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1/127 Cours de droit public des biens Le droit public des biens, aussi connu sous le nom de droit administratif spécial (s'oppose au droit administratif général), est constitué de matières plus ou moins détachées du droit administratif général, sans pour autant être dépourvues de lien avec lui. Personne ne s'entend sur le contenu de cette « matière », néanmoins il est possible d'y regrouper deux choses : → les moyens de l'action administrative comme les moyens humains (cad droit de la fonction publique), ou encore le droit administratif des biens, le droit de l'expropriation, le droit des travaux publics, … → certaines matières détachées du droit administratif (cad droit immobilier, …) Cet ensemble de matières se rattache à différents ouvrages spécialisés, il n'y a pas de manuel général de droit administratif des biens. Le droit administratif spécial couvre un champs d'étude éclaté au contenu pléthorique et foisonnant, il n'existe pas un droit administratif spécial mais des droits administratifs spéciaux. En ce sens cette appellation de droit administratif spécial est récusée par une partie de la doctrine qui entend plutôt un droit public global. Traditionnellement les enseignements et ouvrages sont plutôt consacrés à l'étude d'un « droit administratif des biens », néanmoins notre cours s'appelle « droit public des biens », en ce sens l’importance croissante de certains droits (droit UE, droit constitutionnel, etc.) rend l'appellation traditionnelle (droit administratif des biens) inadéquate, il s'agit aujourd'hui d'un enseignement de droit public et non un simple droit administratif des biens. Le droit public des biens s'oppose à une autre matière, le droit civil des biens. Quant à l'organisation de l'enseignement lors du S1 : Pour ce qui est des TDs (étroite complémentarité entre le cours et les TDs), de ce fait ces deux supports pédagogiques sont absolument indispensables pour réussir l'examen. Certaines questions pourront être balayées en cours, approfondies en TD. Pour ce qui est des examens, dans la mesure où le droit public des biens est et une matière théorique, et une matière pratique, pour les TDs épreuve écrite de 3h (cas pratique ou commentaire de document (arrêt ou texte normatif ou texte de doctrine) sans sujet au choix, un galop d'essai au cours du semestre. Sans TD il y a un examen écrit d'1h30 sur des questions théoriques (4 à 5) vues en cours.

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Cours de droit public des biens Le droit public des biens, aussi connu sous le nom de droit administratif spécial (s'oppose au droit administratif général), est constitué de matières plus ou moins détachées du droit administratif général, sans pour autant être dépourvues de lien avec lui. Personne ne s'entend sur le contenu de cette « matière », néanmoins il est possible d'y regrouper deux choses : → les moyens de l'action administrative comme les moyens humains (cad droit de la fonction publique), ou encore le droit administratif des biens, le droit de l'expropriation, le droit des travaux publics, … → certaines matières détachées du droit administratif (cad droit immobilier, …) Cet ensemble de matières se rattache à différents ouvrages spécialisés, il n'y a pas de manuel général de droit administratif des biens. Le droit administratif spécial couvre un champs d'étude éclaté au contenu pléthorique et foisonnant, il n'existe pas un droit administratif spécial mais des droits administratifs spéciaux. En ce sens cette appellation de droit administratif spécial est récusée par une partie de la doctrine qui entend plutôt un droit public global. Traditionnellement les enseignements et ouvrages sont plutôt consacrés à l'étude d'un « droit administratif des biens », néanmoins notre cours s'appelle « droit public des biens », en ce sens l’importance croissante de certains droits (droit UE, droit constitutionnel, etc.) rend l'appellation traditionnelle (droit administratif des biens) inadéquate, il s'agit aujourd'hui d'un enseignement de droit public et non un simple droit administratif des biens. Le droit public des biens s'oppose à une autre matière, le droit civil des biens. Quant à l'organisation de l'enseignement lors du S1 : Pour ce qui est des TDs (étroite complémentarité entre le cours et les TDs), de ce fait ces deux supports pédagogiques sont absolument indispensables pour réussir l'examen. Certaines questions pourront être balayées en cours, approfondies en TD. Pour ce qui est des examens, dans la mesure où le droit public des biens est et une matière théorique, et une matière pratique, pour les TDs épreuve écrite de 3h (cas pratique ou commentaire de document (arrêt ou texte normatif ou texte de doctrine) sans sujet au choix, un galop d'essai au cours du semestre. Sans TD il y a un examen écrit d'1h30 sur des questions théoriques (4 à 5) vues en cours.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE : Les particuliers sont propriétaires de biens sur lesquels ils exercent un droit de propriété qui est régi par le Code Civil et qui est garanti par les articles 2 et 17 de la DDHC de 1789. Les collectivités publiques, l'Etat, les collectivités territoriales, etc., possèdent également un ensemble de biens mobiliers et immobiliers qui forment leur patrimoine. Cet ensemble de biens constitue ce que l'on nomme le « domaine des personnes publiques ». La notion de « bien » en droit public n'a donné lieu à ce jour qu'à une production doctrinale assez faible. La pauvreté de la littérature juridique sur cette notion témoigne de ce que la notion de bien de droit public ne se distingue que très peu de celle du droit privé. En effet, en droit public comme en droit privé, les biens correspondent à toute chose susceptible d'appropriation, en conséquence, les choses communes, qui n'appartiennent véritablement à personne, ne peuvent être considérées comme des bien (article 714 du Code Civil qui dispose que « il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous (...) »). Ces biens se divisent, en droit public comme en droit privé, en deux catégories, d'une part les biens corporels (meubles ou immeubles), d'autre part les biens incorporels (ne portent pas sur une chose mais portent sur une activité, par exemple un FDC, un brevet, une marque de fabrique) qui correspondent en droit public aux propriétés incorporelles des personnes publiques (par exemple les bibliothèques numériques avec Google books, en ce sens qu'elles s'intègrent dans un domaine public immatériel). Ces biens de l'administration ne se verront pas en principe appliquer les règles de droit commun, tirées notamment du Code Civil, tout au contraire ils bénéficieront d'un régime juridique spécifique, très largement rétif aux règles et principes de droit privé, d'un régime juridique exorbitant. Il est possible de dire qu'il existe, à coté du droit civil des biens, un droit administratif des biens tout comme les actes et

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activités de l'administration sont soumis à un régime spécifique, les biens des personnes publiques sont soumis à un régime exorbitant qui se distingue du régime de droit privé. I) L'identification du droit public des biens Les personnes publiques disposent de différents moyens matériels afin d'assurer leurs missions. Ces différents moyens d'action de l'administration sont encadrés par des règles de droit administratif, les règles applicables forment le droit public des biens. Le droit public des biens connait par ailleurs différents objets : – La nature des biens de l'administration, le droit de propriété que l'administration possède sur ces biens ainsi que sur les règles juridiques qui leurs sont applicables. Les biens de l'administration ne sont pas tous de même nature, ils se répartissent en effet dans 2 catégories, l'une formant le domaine public, l'autre formant le domaine privé des collectivités publiques. Cette distinction entre domaine public et domaine privé demeure encore aujourd'hui fondamentale, en effet elle détermine très largement la nature des règles juridiques applicables aux biens des collectivités publiques. Les biens en question permettent aux personnes publiques de s'acquitter de leurs missions exercées dans l'intérêt général, ils sont également susceptibles de faire l'objet d'une véritable exploitation économique dont le produit va enrichir les ressources des différentes collectivités publiques. La théorie de la « domanialité publique » est ainsi à l'origine de règles juridiques spécifiques qui vont s'appliquer et à l'entrée et à la sortie d'un bien du domaine public ainsi qu'à la protection particulière dont ce bien va bénéficier. – Pour constituer son domaine, l'administration se doit parfois d'acquérir certains biens, naturellement, tout comme les particuliers, les personnes publiques acquièrent fréquemment des biens, ces acquisitions peuvent très bien s'opérer par des procédés de droit commun (la vente par exemple). Il est cependant fréquent que les propriétaires privés refusent de vendre ou éventuellement n'acceptent de le faire qu'à des prix prohibitifs, exorbitants, de ce fait l'administration doit être en mesure de vaincre la résistance des particuliers grâce à des procédures exorbitantes de droit commun. Contrairement aux personnes privées l'administration peut parfois acquérir des biens à la suite d'une décision unilatérale, il s'agit du régime très particulier de l'expropriation pour cause d'utilité publique auquel s'ajoute celui de la réquisition. – L'administration peut rarement utiliser tel quel les biens immeubles qu'elle possède, qu'elle acquière, elle doit fréquemment réaliser des travaux destinés le plus souvent à adapter les biens acquis à l'objectif (en principe d'IG) poursuivi par elle. Ces travaux réalisés dans l'IG sont soumis à des règles juridiques spécifiques tant en ce qui concerne leur exécution que pour la réparation des dommages qu'ils peuvent occasionner. En particulier, contrairement aux travaux privés, les travaux publics sont soumis à

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un régime juridique particulier, un régime juridique largement dérogatoire aux règles de droit commun. À travers ces quelques éléments de présentation il est possible de cerner un triple objet du droit public des biens, ce triple objet ainsi défini est à l'origine de la trilogie traditionnelle de la matière. L'identification du droit administratif des biens pose pourtant un problème de délimitation, en effet deux conceptions de la matière se sont par le passé affrontées. Tout d'abord une conception élargie selon laquelle le droit administratif des biens ne se limite pas seulement aux droit des biens de l'administration, en ce sens on y rattache également toutes les interventions administratives à l'égard de la propriété privée, il s'agit notamment des interventions foncières diverses, de l'urbanisme, etc, ici l'objet d'étude est des plus larges. Ensuite dans une conception plus stricte, l’objet du droit administratif des biens se limite à l'étude du droit applicable aux biens des personnes publiques. Au final ces deux conceptions reviennent à distinguer d'une part le droit administratif des biens (toutes les actions de l'administration sur des biens matériels) et le droit des biens de l'administration (seuls biens dont les personnes publiques ont la possession ou la maitrise). Une conception relativement consensuelle de la matière conduit pourtant à circonscrire, à limiter le droit administratif des biens à la seule étude des règles spécifiques applicables aux biens de l'administration, ces règles correspondent à la trilogie habituelle. Cette limitation de l'objet d'étude se justifie pleinement, par exemple l'importance du droit de l'urbanisme fait que celui ci fait l'objet d'un enseignement à part, d'un enseignement spécial. II) Les principales caractéristiques du droit public des biens Le droit administratif des biens, même entendu strictement, recoupe un champ d'étude des plus vastes dans la mesure où il intègre l'étude de l'ensemble des règles juridiques applicables à la trilogie. Cette trilogie qui est au coeur de la matière, bien qu'apparemment morcelée, il est tout de même possible de conserver une vision d'ensemble de la matière, cela à travers des caractéristiques communes à ce triptyque.

→ Déjà, le droit public des biens apparaît comme un droit de contraste, à la fois caractérisé par des thématiques anciennes et traditionnelles mais également par une actualité riche et constante.

Ainsi par exemple la distinction du domaine public et du domaine privé, l'expropriation, le régime des travaux publics sont de vieilles notions et régimes de droit public, à ce titre ces différentes matières sont encore soumises à des textes très anciens, toujours applicables aujourd'hui, bien que parfois modifiés. Ainsi par

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exemple l'édit de Moulins de 1566 (pose les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité du domaine public, encore aujourd'hui source du droit positif, en ce sens pour revendiquer un titre de propriété sur le domaine public il faut un titre de propriété antérieur à 1566, l'article L3111-2 du CGPPP qui dispose que « le domaine public maritime et le domaine public fluvial sont inaliénables sous réserve des droits et des concessions régulièrement accordés avant l'édit de Moulins de février 1566 et des ventes légalement consommées de biens nationaux », le JA a parfois admis des aliénations antérieures à 1566 dès lors de la présence d'un titre de propriété valide), ou encore l'édit de Colbert de l667 qui régissent la matière de la domanialité publique, aussi la loi du 28 pluviôse an VIII, l'article 17 de la DDHC ainsi que la loi du 8 mars 1810 encadrent encore la procédure d'expropriation. L'ancienneté des textes et des thématiques tranche avec certaines polémiques contemporaines, ainsi la valorisation de l'exploitation du domaine public, la transparence et l'éthique (marché publics), les objectifs de protection de l'environnement, constituent des thèmes récents venant valoriser la matière. Les réformes récentes montrent que cette matière est en mouvement constant, en ce sens le 1 juillet 2006 est entré en vigueur le Code Général de la Propriété des Personnes Publiques qui désormais est doté (depuis le décret du 22 juillet 2011) d'une partie règlementaire. Ce Code s'applique à l'ensemble des personnes publiques (classiques et/ou sui generis). → Ensuite, au niveau des sources, on constatera tout d'abord que le droit public des biens se présente classiquement comme un droit essentiellement jurisprudentiel. En effet la jurisprudence (du CE, du TC, …) a joué un rôle tout a fait déterminant dans l'identification d'un droit administratif des biens en comblant les vides laissés par les textes anciens, laconiques. Ainsi les principales règles et principes, du droit domanial ont été façonnés pour l'essentiel par la jurisprudence du CE. Ce poids traditionnel de la jurisprudence tend néanmoins à s'estomper quelque peu sous l'effet des récentes entreprises de codification, en particulier le CGPPP qui régit l'essentiel des questions de domanialité et de propriété publique, et de ce point de vue il prend le relais de l'ancien Code du Domaine de l'Etat qui ne s'appliquait qu'à la propriété étatique, cela à l'exclusion des autres personnes publiques. Au final on peut dire que le CGPPP a reprit, complété et enrichi l'essentiel des avancées jurisprudentielles du CE, les pouvoirs publics ont repris la main au juge. De même la matière des travaux publics est en partie régie par un Code des Marchés Publics (rénové en 2001, réformé en 2004 et 2006), ce Code régit aujourd'hui ce que l'on nomme le droit de la commande publique, et à ce titre il regroupe différentes procédures. Dans un cas comme dans l'autre les grands principes ont souvent été dégagés par la jurisprudence. On assiste aujourd'hui à un retour en force des sources écrites internes mais également externes, ainsi la CEDH a eu et aura sans doute à l'avenir certains effets sur le droit administratif des biens, en particulier le respect de l'article 6 §1 (droit à un procès équitable) n'a pas été sans impact sur le droit de l'expropriation. Cette montée en puissance des sources externes justifie notamment le titre du cours, de droit administratif des biens à

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droit public des biens. Encore aujourd'hui, la jurisprudence joue un rôle de tout premier plan (répartition des compétences juridictionnelles notamment TC, 2010). Pour en finir sur les sources il est également possible de souligner la place particulière occupée par la doctrine, en effet la doctrine, qui n'est pas, au sens strict, considérée comme étant une source du droit, joue néanmoins dans le droit public des biens un rôle fondamental dans l'identification d'un certain nombre de grands principes au coeur de cette matière, c'est notamment le cas en ce qui concerne le droit domanial, en ce sens la distinction domaine public/privé, a d'abord été exposée par la doctrine avant d'être soulignée par la jp. En général l'ordre est le suivant : doctrine → jp → texte. → Encore, le droit public des biens est essentiellement dérogatoire au droit commun, il n'est pas totalement hermétique aux règles et principes de droit privé, on retrouve même une forme de mixité droit public/privé, dans les différentes matières formant le droit public des biens, ainsi par exemple la distinction domaine public/privé, induit une différence de régime juridique, en ce sens les biens du domaine public bénéficient d'un régime particulier, notamment caractérisé par des règles plus rigoureuses, plus protectrices qui forment les contours d'un véritable droit exorbitant. On considère en revanche, classiquement que l'administration est propriétaire des biens du domaine privé comme un propriétaire ordinaire, cela justifiera alors l'application des règles de droit privé. Il faut bien entendu nuancer ces quelques observations, en effet l'importance de la distinction entre domaine public et domaine privé doit être soulignée. De même, le droit de l'expropriation se caractérise par une phase administrative et une phase judiciaire et par la possibilité donnée à une personne publique de jouir des biens expropriés. Enfin le droit public des biens permet, admet la participation des personnes privées à la participation des travaux et aux ouvrages publics, en ce sens le partenariat public/privé tend à se développer. → Enfin le droit public des biens se caractérise par l'exercice de prérogatives de puissance publique justifié par des prétentions d'IG. Le droit public des biens est un droit foncièrement inégalitaire, ce caractère inégalitaire lié à l'existence de prérogatives de puissance publique se manifeste à divers titres, on peut notamment indiquer que le régime de la domanialité publique se caractérise notamment par la précarité de la situation des occupants du bien public ainsi que par la rigueur du régime juridique. Autre manifestation, la procédure d’expropriation pour cause d'utilité publique constitue une atteinte importante au droit de propriété privée qui se justifie par des considérations d'IG. Egalement le droit public des biens consacre une protection toute particulière aux ouvrages publics, en ce sens il y a l'adage « ouvrage public mal planté ne se détruit pas », ce régime de protection très rigoureux tend néanmoins à s'estomper sous l'effet de certaines évolutions contemporaines.

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Les 3 grands ensembles qui forment la matière se caractérisent aussi par d'importants principes directeurs à vocation générale, ainsi la notion d'affectation caractérise la matière domaniale, celle d'utilité publique éclaire et encadre le droit de l’expropriation, celle d'IG caractérise la matière des travaux publics. Pour résumer on peut dire que le droit public des biens se justifie par des procédures exorbitantes justifiées par des finalités générales liées aux missions même de l'administration.

III) La notion de propriété publique On entend par « propriété publique » la propriété détenue par les personnes publiques sur leurs biens. Naturellement cette notion de propriété publique va s'opposer par un effet de symétrie à une autre notion qui est celle de propriété privée. À coté de la propriété privée existe une propriété publique qui est le propre des personnes publiques, pour bon nombre d'auteurs, fidèles aux conceptions civilistes, la propriété privée constitue le modèle de référence, elle serait simplement adaptée, aménagée au droit public. Une autre présentation consiste cependant à considérer que la propriété des personnes publiques est la même que celle des personnes privées dans la mesure où celle ci est unique. Néanmoins il existera des différences de régimes juridiques sans incidence sur la nature de la propriété. Il existe à un niveau supérieur un concept unitaire de propriété qui finalement n'est ni public, ni privé, de ce fait à ce concept général et unitaire se rattachent deux notions dérivées, la propriété privée d'un coté, la propriété publique de l'autre. Au final la propriété formerait, dans sa généralité, un tronc commun lui même divisé en deux grandes branches principales, l'une formant la propriété privée, l'autre la propriété publique. Une telle conception de la propriété publique ne s'est imposée que tardivement, en effet des controverses ont longtemps portées sur la nature même du droit exercé par l'administration sur les biens lui appartenant, les biens de l'administration se répartissent de manière exhaustive, l'un formant le domaine public, l'autre le domaine privé. À partir de là on a assez vite admis l'existence d'un droit de propriété exercé par l'administration sur les biens appartenant au domaine privé, l'administration est assimilée à un propriétaire privé ordinaire. En revanche, la question de la nature du droit exercé à l'égard des biens du domaine public pose un problème, à cet égard on a longtemps considéré que la domanialité publique constituait un régime substitué à toute propriété publique et en conséquence écartait toute idée de propriété des collectivités publiques sur les biens formant le domaine public. Pour le dire autrement, prévalait initialement en doctrine l'idée selon laquelle la domanialité publique excluait la propriété. En effet à cette époque l'idée de propriété était alors rejetée pour les biens du domaine public dans la mesure où l'administration est censée les gérer en vue de la satisfaction d'intérêt collectif, d'où l'exclusion de toute gestion patrimoniale, selon les auteurs de l'époque. Ces mêmes auteurs font d'ailleurs également valoir que

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l'Etat ne détient finalement sur les biens du domaine public ni l'usus qui revient au public, ni le fructus qui n'existe pas, ni l'abusus car il y a inaliénabilité des biens publics. Ces auteurs trouvaient dans les textes d'utiles arguments, en particulier dans l'ancien article 538 du Code Civil indiquait notamment, à la suite d'une longue énumération, que « toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles, d'une propriété privée sont considérées comme des dépendances du domaine public » à partir de là on a tiré l'idée selon laquelle les biens publics étaient insusceptibles de propriété. Dans le même sens l'ancien article L2 du Code de l'Etat de 1957 indiquait pour sa part que les biens « qui ne sont pas susceptibles d'une propriété en raison de la nature ou de la destination qui leur est donnée sont considérés comme des biens du domaine public national. Les autres biens constituent le domaine privé ». On a ici deux exemples de textes qui semblent écarter toute idée de propriété des biens publics. Mais de nos jours ces textes ne peuvent plus constituer des obstacles à la reconnaissance d'un droit de propriété sur les dépendances du domaine public, en effet ces articles ont été abrogés par le CGPPP de 2006, cela dans le but de consacrer la notion de propriété publique, c'est l'article 7-1 de ce Code qui procède à toute cette série d’abrogations. Au XX ème siècle, une partie de la doctrine va commencer à développer des analyses propriétaristes, c'est à dire des analyses favorables à la reconnaissance d'un véritable droit de propriété sur les dépendances du domaine public. À l'encontre des arguments précédemment avancés, ces auteurs du XX ème siècle faisaient valoir que les éléments classiques favorisant la propriété n'étaient pas exempts des biens publics. Quant à l'usus il est selon eux effectif, tout comme le fructus, également présent puisque l'administration peut tirer certains revenus de l'exploitation des biens publics, pour l'abusus l'inaliénabilité prouverait la propriété (dans la mesure où il y a interdiction d'aliéner alors il est logique que l'Etat soit propriétaire, si l’État n'était pas propriétaire alors cette inaliénabilité serait inutile). Certains auteurs font valoir que la propriété privé individualiste ne constitue pas un modèle unique, ils avancent qu'il doit exister à coté de cette propriété privée une propriété publique avec certaines différences. Pour ce qui est des auteurs il y a Maurice Hauriou qui est un véritable précurseur en la matière. Il fut sans doute le premier auteur à proposer une analyse propriétariste et à développer ainsi l'idée d'une propriété publique, d'une « propriété administrative » exercée par l'administration sur son domaine public. À la suite d'Hauriou une partie de la doctrine devait adopter une position similaire, notamment Achille Maistre, Louis Rolland, Marcel Waline, … À ces analyses doctrinales s'ajoutent par ailleurs l'apport ponctuel de certaines positions jurisprudentielles, en effet la thèse de la propriété des personnes publiques sur les biens fut ponctuellement consacrée par la jurisprudence, on

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retrouve quelques arrêts du CE qui consacre cette vision des choses (CE, 17 janvier 1923, sieur Piccioli, ici le CE fait état de terrains appartenant à l'Etat à propos du port d'Oran dans le cadre d'une extraction de charbon). La reconnaissance de la propriété publique va finalement s'opérer avec l'entrée en vigueur de CGPPP, ce pas est franchi puisque ce Code est organisé autour de la propriété publique, il consacre véritablement l'idée selon laquelle les personnes publiques sont véritablement des propriétaires. En conséquence le droit que l'administration exerce sur ses biens est donc bien un droit de propriété. Ce nouveau Code s'emploie à régir, gérer ce droit de propriété à différents stades. Cette reconnaissance tardive par les textes s'inscrit dans l'ère du temps, cela parce que l'exclusion de la propriété a pu par le passé se justifier afin de préserver les droits du public contre une conception trop patrimoniale du domaine public, mais c'est précisément cette justification aujourd'hui ne tient plus puisque l'époque moderne voit se développer le besoin inverse, ce besoin qui tend aujourd'hui à favoriser l'exploitation par les personnes publiques de leur propre patrimoine, notamment à des fins économiques, la crainte que pouvait susciter l'analyse propriétariste n'a plus lieu d'être, bien au contraire, elle paraît objectivement bénéfique. En ce sens des auteurs comme Gaston Jèze ou Léon Duguit, purement hostiles à cette conception, ont opposés divers arguments visant à mettre à mal cette conception propriétariste, or l'évolution contemporaine a fait que les arguments et critères qu'ils opposaient, les obstacles qu'ils brandissaient se sont inversés en leur défaveur (par exemple la rentabilité économique du patrimoine public). La reconnaissance de la propriété du domaine public s'inscrit dans une évolution de la conception même du domaine public et de son utilisation, de nos jours cette notion, cette idée de propriété du domaine public n'effraie plus. Cette évolution conduit également à écarter toute confusion entre deux notions qu'il faut bien séparer : propriété publique d'un coté, domanialité publique de l'autre. La domanialité publique repose sur un élément fonctionnel, l'affectation (à l'usage direct du public ou bien à un service public). La propriété publique repose sur un élément organique qui est la personnalité publique. Pour mettre ces deux définitions en lien l'une avec l'autre on pourrait dire que la conception organique de la propriété publique trouve son pendant dans une conception fonctionnelle de la domanialité publique. Pour mettre ces deux notions en perspective on peut dire également que la propriété publique ne se limite pas au seul périmètre de la domanialité publique, elle s'étend à l'ensemble des biens publics, à l'ensemble des biens des personnes publiques. La domanialité publique apparaît finalement comme un voile qui recouvre partiellement le champ de la propriété publique, cette dernière s'étend à la fois au domaine public et au domaine privé des personnes publiques.

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Propriété publique (les règles s'appliquent à tous les biens publics) = domaine public (application des règles de domanialité publique) + domaine privé (non application des règles de domanialité publique). La question de la nature de ce droit de propriété se pose. On s'est longtemps demandé si la propriété de l'administration sur ses biens était de la même nature que la propriété privée. Hauriou considérait que cette propriété ne pouvait être de même nature que la propriété privée, ainsi existerait selon Hauriou, à coté de la responsabilité administrative, des contrats administratifs, une « propriété administrative » (marque la différence avec la propriété privée ordinaire). Cette thèse de la différence de nature entre propriété publique et propriété privée est aujourd'hui en net recul, la doctrine considère aujourd'hui qu'il n'y a pas de différence de nature mais seulement des différences de régime juridique. Cette thèse de l’identité de nature entre propriété publique et propriété privée se trouve par ailleurs confortée par un certain nombre d'éléments et de considérations juridiques et extra-juridiques. Sur le plan juridique le Conseil Constitutionnel, 25 et 26 juin 1986, lois de privatisation, a étendu le régime de protection constitutionnelle de la propriété privée qui découlait des articles 2 et 17 de la DDHC à la propriété publique. Dans l'un des considérants de cette décision on retrouve un considérant important, « que cette protection (incessibilité à vil prix) ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques », c'est par ce biais qu'il étend les articles 2 et 17 de la DDHC à la propriété publique. Cette solution témoigne de ce que la distinction entre propriété publique et propriété privée ne repose pas sur une différence de nature, ce qui explique cette prise de position audacieuse du Conseil Constitutionnel en 1986. Sur le plan extra juridique il y a également des éléments qui tendent à conforter la thèse de l'identité de nature de propriété publique/privée. Cette logique d'assimilation est en harmonie avec l'objectif contemporain de valorisation des propriétés publiques, de l'ensemble des biens publics, qui succède à une logique de restauration, de conservation des biens publics. Cette évolution est particulièrement nette, la propriété publique notamment est source de valeur et de richesse, cette thèse de l'identité de nature s'inscrit dans la conception et l'utilisation des biens publics. De manière générale, le droit de la propriété publique dans son ensemble change d'orientation et de nature, traditionnellement un droit de conservation, il devient aujourd'hui un droit de la valorisation. Au final, même si certains auteurs contestent cela, on peut dire qu'il n'y a pas de différence de nature entre propriété privée et propriété publique. Mais identité de nature ne signifie pas pour autant identité de régime juridique, en effet si la propriété publique n'est pas de nature fondamentalement différente de la propriété privée, elle présente néanmoins certaines caractéristiques spécifiques. Ces caractéristiques ne sont pas liées à la nature particulière du droit de propriété,

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elles sont liées à l'identité du propriétaire public, en effet le propriétaire étant une personne morale de droit public, les biens dont il a la propriété bénéficient à ce titre d'un régime de protection spécifique. Ce régime spécifique, caractéristique de la propriété publique, s'appuie sur deux grands principes : – L'« incessibilité à vil prix » de la propriété publique, c'est l'idée selon laquelle un propriétaire public ne peut céder, aliéner ou échanger certains de ses biens sans qu'une contrepartie effective ne vienne contrebalancer l'opération. Cette « règle » trouve finalement son fondement dans l'interdiction pour les personnes publiques de consentir des libéralités, la justification d'un tel principe est que les biens des personnes publiques, acquis grâce à des deniers publics, sont directement ou indirectement en lien avec la mission d'intérêt général dont l'administration à la charge, en conséquence ces biens ne peuvent être cédés sans aucune contrepartie, ou à un prix très inférieur à leur valeur réelle. Ce principe de l'incessibilité à vil prix découle de la jurisprudence constitutionnelle (Ccons, 26 juin 1986, lois de privatisations), le Conseil Constitutionnel a tout d'abord rappelé les exigences d'un tel principe en en définissant les contours et le champ de protection dont il devait faire l'objet. Pour cela le Conseil Constitutionnel s'appuie sur l'article 17 de la DDHC qui protège la propriété privée contre les atteintes directes qui peuvent lui être portées (expropriation irrégulière, etc.), on peut dire que le principe de l'incessibilité à vil prix de la propriété publique ne découle pas expressément de la lettre même de l'article 17 de la DDHC mais que c'est par une interprétation audacieuse du texte de 1789 que le Conseil Constitutionnel a étendu le régime de protection découlant de l'article 17 à la propriété publique mais il a également consacré le principe de l'incessibilité à vil prix, il indique que « la Constitution s'oppose à ce que des biens ou entreprises faisant partie du domaine public soient cédés à des personnes privées poursuivant des intérêts privés pour des prix inférieurs à leur valeur », cette solution a par la suite été confirmée par le Conseil Constitutionnel. Néanmoins ce principe énoncé par le Conseil Constitutionnel trouve ses limites dans sa propre formulation, ici le cessionnaire (la personne à laquelle on fait une cession) doit être « une personne poursuivant des fins d'intérêts privés », cela signifie a contrario qu'aucun obstacle constitutionnel ne s'oppose à une cession de biens d'une personne publique à une personne publique ou à une personne privée poursuivant des fins d'intérêt général. Par le suite le CE a repris cette jurisprudence du Conseil Constitutionnel, il a néanmoins largement assoupli le principe en question en estimant que l'incessibilité à vil prix ne s'opposait pas à toute cession de biens à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé dès lors que « la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général » et qu'elle comporte « des contreparties suffisantes », CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles (une commune cède un terrain appartenant à son domaine privé à une entreprise

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moyennant un franc symbolique et la création de cinq emplois sous trois ans, le CE juge que cela n'est pas contraire au principe à valeur constitutionnelle de l’incessibilité à vil prix). Le CE a donc fixé des critères qui, aujourd'hui encore, sont appliqués par le juge, en ce sens CE, 25 novembre 2009, Commune de Mer (le CE admet la légalité de la cession d'un bien de la commune à un prix largement minoré à deux associations franco-turques, cela étant justifié par des motifs d'intérêt général, en particulier la meilleure intégration des ressortissants turcs présents dans la commune et une contrepartie jugée suffisante). Néanmoins il y a des limites à ne pas dépasser, le juge administratif peut considérer que certaines cessions de biens sont contraires au principe d'incessibilité à vil prix, en ce sens CA de Nantes, 6 juin 2006, Société Parmentier Sens c/ Commune de Courtenay, est contraire au principe d'incessibilité à vil prix la vente par une commune d'un bâtiment communal à une société 30% du prix estimé, jugement confirmé par CE, 25 sept 2009, Commune de Courtenay. – L’insaisissabilité des biens des personnes publiques, en 1987 la Cour de Cassation a mis fin à certaines hésitations jurisprudentielles en posant clairement un principe d’insaisissabilité des biens des personnes publiques, Cour de Cassation, 21 décembre 1987, bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Cet arrêt de principe mettait fin à une jurisprudence initiée par la CA de Paris et de la CA d'Aix en Provence qui admettait les voies d'exécution de droit commun à l'égard notamment des EP dépourvus de comptables publics sous réserve que de telles procédures ne soient pas de nature à compromettre le fonctionnement régulier et continu du SP. Désormais cette solution consacrée en 1987 par la Cour de Cassation est consacrée par la loi, en vertu de l'article L2311-1 du CGPPP « les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L1 sont insaisissables ». En ce sens ce principe d'insaisissabilité ne s'applique qu'aux personnes publiques classiques et non aux personnes publiques sui generis. Ce principe implique concrètement l'impossibilité de mettre en oeuvre les voies d'exécution de droit commun à l'encontre des personnes de droit public, ainsi les saisies, les sûretés constituées sur les biens des personnes publiques sont prohibées. Ce principe est souvent rappelé par la jurisprudence, notamment CAA Paris, 14 octobre 2008, fonds de développement des archipels c/ Sté EMGT, pour la Cour le principe d'insaisissabilité des biens publics s'oppose à ce qu'une société de droit privé ayant conclu un contrat avec un EPIC en vue de l'exécution de diverses prestations puisse faire usage de voies d'exécutions prévues par le Code Civil (en l'espèce c'est un droit de rétention de marchandises) pour contraindre la personne publique au paiement des sommes dues. La notion de propriété publique se trouve au final pleinement consacrée, l'entrée en vigueur du CGPPP marque la reconnaissance d'un véritable droit de propriété des personnes publiques sur leurs biens. L'adoption d'un Code unique dans une matière aussi complexe constitue

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indiscutablement une avancée importante. Ce Code, entré en vigueur le 1 juillet 2006, il procède d'une longue gestation, il y a d'abord eu en 1986 un rapport par le CE consacré à l'avenir des différentes propriétés publiques (page 13 des documents du CE), puis il y a les travaux du groupe de travail présidé par Max Kerien entre 1991 et 1999, puis une autre étape, un examen de 18 mois d'un premier projet gouvernemental par les formations administratives du CE. Finalement la réforme du droit des propriétés publiques a été longue à émerger, se former, se décider, puis il a fallu 3 lois d'habilitation pour que l'on puisse adopter cette partie législative du CGPPP. En ce sens la loi du 12 mai 2009 a finalement procédé à la ratification attendue de l'ordonnance du 21 avril 2006 relative au CGPPP. Cette loi du 12 mai 2009 a rendu incontestable le Code dans sa partie législative. Plus de 5 ans après l'entrée en vigueur de la partie législative, le décret du 22 novembre 2011 est à l'origine des 4 parties règlementaires du CGPPP. Cela signifie qu'entre 2006 et 2011 le CGPPP était dépourvu de partie règlementaire, il convenait de faire en conséquence application des dispositions préexistantes dont la compatibilité avec les règles législatives n'était pas évidente. Le décret du 22 novembre 2011 procède également à une forme de toilettage des dispositifs normatifs puisqu'il abroge les 2 èmes et 3 èmes parties du Code ainsi qu'une vingtaine de décrets qui sont désormais régis par le Code. Il apporte également des précisions sur les autorités compétentes et sur certaines procédures prévues par la partie législative. Ce CGPPP est également le résultat d'un projet ambitieux, car c'est l'oeuvre d'une codification à droit non constant, il s'agissait d'opérer une réforme d'ensemble du droit domanial. À cette occasion certains textes anciens et désuets ont été abandonnés, d'autres ont été modifiés, d'autres maintenus, certains principes jurisprudentiels ont également trouvé leur place dans ce Code unique. Le CGPPP se caractérise également par son large champ d'application en effet sont tout d'abord concernés l'ensemble des personnes publiques (classiques et sui generis), sont par ailleurs visés l'ensemble des biens meubles et immeubles appartenant aux personnes publiques. L'existence d'un corpus unique de règles et de principes pour l'ensemble des personnes publiques quelles qu'elles soient constitue un progrès notoire. Avant le CGPPP le droit des propriétés publiques se caractérisait par un certain éparpillement des dispositifs juridiques, la propriété étatique était régie par le Code du Domaine de l'Etat (non révisé depuis 1970). Par ailleurs les règles applicables aux collectivités territoriales étaient réparties entre le CGCT et d'autres Codes ainsi que des textes non codifiés, etc. Jusqu'en 2006 les règles formant le droit domanial étaient dispersées dans différents Codes généraux mais aussi spécialisés (Code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, Code des voies publiques, etc.) ainsi que différents textes non codifiés, enfin une grande partie de ces règles découlaient de la jurisprudence du CE. Le CGPPP est donc un Code de premier plan.

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Cette réforme du droit des biens en général a été opérée à travers le prisme de la propriété publique, elle constitue le fil directeur de la propriété publique, au delà de l’intitulé même du Code le plan même du CGPPP témoigne de l'importance de la propriété publique, l'acquisition, la gestion, la cession des biens des personnes publiques. Désormais la propriété publique apparaît comme une notion englobante, elle apparaît au premier plan. Au delà de la seule question de la domanialité et de la distinction des domaines, la propriété publique fédère les différents objets du droit administratif des biens. Fut un temps envisagé de fondre dans le CGPPP le Code d'expropriation pour utilité publique, finalement seule la matière des travaux publics paraît extérieure à la notion de propriété publique, pour le reste toutes les matières sont au coeur du droit administratif des biens.

PREMIERE PARTIE : LE DOMAINE Le domaine des personnes publiques est constitué de l'ensemble des biens, des droits mobiliers et immobiliers qui leur appartiennent. La notion de domaine est étroitement liée à celle de propriété, ce lien se retrouve dans l'étymologie même (propriété vient de « dominum »), les biens qui composent le domaine des personnes publiques sont des biens publics dans la mesure où ils appartiennent à des personnes de droit public. La notion de bien public est ainsi une notion unitaire, en effet elle repose sur un critère organique et sur l'unicité de la nature organique des personnes propriétaires de ces biens. À l'inverse le régime juridique applicable à ces biens n'est pas uniforme, en effet ce régime juridique obéit, suivant les cas, à des règles spécifiques et distinctes en ce qui concerne la gestion de ces biens, leur aliénation, etc. Ces biens publics ont la particularité d'appartenir à des personnes publiques, de ce fait, à la différence des biens privés gérés par des particuliers à des fins privése, égoïstes, personnelles, les biens publics sont en principe affectés directement ou indirectement à l'intérêt général et/ou à la satisfaction des administrés. En conséquence la nature du propriétaire (personne publique) et l'utilisation particulière de ces biens rendent délicates la soumission des biens publics à un régime de droit privé. Parmi tous les biens dont l'administration dispose, tous ne présentent pas la même utilité pour les administrés, à partir de là une distinction au sein de la catégorie des biens publics est apparue, certains d'entre eux sont simplement utiles à l'administration, par exemple car ils lui procurent des revenus (forêts, immeubles, titres, etc.), d'autres servent en revanche directement au public (routes, fleuve, etc.) ou indirectement, par l’intermédiaire de SP (voies ferrées, etc.). À partir de là, la doctrine a proposé au XIX ème siècle de soumettre à un régime différent les deux catégories de biens, ce régime juridique différencié sera et restera l'une des principales caractéristiques de la matière du droit domanial. Les biens des personnes publiques se répartissent en deux grandes masses (domaine public des personnes publiques et domaine privé des personnes

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publiques), cette distinction est artificielle, bien que contestée, elle demeure aujourd'hui encore fondamentale, elle n'a nullement été remise en cause par le CGPPP. Cette séparation du domaine des personnes publiques induit une différenciation quant au régime juridique applicable, en résumé le domaine public est soumis à un régime juridique et contentieux de droit public (application des règles de droit administratif, compétence de principe du JA), alors que le domaine privé est soumis au régime juridique du droit privé (application des règles de droit privé, compétence de principe du juge judiciaire).

Titre I : La notion de domaine public

Chapitre 1 : La distinction du domaine public et du domaine privé §1) Naissance et raison d'être de la distinction À l'origine, sous l'ancien régime, le royaume était considéré comme étant la propriété du Monarque, mais par la suite les légistes de l'ancien régime vont établir une distinction entre Monarque d'une part, Couronne d'autre part. Cette distinction avait conduit à souligner le fait que le roi n'était pas propriétaire des biens de la couronne mais qu'il en était simplement l'administrateur. À partir de là va s'enraciner un principe considéré comme une loi fondamentale du Royaume selon laquelle les biens composant le domaine de la Couronne sont considérés comme indistinctement inaliénables. Cette règle, initialement coutumière, sera explicitement confirmée par l'édit de Moulins, février 1566, ce texte est donc venu poser les règles d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité des biens de la Couronne. Jusqu'ici aucune distinction n'est faite au sein des biens composant le domaine de la Couronne, et ce malgré l'hétérogénéité de ces biens. Vient ensuite la Révolution française, celle ci va entrainer le transfert des biens de la Couronne à la Nation, ce principe d'inaliénabilité ne s'applique plus au domaine de la Couronne mais seulement à celui de la Nation. À cette période le principe d'inaliénabilité des biens de la nation est réaffirmé dans les lois des 22 novembre et 1 décembre 1790 dites « Code domanial », c'est à l'article 8 que le principe d'inaliénabilité est réaffirmé. De fameux principe n'est pas du tout remis en cause durant la période révolutionnaire, néanmoins la valeur juridique de ce principe est moindre, ce principe étant auparavant garanti par un édit, la loi de 1790 laisse le législateur libre de modifier ou non ce principe, le principe est simplement rétrogradé du point de vue de la hiérarchie des normes de l'époque. Si les principes de protection sont maintenus, on ne distingue toujours pas entre les différentes catégories de biens. Ainsi donc, tant sous l'ancien régime que sous la Révolution la distinction entre domaine public et domaine privé ne correspond pas à une quelconque réalité. La prochaine étape est le Code Civil de 1804 qui contient certains articles se

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rapportant à certains domaines de l'Etat. Néanmoins la distinction entre domaine public et domaine privé n'apparait pas expressément sous la plume des rédacteurs du Code Civil. Pourtant les choses vont évoluer au cours de la première partie du XIX ème siècle, cela grâce à la doctrine. Il lui est apparu que la soumission de l'ensemble des biens publics à un même régime juridique n'étaient pas satisfaisante. Partant de ce constat certains auteurs se sont donnés pour objectif de trouver une justification juridique à une distinction entre les diverses dépendances domaniales. Cette distinction entre les divers biens appartenant au domaine de l'Etat avait alors pour enjeu de limiter l'application du principe d'inaliénabilité à certaines dépendances domaniales. Ce sont ainsi les réflexions et travaux de la doctrine qui sont à l'origine de la séparation en deux ensembles des biens de l'Etat. Parmi les divers juristes (civilistes) ayant travaillé sur le sujet il y a Pardesus, Touiller, Jean-Baptiste-Victor Proudhon (il publie un Traité du domaine public comportant 5 volumes dont la première édition date de 1833-4 où il envisage nettement la distinction des domaines). Proudhon fonde en grande partie sa construction sur une lecture (erronée) de l'ancien article 538 du Code Civil qui fait expressément référence au domaine public, il disposait que « les chemins, routes et rues à la charge de l'Etat (…) et généralement toutes les portions du territoire français qui ne sont pas susceptibles d'une propriété privée sont considérées comme des dépendance du domaine public », pour lui l'article 538 du Code Civil définit la consistance du domaine public, il contient un certain nombre de biens insusceptibles d'une appropriation privée, ces biens sont affectés à l'usage de tous, c'est à dire à l'usage du public en général, cette affectation exclut d'ailleurs toute appropriation privée, cette même affectation privée justifie que ces biens soient soumis à un régime juridique propre destiné à garantir le respect de cette affectation, c'est un régime d'indisponibilité (implique inaliénabilité et indisponibilité des biens en question). Pour résumer on peut dire que Proudhon met ainsi en exergue un noyau dur formé de biens « qui sont comme asservis par les dispositions de la loi civile aux usages de tous ». La doctrine proudhonienne revient à isoler, identifier les biens de l'administration, ceux qui sont véritablement destinés à l'usage de tous et affectés à l'intérêt général. C'est à partir de ces principes que Proudhon va diviser, répartir les biens de l'administration dans deux grands ensembles : – le domaine public qui, en raison des biens qui le composent, doit être protégé par les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité, – le domaine national (aujourd'hui privé) qui, en raison de son utilité moindre, ne bénéficiera pas de la même protection.

Pour résumer cet apport on peut dire que Proudhon est l'un des premiers auteurs à distinguer deux grands ensembles au sein des biens publics. Cette doctrine mérite cependant un certain nombre de critique, de nuances.

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La doctrine Proudhonienne qui a connu un grand rayonnement durant plusieurs décennies peut susciter certaines réserves, déjà Proudhon s'appuie sur une conception trop restrictive du domaine public. En effet, en dehors des biens affectés à l'usage de tous, d'autres biens mériteraient sans doute de bénéficier du régime protecteur découlant des règles de l'inaliénabilité. Cette conception restrictive tient au fait que Proudhon souhaitait limiter autant que possible l'étendue du domaine public et par suite le champ d'application du principe d'inaliénabilité caractérisant le régime juridique du domaine public. Autre réserve, le raisonnement suivi par Proudhon s'appuie sur une analyse erronée de l'ancien article 538 du Code Civil, en parlant successivement de domaine national puis de domaine public les rédacteurs du Code Civil n'avaient probablement pas l'intention de consacrer une quelconque distinction au sein des biens appartenant à l'Etat, leur but était sans doute, plus simplement, de distinguer l'ensemble des propriétés publiques d'une part et les propriétés privées d'autre part. Au final ce n'est sans doute pas la distinction entre domaine privé et domaine public qui découle de cet article mais plutôt la distinction entre propriété privée et propriété publique. Aussi on peut douter du caractère pleinement pionner, pleinement original de la doctrine de Proudhon. On a tendance à présenter cet homme comme étant le père de la distinction de ces domaines, cela est vrai et faux. Il s'agit de montrer que Proudhon n'a pas tout inventé, il a tout de même été devancé. En ce sens quelques éminents jurisconsultes du moyen age avaient tenté de fonder une classification des biens publics à partir des textes du droit romain, notamment à partir du digeste, en particulier l'amorce d'une distinction des domaines est ainsi opérée chez certains glossateurs, notamment chez Accurse qui a vécu de 1182 à 1260, c'est l'un des derniers glossateurs de l'université de Bologne. Certains grands juristes observent notamment que le régime des biens communaux varie parfois en fonction de leur affectation, Accurse opposait ainsi les théâtres et les stades soumis à l'usage du public, aux moulins qui font partie du patrimoine de la cité et qui sont possédés comme des biens particuliers. D'éminents domanistes de l'AR (Loyseau, Domat) se sont appuyés sur la distinction entre « res publicae » (choses publiques) et « res fisci » (domaine du prince), à partir de là ils ont tenté de distinguer les biens affectés à l'usage du public (voies de communication, rivages de la mer). Les premiers constituent seuls à leurs yeux des choses publiques échappant au droit de propriété du monarque. On retrouve ainsi chez certaines domanistes de l'ancien droit l'amorce d'une certaine distinction entre deux grandes catégories de biens publics, ces analyses préfigurent dans une certaine mesure les avancées de la doctrine du XIX ème siècle. Aussi Proudhon s'est par ailleurs manifestement servi des travaux de la doctrine civiliste qui avait avant lui commencé à dégager une distinction des domaines à partir de l'analyse d'articles du Code Civil (Pardessus, Toullier, Delvincourt). Delvincourt sépare les articles 528 et 540 du Code Civil visant le domaine public

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(ensemble de biens susceptibles de propriété privée et hors du commerce) et les articles 539 et 541 du Code Civil relatifs au domaine national. Certains commentateurs avaient perçu avant Proudhon l'existence de deux biens nationaux, d'une part ceux qui ne peuvent sortir du domaine public sans changer de nature, d'autre part ceux qui peuvent devenir propriété privée par aliénation ou prescription. On retrouvait bien ainsi chez les civilistes l'amorce d'une distinction des domaines, mais cette distinction est cependant encore incertaine et imprécise (c'est pour cette raison que l'on apporte la paternité de cette distinction à Proudhon). Ces quelques réserves ne sauraient remettre en cause l'incontestable apport de la doctrine de Proudhon, en effet il formule nettement pour la première fois la distinction entre domaine public et domaine privé. Aussi c'est l'un des premiers à justifier l'inaliénabilité, désormais limitée au droit public, par ce qu'est l'affectation aux dépendances domaniales. Autrement dit, pour Proudhon c'est en raison de son affectation à l'usage de tous qu'un bien doit être considéré comme appartenant au domaine public, dans cette présentation l'inaliénabilité a pour but de maintenir et de préserver cette affectation. La pensée de Proudhon va exercer longtemps une longue influence sur la doctrine de droit public mais également sur la doctrine de droit privé. Au début du XX ème siècle Henri Berthélemy a proposé une analyse similaire, très largement inspirée des thèses de Proudhon. La doctrine considérera pendant près d'un siècle que certains biens étaient insusceptibles d'aliénation en raison de leur affectation ou de leur nature même en raison de leur objet. Le domaine public était ainsi entendu comme étant un ensemble de biens insusceptibles d'une appropriation privée. Mais au début du XX ème siècle une partie de la doctrine a rompu avec cette conception restrictive du domaine public découlant de la doctrine proudhonienne. Des auteurs comme Hauriou ou Waline considéraient que le champ d'application de la domanialité publique ne devait pas se limiter aux seuls biens offerts au public. Cette conception élargie du domaine public permettait également d'inclure dans le périmètre du domaine public des dépendances qui pouvaient ainsi bénéficier du régime protecteur de la domanialité publique. Ces auteurs devaient déterminer avec précision le périmètre de la domanialité publique, à partir de là les analyses d'Hauriou et de Waline se séparent, pour Hauriou les dépendances du domaine public regroupent un ensemble de biens ayant fait l'objet d'une affectation formelle à l'utilité publique. Autrement dit, pour Hauriou l'affectation à l'utilité publique doit être reconnue et décidée par un acte administratif. Selon une telle analyse, pour qu'un bien soit inclus dans le domaine public une décision de classement est à la fois nécessaire et suffisante. C'est là que le bas blesse, la doctrine d'Hauriou présentait l'inconvénient d'arriver à une conception exagérée du domaine public, elle faisait dépendre le contenu du domaine public à la seule volonté de l'administration, cela sans critères objectifs …

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Pour Marcel Waline la détermination des dépendances du domaine public doit faire appel à des données d'ordre matériel, indépendantes de la volonté de l'administration, autrement dit Waline souhaite des critères objectifs. Pour lui l'affectation d'un bien au domaine public n'est pas un élément suffisant pour provoquer l'inclusion du bien en question dans le domaine public. Il va plus loin et indique que le domaine public ne doit en effet comprendre que certains biens affectés à l'utilité publique, plus précisément ceux qui apparaissent comme indispensables à la satisfaction des exigences de l'utilité publique. Pour ces biens là, et pour ces biens là seulement le régime spécial de protection est pleinement justifié. Cette position est très intéressante puisque sa pensée est à mi chemin entre la conception trop restrictive de Proudhon et la conception trop extensive d'Hauriou. Cette pensée est clairement exprimée dans la thèse de doctorat de Waline. Dans cette thèse consacrée aux mutations domaniales il indique que le domaine public intègre « tout bien qui, soit à raison de sa configuration naturelle, soit à raison de son aménagement spécial, est particulièrement adapté à la satisfaction d'un besoin public et ne saurait être remplacé par un aucun autre dans ce rôle », cette formule préfigure et annonce le nouvel état du droit jurisprudentiel qui sera inauguré par le CE, 1956, société « Le béton ». Par la suite la doctrine a admis cette distinction tout en cherchant à déterminer le périmètre de la domanialité publique. Néanmoins tout le monde ne pensait pas cela, bien que la majorité des auteurs reprenait cette distinction, certains la contestaient. Les auteurs contestataires contestaient cette distinction en se fondant sur le régime juridique applicable aux biens publics pris dans leur ensemble. C'est un courant doctrinal dissident, il a été caractérisé par les prises de position successives de Auby et Duguit via la « théorie de l'échelle de la domanialité », pour ces auteurs il n'existe pas deux régimes distincts, existe en revanche une juxtaposition d'une pluralité de régimes qui ne sont séparés que par des différences de degrés quant à la part du droit public et à la part du droit privé dont chacun est constitué. Duguit a ainsi établi une échelle de la domanialité qui comprenait six catégories de biens qui comportaient chacun un degré sur l'échelle, il y a un dégradé avec d'abord, les biens affectés au public, puis les chemins de fer, puis les ouvrages militaires, puis les forêts, puis les ouvrages immobiliers. Pour ces auteurs le degrés de publicisation dépend de ce qui est nécessaire pour assurer leur protection ou les conserver à leur affectation. Cette théorie est très intéressante, elle correspond en partie à certaines critiques, en particulier la pertinence de cette théorie se manifeste dans la variété des régimes juridiques applicables aux dépendances du domaine public et à celles du domaine privé. Néanmoins le droit positif n'a jamais consacré cette théorie en restant fidèle à la distinction entre domaine privé et domaine public. Le principe de la dualité domaniale fut, à la suite de Proudhon, parfaitement acquise, seuls quelques

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corrections ponctuelles seront apportées à la présentation de Proudhon et ainsi vers la fin du XIX ème siècle la formule domaine privé apparaît et se trouve substituée à celle du domaine de l'Etat. Cette distinction des domaines, imaginée à la base par la doctrine, va très rapidement pénétrer le droit positif, en effet la distinction des domaines est assez rapidement acceptée et interprétée par la jurisprudence. À partir des années 1830-40 la réception du principe de la dualité domaniale par les juridictions judiciaires est acquise. Autre étape importante, le principe de la dualité des domaines sera également consacré par les textes et par la législations, le principe de la division binaire des domaines apparaît ainsi pour la première fois dans une loi du 16 juin 1851 sur la constitution de la propriété en Algérie. Malgré les contestations doctrinales dont elle a pu faire l'objet, la distinction entre domaine public et domaine privée demeure essentielle, le droit positif l'a assez rapidement validée. Cette distinction procède de l'idée selon laquelle tous les biens publics ne sont pas de la même nature, en effet une portion limitée du domaine public doit bénéficier d'une protection particulière via un régime d'indisponibilité. Cette distinction des domaines est fragile conceptuellement mais elle contient un fort intérêt pratique. Déjà la valeur théorie de la distinction des domaines est contestée depuis longtemps, une partie de la doctrine constate depuis longtemps que les régimes juridiques applicables aux deux domaines ne forment pas deux ensembles monolithiques, d'un coté les diverses dépendances du domaine public ne sont pas soumises au même régime juridique, par ailleurs le régime juridique applicable au domaine privé comporte de nombreuses dérogations au droit commun. L'absence de domaine public par nature permet également de souligner la valeur théorique limitée de la distinction des domaines, en effet on constate qu'en dehors des critères généraux contenus aujourd'hui dans le CGPPP, des textes spéciaux peuvent prévoir par dérogation l'inclusion de telle ou telle catégorie de biens dans le domaine public ou dans le domaine privé des personnes publiques. C'est incontestablement la preuve que la distinction des domaines n'a qu'une valeur relative et qu'il n'y a pas de domaine public par nature. Si la valeur théorie de la distinction semble fragile, son intérêt pratique semble incontestable, en effet la dualité des domaines correspond à une dualité des régimes juridiques et contentieux. §2) Conséquences de la distinction Le droit positif confère depuis longtemps à la distinction des domaines d'importants effets pratiques, les biens du domaine privé sont très largement soumis aux règles de droit privé et au contentieux judiciaire, on fait valoir

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généralement qu'il s'agit là d'une catégorie de biens à l'égard desquels la personne publique gère ses biens tel un « bon père de famille » gérant son patrimoine, ce contentieux relève principalement des règles de droit commun et de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, on trouve ici la manifestation de la notion de gestion privée. En l'occurrence cette compétence de principe du juge judiciaire est très ancienne, par exemple CE, 7 dec 1844, Finot, ou bien CE, 25 février 1864, Rouault, et aussi CE, 12 juin 1914, Abbé Ardennes. Ce principe séculaire et traditionnel de compétence judiciaire en matière de contentieux du domaine privé demeure toujours d'actualité, en ce sens le juge judiciaire est compétent pour connaître d'un litige relatif à une servitude d'écoulement des eaux pluviales, TC, 6 mai 2002, société « SM » c/ syndicat des eaux de Molsheim. L'application du droit privé aux dépendances du domaine privé et la compétence du juge judiciaire constituent ainsi le principe, ce principe souffre cependant de notables exceptions, ces dérogations au principe que l'on vient d'énoncer portent tout autant sur le régime juridique que sur le régime contentieux avec dérogation à la compétence de principe des juridictions judiciaires. Les biens du domaine public sont soumis à un régime de droit administratif et au contentieux administratif. Ce régime juridique et contentieux, spécifique et dérogatoire aux règles de droit commun se justifie par l'affectation des biens à l'utilité publique, ou bien à l'affectation au public, ou encore à la satisfaction d'un SP. Ce même régime juridique se caractérise également par de nombreuses règles inconnues du droit privé, notamment en matière de délimitation, de protection pénale ou encore d'utilisation des dépendances domaniales. CHAPITRE 2 : L'identification du domaine public

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Les dépendances publiques bénéficient d'un régime juridique protecteur, c'est tout l'avantage de définir le domaine public. Cette identification passe par l'application de critères permettant de déterminer si un bien appartient ou non au domaine public. La question de l'identification du domaine public conduit à sa délimitation, cette notion a vu son cotour et ses contenus successivement définis par la jurisprudence, la doctrine et les textes, le droit positif permet désormais de mettre en exergue une certaine définition. §1) L'émergence progressive d'une définition du domaine public Les fruits de ce long travail de définition sont aujourd'hui intégrés au CGPPP qui propose des critères généraux d'identification. C'est tout d'abord la doctrine qui, dans le silence des textes apporte les premiers éléments de définition du domaine public, prévalait initialement une première définition du domaine public, héritée de la doctrine proudhonienne, selon cette conception initiale la domanialité publique se limite aux biens insusceptibles de propriété privée et ouverts à l'usage de tous. Cette première conception restrictive du domaine public repose elle même sur deux éléments de définition séparés. Proudhon avait dans un premier temps défini le domaine public comme l'ensemble des biens affectés à l'usage de tous, dans un second temps un apport supplémentaire sera opposé à cette doctrine, Ducros avait dégagé une conception du domaine public il serait constitué des biens non susceptibles de propriété. Ces deux éléments séparés seront par la suite réunis par la doctrine, c'est à dire des biens insusceptibles de propriété et ouverts à l'usage de tous, le second élément de définition, apporté par Ducros, inaugurait l'idée d'une domanialité naturelle, en effet selon cette présentation la distinction des domaines publics et privés fait une opposition irréductible qui finalement s'inscrit dans la nature même des choses. Cette conception primitive du domaine public fut par la suite critiquée, cela à juste titre, en particulier l'idée d'une domanialité publique naturelle constituée elle même de biens insusceptibles de propriété privée fut éminemment critiquée, en effet Gaston Jèze a en particulier fait valoir qu'il n'existait pas de biens insusceptibles par nature d'appropriation privée, Jèze dit qu'il n'existe pas et qu'il ne peut exister de domanialité publique naturelle car certains biens affectés à l'usage de tous peuvent être acheté (par exemple en Angleterre des routes peuvent être achetées par des particuliers). Aussi cette première conception était trop restrictive puisque seuls les biens affectés à l'usage de tous et insusceptibles d'usage privé pouvaient intégrer le domaine public. À la base cela n'était pas gênant mais cela va le devenir, en effet la fin du XIX ème siècle a vu l'apparition de nouveaux biens administratifs comme les voies ferrées, or ces nouveaux biens ne pouvaient intégrer le domaine car ils n'étaient pas à proprement parler affectés à l'usage de tous. Cependant leur importance justifiait qu'ils bénéficient du régime protecteur de la domanialité publique.

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Au début du XX ème siècle la doctrine va écarter cette conception primitive du domaine public au profit d'une nouvelle conception, élargie et plus souple. Henri Berthélemy fut ainsi le dernier à défendre la définition initiale du domaine public. On assiste à partir de là à l'émergence d'une nouvelle définition doctrinale du domaine public, cette nouvelle définition doctrinale va reprendre ce critère de l'usage de tous tout en le complétant par un second critère qui est celui de l'affectation aux services publics. D'après cette nouvelle conception constituent ainsi le domaine public l'ensemble des biens administratifs, meuble sou immeubles, soit affectés à l'usage du public, soit à un service public. Le domaine privé, défini de façon négative, intègre les biens des personnes publiques qui ne répondent pas à ces critères d'affectation et qui peuvent ainsi faire l'objet d'une véritable exploitation financière par les collectivités publiques. Les deux branches de l'alternative contribuent ainsi à dresser les contours d'un périmètre élargit de la domanialité publique, le domaine public augmente, en ce sens les biens affectés à l'usage de tous regroupent les voies publiques, les cours d'eau, etc. Les biens affectés au domaine privé sont par exemple les voies ferrées, ouvrages militaires, bâtiments administratifs, etc. On doit à Hauriou la paternité de cette seconde conception du domaine public, suite à Hauriou cette conception sera adoptée par l'ensemble de la doctrine publiciste. Mais cette définition devait pénétrer le droit positif, une nouvelle étape fut franchie à l'occasion des travaux du projet de réforme du Code Civil en 1947, en effet la réforme mise en place à cet effet va adopter une définition du domaine public qui s'inscrit dans le prolongement des travaux de la doctrine et qui va elle même inspirer assez directement le juge. Cette définition retient les deux critères déjà proposés par la doctrine, elle rassemble les deux critères de l'affectation à l'usage du public et de l'affectation aux SP. Mais cette définition présente un apport supplémentaire, elle retient pour la première fois le critère réducteur de l'aménagement spécial, il se présente comme un critère réducteur de la domanialité publique, mais pourquoi cela ? Le périmètre du domaine public se trouvait alors élargi à l'ensemble des biens affectés au SP, catégorie constamment enrichie et élargie par la jurisprudence, à partir de là un élément de limitation était nécessaire pour prévenir une extension excessive de la domanialité publique. Précisément ce critère supplémentaire de l'aménagement spécial avait vocation à poursuivre une fonction de bornage, un rôle de « garde fou » afin d'éviter toute expansion démesurée et non maitrisée du domaine public. Dans la définition proposée ce critère supplémentaire vaut seulement pour la partie du domaine public affectée au service public. Mais la jurisprudence va cependant par la suite en étendre l'application à certaines dépendances affectées à l'usage direct du public. La Cour de Cassation a dans un premier temps intégré cette conception nouvelle, Civ, 7 novembre 1950, le CE s'en est ensuite très largement inspiré pour poser à son tour les éléments de définition du domaine public tel fut l'objet de la célèbre jurisprudence CE, 16 novembre 1956, société « Le Béton » (GAJA 72).

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Cette conception nouvelle fut adoptée par le TC, 1979, Paillan c/ société des autoroutes du Sud de la France. Indiscutablement ces éléments de définition permettait une définition plus fine et plus rigoureuse de la domanialité publique. Le critère de l'aménagement spécial consacré par le CE, devait permettre de resserrer les contours du domaine public, pourtant ce critère n'a pas rempli sa mission initiale de réduction ou tout du moins de cantonnement de la domanialité publique qui lui était initialement octroyée, en effet la jurisprudence administrative va adopter une conception de plus en plus large, la jurisprudence sur ce point est assez nette, par exemple le CE considère que la plage de Bonnegrace à Six-Fours dans le Var fait partie du domaine public dès lors qu'elle est affectée à l'usage du public et fait l'objet d'un entretien dans des conditions telles qu'elle doit être regardée comme bénéficiant d'un aménagement spécial à cet effet, CE section, 30 mai 1975, dame Gozzoli. En l'espèce l'aménagement spécial consistait uniquement dans l'obligation contractuelle de nettoyer et de rincer la plage. Ainsi le critère de l'aménagement spécial s'est progressivement trouvé vidé de toute portée par la jurisprudence, ce « verrou » initial ayant sauté, le périmètre de la domanialité publique pouvait s'étendre de manière excessive et déraisonnable, cela avec des conséquences pour le moins fâcheuses car à la veille du CGPPP il y avait une hypertrophie du domaine public, hypertrophie qui trouvait sa source dans l'échec du critère réducteur de l'aménagement spécial, souvent présumé de façon large et libérale par le juge. Ce critère supplémentaire et réducteur ne remplissait plus sa fonction de limitation de la domanialité publique. Finalement au terme d'une longue évolution, le CGPPP va déterminer à son tour le contenu du domaine public en consacrant en partie les définitions posées par la doctrine, la commission de réforme du Code Civil et la jurisprudence, tel est l'objet de l'article L2111-1 du CGPPP qui pose une définition du domaine public, il dispose que « sous réserve de dispositions législatives spéciales le domaine public d'une personne publique mentionné à l'article L1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas il fasse l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service ». L'article 2211-1 du CGPPP complète le nouveau dispositif en posant une définition négative du domaine privé, « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques qui ne relèvent pas du domaine public ». La nouvelle définition du domaine public constitue ainsi à la fois un prolongement et une rupture. Le CGPPP consacre tout d'abord les éléments de définition résultant de la jurisprudence en reprenant notamment le critère de l'affectation fondé sur les deux branches de l'alternative traditionnelle, c'est à dire l'affectation à l'usage du public, l'affectation au SP. Par ailleurs le CGPPP remplace la notion d'aménagement spécial par celle d'aménagement indispensable, aussi le critère réducteur de la domanialité publique est exclusivement cantonné aux biens affectés à un SP.

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Les auteurs du Code souhaitaient par là même resserrer le critère de la domanialité publique à l'aide d'un critère réducteur et rigoureux. Ainsi l'intention des rédacteurs du Code était ainsi de retenir une formulation plus restrictive de la domanialité publique. §2) Les critères actuels d'identification Les textes et la jurisprudence permettent de mettre en avant un certain nombre de critères généraux permettant de déterminer si un bien fait ou non partie du domaine public. A) Les critères généraux L'examen des textes et de la jurisprudence conduit à mettre en avant trois séries de critères cumulatifs , il s'agit de l'appartenance du bien à une personne, de son affectation à l'utilité publique, de l'aménagement particulier dont le bien fait l'objet. 1) L'appartenance des biens à une personne publique Pour qu'un bien fasse partie du domaine public il doit être la propriété d'une personne publique, autrement dit la propriété publique apparaît comme étant la première condition de la domanialité publique. Ce critère organique qui a depuis longtemps dégagé par la jurisprudence et entériné par le CGPPP de 2006, il en résulte qu'un particulier, plus généralement une personne privée, ne peuvent jamais être propriétaires de dépendances du domaine public. Par exemple le CE a refusé d'appliquer un régime de domanialité publique à un cimetière israélite qui était la propriété privée d'une association en application des règles du droit local d'Alsace Lorraine, CE, 13 mai 1964, Eberstararcq. De même a t-il été jugé qu'un mur de soutènement n'appartient pas au domaine public dès lors qu'il appartient à un particulier, CE, 27 avril 1927, commune de Vernoze. Le développement depuis quelques années du phénomène dit de sociétisation des entreprises publiques pouvait poser problème dans la mesure où les établissements publics disposaient d'un domaine public (un EPIC devient une société publique). Le législateur a prévu un déclassement et un transfert des biens initialement intégrés dans le domaine public de ces établissements, ainsi lorsque la loi du 26 juillet 1996 a transformé France Télécom qui était un EPIC en société alors les biens du domaine public qui lui appartenant ont été déclassés et placés dans le patrimoine de la nouvelle société, idem pour EDF – GDF et pour Aéroports de Paris. Quant à la Poste la loi du 9 juillet 2010 fait de cette société une SA dont le capital est entièrement détenu par des personnes publiques, s'agissant de la Poste ce changement de statut n'a engendré que peu de changement quant à ses biens, en effet ses biens étaient affectés depuis 2001 à sa domanialité privée (loi MURCEF). En réalité le changement de statut a eu très peu de conséquences sur le plan immobilier.

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Aussi le législateur a cependant aménagé un régime protection des biens comparables à certains égard au régime de protection des biens publics. Un tel régime protecteur se justifie par le fait que, bien ces biens soient des biens privés, ils demeurent souvent affectés à un SP, ils justifient alors un régime de protection spécifique, ce n’est plus la protection prévue par le domaine publique, ce régime de protection spécifique témoigne de l'importance de la notion d'affectation au SP, finalement à rebours de l'évolution générale qui va plutôt dans le sens de la propriété publique. Le critère organique posé par la jurisprudence puis par le Code conduit par ailleurs à s'interroger sur l'identité des personnes publiques propriétaires de dépendances du domaine public. Il n'y a jamais eu de doutes pour les personnes publiques classiques, la question de l'identité de la personne publique propriétaire a pu poser problème dans deux hypothèses. On considérait traditionnellement que les EP ne pouvaient être propriétaires que d'un domaine privé. Cette solution initiale, très critiquée par la doctrine a peu à peu été critiquée dans sa généralité, par exemple les communautés urbaines en vertu de la loi du 31 octobre 1966. En outre la jurisprudence administrative et judiciaire a peu à peu admis que certains EP puissent être propriétaires d'un domaine public, malgré ces évolutions restait entière et incertaine la question de la domanialité des biens des EPIC, la question sera finalement définitivement tranchée par CE, 21 mars 1984, Mansuy confirme un jugement du TA de Paris du 18 septembre 1979. À partir de là il n'y a plus à distinguer suivant les catégories d'EP, tous les EP quels qu'ils soient peuvent être propriétaires de dépendances du domaine public. Cette règle générale cède devant des régimes particuliers et dérogatoires prévus par les textes, en effet la loi peut décider que les biens appartenant à un EP, même affectés au SP ne relèvent pas du domaine public de cet établissement mais sont soumis à un régime de domanialité privée (pour la Poste c'est l'oeuvre de la loi MURCEF). Le CGPPP a entériné les résultats de cette évolution jurisprudentielle, en effet tous les EP peuvent être propriétaires de biens du domaine public, c'est ce qui découle de l'article L1 du Code. Deuxième hypothèse quant aux personnes publiques sui generis, un avis du 9 décembre 1999 le CE a estimé que rien ne s'opposait à l'application d'un régime de domanialité publique aux biens possédés par la banque de France. Pour le reste on a très peu d'éléments, le CE n s'est jamais prononcé pour les autres personnes publiques spéciales, l'entrée en vigueur n'a pas permit d'éclairer le droit sur ce point, cela à l'exception de l'article L2 du CGPPP qui renvoi aux dispositions particulières régissant les catégories des personnes publiques spéciales, or ces textes sont silencieux sur la possibilité pour celles ci de posséder un patrimoine propre. Ce critère organique apparaît comme une condition essentielle, à ce titre il fait l'objet d'une application stricte. La jurisprudence et les textes exigent d'abord une

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pleine et entière propriété de la personne publique sur ses biens, par exemple le CE a ainsi jugé qu'une canalisation ne pouvait faire partie du domaine public dans la mesure où elle n'avait à aucun moment appartenu « dans sa totalité » soit à l'Etat, soit à une collectivité publique territoriale, CE, 19 mars 1965, société lyonnaise des eaux et de l'éclairage. Ainsi un simple droit démembré du droit de propriété ne permet pas de satisfaire aux critères organiques, autrement les procédés comme la copropriété ou le bail ne seraient pas suffisants. On peut également s'interroger sur l'appartenance au domaine public de biens affectés à un SP qui a délégué ce SP a une autre personne, ces biens peuvent être la propriété de la propriété de la personne publique concédante et naturellement dans cette seconde hypothèse le fait qu'ils soient simplement utilisés par a société concessionnaire n'est pas un obstacle à leur appartenance au domaine public. Print Remarque quant à la compétence juridictionnelle : ces questions de propriété publique et d'appartenance au domaine public peuvent naturellement, en cas de litige, être examinées devant un juge. Ces questions donnent lieu à certaines règles de compétence juridictionnelles qui méritent d'être précisées. Tout d'abord le contentieux de la détermination du titulaire du droit de propriété relève de la compétence des juridictions judiciaires. La question de savoir si un bien appartient à une personne publique ou à une personne privée et qui en est titulaire peut se poser devant le juge. S'agissant d'une question de propriété, elle relève des compétences exclusives des tribunaux judiciaires et ce conformément aux règles classiques de répartition des compétences, du contentieux. En conséquence, si à l'occasion d'un litige porté devant le JA s'élève une difficulté sérieuse quant à la détermination de la personne propriétaire du bien litigieux, cette difficulté sérieuse constitue pour le JA une question préjudicielle devant laquelle il doit surseoir à statuer dans l'attente de sa résolution par le juge judiciaire. Ensuite le contentieux de l'appartenance d'un bien au domaine public relève en revanche de la compétence du JA. Ainsi en cas de difficultés sérieuses sur l'appartenance d'un bien au domaine public de la collecrivité propriétaire, la compétence appartient alors exclusivement à la juridiction administrative. En conséquence si une telle difficulté se manifeste dans une affaire dont un tribunal judiciaire est saisi, le tribunal en question devra surseoir à statuer et renvoyer les parties devant la juridiction administrative qui, naturellement, résoudra cette difficulté. 2) L'affectation des biens à l'utilité publique Tous les biens appartenant aux personnes publiques ne font pas pour autant partie du domaine public, seuls pourront intégrer le périmètre de la domanialité publique ceux qui sont affectés à une utilité publique. Autrement dit l'affectation à l'utilité publique permet ainsi de tracer la frontière entre le domaine public et le domaine

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privé des personnes publiques. Pour le dire autrement, au sein des biens appartenant à l'administration ceux qui satisferont à la condition intégreront le domaine public des personnes publiques, les autres intègreront le domaine privé. Il y a ici deux grandes branches distinctes : d'une part l'affectation à un SP, d'autre part il y a l'affectation à usage direct du public. La distinction entre les deux branches n'est pas aussi simples qu'il n'y paraît, mais ces deux types d’affectations apparaissent comme étant sensiblement différentes. Par exemple une route, une plage, constituent des biens affectés à l'usage du public, en revanche un palais de justice est un bien affecté à un SP (dès lors qu'il a été aménagé à cette fin). À travers ces quelques exemples nous sommes dans deux hypothèses bien distinctes, il est des cas dans lesquels l'hésitation est cependant permise, ainsi par exemple quelle position adopter pour les cimetières publics, les halles et marchés, etc., ici la frontière est ténue. Le juge est intervenu pour déterminer la nature particulière de l'affectation, il s'est positionné en faveur de l'affectation à un SP. Cette question est sans intérêt du point de vue l'appartenance d'un bien au domaine public, autrement dit, qu'il soit affecté à une branche ou à l'autre, le bien appartient au domaine public. → Le critère de l'affectation des biens à l'usage du public Cette affectation correspond à l'hypothèse dans laquelle les particuliers utilisent le bien directement pour ce qu'il est. Ce premier cas de figure se distingue de l'hypothèse dans laquelle les particuliers souhaitent bénéficier du SP installé sur le bien en question, dont les bien est en quelques sortes le support, dans ce second cas il y a affectation du bien au SP. Par exemple les voies ferrées ne sont pas affectées à l'usage direct du public car les usages ne les utilisent pas en tant que tel mais comme support d'une activité de SP. Ce critère d'affectation à usage du public est antérieur à celui de celui de l'affectation au SP, initialement tous les biens appartenant à une personne publique étaient dans le domaine public car ils étaient affectés à l'usage du public. En ce sens CE, 28 juin 1935, Marécar, ici le CE considère qu'un cimetière affecté à l'usage du public doit intégrer les dépendances du domaine public. Autrement dit le critère de l'affectation à usage du public était initialement considéré comme suffisant. Dès le début du XX ème siècle la jurisprudence du CE était clairement fixée autour de l'appartenance au domaine public des biens des personnes publiques affectés à l'usage du public, en ce sens CE, 14 décembre 1910, Commune de la Brosse-Monceau. Aussi, l'affectation à usage du public n'implique pas obligatoirement une utilisation collective, dans certains cas l'usage est collectif, mais dans d'autres hypothèses l'usage peut être individuel ou privatif, par exemple les sépultures dans les cimetières.

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→ Le critère de l'affectation des biens à un SP L'appartenance au domaine public des biens affectés à un SP n'a été reconnue que relativement tardivement. Cette appartenance a d'abord été proposée par la doctrine au début du XX ème, puis par la jurisprudence. Il y a le rôle d'Hauriou ainsi que celui de Duguit qui sont à souligner. Par la suite d'autres auteurs ont considéré que le champ de la domanialité était trop large, pour ces auteurs il était nécessaire d'émettre un critère réducteur, seuls les biens jouant un rôle irremplaçable pouvaient intégrer le domaine public, c'est le cas de Jèze et de Waline. Cela annonce le critère de l'aménagement spécial. La jurisprudence, d'abord hésitante s'est établie dans ce sens, l'extension du domaine public au bien des personnes publiques affectées au SP fut admise tout à tour par la Cour de Cassation, le CE section, 1956, société Le Béton, aussi, CE section, 30 octobre 1953, SNCF, puis par le TC, 1955, Sté des Steeplechase. La notion de SP prise comme critère de la domanialité publique doit être prise au sens large, il s'agit, conformément à une définition classique, d'une activité d'intérêt général exercée sous l'autorité d'une personne publique. Par exemple pour le CE, l'allée des Alicans appartenant à la ville d'Arles est affectée à un SP de caractère culturel et touristique, CE ass., 11 mai 1959, Dauphin. Il en est de même pour le stade de Toulouse « édifié en vue de permettre le développement d'activités sportives et d'éducation physique présentant un caractère d'uilité générale » CE, 13 juillet 1961, ville de Toulouse. Tel est également le cas pour un garage destiné aux usagers de la SNCf, placé sous un hôtel localisé dans une gare qui contribuait à améliorer la qualité du transport des voyageurs est un SP, CE section, 5 février 1965, société lyonnaise des transports. CE section 22 avril 1977, Michaud, pour le cas des halles et marchés, CE, 24 janvier 1973, Spiteri et Krehm pour des parkings. Le critère de l'affectation à un SP souvent appliqué avec largesse s'est trouvé réduit par le critère de l'aménagement spécial. 3) Le critère réducteur de la domanialité : aménagement spécial et aménagement indispensable La recherche d'un critère réducteur de la domanialité est rapidement apparu comme le corollaire de la reconnaissance d'une domanialité publique par affectation à un SP, en effet dès lors que l'on étendait le champs de la domanialité à des biens affectés à un SP il est devenu nécessaire de poser un critère secondaire, restrictif, afin d'éviter une extension sans limite du domaine public. Finalement les deux évolutions sont d'ailleurs assez largement concomitantes, autrement dit, par les mêmes arrêts le CE et la Cour de Cassation ont consacrés le critère de l'affectation au SP et le critère de l'aménagement spécial. Historiquement le critère de l'aménagement spécial est attaché à celui de l'affectation au SP.

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La doctrine, qui avait auparavant souhaité la reconnaissance du critère de l'affectation au SP avait déjà bien conscience des risques d'extension excessive du domaine public. Si certains auteurs étaient favorables à une extension du domaine public à l'ensemble des biens affectés au SP, d'autres en revanche étaient partisans d'une approche plus restrictive et ainsi pour Jèze seuls faisaient partie du domaine les biens affectés au SP et jouant en ce service un rôle prépondérant. De même pour Waline seuls les biens affectés au SP et jugés irremplaçable font partie du domaine public selon Waline, on avait déjà chez certains auteurs l'amorce d'un critère réducteur de la domanialité. La signification de ce critère secondaire est à préciser, il signifie que l'affectation au SP n »implique la domanialité publique qu'à la condition que la dépendance domaniale soit adaptée au but du service par sa nature ou par un aménagement adéquat. Cette condition supplémentaire de l'aménagement spécial était initialement liée au critère de l'affectation au SP. La jurisprudence a pourtant par la suite également appliqué le critère en question à certains biens affectés à usage du public. Cette évolution se situe au début des années 1960, elle est semble t-il apparue dans des arrêts reconnaissant l'appartenance au domaine publique de promenades et de jardins publics après vérification de respect du critère, CE ass., 22 avril 1960, Berthier, cette jurisprudence concernait à la base les promenades publiques, cette solution a par la suite été étendue à des hypothèses voisines comme des parcs municipaux, des squares, etc. Cette exigence suppose à la base une certaine adaptation du bien en question à sa destination ou à sa finalité. Par exemple dès lors qu'un logement de fonction spécialement aménagé pour le SP alors ce logement se trouve inclus dans le domaine public. De même certains éléments comme la présence de bancs, de kiosques, d'allée pour les piétons, de massifs de fleurs, etc., permettent de satisfaire à l'exigence d'un aménagement spécial et d'inclure les promenades et jardins publics dans le domaine public, il en ira de même pour les palais de Justice dès lors qu'ils comportent des salles d'audience, il en ira également de même pour les bâtiments scolaires et unitaires dès lors qu'ils comportent des salles de classe et des enseignements liés à l'enseignement. Comme on peut le constater l'exigence d'un aménagement spécial semblait relativement aisé à satisfaire, en effet outre les hypothèses dans lesquelles cet aménagement semblait aller de soi, le juge a par ailleurs interprété avec assez peu de rigueur cette condition supplémentaire l'estimant satisfaite dans l'immense majorité des cas. Rares sont les décisions dans lesquelles le juge s'appuie sur l'absence d’aménagement spécial suffisant pour conclure à l'appartenance d'un bien au domaine privé, néanmoins, CE, 28 novembre 1975, ONF c/ Abamonte. Certains arrêts ont eu une appréciation extensibvle de la notion d'aménagement spécial, en ce sens l'amménagement spécial a ainsi pu résulter de la simple situation

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géographique d'un garage situé a coté d'une gare, CE section 5 février 1965, société lyonnaise des transports. Aussi l'aménagement spécial a aussi pu résulter du simple entretien d'une plage, CE section 30 mai 1975, dame Gozzoli. Il a pu résulter de cela un laxisme vis à vis de l'aménagement spécial, on a même pu se demander si ce critère était maintenu par le juge. La théorie de la domanialité publique virtuelle est venue nourrir la crise du critère de l'aménagement spécial. L'idée d'un domaine public virtuel ou par anticipation est né en jurisprudence en 1985, CE, 6 mai 1985, association Eurolat c/ Crédit Foncier de France, à partir de là le JA a parfois admis l'application du régime de la domanialité publique à des biens à réaliser en prenant en compte l'affectation au public ou au SP qu'il devait ultérieurement recevoir. Cette sorte de domanialité publique par anticipation a ainsi parfois conduit le juge à faire application du régime spécifique propre au domaine public à des biens qui ne remplissaient pas encore, au moment où le juge devait statuer, les conditions requises et notamment celle de l'aménagement spécial. Ces premières solutions jurisprudentielles furent confirmées par un avis rendu par le CE section réunies, 31 janvier 1995, il était ici demandé au CE si un terrain nu, appartenant à l'Etat et dont le ministère de l'intérieur est affectataire peut être considéré comme une dépendance du domaine public de l'Etat à partir du moment où le ministère envisage d'y installer prochainement des services administratifs. Pour le CE « le fait de prévoir de façon certaine l'affectation du terrain à l'usage direct du public ou à un SP implique que le terrain est soumis dès ce moment au principe de la domanialité publique », c'est un bel exemple de ce que peut être la domanialité publique virtuelle. En raison des incertitudes que comporte cette affirmation celle ci a été largement critiquée par la doctrine, la jurisprudence contribuait à un accroissement sans limites du domaine public, elle privait notamment d'effet et d'efficacité le critère de l'aménagement spécial dans la mesure où le régime de la domanialité publique était appliqué par anticipation à des biens non encore affectés à l'utilité publique, voire même parfois non encore physiquement réalisés. Toutes ces évolutions ont ainsi contribué à étendre de manière excessive le périmètre du domaine public, d'où la nécessité de changement. L'entrée en vigueur du CGPPP devait sur ce point apporter de profonds changements, on peut en particulier souligner trois évolutions importantes : – Le CGPPP semble devoir mettre fin à toute forme de domanialité publique virtuelle, en effet même si le CGPPP ne comporte aucune condamnation explicite de la domanialité publique virtuelle, la rédaction de l'article L2111-1 semble laisser désormais peu de place à cette construction. On peut dire que le présent de l'indicatif semble induire ici un impératif juridique, une affectation au SP certaine te acquise par la réalisation des premiers travaux

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d'aménagement, on trouve également des indices dans le rapport du président de la République, telle semble être la volonté des pouvoirs publics, ce rapport nous dit que dans le cadre de la rédaction du code cette théorie n'a plus lieu d'être. Depuis l'entrée en vigueur de ce Code certains jugements ont été quelque peu ambigus, néanmoins la rédaction de l'article condamne la théorie de la domanialité virtuelle. – Ensuite le CGPPP pose un nouveau critère en remplaçant la notion « d'aménagement spécial » par la notion « d'aménagement indispensable », la volonté des rédacteurs du Code était de resserrer le domaine public. – Le CGPPP limite l'application du critère réducteur de l'aménagement indispensable aux seuls biens affectés au SP, en ce sens la rédaction de l'article L2111-1 du CGPPP condamne nettement la jurisprudence intérieure qui avait fait application du critère de l'aménagement spécial. Ce sont trois changements importants, en effet ils soulignent certains changeme,ts adoptés par le CGPPP. B) Les autres éléments d'identification Ces critères doivent se combiner avec d'autres éléments d'identification, ces derniers résultent notamment de dispositions législatives spéciales, et de la notion de domanialité publique globale. 1) Les éléments d'identification résultant de législations spéciales Le CGPPP pose un critère d'identification générale des biens appartenant au domaine public. Le critère général n'est pourtant susceptible de jouer que s'il n'existe aucune disposition législative spéciale susceptible de venir y déroger. Cela découle de la lettre même de l'article L2111-1 du CGPPP, il dispose que « sous réserve de dispositions législatives spéciales (...) ». Autrement dit, avant de faire application des critères généraux le juge doit toujours se demander s'il n'existe pas un texte spécial dérogeant à la définition générale et intégrant tel ou tel bien dans le domaine public ou privé des personnes publiques. On assiste d'ailleurs depuis quelques années à un développement de ces dispositions législatives spéciales qui rangent telle ou telle catégorie de biens dans le domaine public ou dans le domaine privé. La plupart de ces dispositions sont antérieures au CGPPP, certaines ont été codifiées, d'autres non. Ces dispositions spéciales concernent tout autant le domaine articificiel que le domaine naturel. Pour le domaine artificiel il y a par exemple les immeubles de bureau, la jurisprudence considérait auparavant que les immeubles de bureau faisaient partie du domaine public des CT dès lors qu'ils étaient affectés à un SP et spécialement aménagés à cette fin. Aujoud'hui l'article L2211-1 al2 range aujourd'hui ces immeubles de bureau dans le domaine privé des CT. L'ordonnance du 19 aout 2004

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avait déjà incorporé au domaine privé les immeubles de bureau appartenant à l'Etat ou à ses établissements publics. Désomais l'incorporation est désormais plus complète car étendue à l'ensemble des immeubles de bureau appartenant aux CT. Plus précisément l'article L2211-1 al2 vise « les biens immobiliers à usage de bureau à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public », cette réserve renvoie pour l'essentiel à la notion de domanialité publique globale, elle permet de maintenir dans le domaine public des immeubles de bureaux constitua,t l'accessoire d'un bien lui même intégré dans le domaine public. Autre exemple, il en est de même pour les chemins ruraux , article L2212-1 du CGPPP, ainsi que pour les bois et forêts des personnes publiques, L2212-1 du CGPPP, de même en vertu de l'article 22-1 de la loi du 11 décembre 2001 les biens du domaine public de la Poste ont été intégrés dans leur ensemble au domaine privé. Quant au domaine naturel, en vertu de l'article L5331-4 du CGPP la zone des 50 pas géométriques fait partie du domaine public maritime de l'Etat. De même les lais (terres nouvelles formées par dépôt d'alluvions sur le rivage) et relais (terrains qui émergent lorsque la mer les abandonne en se retirant) de la mer appartiennent également au domaine public maritime de l'Etat, article L5331-2 du CGPPP. Initialement les lais et relais de la mer étaient considérés comme des dépendances du domaine privé de l'Etat, rangés dans le domaine public de l'Etat avec la loi du 28 novembre 1963. Ces exemples et l'importance de ces législations spéciales tendent à montrer que il n'existe pas de domaine public ou de domaine privé par nature, en effet on constate que le législateur détermine souvent la qualification domaniale de telle ou telle catégorie de biens en décidant de les soumettre ou non au régime protecteur de la domanialité publique. 2) La théorie de l'accessoire et la notion de domanialité publique globale La jurisprudence admet depuis longtemps qu'un bien ne pouvant intégrer le domaine public par ses caractéristiques propres put néanmoins y être rattaché par application de la théorie de l'accessoire, cette théorie recouvre en jurisprudence différentes hypothèses. Tout d'abord elle s’applique lorsque le lien avec le domaine public résulte d'une sorte de solidarité physique. Dans cette première hypothèse c'est la situation des biens et leur lien physique étroit avec le domaine public qui explique leur intégration dans le domaine public qui explique leur intégration dans le domaine public. CE, 25 avril 1951, Pepie pour les galeries sous la voie publique Aussi il en va de CE, 13 juillet 1961, Dame Lauriou pour le pavillon situé sur la voie publique et servant de café. Le bien accessoire peut aussi participer à la fonction de la dépendance domaniale principale, par exemple tel est le cas pour les murs de soutènement d'une voie dans la mesure où ceux ci permettent d'assurer la conservation et l'utilisation d'une

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route. Cette théorie de l'accessoire a reçu une consécration des plus nettes dans le CGPPP, en vertu de l'article L2111-2 du CGPP, « font également partie du domaine public, les biens des personnes publiques qui concourant à l'utilisation d'un bien au domaine public, en constituent un accessoire indissociable ». Il reviendra au juge ce qu'il faut entendre par accessoire indissociable. Ce que l'on peut dire c'est que dans le même esprit que la notion d’aménagement indispensable, celle d'accessoire indissociable semble induire une conception plus restrictive de la domanialité publique. Aussi il résulte tant de la lettre du texte que de ses premières applications en jurisprudence que les deux éléments (physiques et fonctionnels) jouent désormais cumulativement et non pas comme auparavant alternativement. Quant à la lettre on peut voir apparaître ce caractère cumulatif CE, 28 septembre 2011, Julian c/ syndicat mixte pour la protection et la gestion de la Camargue, cela confirme l'appréciation resserrée du critère de l'accessoire conformément aux dispositions du CGPPP. La théorie de l'accessoire par ailleurs été reléguée en jurisprudence par une autre théorie qui a également contribué à étendre le périmètre du domaine public, il s'agit de la notion de domanialité publique globale. Cette notion de domanialité public globale trouve à s'appliquer lorsque le juge étend la domanialité publique à l'ensemble d'un ouvrage, y compris à des parties non affectées à l'usage du public ou à un SP dès lors qu'il considère cet ouvrage comme un ensemble indivisible ou un tout homogène dont le régime juridique ne doit pas être fractionné. Pare exemple le juge a ainsi considéré qu'un logement situé dans un bâtiment abritant une école ou encore que le logement de fonction du directeur d'un hôpital faisait partie du domaine public. Il en a également été jugé ainsi pour les locaux commerciaux situés dans une gare ferroviaire, CE, 29 janvier 1964, société Montparnasse actualité. La question est aujourd'hui de savoir si la formulation par le CGPPP doit ou non conduire à l'abandon de la notion de domanialité publique globale. Autrement dit, l'absence de référence expresse dans le CGPPP à la notion de domanialité publique globale engendre elle abandon d'une telle construction. La doctrine est partagée, une partie de la doctrine considère que cette notion n'a plus sa place, d'ures considèrent qu'elle n'a plus sa place. La jurisprudence n'a pas clarifié cette polémique à ce jour. La notion de domanialité publique globale n'est pas consacrée en tant que tel mais elle a été plus ou moins consacrée par la disposition concernant les immeubles de bureaux.

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CHAPITRE 3 : La consistance du domaine public On entend pare consistance du domaine public la structure et la composition du domaine public. Les dépendances du domaine public peuvent faire l'objet de différentes classifications. On peut en premier lieu classer les biens publics en tenant compte de l'identité de la personne publique propriétaire. Cette première classification permet de distinguer ainsi le domaine public national, le domaine public régional et le domaine public communal. Cette première classification qui ne sera pas approfondie présente un certain intérêt au point de vue de la gestion de ces biens. Il est également possible de distinguer les biens du domaine public affectés à l'usage du public et ceux affectés au SP. Cette distinction présente un intérêt du point de vue de l'utilisation des biens. Deux distinctions méritent cependant une attention plus soutenue, déjà la distinction qui oppose domaine public artificiel et domaine public naturel, ensuite la distinction qui oppose le domaine public immobilier au domaine public mobilier. Section 1) Domaine public naturel et domaine public artificiel Cette opposition est une distinction classique, elle repose sur un critère simple et intelligible, le domaine public naturel est constitué de dépendances résultant d'un phénomène naturel, par exemple les rivages de la mer, le domaine public artificiel est constitué quant à lui de dépendances résultant d'un travail humain, par exemple un bâtiment public. Autrement dit l'existence et l'état de certains biens résulte ainsi tantôt de phénomène naturels (géographiques, physiques) tantôt de l'intervention de l'homme et on parlera alors de domaine public artificiel. La domanialité publique naturelle serait ainsi la conséquence d'évènements physiques que l'administration aurait simplement à constater ou à avaliser. À travers un acte de délimitation l'administration n'aurait ainsi qu'à constater l'évènement naturel source de domanialité et à fixer en conséquence l'étendue du périmètre de la domanialité publique. Présentées ainsi les choses paraissent très simples, on se rend compte que la distinction en question n'est pas si simple qu'il n'y paraît. La pertinence de cette distinction a été contestée, une partie de la doctrine, notamment Christian Lavialle, a ainsi mis en doute la légitimité et l'intérêt de la notion de domaine public naturel, aux yeux de ces auteurs un tel domaine apparaît en effet comme une notion juridique très largement construite par le législateur et non pas comme la conséquence d'évènements naturels. Aux yeux de ces auteurs les textes peuvent certes tenir compte des phénomènes naturels à propos de l'incorporation d'un bien dans le domaine public ou de sa sortie, ces dernières situations ne sont pourtant que la conséquence de la règle de droit et non des évènements naturels eux mêmes.

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Cette approche doctrinale critique n'est évidemment pas sans fondement, on peut souligner au soutien de cette thèse que le domaine public maritime, et notamment le domaine public fluvial s'est considérablement étendu, souvent indépendamment de tout phénomène géographique ou physique, simplement par la volonté des pouvoirs publics. Malgré ces limites la distinction en question conserve un certain intérêt, notamment au point de vue de la délimitation du domaine. §1) Le domaine public naturel Ce domaine public naturel est constitué de bon nombre d'éléments … A) Le domaine maritime naturel (DMN) La définition du DMN résultait initialement de la loi du 28 novembre 1963, elle résulte de l'article L2111-4 du CGPPP. Ce DMN comprend notamment : – Le sol et le sous sol de la mer territoriale. L'intégration du sol et du sous sol résultent à l'origine de la loi du 28 novembre 1963, auparavant la jurisprudence considérait que la mer territoriale n'appartenait pas au domaine public CE, ???, Thibault. La mer territoriale s'étendait à l'origine à 3 milles marins, largeur portée à 12 milles marins par la loi du 24 décembre 1971, l'intégration dans le domaine public ne concerne cependant que le sol et le sous sol. Si elle relève du pouvoir de police de l'Etat, l'eau de la mer territoriale n'appartient pas en tant que tel au domaine public. – Les rivages de la mer, ils correspondent à la partie du rivage que la mer couvre et découvre entre ses plus hautes et ses plus basses eaux. En conséquences les plages naturelles ne font pas partie du domaine maritime au delà de la limite des hautes eaux (leur gestion obéit cependant à des règles voisines). La question essentielle de la délimitation des rivages de la mer a connu diverses évolutions. Initialement cette délimitation s'opérait selon des règles différentes selon les rivages, cela ne facilitait pas la clarté de l'Etat du droit, en pratiquait en méditerranée une règle du droit romain qui faisait rentrer dans le domaine public les En vertu de l'ordonnance du 18 aout 1981 entrait ainsi dans le domaine public les zones recouvertes par le plus grand flot de mars. Deuxième étape, il y a eu unification des règles juridiques par le CE, c'est l'apport d'un arrêt du CE, 12 octobre 1973, Kreitman, le CE va chercher à unifier l'Etat du droit, pour lui l'orodnnace de 1681 doit s'appliquer à l’ensemble du littoral français, de ce fait il n'existe plus qu'un seul régime juridique applicable aux rivages de la mer. Aussi le CE a souhaité préciser et actualiser au regard de la technique moderne la référence au plus « grand flot de mars », pour le CE la limite des rivages de la mer doit s'établir « au point où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ». Enfin il y a eu consécration de la jurisprudence Kreitman par les rédacteurs du

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CGPPP, article L2111-4 qui dispose que « le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu’où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ». – Le sol et le sous sol des étangs salés, la jurisprudence avait auparavant admis la domanialité de ces étangs salés à condition qu'ils puissent être considérés comme de véritables dépendances de la mer. Me juge prenait en compte certains critères comme la salure et la navigabilité, la communication directe avec la mer, etc. Le CGPPP consacre sur ce point en partie la solution dégagée par la jurisprudence, en vertu de l'article L2111-4 l'appartenance au domaine public ne concerne en effet que le sol et le sous sol des étangs et non l'eau qu'ils contiennent. – Les lais (dépôts formés par la mer en dehors du rivage qui ne sont pas recouverts par les plus grands flots) et relais de la mer, là encore l'état du droit a connu diverses évolutions. Tout d'abord la jurisprudence a consacré la domanialité privée des lais et relais de la mer. Ensuite la loi du 28 novembre 1963 est venu modifier dans un second temps l'état du droit, à partir de là une césure est établie entre les lais et relais futurs qui tombent de plein droit dans le domaine public et les lais et relais existants qui demeurent quant à eux dans le domaine privé. L'article L2111-4 du CGPPP clarifie enfin l'état du droit en permettant l'entrée dans le domaine public des lais et relais au 1 décembre 1963. – La zone dite des 50 pas géométrique est une zone délimité à partir du rivage et qui avait historiquement une raison d'être militaire, dans les départements d'outre mer cette zone a été incorporée dans le domaine public de l'Etat par la loi du 3 janvier 1986. Le CGPPP vient confirmer cette solution. – Les terrains acquis par l'Etat et les terrains soustraits à l'action du flot, il s'agit des deux dernières catégories du DPM de l'Etat, mentionné dans le CGPPP. B) Le domaine public fluvial naturel Le domaine public fluvial a connu une évolution similaire à celle du domaine public maritime. Alors que l’eau fut pendant considérait comme une richesse inépuisable et gratuite, elle n’a cessé de faire l’objet d’une consommation croissante que son usage soit domestique, industrielle ou agricole. Comme pour le littoral des problèmes de pénurie et de pollution on conduit le législateur à adopter des textes plus protecteurs et à étendre le périmètre du domaine public pour une plus grande protection. A cette extension continue du domaine public fluvial c’est ajouté une nette dissociation entre les caractères physique des cours d’eaux et leur appartenance au domaine public. Cette évolution du droit positif conduit à écarter toute idée domaine fluviale par nature.

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Trois étapes témoignent d’une telle évolution : Jusqu’en 1910 s’appliquait la solution initiale en vertu de laquelle appartiennent au domaine public fluvial les cours d’eau navigables ou flottables c’est-à-dire praticables par des trains de bois ou des radeaux. Jusqu’à cette date la domanialité publique résultait de phénomènes physiques et objectifs que sont la navigabilité et la flottabilité. La loi du 8 avril 1910 a modifié complètement cet état du droit applicable. Désormais, doivent être considéré comme des cours d’eau navigables ou flottables, les cours d’eau figurant sur une nomenclature c’est-à-dire sur une liste dressée par décret. Le décret du 18 juin 1955 va enfin décider que les cours d’eau qui ne seront plus navigables ou flottables et qui auront été rayé de la liste des voies navigables ou flottables ne cesseront pas pour autant d’appartenir au domaine public. Ici, seule une décision expresse de déclassement peut les en faire sortir. Le domaine public fluvial naturel a été nettement étendu par ailleurs par la loi du 16 décembre 1964. Elle complique un peu plus l’état du droit en introduisant une nouvelle catégorie celle des cours d’eau et de leurs dérivations classés dans le domaine public par décret en CE en vue d’assurer l’alimentation en eau des voies navigables, les besoins en eau de l’agriculture et de l’industrie, l’alimentation des populations ou la protection contre les incendies. Cette extension s’explique par le manque d’eau. Résumé : Les cours d’eaux domaniaux (appartenant au domaine public) comprennent tous d’abords les cours d’eau navigables ou flottables (figurant sur une nomenclature établie par décret) / les cours d’eaux rayé de la nomenclature mais maintenues dans le domaine public et les cours d’eau nécessaires à la satisfaction de certains besoins cruciaux de la population. Le CGPPP tient compte de ces évolutions dans L 2111-7 : « Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d’eaux, des lacs appartenant à l’Etat, au CT ou à leur groupements et classé dans leur domaine public fluvial ». C) Les domaines publics aériens et hertziens Traditionnellement on considère l’espace atmosphérique (placé au-dessus du territoire) comme une res nullius, une chose n’appartenant à personne, qui est simplement soumise au pouvoir de police de l’Etat. Une partie de la doctrine (Ex : Roger Bonard ?) et certaines décisions de la JP ont consacré l’idée selon laquelle l’espace atmosphérique faisait également partie du domaine public de l’Etat. Cette notion de domaine public aérien a pourtant été vivement contesté par une partie de la doctrine et d’autres auteurs sans remettre en cause cette notion en réduise néanmoins l’étendu en considérant que le domaine public aérien désigne uniquement les routes empruntées par les aéronefs.

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Ce débat a pourtant rebondit avec la réglementation de l’utilisation des fréquences radioélectriques pour la diffusion des communications. La loi du 30 septembre 1986 modifié elle-même par une loi de 1989 indique ainsi que : « L’utilisation par les titulaire d’autorisation de fréquences radioélectriques disponibles sur les territoires de la République constitue un mode d’occupation privatif du domaine public de l’Etat » (article 22). Le législateur semble avoir ainsi entendu consacrer la domanialité publique des zones dans cet espace. Pour une partie de la doctrine le domaine aérien ne doit pas être confondu avec le domaine hertzien car le premier ne désigne que les routes empruntées par les aéronefs. Le CGPPP consacre l’existence d’un domaine public hertzien (L 2111-17) tout en restant silencieux sur l’existence d’un domaine public aérien donc le débat n’est pas tranché. Cette consécration d’un domaine public hertzien a pour effet de faire des opérateurs de télécommunication utilisant les zones hertziennes des occupants du domaine public de l’Etat. Par conséquent, ces opérateurs sont soumis à autorisation pour l’utilisation qu’ils font du domaine public hertzien et ils sont tenus de s’acquitter d’une redevance. § 2) Le domaine public artificiel Les dépendances du domaine public artificiel se caractérisent par l’intervention de l’homme. A) Le domaine public routier La domanialité publique des voies terrestres est admise depuis longtemps et intègre le domaine public routier : les routes nationales et les autoroutes, les routes départementales et les voies communales (rue ou places affectées à la circulation publique). De manière négative, échappe au domaine public les chemins ruraux qui figurent dans le domaine privé des communes depuis une ordonnance du 7 janvier 1969 2212-1 du CGPPP et les voies privées qui même ouvertes à la circulation publique ne font pas partie du domaine public à moins qu’elles y soient transférées par une démarche de l’administration. B) Le domaine public ferroviaire L 2111-15 du CGPPP témoigne d’une conception restrictive du domaine public ferroviaire. Ce domaine public ferroviaire ce limite aux biens publics immobiliers : « affectés exclusivement au service de transport public guidés le long de leur parcours en site propre ». La portée de cette disposition devra être éclairée par la JP.

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On peut cependant considérer que font partie du domaine public ferroviaire les voies ferrées d’une part et les autres ouvrages qui au même titre que les voies ferrées sont indispensable au fonctionnement du SP (Ex : gares, ponts, passages à niveau etc.) d’autre part. C) Le domaine public aéronautique L 2111-16 du CGPPP consacre l’existence d’un domaine public aéronautique. Ce domaine public aéronautique est constitué de biens immobiliers publics : « affectés aux besoins de la circulation aérienne publique ». La même disposition indique aussi que ce domaine : « comprend notamment les emprises des aérodromes et les installations nécessaires pour les besoins de la sécurité, de la circulation aérienne situées en dehors de ces emprises ». On peut donc dire que le domaine public aéronautique couvre ainsi les diverses installations immobilière de la navigation aérienne comme les aéroports par exemple. Le périmètre du domaine public aéronautique n’est pourtant pas sans limite et depuis la loi du 20 avril 2005 sur les aéroports une grande partie des biens de l’aéroport de Paris ont été déclassé. D) Le domaine maritime artificiel Les textes et la JP admettent depuis longtemps à côté du domaine maritime naturel l’existence d’un domaine maritime artificiel. Il s’agit des ports et des autres ouvrages établis dans l’intérêt de la navigation maritime. Un port est constitué de l’ensemble des terrains et des biens compris à l’intérieur de la circonscription portuaire que l’administration doit délimitée tant du côté mer que du côté terre. La domanialité publique des ports maritime est admise depuis longtemps par les textes : ancien article 538 du Cciv ou ancien article 2 du Code des ports maritimes. La JP de son côté a identifié le contenu du domaine public portuaire et a admis que la domanialité s’étendait non seulement aux eaux du port et à son sous-sol mais aussi à ces diverses dépendances tel que les quais, les digues, les jetés, les bouées et balises, les fards, les voies publiques aménagées ainsi que l’outillage à caractère immobilier appartenant à une personne publique. Le CGPPP est venu par la suite posé une définition un peu plus stricte et précise du domaine public maritime artificiel dans L 2111-6 selon lequel le domaine public maritime artificiel est constitué : « Des ouvrages ou installations appartenant à une personne publique… qui sont destinés à assurer la sécurité et la facilité de la navigation maritime. A l’intérieur des limites administratives des ports maritimes des biens immobiliers situés en aval de la limite transversale de la mer appartenant à l’une des personnes publique… et concourant au fonctionnement d’ensemble des ports maritime y compris le sol et le sous-sol des plans d’eaux lorsqu’ils sont individualisables ».

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E) Le domaine public fluvial artificiel Une disposition nous intéresse ici L 211-10 du CGPPP consacre l’existence d’un domaine public fluvial artificiel et en fixe par ailleurs le contenu. Il comprend 2 grandes séries d’éléments : - Les canaux de navigation et les plans d’eau. L 2111-10 mentionne : les canaux et plans d’eau appartenant à l’E, à une CT ou à un port autonome et classé dans son domaine public fluvial. De manière assez logique, la domanialité s’étend par ailleurs aux dépendances de ces canaux. Ex : Les chemins de allages, les digues, les écluses… - Les ouvrages établis dans l’intérêt de la navigation fluviale. L 2111-10 fournit des indications. Il contient une énumération d’un certain nombre d’ouvrage établis dans l’intérêt de la navigation fluviale. Il s’agit des ouvrages et des installations destinés à assurer l’alimentation en eau des plans d’eau et canaux ainsi que la facilité de la navigation, du allage ou de l’exploitation. Il s’agit aussi de bien immobiliers concourant au fonctionnement d’ensemble des ports intérieurs y compris le sol et le sous-sol des plans d’eaux lorsqu’ils sont individualisables. Pour les biens situés dans les ports, la JP faisaient traditionnellement jouer la notion de domanialité publique globale. En application d’une telle JP étaient souvent considérées comme des dépendances du domaine public fluvial artificiel les quais, les terre-pleins ou encore les hangars, les bassins, les écluses et ponts tournants, l’outillage immobilier appartenant à une personne publique… S’il faut attendre l’interprétation du juge, on peut penser que les nouvelles dispositions du CGPPP continueront à réduire le périmètre du domaine public fluvial artificiel. Section 2) La distinction entre domaine public mobilier et domaine public immobilier On peut partir ici d'un constat d'ordre historique en affirmant que l'existence d'un domaine public immobilier est consubstantiel à la naissance de la distinction des domaines publics et privés, en revanche l'apparition d'une domaine public mobilier sera plus tardive. Cette distinction est aujourd'hui consacrée par le droit positif, les évolutions récentes ont par ailleurs confirmé la réalité d'un domaine public mobilier. §1) La distinction des biens meubles et immeubles Cette distinction repose sur une opposition classique entre d'un coté les biens meubles et de l'autre les biens immeubles. Il s'agit ici d'indiquer que cette distinction traditionnelle ne présente aucune difficulté particulière en droit administratif et s'opère sonc selon els critère du droit commun, du droit privé qui

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repose sur un critère de mobilité. Appliquant les critères civilistes le JA peut être conduit à constater la transformation d'un bien immeuble en bien meubles, par exemple les fresques de Casenoves devenues meubles suite à leur arrachement au mur de l'Eglise, de même des fragments de la colonne Vendôme à Paris ont perdu leur caractère immobilier à la suite de la démolition du monument en 1871, en conséquence le juge a considéré qu'ils étaient restés dans le domaine public mobilier de l'Etat, solution qui découle de CAA Paris, 4 avril 2006, Mercier. §2) L'existence confirmée d'un domaine public mobilier Initialement la question de savoir si le domaine public pouvait intégrer les meubles a donné lieu à d'importantes distinctions, la doctrine du XIX ème siècle n'admettait pas à l'origine la domanialité publique des meubles, ainsi il n'y avait de domaine public qu'immobilier. Pourquoi cette conception restrictive ? Pour une bonne partie de la doctrine de l'époque les biens mobiliers ne pouvaient intégrer le domaine public car il s'agissait de biens susceptibles de propriété privée. La doctrine du XX ème siècle a l’exception de quelques auteurs a au contraire admis l'inverse tout en cherchant à limiter au maximum le périmètre du domaine public mobilier. Malgré ces évolutions, la question de l'existence d'un domaine public mobilier est demeurée un objet de controverse doctrinale. Jusqu'à une date relativement récente certains auteurs ont contesté l'existence d'un domaine public mobilier. Comme souvent lorsqu'une incertitude existe on tente de trouver des réponses dans la jurisprudence et des les textes. Les textes semblaient confirmer l'existence d'un domaine public mobilier, par exemple on a considéré que les lois du 30 mars 1887 et du 31 décembre 1913, consacraient la domanialité publique des livres des bibliothèques et des documents d'archive en les déclarant inaliénables. Autre exemple ,a loi du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines traite dans son article 21 des « immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes », de ce fait le terme meuble apparaît ici en référence au domaine public communal. La jurisprudence a quant à elle offert des solutions plus contrastées. Les tribunaux judiciaires ont très tôt consacré l'existence d'un domaine public mobilier, au XIX ème siècle le juge judiciaire a ainsi notamment admis la domanialité publique des ouvrages de la bibliothèque royale en 1846, celle de tapisseries d'une église en 1879, celle de miniatures d'une bibliothèque en 1894, et celle des archives de l'Etat en 1896. La Cour de Cassation a ainsi considéré qu'un tableau acquit par la réunion des musées de France faisant partie du domaine public, Civ, 2 avril 1963. La jurisprudence administrative fut quant à elle plus hésitante sur cette question,

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d'ailleurs certains auteurs se sont fondés sur ce silence relatif du JA pour affirmer que le JA n'affirmait de domaine public qu'immobilier. Le CE s'est donc rallié récemment à la solution consacrée par le juge judiciaire. Par exemple CE, 29 novembre 1996, syndicat général affaires culturelles CFDT, le CE devait ici statuer sur la légalité d'un décret du 19 décembre 1995 qui offrait la possibilité à l'établissement public « cité de la musique » de mettre les instruments de musique anciens dont il a reçu la garde à la disposition de musiciens. Pour le CE cette mise à disposition d'instruments qui n'implique aucun transfert de propriété s'effectue dans des conditions respectant la destination de ces biens. En conséquence le CE estime que cette mise à disposition ne contrevient pas aux règles de la domanialité publique. Implicitement le CE admet l'appartenance au domaine public mobilier des instruments de musique ancien dont l'établissement public en l'espèce à la garde. Au fil de la jurisprudence le CE va peu à peu affirmer sa position. Néanmoins les doutes sur l'existence d'un domaine public mobilier vont être levés avec l'entrée en vigueur du CGPPP. De manière tout a fait clair dans son article L2112-1 le CGPPP constate l'existence d'un domaine public mobilier, il dispose que « sans préjudice des dispositions applicables en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire, les biens présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art de la technologie (...) ». L'article L2112-1 du CGPPP identifie le domaine public mobilier à travers deux éléments distincts, tout d'abord un critère général puisqu'il est indiqué dans le Code que les biens présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, etc., ensuite on a une énumération non exhaustive de biens composant le domaine public mobilier, l'énumération est non exhaustive, elle débute par l'adverbe « notamment » ce qui montre bien que cette liste est ouverte et non limitative. Autrement dit la jurisprudence pourra enrichir les diverses rubriques de l'article L2112-1. La définition du domaine public mobilier posé par le Code semble néanmoins laisser de coté ce que l'on nomme les biens publics immatériels, il a d'ailleurs été jugé que les logiciels n'appartenaient pas au domaine public, CE, 28 mai 2004, Aéroports de Paris. Cette exclusion du domaine public mobilier, si elle était confirmée par la jurisprudence impliquerait l'inclusion dans le domaine privé des personnes publiques de ces biens publics immatériels qui connaissent aujourd'hui une nette croissance, néanmoins on peut ici apporter une appréciation plus nuancée, en effet si les biens meubles incorporels ne sont pas mentionnés dans le CGPPP ils n'en sont pas non plus formellement exclus, autrement dit un bien meuble incorporel qui présenterait ainsi un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art de la technologie ou de la technique, pourrait peut être intégrer le domaine public mobilier, par exemple tel pourrait être le cas pour les brevets scientifiques dont l'intérêt public peut se justifier.

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TITRE II : La domanialité publique Le présent titre sera l'occasion d'aborder un ensemble de règles spécifiques applicables.

CHAPITRE 1 : Éléments généraux du régime juridique applicable au domaine public

§1) L'entrée et la sortie du domaine public Le domaine public ne constitue pas une réalité juridique figée, en effet son contenu évolue fréquemment au gré des entrées et sorties de différents biens. Dans le cadre de ce premier paragraphe il convient d'étudier comment un bien public acquiert cette qualité mais également il il faut étudier comment un bien peut sortir du domaine public. A) L'incorporation au domaine public L'incorporation au domaine public doit s'entendre comme l'entrée d'un bien dans le domaine public d'une personne publique, néanmoins à ce stade une précision terminologique s'impose afin de ne pas confondre certaines notions. Il y a trois notions qui portent le nom d’acquisition, d'incorporation, d'affectation. André de Laubadère a distingué ces trois notions, selon lui « l'acuqisition est l'acte juridique ou le fait matériel par suite desquels un bien tombe dans le patrimoine général de l'administration, l'incorporation est l'acte ou le fait par suite desquels un bien entre dans le domaine public, enfin l'affectation est l'acte ou le fait par suite desquels est donné au bien sa destination particulière ». L'incorporation d'un bien dans le domaine public d'une personne publique ne se confond pas ainsi avec l'acquisition du bien par cette même personne publique. L'acquisition atteste seulement de la propriété publique, or si la propriété d'une personne publique est un élément nécessaire, indispensable, elle n'est pas pour autant un élément suffisant pour que le bien en question intègre le domaine public de la personne publique. Il existe des cas dans lesquels les deux étapes de l'acquisition et de l'incorporation se confondent. Tel est le cas en ce qui concerne les biens du domaine public naturel. Par exemple lorsque dans certaines conditions les marées recouvrent les rivages de la mer, ces rivages deviennent simultanément propriété de l'Etat et dépendance du domaine public maritime. Pour le domaine public artificiel, les deux étapes en question ne confondent en revanche généralement pas, l'incorporation exige en effet le plus souvent un acte juridique spécial de classement. 1) L'incorporation au domaine public naturel L'incorporation d'un bien au domaine public naturel est en principe une simple

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question de fait, cette incorporation de fait est à l'origine de l'incorporation de droit, dès lors que le bien comporte les caractéristiques matérielles, physiques, prévues par la loi, alors l'incorporation sera automatique et ne nécessitera aucun acte administratif particulier. Il arrive certes que de tels actes soient adoptés pour opérer une délimitation des dépendances du domaine public naturel. Mais ces actes se bornent à constater l'incorporation mais ne sont pas naturellement à l'origine de celle ci. Par exemple pour les rivages de la mer, les parcelles recouvertes par le plus grand flot sont directement incorporés au domaine public sans que l'intervention d'un acte juridique ne soit nécessaire. Ce principe de l'incorporation automatique d'un bien au domaine public naturel comporte cependant quelques exceptions, en effet dans quelques cas un acte juridique doit nécessairement s'ajouter aux considérations de fait, par exemple pour les cours d'eau jugés nécessaires à la satisfaction de certains besoins cruciaux de la population, loi du 16 décembre 1964, l'incorporation de ces cours d'eau au domaine public fluvial suppose ici une décision administrative de classement, c'est ce qui découle de l'article L2111-12 du CGPPP. 2) L'incorporation au domaine public artificiel Ici deux conditions cumulatives sont nécessaires pour qu'un bien intègre le domaine public artificiel. Tout d'abord il y a la condition d'intervention d'un acte juridique de classement. Contrairement aux biens du domaine public naturel, l'incorporation d'un bien au domaine public artificiel, cette incorporation nécessite un acte juridique d'affectation ou de classement. En l'absence de texte spécial l'affectation résultera en principe d'un acte de l'organe de l'organe de la propriété propriétaire, il s'agira le plus souvent d'un acte administratif unilatéral, parfois d'un contrat mais cela est plus rare. Ce principe de l'intervention obligatoire d'un acte juridique de classement connait cependant certaines limites et exceptions, la jurisprudence admet en effet que certains biens font partie du domaine public artificiel et ce même en l'absence d'un acte juridique de classement, par exemple la jurisprudence considère qu'en l'absence de tout acte juridique de classement, les rues ou impasses, ou encore les places publiques, dès lors qu'elles sont situées dans une agglomération font partie du domaine public, à la condition d'être également la propriété du domaine par la personne public. Deuxième condition, la nécessité d'une affectation de fait venant s'ajouter à l'acte juridique d'affectation. En effet l'acte juridique d'affectation, s'il est nécessaire, n'est pas suffisant pour consacrer la domanialité publique d'un bien, il faut en plus que l'affectation prévue sot effectivement réalisée. D'ailleurs, l'acte juridique de classement est entaché d'illégalité dès lors qu'il n'est pas suivi d'une affectation effective. B) La sortie du domaine public

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Il n'existe aucune symétrie totale entre les régimes juridiques de l'entrée et de la sortie du domaine public, en effet alors que l'incorporation au domaine public peut parfois se faire sans acte formel, à l'inverse la sortie du domaine public est en revanche en principe subordonnée à un acte de déclassement. Cette sortie passe par un régime juridique plus contraignant que celui applicable à l'entrée du domaine public. Deux conditions cumulatives sont ainsi nécessaires pour qu'un bien puisse sortir du domaine public, il y a tout d'abord l'exigence d'un acte de déclassement ou de désaffectation, c'est un acte formel par lequel la personne publique propriétaire décide qu'un bien n'appartient plus au domaine public. Cette exigence d'un acte juridique de déclassement n'est pas nouvelle, avant l'entrée en vigueur du CGPPP la jurisprudence considérait déjà à propos du domaine public artificiel que les dépendances de ce domaine ne pouvaient en sortir que par l'effet d'un acte formel même lorsqu'elles y sont rentrées sans décision formelle, c'est ce qu'a décidé le CE, 12 juin 1963, Turbet, exigence désormais consacrée par l'article L2141-1 du CGPPP qui dispose que « un bien d'une personne publique mentionnée à l'article L1 qui n'est plus affecté à un SP ou à l'usage direct du public ne fait plus partie du domaine public à compter de l'intervention de l'acte administratif constatant son déclassement ». Les textes indiquent souvent les actes nécessaires au déclassement ainsi que les procédures qu'il convient de suivre, en ce sens en l'absence d'indication dans les textes il convient de faire application du principe du parallélisme des formes et des procédures, ce qui signifie que le déclassement doit s'opérer dans ce cas en ce qui concerne la nature, la forme de l'acte. La décision de déclasser relève en principe de la compétence de la seule personne publique propriétaire. Ce déclassement entraine lui même toute une série de conséquences parmi lesquelles on peut notamment mentionner le fait que le bien en question tombe dans le domaine privé de la personne publique propriétaire. Autre conséquence, le bien en question deviendra aliénable et prescriptif, aussi les atteintes portées au bien en question ne seront plus des atteintes de grande voirie. Enfin les litiges concernant les biens déclassés relèveront en principe de la compétence du juge judiciaire. Deuxième série de conditions, le déclassement doit par ailleurs être accompagné d'une désaffectation de fait. Comme pour l'entrée d'un bien dans le domaine public l'acte juridique de déclassement doit nécessairement être suivi d'une désaffectation de fait pour que le bien sorte effectivement du domaine public. Cette exigence s'explique aisément, il arrive en effet que la simple affectation d'un bien à un SP ou à l'usage direct du public entraine son entrée dans le domaine public. En sens inverse, toute décision de déclassement serait privée d'effets si elle n'était pas suivie d'une désaffectation de fait, si le bien est par exemple toujours affecté en pratique à l'usage direct du public ou à un SP alors il sera maintenu de facto dans le périmètre du domaine public. Le principe selon lequel le déclassement doit nécessairement être suivi d'une désaffection comporte cependant quelques

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atténuations. Le CGPPP prévoit ainsi dans son article L2141-2 que « par dérogation à l'article 2141-1 le déclassement d'un immeuble appartenant au domaine public artificiel de l'Etat ou de ses EP et affecté à un SP peut être prononcé dès que sa désaffectation a été décidée alors même que les nécessité du SP justifient que cette désaffectation ne prenne effet que dans un délai fixé par l'acte de déclassement. Ce délai ne peut excéder trois ans ». C'est un assouplissement de la règle, dans cette hypothèse le déclassement intervient de manière anticipée dans la mesure où la désaffectation a déjà été décidée mais qu'elle ne prendra effet qu'ultérieurement, en vertu de cette disposition, les personnes publiques sont ainsi autorisées à incorporer dans leur domaine privé des bien qui sont encore nécessaires au SP. §2) La délimitation du domaine public En droit privé traditionnellement la délimitation des biens fonciers s'opère à travers le procédé du bornage, cette procédure de droit commun ne peut être utilisée pour délimiter les dépendances du domaine public. Autrement dit la délimitation du domaine public s'opère à travers des procédés juridiques originaux. L'administration peut procéder par voie unilatérale, cet acte administratif unilatéral de délimitation du domaine public sera ainsi contestable à travers un recours pour excès de pouvoir porté devant le JA. A) La délimitation du domaine public naturel La délimitation du domaine public naturel peut seulement être opérée à travers des actes administratifs unilatéraux, elle ne peut être obtenue par contrat ou par une décision juridictionnelle. La délimitation du domaine public naturel constitue en outre une obligation pour l'administration, cela signifie que les riverains peuvent exiger qu'il soit procédé à une telle délimitation si l'administration ne l'a pas préalablement fait, en conséquence tout refus de délimitation est illégal et peut engager l'engagement d'un REP ainsi que la responsabilité de l'Etat. C'est un véritable droit reconnu par le CE, par exemple CE section, 6 février 1976, secrétaire d'Etat au transports c/ société villa Miramar. Quant aux rivages de la mer, avant 2004 la délimitation s'opérait selon une procédure comportant deux phases, une phase préparatoire (enquête) et une phase décisoire (conclue par un arrêté préfectoral ou un décret en CE). Mais depuis un décret du 29 mars 2004 cette procédure est réformée, le décret supprime la distinction entre les deux phases. La délimitation du domaine public naturel présente par ailleurs un caractère déclaratif, l'administration doit en effet se borner à constater les limites résultant de l'application des règles sur le domaine public naturel, ces règles découlant elles même de phénomènes naturels. Cette même délimitation est en même temps contingente et évolutive, on veut dire par là que cette délimitation doit être modifiée en fonction des évolutions de la configuration physique du bien en

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question. Les textes qui régissent la délimitation des diverses parties du domaine public, indiquent que celle ci s'effectue sous réserve du droit des tiers. Cette réserve vise à protéger les titulaires de droit privé et notamment les propriétaires qui pourraient éventuellement être lésés par la délimitation. En cas de délimitation irrégulière, cette réserve offre notamment la possibilité d'exercer un REP contre l'acte administratif de délimitation. Un tel recours doit alors être fondé sur une inégalité de fond, c'est à dire l'hypothèse dans laquelle l'administration a prétendu incorporer au domaine des parcelles qui ne devaient pas en faire partie. Si le juge annule l'acte de délimitation, le propriétaire recouvrera son bien, il peut également obtenir une indemnité s'il a subis un préjudice. Si la délimitation est régulière le propriétaire lésé n'a pas droit en principe à indemnité. Autrement dit le propriétaire ne peut en conséquence se plaindre si l'action de phénomène naturel fait rentrer son bien dans le domaine public naturel. Dans quelques cas le propriétaire lésé pourra obtenir une indemnité, même dans le cas d'une délimitation régulière, tel est le cas par exemple lorsque l'incorporation d'un bien au domaine public résulte moins de phénomène naturel que d'une appréciation portée par l'administration, il en va ainsi notamment par exemple lorsque l'administration classe un cours d'eau dans la catégorie des cours d'eau navigables ou flottables, dans une telle hypothèse les dommages résultants du classement peuvent donner lieu à indemnité. B) La délimitation du domaine public artificiel Cette délimitation varie suivant les dépendances du domaine public artificiel. Pour ces dépendances autres que les voies publiques, les modes de délimitation sont assez variés mais passent le plus souvent par des procédures administratives unilatérales, le domaine public ferroviaire est ainsi délimité par des arrêtés préfectoraux. La délimitation des voies publiques passe en revanche par la procédure particulière de l'alignement, c'est une procédure très ancienne établie initialement par un édit de 1607. L'alignement est aujourd'hui défini par l'article L112-1 du Code de la voirie routière, il est défini comme « la détermination par l'autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines ». Cette procédure d'alignement présente une double particularité : – L'alignement est un procédé de délimitation unilatéral – L'alignement est une procédure largement exorbitante puisqu'elle offre à l'administration la possibilité de modifier les limites existantes de la voie en empiétant si besoin sur les propriétés riveraines. L'administration n'est pas obligée ainsi de se borner à constater les limites existantes d'une vie, la délimitation est ou peut être attributive. Ces caractères ont été maintenus à l’époque moderne, notamment en raison des avantages qu'ils

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présentent pour la rectification et l'élargissement des voies publiques. Cette procédure reste cependant une procédure exceptionnelle dont le champ d'application est relativement limité. Cette limitation est double puisque d'une part son utilisation est limitée au domaine public mais aussi à certaines dépendances de celui ci, seules sont concernées les voies publiques et les voies ferrées. Cette procédure ne peut être utilisée que pour délimiter le domaine public vis à vis des propriétés privés. Cette procédure d'alignement se divise elle même en deux grandes étapes, la première consiste dans l'établissement d'un plan d'alignement qui va déterminer de manière générale les limites d'une voie ou d'un ensemble de voies. Ce plan d'alignement est établi unilatéralement par les autorités administratives, la procédure et la nature de l'acte varient selon la nature des voies concernées. Par exemple il pourra s'agir d'un décret en CE. Les plans d'alignement doivent faire l'objet d'une publication et ne seront opposables aux tiers tant que cette formalité n'aura pas été accomplie. Ces plan d'alignement peuvent être contestés devant le JA, cela tant par voie d'action que par voir d'exception. Le plan d'alignement peut avoir un contenu attributif et non simplement déclaratif puisqu'il peut inclure des fractions de propriété privée riveraines du domaine public. Les effets du plan vont varier selon la nature des parcelles en cote, il y a tout d'abord l'hypothèse des terrains non bâtis situés entre les limites de fait de la voie et les alignements indiqués dans le plan sont directement intégrés à la voie publique dès lors que le plan a été régulièrement approuvé et publié. Dans cette hypothèse les propriétaires des terrains en question ont simplement droit a une indemnité fixée à l'amiable ou via expropriation. Dans l'hypothèse des terrains battis ne font pas l'objet d'une incorporation à la voie, elle n'intervient que lorsque les bâtiments soient démolis (volontairement ou sur ordre de l'administration). À partir de là l’incorporation s'opère alors de plein droit dans intervention d'un jugement ou d'un acte administratif, le propriétaire lésé aura simplement droit a posteriori à une indemnité fixée de la même manière que pour les terrains nus. Jusqu'à sa démolition l'immeuble sera alors frappé d'une servitude très lourde, c'est la servitude de recul, en conséquence de cette servitude aucune construction nouvelle ne pourra être édifiée dans la partie construite dans les alignements, le propriétaire ne pourra par ailleurs effectuer sur cette partie ni des travaux de surélévation ni même des travaux susceptibles de restaurer l'immeuble, en l'absence de travaux l'immeuble donnera des signes de ruine, au final l'administration aura gain de cause. Les règles régissant la procédure d’alignement constituent des atteintes très lourdes au droit de propriété, pour cette raison notamment la jurisprudence a apporté depuis longtemps certaines limitations aux effets de la procédure d'alignement, par exemple les différentes servitudes d'alignement ne jouent pas en cas d'ouverture d'une voie nouvelle.

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Seconde étape, à la suite du plan d'alignement pourront être adoptés des alignements individuels. La délimitation du domaine public artificiel varie selon les dépendances du domaine public en question.

Pour les dépendances du domaine artificiel autre que les voies publiques les modes de délimitation sont assez variées mais passe le plus souvent par des procédures administratives unilatérales. Ex : Le domaine public ferroviaire est délimité par des arrêtés préfectoraux.

La délimitation des voies publiques passe en revanche par une procédure particulière, la procédure de l’alignement. Cette procédure est exorbitante est emporte des conséquences néfastes pour les propriétaires privés.

Cette procédure est ancienne, elle a été établit par un Edit du 16 décembre de 1607.

L’alignement est aujourd’hui définit par L 112-1 du Code de la voirie routière comme : « La détermination par l’autorité administrative de la limite du domaine public routier au droit des propriétés riveraines ».

Cette procédure d’alignement présente une double particularité :

L’alignement est un procédé de délimitation unilatéral.

L’alignement est une procédure largement exorbitante car elle offre notamment à l’administration la possibilité de modifier les limites existantes en empiétant sur les propriétés riveraines. Autrement dit, l’administration n’est pas obligée de se borner à constater les limites existantes d’une voie. La délimitation est ou peut être attributive.

Ces caractères de la procédure d’alignement ont été maintenus à l’époque moderne en raison notamment des avantages qu’ils présentent pour la rectification et l’élargissement des voies publiques. C’est un procédé très efficace du point de vue de l’administration.

Cette procédure d’alignement reste cependant une procédure exceptionnelle dont le champ d’application est relativement limité :

Son utilisation est limitée au domaine public et plus précisément à certaines dépendances de celui-ci (les voies publiques et les voies ferrés).

La procédure ne peut par ailleurs être utilisée que pour délimiter le domaine public vis-à-vis des propriétés privés et non vis-à-vis des biens publics.

La procédure d’alignement se divise elle-même en deux grandes étapes :

- L’établissement d’un plan d’alignement qui va déterminer de manière générale les limites d’une voie ou d’un ensemble de voie.

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Ce plan d’alignement est établit unilatéralement par les autorités administratives et la procédure et la nature de l’acte varie suivant la nature des voies concernées.

Ex : Suivant les cas il s’agira d’un décrété en conseil d’Etat ou d’un arrêté préfectoral pour les routes nationales.

Les plan d’alignement doivent faire l’objet d’une publication et ils ne seront opposables aux tiers qu’à partir du moment où cette formalité sera accomplie.

Le plan d’alignement peut avoir un contenu attributif et pas seulement déclaratif, il peut ainsi inclure des fractions de propriétés riveraines du domaine public.

Les effets du plan vont cependant varier selon la nature des parcelles en causes. On va ainsi mesurer à quelle point cette procédure est exorbitantes.

2 hypothèses :

Les terrains non bâtis qui se trouvent situer entre les limites de fait de la voie et les alignements indiqués dans le plan sont directement incorporé à la voie publique dès lors que le plan a bien été régulièrement approuvé et publié.

Dans cette première hypothèse les propriétaires des terrains ont simplement droit à une indemnité qui est fixé à l’amiable ou à défaut avec quelque particularité comme en matière d’expropriation.

Les terrains bâtis ne font pas en revanche l’objet d’une incorporation immédiate à la voie.

L’incorporation à la voie n’intervient que lorsque les constructions se trouvant dans les limites de l’alignement sont démolit qu’il s’agisse d’une démolition volontaire ou opéré sur l’ordre de l’administration.

Ex : Lorsque l’immeuble présente un péril pour la sécurité publique l’administration peut en ordonner la démolition.

Dans cette hypothèse, l’incorporation à la voie s’opère alors de plein droit sans intervention d’un jugement ou d’un acte administratif. Le propriétaire aura simplement doit à posteriori à une indemnité fixé comme pour les terrains nus (à l’amiable ou comme en matière d’expropriation).

Jusqu’à sa démolition l’immeuble sera cependant frappée d’une servitude très lourde que l’on appelle la servitude de reculement.

En conséquence de cette servitude, aucune construction nouvelle ne pourra édifier dans la partie comprise dans les alignements.

Le propriétaire ne pourra par ailleurs effectuer sur cette partie ni des travaux de surélévations ni même des travaux susceptibles de prolonger la vie de l’immeuble. En l’absence de tous travaux l’immeuble finira par donner des signes de ruine et dès qu’il apparaitra dangereux pour la sécurité publique, l’administration pourra imposer sa délimitation partielle ou totale. Les biens en questions se trouveront automatiquement incorporé au domaine public.

L’administration finie toujours par avoir gain de cause.

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Il y a donc des atteintes particulièrement lourdes au droit de propriété privé. La JP a apporté depuis longtemps certaines limitation à la procédure d’alignement.

Ex : Les différentes servitudes d’alignement ne jouent pas en cas d’ouverture d’une voie nouvelle ou lorsque le plan comporte un redressement ou un élargissement important de la voie.

- A la suite du plan d’alignement et parfois en son absence pourront être adopté des alignements individuels qui auront pour objet d’indiquer aux riverains les limites de la voie et de leur propriété.

Ces alignement individuels ne pourront que constater les limites résultant du plan ou à défaut les limites existantes.

La plupart du temps le propriétaire à la faculté de demander l’alignement individuel pour son immeuble bordant la voie publique = PPE.

Il arrive que cette demande d’alignement soit obligatoire = EXCEPTION. Ex : Lorsque le propriétaire souhaite effectuer des travaux de construction ou de réparation sur un immeuble bornant la voie que le travaux concernent le bâtiment lui-même ou même une clôture.

La compétence pour délivrer l’alignement individuel appartient au préfet pour les routes nationales, au président du conseil générale pour les routes départementales et au maire pour les voies communales. Il sera délivré par arrêté. L’arrêté d’alignement ou le refus d’alignement peut entrainer REP.

Dès lors qu’il a été délivré il comporte des effets. En particulier, il constitue une autorisation d’effectuer les travaux. Les travaux pourront alors débuter

§3) Les rapports entre domaine public et propriétés voisines

Constat général : Les relations de voisinage entre dépendance du domaine public et propriétés voisines sont très faiblement soumises au droit commun, elles relèvent dans une large mesure de règles exorbitantes. Sauf exception, les servitudes de droit privée ne s’appliquent pas sur le domaine public et en particulier sont notamment inapplicable les différentes servitudes légales que le droit civil confère aux propriétés voisines d’un immeuble. Ex : Servitude de vue, servitude de passage. On admet généralement en revanche que le domaine privé peut supporter les servitudes du droit privé qu’il s’agisse de servitudes conventionnelles ou de servitudes légales. Finalement, au terme d’une longue évolution de la doctrine, de la JP, les rédacteurs du CGPPP ont admis l’institution de servitudes conventionnelles sur le domaine public à condition que de telles servitudes soient compatibles avec son affectation.

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→ L 2122-4 DU CGPPP. Il faut savoir néanmoins que la JP excluait auparavant tout servitude légale sur le domaine public et par ailleurs, les servitudes conventionnelles antérieures à l’incorporation d’un bien dans le domaine public pouvaient en revanche grever le bien en question mais à la condition d’être compatible avec la nouvelle affectation de ce bien et elles disparaissent dans l’hypothèse contraire moyennant rémunération du propriétaire. La JP refusait en revanche toutes servitudes postérieures à l’incorporation SAUF texte contraire. La nouvelle du CGPPP autorise désormais la constitution de servitudes conventionnelles sur le domaine public de l’Etat, des CT et des établissements publics pourvu que ces servitudes soient compatibles avec leur affectation. Remarques : Cette nouvelle rédaction du Code constitue un assouplissement bien venu de l’état du droit parce qu’elle supprime l’exigence d’une constitution de servitude antérieure à l’incorporation des biens dans le domaine public. Cela signifie par conséquent que des servitudes pourront être constituées à posteriori sur des biens appartenant déjà au domaine public. Cela n’était pas possible en vertu de la JP avant 2006. En vertu de L 2122-4 du GCPPP une convention établissement l’existence d’une servitude sur le domaine public doit être passée entre propriétaire. Le CGPPP ne fait référence qu’aux servitudes conventionnelles et il ne dit rien en revanche des servitudes légales. Doit-on déduire de ce silence du législateur que seules les servitudes conventionnelles sur le domaine public sont admises ? C’est ce qu’on peut penser au premier constat mais la doctrine est divisée sur ce point. Il importe donc d’être prudent en l’attente d’éclaircissement apporté par le juge sur cette question précise. Des règles spéciales s’appliquent par ailleurs dans les rapports entre propriétaire et gestionnaires du domaine public et les voisin de celui-ci. Ces règles spéciales régissent notamment les rapports entretenus avec les riverais des voies publiques. Ces riverais disposent notamment vis-à-vis des dépendances du domaine public de certains droits : on parle d’aisances de voirie. Techniquement les aisances de voiries ne sont pas des servitudes mais des charges de voisinage spécifiques. L’existence d’aisances de voirie justifie par ailleurs aux yeux de la doctrine notamment l’absence de soumission du domaine public aux servitudes légales. Ces droits donc bénéficies les riverains des voies publiques aux titres des aisances

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de voiries sont de nature diverses : le droit de vue, le droit d’accès, le droit de déversement des eaux pluviales et ménages ou encore le droit d’égout. Le régime juridique et la nature des aisances de voiries ont été clarifiés avec le temps : Elles constituent tout d’abord des droits particuliers de nature administrative dont le contentieux relève de la compétence du JA. Les dépendances domaniales auxquelles les aisances de voiries peuvent s’appliquer sont les seules voies publiques dès lors qu’elles ont bien été classé comme-t-elles et affecté à la circulation publique. Font cependant exception les autoroutes et les routes expresses. Il s’agit des voies publiques et en conséquence, les aisances de voiries ne pourront s’appliquer à l’égard de parc, de jardin public ou encore de place de marché. Les bénéficiaires des aisances de voiries sont les seules riverains des voies c’est-à-dire les occupant des immeubles bordant la chaussé. Les riverains des voies publiques peuvent formuler un recours en annulation à l’encontre des AAI ou R qui porteraient atteinte à leurs droits qui découlent des aisances de voiries.

Si la voie publique était classé, les riverains perdent automatiquement le bénéficie des aisances de voirie. Les riverains peuvent alors simplement demander une indemnisation à l’administration pour le préjudice subi.

Les riverains du domaine public ont donc aussi des obligations. Diverses servitudes administratives pèsent sur les riverains du domaine public. Des servitudes pesant sur les riverains des voies publiques : de telles servitudes constituent en quelque sorte le pendant des droits particuliers qui leurs sont reconnus. Ces servitudes sont nombreuses et variées : Les obligations relatives au nettoyage des voies et trottoirs dès lors qu’une telles obligation résulte d’un usage ou d’un règlement municipal (ce n‘est pas automatique) / L’interdiction de déverser sur la voie publique des eaux insalubres / L’obligation de supporter sur les immeubles des installations d’éclairage public et de signalisation etc. Des servitudes pèsent également sur les riverains des voies fluviales : Il s’agit par exemple des servitudes de hallage et de marchepied (il s’agit de servitudes anciennes destinées à permettre la circulation des attelages et des manœuvres des bateliers ou conducteur de radeaux et trains de bois). - Les servitudes de hallage impliquent l’obligation de laisser un espace libre en bordure du court d’eau (7 m 80) et l’interdiction d’établir des constructions, plantation ou clôture sur un espace supplémentaire (1 m 95). - Les servitudes de marchepied s’imposent quant à elles aux propriétaires des rives non assujettit à la servitude de hallage. Elles imposent simplement de laisser libre une certaine zone (3m25) de toute clôture, construction ou plantation.

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Des servitudes pesant sur les riverains du domaine public maritime : Par exemple les propriétaires riverains du domaine public maritime sont grevé d’une servitude de passage (3m) au profit des piétons. Cette servitude découle de L 160-6 du Code de l’urbanisme.

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Chapitre 2 : La gestion du domaine public §1) Les autorités gestionnaires du domaine public Tous les biens domaniaux sont la propriété d’une personne publique (générale ou éventuellement spéciale). Normalement, la personne publique propriétaire est celle qui assure la gestion de la dépendance. Adéquation entre propriétaire et gestionnaire des dépendances du domaine public. Ainsi, la gestion des dépendances du domaine public relève entièrement des organes de la collectivité publique propriétaire. Ex : La gestion du domaine public de l’Etat relevait traditionnellement du service des domaines (service relevant du Ministère des finances). Ce service a récemment été réorganisé en 2006 pour devenir France-domaine. La gestion des dépendances du domaine public des CT relève par ailleurs pour l’essentielles des Assemblés locales (Conseil générale, R ou municipal). Mais, la gestion courante relève cependant des présidents des Conseil générale et R ainsi que des maires. Il y a des atténuations, des dérogations. Plus précisément 3 séries d’hypothèses ne méritent d’être distinguées : Le procédé des conventions de gestion : il s’agit d’un procédé permettant de confier les pouvoir de gestion du domaine public à une personne publique autre que le propriétaire. Un tel procédé offre ainsi à l’Etat la possibilité de confier la gestion d’immeubles appartenant à son domaine public à certaines personnes publiques ou privées dans le cadre d’une convention passé avec elles. Ce procédé est régit aujourd’hui par L 2123-2 du CGPPP il est donc tout à fait légal. Les transferts de gestion volontaire : la JP a rappelé à plusieurs reprises que les personnes publiques ne pouvaient en principe déléguer la gestion de leur domaine public en dehors du procédé des conventions de gestion. Le CGPPP a cependant atténué la rigueur de ces principes jurisprudentiels en autorisant certains transferts de gestion. Tel est le sens de la règle posée par L 213-3 du CGPPP- I al. 1 : « Les personnes publiques mentionnées à l’article L 1 peuvent opérer entre elles un transfert de gestion des immeubles dépendant de leur domaine public pour permettre à la personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation ». Le Code indique par ailleurs que la personne publique propriétaire peut mettre fin aux transferts de gestion éventuellement après indemnisation de la personne publique bénéficiaire.

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En sens inverse, le transfert de gestion pourra donner lieu à indemnisation de la collectivité propriétaire dès lors qu’il en résulte pour elle des dépenses ou des pertes de revenus. Les transferts de gestion imposée autoritairement par l’Etat ou la théorie des mutations domaniales : La JP admis depuis longtemps la possibilité pour l’Etat de transférer d’office la gestion d’une dépendance domaniale soit à lui-même, soit à une autre personne publique et très tôt on a parlé à propos d’un tel mécanisme de transfert autoritaire, unilatéral de mutation domaniale. Cette théorie fut consacrée par le CE en 1909 : CE, 16 juillet 1909, Ville de Paris et chemins de fer d’Orléans. Avant le CE, la Ccass avait dès la fin du 19ème s. considérait que l’Etat disposait d’un « droit général » lui permettant de modifier les affectations : Ccass, 20 décembre 1897. Dans l’affaire jugé en 1909 devant le CE, un commissaire du GVT avait conclu (Tessier). Il tenta de justifier ce pouvoir exorbitant reconnu à l’Etat et tout en admettant que les diverses personnes publiques disposaient bien sur leur domaine d’un droit de propriété (ce qui n’allait pas de sois à l’époque) il considérait par ailleurs que tous les biens domaniaux été grever d’une « servitude d’intérêt générale » lié à l’affectation de ces biens. Il poursuit en disant qu’en raison d’une telle servitude, les personnes publiques propriétaires des dépendances domaniales ne pouvaient s’opposer à ce que l’Etat prononce des changements d’affectation dans l’intérêt générale. Que faut-il penser aujourd’hui d’un tel argumentaire ? On peut dire à l’aune notamment des dernières évolutions et de l’intervention du CGPPP que cette justification ne parait guère compatible aujourd’hui avec la reconnaissance d’un véritable droit de propriété au profit des autres personnes publiques. On pouvait s’interroger sur la survie de cette théorie sous l’égide du CGPPP qui consacre la pleine et entière propriété des personnes publiques sur leurs biens. A la surprise générale cette théorie à survécu et contre tout attente le nouveau code lui a même donné une assise légale : L 2123-4 du CGPPP al. 1 : « Lorsqu’un motif d’intérêt générale justifie de modifier l’affectation de dépendances du domaine public appartenant à une CT, un groupement de CT ou un établissement public, l’Etat peut pour la durée correspondante à la nouvelle affectation procéder à cette modification en absence d’accord de cette personne publique ». En vertu de L 2123-6 du CGPPP une compensation est prévue. La collectivité propriétaire doit être indemnisée de ses dépenses et de ses pertes de revenus. §2) Les règles régissant la gestion du domaine public La gestion domaniale est classiquement axée à titre principal en tout cas sur une

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logique de protection et de préservation du domaine. Une telle logique trouve tout d’abord sa traduction dans les importantes prérogatives dont disposent les collectivités publiques pour protéger le domaine public contre les occupations illégales et les atteintes de toute sorte. Cette logique de préservation se traduit aussi par des obligations d’entretien qui pèsent sur l’administration. Une telle obligation d’entretient résulte tout à la fois de la JP et des textes. Dans certains cas l’obligation d’entretien résulte de principes jurisprudentiel c’est le cas notamment pour l’entretien des biens domaniaux ayant le caractère d’ouvrage public. Cette obligation d’entretien et même dans ce cas le fondement de la responsabilité de l’administration pour absence ou insuffisance d’entretien d’ouvrage ou encore pour sa mauvaise conception ou construction. Il arrive par ailleurs que des textes imposent explicitement ou implicitement une obligation d’entretien à l’administration. Ex : En vertu du Code générale des CT l’entretien des voies communales constituent une dépense obligatoire pour les communes. On peut se demander s’il existe néanmoins en dehors de ces hypothèses une obligation générale d’entretien du domaine public ? La réponse n’est pas évidente et malgré certaines solutions jurisprudentielles qui semble dire l’inverse il n’existe pas a priori d’obligation générale d’entretien du domaine public en dehors des hypothèses visées par les textes et la JP, hypothèses assez nombreuses et importantes. La gestion domaniale est de plus en plus guidée par une logique de valorisation économique du domaine public. Les considérations économiques n’ont jamais été totalement absentes de la gestion domaniale et en particulier les autorités chargées de la gestion du domaine public ont depuis longtemps conscience de la valeur économique de celui-ci dès lors qu’un tel domaine peut être le support d’activité agricole, industrielle ou commercial. Si le phénomène n’est pas en soi nouveau, ces préoccupations économiques tendant pourtant aujourd’hui à se renforcer et de telles préoccupations trouvent même aujourd’hui une forme d’aboutissement dans l’application du droit de la concurrence à la gestion du domaine public. Cette application part d’un constat, le domaine public peut être le support d’activité économique et donc il y a lieu de prendre en considération les impératifs découlant du droit de la concurrence. La JP a d’ailleurs consacré l’applicabilité du droit de la concurrence aux actes de gestion domaniale. En particulier, le CE la admis dans un arrêt société EDA, 26 mars 1999. Cette soumission des actes de gestion domaniale aux règles de la concurrence implique diverses exigences pour l’administration notamment : L’administration ne peut par exemple accorder une autorisation d‘occupation

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domaniale si la délivrance d’un tel titre à pour effet de placer l’entreprise titulaire dans une situation lui permettant d’abuser d’une position dominante. En qualité de gestionnaire de dépendance domaniale, une personne publique peut elle-même être considérée comme occupant une position dominante. Dans une telle hypothèse la personne publique en question ne doit pas abuser de sa position. Les exigences du droit de la concurrence ne s’étendent pas encore de manière générale en tout cas et en l’état actuel du droit aux procédures applicables à la délivrance des titres d’obligation domaniale. Cette question est récente, elle se pose depuis quelques années car pendant longtemps les autorisations d’occupation du domaine public ont été délivrées sans qu’aucune procédure de publicité ou de mise en concurrence ne soit préalablement respectée. Le raisonnement était le suivant : les concessions domaniales ne sont ni des marchés publics, ni des délégations de services publics donc elles échappent aux formalités applicables. L’état du droit est cependant conduit a évolué. Notamment sous l’effet du droit communautaire aujourd’hui. La JP communautaire semble indiquer que même les contrats qui ne sont pas des marchés publics au sens du droit communautaire et qui ne sont pas soumis aux dispositions du droit communautaires doivent néanmoins respecter les obligations du traité et notamment l’obligation de transparence dont découle l’exigence de publicité et de mise en concurrence. Par ailleurs, le droit de la concurrence fonde de plus en plus l’obligation pesant sur la collectivité propriétaire de mettre en concurrence les titres d’occupation domaniale qu’elle délivre qu’ils soient unilatéraux ou conventionnels et qu’ils portent sur le domaine public ou sur le domaine privé. Seul rentre cependant dans le champ d’une telle obligation les titres d’occupation domanial susceptible de fausser le jeu de la concurrence. La JP (des CA) en droit interne n’a pas hésité à s’engager dans cette voie en imposant une obligation de publicité et de mise en concurrence. Le CE a rebours d’une telle évolution a cependant réaffirmé qu’une convention l‘occupation domaniale n’était en principe soumise à aucune formalité de publicité et mise en concurrence : CE, 3 décembre 2010, Ville de Paris et association Paris Jean Boin.

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Chapitre 3 : L’utilisation du domaine public Un certain nombre de principe essentiels régissent l’utilisation du domaine public. 1er principe : les utilisations du domaine public doivent tout d’abord être conformes à l’affectation du domaine et ne pas compromettre sa conservation. Ce principe a souvent été affirmé par la JP et il est consacré aujourd’hui dans L 2121-1 : « Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l’utilité publique. Aucun droit d’aucune nature ne peut être consentit s’il fait obstacle au respect de cette affectation ». 2nd principe : Les utilisations du domaine public ne doivent pas entraver le droit qu’à l’administration de déterminer et de modifier l’affectation du domaine. Ce pouvoir de l’administration touche tout autant les utilisations privatives que les utilisations collectives du domaine public. Les utilisations collectives du domaine public peuvent voir leur conditions modifier et par ailleurs, les utilisations privatives même si elles sont fondées sur un titre juridique particulier sont soumises à un principe de précarité. A ce titre, ces autorisations peuvent en particulier toujours être modifié ou supprimé. Et toutes les utilisations du domaine public doivent conserver un caractère temporaire. Les modes d’utilisation du domaine public varient suivant la nature des dépendances domaniales visées : §1) L’utilisation du domaine public affecté aux SP Pour les biens affectés aux SP le principe est simple : les dépendances domaniales affectées aux SP font l’objet d’une utilisation exclusive par le service affectataire sur la base d’un acte unilatéral ou contractuel d’affectation. Donc l’utilisation du domaine public affecté aux SP se fonde ainsi en principe sur un acte juridique prononçant l’affectation de la dépendance domaniale à un SP donné. Ce SP peut naturellement être géré directement (en régie) par la personne publique propriétaire du domaine. Il arrive également qu’un bien domanial soit affecté à un SP délégué par la personne publique propriétaire. En principe, l’utilisation de la dépendance domaniale par le SP exclut l’utilisation par le public. Un tel principe comporte des atténuations : Il arrive tout d’abord (hypothèse extrême) que le public soit totalement exclut des dépendances domaniales affectées au SP et éventuellement sous peine de sanctions pénales. Ex : Pour les arsenaux ou les casernes militaires. Le public a également parfois une possibilité d’accès à de telles dépendances mais cette faculté peut être restreinte par l’autorité administrative.

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Ex : L’accès aux bâtiments administratifs conditionné par des horaires d’ouvertures déterminées par l’administration elle-même. Il arrive enfin que le public soit normalement admis à accéder à ces dépendances dans le but d’utiliser le SP auquel elles sont affectées (les dépendances). Ex : Les usagers des chemins de fer par rapport au domaine ferroviaires. Les usagers n’utilisent pas directement la dépendance domaniale mais le SP lui-même et évidemment leur accès au domaine public est limité et conditionné par l’utilisation du SP. §2) L’utilisation du domaine public affecté à l’usage du public Les dépendances domaniales affectées à l’usage du public peuvent faire l’objet de deux sortes d’utilisation : des utilisations communes ou collectives et des utilisations privatives. A) Les utilisations collectives Les utilisations communes ou collectives du domaine public sont celles utilisées par le public en G ou par certaines catégories de personne objectivement déterminée. Ex : l’utilisation des trottoirs par les piétons ou des voies publiques par les automobilistes. De telles utilisations ne sont pas conditionnées par l’obtention d’un titre juridique domanial (ce qui les différencie des utilisations privatives). Par conséquent, les usagers du domaine public sont placés dans une situation juridique G toujours modifiable et ils ne peuvent ainsi se prévaloir de droits acquis. Ex : Si l’administration modifie l’assiette du domaine public. Les utilisations collectives ne sont par ailleurs pas individualisées et en conséquence elles ne peuvent comporter aucun droit d’occupation privative réservé exclusivement à certaines bénéficiaires. Autrement dit les utilisations communes ou collectives du domaine public exclut ainsi tout type d’utilisation à titre privatif. Les deux modes d’utilisations sont exclusif l’un de l’autre. Ces utilisations collectives du domaine public peuvent prendre par ailleurs plusieurs formes : L’usager peut accéder à la dépendance domaniale afin d’y circuler ou d’y stationner à des fins diverses. C’est l’hypothèse la plus fréquente / voies publiques, aux promenades, aux musées ou encore aux édifices de culte. L’usager peut aussi dans certain cas s’approprier certains fruits ou produit de la dépendance domaniale sans exigence d’un titre particulier. Ex : Le prélèvement des eaux domaniales, la récolte d’herbe marine comme les algues qui se trouvent sur les rivages de la mer. L’utilisation collective du domaine public se caractérise par ailleurs par les

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trois grands principes de liberté, de gratuité et d’égalité. La liberté d’utilisation : l’affectation d’une dépendance domaniale à l’usage du public confère le droit d’utiliser librement une telle dépendance. A l’inverse, cette même affectation interdit également en principe à l’administration d’empêcher cette utilisation libre et collective. Concrètement, un régime d’autorisation ou d’autorisation préalable serait illégal. Cette liberté d’utilisation n’est cependant pas absolue et comporte un certain nombre d’atténuations : * La liberté d’utilisation est conditionnée par une utilisation conforme à l’affectation de la dépendance domaniale. Ex : Une voie publique sert à circuler et non à autre chose. Dans les autres cas l’utilisation sera soit illicite, soit soumis à une autorisation particulière de l’administration. Ex : L’exercice d’une activité commerciale sur la voie publique n’est pas conforme à la destination de la voie et est donc soumise à diverses restrictions dont la délivrance d’une autorisation. * Les utilisations collectives du domaine public s’exercent par ailleurs dans le cadres de réglementations diverses résultant de texte L ou R, nationaux ou locaux. Ces diverses réglementations ont notamment pour objet d’assurer l’OP, la sécurité, la tranquillité, la protection de l’environnement ou encore la conservation du domaine. Ces règlementations qui encadrent l’utilisation collective du domaine public peuvent parfois générer des restrictions. Ex : Les réglementations locales de police sont en principe légales à partir du moment où elles ne comportent pas d’interdiction G ou absolue et qu’elles sont fondées sur des motifs d’intérêt G. Tel est le cas notamment des règles juridiques restreignant la circulation ou le stationnement en ville. Le JA a admis la possibilité de restriction à la circulation à certaines H ou à certains endroits ou encore

matin pour cause de marché. * L’utilisation professionnelle du domaine publique peut comporter certaines restrictions. Ainsi, l’exercice d’activité économique sur le domaine public peut être subordonné

c’est le cas par exemple pour les taxis. La gratuité de l’utilisation : initialement l’utilisation des dépendances du domaine public était subordonnée au paiement de redevance : le péage. Par la suite, ces restrictions financières à l’utilisation du domaine public ont été progressivement levées. Ex : La loi du 30 juillet 1880 supprima les ponts à péage sur les routes nationales et départementales.

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A partir de là, le principe de gratuité c’est petit à petit imposé. Il apparait aujourd’hui comme le corolaire du principe de liberté dans la mesure ou l’exigence d’une redevance a pour effet de limiter la liberté d’utilisation. Ce principe de gratuité connait pourtant aujourd’hui tellement d’exceptions qu’on peut douter à sa survie dans la pratique. Certaines exceptions résultent de textes spéciaux. Ex : Certaines dépendances du domaine public voit leur accès subordonné au paiement d’un péage. Ce péage était à la base considéré comme une survivance des anciennes règles et il n’était exigé par conséquent que dans certaines hypothèses particulières. Ex : Les Bacs ou les canaux concédés (les péages existent en la matière depuis très longtemps) ; Les péages se sont pourtant vraiment développés ces dernières décennies. Ainsi, la loi du 18 avril 1955 sur les autoroutes indique que l’usage des autoroutes est en principe gratuit mais que l’acte de concession peut néanmoins autoriser le concessionnaire à recevoir des péages. L’exception est devenue le principe en la matière. D’autres exceptions résultent des pouvoir généraux de police détenus par les autorités locales. La JP a ainsi admis que les communes pouvaient établir des pactes de stationnement dont l’accès est subordonné au paiement d’une redevance. Depuis, les pouvoir généraux de police municipal en permis d’instituer d’diverses hypothèses de stationnement paiement, hypothèse devenue très fréquente en ville. L’égalité dans l’utilisation : c’est une traduction et une implication particulière du principe G d’égalité qui comporte de nombreuses applications. L’égalité dans l’utilisation du domaine public signifie que les personnes utilisant une même utilisation collective du domaine public doivent être traitées à égalité. Les discriminations ne seront légales ici que si elles correspondent à des situations de fait différentes. Ex : Les poids lourds peuvent se voir interdire la circulation sur certaines voies ou à certaines heures. En revanche, en l’absence d’une telle différence de situation une réglementation établissant des mesures différentes entre les usagers serait illégale. Il existe cependant des exceptions à ce principe : Ainsi, les entreprises chargés d’un SP se voit souvent accorder des facilités dans l’utilisation du domaine public. Il arrivé également que les tarifs de péage ne soient pas identiques pour tous les usagers. Ex : CE, Dénoyez et Chorques, 10 mai 1999 (date?). B) Les utilisations privatives Le domaine public peut également faire l’objet d’utilisation privative. Ces dernières s’opposent aux utilisations collectives et sont soumises à un régime juridique

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distinct et spécifique. Elles se traduisent par l’occupation par une personne déterminée d’une dépendance du domaine public qui du fait de cette occupation se trouve soustraite à toute possibilité d’utilisation par d’autres personnes. Les utilisations privatives du domaine public sont ainsi celles qui sont effectuées par des personnes précisément identifiées par un titre conféré par l’administration. Ce titre leur donne le droit d’occuper d’une manière privative une portion déterminée du domaine public. A l’origine ce doit reconnu à l’administration (de consentir à des utilisations privatives du domaine public) a parfois été discuté. Certains auteurs du 19ème s. considéraient que de telles utilisations étaient confère à l’affectation du domaine public à l’usage de tous. Ces réserves vont finalement céder sous l’effet de l’évolution du droit positif. A partir de la fin du 19ème s. les utilisations privatives du domaine public vont être consacrées par les textes. A partir de là il n’y aura plus de discussion doctrinale. Ex : La loi du 20 décembre 1872 a prévu pour la première fois des redevances pour occupation du domaine public maritime. La loi du 20 juillet 1881 a également prévue des redevances pour occupation du domaine public fluvial maritime et terrestre. Alors qu’elles étaient d’abord peut importante ces utilisations privatives du domaine public ont eu tendance à se développer et le domaine public fait aujourd’hui l’objet d’une véritable exploitation économique dont le produit vient enrichir les ressources des CP. La distinction entre utilisation collective et privative est simple dans son principe mais pas toujours nette dans la pratique. L’enjeu étant le régime juridique applicable. Ex : Certaines utilisations collectives du domaine public sont soumises à certaines conditions et restrictions. C’est le cas comme on l’a vu pour les taxis ou encore pour les transporteurs. En sens inverse, L 2124-26 du CGPPP indique que : « L’utilisation par les titulaires d’autorisation de fréquence radioélectrique disponibles sur le territoire de la République constitue un mode d’occupation privatif de l’Etat ». B/. Les utilisations privatives - Le domaine public peut faire l’objet d’une utilisation privative (≠ utilisation collective) = soumise à un régime juridique spécifique. Elles se traduisent par l’occupation par une personne déterminée, d’une dépendance du domaine public, soustraite à aucune autre utilisation par d’autres personnes. - Effectuée par des personnes identifiées par un titre conféré par l’administration = validité, le droit d’occuper de manière privative une partie déterminée du domaine public. - Droit de l’administration de consentir à l’utilisation privative du domaine public a longtemps été discuté, car pouvait être considéré comme contraire à l’affectation du

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domaine public à l’usage de tous. Mais utilisations privatives consacrées par des textes fin XIXème = loi 1972 prévoit de redevances pour la première fois, pour occupation du domaine public maritime + loi 1981 prévoit des redevances pour occupation du domaine public fluvial maritime et terrestre. - Utilisations privatives se développe, et le domaine public fait l’objet d’une véritable exploitation économique, dont les ressources viennent enrichir les collectivités publiques. - Difficultés : certaines utilisations collectives sont soumises à des conditions de restrictions (ex : taxis…). 1/. Le régime juridique général applicable aux diverses utilisations privatives : Ce régime général = gouverné par 3 principes propres aux utilisation privatives, qu’on ne retrouve pas pour les utilisations collectives. L’occupation privative du domaine public est : > Soumise à autorisation : ≠ principe de liberté. Expliqué par le fait que de telles utilisations ≠ conforment à l’affectation principale normale du domaine public, donc l’occupation sans titre du domaine public = illicite que l’administration doit réprimer et à laquelle doit mettre fin. Ex : Les trottoirs des voies publiques = réserver aux piétons et non à l’exercice d’une activité commerciale, donc le cafetier qui installe des tables sur le trottoir utilise le domaine public à des fins non conformes à son affectation principale, ce qui justifiera alors l’exigence d’une autorisation. Les autorisation spéciales du domaine public sont particulière = caractère strictement personnel (JP CE 1989 « Munoz »). Donc sauf dispositions législatives contraires, de telles autorisations ne peuvent être cédées. CE 1985 « Eurolat » : nullité d’une clause d’un contrat d’occupation du domaine public de céder librement son droit au bail / CE « commune de limoges » : qui ne peut donner lieu à la constitution d’un fond de commerce dont l’occupant serait propriétaire. > Donne lieu à la perception de redevances: L’utilisation privative du domaine public présente ainsi un caractère onéreux. ≠ principe de gratuité. Redevance versées par le bénéficiaire au profit de la personne publique propriétaire. CGPPP consacre le principe selon lequel « Toute occupation/utilisation privative du domaine public, doit donner lieu au paiement d’une redevance quelque soit le propriétaire. » L2124 Atténuations : à la soumission au principe du paiement de redevance. L’utilisation du domaine public est la condition nécessaire de l’exécution de travaux ou de la présence d’un ouvrage intéressant un SP bénéficiant à tous // quand l’occupation du domaine public contribue directement à la conservation du domaine public lui même. > Précaire : autorisations privatives accordées pour une durée déterminée + elles peuvent ne pas être renouvelées quand elles viennent à terme + elles peuvent être retirées avant le terme soit à titre de sanction, soit pour le motif d’intérêt général. Atténuations : Dans l’absence de clause de précarité, n’entachait pas celle ci d’illégalité, sauf si la convention aurait pour objet d’accorder des droits réels sur le domaine public.

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2/. Les diversité des titres permettant l‘utilisation privative du domaine public : Ces titres sont divers, on distingue d'abord les utilisations fondées sur un acte unilatéral et celles sur un contrat, on distingue par ailleurs les titres constitutifs ou non de droit réel. a) Les autorisations privatives fondées sur un acte unilatéral et les utilisations privatives fondées sur un contrat Ces utilisations privatives induit une différence de régime, en particulier le régime contentieux n'est pas identique. Pour les occupations contractuelles il s'agira d'un contentieux contractuel qui se rattache aux actes de pleine juridiction, contentieux de l'excès de pouvoir pour les actes unilataraux. – Utilisation privatives fondées sur des autorisations unilatérales On en distingue deux grandes catégories : d'une part les permissions de voirie, d'autre part les permis de stationnement. La distinction entre ces deux types d'utilisation repose sur un critère simple, celui de l'emprise ou de l'absence d'emprise dans le sous sol de la dépendance occupée. Par exemple sont considérées comme des occupations sans emprise par exemple la pose dans la limite des voies ou promenades publiques de terrasses, de café ou de restaurants, ou encore d'éventaires de marchandise, ou encore l'installation d'un marché ambulant, d'une fête foraine ou encore d'un camion de pizza sur une place publique. Tout cela rentre dans des occupations sans emprises, elles correspondent à des constructions légères, sans fondations, ou encore installation simplement placée sur le sol. Sont considérés comme des installations avec emprise par exemple l'implantation le long des rues et des routes de pilonnes d’électricité, l'implantation de kiosques à journaux fixés sur une dalle de béton. Tout cela se caractérise par une pénétration dans le sous sol à la suite de travaux. À partir de là le critère est très simple d'usage, les permissions de voirie = avec emprise, alors que les permis de stationnement = sans emprise. Cette distinction entre permission de voirie et permission de stationnement présente un intérêt pratique important dans la mesure où ces différents titres ne sont pas soumis à un régime juridique équivalent et identique. En ce sens le permis de stationnement constitue un acte de police, il ne peut donc être édicté que par l'autorité titulaire du pouvoir de police générale et seulement dans le but de maintenir l'OP. La permission de voirie constitue à l'inverse un acte de gestion domanial, édictée

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par l'autorité administrative chargée de la conservation du domaine, cette dernière pouvant être distincte de l'autorité de police. Une telle autorisation peut être délivrée pour un motif de police mais également pour d'autres motifs, plus généraux liés à l'intérêt du domaine ou encore son affectation à l'intérêt général. Malgré ces différences, la jurisprudence consacre un certain rapprochement entre les régimes juridiques respectifs applicables à ces deux types d'autorisation, une partie de la doctrine milite pour un rattachement des permis de stationnement au pouvoir de gestion domanial de l'administration. – Utilisation privatives fondées sur des contrats On parle dans ce cas de concession de voirie qui sont des contrats passés entre l'administration et l'occupant, pendant longtemps cette possibilité a été contestée, en ce sens que les personnes publiques ne bénéficiant que des prérogatives de police, on déniait cette possibilité aux personnes publiques de passer des contrats avec des personnes privées prévoyant l'occupation du sol. La forme de ces contrats sont très divers, malgré cette diversité, le régime juridique et contentieux de ces contrats comportant occupation du domaine public se caractérise néanmoins par une certaine unité, avec une certaine évolution dans le temps. En ce sens à la jurisprudence considérait à l'origine que ces contrats pouvaient être civils ou administratif, cela en fonction de l'application des critères jurisprudentiels permettant d'identifier les contrats administratifs (CE, 7 février 1925, chemin de fer de l'Etat), le juge appliquait aux contrats comportants occupation du domaine public les critères. Cette solution a pourtant été condamnée par le décret loi du 17 juin 1938 selon lequel le contentieux des contrats comportant occupation du domaine public relève de la compétence exclusive du JA. La jurisprudence a par la suite déduit que ces contrats présentaient un caractère administratif. En conséquence le domaine public ne peut en aucun cas donner lieu à des contrats d'occupation relevant du droit privé, en ce sens les litiges survenus entre les parties à un contrat de ce type portant sur la validité, le sens, l'exécution ou la résiliation du contrat relève de la juridiction administrative en application de l'article 1 de ce décret loi. Le juge judiciaire sera malgré tout compétent dans certaines hypothèses résiduelles, en ce sens lorsque le litige est détachable de l'occupation du domaine public, par exemple pour un SPIC exploité sur le domaine public, ici la qualification de SPIC l'emporte (TC, 17 novembre 1975, Gamba). Autre chef de compétence judiciaire, lorsque le litige concerne une atteinte au droit du concessionnaire elle même susceptible d'une voie de fait ou d'une emprise irrégulière, en ce sens la compétence du juge judiciaire reprendra le dessus. Aussi l'attribution légale de compétence découlant du décret loi est d'application

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stricte, elle ne s'applique pas aux litiges qui ne concernent pas l'occupation, par exemple les litiges survenus entre les tiers et l'occupant, ou encore les litiges survenus en raison de l'activité de l'occupant. Ces dispositions ont finalement été abrogées par l'ordonnance du 21 avril 2006 mais le CGPPP s'inspire très largement de ces principes puisque l'article L2331-1 pose le principe de la compétence administrative pour les litiges relatifs aux autorisations ou aux contrats comportant occupation du domaine public. b) la distinction entre les titres constitutifs et les titres non constitutifs de droits réels Le droit réel porte sur une chose, par exemple le droit de propriété et ses démembrements forment ce que l'on nomme les droits réels. Le droit de propriété est composé de l'usus, du fructus et de l'abusus. Certains droits réels ne consacrent qu'une partie du droit de propriété, c'est le cas des démembrements avec la servitude, l'usufruit par exemple. Traditionnellement on considérait que les titres permettant l'utilisation du domaine public n'attribue )à l'occupant aucun droit réel sur ce domaine public. Cette absence ne s'appliquait qu'aux dépendances du domaine public elles mêmes, en revanche l’occupant restait propriétaire de ce qu'il posait ou construisait. Ce principe était l'une des conséquences de l'inaliénabilité du domaine public. En ce sens le législateur contemporain va venir apporter diverses atténuations et dérogations au principe de non attribution de droits réels sur le domaine public. Mais le principe tend à s'inverser de nos jours. Historiquement la loi du 5 janvier 1988 a permis la conclusion de baux emphytéotiques sur le domaine public des collectivités locales, confère au preneur d'un immeuble un droit réel. Puis il y a la loi du 25 juillet 1994 instituant la possibilité de droits réels sur le domaine public national. Ce sont plusieurs textes avec un point commun, ils n'autorisent la création de droits réels que sur le domaine public artificiel, c'est un point commun à ces divers régimes juridiques. Il y a plusieurs hypothèses à distinguer : – Les titres constitutifs de droits réels sur le domaine public de l'Etat Les dispositions de la loi du 25 juillet 1994 sont codifiées aux articles L2122-6 et suivants du CGPPP. Cet article ne se contente pas ici de rendre possible la création, l'attribution de droits réels sur le domaine public de l'Etat. Ce texte laisse entendre que cette constitution de droit réel ne constitue pas l'exception mais le principe d'occupation privative du domaine public. Un tel droit confie à l'occupant du domaine public des prérogatives renforcées qui dépassent les droits traditionnels en la matière. Le titulaire du droit réel est largement assimilé à un propriétaire

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privé (article L2122-6 alinéa 2). Un tel droit réel ne peut être conféré que pour 70 ans maximum, l'occupant peut également céder son droit à la condition qu'il obtienne au préalable un agrément de l'administration. Néanmoins une limite est à souligner,e n ce sens la constitution d'un tel droit réel sur le domaine public de l'Etat n'empêche pas l'occupation de rester précaire, en ce sens l'administration peut y mettre fin à tout moment. La durée du droit réel est également limitée dans le temps puisque celui ci disparaît naturellement avec l'expiration du titre conféré à l'occupant ou en cas de retrait anticipé. Au terme de l'occupation les ouvrages immobiliers doivent en principe être démolis, sauf si le titre l'exclut ou si l'administration renonce à sa destruction (L2122-9 alinéa 1). Les biens immobiliers dont le maintien a été accepté deviennent par ailleurs la propriété de l'Etat, de plein droit et gratuitement (L2122-9 alinéa 2). – Les titres constitutifs de droit réel sur les domaines publics locaux Les textes offrent la possibilité aux CT et à leurs groupements de consentir des droits réels sur leur domaine public. L'évolution en question s'est organisée en deux étapes successives. La première étape est la loi du 5 janvier 1988, dans son article 13 a tout d'abord autorisé les CT et leurs EP à consentir sur leur domaine public ou sur leur domaine privé des baux emphytéotiques (L1311-2). Par ailleurs, en vertu de l'article L451-1 du Code rural et la pêche maritime, de tels baux confèrent au preneur « un droit réel susceptible d'hypothèque », la même disposition indique au surplus que ces baux doivent être consentis pour plus de 18 années et qu'ils ne peuvent par ailleurs dépasser 99 ans, c'est un cadre temporel. Par ailleurs ils ne peuvent se prolonger par tacite reconduction. Cette possibilité offerte aux CT et à leurs EP ainsi qu'aux groupements de CT a été enfermé dans des limites relativement strictes. Tout d'abord le bail doit être conclu en vu de l'accomplissement d'une mission de SP ou de la réalisation d'une opération d'intérêt général, ou encore pour répondre à certains besoins publics énumérés par le CGPPP, par exemple la réalisation d'enceintes sportives. Ensuite ce bail ne peut concerner une dépendance du domaine public placée dans le champ d'application de la contravention de voirie (L1311-2 alinéa 2). La seconde étape réside dans la reconnaissance aux CT la possibilité générale d'assortir les autorisations privatives accordées de droits réels (L2122-20). Les modalités encadrant de telles prérogatives sont précisés par L1311-5 et suivant du CGCT. Ces modalités se rapprochent de celles prévues par la loi de 1974 pour l'Etat mais ne sont pas pour autant identiques. L'octroi du droit réel n'est pas par exemple le principe, il doit être précisé par le titre, il doit indiquer qu'il s'agit d'une occupation de tel ou tel type.

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Ensuite les droits réels ne doivent être accordés qu'en vue de l'accomplissement d'une mission de SP ou de la réalisation d'une opération d'intérêt général. – Les titres constitutifs de droit réel sur les domaines publics hospitaliers Les EP de santé ont reçus, selon des modalités similaires à celles prévues par les CT, la possibilité de conclure des baux emphytéotiques. Cette possibilité a été ouverte par l'ordonnance du 4 septembre 2003, le régime de ces baux est fixé par les articles L6148-2 et suivants du Code de la santé publique.

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CHAPITRE 4 : Les biens appartenant au domaine public Les biens appartenant aux personnes publiques bénéficient d'un régime protecteur, en ce sens le domaine public doit être protégé car affecté à l'intérêt général. En ce sens cette protection peut prendre des formes multiples, il peut s'agir de maintenir la consistance du domaine public en évitant qu'une collectivité publique abandonne une partie de son patrimoine. Il peut également s'agir d'éviter que des particuliers s'installent sur le domaine public et qu'ils puissent, grâce à la prescription, devenir propriétaires de la dépendance. Il peut s'agir enfin de réprimer et de punir ceux qui utilisent mal le domaine public, cela parce qu'une mauvaise utilisation du domaine public peut gêner celle des autres usagers mais également être la cause de dégradations. Cette protection particulière se caractérise par un principe général d'indisponibilité, mais également par une police de la conservation du domaine public, enfin le domaine public bénéficie d'une protection pénale. §1) L'indisponibilité du domaine public Ce principe renvoie lui même à deux principes biens connus, ce sont les principes d'inaliénabilité et d'imprescriptibilité. A) L'inaliénabilité du domaine public La règle de l'inaliénabilité du domaine public implique que l'administration ne peut dispose du domaine public comme bon lui semble, par exemple elle n'a pas le droit de vendre une parcelle du domaine public, donc l'inaliénabilité protège finalement le domaine public contre les aliénation dont pourrait faire objet le domaine public. Ce principe remonte à l'Edit de Moulins de 1566 qui avait déclaré inaliénable le domaine de la couronne afin d'éviter les dilapidations royales. Ce principe bénéficiera alors d'une moindre protection, le domaine de la couronne est transféré à la nation, la loi du 22 novembre et 1 décembre 1790 a alors admis que les domaines nationaux pouvaient être aliénés en vertu d'une loi. Le Code Civil n'avait pas expressément consacré cette règle, les domanialistes du XIX ème siècle, notamment Proudhon, ont affirmé l'existence de cette règle. Cette règle est aujourd'hui contenue à l'article L3111-1 du CGPPP. Cette règle apparaît aujourd'hui comme une conséquence de l'affectation d'un bien à l'utilité publique et constitue une garantie de celle ci réside dans l'interdiction de vendre les dépendances du domaine public. Ce principe implique l'annulation de biens du domaine public, autrement dit toute vente d'un bien non déclassé est nulle par principe. La nullité de la vente sera prononcé par les juridictions judiciaires après que le JA ait tranché l’appartenance du bien au domaine public. Cette action en nullité est perpétuelle et ne se precrit pas. B) L'imprescriptibilité du domaine public

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Ce principe vise à protéger le domaine public contre l'acquisition de droits découlant de l'usage prolongé qu'en feraient des particuliers. Par exemple si un particulier s'installe sur une parcelle domaine public et qu'il y reste des siècles durant alors il n'en sera jamais propriétaire. Contrairement au principe d'inaliénabilité, la règle de l'imprescriptibilité ne découle pas de l'édit de Moulins, le principe en question est néanmoins ancien, il trouve son origine dans certaines règles domaniales de la couronne, notamment via un Edit de 1667. Ce principe fut véritablement formulé au début du XIX ème, notamment par Proudhon, à l'occasion de la formation de la théorie du domaine public. Par la suite ce principe fut confirmé par la jurisprudence avant que quelques textes précis ne viennent le consacrer à propos de certaines catégories de biens domaniaux. Par exemple l'article 10 de a loi du 21 mai 1936 pour les chemins vicinaux. Cette règle fut définitivement adoptée par la doctrine au début du XX ème siècle, elle fut formulée pour la première fois dans sa généralité par l'article L52 du Code du domaine de l'Etat (désormais L1311-1 CGPPP). La règle de l'imprescriptibilité apparaît comme un complément naturel du principe d'inaliénabilité. C'est en effet parce que le domaine public est affecté à l'utilité publique qu'il importe d'empêcher les tiers d'acquérir des droits sur le domaine, pour le dire autrement l’imprescriptibilité est intimement liée à l'affectation, elle commence et s'achève avec elle. En conséquence une personne privée ne pourra acquérir aucun droit sur le domaine public par voie de prescription qu'il s'agisse d'un droit de propriété, d'une servitude ou d'un droit réel. §2) La police de la conservation La protection du domaine public passe également par l'existence d'une police de la conservation du domaine public. Il s'agit d'une police spéciale ayant pour objet la protection de l'intégrité matérielle des dépendances du domaine public ainsi que le respect de leur affectation. Concrètement la police de la conservation du domaine public correspond aux pouvoirs qui appartiennent à certaines autorités administratives de prendre des règlements de police en vue d'assurer la conservation de certaines dépendances du domaine public. Ce sont des règlements de police, parfois assortis de sanction pénale, ils se caractérisent par leur but, c'est à dire la conservation matérielle de la dépendance domaniale, ce but contribue à la distinction avec les règlements adoptés pour la police générale de l'OP. Cette police se caractérise par son champ d'application limité, elle ne concerne que le domaine public et non le domaine privé. Ensuite elle n'existe que dans le cas où elle est prévue par les textes, par exemple les textes prévoient son existence en ce

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qui concerne les voies du domaine public routier, les voies navigables, les ports maritimes, dans le silence des textes, la police de la conservation ne peut exister, tel est le cas pour les bâtiments public, les cimetières ou encore les édifices du culte. À la différence de la police spéciale de la conservation, la police générale de l'OP celle ci s'exerce sur toutes les dépendances du domaine public, sur les propriétés privées, etc. §3) La protection pénale du domaine public Sans rentrer dans les détails d'ordre historique, il convient de préciser que l'origine de la répression pénale aux atteintes à l'OP est ancienne, elle remonte à différents textes de l'AR qui concernaient les atteintes aux voies de communication. On distinguait initialement les contraventions de grande voirie (JA) des contraventions de petite voirie (JJ), ces dernières concernaient les atteintes mineurs au domaine public. Cette distinction a disparu avec le décret loi de 1926 qui donne compétence pour toutes les sanctions des infractions commises sur le domaine public routier. Il convient donc de distinguer d'une part les contraventions de grande voirie (atteintes à l'assiette du domaine maritime et fluviales, certaines atteintes au domaine terrestre, compétence JA), d'autre part les contraventions de voirie routière concernant l'essentiel des infractions commises sur le domaine public routier (R116-2 du Code de la voirie routière), seul le JJ est compétent ici. Les contraventions de grande voirie concernent essentiellement les contraventions relatives au domaine public fluvial (occupation sans titre, prise d'eau non autorisée), mais aussi les contraventions relatives au domaine public maritime (extraction de sable sans autorisation par exemple), les contraventions relatives au domaine public terrestre (JA compétent pour les dommages causés aux autres éléments du domaine public terrestre, il connait par exemple des contraventions relatives aux chemins de fer, par exemple le déversement de détritus sur l'emprise d'une ligne de chemin de fer). Les poursuites en questions seront exercées contre la personne a qui est imputable le fait constitutif de l'infraction. Les poursuites peuvent être exercées contre toutes les personnes publiques, sauf contre l'Etat à qui le régime des contraventions de grande voirie ne s'applique pas. Ces poursuites ont pour point de départ la constitution d'un PV par un OPJ ou des officiers spécialisés, l'administration est dans l'obligation d'exercer ses poursuites, son abstention, retard, refus, pourront constituer une faute susceptible d'engager sa responsabilité, sauf si cela est justifié par des raisons d'intérêt général. Le JA exerce de véritables attributions répressives, si la culpabilité est établie le JA peut infliger des amendes dès lors qu'elles sont prévues par un texte, aussi il peut prendre d'autres décisions au titre de ses compétences répressives, il peut condamner le contrevenant à remettre lui même le domaine en état, il peut également prononcer certaines mesures d'exécution d'office contre le contrevenant (expulsion, démolition des ouvrages irrégulièrement établis).

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Lafferrière a désigné ce domaine traditionnel de compétence du JA par les termes de contentieux répressif pour désigner ce domaine traditionnel de compétence du JA, ce contentieux répressif est l'une des 4 branches de sa classification.

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TITRE 3 : LE DOMAINE PRIVE DES PERSONNES PUBLIQUES

Rappels : Les biens des personnes publiques qui ne relèvent pas du domaine public font partis du domaine privé. Traditionnellement le domaine privé à une fonction patrimoniale et financière. Autrement dit, il est destiné à procurer à l’administration des revenus et d’autres avantages ce qui va conduire à l’opposer au domaine public qui est dominé par l’idée d’intérêt G. Il découle de cela que le domaine privé est très largement soumis à un régime juridique de droit privé et les litiges concernant le domaine privé relèvent donc en principe de la compétence du JJ. Néanmoins, les choses changent à l’époque contemporaine et cette conception traditionnelle est de plus en plus contestée. On constate que si les biens du domaine privé ne sont pas affecté à l’usage du public ou à un SP (si c’était le cas ils feraient parti du domaine public) leur gestion est souvent dominé pourtant par des considérations d’intérêt G. Ex : La gestion des forêts domaniales est loin d’être guidée uniquement par des considérations financières. Par ailleurs, les éléments de droit public ne sont pas toujours absents du régime juridique applicable au domaine privé. §1) L’identification du domaine privé Le domaine privé a toujours été définit de manière négative. Il correspond classiquement à l’ensemble des biens n’appartenant pas au domaine public. Malgré diverses tentatives la doctrine n’a jamais réussi à proposer de définition positive et pertinente du domaine privé. 3 grandes catégories de bien ont vocation à intégrer le domaine privé : Les biens affectés ni à un SP, ni à l’usage du public (répondent à aucun des deux critères permettant d’intégrer un bien dans le domaine public). Les biens qui bien qu’ayant une affectation d’utilité publique ne satisfont pas à l’exigence d’un aménagement spécial (indispensable aujourd’hui). Les biens qu’une disposition législative dérogatoire a classé dans le domaine privé, par exemple les chemins ruraux qui malgré leur affectation à la circulation publique appartiennent au domaine privé de la commune (L 161-1 du Code rural et de la pêche maritime). Le CGPPP identifie quant à lui le domaine privé à travers une définition générale négative (consacre la conception traditionnelle) et par des éléments positifs d’identification, autrement dit certains bien sont expressément attribués au domaine privé.

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La définition générale négative découle de L 2211-1 al. 1 du CGPPP qui dispose que « font partie du domaine privé les biens des personnes publiques (…) qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre premier du livre premier ». Les éléments positifs découlent de dispositions qui rangent expressément certains biens dans le domaine privé. Par exemple L 2211-1 al. 2 qui dispose qu' « il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à l’usage de bureau à l’exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public ». L 2212-1 du CGPPP : « Font également partis du domaine privé : 1° les chemins ruraux et les bois (et) 2° les bois et forêts des personnes publiques relevant du régime forestier ». §2) Le régime juridique applicable au domaine privé Le régime juridique applicable au domaine privé est largement marqué par les règles de droit commun. L’administration, gestionnaire du domaine privé, est placé à bien des égard dans la situation d’un propriétaire ordinaire qui va en quelque sorte gérer son patrimoine comme tout particulier. D’une part, la collectivité publique propriétaire d’un bien dispose sur ce bien qui appartient au domaine privé des prérogatives classiques reconnues au propriétaire en droit privé. Ex : User directement de l’usage de son bien, en confier l’usage à un tiers ou encore en recueillir les fruits. D’autre part et en sens inverse, les biens du domaine privé sont soumis à certaines charges pesant sur la propriété immobilière privée. Ex : Les servitudes légales établies par le Cciv (de mitoyenneté et de vu par exemple) sont applicables aux biens du domaine privé de la personne publique. Les dépendances du domaine privé peuvent par ailleurs faire l’objet d’une opération d’expropriation (ce qui est impossible / domaine public). Les litiges qui touchent à la gestion du domaine privé relèvent enfin de la compétence de principe du JJ, en ce sens TC, 24 octobre 1994, DUPPERay. Les biens du domaine privé ne sont pourtant pas totalement assimilés à de simples biens privés. Ils sont en effet assez souvent à des règles exorbitantes du droit commun, en ce sens on ne peut pas assimiler un propriétaire public à un propriétaire privé. Cette exorbitance se traduit tout d’abord par un certain nombre de privilège dont bénéficient les biens du domaine privé. Ex : Les biens du domaine privé bénéficient la plupart du temps d’un régime fiscal dérogatoire au droit commun. L’administration peut pour le recouvrement des créances tenant au domaine privé

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recourir aux procédés propres au droit public comment notamment les états exécutoires. L’administration peut également faire usage à propos du domaine privé de faire l’usage de son pouvoir réglementaire (ce que ne peut pas faire un propriétaire traditionnel). En sens inverse, cette exorbitance ce traduit aussi par des sujétions inconnues du droit privé. Ex : L’administration ne peut pas hypothéquer le domaine privé. La situation particulière des biens du domaine privé se manifestent également dans l’application partielle de la règle de l’inaliénabilité ou de l’imprescriptibilité. En principe, ces règles ne concernent que les seules dépendances du domaine public et non celles du domaine privé. En conséquence donc les biens du domaine privé sont en principe aliénables et prescriptibles. Il y a des exceptions notables à ce principe. Certains textes peuvent faire application à de ces règles à propos de bien du domaine privé. Ex : L’inaliénabilité est appliquée par les textes aux forêts publiques (à la suite d’une autorisation législative – L 3211-5 du CGPPP). L’imprescriptibilité s’applique aux immeubles nationaux classés monument historique - Article 12 de la loi du 31 décembre 1913. Il existe par ailleurs des formes d’aliénation interdite. Ex : Sauf dans certaines hypothèses particulières, les biens du domaine privé ne peuvent être aliénés à titre gratuit. Cette charge ne pèse pas sur un propriétaire privé. Enfin, le régime juridique des aliénations lorsque celles-ci sont possibles obéit à des règles particulières. Ex : Les chemins ruraux ne peuvent être aliénés lorsqu’ils sont affectés à l’usage du public. On voit que le principe général de soumission du domaine privé au droit commun comporte des nuances sérieuses qui amènent à remettre en cause le principe. Les exceptions sont encore plus forte / la compétence du JJ. Enfin, si les actes de gestion du domaine privé constituent des actes de droit privé relèvent en principe du JJ la JP est dans une moindre mesure les textes ont aménagés de nombreuses exception à cette compétence de principe du JJ. D’ailleurs, de telles exceptions et dérogations tendent même à se développer dans la période contemporaine (aujourd’hui), en ce sens on assiste à un renforcement de la compétence du JA en matière de domaine privé. L’importance de telles dérogations interdit de voir dans le contentieux du domaine privé un véritable bloc de compétence au profit du JJ. On peut simplement dire que le JJ dispose en la matière d’une compétence de principe mais qui est assortie de nombreuses exceptions.

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Certaines de ces dérogations résultent parfois des textes. En particulier, le contentieux des cessions (vente et échange en plus avec le CGPPP) des immeubles de l’Etat relève ainsi de la compétence du JA. Cette dérogation est ancienne, elle date de la période révolutionnaire et est aujourd’hui contenue dans le CGPPP – L 3231-1 du CGPPP. Pour l’essentiel, les dérogations à la compétence de principe du JJ relèvent de la jurisprudence. Ces importants tempéraments à la compétence des juridictions judiciaire se fondent essentiellement sur une conception extensive de la notion d’acte détachable de la gestion du domaine privé. L’acte détachable permet au JA de faire irruption dans le contentieux du domaine

exception du JA. En vertu d’une jurisprudence bien établie les litiges trouvant leur source dans l’existence ou le fonctionnement des ouvrages publics implantés sur le domaine privé ou dans l’exécution de travaux public sur ce même domaine privé relèvent de la compétence du JA. TC, 2 décembre 1968 – Tocze. Certains actes sont par ailleurs classiquement considérés comme détachables de la gestion du domaine privé ce qui justifie la compétence du JA en cas de litige. Deux catégories d’actes sont en particuliers concernées : - On considère tout d’abord que la gestion du domaine privé (compétence JJ en principe) n’inclue pas les actes unilatéraux de disposition c’est-à-dire les actes affectant l’existence ou la consistance du domaine privé. Ex : Relèvent à ce titre de la compétence du JA le recours dirigé contre une délibération d’une CT autorisant l’acquisition d’un bien destiné à faire partie de son domaine privé CE, 22 novembre 2002, commune de Gennevilliers. De même, la décision d’aliéner serait également détachable du contrat de vente justifiant ainsi la compétence du JA pour en connaître. - Les actes réglementaires par lesquels la CP fixe de manière générale et impersonnelle les règles d’occupation de son domaine privé sont par ailleurs également considérés comme détachables de la gestion de ce domaine privé. Ex : Les délibérations des CT fixant les conditions de location d’une dépendance du domaine privé. CE, 21 avril 1972, Ville de Caen. Tel est également le cas pour des délibérations des CT fixant les catégories de bénéficiaires potentiels qui pourront par la suite occuper les dépendances, CE, 21 mars 1990, Comme de la Roque Dhanteron. Enfin, en dehors de ces deux dernières hypothèses la jurisprudence tend depuis de nombreuses années à admettre de plus en plus souvent l’existence de décision individuelles détachables de la gestion du domaine privé et susceptible à ce titre de

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contestation directe devant les juridictions administratives. Ex : CE section, 17 octobre 1990, Sieur Gaillard, pour une délibération d’un conseil municipal refusant d’aliéner une parcelle du domaine privé communal. Elle a été considérée comme détachable → compétence du JA. TC, 4 novembre 1991, Ginter, pour une délibération d'un conseil municipal résiliant un bail de droit de chasse dans les bois communaux. CE, 5 décembre 2005, Commune de Pontoy, pour des délibérations d’un conseil municipal autorisant la passation de contrat portant sur la gestion du domaine privé communal. Cette tendance récente au renforcement de la catégorie des actes détachables et donc à la compétence du JA s’explique en partie par un recours de plus en plus fréquent à un critère d’ordre organique (qui est fondé sur l’identité de l’auteur de la décision contestée). On ne prend pas en compte le critère matériel qui tiendrait au contenu de l’acte, à son objet. En se fondant sur un tel critère organique, le JA considérait souvent que par nature les décisions des assemblés délibérantes des CT relevaient de la compétence du JA quel que soit leur objet. Cette JP peut être source d’abus et peut remettre en cause le schéma traditionnel. En se fondant sur le critère organique cela peut conduire à étendre de manière démesurée la compétence du JA remettant en cause par conséquent celle du JJ. Dans ce contexte, le CE a eu à connaître d'un recours dirigé contre une décision d’un maire refusant de renouveler un bail permettant l’occupation du domaine privé communal, CE section, 28 décembre 2009, SARL brasserie du théâtre. Prenant conscience du risque lié à l’usage excessif du critère organique qui conduit à confier au JA le contentieux de la gestion quotidienne du domaine privé, au vu de ces risques, le CE a décidé de poser au TC une question de compétence (en cas de difficulté sérieuse). Cette question était de savoir qui du JA ou du JJ est compétent pour examiner la légalité du refus d’un maire de renouveler un bail autorisant l’occupation d’une dépendance du domaine privé de la commune. La question était de savoir si une telle décision pouvait être considérée comme détachable de la gestion du domaine privé. Le TC devait adopter une position de principe. Il va à cette occasion apporter des éléments nouveaux en tentant de réduire par la même le champ de compétence du JA. TC, 22 novembre 2010, Brasserie du Théâtre contre commune de Reims, le TC rappelle la compétence de principe du JJ pour connaître des actes portant sur la gestion du domaine privé en apportant par la même un coup d’arrêt à l’extension de la catégorie des actes détachables fondée elle-même sur l’utilisation parfois abusive du critère organique. « La contestation par une personne privé de l’acte, délibération ou décision du maire par lequel une commune ou son représentant gestionnaire du domaine privé

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initie avec cette personne, conduite ou termine une relation contractuelle quel qu’en soit la forme dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qu’il n’affecte ni son périmètre, ni sa consistance ne met en cause que des rapports de droit privé et relève à ce titre de la compétence du JJ (…) Il en va de même de la contestation concernant les actes s’inscrivant dans les rapports de voisinage». On peut dire qu’en mettant un coup d’arrêt à l’extension de la notion d’acte détachable (fondée sur l’utilisation du critère organique) la décision du TC marque un retour à la compétence de principe du JJ dans le contentieux de la gestion du domaine privé. On peut aussi ajouter que cette solution décide en creux les contours d’une réserve de compétence au profit du JA. Ce qui n’est pas contenu dans une compétence du JJ pourra relever du JA (lecture a contrario de l’attendu). Il demeure compétent pour les actes réglementaires des CT concernant les conditions d’occupation des dépendances de leur domaine privé. Ces actes demeureront détachables de la gestion du domaine privé et donc le JA restera compétent. - Par ailleurs, le JA restera aussi compétent pour les décisions affectant le périmètre ou la consistance d’un bien appartenant au domaine privé c’est-à-dire pour les actes dit de disposition. - Demeurera aussi de la compétence du JA le contentieux des contrats portant sur l’occupation du domaine privé qui comporterait des clauses exorbitantes du droit commun. La JP a toujours refusé de voir dans la gestion du domaine privé une activité de SP (c’est contestable mais c’est l’état actuel de la JP) donc les contrats passés entre l’occupant privé et la CP et portant sur la gestion du domaine privé sont en principe des contrats de droit privé sauf s’ils contiennent des clauses exorbitantes du droit commun. CE, 19 novembre 2010, ONF (réaffirme cela). - Enfin, et de manière G, la notion d’acte détachable conservera un avenir et un intérêt dans les hypothèses dans lesquelles la gestion du droit privé se révélera en elle-même exorbitante du droit commun. Ex : Tel sera le cas lorsque le domaine privé sera le siège d’une activité de SP. Lorsque le domaine privé sera l’objet de mesures de police. Au final, on peut dire que la décision du TC procède à une clarification bien venue de l’état du droit sans mettre fin pour autant au partage des compétences juridictionnelles dans le contentieux du domaine privé. Cette décision est donc insatisfaisante de ce point de vue. Pour mettre fin définitivement aux difficultés propres au partage des compétences juridictionnelles les solutions la plus simple consisterait à confier au JA l’ensemble du contentieux des propriétés publiques (qui intégré le domaine privé et le domaine public). Certains auteurs proposent cette solution. Seule une loi aujourd’hui (en l’état actuel du droit) pourrait instituer un tel bloc de compétence au profit du JA.

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PARTIE 2 : L'ACQUISITION FORCEE

Développements introductifs :

Pour assurer leur mission d’intérêt G les CP doivent parfois se procurer un

ensemble de biens mobiliers et immobiliers.

L’obtention de tels biens passe le plus souvent par des procédés classiques

d’acquisition contractuelle. En clair, les personnes publiques peuvent acheter ces

biens aux particuliers qui les détiennent.

Ce procédé peut être qualifié de procédé de droit commun.

Il se révèle cependant parfois inefficace ou inopérant. Les CP disposent alors

de la possibilité de recourir en cas de besoin et dans des conditions biens définies à

des procédés de contrainte ou de cession forcée.

L’exorbitance de ces techniques révèle le droit public dans toute sa force.

Parmi ces procédés deux se dégagent en particulier : l’expropriation et la

réquisition.

La réquisition : mode d’acquisition forcé dont la particularité réside dans le fait qu’il

n’y a pas vraiment cession du bien mais cession temporaire de la disposition du

bien simplement.

Les deux procédés se distinguent aussi quant à leur champ d’application plus ou

moins large :

- L’expropriation ne peut porter que sur un immeuble ou sur des droits réels.

- La réquisition à un champ plus large.

Points communs :

- Il s’agit dans les deux cas de procédure de contrainte permettant à

l’administration au nom de l’intérêt G de forcer le destinataire récalcitrant à céder

son bien.

- Par ailleurs, ces procédés exorbitants et attentatoires au droit de propriété

comportent tous les deux des contreparties.

Ils reposent tout d’abord sur une réglementation précise qui indique les cas dans

lesquels ces procédés peuvent être employés. Ils s’inscrivent par ailleurs dans une

procédure légale offrant certaines garanties aux expropriés et aux requis et leur

offrant en particulier (contre partie principale de la cession forcée) une

indemnisation.

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Ces deux procédés de cession forcée se distinguent de simple privilèges

préférentiels comme par exemple le droit de préemption qui permettent dans

certains cas aux personnes publiques lorsqu’un particulier met son bien en vente

de se porter acquéreur en priorité.

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CHAPITRE UNIQUE : L’EXPROPRIATION POUR CAUSE D’UTILITE PUBLIQUE

Développements introductifs :

Définition : Une prérogative étatique permettant à la suite de l’initiative d’une

personne publique ou privée dans un but d’utilité public et moyennant le

respect de certaines garanties de procédure et de fonds de contraindre une

personne publique ou privée à céder la propriété d’un immeuble ou d’un

droit réel immobilier à une personne publique ou privée.

L’histoire de l’expropriation :

- Les origines de l’expropriation sont très anciennes et on retrouve en effet dans le

droit romain certaines formes lointaines d’expropriation.

- On retrouve également trace de cette technique sous l’ancien régime et en particulier le droit seigneuriale reconnaissait la possibilité aux seigneurs de s’emparer des immeubles de leurs sujets pour des raisons d’ordre militaire (Ex : la construction d’une forteresse). Par ailleurs, de nombreuses coutumes leur donnaient également la possibilité de contraindre leurs sujets, à leur céder leur terre pour la réalisation de certains projets comme l’établissement de moulins ou de chemins.

Dans tous les cas ces cessions forcées supposaient des contres parties et des

dédommagements.

Les autorités municipales une fois émancipées de la tutelle seigneuriale ont par la

suite revendiqué les mêmes prérogatives.

- Enfin, il fut peu à peu admis que le monarque disposait sur les biens des

particuliers d’un droit imminent lui permettant notamment de s’en emparer pour

satisfaire le bien commun.

Les jurisconsultes de l’époque tout en acceptant l’exercice d’un tel droit ont insisté

sur les conditions de son application.

En particulier, selon eux ce droit ne peut être mis en œuvre par le monarque selon

son caprice mais seulement s’il y a pour les uns « nécessité publique» et pour les

autres, «utilité publique».

La période révolutionnaire a vu la reconnaissance du caractère fondamental du

droit d

Ex : Article 17 de la DDHC « droit inviolable et sacré » sauf expropriation pour cause

d’utilité publique (3 conditions) :

- La nécessite publique doit l’exiger. Parmi les formules utilisées par les

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jurisconsuls, les rédacteurs ont retenu la plus restrictive. La protection de la

propriété privée ne doit pas être simplement utile elle doit être

véritablement nécessaire.

- La nécessité publique doit être légalement constatée. Sous la période

révolutionnaire, le législateur votera ainsi tous les projets d’expropriation.

- Le propriétaire déposséder de son bien a le droit à une indemnité « juste et

préalable ». Sous la période révolutionnaire cette indemnité était évaluée par

l’administration elle-même sous l’autorité des directoires de département.

Sous le premier empire le droit d’expropriation va connaitre plusieurs évolutions

capitales.

En pratique, le recours au législateur n’est plus systématique pour décider de

chaque expropriation. On se contente la plupart du temps d’un acte administratif.

Le Code civil de 1804 reprend par ailleurs la formule de l’article 17 de la DDHC

mais en la modifiant un peu.

Article 545 du Code civil : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce

n’est pour cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ».

Cet article préfère à la nécessité publique (article 17 de la DDHC), la formule plus

souple d’utilité publique.

La partition de la procédure d’expropriation en 2 phases date de cette période :

- Phase administrative (recouvre l’ensemble des actes administratifs qui

concourent à la contestation de l’utilité publique de l’opération envisagée et à la

détermination des parcelles à exproprier – Cette phase est composée d’une

succession d’acte administratif).

- Phase judiciaire (intervention du JJ en matière de transfert de propriété et

d’indemnisation).

La loi du 8 mars 1810 (loi unique sur l’expropriation et applicable à toutes les

personnes publiques et à tous les travaux) : elle fonde la compétence du JJ pour

procéder au transfert de propriété des biens expropriés et en cas de litige pour

évaluer le montant de l’indemnité d’expropriation.

C’est ainsi en 1810 qu’est née l’une des particularités les plus remarquables de

notre procédure d’expropriation à savoir la distinction entre une phase

administrative et une phase judiciaire.

Le droit d’expropriation va connaitre par la suite un certain nombre

d’évolutions :

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- Devant l’encombrement et la lenteur des juridictions judiciaires et leur tendance à

fixer des indemnités trop favorables aux expropriés, les pouvoir publics ont modifié

les dispositions de la loi de 1810.

Une loi du 7 juillet 1833 confie la fixation de la valeur des biens expropriés

à un jury d’expropriation composé de propriétaire.

Les membres des jurys vont se comporter d’avantage en propriétaire qu’en

contribuable et vont se montrer guère économe des deniers publics.

Cette loi a aussi prévue une enquête préalable à la déclaration d’utilité

publique. Cette loi fut finalement abrogée et remplacée par un autre texte : une loi

du 3 mai 1841. Ce nouveau texte ne modifie pourtant que sur des points de détail

la loi du 1833. Ce nouveau texte maintien notamment le système du jury de

propriétaire.

Le droit de l’expropriation connaitre ensuite peu d’évolutions pendant 1

siècle.

Une réforme de la procédure d’expropriation découlera finalement du décret-

loi du 8 aout 1935 complété lui-même par un décret-loi du 30 octobre 1935.

Cette nouvelle réforme aboutira à la suppression des jurys de propriétaire et à leur

remplacement par des commissions arbitrales d’évaluation (présidée par un

magistrat et composée à parité de représentant des propriétaires et de

l’administration).

IVème république : Se confirme une évolution déjà entamé sous la IIIème

république. La JP étend de manière continue la notion d’utilité publique, notion

étendue de plus en plus largement.

D’autre part, le législateur a multiplié les régimes spéciaux d’expropriation

dérogeant à la procédure de droit commun.

On recensé ainsi 163 procédure d’expropriation distinctes à la fin de la IVème

république. L’enchevêtrement des procédures exceptionnelles avec la procédure de

droit commun posé de nombreux problèmes.

Vème république : Une nouvelle réforme du droit de l’expropriation voit le jour.

Elle résulte de l’ordonnance du 23 octobre 1958 portant réforme des règles

relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique. Ce nouveau texte se

caractérise pour l’essentiel par un double apport.

- La plupart des procédures spéciales d’expropriation apparues sous les III et IVème

républiques sont supprimées et il ne reste désormais à côté de la procédure de

droit commun que deux procédure spéciales : la procédure d’urgence et la

procédure d’extrême urgence.

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- Les commissions arbitrales sont supprimées et c’est désormais le JJ lui-même qui

fixe en l’absence d’accord amiable le montant des indemnités.

C’est un retour au principe Napoléonien que consacre cette ordonnance.

Elle fut modifiée par lui suite à plusieurs reprises par le législateur puis elle a

été complétée par de nombreux décrets.

Les dispositions de l’ordonnance de 1958 et les autres de textes de droit positif ont

été codifié et un Code de l’expropriation voit ainsi le jour en 1977.

Ce Code constitue aujourd’hui l’une des sources majeures de l’actuel droit de

l’expropriation.

Les sources du droit de l’expropriation : Le droit de l’expropriation se

caractérise par l’importance des sources écrites.

Cela ne signifie pas que la JP n’a aucun rôle en la matière, elle joue même un

rôle important car il appartient au JA d’apprécier si l’opération présente ou non un

caractère d’utilité publique grâce à des techniques.

En droit de l’expropriation, les sources écrites sont essentielles car l’opération

d’expropriation se caractérise par l’atteinte à un droit fondamental qu’est le

droit de propriété. Les pouvoirs publics ont par conséquent entendu régir

dans les moindre détails le déroulement de la procédure d’expropriation afin

d’apporter un certain nombre de garanties au propriétaire exproprié.

Outre les sources législatives et réglementaires, deux catégories de source écrite

prennent une dimension particulière en droit de l’expropriation :

- Les sources constitutionnelles : Les normes constitutionnelles contiennent un

certain nombre de règles de fonds concernant la procédure d’expropriation.

Ex : Article 2 de la CEDH qui range la propriété parmi les droits naturels et

imprescriptible de l’homme.

Article 17 qui limite et encadre les atteintes portées au droit de propriété. Cet

article a même été élaboré à l’origine pour préciser dans quelles conditions

l’expropriation pouvait porter atteinte au droit de propriété mais elle sert aussi à

limiter d’autres types d’atteinte au droit de propriété auxquelles on ne pensait pas

nécessairement en 1789 comme les nationalisations.

Il existe aussi des règles constitutionnelles de compétence qui touchent au droit de

l’expropriation.

L’article 34 de la Constitution détermine la répartition des compétences entre la

loi et le règlement. Al. 3 – 5 : « La loi détermine les principes fondamentaux du

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régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ». En

vertu d’une telle disposition le législateur doit intervenir dès lors que les principes

fondamentaux du droit de propriété sont en cause.

A contrario, l’autorité réglementaire sera compétente lorsque ces mêmes principes

ne seront plus en question.

Ex : Font partis de ces principes fondamentaux et relèvent en conséquence de la

compétence législative les dispositions donnant qualité à un magistrat de l’ordre

judiciaire pour prononcer par voie d’ordonnance le transfert de la propriété des

immeubles expropriés – CC du 9 février 1965.

Sont en revanche étrangères aux principes fondamentaux et relèvent donc de la

compétence réglementaire les dispositions désignant l’organisme dont l’avis doit être

recueilli préalablement à certaines expropriations : CC, 27 février 1969.

- Les sources conventionnelles et notamment la CEDH: Aucun article de cette

convention ne fait portant expressément référence au droit de propriété. Malgré

cette lacune apparente, deux dispositions dont une seule est contenue dans la

convention elle-même trouvent à s’appliquer.

L’article 1er du premier protocole additionnel à la CEDH protège le droit

au respect des biens.

Al. 1er : « Toutes personnes physique ou morale a droit au respect de ses biens et nul

ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les

conditions prévues par la loi et les PGD du droit IN ».

3 grandes séries de conditions se dégagent de cette disposition :

-L’expropriation doit être justifiée par l’utilité publique.

-Elle doit aussi avoir lieu dans des conditions prévues par la loi (elle doit être

effectué conformément aux règles de droit interne qui doivent elles-mêmes se

conformer aux stipulations de la CEDH).

-Cette opération doit enfin respecter les PGD du droit IN. Ces derniers imposent

notamment que l’indemnisation soit prompte, adéquate et effective.

Cette dernière condition est d’application restrictive dans la mesure où le plus

souvent seuls les étrangers peuvent évoquer ces PGD du droit IN qui ne

s’appliquent pas en principe aux nationaux.

La Cour EDH a considéré que cette troisième condition ne s’appliquait donc qu’aux

ressortissants étrangers.

Pour terminer, la Cour EDH a pourtant ajouter de manière prétorienne une 4ème

condition – Cour EDH, 8 juillet 1986 – Lithgow et autres.

Cette condition supplémentaire permet d’offrir un droit à indemnité au profit de

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tout ressortissant.

Depuis la fin des années 1990 quelques arrêts de la Cour EDH ont condamné la

France pour violation de l’article 1er du 1er protocole lors de la procédure

d’expropriation.

Si la convention ne comprend aucune disposition spécifique au droit de

propriété son article 6 paragraphe 1er consacre un droit à une protection

juridictionnelle effective dont la méconnaissance est souvent invoqué en matière

d’expropriation.

Cet article pose le droit à un procès équitable.

En la matière, pendant longtemps les juridictions françaises ont considérées

que la procédure d’expropriation respectait cet article.

La Cour EDH n’a pas été d’accord. En effet, dans certaines affaires la France a été

condamné pour méconnaissance de l’article 6 § 1 à l’occasion d’une procédure

d’expropriation.

Ex : Condamnation de la France pour le rôle joué par le commissaire de GVT dans la

procédure de fixation des indemnités.

CEDH, 24 avril 2003, Yvon c/ France.

Selon la Cour la position par le commissaire entraine pour l’expropriée une

situation de déséquilibre incompatible avec le principe de légalité des armes

découlant lui-même de l’article 6 §1.

La France est condamnée et doit donc en tirer les conséquences. 2 ans plus tard les

pouvoirs publics sont intervenus pour mettre en adéquation le droit français pour

expropriation avec les exigences de la convention.

Décret du 13 mai 2005 : il impose au commissaire du GVT de respect le principe

du contradictoire et de notifier ses conclusions aux parties.

En vertu du texte ces conclusions doivent par ailleurs contenir des indications

suffisantes sur les raisons ayant justifié la mise à l’écart de certains chefs

d’indemnisation.

Suite à l’intervention des pouvoirs publics le CE a eu l’occasion de se prononcer sur

la légalité de ce nouveau dispositif avec l’article 6 § 1 de la Convention et le principe

de l’égalité des armes. Il en a conclu a une absence de compatibilité.

CE, 3 septembre 2007, Association de sauvegarde du droit de propriété.

3ème civ, 9 avril 2008 : conforme avec la convention.

Paragraphe 1 : Le cadre juridique de l’opération d’expropriation

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Le droit encadre avec rigueur et précision l’opération d’expropriation. Ilo en va ainsi notamment des biens susceptibles d’être expropriés et des acteurs de la procédure d’expropriation. Elle est conditionnée cette opération par son utilité publique qui joue un rôle essentiel.

A) Les biens susceptibles d’être expropriés

2 grandes catégories de bien selon les textes :

Les immeubles : Les biens immeubles peuvent en principe faire l’objet d’une expro.

Il faut distinguer les hypothèses et les situations :

- L’expropriation peut concerner les immeubles appartenant aux personnes privés. Dans cette hypothèse l’opération ne pose aucune difficulté particulière.

Seule la question de savoir si les immeubles par destination peuvent être expropriés pose un problème. La JP est un peu plus incertaine.

- Les immeubles appartenant à des personnes publiques. Ici il faut distinguer deux hypothèses :

Les immeubles appartenant au domaine privé d’une personne publique peuvent faire l’objet d’une opération d’expropriation.

En revanche, il n’est pas possible d’exproprier des immeubles appartenant au domaine public.

Cette règle découle du principe d’inaliénabilité du domaine publique. Cette règle est ancienne dans la JP du CE.

CE, 21 novembre 1884, Conseil de fabrique de l’Eglise St Nicolas des champs.

Ce même principe est affirmé depuis longtemps par la Cour de cassation.

Civ, 21 décembre 1897, chemin de fer d’Orléans et Etat c/ ville de Paris.

Si le principe est clair, les effets pratiques de cette règle sont souvent limités.

Ex : Si un bien appartenant à une personne publique autre que l’Etat est inclus dans le périmètre d’une déclaration d’utilité publique au profit de l’E ou d’une autre personne publique le juge pourra faire jouer dans ce cas la théorie des mutations domaniales.

Rappel : En vertu de cette théorie les dépendances domaniales sont grevées d’une

servitude d’intérêt G au profit de l’Etat. Par conséquent il peut unilatéralement en

changer l’affectation.

Donc, si une CP s’oppose à la réalisation sur une dépendance de son domaine

public d’un projet voulu par l’E, ce dernier pourra toujours modifier l’affectation de

la dépendance concerné afin de réaliser ou d’autoriser la réalisation du projet.

Dans ce cas précis il n’y a pas d’expropriation mais changement d’affectation.

Les droits réels immobiliers : Tout comme les immeubles, les droits réels

immobiliers peuvent être expropriés et sont notamment en cause ici le droit

d’usufruit, les droits d’usage et d’habitation, le droit d’emphytéose ou encore les

différentes servitudes prévues par le Cciv aux articles 637 et s. du Cciv.

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Le champ d’application de cette opération est bien limité par L 11-1 du Code

d’expropriation car en vertu de cette disposition seuls deux catégories de biens

peuvent être expropriés.

En conséquent, les biens n’appartenant pas à l’une de ces deux catégories ne

peuvent pas faire l’objet d’une expropriation.

Ex : Les biens meubles sont en principe insusceptibles d’être expropriés. La cession forcée de bien meuble s’effectue uniquement à travers des procédés tels que la réquisition ou la nationalisation.

La loi aménage pourtant certaines exceptions à ce principe. Dans quelques hypothèses certains biens meubles peuvent faire l’objet d’une expropriation. Il en va ainsi de certains meubles incorporels comme les inventions intéressant la défense nationale qu’elles soient ou non brevetées.

A) Les acteurs de la procédure d’expropriation

1- L’exproprié

On entend par exproprié tout propriétaire (public ou privé) d’un bien immeuble ou d’un droit réel immobilier faisant l’objet d’une expropriation.

La catégorie des personnes « expropriables » est large car il peut s’agir de toutes les personnes privées (personne physique ou personne morale de droit privé) ou de toutes les personnes publiques.

Limite : L’expropriation ne peut cependant porter sur le domaine public des

personnes publiques.

Ex : CE, S, 3 décembre 1793 : Ville de Paris c/ Parent et autres : Le CE d’E rappel

que le domaine public de l’E ne peut être exproprié sans déclassement préalable dès

lors que cette opération a pour conséquent de le faire entrer dans les dépendances

domaniales d’une CP autre que l’E.

2- L’expropriant

La qualité à laquelle est attaché le pouvoir de prendre l’initiative de la

procédure d’expropriation.

Une mise au point importante à ce stade pour éviter toute confusion : La qualité

d’expropriant ne doit en aucun cas être confondue avec celle de titulaire du

droit d’exproprié.

Le titulaire du droit d’exproprié étant la personne en charge de la procédure

d’expropriation.

A partir de là, il faut distinguer 2 catégories d’acteur de la procédure d’expro. :

Le titulaire du pouvoir d’exproprié : Seul l’Etat est titulaire du pouvoir

d’exproprié. Cela signifie que toute procédure d’expro. Est ainsi place sous l’autorité

et le contrôle de l’E et des services étatiques et ceux quel que soit la CP ou la

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personne privé expropriante et quel que soit les bénéficiaires de l’expro.

Cette règle emporte des conséquences importantes sur le plan juridique :

C’est l’E qui sera juridiquement responsable en cas de retard ou d’erreur dans

la conduite de la phase administrative de l’expro.

Sa responsabilité pourra donc naturellement être mise en jeu devant le JA y

compris par la personne publique à l’origine de la procédure qui peut se

plaindre d’un retard.

Ce rôle de l’E trouve sa traduction dans le fait que tous les actes

important de la phase adm. de l’expro. relèvent de la compétence des

autorités étatiques.

Ex : L’ouverture de l’enquête publique est opérée ainsi par arrêté préfectoral.

Ce point a son importance historiquement. Contrairement à ce qui avait été

envisagé en 1981 (au début du processus de décentralisation) le pouvoir

d’expropriation n’a jamais été décentralisé, il est l’apanage exclusif de l’E.

Ce pouvoir de l’E se traduit par ailleurs par un contrôle de légalité et

d’opportunité et un contrôle qui est exercé lors des différentes étapes de la

phase administrative de la procédure d’expro.

Les autorités étatiques ont toujours le droit de refuser de prendre les

actes administratifs nécessaires à la réalisation d’une expro. Chacun de ces

refus bloque la procédure qui ne peut pas aller à son terme : pouvoir de

« censure » à tout moment de la phase adm.

Ex : Refus du préfet de prendre l’arrêté ouvrant l’enquête public.

Chaque refus peut fait l’objet d’un recours devant le JA (contrôle restreint car

c’est la manifestation d’un pouvoir discrétionnaire du préfet).

En apparence il y un pouvoir important dévolu aux autorités administrative qui

peuvent empêcher le processus d’aller à son terme mais il faut nuancer car en

pratique ce contrôle exercé par les autorités étatiques est d’une faible

d’effectivité (DROIT # FAITS). Très souvent les autorités de l’E se borne de

valider les décisions prisent par l’initiateur de l’expropriation.

Les initiateurs de l’opération d’expropriation : Il s’agit là des véritables

expropriants.

Un constat : la liste des expropriants n’a cessé de s’allonger au fil du temps.

Naturellement furent d’abord concerné l’E et les CT dans un premier temps puis

les établissements publics dans un second temps. Pour ces derniers l’état du

droit à évolué car ils ne pouvaient initialement avoir directement recours à

l’expropriation sauf naturellement lorsqu’un texte spécial accordé directement à

un établissement public le pouvoir d’exproprié.

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Le CE va finalement reconnaitre de manière G aux établissements publics la

qualité de recourir en leur qualité de personne morale de droit public à l’expro.

Arrêt de principe : CE, A, 17 mars 1972 : Ministre de la santé publique et de

la sécurité publique c/ Sieur Levesque.

Finalement, la seule qualité de personne morale de droit public suffit avec

ces évolutions pour appartenir à la catégorie des expropriants.

On peut penser que la même solution pourrait être étendue aux personnes

publiques sui generis même si la JP n’a pas encore pris nettement position en

ce sens.

La catégorie des expropriants s’étend également à certaines personnes

privées.

Cette évolution est ancienne. Depuis longtemps des textes spéciaux ont attribués

à telle ou telle catégorie de personne privé la qualité d’expropriant.

Etait iniatialement concerné les personnes privées concessionnaires de la

puissance publique.

Ex : les concessionnaires de mine (article 44 de la loi du 21 avril 1810) / les

concessionnaire de travaux public (article 56 du décret-loi du 8 aout 1935).

Les textes ont peu à peu intégrer telle ou telle catégorie de personne privé

dans la catégorie des expropriants. Mais il avait l’exigence d’un rattachement

à un texte.

Mais la JP a finalement admis que les personnes privées gérant un SP

pouvaient également être à l’origine d’une procédure d’expro.

CE, 17 janvier 1973 : Ancelle et autres Dans cet arrêt le CE reconnait la qualité

d’expropriant aux caisses de sécurité sociale mais sans se fonder sur une

disposition législative expresse. La simple poursuite d’une mission de SP est

suffisante aux yeux du juge.

1- Les bénéficiaires de l’expropriation :

La catégorie des bénéficiaires et encore plus large que celle des expropriants.

Elle comprend en effet non seulement l’ensemble des personnes publiques ou privées pouvant initier la procédure d’expro. mais elle s’étend même au-delà de ce premier cercle.

Dans beaucoup de cas l’expropriant et aussi le bénéficiaire de l’expropriation.

Il arrive en effet que l’expropriant exproprie pour le compte d’une

personne publique ou privée n’ayant pas la qualité d’expropriant. Dans ce

cas l’opération d’expro. est alors destinée à faire entrer le bien en question dans

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le patrimoine d’une autre personne.

En dehors des expropriants déjà cités peuvent ainsi bénéficier d’une

opération d’expro.

- Les personnes privées : les personnes privées auxquelles les textes n’ont pas

conféré la qualité d’expropriant ou qui ne gère pas un SP (arrêt Ancelle) ne

peuvent initier directement une procédure d’expro.

Une personne publique ou privée ayant la qualité d’expropriant pourra

poursuivre une opération d’expro. à leur profit.

Cette possibilité a été ouverte par CE, Etablissement Vezia, 20 décembre 1935.

Depuis cet arrêt de principe la JP considère depuis qu’une expro. réalisée au

profit d’une personne privée n’est pas entachées d’illégalité dès lors que

l’utilisation future du bien sera opéré dans un but d’utilité public.

Le CE a admis à plusieurs reprises la possibilité pour l’administration

d’exproprier au profit notamment d’entreprises privées gérant une mission

d’intérêt G.

Ex : CE, 14 janvier 1955, GISSNGER / des locaux destinées à des syndicats

professionnels.

Certains textes ont par ailleurs admis que quelques personnes privées pouvaient

bénéficier d’une opération d’expropriation.

Ex : L 621-21 du Code du patrimoine concernant la possibilité pour l’E

d’exproprier les monuments historiques dont la conservation est compromise par

l’inexécution de travaux de réparation ou d’entretien.

- Sont également concernées les E étrangers et les organisations

internationales : En vertu de la JP du CE, les E étrangers et les OI peuvent dans

certaines conditions être bénéficiaire d’une opération d’expropriation.

Cette solution a d’abord été admise par le CE à propos des OI et elle a par la suite

été étendue aux Etats étrangers dès lors que l’opération d’expropriation en

question se situe dans le cadre des échanges économiques IN.

Ex : Est justifié l’usage de l’expropriation pour l’installation à Paris du siège d’une

OI : CE, 28 juiller1967, Société Oribus.

L’installation d’une ligne électrique vers L’Italie - CE, 3 février 1871, Association

pour la sauvegarde des sites Corses.

A) La notion d’utilité publique

Une opération d’expro. Ne peut être réalisé que dans un but d’utilité publique. C’est

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donc le seul but légitime d’une opération d’expro.

Alors que l’article 17 de la DDHC évoquait la nécessité publique, le Cciv de 1804

et la législation postérieure ont utilisé la notion plus large d’utilité publique.

Durant tout le 19ème s. la notion d’utilité publique était entendue de façon restrictive.

Il n’y avait utilité publique et donc possibilité d’exproprier que lorsque la cession

forcée avait pour but soit la constitution du domaine public, soit la construction

d’ouvrages publics.

Cette conception initiale restrictive a évolué à partir de la fin du 19ème s. – double

extention :

Une extension législative : de multiples loi à partir de là autorisent le

recours à l’expropriation dans des domaines très divers ce témoigne déjà d’une

conception de plus en plus large de la notion d’utilité publique.

Ex : Pour assurer la conservation et le reboisement des forêts, pour des raisons

d’hygiène ou d’esthétique…

Une extension jurisprudentielle : Elle est postérieure, au cours du 20ème s.

la JP du CE va donner à la notion d’utilité publique des contours plus large en

l’assimilant largement en pratique à la notion d’intérêt G.

La JP du début du 20ème s. manifeste cette tendance à l’élargissement et la JA

va avoir tendance ² considérer comme licite une opération d’expro. dès

lors que « l’opération projetée présente un intérêt G ».

Ex : CE, 10 aout 1923, Giros pour l’agrandissement d’une colonie de vacances.

CE, 29 juillet 1932, ROCH pour la construction d’une salle des fêtes.

Le CE a par ailleurs développé certaines techniques de jugement afin d

‘assurer un contrôle plus précis, plus rigoureux des opérations de

l’utilité publique des opérations d’expro.

L’élargissement de la notion d’utilité publique va aujourd’hui de pair avec

l’intensification de son contrôle.

Le CE indique que le contrôle de la notion d’utilité publique n’est plus exercée

comme avant in abstracto mais in concreto en tenant compte des avantages et

des inconvénients de l’opération d’expro.

Concrètement, désormais, une opération d’expro ne peut être légalement

déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le cout

financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte

ne sont pas excessif eu égard à l’intérêt qu’elle présente.

Il y a une balance entre les avantages et les inconvénients de l’opération, son

utilité et son désutilité. Ce contrôle très poussé prend la forme d’un bilan cout

avantage.

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Si le bilan pense du côté des inconvénients, l’arrêté portant DUP sera annulé

par le juge - CE, A, 28 mai 1971, Ville nouvelle Est.

Depuis 1971 on dispose d’un recul et on constate que les annulations

prononcées par le JA ont été relativement peu nombreuses depuis et elles ont

surtout concerné des projets d’ampleur limité.

Ex : Pour la réalisation d’une opération touristique dans un site inscrit

impliquant une atteinte grave à l’environnement.

Le faible nombre d’annulation prononcé ne remet pas en cause pourtant

l’efficacité de cette technique de jugement inauguré par le CE en 1971 dans le

cadre du contrôle des DUP.

Paragraphe 2 : Le déroulement de la procédure d’expropriation Cette procédure est minutieusement réglementée par les textes et elle se caractérise depuis 1810 par la distinction entre la phase administrative d’une part et la phase judiciaire d’autre part.

L’opération d’expro. ne se limite pas en effet à une succession d’actes administratifs comme la DUP ou encore l’arrêté de cessibilité. C’est cela mais pas seulement. Cette opération implique aussi l’intervention du JJ à qui il appartiendra de prononcer le transfert de propriété et d’évaluer la valeur des biens expropriés.

Cette intervention du JJ qui remonte à 1810 est traditionnellement perçue comme une garantie qui trouve son fondement dans les normes constitutionnelles et à ce sujet, on peut indiquer que le CC a consacré le 25 juillet 1989 un PFRLR en vertu duquel le JJ est le gardien de la propriété privée immobilière.

Néanmoins, cette séparation en deux phases est également parfois perçue comme une source de lenteur et de complication. L’intervention du JJ est d’ailleurs aujourd’hui moins justifiée pour certains auteurs. Certains voudraient une réforme de notre procédure d’expropriation et que le transfert de propriété soit directement confié à l’autorité administrative sous le contrôle du juge comme cela se fait en Allemagne et en GB.

Une autre option qui a les faveurs de Chaput consisterait à attribuer le droit de prononcer le transfert de propriété au JA.

Malgré ces revendications doctrinales la division reste maintenue.

Remarque : Cette partition en 2 phases n’implique pas nécessairement une chronologie parfaite entre ces deux phases. En effet, il n’est pas aujourd’hui nécessaire que la phase administrative soit totalement terminée pour que soit mise en route la phase judiciaire aboutissant à la fixation de l’indemnité.

D’ailleurs, souvent dans les faits un souci de gain de temps aboutit à un chevauchement partiel des deux phases.

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Un tel chevauchement n’est pas nécessairement problématique en soit mais il peut parfois aboutir à des difficultés notamment en cas d’annulation de la DUP par le JA postérieurement à l’ouverture de la phase judiciaire.

Dans une telle situation plusieurs hypothèses sont à envisager :

- A la suite d’une telle annulation, l’administration ne peut poursuivre la procédure au risque de voir constater la nullité des actes subséquent.

- Le problème apparait cependant lorsque l’annulation de la DUP intervient après que le JJ ait rendu l’ordonnance d’expropriation qui emporte elle-même transfert de propriété.

2 situations possibles :

Si l’ordonnance d’expropriation n’est pas définitive un pourvoi en cassation contre cette ordonnance sera possible et la Ccass annulera alors cette ordonnance.

Le problème est en revanche plus complexe lorsque l’ordonnance d’expropriation est devenue définitive c’est à dire, lorsqu’elle n’a pas été attaqué dans les délais où lorsqu’elle a été confirmé par le juge.

Dans cette situation précise le droit à évoluer. Devant une telle difficulté, la JP a d’abord considéré que l’ordonnance d’expropriation étant devenue définitive il n’était pas possible de revenir sur le transfert de propriété. Cette solution pouvait paraitre choquante dans la mesure où le transfert procédera alors finalement d’une expro. Irrégulière.

Le législateur est alors intervenu par une loi du 2 février 1995 dont l’article 4 a ajouté un alinéa 2 à l’article L 12-5 du Code de l’expropriation : « En cas d’annulation par une décision définitive du JA de la déclaration d’utilité publique ou de l’arrêté de cessibilité tout expropriée peut faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transfert de propriété est dépourvu de bases légales ».

Cette disposition a pour conséquent de priver rétroactivement de tout effet à l’égard de l’exproprié l’ordonnance d’expropriation.

Dans ce cas, le transfert de propriété étant rétroactivement anéantit l’exproprié demandeur est réputé n’avoir jamais cessé d’être propriétaire.

Le dispositif mis en place par le législateur en 1995 suppose tout de même une initiative de la part de l’exproprié ce qui signifie qu’en cas d’inaction de celui-ci les effets de l’ordonnance d’expropriation perdureront. Le dispositif ne pouvant être mis en œuvre d’office.

A) La phase administrative

Cette appellation s’explique par l’intervention au début de la procédure d’expro. de différents actes administratifs :

L’arrêté ouvrant l’enquête préalable : il a pour but de réunir les informations pertinentes pour vérifier si l’opération est bien justifiée.

La DUP : elle atteste de l’intérêt G de l’opération et permet à celle-ci de s’effectuer en conséquence dans le respect des principes constitutionnels.

L’arrêté de cessibilité : La finalité réside dans l’identification de l’immeuble dont l’expropriation est poursuivie.

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Cette phase administrative correspond par ailleurs à ce que l’on appelle une opération complexe. Cela signifie que tous ces actes forment un bloc (ils sont liés entre eux) pouvant être contesté au contentieux.

Ex : Une irrégularité affectant la DUP même non attaqué dans les délais de recours contentieux peut être invoqué à l’appui d’un recours contre l’arrêté de cessibilité.

La procédure d’expropriation débute avec la demande de l’exproprié. Celui-ci exprime son intention de réaliser une opération déterminée en ayant recours à une expropriation. Il demande en conséquent au préfet (en tant que représentant de l’E) de déclencher la procédure correspondante.

Cette demande initiale passe par la constitution d’un dossier qui est obligatoire et donc le contenu peut varier suivant la nature de l’opération envisagée : R 11-3 du Code de l’expro.

Ce dossier doit permettre à l’expropriant de présenter son projet et de mettre en avant les principales justifications de son choix.

C’est cette demande initiale qui va véritablement ouvrir la procédure d’expro.

Cette procédure d’expro. s’articule elle-même autour de 3 grandes étapes : L’enquête préalable : c’est une phase de consultation portant sur l’utilité publique de l’opération. Cette enquête préalable est une procédure assez lourde destinée à recueillir un maximum d’avis sur le projet envisagé d’où sa longueur et sa lourdeur. Il faut distinguer deux types d’enquêtes : l’enquête de droit commun et l’enquête spécifique dite démocratisée. L’initiative d’ouvrir l’enquête préalable appartient au préfet du département une fois qu’il a apprécié la légalité et l’opportunité de la décision d’expropriation. Le refus d’ouvrir cette enquête préalable peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (contrôle restreint du juge) mais la décision d’ouvrir l’enquête préalable est un acte préparatoire insusceptible d’un REP. Le déroulement de l’enquête préalable suit différentes étapes : L’enquête de droit commun est régit par R 11-4 et s. du Code de l’expropriation. Cette enquête est menée soit par un commissaire enquêteur soit par une commission d’enquête (pour les projets les plus importants). Le public est informé de son côté par voie d’affichage et par la presse dans les communes concernées. En vertu des textes l’enquête doit durer au moins 15 jours et doit permettre de recueillir sur un registre les observations et les éventuelles suggestions émises par les acteurs et personnes concernées. A l’issus de cette phase de consultation le commissaire ou la commission remettent au préfet dans un délai d’un mois des conclusions motivées assorties d’un avis favorable ou non. Cette étape est essentielle dans la procédure d’expropriation. Cependant, dans certains cas très particuliers il y a néanmoins dispense d’enquête.

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Ex : Pour les opérations secrètes intéressant la défense nationale – R 11-3 du Code de l’expropriation. L’adoption de la DUP : Cette étape constitue la constation officielle de l’existence d’une utilité publique en l’absence de laquelle l’opération d’expropriation n’aurait aucune légalité. Telle est bien le but de la DUP : attester de l’utilité de l’expro. Seules trois autorités sont compétentes pour adopter une DUP : le 1er ministre, le ministre ou le préfet selon les hypothèses. R 11-2 du Code de l’expro. fixe la liste des opération déclarées d’utilité publique par décret en CE. Ex : Les travaux de création d’autoroute. Dans les autres hypothèses l’UP est déclaré en vertu de l’article R 11-1 soit par arrêté du préfet du lieu des immeubles faisant l’objet de l’opération lorsque l’opération en question se situe sur le territoire d’un seul département / soit par arrêté conjoint des préfets intéressés lorsque l’opération concerne des immeubles situés sur le territoire de plusieurs départements / soit enfin par arrêté du ministre responsable du projet pour les opérations poursuivies en bu de l’installation … ? (voir l’article). La DUP doit être signée dans un délai d’un an suivant la clôture de l’enquête préalable. 18 mois si un décret en CE est prévue : L 11-5 I du Code de l’expro.

En cas d’irrespect de ce délai, l’enquête est réputée caduque et il faut en recommencer une. Cette DUP doit par ailleurs indiquer le périmètre des terrains à exproprier et éventuellement les prescriptions particulières destinées notamment à réduire ou compenser les conséquences de ces aménagements pour l’environnement. Cette DUP apparait finalement comme un acte de nature particulière qui est en quelque sorte ni individuelle, ni véritablement réglementaire. Il s’agit par ailleurs d’un acte non créateur de droit. Cette DUP a une fonction déterminée, elle a pour effet de rendre possible l’opération d’expropriation, elle doit d’ailleurs préciser le délai dans lequel l’opération d’expropriation devra être réalisée. Le délai en question ne peut être supérieur à 5 ans mais le délai peut cependant être porté à 10 ans pour les opérations prévues par les plans d’urbanisme. Au terme de ce délai, la DUP devient caduque.

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L’autorité administrative est par ailleurs tenue d’effectuer les travaux en conformité avec ceux prévus par la DUP. La DUP lie l’autorité administrative. La détermination des biens à exproprier : Cette détermination passe en premier lieu par l’organisation d’une enquête parcellaire. Cette enquête doit permettre de déterminer précisément l’assiette des biens à exproprier, les propriétaires et leurs éventuels ayants droit. A l’issu de cette enquête parcellaire un procès-verbal est dressé par le commissaire ou la commission. Le préfet pourra alors prendre sur ce fondement l’arrêté de cessibilité. Cet arrêté de cessibilité est l’acte par lequel sont identifiées les propriétés pour lesquelles l’expropriation est poursuivie. Cette arrêté est pris en principe par le préfet et il comprend toutes les précisions nécessaires à l’accomplissement de l’expropriation. D’ailleurs, il constitue une décision individuelle qui sera notifiée au destinataire.

A) La phase judiciaire

Cette phase se traduit par deux actes majeurs : L‘ordonnance d’expropriation portant transfert de propriété : Le jugement fixant le montant de l’indemnité due en l’absence d’accord préalable :

Ces deux phases sont adoptées par un JJ spécialisé qui est le juge de l’expropriation.

Les actes majeurs de la phase judicaire n’entre pas dans la compétence judiciaire de droit commun mais dans celle d’une juridiction judiciaire spécialisée qu’est la juridiction de l’expropriation.

Il s’agit là finalement d’une organisation particulière qui résulte de l’ordonnance du 23 octobre 1958 qui traduit elle-même le souci de mettre en place un corps particulier de magistrat ayant une connaissance précise du marché foncier.

Il en résulte une organisation spécifique :

- Il existe dans chaque département au moins un juge de l’expropriation qui siège auprès du TGI du chef-lieu de département.

- Il existe ensuite au niveau de la CA une chambre d’expropriation.

- Enfin, existe au niveau de la Ccass une chambre spécialisée en matière d’expropriation. Il s’agit de la 3ème chambre civile de la Ccass.

Le juge de l’expropriation sera donc à l’origine des deux actes majeurs de la phase judiciaire. Il va tout d’abord par une ordonnance dite d’expropriation procéder au transfert de propriété.

Les prérogatives du juge de l’expropriation sont ici relativement limitées. Celui-ci se borne à constater l’existence des différentes opérations administratives préalables. IL ne peut en revanche ni en contrôler la légalité, ni l’opportunité.

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Cette même ordonnance emporte par ailleurs transfert immédiat de propriété et elle éteint notamment les DR et DP sur l’immeuble qui deviennent de simples droits à indemnité.

L’expropriant peut par ailleurs prendre possession de l’immeuble à la condition toutefois que l’exproprié ait bien été préalablement indemnisé. Dans le cas contraire il dispose d’un droit de rétention s’il n’a pas perçu son indemnité.

L’ordonnance peut par ailleurs faire l’objet d’un recours en cassation dans les 15 jours suivant sa notification.

Le pourvoi en question n’est pas suspensif.

Le juge de l’expropriation va fixer le montant de l’indemnité due aux personnes exproprié à défaut d’accord amiable et par jugement.

La fixation de l’indemnité suppose une appréciation préalable de la valeur du bien qui doit se faire à la date du jugement.

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Partie III. Les travaux publics Les travaux par lesquels l’administration est amenée à construire et entretenir ses biens sont de 2 types : - il peut s’agir d’abord de travaux privés, qui seront finalement analogues à ceux effectués par n’importe quel propriétaire sur ses biens ;

- mais il peut s’agir aussi de travaux publics.

Cette distinction a une véritable signification. On peut dire que les travaux publics apparaissent comme ceux ayant un caractère accentué d’intérêt public. Ce sont donc des travaux qui jouent un rôle important dans la mission d’IG ou d’un service public dont l’administration a la charge. Les autres travaux sont identiques à ceux qu’une personne privée réaliserait pour elle-même.

Cette différence de travaux appelle un certain nombre de conséquences juridiques, en premier lieu dans les exécutions, ‘administratif dispose d’un certain nombre de privilèges. En sens inverse, les particuliers peuvent être soumis à certaines oblig du fait de ces travaux publics.

Cette distinction entre les différents travaux connaît d’ailleurs certaines applications pratiques : La distinction est à l’origine d’une distinction des régimes juridiques et contentieux. - Les travaux publics déclenchent l’application des règles du droit public ainsi que la comp du juge administratif ;

- Les travaux privés induisent l’application des règles de droit privé ainsi que la comp du juge judiciaire.

Cette théorie des trav publics revête par ailleurs une grande importance dans l’histoire de la formation du droit administratif. En effet, alors que la plupart des branches de droit administratif se sont singularisées relativement tard, la notion de trav public est ancienne et a très tôt fait l’objet d’une application spécifique. Loi du 28 pluviôse an VIII, institue un bloc de comp en la matière au profit du juge administratif. Cette particularité c’est par la suite retrouvée lorsque le juge administratif fut amène à dessiner les contours d’un régime spécifique à la matière. Au cours du XIX, s’appliquait très largement le principe de l’irresponsabilité de l’E. Alors que s’appliquait ce principe, les dommages donnaient lieu à réparation par exception. Ce régime de réparation faisait appel à l’idée de responsabilité sans faute. Elle présentait alors dès l’origine un caractère attractif qui permettra très tôt de mettre en exergue l’idée d’un droit administratif dérogatoire au DC.

Chapitre I. La notion de travail public

L’article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII évoque tour à tour les travaux et ouvrages publics. Ce texte fondateur attribue compétence au juge administratif, c'est-à-dire à l’époque aux conseils de préfectures, pour connaître des litiges concernant les trav et ouvrages publics. Cependant le texte en question est silencieux sur la définition des notions suivantes. Or, une telle définition est

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essentielle car elle déterminera, le juge compétent et la détermination d’un régime juridique spécifique, par l’application de règles dérogatoires.

La notion de trav public a finalement été en partie éclairée par la jurisprudence. Cette notion est en réalité double : elle désigne à la fois l’opération de construction, d’entretien, d’aménagement, mais aussi l’ouvrage qui est l’objet ou le support de ces travaux. Ces notions d’ouvrages et de travaux publics se recoupent assez largement notamment pour l’application des règles de responsabilité relatives au dommage de travaux publics. Pour autant, ces notions doivent être distinguées.

§ 1. La définition du travail public

C’est une notion ancienne qui a évolué au fil du temps et dans son contenu. Néanmoins, elle a été relativement stable jusqu’en 1955 et a par la liste connu une évolution. Elle a d’abord fait l’objet d’une définition classique, est considéré comme un travail public tout trav effectué sur un immeuble par l’administration ou pour son compte et sous son contrôle pour la satisfaction d’un IG. Ces premiers éléments de définition de la jurisprudence, furent repris et synthétisés par l’arrêt commune de Monségur du Conseil d'Etat, 1921, « les TP sont les travaux exécutés pour une personne publique dans un but d’utilité générale ».

Le travail public suppose d’abord un travail immobilier, ensuite, un trav effectué pour le compte d’une personne publique (et pour le Conseil d'Etat, ceci est le cas, si le trav porte sur une bien appartenant à une personne publique ou sur un ouvrage destiné à en devenir la propriété de la personne publique), enfin, un travail réalisé dans un but d’IG, c'est-à-dire que le travail doit être d’utilité publique ou d’intérêt général, ce qui dispenses de chercher si l’opération est en lien avec un SP. D’ailleurs, les travaux en question peuvent relever du domaine privé : Conseil d'Etat, 1949, Contamine.

Cette notion va par suite évoluer. A partir de 1955, la jurisprudence adopte une conception extensive de cette notion. Une nouvelle définition du trav public est posée par une décision du Tribunal des conflits 28 mars 1955, Effinieff : les travaux publics se sont les travaux exécutés par une personne publique dans le cadre d’une mission de SP. La jurisprudence postérieure va en tirer les conséquences et le Conseil d'Etat va admettre par la suite que les travaux réalisés pour le compte d’une personne privée puisse être qualifiés de TP dès lors qu’ils sont réalisés par une personne publique dans le cadre d’une mission de SP, Conseil d'Etat, 1956, Ministre de l’agriculture contre Grimouard.

Cependant la jurisprudence Monségur est toujours applicable, donc coexiste deux définitions de la notion de TP.

§ 2. La définition de l’ouvrage public

Pendant longtemps les notions de travail public et d’ouvrage public n’étaient pas nettement distinguées. Durant cette période de confusion, l’expression de travail public était assez équivoque, puisque utilisée dans 2 sens : un sens actif, en référence à la réalisation d’une opération précise mais ainsi dans un sens passif,

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par référence au résultat d’une opération (immeuble construit ou aménagé).

La jurisprudence et la doctrine ont par la suite contribué à déterminer certains éléments constants de la définition de l’ouvrage public. L’ouvrage public est ainsi définit comme un « ouvrage immobilier ayant fait l’objet d’un minimum d’aménagement pour répondre à une affectation d’IG et bénéficier d’un régime protecteur ».

Il convient de distinguer le travail de l’ouvrage qui est le résultat de ce travail. Les deux notion peut même parfois être dissociées, il existe en effet des TP sans ouvrage publics (les démolitions) à l’inverse, il existe des ouvrage publics sans travaux (bâtiment qui serait construit par des particuliers puis remis à l’administration).

Cette notion d’OP est restée pendant longtemps incertaine. Ex : la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, prévoit expressément que les ouvrages d’aéroport de paris affectés au service public demeurent des ouvrages publics. Il y a là une redondance montrant les incertitudes de la notion.

Mais la notion a fait l’objet d’éclaircissement récent émanant de la jurisprudence. Ces développements jurisprudentiels récent éclairent la notion d’OP tout en confirmant l’autonomie de cette notion vis à vis de cette de TP.

Tribunal des conflits, 12 avril 2010, ERDF contre Michel et Conseil d'Etat, 29 avril 2010, M. et Mme Belingaud :

La question était de savoir si les ouvrages détenus par EDF qui est un EPIC, perdaient ou non la qualité d’OP après la transformation de cette personne publique en société anonyme par la loi du 9 aout 2004 (restée silencieuse sur ce point). La question était de savoir si l’on devait considérer que l’appartenance à une personne publique constituait ou non l’un des critères conditionnant la qualité d’OP.

A cette question les deux juridictions ont répondu par la négative. Ils ont par la même écarté la propriété publique des éléments de définitions de l’OP.

Et le Conseil d'Etat est allé même plus loin puisqu’il y a proposé pour la 1ère fois une définition positive de l’OP : l’avis contentieux va proposer 3 conditions : - d’abord, l’ouvrage doit présenter un caractère immobilier, et non un caractère mobilier ; - ensuite, l’ouvrage en question doit résulter d’un aménagement c'est-à-dire d’un travail de l’homme ; - enfin, il droit être affecté à un service public.

Le Conseil d'Etat achève cette clarification en écartant la personnalité publique des éléments de définition. Cette définition vaut pour le Conseil d'Etat pr les immeubles des personnes publiques ou si l’immeuble appartient à une personne privée chargée d’une mission de SP.

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Chapitre 2. Le régime des travaux publics

La notion de travail public est à l’origine d’un régime juridique très marqué par des particularismes.

§ 1. Les modes d’exécution des travaux publics

L’administration dispose pour la réalisation de travaux publics d’un choix entre différents procédés des plus divers. Les collect publiques sont donc en principe libre du choix qu’elles font entre les différents modes d’exécution qui s’offrent à elle. Cela signifie qu’elles peuvent d’abord exécuter ces trav en régie ou faire appel à un entrepreneur avec lequel sera passé un contrat. Si elles choisissent le contrat elles peuvent opter pour l’un des procèdes contractuels utilisables ou encore déterminer avec précisions les stipulations du contrat.

Cette liberté doit cependant en pratique être nuancée, en raison des contraintes du droit interne et du droit de l’union. En effet, elles pèsent de plus en plus sur l’administration. Certains textes imposent parfois un mode déterminé ou règlementé de manière rigoureuse le type de contrat utilisé.

Les premiers procédés utilisés furent la régie, et le marché de travaux publics et la concession de travail public. Aujourd’hui complétés par de nouveaux procèdes.

A cette grande diversité correspond également une multitude de principes, de textes et de régimes juridiques applicables. Droit complexe, mais la matière conserve une certaine unité grâce au code des marchés publics et sou l’influence du droit de l’union qui impose les mêmes règles de publicité et de mise en concurrence. Malgré l’éclatement des principes ces différences contrats se caractérisent par un régime juridique relativement homogène quant au principes et règles applicables.

Application des principes fondamentaux de la commande publique des mêmes oblig qui s’imposent à l’entrepreneur et les mêmes sanctions, homogénéité au niv des droits pécuniaires de l’entrepreneur, des prérogatives de l’administration et des règles et principe régissant la fin des contrats.

Les modes d’exécution des trav publics sont quant à eux très divers. On a 3 modes classiques de réalisation des TP :

- La régie : pratique très ancienne se caractérise par une exécution du travail par l’administration elle-même à l’aide de ses propres agents, du personnel qu’elle emploie et des fournitures qu’elle se procure. Ce mode existe toujours mais il est moins utilisé, et notamment pour les travaux importants. Il arrive néanmoins que les communes aient recours à un tel procédé, ex : entretien et réfection de la voirie.

- Le marché de travaux publics : il s’agit d’un contrat par lequel un entrepreneur s’engage à exécuter un travail public pour le compte d’une personne publique moyennant un prix. On dit que le code des marchés publics participe aujourd'hui à la définition des TP et ces marchés sont d’après le code des contrats à titre onéreux par l’Etat, ses établissement publics administratifs, les collect territoire et leur groupement pour

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répondre à leur besoin en mati ère de travaux. Article 1 du code des MP. Ce sont des contrats administratifs par nature, par détermination de la loi ceci est posé dans la loi du 28 pluviôse et est confirmé par la loi murcef 2001.

- La concession de travaux publics : il s’agit d’un mode d’exécution du travail public par lequel l’administration charge une personne physique ou une personne morale de droit privé de la réalisation de ce travail en contrepartie d’une rémunération découlant des résultats de l’exploitation de l’OP ainsi édifié. A la différence de l’entrepreneur dans un marché de TP, le concessionnaire de travaux publics n’est pas rémunéré au moyen d’un prix mais à travers la possibilité d’exploiter l’ouvrage réalisé pendant un certain temps. La jurisprudence considérait ainsi que la qualification de concession impliquait que la rémunération du cocontractant concessionnaire soit substantiellement déterminée par les résultats de l’exploitation, en ce sens, Conseil d'Etat, 1996, préfet des bouches du Rhône contre commune de Landesc. Depuis une formule et une exigence similaire ont être intégrées dans la loi murcef.

§ 2. Les prérogatives de l’administration

Le régime juridique des TP se caractérise par un certain nombre de prérogatives dont dispose l’administration pour faire triompher l’IG sur les intérêts particuliers sous le contrôle du juge. Ces prero sont pour l’essentiel au nombre de 3 :

A. Les pouvoirs de l’administration contractante dans l’exécution des TP

En vertu des règles jurisprudentielles classiques, l’administration dispose pour tous les contrats administratifs d’un certain pouvoir d’interprétation dans l’exécution des contrats. Et c’est particulièrement marqué pour les contrats de TP du fait de l’intérêt général renforcé, lié d’une part, à l’exécution d’un TP et d’autre part, à la qualité de maitre d’ouvrage appartenant à l’administration. Ces prero administratives se manifestent à différents niveaux : - La pratique dite des ordres de service : sont des ordres délivrés par les agent technique de l’administration prescrivant à l’entrepreneur certaines modalités d’exécution du contrat. - Le pouvoir de direction et de contrôle dévolu à l’administration : la surveillance exercée sur les chantiers, le contrôle du déroulement des travaux ou encore exigence particulière quant au choix du personnel. - Le pouvoir de modification unilatéral : principe de mutabilité ; ce pouvoir offre à l’administration sous certaines conditions (pas possible de modifier les conditions fin du contrat) et moyennant certaines contrepartie (indemnisation) la possibilité d’imposer certains changement en cours d’exécution du contrat.

- Le pouvoir de résiliation et de sanction : l’administration dispose d’un pouvoir de résilier le contrat pour un motif d’IG. Enfin, recours à différentes sanction, il peut s’agir de sanctions pécuniaires (pénalités, DI forfaitaire), il peut aussi s’agir de sanctions coercitives (ex : substitution de l’administration à l’entrepreneur, l’exécution du contrat se poursuivant alors aux risque et périls de l’entrepreneur), il peut s’agir enfin de sanction résolutoires, ex : la résiliation pure et simple du contrat ou encore la

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réadjudication à la folle enchère : qui permet de faire supporter à l’entrepreneur les conséquences onéreuse de la réattribution du marché à un nouvel entrepreneur, mais sous condition que le contrat le prévoit.

A. Le droit d’occupation temporaire

Ce droit est une prérogative dont dispose l’exécutant du TP lui permettant d’occuper temporairement un terrain appartenant à un particulier soit dans le but d’y disposer des outillages ou extraire du matériel, soit encore pour procéder à des études préliminaires.

Cette prérogative est ancienne, elle trouve initialement son fondement dans la loi du 29 décembre 1892. Tous les exécutants de TP peuvent benef d’un tel privilège, qu’il s’agisse de l’administration, du concessionnaire, ou encore de l’entrepreneur titulaire du marché public. Mais elle est cependant strictement encadrée par les textes. Ainsi, une occupation irrégulière sera constitutive d’une voie de fait ou d’une emprise irrégulière.

L’occupation suppose une autorisation préfectorale dont la durée ne peut excéder 5 ans. L’autorisation ne peut par ailleurs porter ni sur des maisons d’habitation, ni sur des terrains clos attenants aux maisons d’habitations. Autre précision, une telle occupation comporte une indemnisation fixée par le tribunal administratif et dont le montant correspond aux dommages causés par l’occupation tout en prenant en compte la valeur des matériaux extraits.

B. Le principe d’intangibilité des ouvrages publics

Les OP bénéficient d’une protection particulière qui se manifeste à travers le principe d’intangibilité. Ce principe trouve traditionnellement sa justification dans la sauvegarde de l’IG auquel l’ouvrage est affecté. Ce principe est connu à travers un célèbre adage : « OP mal planté ne se détruit pas ». Ce principe se révèle particulièrement préjudiciable et sévère pour les administrés, puisque ces derniers, même gênés par l’implantation d’un ouvrage illégalement implanté, ne peuvent en principe exiger la démolition du celui-ci du juge administratif ou judiciaire. Ex : dans l’hypo ou un ouvrage public aurait été édifié par erreur sur une propriété privée, le propriétaire ne pourrait obtenir la démolition de l’ouvrage mais simplement le versement de DI. On a qualifié ce principe « d’expropriation de fait ».

Cette règle a très tôt été consacrée par la jurisprudence : Conseil d'Etat, 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudière.

Mais ce principe n’a plus la même force et fait l’objet d’une remise en cause progressive dans la période contemporaine sous l’impulsion du juge et du législateur.

On constate d’abord une brèche ouverte par la jurisprudence : Conseil d'Etat, 1991, Epoux Denars et martin : le Conseil d'Etat avait été saisi en l’espèce contre un refus opposé par un maire au riverain d’un chemin qui demandait la suppression d’une buse pour l’écoulement des eaux. Le Conseil d'Etat rejette le recours la décision contestée n’étant pas entachée d’erreur manifeste

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d’appréciation. Mais on peut déduire a contrario que le juge a implicitement admis la possible d’annuler un tel refus en cas d’erreur manifeste d’appréciation et ce nonobstant le principe d’intangibilité.

Autre évolution celle du legis : la loi du 8 février 1995 a conféré au juge administratif un pouvoir d’injonction a l’encontre de l’administration pour l’exécution de ses décisions. Traditionnellement le principe d’intangibilité est lié au principe d’interdiction des injonctions à l’encontre de l’administration, car en effet le juge refusait d’ordonner la démolition. Les deux principes étaient donc liés. Mais le legis a confié ce pouvoir au juge ce principe d’intangibilité se trouve une nouvelle fois fragilisé. Depuis 95, le juge administratif a eu l’occasion d’ordonner à l’administration la démolition d’un ouvrage public sur le fondement de cette loi.

La jurisprudence va même par la suite aménager un principe de tangibilité des OP dès lors que l’intangibilité est tenue en échec : Tribunal des conflits, 2002, M. et Mme Biniet : « sauf hypo de voie de fait, les conclusions dirigées contre un refus e supprimer ou de déplacer un OP ou les conclusions tendant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression relève par nature de la comp du juge administratif ». En ce sens, Conseil d'Etat, 2003, Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes maritimes contre Commune de Clans : dans cet arrêt le Conseil d'Etat encadre les possibilités pour le juge d’ordonner la démolition d’un ouvrage public illégalement établi. Arrêt très important, le Conseil d'Etat précise qu’avant d’ordonner la démolition le juge doit procéder en deux temps : - Vérifier si une procédure de régularisation a eu lieu ou est en cours. - Il doit ensuite s’assurer que des considérations d’IG ne font pas obstacles à la démolition de l’ouvrage et ne justifie pas donc son maintien. Le juge peut alors ordonner la démolition de l’ouvrage ou son déplacement. Le Conseil d'Etat invite donc tout juge à exercer un contrôle de proportionnalité (couts avantages). Donc aménagements au principe d’intangibilité sont tels, qu’il est fragilisé.

§ 3. La responsabilité pour dommage de travaux publics Les importantes prérogatives trouvent leur contrepartie dans un régime de responsabilité étendue dans lequel la responsabilité sans faute occupe une place importante. Le principe d'une responsabilité de travaux public fut initialement posée par le législateur et plus précisément par la célèbre loi du 28 pluviôse an VIII, article 4, c'est donc le législateur qui a posé le principe, c'est pour la jurisprudence et notamment la jurisprudence du CE qui a entièrement construit et aménagé le régime juridique applicable à une telle responsabilité au cours des XIX ème et XX ème siècles. Cette responsabilité s'est développée à l'occasion du XIX ème siècle à

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une époque où prévalait l'irresponsabilité. Le dommage de TP est causé par toute atteintes à des personnes, des biens ou des droits par l’exécution ou l’inexécution d’un travail public, par la présence d’un ouvrage public ou encore par le fonctionnement de celui-ci, c'est extrêmement large. Dans toutes ces hypothèses on est en présence d'un dommage de travaux publics. Le dommage peut être permanent, ponctuel, prendre différentes formes, etc. Cette notion de TP présente un caractère attractif qui se vérifie notamment en matière de responsabilité. Et cette notion de dommage de TP est en outre interprétée de manière extensive en jurisprudence. Le juge ne se montrant guère exigeant sur le lien qui doit exister entre le dommage et le TP ou entre le dommage et l’OP, l'intérêt de la victime est prééminent ici. La notion de travail public présente un caractère attractif qui se vérifie en matière de responsabilité. Cette notion de dommages de travaux publics est par ailleurs souvent interprétée de manière extensive en jurisprudence, le juge ne se montrant guère exigeant sur le lien qui doit exister entre le dommage et le travail public ou entre le dommage et l'ouvrage public, ce ien doit exister mais le juge est assez libéral. Constitue ainsi des dommages de travaux publics pouvant ouvrir droit à réparation les dommages résultant de la construction d'un ouvrage public, les dommages résultant de la seule existence d'un domaine public, les ouvrages résultant des vices de construction des ouvrages publics, et même les dommages résultant de l'inexécution d'un travail public (défaut d'entretien), ces dommages peuvent résulter de l'exécution d'un travail public, etc. L'indemnisation des dommages de travaux publics donne lieu à un régime de réparation différencié qui combine responsabilité sans faute, responsabilité pour faute et un système original, propre à la matière, système de présomption de faute lié au défaut d'entretien normal de l'ouvrage. L'articulation de ces différents régimes suppose une distinction entre trois catégories de personnes, certains auteurs contestent cette présentation. On peut néanmoins considérer que cette distinction tripartite rencontre encore très largement le droit positif, elle n'est pas en désaccord avec le droit positif. → Ce sont tout d'abord les dommages subis par les tiers, la difficulté est de distinguer l'usager et le tiers, la plupart du temps la distinction est simple, en ce sens si on se prend une tuile sur la tete en passant le long du bureau de poste alors c'est un tiers, si l'individu récupère un moreceau du plafond sur la tête en attendant devant le guichet c'est un usager. Le tiers, par rapports à l'ouvrage ou au travail public est celui qui n'est ni usager, ni participant au travail public. Le tiers est ainsi la personne victime d'un dommage qui ne trouve pas son origine dans l'utilisation effective de l'ouvrage public, source du dommage, et qui ne participe pas par ailleurs à l'exécution du travail ou au fonctionnement de l'usage public. Par exemple les personnes victimes de trouble de voisinage consécutif à la

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présence ou au fonctionnement d'ouvrages publics. Pour les tiers c'est le système de la responsabilité sans faute qui constitue la contrepartie des avantages dont dispose la puissance publique. La question de la nature de cette responsabilité sans faute est en discussion (fondement sur le risque ou sur la rupture de l'égalité devant les charges publiques). S’agissant un régime de RSF les seules causes d'exonérations de la responsabilité sont la cause majeure et la faute de la victime. Pour ouvrir droit à réparation le dommage doit présenter pour la victime un caractère anormal, dans la logique d'un système de RSF. Par exemple, quant au dommage résultant de la proximité d'un ouvrage public, n'ouvriront pas droit à réparation les simples suggestions courantes liées à la proximité de cet ouvrage, de manière générale le JA fait application de la notion d'inconvénients normaux ou de suggestions normales du voisinage, par exemple n'ouvre pas droit à réparation selon le CE les dégâts causés aux toitures des riverains par une importante chute de feuilles mortes provenant des arbres d'une place publique voisine, ce sont les sujétions normes de voisinage (CE, 24 juillet 1931, Commune de Vic-Fezensac). → Les dommages subits par les usagers L'usager est la personne qui, au moment de la réalisation du dommage utilisait effectivement l'ouvrage public qui a provoqué le dommage, là encore la catégorie est très vaste. Sont ainsi qualifiés d'usagers les piétions, les cyclistes et les automobilistes lorsqu'ils sont victimes d'accidents imputables aux défectuosités des voies publiques sur lesquelles ils circulent, ici s'appliquera ici un système original de responsabilité pour faute présumée fondée sur le défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Ce système de la présomption de faute s'organise de la manière suivante : ce n'est pas à la victime de prouver la faute, c'est par une sorte de renversement normal des choses, c'est à l'administration (entrepreneur ou maitre d'ouvrage) de prouver qu'il n'y a pas eu de faute, au final la victime n'a qu'à prouver l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage subit. On présume la faute de l'administration, on se dit que si on subit, ce sera à l'administration de prouver qu'elle n'a pas fait de faute. Lorsqu'un dommage est attribué par la victime à l'anomalie dans la façon dont l'ouvrage est conçu, aménagé, entretenu, alors le juge ne cherchera pas si cette anomalie est constitutive d'une faute imputable au maitre d'ouvrage ou à l'entrepreneur. Il se bornera à la constater en décrivant les circonstances de l'accident pour conclure à l'existence d'un vice de conception ou d'un défaut d’aménagement ou d'entretien normal de l'ouvrage, il appartiendra alors à

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l'administration de prouver qu'ils ont correctement entretenu l'ouvrage public en question. Sur ce point précis c'est un régime de responsabilité tout a fait original, la jurisprudence n'a vu ici que deux causes exonératoires de responsabilité : la faute de la victime d'une part, la force majeure d'autre part. Il convient de préciser ici que la condamnation de l'administration à indemniser n'exclut pas l'exercice ultérieur par l'administration d'action récursoire à l'encontre des constructeurs et entrepreneurs qui peuvent avoir pris part au dommage ni l'appel en garantie de ces mêmes constructeurs et entrepreneurs dans l'instance introduite par la victime (il faudra ensuite rechercher la répartition du dommage et sa réparation entre les parties). Dès lors qu'elles (actions récursoires) sont dirigées contre des personnes liées à un contrat de droit public alors la compétence est au JA. L'application de la théorie du défaut d'entretien normal connait par ailleurs certaines limites, notamment une qui constitue un cas particulier, lorsque le dommage est dû à un dommage dangereux, alors c'est la responsabilité pour risque qui trouve alors à s'appliquer, en ce sens CE, 6 juillet 1973, ministre de l'équipement et du logement c/ Dalleau. Il s'agissait ici d'un accident causé par la chute d'un rocher sur une route, en l'espèce les caractéristiques et l'état de la falaise donnaient à celle ci les caractère d'un ouvrage « extrêmement dangereux », c'est donc une responsabilité pour risque qui joue. → Les dommages subis par les participants au travail public ou au fonctionnement de l'ouvrage Il s'agit essentiellement de l'entrepreneur et les personnes employées sur le chantier. Le principe est que de tels dommages n'ouvrent droit à réparation que s'ils sont imputables à une faut du maitre d'ouvrage et de l'entrepreneur, jouera ici une responsabilité pour faute pure et simple de l'administration. AU FINAL La responsabilité dans le cadre des travaux publics implique une large compétence du JA mais également une grande quantité d'actions pour les victimes, elles disposeront dans certains cas de véritables options quant à la personne publique ou privée mise en cause. Première hypothèse, lorsque le dommage résulte du fonctionnement d'un ouvrage public ou de son état, la victime pourra diriger son action tant contre le maitre d'ouvrage (c'est à dire le propriétaire) que, le cas échéant, contre la personne ayant la charge de l'entretien de l'ouvrage. Deuxième hypothèse, pour les travaux exécutés par des entrepreneurs ou des architectes, c'est l'hypothèse du marché public de travaux, la jurisprudence

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reconnaît à la victime une véritable option. En effet elle pourra exercer devant le JA une action contre l'entrepreneur et même le cas échéant contre le maitre d'oeuvre (c'est à dire l'architecte), contre le maitre d'ouvrage, ou encore contre les deux solidairement. Troisième hypothèse, lorsque le dommage trouve sa source dans un travail exécuté, ou un ouvrage exploité par un concessionnaire l'option disparaît ici, dans ce cas de figure la victime ne pourra que mettre en cause la responsabilité du concessionnaire, c'est assez logique puisqu'il est censé édifier puis assurer le fonctionnement de l'ouvrage. La jurisprudence a cependant admis la responsabilité subsidiaire de l'administration en cas d'insolvabilité du concessionnaire. Cette compétence du JA n'est cependant pas sans limites, il y en a plusieurs sortes. Cette compétence s'arrête lorsque les dommages sont causés aux usagers des SPIC par le défaut de fonctionnement ou d'entretien des ouvrages utilisés par de tels services. C'est la compétence du JJ qui va l'emporter. Autre limite, la compétence du JA se heurte aux régimes spéciaux de responsabilités, loi du 31 décembre 1957 s'agissant des dommages causés par les véhicules, seul le JJ est compétent pour indemniser de tels dommages. On peut ici croiser les deux hypothèses, quant aux dommages causés par les véhicules la jurisprudence a fait application du régime découlant de la loi du 31 décembre 1957 qui donne compétence au JJ. Relèvent ainsi du JJ les dommages causés par des véhicules utilisés dans les travaux publics, en ce sens TC, 14 novembre 1960, Allagnat. Enfin, lorsque le dommage de travaux publics est imputable à un agissement lui même constitutif d'une voie de fait ou d'une emprise irrégulière, alors la compétence judiciaire l'emportera.

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→ Autre cours (bref) Partie 3 : les travaux publics Les travaux par laquelle l’administration amène à construire ou entretenir les biens sont de deux types : - Travaux privés analogue à ceux effectués par n’importe quel propriétaire sur ces biens. - Travaux publics Cette distinction à une véritable signification, les travaux publics sont les travaux présentant un caractère accentué d’intérêt public. Ils jouent un rôle important dans la mission d’intérêt général ou du service public dont l’administration à la charge. A contrario, les autres travaux effectués par l’administration sont identiques à ceux que réaliserait une personne privée pour elle-même. La nature entraine des conséquences juridiques, en premier lieu dans leur exécution l’administration dispose d’un certain nombre de privilèges. En sens inverse, les particuliers peuvent être soumis à certaines obligations. Cette distinction de nature connait des implications pratiques. Au même titre du domaine public/privé, la distinction des travaux est à l’origine d’une distinction du régime juridique et contentieux. Les travaux publics = droit public et juge administratif. Les travaux privés = règle de droit privé et juge judiciaire. Cette théorie des travaux publics revêt une grande importance dans l’histoire de la formation du droit administratif. La notion de travail public est ancienne et à surtout fait l’objet d’une législation spécifique : loi du 28 pluviôse an 8 qui institue un bloc de compétence au profit du juge administratif pour tout ce qui attrait aux travaux publics. Cette particularité de la matière s’est retrouvée lorsque le juge administratif fut amené à dessiner les contours spécifiques à la matière. Emergence d’une responsabilité sans faute à l’encontre de l’irresponsabilité de l’Etat. Cela donne un caractère attractif permettant de mettre en exergue l’idée d’un droit administratif dérogatoire au droit commun. Chapitre 1 : La notion de travail public L’article 4 de la loi du 28 pluviôse an 8 invoque les travaux publics et les ouvrages publics. Ce texte attribue compétence au juge administratif (conseil de préfecture à l’époque) pour connaitre des litiges concernant ces deux notions. Cependant, le texte ne fourni aucune définition de ces notions, ce qui est essentiel car elle détermine l’application des règles exorbitants de droit commun. La notion de travail public a été en partie éclairée et définit par la JP. Elle désigne à la fois l’opération de construction, d’entretien, d’aménagement (travail lui-même) et l’ouvrage (objet ou support des travaux).

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Ces notions de travaux et d’ouvrages se regroupent largement pour l’application des règles de responsabilité relative aux ouvrages des travaux publics. Pour autant ces notions doivent être distinguées. §1 La définition du travail public C’est une notion ancienne qui a par conséquent évoluée : La définition a été relativement stable jusqu’en 1955 elle a par la suite connue une évolution. Cette notion a fait l’objet d’une définition classique qui restera pendant longtemps la seule : Travail public = tout travail effectué sur un immeuble par l’administration ou pour son compte et sous son contrôle pour la satisfaction d’un intérêt général. Ces éléments fut repris et synthétisé par CE, 10 juin 1955 ; Commune de Monségur : les travaux publics sont les travaux exécutés pour une personne publique dans un but d’utilité générale. 1ère élément : travail immobilier, un travail à faire sur un bien immeuble. 2ème élément : travail pour le compte d’une personne publique, s’il porte sur un bien appartenant à la personne publique ou s’il porte sur un ouvrage destiné à devenir la propriété de la personne publique. 3ème élément : travail dans un but d’utilité générale. Le travail doit être UP ou d’intérêt général, ce qui dispense d’avoir à rechercher s’il s’agit d’un SP. Les travaux peuvent alors être effectués sur des domaines privés (CE 8 juin 1949 ; Contamines) A partir de 1955 la JP adopte une conception extensive de la notion en admettant que des travaux publics puissent être réalisés pour le compte d’une personne privée. TC, 28 mars 1955 Effinieff : travaux exécutés par une personne publique dans le cadre d’une mission de SP. Le CE va admettre que les travaux réalisés pour le compte d’une personne privé puissent être qualifiés de travaux publics dès lors qu’ils sont réalisés par une personne publique dans le but d’un SP. La définition classique de Monségur est toujours applicable. Il coexiste alors deux définitions de la notion de travaux publics. §2 La définition de l’ouvrage public Pendant longtemps les notions de travaux publics (TP) et d’ouvrages publics (OUP) n’étaient pas distinguées. Le TP était pourtant utilisé dans deux sens : actif en référence à la réalisation d’une opération, sens passif : résultat d’une opération. La JP et la doctrine ont déterminé certains éléments de la notion d’ouvrage public autonomisant cette notion.

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=> Ouvrage humain immobilier ayant fait l’objet d’un aménagement pour répondre à une affectation d’intérêt général et bénéficier ainsi d’un régime juridique protecteur. Il convient de distinguer le travail public (opération de construction) et l’OUP (résultat) Les deux notions peuvent même parfois être dissociées. Il existe parfois des travaux sans ouvrages publics. Ex : démolition, travaux sur des propriétés privées. A l’inverse il y a des ouvrages publics sans travaux publics. Ex : bâtiment construit par des particulier et remis à l’administration. Malgré cela cette notion est pourtant montante et demeure relativement incertaine. Ces incertitudes ont été levées que récemment. Ex : loi 20 avril 2005 relative aux aéroports prévoit expressément que les ouvrages d’aéroport de Paris demeurent des ouvrages publics. Eclaircissement récent émanant de la JP. CE, 29 avril 2010 : Mr et Mme Béligaud : la question est de savoir si les ouvrages détenus par EDF alors que celle-ci était un EPIC (personne publique) perdaient la qualité d’ouvrage public après la transformation d’EDF en société anonyme par la loi du 9 août 2004 ? L’appartenance à une personne publique constituait l’un des critères qualifiant un ouvrage public ? Ils répondent par la négative, et ont écarté la propriété publique des éléments de définition de l’ouvrage public. Le CE a proposé pour la 1ère fois une définition positive de l’ouvrage public. L’ouvrage concerne un bien immobilier, un travail de l’homme et doit être affecté à un SP. Le CE achève son entreprise de clarification en écartant la personnalité publique des éléments de définition. Chapitre 2 : Le régime des travaux publics. Cette notion est à l’origine d’un régime juridique aux particularismes marqués. Cela se caractère par divers mode d’exécutions (§1) et d’importante prérogatives reconnues à l’administration (§2), ainsi qu’une responsabilité étendue (§3). §1 Les modes d’exécutions des travaux publics L’administration dispose d’un choix entre différents procédés des plus divers, les collectivités sont donc en principes libres du choix qu’elles font. Cela signifie qu’elles peuvent choisir d’exécuter de tels travaux elles-mêmes en régit ou faire appel à un entrepreneur. Elles peuvent également opter pour l’un des procédés contractuels utilisables ou déterminer avec précisions les stipulations de contrat. Cette liberté est en pratique nuancée, en raison des contraintes du droit interne et de droit de l’UE. Ex : publicité, choix du cocontractant …

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Certains textes imposent un mode déterminé d’exécution du DP ou réglemente le type de contrat utilisé. Nombreuses sources : code des marchés publics, droit de l’UE. Ces contrats s’organisent selon un régime juridique homogène (source, fond de droit). Les modes d’exécutions sont diverses : - La régie : elle se caractérise par une exécution du travail par l’administration en elle-même à l’aide de ses propres agents, du personnel qu’elle emploie et des fournitures qu’elle se procure. Ce mode existe toujours mais il est moins employé pour les travaux importants. Mais les collectivités l’utilisent régulièrement notamment pour l’entretien et la réparation de la voierie. - Le marché de travaux publics : il s’agit d’un contrat par lequel un entrepreneur s’engage à exécuter un travail public pour le compte d’une personne publique moyennant un prix. Ces marchés sont d’après le code des marchés publics : contrat onéreux conclu par une personne publique pour répondre à leur besoin en matière de travaux. Il s’agit de contrat administratif par détermination de la loi. - La concession de travaux publics : l’administration charge une personne physique ou morale de droit privé de la réalisation de ce travail en contrepartie d’une rémunération découlant des résultats de l’ouvrage public édifié. A la différence de l’entrepreneur dans un marché de travaux publics, le concessionnaire n’est pas rémunéré au moyen d’un prix mais à travers la possibilité d’exploiter l’ouvrage pendant un certain temps. §2 Les prérogatives de l’administration Le régime se caractérise par un certain nombre de prérogatives afin de faire triompher l’intérêt général sur l’intérêt particulier sous le contrôle du juge. Ils sont au nombre de 3. A. Les pouvoirs de l’administration contractante dans l’exécution des contrats de travaux publics L’administration dispose d’un certain pouvoir d’intervention dans l’exécution du contrat. Cet interventionnisme est cependant marqué par des contrats de travaux publics du fait de l’intérêt général renforcé lié d’une part à l’exécution d’un travail public et d’autre part à la qualité de maître de l’ouvrage appartenant à l’administration. Ces prérogatives se manifestent à différents niveaux : - Pratique des ordres de service qui sont des ordres délivrés par les agents techniques de l’administration prescrivant à l’entrepreneur certaines modalités

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d’exécution du contrat. - Pouvoir de direction et de contrôle dévolu à l’administration : surveillance sur les chantiers, contrôle du déroulement des travaux, exigence dans le choix du personnel. - Pouvoir de modification unilatérale : pouvoir sur certaine condition d’imposer unilatéralement certain changement au cours du contrat. - Pouvoir de résiliation et de sanction : l’administration peut résilier le contrat pour motif d’intérêt général. - Sanctions : Elle dispose également de la faculté de recourir à différentes sanctions (pécuniaires, coercitives qui est la substitution de l’administration à l’entrepreneur, résolutoires comme la résiliation pure et simple du contrat ou la réadjudication à la folenchère qui doit être prévu par le contrat qui permet de faire supporter à l’entrepreneur les conséquences onéreuses de l’attribution du marché à un autre entrepreneur.) B. Le droit d’occupation temporaire On a une prérogative classique dont dispose l’exécutant du travail public lui permettant d’occuper temporairement un terrain appartenant à un particulier, soit dans le but d’y déposer des outillages ou en extraire des matériaux nécessaires à l’ouvrage ou pour procéder à des études préliminaires. Prérogative depuis la loi du 29 décembre 1892. Tous les exécutants des travaux publics peuvent bénéficier d’un tel privilège, qu’il s’agisse de l’administration, du concessionnaire ou de l’entrepreneur. Cette prérogative est cependant stricte encadré par les textes et la JP. Une occupation irrégulière est constitutive d’une voie de fait ou emprise irrégulière. A défaut d’accord amiable l’occupation suppose une autorisation préfectorale ne pouvant excéder 5 ans, de plus elle ne peut porter sur une maison d’habitation ou un terrain clos attenant a ces maisons d’habitation. Une telle occupation comporte une indemnisation fixée par le TA dont le montant correspond aux dommages causés par l’occupation tout en grevant la valeur des matériaux extraits. L’administration ne peut installer des ouvrages permanents sur cette occupation. C. Le principe d’intangibilité des ouvrages publics Ils bénéficient d’une protection particulière : l’intangibilité. Ce principe trouve sa justification dans la sauvegarde de l’intérêt général auquel l’ouvrage en question est affecté. Ce principe est connu par un adage célèbre « ouvrage public mal planté ne se détruit pas » Ce principe est préjudicier et sévère pour les administrés puisque ces derniers même gêné par la présence d’un ouvrage illégalement implanté ne peut demander la destruction de l’ouvrage. Ex : Ouvrage édifié par erreur sur une propriété privée, le propriétaire ne pourrait obtenir la démolition de l’ouvrage, mais simplement le versement de

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dommages et intérêts. On parle d’expropriation de fait ou d’expropriation indirect. Cette règle a très tôt était consacré par la JP : CE 7 juillet 1853 ; Robin de la Grimaudière. Ce principe n’a aujourd’hui plus la même portée, il fait même l’objet d’une remise en cause progressive et partiel dans la période contemporaine sous l’impulsion du juge et du législateur. Brèche par la JP : CE, 19 avril 1991 ; époux Denard et Martin : REP dirigé contre un refus opposé par un maire aux riverains d’un chemin qui demandaient la suppression d’un tuyau afin de facilité l’écoulement des eaux de pluies. Le CE rejette le recours pour fond, la décision contesté n’est pas entaché d’erreur manifeste d’appréciation. On peut déduire que le juge a implicitement admis la possibilité un tel refus en cas d’erreur manifeste d’appréciation. Autre brèche : potentialité offerte par le législateur selon la loi du 19 février 1995 conférant un pouvoir d’injonction au JA pour inexécution de ses décisions. Le principe d’intangibilité est lié à l’interdiction des injonctions car le JA ne pouvait enjoindre l’administration de détruire l’ouvrage public . Depuis 1995, le juge administratif a eu l’occasion d’ordonner à l’administration la démolition d’un ouvrage public. La JP va par la suite aménager un principe de tangibilité des ouvrages publics (TC, 6 mai 2002 ; Mr et Mme Binet : sauf hypothèse de voie de fait, le refus de déplacer un ouvrage public relève par nature de la compétence du JA). CE, 29 janvier 2003 ; commune de Clans : le CE encadre les possibilités pour le juge d’ordonner la démolition d’un ouvrage public illégalement établie. Le juge doit procéder en deux temps : vérifier si une procédure de régularisation a eu lieu ou est en cours (ex : expropriation, alignement). Il doit s’assurer que des considérations d’intérêt général ne fait pas obstacle à la démolition de l’ouvrage (préservation de l’ordre public, continuité du service public…) , le CE invite le juge a effectué un contrôle de proportionnalité permettant de faire le bilan entre les avantages et les inconvénients dans la destruction de l’ouvrage. Bilan : le principe d’intangibilité des ouvrages public est aujourd’hui fortement ébranlé. §3 La responsabilité pour dommage des travaux public Régime étendue de la responsabilité sans faute lié à l’importance des prérogatives . Le principe de responsabilité pour dommage du travail public émane du législateur (art. 4 du 28 pluviôse an 8). Pourtant c’est la JP du CE qui a entièrement construit et aménagé le régime applicable à cette responsabilité. Le dommage est constitué par toute atteinte à des personne, biens ou droits dans l’exécution ou l’inexécution d’un TP, par sa présence ou non ou par son fonctionnement.

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Il a un caractère attractif qui a tendance à englober de nombreuses hypothèses. La notion de travaux publics est interprété de manière extensible, le juge n’est pas exigent sur le lien qui existe entre le dommage et le travail public, ou entre le dommage et l’ouvrage. Constituant ainsi des dommages (liste non exhaustive) : - Exécution d’un travail public - Construction d’un ouvrage public - Existence d’un ouvrage public - Vice de construction ou défaut d’entretien d’un ouvrage public. - Disfonctionnement des ouvrages - Inexécution d’un travail public L’indemnisation donne lieu à un régime de réparation différenciée qui combine responsabilité sans faute, pour faute, présomption de faute lié au défaut d’entretien. L’articulation de ces régimes de responsabilité dispose une distinction entre 3 catégories de personnes : - Les dommages subits par les tiers : (définition négative) Le tiers est celui qui n’est ni l’usager ni participant au travail public. Ainsi c’est la personne victime d’un dommage qui ne trouve pas son origine dans l’utilisation de l’ouvrage public, source du dommage. Et qui ne participe pas à l’exécution du travail ou au fonctionnement. Application du système de la responsabilité sans faute (favorable à la victime). Cause d’exonération : force majeur et faute de la victime. - Les dommages subits par les usagers : l’usager est la personne qui au moment de la réalisation du dommage utilisait effectivement l’OP qui a provoqué le dommage. Ex : piétons, cyclistes victimes d’accident d à la voie publique. Régime : responsabilité pour faute présumée fonder sur le défaut d’entretien normal de l’ouvrage. C’est à l’entrepreneur ou au maître d’ouvrage de prouver qu’il n’a pas connu de faute. En cas d’anomalie : Le juge se bornera a constaté l’anomalie en décrivant les circonstances de l’accident et il ne recherchera pas si il y a une faute. Causes exonératoire de responsabilité : faute de la victime et force majeur. L’application du défaut d’entretien normal de l’ouvrage connait ici certaines limites : quand le dommage est dû à un ouvrage dangereux, c’est la responsabilité pour risque qui s’applique ( ex : CE 6 juillet 1973 arrêt daleau : chute d’un rocher sur une route et l’état de la falaise lui donnait un caractère exceptionnellement dangereux.) - Les dommages subits par les participants de l’ouvrage ou au fonctionnement (entrepreneur, maître d’ouvrage, employés) : de tels dommages ouvrent droit à réparation si elles sont imputables à une faute du maître ou de l’entrepreneur.

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La responsabilité pour dommage des travaux publics implique une large compétence du JA et d’action pour les victimes, elles auront des option s’agissant de la personne publique a poursuivre : -si dommage résulte du fonctionnement de l’ouvrage pub ou de son état la victime dirigera l’action contre maitre de l’ouvrage ou personne qu’ a la charge de l’entretien de l’ouvrage. -pour travaux exécutés par entrepreneurs et architecte la jp reconnait a la victime une option : la victime peut exercer contre l’entrepreneur, le maitre d’ouvrage ou les 2 solidairement. -lorsque le dommage trouve sa source dans un travail exécuté ou un ouvrage exploité par un concessionnaire l’option disparait, la victime ne peut que mettre en cause la responsabilité du concessionnaire, la jp a admis la responsabilité subsidiaire de l’administration en cas d’insolvabilité. Plus de compétence du JA si dommage causé par SPIC, régimes spéciaux de responsabilité établie par le législateur (dommages causés par les véhicules = compétence du juge judiciaire loi de 1937). Relève donc du JJ les dommages causés par véhicules utilisés pour des travaux publics. Lorsque le dommage est intervenue par une voie de fait ou une emprise irrégulière la compétence judiciaire l’emporte.

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CHAPITRE 2. LE REGIME DES TRAVAUX PUBLICS

La notion de travail public est à l’origine d’un régime juridique très marqué par des particularismes.

§ 1. Les modes d’exécution des travaux publics

Principe de liberté : L’administration dispose pour la réalisation de travaux publics d’un choix entre différents procédés des plus divers. Les collect publiques sont donc en principe libre du choix qu’elles font entre les différents modes d’exécution qui s’offrent à elle. Cela signifie qu’elles peuvent d’abord exécuter ces trav en régie ou faire appel à un entrepreneur avec lequel sera passé un contrat. Si elles choisissent le contrat elles peuvent opter pour l’un des procèdes contractuels utilisables ou encore déterminer avec précision les stipulations du contrat. Ce choix dépend d’une pluralité de facteurs : suivant la nature des travaux, ce choix sera limité. Si une commune souhaite détruire un bâtiment public elle pourra procéder à cette opération par ses propres moyens ou non. Elle ne pourra pas recourir à la concession puisque cela implique la construction et le développement.

Cette liberté doit cependant en pratique être nuancée en raison des contraintes du droit interne et du droit de l’union. En effet, elles pèsent de plus en plus sur l’administration. Certains textes imposent parfois un mode déterminé ou règlemente de manière rigoureuse le type de contrat utilisé.

Les premiers procédés utilisés furent la régie, et le marché de travaux publics et la concession de travail public. Aujourd’hui complétés par de nouveaux procèdes.

A cette grande diversité correspond également une multitude de principes, de textes et de régimes juridiques applicables. Droit complexe, mais la matière conserve une certaine unité grâce au code des marchés publics et sous l’influence du droit de l’union qui impose les mêmes règles de publicité et de mise en concurrence. Malgré l’éclatement des principes ces différences contrats se caractérisent par un régime juridique relativement homogène quant au principes et règles applicables. La codification est cependant imparfaite et les acheteurs publics doivent se référer à des textes extérieurs. Un code général de la commande publique serait utile.

La dernière source est le CCAG travaux Cahier des Clauses Administratives Générales applicables aux travaux : il fixe les conditions des marchés travaux. Il résulyte de l’arrêté du 8 septembre 2009.

L’homogénéité se retrouve au niveau des contrats : principes fondamentaux de la commande publique (liberté d’accès, transparence des procédures … article 1II du code des marchés publics qui s’impose à l’ensemble des marchés).

Unité également des obligations de l’entrepreneur et des sanctions dont les obligations sont assorties (prérogatives de l’adm contractantes par exemple).

Application des principes fondamentaux de la commande publique des mêmes oblig

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qui s’imposent à l’entrepreneur et les mêmes sanctions, homogénéité au niv des droits pécuniaires de l’entrepreneur, des prérogatives de l’administration et des règles et principe régissant la fin des contrats.

Les modes d’exécution des trav publics sont quant à eux très divers. On a 3 modes classiques de réalisation des TP :

- La régie : pratique très ancienne en matière de travaux publics qui se caractérise par une exécution du travail par l’administration elle-même à l’aide de ses propres agents, du personnel qu’elle emploie et des fournitures qu’elle se procure. Ce mode existe toujours mais il est moins utilisé, et notamment pour les travaux importants. Son usage suppose que l’adm dispose d’agents détenant suffisamment de compétences techniques pour réaliser les opérations projetées. Il arrive néanmoins que les communes aient recours à un tel procédé, ex : entretien et réfection de la voirie.

- Le marché de travaux publics : il a une place essentielle parmi les modes de réalisation des travaux publics. En témoigne l’importance dès le 18s des marchés de travaux publics conclu sur la base de la loi du 28 Pluviose An VIII. Il s’agit d’un contrat par lequel un entrepreneur s’engage à exécuter un travail public pour le compte d’une personne publique moyennant un prix. On dit que le code des marchés publics participe aujourd'hui à la définition des marchés publics de travaux et ces marchés sont des contrats conclus à titre onéreux par l’Etat, ses établissement publics administratifs, les collect territoriale et leur groupement pour répondre à leurs besoins en matière de travaux. Article 1 et 2 du code des Marchés Publics. L’article 1 III donne une déf des marchés pub de travaux : ce sont des marchés conclu avec des entrepreneurs qui ont pour objet soit l’exécution soit la conception et l’exécution d’un ouvrage VOIR SUITE SUR LEGIFRANCE … Ce sont des contrats administratifs par détermination de la loi. Ceci est posé dans la loi du 28 pluviôse an VIII, article 4 qui avait attribué aux conseils de préfécture la connaissance des difficultés qui pourraient s’elever entre les entrepreneurs de travaux publics et l’adm sur le sens et l’exécution des clauses de leur marché. Cela a été confirmé par la loi murcef du 11 Décembre 2001 qui pose le même principe pour les marchés passés en application du code des marchés publics. Ce bloc de compétence au profit du JA doit être entendu largement, il s’applique aussi à des marchés publics de travaux privés passés par l’adm. Marchés publics de travaux privés = marchés passés ds les conditions du code du MP mais portant sur des travaux ne répondant pas aux critères du travail public posés par la JP (Commune de Monségure) et qui s’analysent comme des travaux privés. En vertu de Murcef de tels marchés sont adm non pas en raison de leur objet mais en raison de leur régime puisqu’ils sont soumis au code des marchés publics. La loi Murcef implique l’abandon des contrats de dt privé passé sous les prescriptions du code des MP.

Trib conflit 5 Juillet 1999 Commune de Sauve Les marchés publics de travaux doivent répondre aux règles posés par le code

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des MP ainsi qu’aux principes découlant de plrs directives de l’UE. Directives qui ont parfois nécessité des textes de transposition spécifiques non codifiés ds le code des marchés publics. Le code des MP prévoit des pub précises pour des marchés d’un certain montant déterminé par des seuils. Ces seuils ont été modifiés. Dernière modification : décret du 29 Décembre 2011. Décret 2011-2027 l’article 28 du code des MP détermine les seuils à partir duquel les pouvoirs adjudicateurs devront passer leur marché selon l’une des procédures prévues par le code. Ce seuil est fixé pour les marchés de travaux à 5 millions d’euros achetés hors taxe. Dès lors que le montant estimé se situe en dessous de ce seuil les marchés seront passés selon une procédure adaptée dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur et ce ds le respect des principes fondamentaux de la commande publique découlant de l’article 1 II du code. Les MAPA travaux Marché à Procédure Adaptée doivent respecter les principes fondamentaux de la commande publique. Ces marchés publics de travaux font intervenir une pluralité d’acteurs :

Le maitre de l’ouvrage : pour le compte duquel les travaux sont réalisés. Dès lors qu’elle conclue un marché publique de travaux la personne publique prend alors la qualité de maitre d’ouvrage. Loi MOP du 12 Juillet 1985 : article 2 I définition du maitre d’ouvrage : le maitre de l’ouvrage est la personne morale mentionnée à l’article 1 pour laquelle l’ouvrage est construit.

Le maitre d’œuvre : le maitre d’œuvre est la personne ou l’organisme à laquelle le maitre d’ouvrage a confié la direction de l’opération. Généralement c’est un architecte. Cette personne, cet organisme sera liée contractuellement au maitre d’ouvrage. Ce maitre d’œuvre va apporter une réponse architecturale, technique, éco, au projet poursuivi. En pratique, souvent, le maitre d’œuvre assure la conduite des travaux.

L’entrepreneur : personne physique ou morale qui exécute les travaux. La loi MOP de 1985 impose la distinction entrepreneur / maitre d’œuvre. - La concession de travaux publics : il s’agit d’un mode d’exécution du travail public par lequel l’administration charge une personne physique ou une personne morale de droit privé de la réalisation de ce travail en contrepartie d’une rémunération découlant des résultats de l’exploitation de l’OP ainsi édifié. A la différence de l’entrepreneur dans un marché public de travaux, le concessionnaire de travaux publics n’est pas rémunéré au moyen d’un prix mais à travers la possibilité d’exploiter l’ouvrage réalisé pendant un certain temps. La jurisprudence considérait ainsi que la qualification de concession impliquait que la rémunération du cocontractant concessionnaire soit substantiellement déterminée par les résultats de l’exploitation, en ce sens, Conseil d'Etat, 15 Avril 1996, préfet des bouches du Rhône contre commune de Lanbesc. Depuis une formule et une exigence similaire ont été intégrées dans la loi murcef du 11 Décembre 2001. La formule de la concession de travail public est très ancienne (concession des canaux). Durant le 19e ces concessions vont connaître un important essor. Elles présentaient pourtant un caractère mixte qui résultait lui même de la confusion entre concession de SP d’une part et concession de TP. A la base les deux dimensions sont confondues et la plupart des conventions comportaient un TP pour exploiter un SP. Ils étaient considérés comme la concession de TP (tram, chemin de fer). Le concessionnaire ne se limitait pas à la construction et à l’entretien des ouvrages, il

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était chargé de la gestion du SP en vue duquel ces ouvrages ont été édifiés. La gestion d’une activité de SP implique des règles particulières. On fait réf à la continuité du SP par exemple. C’est à partir du début du 20ème siècle que la concession du SP va devenir autonome par rapport à la concession de TP. Pt de départ : arrêt therond CE 4 Mars 1910. Cette évolution va se confirmer. On abouti à une dissociation TP/SP qui permettra de distinguer trois catégories de concessions.

Les concessions de SP sans TP : l’exploitation du SP par le concessionnaire ne nécessite pas la construction ou l’entretien d’un ouvrage public : ex : concession de transport routier.

Les concessions de service et de travail public : la concession de SP s’accompagne d’une concession de TP. Ex : les concessions de distribution d’eau potable, de gaz, d’électricité qui revenaient à EDF ou à GDF…

Les concessions de travaux publics sans SP. Ex : concession d’aménagement et d’exploitation de station service sur le domaine public routier.

Alors cette concession semblait tomber en désuétude elle connaît un renouveau. Elle a été iutulisée pour la construction et l’exploitation d’autoroutes. Que cela soit confié à des stés à capitaux privés, à des organismes privés, à des SEM. La JP considère ces concessions comme des concessions de TP et SP.

De nvx procédés se développent aujourd’hui : tel est le cas du bail emphitéotique adm BEA. La loi du 5 Janvier 98 autorise les CT à conclure des BEA. Ces BEA pourront permettre d’édifier des ouvrages dont certains auront la qualité d’ouvrage public. § 2. Les prérogatives de l’administration

Le régime juridique des TP se caractérise par un certain nombre de prérogatives dont dispose l’administration pour faire triompher l’IG sur les intérêts particuliers sous le contrôle du juge. Ces prero sont pour l’essentiel au nombre de 3 :

A. Les pouvoirs de l’administration contractante dans l’exécution des contrats de TP

En vertu des règles jurisprudentielles classiques, l’administration dispose pour tous les contrats administratifs d’un certain pouvoir d’intervention dans l’exécution des contrats. Et cet interventionnisme est particulièrement marqué pour les contrats de TP du fait de l’intérêt général renforcé, lié d’une part, à l’exécution d’un TP et d’autre part, à la qualité de maitre d’ouvrage appartenant à l’administration. Ces prero administratives se manifestent à différents niveaux : - La pratique des ordres de service : sont des ordres délivrés par les agents techniques de l’administration prescrivant à l’entrepreneur certaines modalités d’exécution du contrat. De tels ordres sont tjrs obligatoires pour l’entrepreneur qui s’expose en cas de refus à des sanctions coercitives ou à la mise en jeu de sa resp. - Le pouvoir de direction et de contrôle dévolu à l’administration : la surveillance exercée sur les chantiers, le contrôle du déroulement des travaux ou encore exigence particulière quant au choix du personnel. - Le pouvoir de modification unilatéral : principe de mutabilité ; ce pouvoir offre à l’administration sous certaines conditions (pas possible de modifier les conditions fin du contrat) et moyennant certaines contrepartie (indemnisation) la

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possibilité d’imposer certains changement en cours d’exécution du contrat. A contrario le chp d’application de ce pouvoir est important, il peut porter sur le travail public lui même et toucher ainsi aux modalités techniques d’exécution qu’à l’étendue du travail à exécuter. La JP est venue limiter ce pouvoir de modification en précisant les hypothèses ds lesquelles il ne pouvait être utilisé (ex : pas possible de changer l’objet du contrat ; d’imposer un ouvrage nouveau ; modifier les conditions d’application du contrat …). Les travaux supp ou complémentaires sont ici classiques.

- Le pouvoir de résiliation et de sanction : l’administration dispose d’un pouvoir de résilier le contrat pour un motif d’IG (intérêt général). Enfin, recours à différentes sanction, il peut s’agir de sanctions pécuniaires (pénalités, DI forfaitaire), il peut aussi s’agir de sanctions coercitives (ex : substitution de l’administration à l’entrepreneur, l’exécution du contrat se poursuivant alors aux risque et périls de l’entrepreneur), il peut s’agir enfin de sanction résolutoires, ex : la résiliation pure et simple du contrat ou encore la réadjudication à la folle enchère : qui permet de faire supporter à l’entrepreneur initial les conséquences onéreuse de la réattribution du marché à un nouvel entrepreneur, mais sous condition que le contrat le prévoit.

A. Le droit d’occupation temporaire

Ce droit est une prérogative dont dispose l’exécutant du TP lui permettant d’occuper temporairement un terrain appartenant à un particulier soit dans le but d’y disposer des outillages ou extraire du matériel, soit encore pour procéder à des études préliminaires.

Cette prérogative est ancienne, elle trouve initialement son fondement dans la loi du 29 décembre 1892. Tous les exécutants de TP peuvent benef d’un tel privilège, qu’il s’agisse de l’administration, du concessionnaire, ou encore de l’entrepreneur titulaire du marché public. Mais elle est cependant strictement encadrée par les textes. Ainsi, une occupation irrégulière sera constitutive d’une voie de fait ou d’une emprise irrégulière.

L’occupation suppose une autorisation préfectorale dont la durée ne peut excéder 5 ans. L’autorisation ne peut par ailleurs porter ni sur des maisons d’habitation, ni sur des terrains clos attenants aux maisons d’habitations. Autre précision, une telle occupation comporte une indemnisation fixée par le tribunal administratif et dont le montant correspond aux dommages causés par l’occupation tout en prenant en compte la valeur des matériaux extraits.

L’adm ne peut installer des ouvrages permanents sur le terrain.

B. Le principe d’intangibilité des ouvrages publics

Les OP bénéficient d’une protection particulière qui se manifeste à travers le principe d’intangibilité. Ce principe trouve traditionnellement sa justification dans la sauvegarde de l’IG auquel l’ouvrage est affecté. Ce principe est connu à travers un célèbre adage : « OP mal planté ne se détruit pas ». Ce principe se révèle particulièrement préjudiciable et sévère pour les administrés, puisque ces derniers,

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même gênés par l’implantation d’un ouvrage illégalement implanté, ne peuvent en principe exiger la démolition du celui-ci du juge administratif ou judiciaire. Ex : dans l’hypo ou un ouvrage public aurait été édifié par erreur sur une propriété privée, le propriétaire ne pourrait obtenir la démolition de l’ouvrage mais simplement le versement de DI. On a qualifié ce principe « d’expropriation de fait » ou d’expropriation indirecte. Cette règle a très tôt été consacrée par la jurisprudence : Conseil d'Etat, 7 juillet 1853, Robin de la Grimaudière. Mais ce principe n’a plus la même portée et fait l’objet d’une remise en cause progressive dans la période contemporaine sous l’impulsion du juge et du législateur.

On constate d’abord une brèche ouverte par la jurisprudence : Conseil d'Etat, 1991, Epoux Denard et martin : le Conseil d'Etat avait été saisi en l’espèce contre un refus opposé par un maire au riverain d’un chemin qui demandait la suppression d’une buse pour l’écoulement des eaux. Le Conseil d'Etat rejette le recours la décision contestée n’étant pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation. Mais on peut déduire a contrario que le juge a implicitement admis la possible d’annuler un tel refus en cas d’erreur manifeste d’appréciation et ce nonobstant le principe d’intangibilité.

Autre évolution, celle du legislateur et des potentialtés offertes par ce dernier : la loi du 8 février 1995 a conféré au juge administratif un pouvoir d’injonction a l’encontre de l’administration pour l’exécution de ses décisions. Traditionnellement le principe d’intangibilité est lié au principe d’interdiction des injonctions à l’encontre de l’administration, car en effet le juge refusait d’ordonner la démolition. Les deux principes étaient donc liés. Mais le legis a confié ce pouvoir au juge ce principe d’intangibilité se trouve une nouvelle fois fragilisé. Depuis 95, le juge administratif a eu l’occasion d’ordonner à l’administration la démolition d’un ouvrage public sur le fondement de cette loi.

La jurisprudence va même par la suite aménager un principe de tangibilité des OP dès lors que l’intangibilité est tenue en échec : Tribunal des conflits, 6 mai 2002, M. et Mme Binet : « sauf hypothèse de voie de fait, les conclusions dirigées contre un refus e supprimer ou de déplacer un OP ou les conclusions tendant à ce que soit ordonné ce déplacement ou cette suppression relève par nature de la comp du juge administratif ». En ce sens, Conseil d'Etat, 2003, Syndicat départemental de l’électricité et du gaz des Alpes maritimes contre Commune de Clans : dans cet arrêt le Conseil d'Etat encadre les possibilités pour le juge d’ordonner la démolition d’un ouvrage public illégalement établi. Arrêt très important, le Conseil d'Etat précise qu’avant d’ordonner la démolition le juge doit procéder en deux temps : - Vérifier si une procédure de régularisation a eu lieu ou est en cours. - Il doit ensuite s’assurer que des considérations d’IG ne font pas obstacles à la démolition de l’ouvrage et ne justifie pas donc son maintien. Le juge peut alors ordonner la démolition de l’ouvrage ou son déplacement. Le Conseil d'Etat invite donc tout juge à exercer un contrôle de proportionnalité permettant de faire un bilan entre les avantages et les inconvénients liés à la

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destruction de l’ouvrage. Bien que maintenu, ce principe d’intangibilité est fortement ébranlé.

§ 3. La responsabilité pour dommage de travaux publics

Les importantes prérogatives trouvent leur contrepartie dans un régime de resp étendue dans laquelle la resp ss fte est importante. Le principe d’une resp pour dommage de TP fut initialement posée par le législateur, et notamment par l’article 4 de la loi du 28 pluviôse An VIII. Pour autant c’est surtout la jurisprudence du Conseil d'Etat, qui a entièrement construit et aménagé le régime juridique de responsabilité au cours des XIXe et XXe. Cette responsabilité s’est même développée au XIXe à une époque où prévalait le principe d’irresponsabilité de la puissance publique. Le dommage de TP est causé par toute atteintes à des personnes, des biens ou des droits par l’exécution ou l’inexécution d’un TP, par la présence d’un OP ou encore par le fonctionnement de celui-ci. Cette notion de TP présente un caractère attractif qui se vérifie notamment en matière de responsabilité. Et cette notion de dommage de TP est en outre interprétée de manière extensive en jurisprudence. Le juge ne se montrant guère exigeant sur le lien qui doit exister entre le dommage et le TP ou entre le dommage et l’OP. Constitue ainsi des dommages de TP ouvrant droit à réparation, les dommages résultant de l’exécution d’un TP ou de la construction d’un OP. Ou encore les dommage résultant de la seule existence d’un OP, ou encore, les dommages résultant des vices de construction des OP ou de leur défaut d’entretien. Autre exemple, les dommages résultant du fonctionnement de l’OP ou enfin le dommage résultant de l’inexécution d’un TP. L’indemnisation de ces dommages donne lieu à un régime de réparation différencié qui combine responsabilité sans faute, responsabilité pour faute et un système de présomption de faute liée au défaut de l’entretien normal de l’ouvrage. L’articulation de ces différents régimes de responsabilité suppose de distinguer entre 3 catégories de personnes : Les dommages subis par les tiers : qu’est-ce qu’un tiers ? Il est souvent défini de manière négative. Il sera celui qui ne sera ni usager de l’ouvrage ni participant au TP. Le tiers est ainsi la personne victime d’un dommage qui ne trouve par son origine dans l’utilisation effective de l’ouvrage et qui ne participe par à l’exécution du TP ou au fonctionnement de l’OP. Ex : les personnes victimes de voisinage consécutif à la présence ou au fonctionnement d’ouvrage public, s’appliquera ici le régime de la responsabilité sans faute. Régime favorable sensé être la contrepartie des avantages de l’administration. Les seules causes d’exonération sont la force majeure et la faute la victime. Le dommage doit présenter un caractère anormal. Ainsi, s’agissant de dommages résultants de la proximité d’un ouvrage public, n’ouvriront pas dt à réparation les simples suggestions courantes liées à la proximité de l’ouvrage en question. Le JA fait application de la notion d’inconvénients normaux. Ex : n’ouvre pas dt à rép les dégâts causés aux toitures des riverains par une importante chute de feuilles mortes provenant des arbres d’une place publique

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voisine. CE 24 Juillet 1931 Commune de Vic-Fezensac Les dommages subis par les usagers : l’usager est la personne qui, au moment de la réalisation du dommage, utilisait effectivement l’OP ou le TP qui a provoqué le dommage. Ex : sont qualifiés d’usagers les piétons, cyclistes, automobilistes lorsqu’ils sont victimes d’accident sur les voies publiques sur lesquelles ils circulent. S’applique ici un système original de responsabilité pour faute présumée fondée sur le défaut d’entretien normal de l’ouvrage. Système de présomption de faute qui s’organise de la manière suivante : ce n’est pas à la victime de prouver la faute c’est au contraire à l’entrepreneur ou au maitre d’ouvrage de prouver l’absence de faute. La victime n’a qu’à prouver l’existence d’un lien de causalité. Ainsi quand un dommage est attribué à une anomalie dans la façon dont l’ouvrage est conçu, aménagé ou entretenu, le juge ne recherchera pas si cette anomalie est constitutive d’une faute imputable à l’administration. Le juge se bornera à constater l’anomalie en décrivant les circonstances de l »’accident pour conclure à l’existence d’un vice de conception ou défaut d’aménagement ou d’entretien normal. Il appartiendra au maitre de l’ouvrage ou à l’entrepreneur de prouver qu’il a correctement entretenu l’OP. Les dommages subis par les participants au TP ou au fonctionnement de l’OP : ici maitre d’ouvrage, de l’entrepreneur et personnes employées, de tels dommages n’ouvrent droit à réparation que s’ils sont imputables à une faute du maitre d’ouvrage ou d’entreprise.