Plusieurs pistes peuvent être retenues : • Favoriser le « dialogue des juges » Un pôle de propriété intellectuelle pourrait réunir des magistrats de la troisième chambre civile et de la trente-et-unième chambre correctionnelle du Tribunal de grande instance de Paris, toutes deux compétentes en matière de propriété intellectuelle. Constituer une telle formation mixte civile/pénale assurerait une véritable cohérence du traitement du contentieux et permettrait probablement au pénal de reprendre la place qui devrait être la sienne dans ce domaine, eu égard aux répercussions économiques et sociales de la contrefaçon. • Améliorer les conditions matérielles de fonctionnement des juridictions parisiennes Le renforcement de ce pôle passe notamment : - par l’augmentation du nombre de magistrats et d’assistants spécialisés. Le

développement des assistants de justice permettrait en effet de décharger davantage le travail des magistrats, dont la charge est très supérieure à celle de leurs collègues européens. Par ailleurs, le nombre de greffiers est notoirement insuffisant à la troisième chambre du Tribunal de grande instance de Paris ;

- ainsi que par une meilleure formation aux enjeux de la propriété intellectuelle. Cette spécialisation pourrait emprunter différentes voies, au premier rang desquelles se trouve incontestablement une spécialisation acquise par la pratique de la matière au quotidien.

Enfin, le rôle du Parquet devrait être renforcé non seulement en matière de lutte contre la contrefaçon, mais également au regard de la validité des titres162. • Assurer la pérennité et la professionnalisation des magistrats Il serait indispensable de ne plus lier mobilité et avancement, ce qui permettrait aux magistrats de rester plus longtemps au sein de leur juridiction d’affectation (quatre ou cinq ans contre deux ou trois ans actuellement) et d’y acquérir une expérience indispensable de la discipline. 161 En 1999, à la demande du ministère de la justice (GIP « Mission de recherche – Droit et justice »), l’IRPI (Institut de recherche en propriété intellectuelle de la Chambre de commerce et d’industrie de Région Paris Ile-de-France) a réalisé une étude sur la jurisprudence relative à la contrefaçon des droits de propriété intellectuelle, afin de fournir des données chiffrées sur la durée des procédures et les sanctions prononcées). L’actualisation des données permettrait sans nul doute de mieux apprécier l’efficacité des tribunaux français dans la résolution de tels contentieux. 162 Le marché, au risque d’entraver une saine concurrence, ne doit pas être encombré de titres faibles, délivrés de manière trop large par les offices de propriété industrielle. Le Parquet doit donc être véritablement proactif pour éliminer de tels titres.

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• Encourager la professionnalisation des magistrats Par ailleurs, il n’existe pas de spécialisation propre à la propriété intellectuelle mais les magistrats sont soumis, à leur sortie de l’Ecole supérieure de la magistrature, à une obligation de formation continue. Il serait donc envisageable de proposer aux juges, par ce biais, de suivre des enseignements de propriété intellectuelle (de manière peut-être plus systématique qu’aujourd’hui).

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THEME 6 – INTERNATIONAL

FICHE 20 UNE ATTEINTE À LA SOUVERAINETE DU DROIT FRANÇAIS :

LE FORUM SHOPPING I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Le forum shopping163 est une expression assez négativement connotée. Désignant le fait de choisir une juridiction et/ou un droit applicable, ce phénomène est indissociable de l’internationalisation et a très tôt fait son apparition en matière de droit des personnes164. Le forum shopping est aujourd’hui d’une actualité pressante du fait de l’internationalisation du commerce et des échanges économiques. C’est un « problème classique qui empoisonne depuis toujours les relations de droit international privé » et « qui tend à se répandre avec d’autant plus d’efficacité que les systèmes juridiques se décloisonnent pour laisser place à des espaces de libre-échange »165. Ainsi, certaines affaires ont pu faire l’objet d’un forum shopping par l’une ou l’autre des parties : - L’affaire de l’Amoco Cadiz, pollution pétrolière en France par un navire armé par Amoco,

société américaine, qui a été traitée par les juridictions américaines alors que les juridictions françaises étaient aussi compétentes ;

- Les affaires plus récentes, liées à des class actions en matière boursière : Vivendi, Alstom, Société Générale, Dexia, Ahold, Deutsche Telekom, KPMG Belgique, Nortel, National Australia Bank… Elles ont été engagées devant les juridictions américaines alors que ces sociétés ne le sont pas. Il doit être noté que la majorité de ces affaires se sont réglées hors cour, c’est-à-dire que le forum shopping a été utilisé comme arme de négociation pour obtenir des dommages-intérêts.

Plus généralement, le forum shopping consiste, pour un plaideur, à s’assurer l’accès à un juge le plus favorable à ses intérêts, tant quant au fond que quant aux règles de procédure. La problématique principale du forum shopping est liée à la licéité – ou à l’éthique – de cette pratique : le forum shopping est-il licitement recherché ? Ou est-il constitutif d’une fraude ? Par ailleurs, le juge d’élection peut-il être complaisant au point de pouvoir prétendre s’approprier un conflit avec un rattachement faible ? 163 Littéralement « l’achat d’un juge ». Cette notion est entendue de la façon la plus large possible, c’est-à-dire comme englobant à la fois l’élection de la juridiction nationale (forum shopping au sens strict) et l’élection du droit applicable (law shopping). 164 A titre d’exemple, dans une décision Cass. civ., 18 mars 1878, Princesse de Bauffremont, une justiciable avait choisi de se soumettre volontairement à la loi d’un land allemand afin de divorcer, alors que le divorce n’était pas admis en France. La Chambre civile de la Cour de cassation a toutefois retenu la fraude à la loi française dans cette hypothèse. 165 Marie-Laure NIBOYET, « La globalisation du procès civil international dans l’espace judiciaire européen et mondial », Journal de droit international 2006, p. 937.

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Dans le cadre du droit commercial, et spécialement dans les contentieux boursiers, il existe de nombreux points de rattachement166, multipliant de facto les risques de forum shopping, dès lors que ceux-ci désignent des juridictions différentes : la situation peut alors donner naissance à un conflit positif de juridictions, c’est-à-dire le fait que deux ou plusieurs juridictions sont également compétentes pour connaître du litige. Toutefois, il peut y avoir un abus de forum shopping, et c’est d’ailleurs pour désigner cet abus que la locution de forum shopping est généralement employée par le grand public. Au vrai, la distinction employée par le Professeur Pascal De Vareilles-Sommières doit être reprise : - Le shopping bonus, licite ;

- Le shopping malus, illicite, lorsqu’il a pour effet de soumettre le litige à une juridiction

dépourvue de lien caractérisé avec ce dernier ; qu’il met en échec un jugement ou une procédure déjà intervenue régulièrement pour le juger ou qu’il remet en cause une compétence exclusive française167.

En d’autres termes, le forum shopping devient illicite lorsqu’il « opère une soustraction du litige à la compétence de son juge naturel en vue de son attribution artificielle, c’est-à-dire forcée, disproportionnée, sans lien caractérisé significatif ou au mépris de rattachements plus raisonnables et pertinents »168. La difficulté, en dépit de cette distinction doctrinale, tient au fait que le forum shopping dépend grandement de la volonté de la juridiction étrangère. En effet, bien que le juge français considère que la saisine de la juridiction étrangère est frauduleuse, cela n’aura aucun effet sur le déroulé de la procédure à l’étranger : en vertu du principe de courtoisie internationale, un Etat ou une juridiction étatique ne peut contraindre une juridiction d’un autre Etat. Il reste éventuellement l’application du forum non conveniens (FNC)169, si la juridiction saisie en vertu d’un forum shopping est une juridiction de common law : le FNC est une exception invoquée in limine litis qui permet à une partie de demander au juge saisi de se départir du litige, à la condition de prouver qu’un autre juge est plus compétent selon les règles de droit international privé170.

166 Lieu du siège social, lieu d’exercice de l’activité en cause, nationalité du demandeur, lieu d’achat des actions, lieu de survenance du dommage boursier… 167 Pascal DE VAREILLES-SOMMIERES, « Le forum shopping devant les juridictions françaises », Travaux de la commission française du Droit international privé, 1998-2000, p. 49 et s. 168 Daniel COHEN, « Contentieux d’affaires et abus de forum shopping », D. 2010, p. 975. 169 Littéralement « juge non approprié ». 170 A titre d’exemple, le Code civil du Québec dispose, dans son article 3135 : « Bien qu'elle soit compétente pour connaître d'un litige, une autorité du Québec peut, exceptionnellement et à la demande d'une partie, décliner cette compétence si elle estime que les autorités d'un autre État sont mieux à même de trancher le litige ».

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II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS Il y a lieu de s’interroger sur l’introduction, dans le corpus des règles françaises, d’un mécanisme inspiré de l’anti-suit injunction anglo-américaine. Littéralement « injonction contre les poursuites », ce mécanisme présuppose l’existence d’un conflit positif de juridictions. Dès lors, le défendeur – ou le potentiel défendeur si l’action n’est pas encore engagée – devant une juridiction étrangère peut introduire une action devant sa juridiction nationale, afin d’enjoindre sous astreinte le demandeur de ne pas engager de poursuite, ou de l’abandonner. Il doit être précisé que cette injonction ne vise pas la juridiction étrangère selon le principe de courtoisie internationale, mais plutôt la partie qui a engagé – ou qui compte engager – une procédure devant la juridiction d’un autre État171.

171 Quoi qu’il en soit, cette anti-suit injunction ne saurait s’appliquer lorsque les juridictions visées par le conflit positif sont toutes deux Etats membres de l’Union européenne. En effet, un principe existe dans l’Union européenne, celui de reconnaissance mutuelle des ordres juridictionnels, rendant impossible l’édiction d’une anti-suit injunction intracommunautaire.

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THEME 6 – INTERNATIONAL FICHE 21

UN EXEMPLE DE FRAGILISATION DES ENTREPRISES FRANCAISES : L’APPLICATION EXTRATERRITORIALE DES LOIS AMERICAINES

I – PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES La thématique de l’extraterritorialité de l’application de certaines lois américaines est réapparue alors que la BNP a accepté de verser une amende de près de 6.5 milliards d’euros pour avoir effectué des transactions en dollars US avec des pays sous embargo américain (tels Cuba, l’Iran ou le Soudan). Il doit être souligné que cette amende, exceptionnelle dans son montant, est loin de l’être sur le fond du droit : les banques ING et Standard Chartered ont elles aussi été condamnées à verser des amendes (respectivement de 619 millions de dollars et de 667 millions de dollars) pour des faits similaires. Si la problématique de l’extraterritorialité des lois étasuniennes a ressurgi l’année dernière, cette question n’est pas nouvelle car de nombreuses lois américaines ont vocation à étendre leur champ bien au-delà des frontières des Etats-Unis, contrevenant au principe de droit international public de souveraineté des Etats172. On peut penser ainsi aux lois Helms-Burton et D’Amato-Kennedy, par lesquelles un justiciable américain est autorisé à poursuivre toute personne – quelle que soit sa nationalité – qui aurait commercé avec Cuba (loi Helms-Burton173) ou l’Iran ou la Libye (loi D’Amato-Kennedy174). Or, ces lois datent toutes deux de 1996... Dès lors, comment des entreprises étrangères, agissant avec d’autres entreprises ou États étrangers, hors du territoire étasunien, peuvent-elles faire l’objet d’une poursuite devant les tribunaux américains ? En vertu d’une loi de 1977, la Foreign Corrupt Practices Act, toute opération dénouée en dollars américains, quel que soit son lieu de réalisation, doit transiter par une chambre de compensation étasunienne. Par conséquent, le passage devant cette chambre de compensation située sur le sol américain pourrait suffire, selon l’Attorney general et les différents State’s attorneys à attraire une entreprise étrangère devant les juridictions

172 Car il y aurait une application d’un droit étranger sur leur propre territoire. 173 Au titre de la loi Helms Burton, 22 U.S.C. § 6021 et seq., est visée « n’importe quelle personne ou entreprise dans le monde » qui « trafique » avec des biens qui ont un rapport (ne serait-ce que très lointain) avec des biens nationalisés à partir de 1959. La loi définit le verbe « trafique » comme toute activité de vente, transfert, distribution, répartition, réalisation d’opération financière, gestion, ou disposition de toute autre matière de biens confisqués ; ou encore l’achat, prise à bail, réception, cession, obtention du contrôle, gestion, utilisation ou acquisition par toute autre façon de biens confisqués. Tombent aussi sous la qualification de trafic l’exercice d’une activité commerciale utilisant ou bénéficiant de biens confisqués. 174 Iran and Libya Sanctions Act of 1996 (dite loi D’amato-Kennedy), 110 Stat. 1541. Est interdit au titre de cette loi tout investissement de plus de 40 millions de $ par an pour le développement des secteurs gazier et pétrolier en Iran et en Libye à « n’importe quelle personne ou entreprise dans le monde ».

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étasuniennes. C’est d’ailleurs en vertu de ce point de rattachement que la BNP a été poursuivie à New York et a consenti un règlement hors Cour. Il doit être noté que si la volonté politique est celle de favoriser l’extraterritorialité des lois américaines, la Cour suprême des États-Unis a dernièrement pris des décisions allant exactement dans la direction inverse. Deux arrêts peuvent être cités : - La décision Morrison v. National Australia Bank et al. de 2010175. Elle restreint

l’application extraterritoriale de la Securities Exchange Act176 dans un litige mettant aux prises des actionnaires australiens, ayant acheté des parts d’une société australienne à la bourse de Sydney, qui reprochent à cette société d’avoir communiqué des informations trompeuses en Australie. Mais l’origine de ces informations était liée à la comptabilité de ses filiales, située aux Etats-Unis. Il était alors question de foreign cubed action, car ni le demandeur, ni le défendeur, n’étaient étasuniens et le préjudice n’était pas subi aux Etats-Unis. La Cour suprême a expressément affirmé l’interdiction de l’application de la loi américaine lorsque le point de rattachement ne concerne ni les parties au litige, ni le lieu de survenance du préjudice ;

- La décision Kiobel v. Royal Dutch Petroleum, de 2013177. L’Alien Tort Statute178, loi américaine de 1789, vise à réparer le préjudice causé par la violation « de la loi des nations », où que ce soit dans le monde, et a été invoquée par des demandeurs nigérians, à l’encontre d’un consortium néerlando-britannico-nigérian, en raison de la violation des droits de l’Homme179. La Cour Suprême a rejeté la demande, car en l’espèce, elle n’avait pas assez de liens directs180 avec le territoire des Etats-Unis. Dès lors, cette loi n’aurait vocation à s’appliquer qu’en cas de foreign squared action, c’est-à-dire si la procédure a un point de rattachement exprès avec les Etats-Unis (le demandeur ou le défendeur est étasunien, ou le dommage a été subi aux États-Unis).

II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS On rappellera qu’il existe des outils réglementaires à l’échelle communautaire, les pays membres de l’UE en ont d’ailleurs fait usage, en 1996, en adoptant un Règlement anti-embargo à l’issue de la promulgation de la Loi Helms-Burton181. Une proposition de règlement a été formulée en ce sens le 6 février 2015182, mais suppose l’accord unanime de 175 Morrison v. National Australia Bank, 561 U.S. 247 (2010). 176 Securities Exchange Act of 1934, 15 U.S.C. § 78 et seq. 177 Kiobel v. Royal Dutch Petroleum Co., 133 S.Ct. 1659 (2013). 178 Alien Tort Statute of 1789, 28 U.S.C. § 1350. 179 Les droits de l’Homme sont traditionnellement entendus comme « loi des nations ». Voir en ce sens : Sarah JOSEPH, Corporations and Transnational Human Rights Litigation, Oxford, Hart publishing, 2004, p. 22 et s. 180 La décision utilise la locution « touch and concern ». 181 Règlement (CE) 2271-96 du Conseil du 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant, JOCE L. 309 du 29 novembre 1996, p. 1. 182 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant protection contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers, ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant (refonte), COM (2015) 48 final. [En ligne] http://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:537a7e16-ae0a-11e4-b5b2-01aa75ed71a1.0002.01/DOC_1&format=PDF.

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tous les Etats. La CCI Paris Ile-de-France soutient cette initiative qui permettrait au niveau européen de limiter les effets extraterritoriaux de certaines lois américaines. L’Union Européenne avait également demandé, à l’OMC, la constitution d’un panel d’arbitrage comme l’y autorisait le nouveau Règlement des différends. Une procédure de consultation avait alors été engagée. Finalement, l’UE a accepté de suspendre sa plainte contre l’engagement des États-Unis de limiter l’application de la loi aux entreprises américaines. La CCI Paris Ile-de-France rappelle qu’il serait toujours possible à l’Union Européenne de demander à nouveau la constitution d’un tel panel.

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THEME 6 – INTERNATIONAL FICHE 22

LA COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES FRANÇAISES À L’ÉTRANGER APPELLE DES RÉPONSES GLOBALES ET CONCERTÉES, EUROPÉENNES OU INTERNATIONALES

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES D’une manière générale, la France a un rapport assez ambivalent à la globalisation. Elle en perçoit souvent davantage les inconvénients que les bénéfices. Cette posture peu favorable à la mondialisation s’est renforcée avec le lancement des négociations pour un accord de partenariat entre l’Europe et les États-Unis (Treaty for Transatlantic Investment and Partnership – TTIP). Dès lors, les discussions de la Commission européenne avec des États tiers pour des accords de libre-échange ou de partenariat suscitent généralement une réaction défensive de la part de la France. Des lignes rouges sont ainsi définies ou bien la France demande à ce que des secteurs soient exclus de la négociation européenne183. Si l’exclusion de secteurs peut trouver justification, la définition d’intérêts offensifs s’impose plus que jamais à l’échelle nationale, mais aussi, plus largement, à l’échelle européenne. La France, compétitive dans les services, aurait ainsi tout à gagner à leur libéralisation et à afficher une position forte. La multilatéralisation des règles du commerce international, couplée aux avancées en matière de libéralisation de l’accès aux marchés dans le monde permettent, en effet, de créer des conditions de concurrence convergentes pour les opérateurs économiques internationaux. C’est en ce sens qu’il convient de poursuivre les actions, notamment dans le cadre de l’OMC. En effet, l’accord de l’OMC à Bali (décembre 2013) sur la facilitation des échanges (trade facilitation), qui vise à accélérer le mouvement, la mainlevée et le dédouanement des marchandises, y compris en transit, est une avancée considérable pour les entreprises qui doivent faire passer plusieurs frontières à leurs biens, notamment les intrants. De même, les négociations plurilatérales en cours à l’OMC dans trois domaines (services, technologies de l’information et biens environnementaux)184 représentent des enjeux considérables pour les entreprises françaises compétitives dans ces secteurs ; elles peuvent leur ouvrir l’accès à d’importants marchés étrangers. Dès lors, l’enjeu se pose davantage en termes d’influence et de lobbying pour faire valoir les intérêts des entreprises dans les discussions internationales. 183 La négociation d’accords commerciaux avec les pays tiers s’inscrit dans le cadre de la politique commerciale commune. 184 TISA (Trade in Services Agreement), ITA (Information Technology Agreement) et EGA (Environmental Goods Agreement).

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Dans ce contexte, l’appréhension du droit français comme outil de compétitivité des entreprises françaises sur les marchés étrangers est aujourd’hui une problématique qui ne correspond plus vraiment aux réalités, à l’exception de domaines où les règles françaises trouvent à s’imposer de par certaines conditions185. Dès lors, la tentation qu’ont les États de légiférer sur des questions qui peuvent recevoir des solutions plus larges et globales – car concertées186 – ou qui ont déjà reçu des éléments de réponse par la soft law doit faire l’objet de la plus grande attention. Là encore, dans un contexte de fragmentation croissante des chaînes de production dans le monde (chaînes de valeur mondiales), la question est cruciale pour les entreprises qui, pour gagner en compétitivité, font produire et assembler à l’étranger ou importent une part croissante de produits intermédiaires pour leurs produits finaux. On touche, à la fois, à des logiques d’implantation/sous-traitance/co-traitance et de commerce/transit international. On rappellera, par exemple, que les dispositions au titre de la RSE imposent des obligations dans ce sens aux entreprises. Outre le fait que le risque de sur-réglementation est patent187, il apparaît que l’édiction de législations de ce type par un État pose le problème de distorsion de concurrence avec les entreprises des États qui ne mettent pas en œuvre ce type de législations. Dans le même ordre d’esprit, ces textes peuvent conduire des entreprises à réduire leur champ d’activité aux seuls États qui ont reconnu certaines conventions internationales (liberté syndicale et autres conventions liées aux droits du travail, etc.) et qui respectent de facto ces dernières afin de ne pas prendre le risque d’exercer leurs activités dans des pays où il est difficile de s’assurer de l’adéquation entre le droit et la pratique. Enfin, une fois encore, l’intervention du législateur en ce domaine est regrettable alors que les avancées de la soft law au niveau multilatéral/international ne sont pas neutres188. II - PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS Il est impératif, pour la France, d’adopter une posture plus ouverte par rapport à la globalisation et de priviligier une approche offensive ; les avantages liés à cette ouverture internationale sont bien souvent plus importants que les inconvénients comme a pu le montrer la mise en œuvre de l’accord de libre-échange UE-Corée, au bénéfice de l’Europe. Dès lors, il est essentiel de soutenir les négociations commerciales qui renforcent l’accès des entreprises aux marchés internationaux, notamment dans les secteurs qui vont faire la croissance de demain (services, technologies de l’information et biens environnementaux). La France dispose ainsi d’un éco-système de petites entreprises dans les éco-activités qui trouveraient avantage à la libéralisation des marchés environnementaux dans le monde.

185 On peut citer à ce titre les règles bancaires, fiscales, de concurrence, de fusions, etc. 186 La concertation est européenne dans le cas de la France. 187 Multipliant de fait les risques de contradiction, ou à tout le moins d’achoppement entre les textes. 188 En l’espèce, l’ensemble des Principes directeurs de l’OCDE à l’attention des entreprises multinationales et le dispositif « Points de contact nationaux » (PCN) mis en place dans les États membres de l’OCDE pour s’assurer de la bonne application de ces Principes directeurs.

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En conséquence, il importe de mieux associer, dans ces négociations, les entreprises, plus particulièrement les PME, pour faire valoir leurs intérêts ; cela passe par des consultations publiques mais aussi et surtout par des concertations préalables. Pour les PME, l’exercice est chronophage et coûteux mais peut être relayé par les fédérations nationales et européennes voire par des clusters, des pôles de compétitivité, des éco-systèmes numériques ou autres, etc. L’important est qu’elles soient présentes « autour de la table ». Enfin, la compétitivité à l’international est une question de taille. Si les grands groupes français sont largement internationalisés, tel n’est pas le cas des PME et des ETI qui sont encore peu nombreux sur les marchés internationaux. Parce que l’environnement international est particulièrement concurrentiel et qu’une taille critique est nécessaire pour être crédible à l’étranger, la mutualisation des moyens voire des savoir-faire s’impose aujourd’hui plus que jamais. Les entreprises ne pensent pas toujours à aller chercher la complémentarité. Elles y consentent lorsqu’elles ont fait le tour de toutes les solutions pour remporter des marchés à l’étranger. Favoriser juridiquement les groupements d’entreprise ou la mutualisation de moyens (permettant la constitution d’une « ETI de fait ») est une solution envisageable. En effet, ceux-ci sont encore très rares en France ; ceux existants sont aujourd’hui dévolus à des fonctions de plus en plus diverses (répondre à des appels d’offre en commun par exemple), illustrant la multiplicité des réponses possibles.

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THEME 6 – INTERNATIONAL FICHE 23

L’IMAGE DE LA FRANCE ET DE SON DROIT « SOIGNER SON IMAGE (AVEC SES ACQUIS) »

I – PROBLÉMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Le classement Doing Business fait autorité en matière d’attractivité juridique dans le monde. Or, celui-ci ne met pas la France dans une situation favorable. Il existe, pourtant, un ensemble d’autres rankings qu’il convient d’utiliser pour valoriser les atouts de la France. Il importe de communiquer sur ces positionnements mais aussi d’expliciter davantage le droit français pour montrer qu’il n’est pas forcément à l’image de ce que les entreprises étrangères en ont – celui d’une France bureaucratique, lente, complexe, etc. – mais que la France a, comme de nombreux autres pays, des règles et des normes qu’il convient de respecter. Certaines procédures sont tout aussi lourdes et longues dans certains pays. Au-delà des éléments objectifs qui participent aux classementspays, le positionnement d’un pays dans ces derniers est aussi le fruit d’une image, d’où l’importance de travailler dans ce sens. De la pratique des classements internationaux par d’autres pays mais aussi des témoignages des patrons de filiales d’entreprises étrangères, il ressort la nécessité de savoir mieux communiquer sur ces bases pour modifier fondamentalement et durablement l’image de la France. Le Nation Goodwill Observer sur l’image des 26 pays les plus influents du monde a réalisé une enquête auprès de 1 000 leaders économiques et leaders d’opinions internationaux : il arrive à la conclusion que la France bénéficie d’atouts qu’elle ne sait pas assez bien mettre en avant. En d’autres termes, celle-ci n’arrive pas à tirer suffisamment profit de son image face aux enjeux de la mondialisation. II - PROPOSITIONS / PISTES DE REFLEXIONS On retiendra ici trois axes : 1. Communiquer sur les aspects positifs du droit français, d’autant que certaines de ces

règles sont source d’inspiration, notamment au plan européen189 ; 2. Privilégier la communication sur les dimensions qualitatives des benchmarks : certains

sous-indicateurs font référence à des critères plus spécifiques ou plus immatériels de la compétitivité (comme les classements américains sur la liberté économique) pour lesquels la France est généralement mieux positionnée ;

3. Mettre en avant les progressions (top risers) même modestes qui participent à créer un

environnement business-friendly: ainsi, en 2013, la France a gagné quatre points dans le Global Innovation Index par rapport au classement 2012 où elle était classée 24ème190 ; la

189 Voir supra, p. 19 et fiche 19. 190 The Global Innovation Index 2013 – The local Dynamics of Innovation, 2013. [En ligne] https://www.globalinnovationindex.org/userfiles/file/reportpdf/GII-2013.pdf.

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France est passée de la 8ème à la 7ème place dans le classement Renewable Energy Country Attractiveness Index (RECAI)191.

Faire valoir le positionnement de la France à travers ses entreprises : changer l’image de la France et de son droit passe aussi par la mise en avant des performances de ses entreprises à l’international. Le rapport de l’OCDE sur l’entrepreneuriat192 classe ainsi la France à la première place des pays membres pour la création d’entreprises (même si le statut d’auto-entrepreneur y est pour beaucoup).

191 ERNST AND YOUNG, Renewable Energy Country Attractiveness Index (RECAI), 2015. [En ligne] http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/Renewable_Energy_Country_Attractiveness_Index_43/$FILE/RECAI%2043_March%202015.pdf. 192 Précité note 27.

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THEME 7 – ARBITRAGE / MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENTS DES DIFFÉRENDS (MARD)

FICHE 24 CONFORTER L’ATTRACTIVITE DE LA PLACE DE PARIS

EN MATIERE D’ARBITRAGE INTERNATIONAL IMPLIQUANT DES PERSONNES PUBLIQUES FRANÇAISES193

I - PROBLEMATIQUE ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES Le droit français de l’arbitrage, tant interne qu’international, a longtemps été un modèle. Il avait néanmoins besoin d’être modernisé, ce qu’a réalisé le décret du 13 janvier 2011194. La France doit conserver autant que possible, à plus forte raison dans un cadre concurrentiel, une place arbitrale de renom. On sait, à cet égard, que le maintien à Paris de la Chambre de commerce internationale est un facteur essentiel195. En effet, selon le rapport de Michel Prada196, l’arbitrage international a un poids important dans l’activité économique parisienne et dans l’équilibre économique des cabinets d’avocats parisiens. Au-delà, il faut prendre en compte les retombées économiques indirectes (nuitées d’hôtel, réservation de salles, activité d’interprétariat, moyen de transport) résultant des activités d’arbitrage international. Autrement dit, il est source d’un écosystème à préserver. Dans ce cadre, une problématique plus spécifique mérite d’être évoquée ici : la question de l’arbitrage international impliquant des personnes publiques197. Le principe, en matière d’arbitrage international, a longtemps été l’application stricte par le Conseil d’Etat de l’article 2060 du Code civil : il était impossible pour l’État de compromettre, sauf si le contrat relevait de l’une des exceptions prévues à l’article L. 311-6 du Code de la justice administrative et à l’article 11 de l’ordonnance du 17 juin 2004198 (contrats de partenariat). De fait, cette position n’importait pas, tous les litiges relatifs au contrôle de sentences internationales étant portés devant le juge judiciaire, qui n’appliquait pas l’article 2060 du Code civil.

193 Fiche réalisée avec le concours de Denis MOURALIS, professeur agrégé à l’Université d’Avignon. 194 Décret n° 2011-48 du 13 janvier 2011, portant réforme de l’arbitrage, JORF du 14 janvier 2011, p. 777. Il assouplit le droit français de l'arbitrage, tant interne qu'international, ainsi que les règles relatives au compromis d'arbitrage, à l'exequatur et à la notification des sentences arbitrales. Il affirme l'autorité de la juridiction arbitrale, en lui permettant notamment de prononcer à l'égard des parties à l'arbitrage des mesures provisoires ou conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et sûretés judiciaires. Il consacre la place du juge français en tant que « juge d'appui » de la procédure arbitrale. Enfin, il clarifie et améliore les règles relatives aux recours en matière d'arbitrage. 195 Voir également le site http://www.parisarbitration.com, qui fédère l’ensemble des acteurs de la place en matière d’arbitrage, rendant accessible en anglais et en français l’ensemble des informations relatives à l’arbitrage international en France. 196 M. PRADA, op. cit. note 31. 197 Voir : Denis MOURALIS, « Conformité des sentences internationales à l'ordre public : la Cour de cassation maintient le principe d'un contrôle limité », JCP G 2014, 475. 198 Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, JORF du 19 juin 2004, p. 10994.

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Toutefois, les positions juridictionnelles se sont brouillées depuis une décision du Tribunal des conflits de 2010, puis un arrêt du Conseil d’Etat de 2013. Le Tribunal des conflits, dans une décision Inserm199, offre une clé de répartition : le juge judiciaire est en principe compétent pour contrôler les sentences internationales mettant en cause une personne publique, sauf lorsque le recours concerne le contrôle de la conformité de la sentence aux règles impératives du droit français200. L’arrêt Ryanair du Conseil d’Etat201 apporte des précisions : le recours contre une sentence internationale rendue en France entre une personne privée et une personne publique et portant sur un contrat relevant d’un régime administratif impératif est porté devant le Conseil d’Etat, mais ce n’est pas le cas pour les sentences rendues à l’étranger. En revanche, l’exequatur d’une sentence arbitrale impliquant une personne publique, quel que soit le siège du tribunal arbitral, est de la compétence d’un tribunal administratif. En d’autres termes, sont soumises au contrôle du juge administratif les sentences arbitrales rendues i) en France, ii) dans un litige impliquant une personne publique française et iii) portant sur un contrat relevant d’un régime administratif impératif. Les autres sentences arbitrales impliquant une personne publique relèvent du contrôle des juges judiciaires. Des inconvénients apparaissent alors, nuisant à l’attractivité du droit français de l’arbitrage, lorsqu’est impliquée une personne publique : - La double compétence juridictionnelle (administrative et judiciaire) est un facteur de

complexité ;

- Les procédures à suivre devant les juridictions administratives ne sont pas connues ; - Les clauses compromissoires internationales ne sont plus nécessairement valables, car

elles pourraient être remises en cause par le Conseil d’Etat, s’il devait suivre sa position traditionnelle rappelée précédemment.

199 T. Confl., 17 mai 2010, Inserm c. Fondation Letten, Bull. civ. no 11 ; D. 2010, p. 2633, note Sophie LEMAIRE ; ibid, p. 2330, obs. Sylvain BOLLÉE ; ibid., p. 1359, obs. Xavier DELPECH ; RTD com. 2010, p. 525, obs. Eric LOQUIN ; Revue critique de droit international privé 2010, p. 653, note Malik LAAZOUZI ; AJDA 2010, p. 1564, note Paul CASSIA ; RFDA 2010, p. 959, concl. Mattias GUYOMAR, note Pierre DELVOLVÉ ; Revue de droit international 2010, p.551, obs. Stéphane BRACONNIER ; JCP G 2010, 552, note Thomas CLAY ; ibid., 585, obs. Emmanuel GAILLARD; Gazette du Palais 2010, p.1642, obs. Mattias GUYOMAR ; BRDA 2010, no 12, p. 6 ; Procédures 2010, no 274, obs. Cyril NOURISSAT ; ibid., no 299, obs. Serge DEYGAS; Revue de l’arbitrage 2010, p. 523, concl. Mattias GUYOMAR, note Bernard AUDIT. 200 Par exemple : l’occupation du domaine public, commande publique, marchés publics, contrats de partenariat ou contrats de délégation de service public. 201 CE, 19 avril 2013, Syndicat mixte des aéroports de Charente,; AJDA 2013, p. 822, note Marie-Christine de MONTECLER ; ibid., p. 1271, chron. Xavier DOMINO, Aurélie BRETONNEAU ; D. 2013, p. 1445, obs. Marie-Christine DE MONTECLER, note Paul CASSIA ; ibid., p. 2293, obs. Louis D'AVOUT et Sylvain BOLLEE ; ibid., p. 2936, obs. Thomas CLAY ; Revue de droit international 2013, p. 362, obs. Stéphanie BRACONNIER ; AJ Collectivités territoriales 2013, p. 427, obs. Sylvain HUL ; Revue de l’arbitrage 2013, p. 761, note Malik LAAZOUZI ; RTD Com. 2014, p. 326, note Eric LOQUIN.

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Pour contrer ces incertitudes, les contrats internationaux impliquant une personne publique seraient susceptibles de comporter des clauses compromissoires fixant le siège du Tribunal arbitral à l’étranger, ce qui court-circuiterait la place française. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXIONS La problématique a déjà soulevée par Michel Prada dans un rapport remis aux Ministères de la justice et de l’économie en 2011202, dans lequel il évoque trois leviers d’actions. Pour la CCI Paris Ile-de-France, ces propositions conservent toute leur actualité et doivent être réitérées pour conforter l’attractivité de la place de Paris en matière d’arbitrage international. En s’inspirant directement de ce rapport, il conviendrait donc de rajouter : - un alinéa à l’article 2060 du Code civil autorisant expressément les conventions

d’arbitrage en matière de contrats internationaux de l’administration ;

- un autre alinéa concentrant à nouveau la compétence du contrôle des sentences au profit du juge judiciaire ;

- à l’article 1520 du Code de procédure civile que le respect des principes fondamentaux du

droit public français (ce qui ne recouvre pas nécessairement toutes les règles impératives applicables aux contrats administratifs internes) par les sentences internationales impliquant une personne publique française doit faire l’objet d’un contrôle plein et entier.

202 M. PRADA, op. cit. note 31, p. 17.

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THEME 7 – ARBITRAGE / MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENTS DES DIFFÉRENDS (MARD)

FICHE 25 LE DEVELOPPEMENT DES MODES AMIABLES DE REGLEMENT

DES DIFFERENDS (MARD) : UN ENJEU D’ATTRACTIVITE POUR LA FRANCE

- L’EXEMPLE DU CMAP : CENTRE CREATEUR DE SOLUTIONS -

I – PROBLÉMATIQUES ET IMPACT SUR LES ENTREPRISES • Le CMAP : près de 20 ans de savoir-faire Constatant le besoin des entreprises pour des outils de règlement des litiges rapides, consensuels et préservant la pérennité des relations commerciales, la Chambre de commerce de Paris s’est montrée précurseur en créant, dès 1995, le CMAP203. La démarche était particulièrement innovante. D’une part, il n’existait à l’époque aucun centre de médiation dans le domaine des entreprises en France. D’autre part, le fait d’accoler un centre de médiation et d’arbitrage était inédit. L’idée était ainsi d’offrir, en complément – et non en concurrence – de la justice étatique, dans un même lieu et pour toutes les entreprises, la possibilité de résoudre rapidement leurs conflits (en quelques mois) avec un coût maîtrisé et de manière totalement confidentielle. La réussite de la médiation – avérée dans près de 70 % des cas – tient aussi au fait que les parties continuent à travailler ensemble une fois leur litige résolu. Le CMAP, en soutien du développement de la médiation, a élaboré une charte sous l’égide, en 2005, du Ministère de l’économie. Plus de 60 entreprises et fédérations professionnelles en sont signataires telles EDF, FIAT, AUCHAN, TOTAL, DANONE, VEOLIA, THALES, ACCOR, AREVA, GROUPE CARREFOUR, ALCATEL-LUCENT, L’OREAL, SAINT-GOBAIN… • Les procédures offertes aux entreprises Le CMAP a pour mission d’accompagner les entreprises désireuses de régler leurs différends à l’amiable, rapidement, à un coût maîtrisé et en toute confidentialité. Il propose une large palette de processus de résolution des conflits, alternatifs aux procédures judiciaires, dont la médiation et l’arbitrage sont les deux principales procédures. Depuis sa création, plus de 3 500 dossiers ont été gérés par le CMAP.

203 En partenariat notamment avec le Tribunal de Commerce de Paris, le Barreau de Paris, le Barreau des Hauts-de-Seine, le Comité National Français de la Chambre de Commerce Internationale, le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables. Le CMAP fonctionne avec des partenaires, des membres associés et des membres correspondants : Bird & Bird, Clifford Chance, Dentons, Fidal, Feral Schuhl Sainte-Marie Associés, Hogan Lovells, K&L Gates, Latham & Watkins, Orrick Rambaud Martel, notamment. Plusieurs chambres de commerce et d’industrie sont associées au CMAP : CCI de la Moselle, CCI de Meurthe et Moselle, CCI des Landes, CCI Région Nord de France, CCI de Bordeaux, CCI de Rennes, CCI de Normandie.

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La médiation Processus amiable de résolution des conflits, la médiation fait intervenir un tiers indépendant et impartial, formé à la médiation, qui aide les parties à trouver elles-mêmes une solution négociée optimale, dans le respect de leurs intérêts respectifs. Elle peut être décidée par les parties (médiation conventionnelle) ou ordonnée par le juge civil ou consulaire. Le CMAP propose 3 catégories de médiation : - la médiation inter-entreprises pour résoudre les litiges commerciaux entre entreprises ;

- la médiation intra entreprise pour régler les différends pouvant naître au sein même

d’une entreprise (ex : conflit en droit social) ; - la médiation collective pour favoriser la résolution des conflits collectifs entre des

entreprises / consommateurs. Chiffres-clés : 70 % des médiations aboutissent à un accord. 60 % des litiges ont un montant compris entre 150 000 et 3 millions d’euros. Durée moyenne : 15h Coût global moyen : 5 000 euros L’arbitrage Mode juridictionnel privé de résolution des conflits, il consiste à soumettre un différend à un tribunal arbitral composé d’un ou trois arbitres qui tranche le litige comme le ferait un juge et rend une sentence impérative. Chiffres-clés : 30 % des arbitrages concernent des conflits dont les enjeux sont inférieurs à 1 million d’euros, 15 % dont les enjeux sont supérieurs à 10 millions d’euros, 55% entre 1 et 10 millions d’euros Durée moyenne : 10 à 12 mois Coût global moyen : entre 50 000 et 200 000 euros • Un centre de formation agréé Le CMAP élabore des programmes de formation204 aux différents modes alternatifs de règlement des conflits. Une certification est désormais mise en place avec ESCP Europe.

204 Formations initiales (et de perfectionnement) à la médiation, inter et intra entreprise, à l’arbitrage et des séminaires de perfectionnement et modules d’enseignement universitaires (École du Barreau de Paris - EFB -, ESCP Europe, HEC, Novancia….).

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• Activités internationales Le CMAP est impliqué dans les programmes européens et internationaux205 visant à promouvoir les modes alternatifs de règlement des conflits. II – PROPOSITIONS / PISTES DE RÉFLEXION Nonobstant une prise de conscience certaine de tous les acteurs, force est de constater que la médiation reste encore trop timide. Pourtant, les avantages de ce mode alternatif de règlement des litiges sont indéniables, notamment dans le cadre de conflits commerciaux entre entreprises. En effet, la médiation aboutit, en pratique, dans près de sept cas sur dix à un accord et, ce qui est primordial, préserve la pérennité des relations commerciales. Par conséquent, cela participe de la vitalité du tissu économique.

De nombreux textes au niveau national et européen ont consacré l’existence des MARD206. Parmi les plus récents, il faut citer la directive du 26 novembre 2014207, qui consacre un aménagement précis et complet de la possibilité pour les entreprises de recourir aux modes alternatifs des différends ainsi que pour le droit à réparation des victimes en matière de pratiques anticoncurrentielles.

Le dernier en date, à savoir le décret du 11 mars 2015208 est une avancée car il oblige les parties à indiquer dans l’acte de saisine de la juridiction, les démarches de résolution amiable précédemment effectuées.

Pour la CCI Paris Ile-de-France, cette évolution doit être saluée en ce qu’elle s’inscrit directement dans le prolongement des préconisations qu’elle avait faites en 2008209. Elle soutient également la démarche entreprise par la Chancellerie, au travers d’un Comité de

205 Go to mediation, groupes de réflexion pour définir un programme de formation à la médiation harmonisé pour les pays européens et Mediation meets judges, visant à développer la médiation judiciaire en Europe. 206 Au plan national, on citera : le décret n° 78-381 du 20 mars 1978 relatif aux conciliateurs de justice, JORF du 23 mars 1978, p. 1265 ; la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, JORF du 9 février 1995, p. 2175 ; l’ordonnance n° 2011-1540 du 16 novembre 2011 portant transposition de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, JORF du 17 novembre 2011, p. 19286 ; le décret n° 2012-66 du 20 janvier 2012 relatif à la résolution amiable des différends, JORF du 22 janvier 2012, p. 1280. Au plan européen, on mentionnera : la directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, JOUE L. 136 du 24 mai 2008, p. 3 ; la directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE, JOUE L. 165 du 18 juin 2013, p. 63 ; le Règlement (UE) n° 524/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation et modifiant le règlement (CE) n° 2006/2004 et la directive 2009/22/CE, JOUE L. 165 du 18 juin 2013, p. 1. 207 Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne, JOUE L. 349 du 5 décembre 2014, p. 1. 208 Décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et à la résolution amiable des différends, JORF du 14 mars 2015, p. 4851. 209 Frédéric BRUNET, Comment favoriser le recours à la médiation ? Pour une modification de certaines dispositions du code de procédure civile, 17 avril 2008.

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pilotage dédié210, de renforcer les incitations aux MARD mais sans aller jusqu’à rendre la médiation obligatoire. Enfin, la CCI Paris Ile-de-France s’associe à la réflexion menée pour accroître les garanties offertes par les acteurs via un socle de formation.

210 Mission interministérielle d’évaluation de la médiation et de la conciliation, travaux initiés en janvier 2015. Dans ce cadre, le CMAP est membre du comité de pilotage « justice du XXI siècle » sur le thème de la médiation et de la conciliation initié par Ministère de la justice.

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ANNEXE 2

FUITE DES CENTRES DE DECISION, QUELLES REALITES ? Synthèse / Executive summary

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Octobre 2014

FUITE DES CENTRES DE DÉCISION, QUELLES RÉALITÉS ? Synthèse

DECISION MAKING CENTERS LEAVING: STATE OF ART

Executive summary

Jean-Yves DURANCE, Vice-Président Anne OUTIN-ADAM, Directeur des politiques législatives et juridiques

avec le concours de Simon ROBERT, chargé de mission

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Large groups are a major component of our economy, through the highly-qualified jobs they create and, more importantly, their impact on the economy as a whole, in particular by stimulating the fabric of SMEs. The existence of a numerous large groups with French roots continues to be a fundamental asset for France today. France needs its government, and the country as a whole, to stand up and say “we are now aware of the importance of these large corporations” because despite our strengths, such as our capacity for innovation, our ability to train talents and the quality of our transport and telecommunication infrastructures… we are witnessing decline - that may not be spectacular and often goes unseen, but one that is very much real - in the material presence of our groups, taking the form of a pernicious and sometimes partial departure of decision-making centres. It is a danger that must be recognised urgently. Globalisation implies outright competition between territories, as it inducts natural mobility of decision-making centres at the same time. This phenomenon of “corporate geopolitics” goes hand in hand with upheaval in business activities in France. Although our country is not the only one concerned by this (see the recent measures of the Obama administration against tax inversion by multinationals), it does seem to be particularly hard hit, without benefitting from any such movement of incoming relocations from other States.

* **

It is more than time to take action. Paris Île-de-France CCI calls for the introduction of a strategic plan comprising a set of indispensable measures, some of which are proposed in this study. At the same time, it calls for a campaign to be launched to restore the image of our economy in the eyes of both French business leaders, whether based in France and foreign investors.

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Les grands groupes sont une composante majeure de notre économie, à travers la très forte qualification des emplois qu’ils créent et, bien plus, par leur impact sur l’économie, notamment par la stimulation du tissu des PMEs. Aujourd’hui encore, l’existence de nombreux grands groupes aux racines françaises est un atout fondamental pour la France. La France a besoin que le gouvernement et le pays dans son ensemble affirment « nous avons pris la mesure de l’importance de ces grandes entreprises ». Car, malgré nos atouts telles notre capacité d’innovation, notre aptitude à former des talents et la qualité de nos infrastructures de transport et de télécommunication… on assiste à une érosion, non spectaculaire, souvent non visible mais bien réelle, de la substance de nos groupes, à travers la fuite pernicieuse - parfois partielle - de centres de décision. Le danger requiert une prise de conscience urgente. La mondialisation implique une concurrence évidente des territoires, en même temps qu’elle induit une mobilité naturelle des centres de décision. Ce phénomène de « géopolitique des entreprises » s’accompagne d’un bouleversement des affaires réalisées dans l’hexagone. Si notre pays n’est pas le seul à être concerné (cf. les récentes « mesures anti-exil fiscales des multinationales » par l’administration Obama), il semble particulièrement touché sans profiter à l’inverse du mouvement en provenance d’autres États.

* **

Le temps d’agir est plus que venu. La CCI Paris Île-de-France demande la mise en place d’un plan stratégique comportant une série d’actions indispensables, dont quelques-unes sont proposées dans cette étude. Elle souhaite que, parallèlement, une campagne de conviction insistant sur nos atouts soit lancée afin de redorer l’image ternie de notre économie aux yeux des dirigeants français, qu’ils soient localisés en France ou à l’international, ainsi qu’aux yeux des investisseurs étrangers.

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Decision-making centres, a notion that depends on the organisation

and activity of each company Decision-making centres are internal entities in which the manager and personnel take part in strategic decisions for the future of all or part of the company, notably in matters of investment and employment. These entities create value, either directly or indirectly, and are essential to the performance of the company or group

to which they belong and the territories in which they are based. When there is a formal Executive Committee, the fact that the director of an entity belongs to this Committee will often mean that the entity in question is a part of the “decision-making network” of the company comprising the group’s primary and secondary decision-making centres.

Keeping decision-making centres and attracting new ones is part of a “virtuous circle” of attractiveness and an essential component in value chains

The decision-making centres of large global corporations are of strategic importance today to cities and countries, not only by the direct effect of such entities on their local territory (economic weight, payroll, tax revenues, etc.) but also, and above all, for their indirect effects. In an economic world in which functions are increasingly outsourced, the presence of decision-making centres in a city induces a broad spectrum of activities, usually with high value added, ranging from services to business (accounting, IT and legal professions) to finance and property services, catering and air transport. “The departure of executives and, by extension, management centres, also leads to the departure of those who advise them, thereby weakening the Parisian and French ecosystem. The whole biological system surrounding the decision-making centre follows its clients.” Executive committee member of a large group. Employment in France is dependent upon this value chain. “When the big names on the stock market are tempted by relocating part of their activities and workforce, or even

their decision-making centres, it is the whole ecosystem that suffers.” René Ricol. Analysis of clustering effects (the tendency among companies in a given sector to be concentrated in the same places) also shows that virtuous processes can be created once a critical scale is reached. In other words, the presence of decision-making centres attracts other decision-making centres, thereby boosting the economic environment and making the city more attractive. This cumulative effect tends to create different categories of cities, ranging from those of global and continental to national or local importance. The wider the reach of these decision-making centres, the higher the city will rank in the world hierarchy. In this decision-making centre location game, the Paris Ile-de-France region is highly strategic for its knock-on effect on the other regions of France. Evidence of this can be found in the fact that the 207,000 companies that have their corporate headquarters in the Ile-de-France region have over 5 million employees between them in Mainland France, almost half of whom are in the provinces.

France is stuck in a “vicious circle” of declining attractiveness, seen in the departure of decision-making centres

10 main factors explain this phenomenon, resulting not only in the dismantling of Executive Committees, but also in the relocating of decision-making centres. Three of them apply worldwide and seven are specific to France.

Three worldwide factors

Further to the new wave of globalisation in the 1990s – in the wake of the emergence of new information technologies – new communication tools developed. The internet era brought a breakdown of the value chain in companies. The spread of matrix organisation structures per function and per country has opened up the possibility for executives in charge of a function and of another country to choose their location in the light of the comparative advantages of each State, fostering a geographical dispersal of Executive

Committees and decision-making centres and the departure of the people in them. The impact of the 2008 financial crisis generated distrust among high earners towards their home countries and increased the phenomenon of international executive mobility. In the United Kingdom, for example, many people in finance moved to Switzerland and Asia as the hitherto very attractive rules on non-residents were tightened.

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Les centres de décision, une notion dépendante de l’activité et de l’organisation de chaque société

Constituent les centres de décision, les structures internes dont le dirigeant et les équipes participent aux prises de décisions stratégiques, engageant l’avenir de toute ou partie de l’entreprise, notamment en matière d’investissement et d’emploi. Ces structures sont, soit directement, soit indirectement, créatrices de valeur et essentielles pour le dynamisme de la

société ou du groupe auquel elles appartiennent et des territoires sur lesquels elles sont implantées. Lorsqu’un comité exécutif est formalisé, l’appartenance du dirigeant d’une structure à ce « COMEX », traduit souvent l’appartenance de cette structure au « réseau décisionnel » de la société, regroupant les centres de décision primaires et secondaires du groupe.

Le maintien et l’accueil de centres de décision participent d’un cercle « vertueux » de l’attractivité et représentent une composante

essentielle des chaînes de valeur

Les centres de décision des grandes entreprises globalisées constituent aujourd’hui un enjeu stratégique majeur pour les métropoles et pays. Non seulement par l’effet direct que ces structures de commandement exercent sur leur territoire (poids économique, masse salariale, retombées fiscales, etc.), mais aussi et surtout par leurs effets indirects. Dans un monde économique où de plus en plus de fonctions sont externalisées, la présence de centres de décision dans une métropole induit, en effet, un large spectre d’activités, le plus souvent à haute valeur ajoutée, allant des services aux entreprises (comptabilité, informatique, professions du chiffre et du droit, etc.) jusqu’à la finance ou le tertiaire immobilier, en passant par l’Hôtellerie-Restauration ou le transport aérien. « Le départ des dirigeants et par extension, des centres de direction, entraîne celui des conseils, ce qui appauvrit l’écosystème parisien et français. Tout l’univers biologique des centres de décision suit ses clients… » Membre du COMEX d’un grand groupe L'emploi en France est dépendant de cette chaîne de valeurs. « Quand les ténors de la cote sont tentés de délocaliser une partie de leurs activités et de leurs effectifs,

voire de leurs centres de décision, c'est tout l'écosystème qui en pâtit. », Réné Ricol. L’analyse des effets d’agglomération (tendance des entreprises d’un même secteur à se réunir dans les mêmes lieux) montre aussi que des dynamiques vertueuses peuvent se mettre en place lorsqu’une masse critique est atteinte. Autrement dit, les centres de décision appellent les centres de décision, ce qui renforce leur environnement économique rendant une métropole plus attractive. Cet effet cumulatif tend à créer des métropoles de catégories variées, du niveau mondial au niveau national ou local, en passant par le niveau continental. Plus les centres de décision auront une portée étendue, plus la métropole se positionnera en haut de la hiérarchie mondiale. Dans ce jeu de localisation des centres de décision, l’Île-de-France présente un caractère hautement stratégique par l’effet d’entraînement qu’elle exerce sur les autres régions françaises. Preuve en est : les 207 000 sociétés ayant leur siège en Île-de-France emploient plus de 5 millions de salariés en France métropolitaine dont près de la moitié en province.

La France s’est ancrée dans un cercle « vicieux » de perte d’attractivité qui se matérialise par la fuite des centres de décision

10 facteurs principaux expliquent ce phénomène qui se traduit à la fois par un démantèlement des COMEX et une fuite des centres de décision. Trois sont mondiaux, sept sont propres à la France.

Les trois facteurs mondiaux

Suite à la nouvelle vague de mondialisation apparue dans les années 90 – consécutive à l’émergence des nouvelles technologies de l’information – apparaît le développement de nouveaux outils de communication. L’ère de l’internet a conduit au démantèlement de la chaîne de valeurs dans l’entreprise.

La généralisation des organigrammes matriciels par fonction et par pays a permis aux directeurs du sein d’un groupe en charge simultanément d’une fonction et d’un autre pays d’être localisé au regard des avantages comparatifs de chaque État ; ce qui a

favorisé l’éclatement géographique des COMEX et des centres de décision et le départ des personnes.

L’impact de la crise financière de 2008 s’est traduit par une défiance des hauts revenus vis-à-vis des pays d’origine et, là encore, accru le phénomène de mobilité internationale des dirigeants. Par exemple, en Grande-Bretagne, nombreux sont les financiers qui se sont alors déplacés vers la suisse et l’Asie suite au durcissement des règles jusqu’alors très favorables pour les non-résidents.

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The seven France-specific factors

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Les sept facteurs propres à la France

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Regulatory instability deprives executives of the visibility they need for strategic decision making France is a champion when it comes to changing the regulations. Tax laws in the country have a lifespan of well under one year, making it impossible for executives of large groups to plan for the future and draw up reliable business plans, in particular regarding their taxation. Regulatory instability is a key factor mentioned by respondents, compounded by the normative complexity of social, fiscal and corporate law, and a major obstacle to attractiveness. The multi-layered tax burden on companies is a focus of debate The overall burden – taxes, duties and social contributions – on corporate operating profits is 64.7% on average in France, against a world average of 41%, a figure that speaks for itself. While the actual level of corporate taxation is the target of criticism, it is the complexity of the multi-layered fiscal system that is the biggest problem. In addition to this, the “75% tax” has had a negative impact on the way France is perceived abroad. Personal taxation is a more important factor than might be thought Decisions on locations are made by individuals and their personal taxation plays a major role in the choice to transfer decision-making centres. Taxation of stock options or financial instruments, income tax, wealth tax or the taxation of capital income are all factors that push French executives to leave the country (transferring part of the Executive Committee and leading to the departure of decision-making centres) and deter foreign executives from being based in France. Labour law hinders development of decision-making centres in our territory Although worker productivity is good in France, labour costs are among the highest in Europe. The legal and social complexity of restructuring operations severely penalises France in international competition to attract the decision-making centres and operational activities of large groups.

The poor business climate and demonization of executives harm the image of France as an “investment destination” France is not a “business-friendly” country, as pointed out each year by the international rankings. Executives receive little esteem from public opinion and are often stigmatised as being the cause of the slowdown in our economy. This creates negative “image effects” that are not conducive to keeping existing decision-making centres in France or attracting new ones. The phenomenon of corporate internationalisation must be taken into account The average number of locations of major companies around the world has increased from 13 in 1998 to 22 in 2009, and PwC expects the figure to reach 33 locations by 2020. While regional directorates are being created to be closer to the new markets they are managing, this trend is unlikely to result in transfers of corporate decision-making centres. However, merger operations do often serve as a pretext, frequently giving rise to decisions to transfer decision-making centres out of France. The slowdown of the financial marketplace completes the vicious circle Experts and executives of large groups are unanimous in their opinion: the Paris financial marketplace has been relegated to the second division. Taxation has pushed a considerable proportion of high-flying financial executives to leave Paris, often for London or, to a lesser extent, Switzerland or Luxembourg. A clustering effect driven by the growth of these rival financial ecosystems would seem to be accentuating this phenomenon. Decision-making centres that have close ties with financial advisers and financing institutions are tempted to move closer to these foreign financial centres, all the more so as France is lagging behind in Euro Private Placements.

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L’instabilité réglementaire prive les dirigeants de la visibilité nécessaire à la prise de décision stratégique La France est championne en termes de modification réglementaire. Les lois fiscales ont une durée de vie très sensiblement inférieure à un an, ce qui ne permet pas aux dirigeants de grands groupes de se projeter et d’établir des business plans fiables, s’agissant en particulier de leur imposition. Élément majeur rapporté par les experts interviewés, l’instabilité réglementaire qui s’ajoute à la complexité normative en termes de droit social, fiscal, de droit des sociétés, est un frein majeur à l’attractivité. Le millefeuille fiscal qui pèse sur les sociétés au cœur du débat Le total des prélèvements - impôts, taxes et charges sociales - pesant sur les bénéfices d'exploitation des entreprises atteint en moyenne 64,7 % en France contre 41 % en moyenne dans le monde : un chiffre parlant… Le niveau d’impôt sur les sociétés est remis en cause mais c’est surtout le millefeuille fiscal qui est problématique. La « taxe à 75 % » a, par ailleurs, eu un impact néfaste notamment au niveau de la « perception extérieure de la France ». La fiscalité sur les personnes physiques entre bien plus en ligne de compte qu’on pourrait le penser Les décisions de localisation étant prises par des personnes physiques, leur fiscalité personnelle joue un rôle majeur dans le choix de déplacer des centres de décision. L’imposition sur les stocks options ou les plus-values mobilières, l’impôt sur le revenu, l’ISF, ou bien encore l’imposition sur les revenus du capital sont des éléments qui poussent les dirigeants français à quitter l’Hexagone (ce qui déplace une partie des COMEX et précède le départ des centres de décision) et démotivent fortement les cadres dirigeants étrangers à être basés en France. Le droit social freine les développements d’activités de centres de décision sur nos territoires Bien que la productivité du travail soit bonne en France, le coût du travail y est parmi les plus élevés d’Europe ; la pesanteur du droit et la complexité sociale des restructurations pénalisent lourdement la France dans la compétition internationale pour attirer les centres de décision et les opérations des grands groupes.

Le mauvais climat des affaires et la diabolisation des dirigeants nuisent à l’image de la « destination d’investis-sement France » La France n’est pas un pays « business friendly », les classements internationaux nous le rappellent chaque année. Les dirigeants ne sont pas valorisés par l’opinion et sont même souvent stigmatisés comme la cause de la perte de vitesse de notre économie. Cela crée des « effets d’image » délétères qui n’abondent pas dans le sens d’un maintien des centres de décision ou de nouvelles implantations en France. Le phénomène d’internationalisation des sociétés, un impact à prendre en compte Le nombre de localisations moyen des grandes entreprises à travers le monde est passé de 13 en 1998 à 22 en 2009 et PwC prévoit que ce chiffre augmente jusqu’à 33 localisations en 2020. Si des directions régionales se créent afin de piloter ces nouveaux marchés au plus proche du terrain, ce mouvement ne devrait pas s’accompagner de déplacement de « centres de décision corporate ». Néanmoins, en particulier dans le cadre d’opérations de fusions-acquisitions, qui servent souvent de prétexte, il est courant que des décisions de déplacement de centres de décision mondiaux soient prises au détriment de la France. La perte de vitesse de la place financière… clôt la boucle Le jugement des experts et dirigeants de grands groupes est unanime, la place financière parisienne a été reléguée en deuxième division. La fiscalité a poussé une partie considérable des cadres financiers de haut vol à quitter Paris, souvent pour s’installer à Londres ou dans une moindre mesure en Suisse ou au Luxembourg. Un effet d’agglomération accru par l’enrichissement de ces écosystèmes financiers concurrents semble accentuer le phénomène. Les centres de décision proches des conseils financiers et des organismes de financement sont tentés de se rapprocher de ces places étrangères, d’autant plus que la France est à la traîne sur le marché des euros private placements.

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And yet France can count on some undeniable strengths

French strengths on the worldwide stage Based on 206 respondents to the question: «In your opinion, what are the strengths that can enable France to boost its role in the world economy?»

Source: EY attractiveness barometer France 2014 GREAT INNOVATION POTENTIAL Thanks to the policies implemented over the past decade, the French innovation ecosystem is beginning to bear fruit, in particular in terms of start-ups. Paris Ile-de-France came out on top for innovation and intellectual capital in the 2014 Cities of Opportunity rankings drawn up by PricewaterhouseCoopers (PwC). Paris Ile-de-France and France in general have strong skills in research and creativeness, as well as in technological and non-technological innovation. This dual facet represents potential that is particularly in tune with contemporary business issues.

SECTORS OF EXCELLENCE According to foreign investors, France’s specialisation in certain sectors is its second-top asset after its innovation capacity. France as a “brand” is synonymous today with excellence in telecommunications and aeronautics, luxury goods and biotechnologies. This strength is said to be one of the reasons behind the choice of France to set up several regional headquarters of groups from major emerging countries.

SECTORS OF EXCELLENCE France also wins high marks for the excellence of its higher education and training, in particular for top executives. There are a large number of French people at the head of major worldwide groups today.

MAJOR GROUPS WITH FRENCH ROOTS The over-representation of France in the Fortune Global 500 ranking bears testimony to France’s longstanding ability to create and develop groups with an increasingly worldwide reach. They are expressions of the France “brand” and send out positive signals by acting as ambassadors for the French economy. PLUS, ACCORDING TO RESPONDENTS, TOP-LEVEL TRANSPORT AND COMMUNICATION INFRASTRUCTURES Among the criteria assessed by investors, France stands out for its communication and transport infrastructures, an asset that is far from negligible and can set the country apart, given the level of investment required to install such networks.

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Pourtant, elle dispose d’atouts incontestables sur lesquels s’appuyer

Les atouts de la France sur la scène mondiale D’après les 206 répondants à la question : « Selon vous, quels sont les atouts qui permettront à la France de renforcer son rôle dans l’économie mondiale ? »

Source: Baromètre EY de l’attractivité du site France 2014 UN GRAND POTENTIEL D’INNOVATION Grâce aux politiques mises en œuvre depuis une décennie, l’écosystème français de l’innovation commence à produire ses fruits, en particulier en matière de création de start-ups. L’Île-de-France a été distinguée par la palme mondiale de l’innovation et du capital intellectuel dans le classement Cities of opportunities 2014 établi par PricewaterhouseCoopers (PwC). L’Île-de-France et la France en général disposent de compétences accrues en matière de recherche ainsi qu’en matière de créativité, d’innovation technologique comme non technologique. Cette double facette représente un potentiel particulièrement adapté aux enjeux économiques contemporains.

DES SECTEURS D’EXCELLENCE Les spécialisations sectorielles de la France sont, pour les investisseurs étrangers, son deuxième atout après sa capacité d’innovation. La « marque France » est aujourd’hui synonyme d’excellence dans les télécommunications, l’aéronautique, le luxe ou bien encore les biotechnologies. Cette force serait d’ailleurs en grande partie à l’origine des quelques implantations de sièges régionaux de groupes originaires des Grands Emergents en France.

UNE FORMATION DES ELITES RECONNUE La France est aussi valorisée par l’excellence de sa formation supérieure, en particulier des hauts dirigeants. Nombreux sont les français aujourd’hui à la tête de grands groupes mondiaux.

DES GRANDS GROUPES AUX RACINES FRANCAISES La sur-représentation de la France dans le classement Fortune Global 500 témoigne de la capacité historique de la France à créer et faire prospérer des groupes qui ont de plus en plus d’envergure mondiale. Expressions de la marque France, ces grands groupes émettent des signaux positifs en jouant un rôle d’ambassadeur de l’économie française. S’Y AJOUTENT D’APRES LES INTERVIEWS DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT ET DE COMMUNICATION PLEBISCITEES Parmi les critères retenus par les investisseurs, la France se distingue dans les infrastructures de communication et de transport : atout non négligeable et différentiant étant donnés les investissements nécessaires à la mise en place de ces réseaux.

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Recommendations

The diagnosis is clear and a solution necessary: in this worldwide competition for decision-making centres, action is required urgently to restore the attractiveness of our territory by prescribing shock therapy, a genuine cultural and structural shift that is visible to the eyes of French and international investors – especially those from major emerging countries. The key is to make France a “business-friendly” country.

BRING ABOUT A GENUINE PSYCHOLOGICAL SHIFT

Acknowledge the decisive role of large groups, their executives and personnel.

HAVE THE COURAGE TO TAKE ACTION ON TAXATION

Corporate Taxation Personal Taxation

• Bring the tax burden and fiscal complexity into line with international best practices

• Cut corporation tax rate to 25%

• Conduct in-depth reform of taxation on capital; bring taxation of stock options, capital gains on financial instruments and capital income into line with international best practices

GUARANTEE REGULATORY STABILITY ALLOW HUMAN RESOURCES MANAGEMENT TO BE ADAPTED TO COMPETITIVENESS ISSUES

Give a commitment: • on a regulatory stability timeframe • that future major changes to the regulations will

not be retroactive.

• Reduce all social contributions and taxes to offer

executives net income in line with international competitors

• Enhance the working of the labour market by a resolute flexicurity approach (simplify the Labour Code, reform employment contracts, redundancies, labour relations dialogue)

RESTORE PARIS AS A FINANCIAL CENTRE PROMOTE OUR STRATEGIC ASSETS

• Drop the project for a financial transaction tax • Define objectives for financial marketplace niches

to make Paris a recognised centre (RMB, etc.) • Keep the key finance professions at the service of

companies and financing (Euro PP, etc.) and a local stock market creating a dynamic ecosystem

Based on: • key regional and national sectors (luxury,

aeronautics, health, tourism, etc.) • the variety and level of talent • successes in innovation and entrepreneurship • and, finally, Greater Paris

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Recommandations

Le diagnostic est clair, la solution s’impose : dans la compétition mondiale pour les centres de décision, il est urgent d’agir pour rétablir l’attractivité de nos territoires en prescrivant un traitement de choc, réelle rupture tant culturelle que structurelle, visible aux yeux des dirigeants français et des investisseurs internationaux - notamment en provenance des Grands Émergents. Il s’agit de faire de la France un pays « business friendly ».

OPÉRER UNE VÉRITABLE RUPTURE PSYCHOLOGIQUE

Reconnaître la place déterminante des grands groupes, de leurs dirigeants et de leur personnel.

AVOIR LE COURAGE D’AGIR SUR LA FISCALITÉ

Des sociétés Des personnes physiques

• Aligner la pression fiscale et la complexité fiscale sur les best practices internationales

• Baisser le taux d’IS à 25 %

• Refondre en profondeur la fiscalité du capital ;

aligner l’imposition des stocks options, des plus-values mobilières et des revenus du capital sur les best practices internationales

GARANTIR LA STABILITE DE NOTRE CADRE REGLEMENTAIRE

PERMETTRE UNE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ADAPTÉE AUX ENJEUX DE

COMPÉTITIVITÉ

S’engager sur : • un horizon de stabilité réglementaire • la non-rétroactivité garantie pour les majeures

évolutions réglementaires futures

• Abaisser l’ensemble des charges sociales et fiscales

de manière à proposer aux cadres dirigeants des revenus nets en ligne avec la compétitivité internationale

• Fluidifier le marché du travail à travers une démarche résolue de flexisécurité (simplifier le code du travail, réformer le contrat de travail, le licenciement… ; repenser le dialogue social)

RESTAURER LA PLACE FINANCIERE VALORISER NOS ATOUTS STRATEGIQUES

• Abandonner le projet de taxe sur les transactions

financières • Définir des objectifs de place financière de niches

faisant de Paris une place reconnue (RMB…) • Conserver les métiers-clefs de la finance au service

des entreprises et du financement (Euro PP…) et une bourse locale créant un écosystème dynamique

S’appuyer : • sur les secteurs-clés régionaux et nationaux (luxe,

aéronautique, santé, tourisme…) • sur la diversité et le niveau des talents • sur les réussites en matière d’innovation et

d’entreprenariat • et, enfin, sur le Grand Paris

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Directeur de la publication : Etienne GUYOT CCI Paris Ile-de-France 27 avenue de Friedland - 75382 Paris cedex 08 Études / Rapports consultables ou téléchargeables sur le site : www.cci-paris-idf.fr/etudes Dépôt légal : octobre 2014 ISSN : 0995-4457 – Gratuit ISBN : 978-2-85504-635-8 Registre de transparence de l’Union européenne : N° 93699614732-82