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DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

Premier semestre

Travaux dirigés No 4 :La formation conventionnelle du droit

international

Cours & TD :

Monsieur Loïc VATNAMaître de conférences en droit public

Année universitaire2015 – 2016

Licence Droit 3 ème année

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Faculté de droit et de scienceséconomiques de la Guadeloupe

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Thème : La formation conventionnelle du droit international

Documents :1. Circulaire du 30 mai 1997 relative à l'élaboration et à la conclusion des accords

internationaux [extraits]

2. CE Ass., 5 mars 2003, M. Aggoun

3. Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969 [extraits]

4. CIJ, arrêt, 20 juil. 2012, Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader

(Belg. c. Sénégal) [extraits]

5. liberation.fr, 9 décembre 2014, « Torture : un rapport accablant pour la CIA »

Exercice : Résolvez le cas pratique suivant

Un chef d’État fraîchement élu dans la zone caraïbe vous consulte au sujet d'un projet deconvention internationale qu'il souhaite ardemment soumettre aux États à seshomologues caribéens.

Ledit projet vise en effet à améliorer la lutte contre l'immigration clandestine dans lazone caraïbe : en partie liée au crime organisé, celle-ci est l'occasion de trafics d'êtreshumains, de travail forcé, et de bien d'autres formes d'atteintes à la dignité desmigrants.

L'objet dudit traité consisterait d'une part dans la coordination des efforts tendant audémantèlement des réseaux de passeurs et d'autre part dans le renvoi et la fixation despopulations dans leur pays d'origine par le biais d'une assistance dans le domaineéconomique notamment.Dans cette perspective, le traité autoriserait les États à recourir aux méthodes en usageau centre de détention de Guantanamo afin d'obtenir des criminels et des clandestinsles informations propres à favoriser la lutte contre les réseaux de passeurs ; dans lemême ordre d'idée, les biens et avoirs des passeurs pourraient être confisqués à titre desanction et dans le but d'alimenter un fonds d'aide au retour des clandestins dans leurpays d'origine.

Le chef d’État ayant étudié les sciences juridiques durant quelques temps à la Facultédes sciences juridiques et économiques de la Guadeloupe, il croit se souvenir d'unedistinction entre accords en forme simplifiée et accords en forme solennelle. Il vousdemande de l'éclairer quant à la méthode de conclusion pertinente s'agissant de sonprojet d'accord destiné à engager plusieurs entités étatiques.

Soucieux de disposer rapidement des moyens juridiques ainsi consacrés, il vous demandeégalement de préciser le mode d'incorporation de dudit traité dans l'ordre juridique deson pays. Sur ce point il précise que, particulièrement admiratif du système juridiquefrançais, son prédécesseur avait entrepris avec succès une révision constitutionnelledestinée à transposer la Constitution du 4 octobre 1958, notamment ses articles 52, 53et 55.Dans le but, enfin, de s'assurer une entrée remarquée sur la scène internationale, il vousdemande si l'objet et le but du projet de traité sont parfaitement en harmonie avec lesrègles et principes du droit international.

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Document 1. Circulaire du 30 mai 1997 relative à l'élaboration et à la conclusion des accords internationaux [extraits]

Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires d’État [...]

I. - Typologie des accords internationaux En droit international1, le terme “ traité “ désigne tout accord destiné à produire des effets dedroit et régi par le droit international, conclu par écrit entre deux ou plusieurs sujets de droitinternational. Le droit international - qui n’est pas formaliste - laisse toute liberté aux partiesquant à l’appellation donnée à leur engagement. La pratique française distingue les accords dits en forme solennelle - désignés à l’article 52 de laConstitution par le terme “ traités “ -, conclus au nom des chefs d’Etat, et les accords en forme simplifiée, conclus au niveau desgouvernements. Les pouvoirs de signature des accords en forme solennelle sont signés par lePrésident de la République. Ils doivent faire l’objet d’une ratification ; l’instrument de ratificationest également signé par le Président de la République. Les pouvoirs de signature des accords enforme simplifiée sont signés par le ministre des affaires étrangères de même que, le cas échéant,les instruments d’approbation de ces accords. Sous cette réserve, l’entrée en vigueur desaccords de l’une et l’autre forme est soumise aux mêmes procédures constitutionnelles. Leurportée juridique est identique au regard du droit international comme du droit interne. Le choix de la forme solennelle se fait en fonction des précédents, de la nécessité qu’a l’Etatétranger d’adopter cette forme en raison de son droit interne ou de considérations politiquesqui conduisent à donner une plus grande solennité à l’engagement. L’article 53 de la Constitutioncommande la forme solennelle dans un certain nombre de cas : traités de paix et traités decommerce. Le terme de convention est souvent utilisé pour des accords bilatéraux et multilatéraux quiportent sur des matières techniques. Elle est traditionnelle pour certaines catégories d’accords :conventions consulaires, conventions fiscales. Lorsqu’un accord complète ou modifie un accord existant, il peut être appelé “ protocoleadditionnel “, “ protocole modifiant l’accord... “ ou, à la rigueur, “ avenant “. En revanche, il faut éviter les expressions “ mémorandum d’accord “ ou “ protocole d’accord “,susceptibles de créer une confusion sur la portée de l’engagement souscrit. Dans leurs contacts avec des pays anglo-saxons, les négociateurs français peuvent se voirproposer des “ mémorandums d’entente “ ou “ memorandum of understanding “. Cesinstruments ne sont pas toujours considérés par les juristes de ces pays comme des accordsinternationaux, mais comme des engagements de bonne foi qui ne lient pas les signataires. Orcette distinction est inconnue dans la conception française du droit international qui reconnaît àtout engagement pris au nom du gouvernement la valeur d’un accord international créant desobligations. Il faut donc éviter de conclure des textes portant l’appellation “ memorandum ofunderstanding “, afin de ne pas aboutir à des situations où le gouvernement français seconsidérerait comme lié sans que la réciproque soit vraie. Si toutefois cette formule est imposéeaux négociateurs français dans un cadre multilatéral par exemple, ils devront faire préciser partoutes les parties que ces instruments sont bien contraignants et que la France en exigera lerespect. A côté des accords internationaux conclus au nom des chefs d’Etat ou de gouvernement, la

1 Le droit des traités est codifié par la convention de Vienne du 23 mai 1969 à laquelle la France n’est pas partie, mais dont elle respecte celles de ses dispositions qui se limitent à codifier la coutume internationale ou des principes généraux du droit international.

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pratique internationale admet la conclusion d’arrangements administratifs, conclus avec leurshomologues étrangers par des ministres. Ces arrangements constituent une catégorie inconnue du droit international. En conséquence, tout en engageant l’Etat, ils présentent l’inconvénient de n’offrir aucunesécurité quant à leur exécution par l’autre partie. Il ne faut donc recourir à ces instruments quedans des circonstances particulières, pour compléter ou préciser un accord existant, ou, à larigueur, pour organiser une coopération administrative de portée limitée. Dans tous les cas, les ministres ne peuvent s’engager que dans la stricte limite de leursattributions et la compétence de la partie étrangère doit être vérifiée autant que possible. Pourun texte qui relèverait soit en France, soit en ce qui concerne la partie étrangère, de plusieursministres, il ne peut être fait usage de la technique de l’arrangement administratif. [...]

III. - Rédaction et présentation [...]

2. Eléments habituels d’un accord international [...] Le préambule énonce les parties : “ Le Président de la République française et le Président... “, “La République française et le Royaume de... “ “ Le Gouvernement de la République française et leGouvernement de... “, ou, pour certains accords multilatéraux, “ les Etats parties au présentaccord “, formules éventuellement complétées, selon la rédaction des articles du dispositif del’accord, par la formule “ ci-après dénommées :” Les Hautes Parties contractantes, “ s’agissantd’un accord en forme solennelle, ou “ les Parties “, s’agissant d’un accord en forme simplifiée. Il rappelle en tant que de besoin les accords antérieurs dans le cadre desquels est conclu l’accorden cause. Il peut également fixer le principe de l’engagement et les intentions politiquesauxquelles répond la conclusion de cet accord. L’ensemble se conclut par la formule : “ sontconvenus des dispositions suivantes “. Il convient d’être attentif à la rédaction du préambule, dans la mesure où celui-ci peutéventuellement constituer un élément d’appréciation des intentions des parties en cas dedifficulté d’interprétation des dispositions de l’accord. Les articles sont rédigés au présent, comme dans les textes de droit interne, pour marquer lapermanence des dispositions. Ils doivent exprimer clairement les engagements des parties. Lesformules du type “ s’engagent à “ sont rendues inutiles par la formule qui clôt le préambule (voirparagraphe précédent), sauf si les négociateurs souhaitent expressément exclure l’applicabilitédirecte des dispositions concernées. La règle générale suivie par les publications officielles s’agissant des intitulés d’organismes etd’institutions consiste, lorsqu’il s’agit d’organismes et d’institutions dont la compétence s’étendà tout le territoire d’un Etat, à les traiter comme de véritables noms propres et donc à doter lepremier mot nécessaire à l’identification d’une majuscule, ainsi que l’adjectif éventuel qui leprécède, à l’exclusion de tout autre. Les sigles sont à proscrire, de même que l’emploi des motsd’une langue étrangère. En dehors du cas des engagements correspondant à une opération entraînant nécessairementune dépense spécifique, l’accord doit contenir une clause de réserve budgétaire qui permet delimiter l’engagement financier de l’Etat aux crédits votés par le Parlement dans le cadre des loisde finances annuelles. Un accord n’a pas en principe à mentionner les services traitants chargésde mettre en oeuvre un instrument international. Cette mention lie inutilement alors quel’évolution des compétences et les circonstances commandent des adaptations fréquentes del’organisation administrative. En sens inverse, la demande par des négociateurs étrangers d’unetelle disposition peut être la marque d’une faiblesse de leur administration dans leur Etat et lesigne de difficultés ultérieures d’application de l’accord projeté.

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Une clause territoriale peut être nécessaire, en particulier dans le cas des conventions fiscales etdes accords de protection et d’encouragement des investissements. A cet égard, trois formules,couvrant implicitement la mer territoriale qui n’a donc pas à être expressément visée, peuventêtre utilisées pour la partie française : - “ le présent accord est applicable à l’ensemble du territoire de la République française “, c’est-à-dire à ses départements européens et d’outre-mer, aux territoires d’outre-mer et auxcollectivités territoriales de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte ; - “ le présent accord est applicable aux départements européens et d’outre-mer de la Républiquefrançaise “ ; - “ le présent accord est applicable aux départements européens de la République française “. Même dans les cas où l’Etat étranger ne souhaite pas définir le champ d’application territorial del’accord en ce qui le concerne, l’accord doit explicitement mentionner le champ d’applicationterritorial pour la France. Dans la désignation des territoires auxquels l’accord est applicable, il peut être ajouté, le caséchéant : “ ainsi qu’à sa zone économique exclusive et à son plateau continental pour les activitésrelevant des droits souverains de la République française, conformément aux dispositions de laconvention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 “. Il convient, en tout état de cause préalablement au choix d’une de ces rédactions, dedéterminer : - si, eu égard à son objet, l’accord traitera de matières de la compétence des territoires d’outre-mer ; - dans l’affirmative, s’il y a lieu, d’exclure ceux-ci du champ d’application de l’accord. Si la convention porte sur des matières de la compétence des territoires d’outre-mer et si sonapplication dans ces territoires est souhaitée, il convient de consulter les assembléesterritoriales (cf. II.3, V.2 et annexe VI.12). La mention des mécanismes de règlement des différends sur l’interprétation des instrumentsest une faculté. Si de tels mécanismes ne sont pas mentionnés dans un accord, les différends sur soninterprétation se régleront par la voie diplomatique. En cas d’échec, il peut être convenu derecourir à un autre mode de règlement des différends, par exemple l’arbitrage. Cela supposel’accord des deux parties. S’il est prévu dans l’accord de recourir à l’arbitrage, le soin de désigner les arbitres manquantspeut être confié au secrétaire général des Nations unies, au président de la Cour internationalede justice ou aux présidents d’autres juridictions internationales. Pour certains types d’accord, notamment les accords sur la protection et l’encouragement des investissements, il est d’usagede prévoir des clauses ad hoc de règlement des différends, comme le recours au Centreinternational pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre un Etat et unepersonne privée. Toute mention relative au règlement des différends doit faire l’objet d’une consultationpréalable de la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères. Les clauses finales mentionnent les conditions nécessaires à l’entrée en vigueur de l’accord (cf.

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VI). Elles doivent aussi contenir les conditions de validité de l’accord : durée, clause dedénonciation, prolongement éventuel des opérations en cours au titre de l’instrument en cas dedénonciation... La durée de validité de l’accord peut varier, d’un an à une durée illimitée. Elle peut être prorogée pour des périodes de même durée, soit tacitement, soit par accordexprès. En cas de prorogation tacite, il conviendra de s’assurer régulièrement que l’accordcontinue à produire des effets. Si une prorogation par accord exprès est choisie, il faudral’effectuer le moment venu, faute de quoi l’accord sera automatiquement abrogé (cf. annexe I). La formule finale mentionne la date et le lieu de signature, le nombre d’exemplaires originaux etles versions linguistiques. Elle se présente ainsi : “ Fait à..., le..., en deux exemplaires originaux enlangues française et..., chacun des textes faisant foi “. Chaque partie conserve un exemplaireoriginal contenant les différentes versions linguistiques et dans lequel les textes la mentionnenten première place, aussi bien dans le titre, le préambule et les signatures que dans lesdispositions où les deux parties sont citées (principe de l’alternat). Pour un accord en deuxversions linguistiques par exemple, ce sont donc quatre textes différents qui auront été rédigés. Les signatures sont placées chacune sous la mention “ Pour le Gouvernement de... “ dans le casd’un accord en forme simplifiée ou “ Pour le Président de la République... “ dans le cas d’unaccord en forme solennelle. Sous chaque signature sont dactylographiés le prénom, le nom et laqualité du signataire. 3. Particularités selon les types d’accord a) Forme solennelle et forme simplifiée Outre la formule précédant la signature, les accords en forme solennelle ne se distinguent desaccords en forme simplifiée que sur quelques points. Il sont en principe intitulés “ traités (...)entre la République française et... “. Il peut être agréé entre les parties de mentionner lesplénipotentiaires qui ont négocié le traité (cf. annexe II). En outre, le texte doit prévoir uneratification. b) Protocole de signature Un protocole de signature est une annexe de nature interprétative. Il commence généralementpar les mots : “ Au moment de signer le présent traité (ou accord), les plénipotentiaires (ou lesreprésentants des deux gouvernements) sont tombés d’accord pour donner l’interprétationsuivante à l’article... du traité (ou de l’accord). “ Il ne comporte pas de clauses finales, mais estsigné comme le texte de base. c) Echange de lettres ou de notes Un échange de lettres est une forme particulière d’accord, en principe réservée à desengagements dont le texte est assez court. Il répond également à des règles de présentationparticulière (cf. annexe III). Un accord peut aussi être conclu sous forme d’échange de notes,lequel se caractérise par le style impersonnel et les formules de politesse traditionnelles. IV. - Signature 1. Compétence En dehors du Président de la République, du Premier ministre et du ministre des affairesétrangères, tous les signataires d’un accord, quelle que soit sa dénomination, doivent être munisde pouvoirs. A la différence des accords, les arrangements administratifs peuvent être signéssans pouvoirs. Toutefois, lorsqu’un ambassadeur procède à leur signature au nom d’un ministre,il doit être muni de l’autorisation de celui-ci. [...]

2. Procédure

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Lorsque le ministre principalement concerné n’est pas le ministre des affaires étrangères, ildemande à ce dernier des pouvoirs. Ils sont établis par la direction des affaires juridiques (sous-direction des accords et traités) du ministère des affaires étrangères, à la demande du servicetraitant de ce ministère. [...]

V. - Autorisation de ratifier ou d’approuver Le ministre des affaires étrangères est compétent pour mettre en oeuvre la procédurepermettant à la France d’exprimer son consentement à être liée2 par l’instrument international, ycompris lorsque celui-ci a été négocié par un autre ministre. Il détermine, à partir desdispositions qui ont été signées, s’il convient ou non de solliciter une autorisation parlementairepour approuver, ratifier l’accord ou y adhérer. 1. La demande d’autorisation parlementaire de ratification ou d’approbation

La Constitution prévoit que certains engagements internationaux sont soumis au Parlementavant leur ratification ou leur approbation. La liste en est donnée par l’article 53, qui dispose que<< les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisationinternationale, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient des dispositions denature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession,échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’un loi>>. Une fois la signature de l’accord effectuée, le ministre concerné prend l’attache du ministre desaffaires étrangères afin que celui-ci examine si cet accord relève ou non de l’article 53 de laConstitution. Il doit en être ainsi pour tous les accords, y compris pour ceux qui constituent desamendements ou des ajouts par rapport à un accord principal, dans la mesure où aucune règle deparallélisme des formes ne peut être invoquée pour appliquer à l’accord complémentaire letraitement réservé à l’accord principal. C’est précisément le cas lorsque l’accord principal necomporte pas de dispositions de nature législative ou ayant une incidence sur les financespubliques et qui de ce fait ne relève pas de la procédure de l’article 53, alors que l’avenant,comportant de telles dispositions, y sera soumis. La direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères procède à l’analyserequise en fonction du contenu propre de chaque accord et en examinant chacune de sesclauses. Sauf pour les traités de paix et de commerce, les accords relatifs à l’état des personneset ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, il n’est pas possible dedéfinir a priori les accords dont l’objet les ferait entrer ou non dans les prévisions de l’article 53.Quelques indications peuvent néanmoins être fournies, notamment à partir de la jurisprudencedu Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat. Les accords de siège sont d’ordinaire soumis à autorisation législative, dans la mesure où ilscontiennent des dispositions sur les privilèges et immunités.

Les accords édictant une obligation financière directe et certaine sont considérés commeengageant les finances de l’Etat. Il en est ainsi lorsque cette contribution financière, qui peutprendre des formes variées (participation à un mécanisme de financement spécifique, mise àdisposition de personnels ou de biens...) constitue pour le Gouvernement une obligation, dontl’inexécution serait considérée par les autres parties comme un manquement aux engagementsinternationaux de la France.

2 Terminologie : au regard du droit français, le consentement d’un Etat à être lié par un accord international peut s’exprimer par la signature, la ratification, l’approbation ou l’adhésion. La signature a cet effet lorsque l’accord prévoit l’entrée en vigueur à la signature ou lorsqu’il ne comporte, pour son entrée en vigueur, aucune condition relative à une procédure ultérieure (ratification,approbation, acceptation...). La ratification exprime ce consentement dans le cas des accords en forme solennelle, l’approbation dans le cas des accords en forme simplifiée. L’adhésion s’entend du consentement à être lié par un accord multilatéral après la période initiale d’ouverture à la signature. Dans un accord multilatéral, qui peut mentionner expressément dans ses clauses finales divers modes d’expression du consentement à être lié, il convient de s’assurer que l’un au moins de ces modes soit visé.

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Dès lors que l’une au moins des stipulations d’un accord ressortit au domaine de la loi, tel qu’ilest déterminé par l’article 34 de la Constitution, l’autorisation du Parlement pour sa ratificationou son approbation doit être recherchée. Cette exigence s’applique même dans les cas où lalégislation en vigueur satisfait en l’état à toutes les obligations résultant du traité ou de l’accorden cause, sans qu’il soit besoin de la modifier ou de la compléter. Lorsque la réponse à la question de savoir si l’accord relève de la procédure prévue par l’article53 soulève une difficulté, il appartient au ministre des affaires étrangères de consulter lesecrétaire général du Gouvernement. 2. La procédure de ratification ou d’approbation Dans les cas où l’expression du consentement à être lié par l’accord nécessite la mise en oeuvrede la procédure prévue par l’article 53, les étapes de cette procédure se déroulent de la façonsuivante : [...] Lorsque les dispositions de l’accord n’imposent pas que soit mise en oeuvre la procédure del’article 53 de la Constitution, il appartient au ministre des affaires étrangères, après s’êtreassuré du consentement des ministres intéressés, de diligenter les procédures permettant à laFrance d’exprimer son consentement à être liée par les dispositions de l’accord. Enfin, l’article 11 de la Constitution permet de soumettre au référendum un projet de loiautorisant « la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait desincidences sur le fonctionnement des institutions ». VI. - Entrée en vigueur L’entrée en vigueur d’un accord a lieu conformément aux dispositions de cet accord prévues àcet effet. 1. Les accords bilatéraux Les accords en forme simplifiée entrent en vigueur après remise à l’autre partie d’un instrumentd’approbation ou, plus généralement, d’une notification de l’accomplissement des procéduresexigées par le droit interne pour l’entrée en vigueur de cet accord. La clause finalehabituellement retenue fixe l’entrée en vigueur au premier jour du deuxième mois suivant laremise du deuxième instrument d’approbation ou de la deuxième des notifications (cf. annexe I). Les accords en forme solennelle entrent en vigueur par l’échange des instruments deratification. L’instrument de ratification est un acte signé par le Président de la République, parlequel celui-ci fait sien l’engagement souscrit en son nom, et contresigné par le Premier ministreet par le ministre des affaires étrangères. Les instruments de ratification peuvent être adressésà l’Etat cocontractant par une lettre du ministre des affaires étrangères, auquel cas, la remisen’étant pas simultanée, ils prennent effet à la date de réception du second instrument deratification, ou à l’issue d’un délai à partir de cette date fixé dans l’accord. Il est égalementpossible de recourir à la technique traditionnelle de l’entrée en vigueur le jour de l’échange desinstruments de ratification. L’usage est alors de procéder à l’échange dans le cadre d’unecérémonie. Une variante de cette méthode consiste à prévoir un délai entre le jour de l’échangeet celui de l’entrée en vigueur, le plus souvent fixé à un mois. L’entrée en vigueur dès la signature est réservée aux accords en forme simplifiée qui n’entrentpas dans le champ de l’article 53 de la Constitution et dont l’entrée en vigueur ne nécessite pas,de ce fait, de procédure parlementaire. Même pour ce type d’actes, il est néanmoins préférablede prévoir un délai entre la signature et l’entrée en vigueur, afin de pouvoir préparer lapublication de l’accord. La clause finale fixe alors l’entrée en vigueur au premier jour dudeuxième mois suivant la signature. Dans ces cas, le ministre des affaires étrangères doit semontrer très vigilant lors de la délivrance des pouvoirs de signature et s’assurer de ce que

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l’autorisation du Parlement n’a pas à être recherchée et que les ministres ont donné leurassentiment par lettres d’accord. Les arrangements administratifs peuvent entrer en vigueur dès la signature, dans la mesure où,par définition, ils sont conclus dans le cadre strict de la législation en vigueur et desdisponibilités budgétaires de leur signataire, ne relèvent que des attributions de celui-ci et nenécessitent d’autre procédure interne que la consultation du ministre des affaires étrangères quien apprécie l’opportunité politique et la qualité de la rédaction. 2. Les accords multilatéraux Un accord multilatéral entre habituellement en vigueur à partir du dépôt d’un nombre déterminéd’instruments exprimant le consentement de ces Etats à être liés par l’engagement, ou passé uncertain délai après ce dépôt. Cette entrée en vigueur, dite générale, n’a cependant d’effet quepour les Etats ayant procédé à ce dépôt. La possibilité d’une entrée en vigueur pour l’ensembledes Etats à partir du dépôt des instruments d’une partie seulement d’entre eux doit êtreréservée aux amendements à certaines conventions multilatérales. L’inscription d’unedisposition en ce sens, dans la convention de base, ne doit être acceptée qu’avec la plus grandeprudence et après consultation de la direction des affaires juridiques du ministère des affairesétrangères. 3. L’application provisoire L’application provisoire peut être prévue par les dispositions finales pour des raisons liées à descirconstances particulières, mais elle doit rester exceptionnelle. Elle s’explique pour des raisonsavant tout d’ordre pratique et peut aboutir à des situations juridiquement incertaines si l’entréeen vigueur tarde. Elle est à proscrire en toute hypothèse, d’une part, lorsque l’accord peutaffecter les droits ou obligations des particuliers, d’autre part, lorsque son entrée en vigueurnécessite une autorisation du Parlement. VII. - Réserves et déclarations interprétatives Une réserve à un accord international est une déclaration unilatérale faite par un Etat lorsqu’ilsigne, ratifie ou approuve cet accord, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l’effet juridiquede certaines dispositions de cet accord en ce qui le concerne. Une réserve ne peut être formulée lorsque l’accord la prohibe expressément. Elle doit rester enoutre compatible avec le droit des traités. Ainsi une réserve qui consisterait purement etsimplement à écarter telle ou telle disposition du traité ne serait pas admissible. Si la convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, qui, sur ce point, codifie ledroit international coutumier, autorise les Etats à formuler des réserves à un accord, c’est eneffet à certaines conditions, dont la plus importante est que ces réserves ne soient pas incompatibles avec le but et l’objet del’accord. Les autres Etats contractants peuvent faire objection à la réserve. L’objection a uneportée en fait essentiellement politique, sauf si l’Etat qui l’émet décide en même temps quel’accord dans son ensemble ne s’appliquera pas dans ses rapports avec l’Etat auteur de laréserve. Il convient, dans ces conditions, d’être particulièrement prudent avant de recourir à cette faculté: on ne saurait en effet préjuger la portée qu’attribueraient à une réserve (le cas échéant,contraire à l’objet et au but d’un accord) les organes internationaux éventuellement chargés del’application de cet accord, ou les juridictions qui seraient saisies de la validité d’une telleréserve. En conséquence, le texte de toute réserve projetée doit être soumis en temps utile à la direction

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des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères, afin que celle-ci en apprécie lavalidité. De façon générale, une réserve ne doit pas être considérée comme une manière decorriger des erreurs ou des oublis commis au cours de la négociation et ne doit être formuléeque pour des raisons impératives. Bien qu’il n’y ait pas de règle en la matière, il est souhaitablequ’elle soit rédigée avec précision et concision. Bien que la convention de Vienne n’en fasse pas mention, le droit des traités autorise les Etats àémettre des déclarations interprétatives. Il s’agit de déclarations unilatérales par lesquellesl’Etat précise la portée qu’il attribue à telle ou telle disposition de l’accord. Comme pour lesréserves, leur texte ne doit pas être incompatible avec le but et l’objet de l’accord. Il doit êtreégalement soumis à la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères. Lorsque la nécessité de formuler des réserves ou des déclarations interprétatives a été établie,l’usage est d’y procéder au moment de la signature de l’accord mais elles peuvent êtreformulées ou modifiées jusqu’au moment de la ratification ou de l’approbation de cet accord.Elles sont ensuite confirmées lors de l’expression par la France de son consentement définitif. La formulation de réserves relève de la seule compétence du pouvoir exécutif. Dans la pratique,le texte des réserves et des déclarations interprétatives dont a été assortie la signature d’unaccord qui nécessite une procédure parlementaire est communiqué au Conseil d’Etat et auParlement en même temps que le projet de loi autorisant la ratification ou l’approbation. VIII. - Publication 1. L’obligation de publication La publication a pour objet : - de rendre public le contenu de l’accord ; - d’introduire l’accord dans l’ordre juridique national. Sauf cas exceptionnels, tous les accords doivent faire l’objet d’une publication au Journal officielde la République française, conformément aux dispositions du décret no 53-192 du 14 mars 1953modifié relatif à la ratification et à la publication des engagements internationaux souscrits parla France. Cette obligation doit être respectée strictement, notamment dans la mesure où denombreux accords peuvent affecter des intérêts privés. En cas de non-publication, en effet,l’accord, s’il est d’effet direct, n’est pas opposable aux personnes et, d’une manière générale,n’est pas invocable dans l’ordre juridique interne. Le décret no 86-707 du 11 avril 1986 a rendu obligatoire la publication dans les mêmes formesde l’acte portant dénonciation par la France d’un accord publié conformément au décret de1953. Cette publication est en effet nécessaire pour l’information des particuliers. 2. L’initiative de la procédure de publication Elle relève du ministre des affaires étrangères qui, après avoir constaté la date de l’entrée envigueur pour la France de l’accord et vérifié qu’aucun des ministres intéressés ne s’oppose à sapublication, saisit le secrétaire général du Gouvernement du décret portant publication, aux finsd’accomplissement des procédures de signature et de publication de celui-ci. 3. Les délais de publication La publication de l’accord ne peut se faire avant l’entrée en vigueur de celui-ci afin d’éviterl’introduction dans l’ordre interne de dispositions dépourvues de portée juridique sur le planinternational. Mais il importe qu’elle intervienne le plus vite possible après l’entrée en vigueur.Le ministre des affaires étrangères est chargé de veiller à ce que la publication soit quasisimultanée de l’entrée en vigueur et qu’en tout état de cause le délai n’excède pas un mois. Les

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ministres intéressés et le secrétaire général du Gouvernement lui apportent leurs concours pourrespecter ces délais. Il est à déplorer que la publication des traités et accords soit trop souvent tardive aujourd’hui.Plus de diligence doit désormais être observée en la matière. 4. Le contenu de la publication Le décret portant publication est accompagné du texte in extenso de l’accord et des réserves oudéclarations interprétatives formulées par la France au moment de la signature ou lors du dépôtdes instruments de ratification. Il mentionne la date d’entrée en vigueur pour la France. Lorsqu’un engagement modifie ou complète un engagement précédent dont la publicationn’aurait pas été effectuée, il est nécessaire de publier celui-ci simultanément avec samodification. Le décret portant publication est signé par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères à l’exclusion de tout autre ministre.Pour les conventions internationales du travail, le ministre chargé du travail est égalementappelé à signer ce décret. La publication est toujours effectuée sous le timbre du ministère des affaires étrangères. Il incombe au ministre des affaires étrangères de procéder, une fois l’engagement publié auJournal officiel, à son enregistrement auprès de l’Organisation des Nations unies en applicationde l’article 102 de la Charte des Nations unies et, pour les accords aériens, auprès del’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), en application de l’article 83 de laconvention de Chicago du 7 décembre 1944 relative à l’aviation civile internationale. 5. Effets de la publication En vertu de l’article 55 de la Constitution, << les accords régulièrement ratifiés ou approuvésont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaqueaccord ou traité, de son application par l’autre partie >>. Certains accords ne créent d’obligations qu’à la charge des Etats. C’est ce que le Conseil d’Etat(décision GISTI du 23 avril 1997) a déterminé pour certains articles de la convention del’Organisation des Nations unies relative aux droits de l’enfant. En revanche, comme le soulignele même arrêt à propos de la convention no 118 de l’OIT du 28 juin 1962, les autres accordspeuvent être invoqués par les particuliers et prévalent sur le droit interne, soit qu’ils soientd’effet direct, soit que les mesures de transposition en droit interne qu’ils appelaient dans undélai donné ne soient pas intervenues ou soient intervenues incomplètement, dans ce délai. Lorsqu’un ministre autre que le ministre des affaires étrangères considère qu’un accord cessed’être adapté à l’évolution de nos relations avec un Etat, il lui incombe d’en saisir le ministre desaffaires étrangères. Ce ministre est seul compétent, sous mon autorité, pour prendre lesmesures qui s’imposent : dénonciation unilatérale par la France ; abrogation sur la base d’uneentente commune des parties ; décision de suspension d’un accord ou de certaines de sesdispositions. Les principes et les règles rappelés ci-dessus ont pour but de garantir la cohérence et l’unité dela politique étrangère de la France, lorsqu’elle conduit à prendre des engagementsinternationaux. Il convient de veiller strictement à leur respect. Le ministre des affairesétrangères, en liaison avec le secrétaire général du Gouvernement, fera rapport au Premierministre sur leur mise en œuvre.

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Document 2. CE Ass., 5 mars 2003, M. Aggoun

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2002au secrétariat du contentieux du Conseild'Etat, présentée par M. Hamdi X., ;M. X. demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler le jugement du 22 janvier 2002par lequel le magistrat délégué par leprésident du tribunal administratif deMarseille a rejeté sa demande tendant àl'annulation de l'arrêté du 4 décembre 2001du préfet des Hautes-Alpes ordonnant sareconduite à la frontière et de la décisionfixant le pays à destination duquel il doitêtre reconduit ;2°) d'annuler pour excès de pouvoir cetarrêté et cette décision ;3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Alpesde lui délivrer un titre de séjour sousastreinte de 153 € par jour de retard àcompter de la notification de la présentedécision ;4°) de condamner l'Etat à lui verser la sommede 3 050 € au titre de l'article L. 761-1 ducode de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;Vu la Constitution du 4 octobre 1958,notamment ses articles 34, 53 et 55 ;Vu la convention européenne de sauvegardedes droits de l'homme et des libertésfondamentales ;Vu l'accord du 27 décembre 1968 entre legouvernement de la République française etle gouvernement de la Républiquealgérienne démocratique et populaire relatifà la circulation, à l'emploi et au séjour enFrance des ressortissants algériens et deleurs familles, modifié notamment parl'avenant du 28 septembre 1994 ;Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre1945 modifiée relative aux conditionsd'entrée et de séjour des étrangers enFrance ;Vu la loi n° 2002-1305 du 29 octobre 2002,ensemble le décret n° 2002-1500 du 20décembre 2002 portant publication dutroisième avenant à l'accord franco-algériendu 27 décembre 1968, signé à Paris le 11juillet 2001 ;Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique : - lerapport de Mlle Courrèges, Auditeur, - lesconclusions de M. Stahl, Commissaire dugouvernement ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à lafrontière :

Considérant qu'aux termes du I de l'article22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945modifiée : " Le représentant de l'Etat dans ledépartement et, à Paris, le préfet de police,peuvent, par arrêté motivé, décider qu'unétranger sera reconduit à la frontière dansles cas suivants : (.) 3° Si l'étranger, auquel ladélivrance ou le renouvellement d'un titrede séjour a été refusé ou dont le titre deséjour a été retiré, s'est maintenu sur leterritoire au-delà du délai d'un mois àcompter de la date de notification du refusou du retrait (.) " ; qu'il ressort des pièces dudossier que M. X., de nationalité algérienne,s'est maintenu sur le territoire français plusd'un mois après la notification, le 27septembre 2001, de la décision du 13septembre 2001 du préfet des Hautes-Alpeslui refusant un titre de séjour et l'invitant àquitter le territoire ; qu'il était ainsi dans lecas où le préfet peut décider la reconduited'un étranger à la frontière ;

En ce qui concerne l'exception d'illégalité dela décision de refus de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termesde l'article 53 de la Constitution : " Lestraités de paix, les traités de commerce, lestraités ou accords relatifs à l'organisationinternationale, ceux qui engagent lesfinances de l'Etat, ceux qui modifient desdispositions de nature législative, ceux quisont relatifs à l'état des personnes, ceux quicomportent cession, échange ou adjonctionde territoire, ne peuvent être ratifiés ouapprouvés qu'en vertu d'une loi (.) " ; qu'auxtermes de l'article 55 de la Constitution : "Les traités ou accords régulièrement ratifiésou approuvés ont, dès leur publication, uneautorité supérieure à celle des lois, sousréserve, pour chaque accord ou traité, deson application par l'autre partie " ; qu'ilrésulte de la combinaison de ces dispositionsque les traités ou accords relevant del'article 53 de la Constitution et dont laratification ou l'approbation est intervenuesans avoir été autorisée par la loi, nepeuvent être regardés commerégulièrement ratifiés ou approuvés au sensde l'article 55 précité ;

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Considérant qu'il résulte des dispositionsprécitées de la Constitution qu'il appartientau juge administratif, saisi d'un moyen en cesens, de s'assurer qu'un traité ou accord aété régulièrement ratifié ou approuvé, nonseulement lorsqu'un tel moyen est invoqué àl'appui d'un recours pour excès de pouvoirdirectement formé à l'encontre du décret depublication qui en a permis l'introductiondans l'ordre juridique interne, mais aussi parvoie d'exception, à l'occasion d'un litigemettant en cause l'application de cetengagement international, sans que puisse yfaire obstacle la circonstance que le décretde publication dont la légalité est ainsinécessairement contestée n'a pas étéattaqué dans le délai de recours contentieux; que, par suite, à l'appui de sa contestationde la décision préfectorale du 13 septembre2001 qui lui a refusé un titre de séjour aumotif que l'article 9 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dans sarédaction issue de l'avenant du 28septembre 1994, subordonne la délivranced'un certificat de résident à un ressortissantalgérien à la présentation d'un passeport encours de validité muni d'un visa de longséjour délivré par les autorités françaises, M.X. est, contrairement à ce que soutient leministre des affaires étrangères, recevable àse prévaloir de ce que ni cet avenant, nil'accord initial qu'il modifie n'auraient étérégulièrement approuvés faute d'avoir faitl'objet d'une autorisation d'approbation parla loi ;

Considérant que l'accord franco-algérien du27 décembre 1968 et ses deux premiersavenants en date des 22 décembre 1985 et28 septembre 1994, qui sont relatifs auxconditions dans lesquelles les ressortissantsalgériens peuvent être admis à séjourner enFrance et à y exercer une activitéprofessionnelle, portent sur des matièresrelevant du domaine de la loi ; que, dès lors,ils doivent être regardés comme modifiantdes dispositions de nature législative, ausens des dispositions précitées de l'article 53de la Constitution ;

Considérant toutefois qu'en adoptant la loidu 29 octobre 2002 autorisant l'approbationdu troisième avenant à l'accord du 27décembre 1968, le législateur anécessairement entendu autoriserl'approbation de l'ensemble des stipulationsde l'accord initial et de ses deux premiers

avenants dont ce nouvel avenant n'est passéparable, y compris celles de cesstipulations qui, exprimant tout autant queles autres la commune intention des parties,comportaient une date d'entrée en vigueur ;qu'ainsi, à la suite de la publication dutroisième avenant au Journal officiel de laRépublique française le 26 décembre 2002,l'accord et ses deux premiers avenantsdoivent être regardés, selon leurs termesmêmes, comme étant entrés en vigueur à ladate de leur signature ; qu'en particulier, ledeuxième avenant, dont il a été faitapplication pour refuser à M. X. un titre deséjour, doit être regardé comme étantrégulièrement applicable à compter du 28septembre 1994 ; que, par suite, le moyentiré de ce que le préfet des Hautes-Alpes nepouvait opposer à la demande de titre deséjour de l'intéressé les stipulations de cedeuxième avenant, faute pour celui-ci d'avoirété approuvé en vertu d'une loi, doit êtreécarté ;

Considérant qu'il ressort des pièces dudossier que M. X. n'était pas titulaire, à ladate de la décision contestée, d'unpasseport muni du visa de long séjour exigépar l'article 9 de l'accord franco-algérien ;que, dès lors, le préfet des Hautes-Alpes apu légalement se fonder sur ce motif pourrefuser à M. X. le titre de séjour sollicité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'auxtermes de l'article 2 de l'ordonnance du 2novembre 1945 : " Les étrangers sont, en cequi concerne leur séjour en France, soumisaux dispositions de la présente ordonnance,sous réserve des conventionsinternationales " ; que si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'unemanière complète les conditions danslesquelles les ressortissants algérienspeuvent être admis à séjourner en France ety exercer une activité professionnelle, ainsique les règles concernant la nature destitres de séjour qui peuvent leur êtredélivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter,sauf stipulations incompatibles expresses,l'application des dispositions de procédurequi s'appliquent à tous les étrangers en cequi concerne la délivrance, lerenouvellement ou le refus de titres deséjour, dès lors que ces ressortissantsalgériens se trouvent dans une situationentrant à la fois dans les prévisions del'accord et dans celles de l'ordonnance du 2

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novembre 1945 ; qu'au nombre de cesdispositions figurent notamment celles quirésultent des articles 12 bis (7°) et 12 quaterde l'ordonnance du 2 novembre 1945 quiprévoient que le préfet doit consulter lacommission du titre de séjour lorsqu'ilenvisage de refuser un titre de séjour à unétranger dont les liens personnels etfamiliaux en France sont tels que ce refusporterait au droit au respect de sa vie privéeet familiale une atteinte disproportionnéeau regard des motifs de ce refus ; que lepréfet n'est toutefois tenu de saisir lacommission que du seul cas des étrangersqui remplissent effectivement cettecondition, et non de celui de tous lesétrangers qui s'en prévalent ;

Considérant que si M. X. fait valoir qu'il estmarié à une ressortissante de nationalitéfrançaise depuis le 17 mars 2001, il ressortdes pièces du dossier que, compte tenu del'ensemble des circonstances de l'espèce,notamment de la durée et des conditions duséjour en France de l'intéressé, la décisionde refus de titre de séjour en date du 13septembre 2001 n'était pas susceptible deporter à son droit au respect de sa vie privéeet familiale une atteinte disproportionnéeaux buts en vue desquels a été décidée cettemesure ; que, par suite, M. X. n'est pas fondéà soutenir que le préfet des Hautes-Alpesétait tenu de consulter la commission dutitre de séjour ;

Considérant, enfin, que le moyen tiré de ceque la décision de refus de titre de séjourméconnaîtrait les stipulations de l'article 14de la convention européenne de sauvegardedes droits de l'homme et des libertésfondamentales n'est pas assorti desprécisions permettant d'en apprécier lebien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été ditci-dessus que le moyen tiré de ce quel'arrêté ordonnant la reconduite à lafrontière de M. X. méconnaîtrait lesstipulations de l'article 8 de la conventioneuropéenne de sauvegarde des droits del'homme et des libertés fondamentales nepeut qu'être écarté ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays derenvoi :

Considérant que l'arrêté du 4 décembre2001 ordonnant la reconduite à la frontièrede M. X. décide que l'intéressé sera éloigné àdestination de l'Algérie ; que si le requérantsoutient qu'il court des risques personnelsen cas de retour dans ce pays en raison deses qualifications professionnelles et desmenaces dont il a été l'objet à la suite de sonrefus de collaborer avec des organisationsintégristes, l'intéressé, dont la demanded'asile territorial a d'ailleurs été rejetée parune décision du 31 août 2001 du ministre del'intérieur, n'apporte pas d'éléments denature à établir la réalité des risquesinvoqués ; que, par suite, le moyen tiré, àl'encontre de la décision fixant le pays dedestination, de l'erreur manifested'appréciation qu'aurait commise le préfetdes Hautes-Alpes doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce quiprécède que M. X. n'est pas fondé à soutenirque c'est à tort que, par le jugementattaqué, le magistrat délégué par leprésident du tribunal administratif deMarseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que la présente décisionn'appelle aucune mesure d'exécution ; que,dès lors, les conclusions de M. X. tendant àce qu'il soit enjoint au préfet des Hautes-Alpes de lui délivrer un titre de séjourdoivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'applicationdes dispositions de l'article L. 761-1 du codede justice administrative :

Considérant que ces dispositions fontobstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans laprésente instance la partie perdante, soitcondamné à verser à M. X. la somme qu'ildemande au titre des frais exposés par lui etnon compris dans les dépens ;

Décide :Article 1er : La requête de M. X. est rejetée.Article 2 : La présente décision sera notifiéeà M. Hamdi X., au préfet des Hautes-Alpes,au ministre de l'intérieur, de la sécuritéintérieure et des libertés locales et auministre des affaires étrangères.

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Document 3. Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969[extraits]

Article 53 Traités en conflit avec une norme impérative du droit international général (juscogens)Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative dudroit international général. Aux fins de la présente Convention, une norme impérative du droitinternational général est une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale desÉtats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dérogation n'est permise et qui nepeut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le mêmecaractère.

Document 4. CIJ, arrêt, 20 juil. 2012, Questions concernant l’obligation depoursuivre ou d’extrader (Belg. c. Sénégal) [extraits]

99. Selon la Cour, l’interdiction de la torture relève du droit international coutumier et elle a

acquis le caractère de norme impérative (jus cogens). Cette interdiction repose sur une pratique

internationale élargie et sur l’opinio juris des Etats. Elle figure dans de nombreux instruments

internationaux à vocation universelle (notamment la Déclaration universelle des droits de

l’homme de 1948 ; les conventions de Genève pour la protection des victimes de guerre de 1949 ;

le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 ; la résolution 3452/30 de

l’Assemblée générale sur la protection de toutes les personnes contre la torture et autres peines

ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en date du 9 décembre 1975), et elle a été

introduite dans le droit interne de la quasi-totalité des États ; enfin, les actes de torture sont

dénoncés régulièrement au sein des instances nationales et internationales.

Document 5. Torture : un rapport accablant pour la CIA

LIBERATION — (9 décembre 2014)

L'agence d'espionnage a torturé entre 2002 et 2008 plus brutalement qu'elle ne l'avaitreconnu, et en vain, conclut le Sénat dans un rapport publié ce mardi.

• Torture : un rapport accablant pour la CIA

Le Sénat américain a rendu public ce mardi un rapport très attendu sur les méthodes de tortureutilisées par la CIA après les attentats du 11 septembre 2001. Certaines de ces méthodes et lespays où elles ont été mises en pratique étaient déjà connues, mais c’est la plus vaste enquête surle sujet jamais rendue publique à ce jour. Le rapport intégral fait plus de 6 000 pages. La versionrendue publique, expurgée de certaines informations, comme les noms des agents, en fait525. La CIA a immédiatement contesté les conclusions du rapport.

Ce que l’on savait déjà

Le «programme de détention et d’interrogatoire de la CIA» a été autorisé secrètement parl’administration de George W. Bush en 2002, quelques mois après la signature par le présidentd’un mémorandum autorisant la CIA à tuer, capturer et interroger des hauts responsables d’Al-Qaeda dans le monde. Alors qu'en 2004, l'usage de la torture par l'armée américaine à la prisond'Abou Ghraib, en Afghanistan, est dévoilé, des ONG et des élus s’interrogent progressivementsur le sort de plusieurs «détenus fantômes», dont le gouvernement américain ne dit rien. En 2005,la presse américaine révèle la pratique de vols secrets de la CIA pour transporter les «détenus dehaute valeur» vers des «sites noirs», secrets, où même le FBI n’intervient pas. De nombreux pays,

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notamment européens, laissent passer les vols par leurs espaces aériens.

En décembre 2005, le Congrès vote une loi interdisant les traitements «cruels, inhumains oudégradants». La polémique sur la torture enfle, des enquêtes administratives sont lancées etla CIA reconnaît en 2007 avoir détruit des vidéos d’interrogatoires, provoquant un scandale.

En février 2008, le directeur de la CIA Michael Hayden admet que trois détenus ont été soumis àdes simulations de noyade («waterboarding»), mais que la CIA n’utilise plus cette techniquedepuis environ cinq ans. En avril 2009, l’exécutif rend publics des mémos du département de laJustice datant de 2002 et 2005, qui justifiaient le recours aux techniques d’interrogatoire dures.

Ce que dit le rapport

Les méthodes d’interrogatoire de la CIA «n’ont pas été efficaces» et le programme secret de laCIA «a été bien plus brutal que ce que la CIA a dit aux politiciens et au public américain». Pasefficace, parce que pour les 20 cas où la CIA dit avoir obtenu des informations cruciales enrecourant à des techniques coercitives, il apparaît en réalité que ces informations avaient étéobtenues avant l’emploi de ces méthodes ou bien obtenues auprès d’autres détenus. «A aucunmoment les techniques d’interrogatoire renforcées de la CIA n’ont permis de recueillir desrenseignements relatifs à des menaces imminentes, tels que des informations concernantd’hypothétiques "bombes à retardement" dont beaucoup estimaient qu’elles justifiaient cestechniques.» Nombre d’agents de la CIA ont d’ailleurs questionné en interne l’utilité de cesméthodes, relève le rapport.

La CIA a toujours dit que les techniques d’interrogatoire musclées n’étaient utilisées qu’endernier recours. Or le rapport révèle qu’elles étaient souvent infligées d’emblée: privation desommeil jusqu’à 180 heures, maintien dans des positions douloureuses, tabassages répétés,musique assourdissante, simulation de noyade («waterboarding»), isolement prolongé dans lenoir, alimentation par voie rectale («rectal feeding»), menaces sur la famille, bains d'eau glacée,etc. La commission suggère que le waterboarding a été davantage utilisé que la CIA ne l’avaitjusqu’ici prétendu. Les détenus étaient aussi souvent obligés de rester nus, parfois une cagoulesur la tête. Il en est résulté de graves troubles psychologiques, des manifestations de paranoïa etd’automutilation.

Au total, 119 détenus ont été capturés et emprisonnés dans des sites dits «noirs», dans des paysjamais identifiés, mais qui incluent vraisemblablement la Thaïlande, l’Afghanistan, la Roumanie,la Pologne et la Lituanie, entre 2002 et 2008. La commission accuse l’agence d’avoir soumis 39détenus à des techniques d’interrogatoire plus poussées, parfois non approuvées parl’exécutif. Au moins 26 hommes ont été détenus dans les prisons secrètes alors qu’ils ne posaientpas de réelle menace. L’un d’entre eux est mort en détention. L’une de ces prisons secrètes estqualifiée de «donjon».

Les 119 détenus, selon la liste du «Washington Post»

Le président George W. Bush n’a été informé en avril 2006, soit au bout de quatre ans, que desdétenus avaient subi des tortures dans des prisons secrètes de la CIA. Il avait «exprimé sonembarras» en découvrant «l’image d’un détenu, enchaîné au plafond, portant une couche-culotte etcontraint de faire ses besoins sur lui».

L’une des questions récurrentes qui entoure ce programme secret était de savoir s’il a permisd’obtenir des renseignements cruciaux ayant permis, en particulier, de localiserOussama ben Laden, tué en 2011 au Pakistan lors d’un raid de commando américain. Or,contrairement à la version qu’a laissé courir la CIA, l’information qui a mené à la cache de BenLaden n’a pas été obtenue par la torture. Elle a été fournie par un détenu capturé au kurdistanirakien, Hassan Ghul, sans qu’il ne soit torturé. Ce détenu a déclaré que Ben Laden vivaitprobablement dans la région de Peshawar et qu’il était bien connu, toujours accompagné d’AbouAhmed Al-Koweiti, son assistant le plus proche, qui lui servait de messager. Selon le rapport (p.156), il aurait dit à la CIA que la sécurité de Ben Laden était minimale et qu'il vivait dans unemaison avec sa famille au Pakistan.

Pourquoi ce rapport sort maintenant

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Le rapport est le fruit de plus de trois ans d’enquête (2009-2012). Il a été approuvé par lacommission du renseignement du Sénat et ses membres ont voté en avril 2014 la publicationd’un résumé expurgé des informations les plus sensibles. Mais le processus s’est cependantpoursuivi pendant huit mois, les sénateurs et la Maison Blanche étaient en désaccord sur levolume d’informations à expurger, comme les noms de code des agents de la CIA, ou les paysayant coopéré avec le programme secret. La version finale du rapport doit beaucoup àl’acharnement de la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, puissante présidente de laCommission du renseignement, qui s’est battue pour que la version déclassifiée du rapport nesoit pas trop rabotée.

Pourquoi les républicains sont furieux

De nombreux républicains ont dénoncé par avance la publication d’une enquête qu’ils jugentbiaisée et dont la réalisation aura coûté, soulignent-ils, 40 millions de dollars aux contribuablesaméricains. Les sénateurs républicains se sont retirés de l’enquête, seuls les démocrates ontœuvré. L’ancien vice-président Dick Cheney (sous la présidence de George W. Bush) avigoureusement défendu ces techniques d’interrogatoire, jugeant qu’elles étaient «totalementjustifiées». «Le programme a été autorisé […] et il a été examiné d’un point de vue légal par leministère de la Justice», a-t-il déclaré au New York Times. Evoquant les agents de la CIA qui ontmené à bien ce programme, il a jugé qu’ils «devraient être décorés plutôt que d’être critiqués».

Pour le sénateur républicain Marco Rubio, candidat potentiel à l’élection présidentielle de 2016,la publication de ce rapport, qui n’est «ni sérieux, ni constructif», est «imprudente etirresponsable».

Dans une tribune publiée dans le Washington Post, Jose Rodriguez, ancien responsable de ceprogramme au sein de la CIA, a pour sa part dénoncé la «grande hypocrisie» des politiques sur cedossier. «Nous avons fait ce qui nous a été demandé […] et nous savons que cela a été efficace» , a-t-il plaidé. «Une décennie plus tard, en guise de récompense nous entendons certains de ces mêmespolitiques faire part de leur indignation et - pire - déformer les faits et minimiser les succès obtenus».

Exception notable, l’ancien candidat à la Maison Blanche John McCain, opposé à la torture et quisalue la publication du rapport.

Ce que dit Barack Obama

Le président des Etats-Unis a dénoncé ce mardi des méthodes «contraires» aux valeurs des Etats-Unis. «Aucune nation n’est parfaite mais une des forces de l’Amérique est notre volonté d’affronterouvertement notre passé.» Début août, Obama s’était longuement exprimé sur ces techniquesd’interrogatoire «que toute personne honnête devrait considérer comme de la torture», jugeantque les Etats-Unis avaient «franchi une ligne». Mais s’il avait dénoncé les méthodes, le présidentaméricain avait aussi appelé, à la surprise de certains démocrates, à mettre les événements enperspective. «Il est important de se souvenir combien les gens avaient peur», avait-ilargumenté. «Ils ne savaient pas si d’autres attaques étaient imminentes. Il y avait une énormepression sur les épaules des forces de sécurité».

Ce que dit la CIA

Le patron de la CIA, John Brennan, admet que l’agence du renseignement américaine a commisdes erreurs en utilisant la torture mais maintient que cela a «permis de récupérer desrenseignements qui ont permis d’empêcher des attentats, de capturer des terroristes et de sauverdes vies». Dans un communiqué, il explique que «les principaux problèmes sont intervenus audébut et venaient du fait que l’agence n’était pas préparée et manquait des compétences requisespour mener à bien un programme mondial sans précédent de détention et d’interrogatoires desuspects d’Al-Qaeda et d’organisations terroristes affiliées». Par la suite, «nous avons appris de ceserreurs, c’est pourquoi mes prédécesseurs et moi-même avons pris différentes mesures pour pallierces défaillances».

Le site Ciasavedlives, décrit comme tenu par des anciens de la CIA, mène une attaque en règlecontre ce rapport «truffé d’erreurs et de contresens». Le Comité a «sélectionné des documents pouralimenter un point de vue alors que des preuves contraires existent», dénonce ce site.