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Droits de l’enfant en Haïti Droits de l’enfant en Haïti

Droits de l’enfant en Haïti - omct.org · facultatif à la Convention sur la vente, la prostitution des ... fants et qui soit conforme à l’esprit de la Convention. III. Définition

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Droits de l’enfant en Haïti

Droits de l’enfant en Haïti

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Droits de l’enfant en Haïti

L'objectif des rapports alternatifs de l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT)

est de prévenir la torture

Dans ses rapports relatifs aux droits de l'enfant, l'OMCT entend analyser la législation nationaleau regard des engagements internationaux de gouvernements parties à la Convention relative auxdroits de l'enfant. L'omission de mesures de protection ou des failles dans les garanties juridiquesfavorisent les violations, y compris les plus graves comme la torture, la disparition forcée ou l'exé-cution sommaire.

En d'autres termes, ces rapports ont pour objectif de mettre en lumière les lacunes d'une légis-lation qui, souvent involontairement, facilite les plus graves abus à l'encontre des enfants.

L'analyse juridique est renforcée, à chaque fois que cela est possible, par des appels urgents del'OMCT sur la torture d'enfants. Ces interventions urgentes (l'OMCT reçoit quotidiennement des de-mandes d'actions pour des cas de violence graves à l'encontre de mineurs) sont la base de notretravail.

Les rapports de l'OMCT ne se limitent pas à une analyse juridique, mais représentent, en plus desappels urgents, un autre aspect de notre stratégie pour mettre un terme à la torture. Ces rap-ports se terminent par des recommandations, visant à des réformes juridiques, destinées à réduirela fréquence de la torture d'enfants.

Les rapports sont soumis au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies qui les utilise pouranalyser la manière dont un pays remplit ses engagements internationaux concernant les enfants.Ses recommandations sur la torture, tirées des rapports de l'OMCT, envoient un message clair dela communauté internationale sur la nécessité d'une action pour mettre fin aux graves abus dontsont victimes les enfants.

ISBN 2-88477-053-4

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Sommaire

I. Introduction ..................................................................................................................................................................................................... 7

II. Les instruments internationaux .................................................................................................................................................... 8

III. Définition de l’enfant ............................................................................................................................................................................ 9

IV. La protection contre la torture et autres peines ou traitements

cruels, inhumains ou dégradants ................................................................................................................................................... 11

V. Les exécutions illégales ........................................................................................................................................................................ 13

VI. La protection contre les autres formes de violence ............................................................................................... 15

6.1 Les abus et l’exploitation sexuelle ............................................................................................................................................ 15

6.2 Le travail forcé et l’esclavage ................................................................................................................................................. 17

6.3 La traite d’enfants ............................................................................................................................................................................... 20

VII. 6. Les enfants en conflit avec la loi ......................................................................................................................................... 21

7.1 L’âge de la responsabilité pénale ................................................................................................................................................. 21

7.2 Les juridictions et les procédures .............................................................................................................................................. 23

7.3 Le jugement équitable .......................................................................................................................................................................... 24

7.4 Les motifs d’arrestation et de détention .............................................................................................................................. 25

7.5 La détention préventive ..................................................................................................................................................................... 27

7.6 Les conditions de détention .......................................................................................................................................................... 28

VIII. Conclusion et recommandations .................................................................................................................................................... 31

Observations finales du Comité des droits de l’enfant ...................................................................................................... 37

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L’OMCT souhaiterait exprimer sa gratitude à la Commission nationaleJustice et Paix Haïti pour sa contri-bution aux recherches ayant permisla rédaction de ce rapport.

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT32e session - Genève, 13-31 Janvier 2003

Rapport sur l’applicationde la Convention relative aux droits de l’enfant

par la République d’Haïti

Recherches et rédaction de Sylvain VitéCoordination et édition de Roberta Cecchetti

Directeur de la publication : Eric Sottas

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Il est impossible de comprendre la mise enœuvre des droits de l’enfant en Haïti, en tantqu’aspect spécifique des droits del’homme, sans inscrire cette mesure dans lecadre plus large du contexte politique, éco-nomique et social. Haïti figure parmi lespays les plus densément peuplés et les pluspauvres de l’hémisphère occidental. Selonla Banque mondiale, près de 80 pour centde la population rurale vit en dessous duseuil de pauvreté. La malnutrition toucheprès de la moitié des enfants de moins decinq ans et la moitié de la population adulteest analphabète. La mortalité infantile étaitestimée à 71 pour 1.000 naissances viables,soit plus du double de la moyenne régio-nale.1

Haïti souffre également, de façon pério-dique, d’une instabilité politique, ce qui ralentit le processus de démocratisation et menace en permanence la situation desdroits de l’homme.2 Après sa mission enHaïti, en août 2002, la Commission inter-américaine des droits de l’homme a parti-culièrement exprimé sa « profonde préoccu-pation » concernant la faible autorité de la

loi, l’impunité, l’insécurité des citoyens,l’existence de groupes armés et les menacespesant sur les journalistes.3

Les enfants sont plus vulnérables aux effetsde la violence que les adultes et leur capa-cité à la comprendre peut être limitée, ainsique leur capacité à s’exprimer et à se dé-fendre. Ils se trouvent, par conséquent, particulièrement affectés par la crise enHaïti et par ses conséquences sur leursdroits. A cet égard, l’expert indépendant desNations unies sur la situation des droits del’homme en Haïti a mis en exergue le faitque les groupes particulièrement affectéspar cette situation comprennent les enfantsdes rues, les orphelins, les enfants employéscomme domestiques et les enfants en conflitavec la loi.4

I. Introduction

1 - Banque mondiale, Haiti, Country Brief,http://wbln0018.worldbank.org/external/lac/lac.nsf.

2 - Situation des droits de l’homme en Haïti, rapport sur la sit-uation des droits de l’homme en Haïti de M. Adama Dieng,expert indépendant, conforme à la résolution 2000/78 de la Commission, E/CN.4/2001/36, 30 janvier 2001, par. 5-6.

3 - La CIDH est préoccupée par le manque de progrès enmatière de droits de l’homme en Haiti, Commission inter-américaine des droits de l’homme, Communiqué de presse,Haiti, 29 août 2002.

4 - Situation des droits de l’homme en Haïti, rapport sur la sit-uation des droits de l’homme en Haïti de M. Adama Dieng,expert indépendant, conforme à la résolution 2000/78 dela Commission, E/CN.4/2001/36, 30 janvier 2001, par. 49.7

L’OMCT salue la soumission du premierrapport périodique de Haïti au Comité desdroits de l’enfant (le Comité), conformémentà l’article 44 (1) b de la Convention relativeaux droits de l’enfant. L’OMCT pense que ce rapport constitue un outil utile à l’iden-tification de certains des principaux pro-blèmes affectant la situation des droits del’enfant dans ce pays. L’OMCT regrette toutefois l’attitude résignée affichée par legouvernement qui ne propose pas de me-sures concrètes pour résoudre ces pro-blèmes.

Le rapport alternatif de l’OMCT au Comitécouvre les dispositions de la Conventionétant du ressort de l’OMCT, notamment ledroit à la vie, le droit à la protection contrela torture et les autres peines ou traitementscruels, inhumains et dégradants, les droit del’enfant en conflit avec la loi et le droit à laprotection contre toutes les formes de vio-lence.

II. Les instruments internationauxHaïti a ratifié la Convention relative auxdroits de l’enfant (la Convention) le 9 juin1995, sans aucune déclaration ni réserve.

Haïti est également partie à d’autres ins-truments internationaux liés aux droits del’homme, comme le Pacte international re-latif aux droits civils et politiques, ratifié le6 février 1991, et la Convention relative àl’élimination de toutes les formes de dis-crimination raciale, ratifiée le 19 décembre1972.

Cependant, Haïti n’est pas encore partie àdes instruments fondamentaux des droits del’homme, comme la Convention contre latorture et autres traitements ou peinescruels, inhumains et dégradants, leProtocole facultatif à la Convention relativeaux droits de l’enfant sur l’implication desenfants dans un conflit armé et le Protocolefacultatif à la Convention sur la vente, laprostitution des enfants et la pornographiemettant en scène des enfants. Par consé-quent, l’OMCT prie le gouvernement haïtiende prendre toutes les mesures appropriées

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pour ratifier, dès que possible, les traitéssusmentionnés.

Au niveau régional, Haïti est partie à laConvention américaine relative aux droits de l’homme (« Pacte de San Jos »), ratifiéele 27 septembre 1977, mais n’est pas par-tie à la Convention interaméricaine sur laprévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (« Conventionde Belem do Para »). Par conséquent,l’OMCT prie, également, le gouvernementde ratifier cet instrument.

Aux termes de l’article 276 (2) de laConstitution haïtienne de 1987, « Les

Traités ou Accord Internationaux, une foissanctionnés et ratifiés dans les formes pré-vues par la Constitution, font partie de la Législation du Pays et abrogent toutes les Lois qui leur sont contraires. » Malgrél’existence de cette disposition, l’OMCT est préoccupée par le fait que nombre delois haïtiennes, encore en vigueur, s’inscri-vent en flagrante contradiction avec laConvention. Par conséquent, l’OMCT re-commande que le gouvernement remplaceces textes par de nouvelles lois de façon àétablir un cadre législatif applicable aux en-fants et qui soit conforme à l’esprit de laConvention.

III. Définition de l’enfantEn vertu de l’article 16.2 de laConstitution haïtienne, « L'âge de la majo-rité est fixé à dix-huit (18) ans. » L’article392 du Code civil confirme cette dispositionen définissant un mineur comme toute per-sonne de l’un ou l’autre sexe n’ayant pas at-teint l’âge de 18 ans. Au-delà de cet âge, lesindividus acquièrent la majorité civile, po-litique et peuvent se marier.5

Concernant le travail des enfants, l’article35.6 de la Constitution dispose que « La loilimite l'âge pour le travail salarié. (…) »Fondé sur cette disposition, l’article 341 duCode du travail ajoute que les enfants demoins de 15 ans ne peuvent pas travaillerdans des entreprises industrielles, agricoleou commerciales. L’article 341 du Code dutravail ajoute que les enfants sont autorisésà travailler comme employés de maison dès

5 - Cf Code civil, art. 398, et Décret du 8 octobre 1982 sur l’au-torité parentale et la majorité civile, art. 16.9

6 - Art. 344 et 345.7 - Cf plus bas, chapitre 5.b.8 - Convention 138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’ad-

mission à l’emploi, 19 juin 1976, art. 2 par. 3.9 - The Coalition to Stop the Use of Child Soldiers, Child

Soldiers, Global report, 2001, p. 189. 10

l’âge de 12 ans, mais uniquement sous l’au-torisation de l’Institut du bien-être social etde recherches (IBESR).6 Bien que le rapportgouvernemental stipule que l’IBESR ne dé-livre plus d’autorisation de ce genre, plu-sieurs sources d’informations prouvent quela domesticité des enfants est largement ré-pandue en Haïti.7

A cet égard, l’OMCT souhaite rappeler quela Convention 138 de l’OIT dispose quel’âge minimum d’admission à l’emploi nepeut pas être inférieur à l’âge correspondantau terme de la scolarité obligatoire et, qu’enaucun cas, il ne peut être inférieur à 15 ans.8Bien qu’Haïti ne soit pas partie à cet ins-trument, l’OMCT juge que le gouvernementdevrait en respecter les dispositions, étantdonné que ces dispositions concrétisent l’article 32 de la Convention qui demandeque les Etats parties fixent un âge ou desâges minimums d’admission à l’emploi afin de protéger les enfants de l’exploitation

économique et de tout travail susceptibled’être dangereux, d’interférer avec leursétudes ou de nuire à leur développement.

Par conséquent, l’OMCT encourage le gou-vernement à adhérer à la Convention 138 del’OIT et à modifier l’article 341 du Code dutravail pour le rendre conforme à laConvention.

La seule force armée gouvernementale enHaïti est constituée par la Police nationaled’Haïti (PNH). Le recrutement dans la PNHest volontaire et l’âge minimum est fixé à 18 ans.9 Cependant, l’institution des forcesarmées militaires existe encore dans la législation nationale. Aux termes de l’article268 de la Constitution, « Le service Militaireest obligatoire pour tous les Haïtiens âgés au moins de dix-huit (18) ans. » L’OMCT se réjouit du fait que ces dispositions soient conformes à l’article 38 de laConvention.

En vertu de l’article 37 (a) de la Convention,« Les Etats parties veillent à ce que :

a) Nul enfant ne soit soumis à la torture nià des peines ou traitements cruels, in-humains ou dégradants. Ni la peine ca-pitale ni l'emprisonnement à vie sanspossibilité de libération ne doivent êtreprononcés pour les infractions commisespar des personnes âgées de moins dedix-huit ans. » Le Comité, dans l’examendes rapports des Etats parties, ainsi quedans d’autres commentaires, a déclaréqu’il considère les règles et les lignes di-rectrices des Nations unies relatives à lajustice pour mineurs comme des normesdétaillées et pertinentes pour la mise enœuvre de l’article 37.10 Ces règles et ceslignes directrices sont constituées par lesRègles de Beijing11, les Principes di-recteurs de Riyad12 et par les Règlespour la protection des mineurs privés deliberté.13

L’OMCT pense que le rapport gouverne-mental ne traite pas suffisamment ces problèmes. Le rapport ne fournit pratique-

ment pas d’informations sur les faits de tor-ture ou de mauvais traitements affectant lesenfants ni sur la protection juridique des en-fants contre ces pratiques.. Par conséquent,l’OMCT pense que le Comité devrait rece-voir ce type d’informations.

La Constitution d’Haïti dispose que « Touterigueur ou contrainte qui n'est pas néces-saire pour appréhender une personne ou lamaintenir en détention, toute pression mo-rale ou brutalité physique notamment pen-dant l' interrogation sont interdites. »14

L’article 293 du Code pénal spécifie que« Si l'individu arrêté, détenu ou séquestréa été soumis à des tortures corporelles, lecoupable sera puni de travaux forcés à per-pétuité. Et si la mort s'en est suivie, il serapuni de travaux forcés à perpétuité. »

L’OMCT regrette que le Code ne fournisseaucune définition de la torture, laissant par

10 - Voir, par exemple, le rapport sur la dixième session, octobre- novembre 1995, CRC/C/46, par. 214 ou le rapport sur laneuvième session, mai - juin 1995, CRC/C/43, Annexe VIII,p. 64.

11 - Résolution 40/33 de l’Assemblée générale.12 - Résolution 45/112 de l’Assemblée générale.13 - Résolution 45/113 de l’Assemblée générale.14 - Article 25.11

IV. Protection contre la torture et autres peinesou traitements cruels, inhumains ou dégradants

conséquent planer le doute sur le type deprotection dont peuvent bénéficier les in-dividus. L’OMCT est particulièrement pré-occupée par la référence faite à la « torturecorporelle », expression susceptible d’êtreinterprétée comme limitant la portée de l’ar-ticle 293 à la souffrance physique. L’OMCTest également préoccupée par le fait quecette disposition ne mentionne le terme detorture que lorsqu’elle est infligée dans lecadre d’une arrestation, de la détention oude l’enlèvement. Il semblerait, donc, quecette disposition ait une portée trop limitée,car elle peut omettre d’autres situations demauvais traitements, ce qui pourrait en-traîner, notamment, l’impunité des agents del’Etat qui commettent des actes de violencesur les enfants des rues.

Par conséquent, l’OMCT propose que lesmembres du Comité demandent au gouver-

nement de promulguer une loi définissant lecrime de la torture en vue d’afficher nette-ment l’aspect de la souffrance mentale et degarantir une large protection contre la tor-ture s’étendant aux enfants.

Concernant l’abus de pouvoir, l’article 147du Code pénal dispose également que« Lorsqu'un fonctionnaire ou un officier pu-blic ou un administrateur ou un agent oupréposé du gouvernement ou de la police, unexécuteur des mandats de justice ou de ju-gement, un commandant en chef ou en sous-ordre de la fonction publique, aura, sansmotif légitime usé ou fait user de violencesenvers des personnes, dans l'exercice ou àl'occasion de l'exercice de ses fonctions, ilsera puni, selon la nature ou la gravité deces violences, et en élevant la peine suivantla règle posée en l'article 159. » L’article159 établit que l’auteur impliqué dans undélit de police correctionnelle doit êtrecondamné au maximum de la peine appli-cable.15

L’OMCT considère que cette disposition nefournit pas une protection adéquate contrela torture et les autres formes de mauvaistraitement. L’OMCT est particulièrementpréoccupée par « le motif légitime » quepeut invoquer un agent du gouvernement

15 - Code pénal, art. 159 : « Hors les cas où la loi règle spé-cialement les peines encourues pour crimes ou délits com-mis par les fonctionnaires ou officiers publics soit civils, soitmilitaires, ceux d'entre eux qui auront participé à d'autrescrimes ou délits qu'ils étaient chargés de surveiller ou deréprimer, seront punis comme il suit : - S'il s'agit d'un délit de police correctionnelle, ils subironttoujours le maximum de la peine attachée à l'espèce du délit(...) ». 12

pour justifier l’utilisation de la violence.Bien que reconnaissant que chaque Etatporte la responsabilité de maintenir la sé-curité et l’ordre dans les limites de son ter-ritoire, l’OMCT pense que l’utilisation de laforce nécessaire à l’accomplissement decette obligation doit être clairement définieet limitée. Dans le cas d’Haïti, l’OMCT jugel’expression « motif légitime » trop vaguepour assurer des garanties adéquates contrele recours illégal à la force. En outre,l’OMCT souhaite rappeler que la torture etles peines ou traitements cruels, inhumainsou dégradants sont interdits en toute cir-constance et, par conséquent, ne peuvent sejustifier par aucun motif. Cette règle est clai-rement établie dans plusieurs instruments

internationaux à force obligatoire, comme laConvention relative aux droits de l’enfant,le Pacte international relatif aux droits ci-vils et politiques et la Convention améri-caine relative aux droits de l’homme,instruments auxquels Haïti est partie.

L’OMCT souhaite également relever que leCode pénal haïtien n’offre aucune protectionspécifique aux enfants victimes d’abus depouvoir, comme visé par l’article 147. Parconséquent, l’OMCT recommanderait que legouvernement amende le Code pénal pouraccorder davantage d’attention aux enfantsvictimes de mauvais traitements de la partdes agents de l’Etat.

V. Les exécutions illégalesLa protection contre les exécutions illégalesest entérinée par l’article 6 de la Conventionqui dispose que « tout enfant a un droit in-hérent à la vie. » Cette disposition implique,notamment, que les Etats doivent adopterdes solutions efficaces et équitables pourprotéger les enfants contre toutes les formesde violence susceptibles d’entraîner la mort,comme les exécutions extrajudiciaires, som-

maires ou arbitraires ou le recours excessifà la force.

Concernant Haïti, l’OMCT est vivement pré-occupée par la politique du gouvernementen matière d’imposition de la loi. En effet,dans un discours prononcé devant les offi-ciers de police, en juin 2001, le PrésidentAristide annonçait « la tolérance zéro » en

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matière de crime, signifiant qu’il n’était pasnécessaire de faire comparaître les criminelsdevant les tribunaux. En grande partie, lapopulation a interprété cette déclarationcomme une invitation à la « justice popu-laire » et au recours à la violence par la po-lice.16 Cette politique a amené les ONG àrelever une augmentation du nombre d’exé-cutions de présumés criminels soupçonnéspar des officiers de police ou par la popu-lation.

Amnesty International a, par exemple, rap-porté le cas de Mackenson Fleurimon, âgéde 16 ans, que la police aurait tué par balle,le 11 octobre 2001, dans le quartier de laCité Soleil de Port-au-Prince. Selon lesmembres de la famille et des témoins, les of-ficiers de police l’auraient abattu, fauted’avoir trouvé son frère, soupçonné d’êtreimpliqué dans un gang de criminels. Le 18octobre 2001, un inspecteur et un commis-saire de police ont été interrogés, mais cedernier aurait visiblement disparu. Un man-dat d’arrêt a été lancé contre lui.17

L’OMCT recommanderait que le gouverne-ment ne laisse pas dans l’impunité les auteurs de ces pratiques. De même, l’OMCTprie le gouvernement de garantir une enquête poussée sur toutes les affairesd’exécutions illégales afin d’identifier lesresponsables, de les faire comparaître devant un tribunal civil compétent et im-partial et d’appliquer les sanctions pénales,civiles et/ou administratives appropriées.

Afin de mettre un terme à ce problème,l’OMCT recommanderait, également, que le gouvernement déclare dans un messageclair que sa politique de « tolérance zéro » en matière de crimes interdit touteforme d’exécution illégale de la part des officiers de police ou de la population civile.L’OMCT recommanderait encore que le gou-vernement élabore et mette en oeuvre desprogrammes de prévention, visant, en par-ticulier, à la formation théorique et profes-sionnelle des agents des forces armées.

16 - Cf Human Rights Watch, World Report 2002, Americas,Haiti,(http://www.hrw.org/wr2k2/americas7.html),Amnesty International, Report 2002, Haiti,(http://web.amnesty.org/web/ar2002.nsf/amr/haiti!Open).

17 - Amnesty International, Report 2002, Haiti. 14

L’article 19 de la Convention exige que lesenfants soient protégés « (…) contre touteforme de violence, d'atteinte ou de brutali-tés physiques ou mentales, d'abandon ou denégligence, de mauvais traitements ou d'ex-ploitation, y compris la violence sexuelle,pendant qu'il est sous la garde de ses pa-rents ou de l'un d'eux, de son ou ses repré-sentants légaux ou de toute autre personneà qui il est confié. »

6.1 Les abus et l’exploitationsexuels

Outre l’article 19, les Etats parties s’enga-gent à « protéger l'enfant contre toutes lesformes d'exploitation sexuelle et de violencesexuelle. » A cette fin, les Etats doiventprendre toutes les mesures appropriées pour« empêcher :

(a) Que des enfants ne soient incités oucontraints à se livrer à une activitésexuelle illégale ;

(b) Que des enfants ne soient exploités à desfins de prostitution ou autres pratiquessexuelles illégales ;

(c) Que des enfants ne soient exploités auxfins de la production de spectacles ou dematériel de caractère pornogra-phique. »18

Le droit haïtien en matière de protection del’enfant contre la violence et l’exploitationsexuelles reste flou. Il dispose que« Quiconque aura tenté aux mœurs, en excitant, favorisant ou facilitant habituel-lement la débauche ou la corruption de la jeunesse, de l’un ou de l’autre sexe au-dessous de l’âge de vingt et un ans, serapuni d’un emprisonnement de six mois àdeux ans. » Dans le cas où l’auteur des faitsest l’un des parents de la victime ou uneautre personne à qui il a été confié, la peineprononcée contre lui sera d’un ou trois ansd’emprisonnement.19

L’OMCT juge inadéquate cette disposition,car elle établit le même régime légal pourles enfants et pour les adultes âgés de 21

18 - Convention relative aux droits de l’enfant, art. 34.19 - Code pénal, art. 182 par. 2.15

VI. La protection contre les autres formes de violence

ans maximum. L’OMCT propose donc que legouvernement amende cette disposition pourfournir plusieurs niveaux de protectionadaptés à la vulnérabilité des victimes.

Si le viol est un crime selon le Code pénal,il est pourtant reconnu comme un crimesans gravité, puisque n’exigeant pas de ren-voi devant les assises.20 Le viol est, de sur-croît, classé comme un crime d’atteinte auxbonnes mœurs. Aussi les affaires de violfont-elles la plupart du temps l’objet d’un rè-glement financier en dehors de toute pro-cédure judiciaire, l’auteur du crime restantimpuni. A cet égard, l’OMCT propose quele gouvernement amende le Code pénal pourdéfinir le viol comme un crime grave et, cequ’a déjà demandé la Rapporteuse spécialechargée de la question de la violence contreles femmes, « comme atteinte à l’intégritéphysique et au bien-être de la victime, nonà son honneur. »21

Il n’existe pratiquement pas de données enmatière d’exploitation sexuelle des enfants,comme l’a ouvertement reconnu le gouver-nement. Cependant, certaines des estima-tions mises à notre disposition montrent lagravité de la situation.22 Selon ECPATInternational, près de 10.000 enfants se-raient impliqués.23 Et ce chiffre peut êtreplus élevé, étant donné que l’exploitationreste un phénomène caché souvent non dé-noncé. Le Centre d’éducation populaireavance que 70 % des filles des rues en Haïtisont victimes de cette forme de violence.24

Dans son rapport 2000 sur Haïti, laRapporteuse spéciale chargée de la questionde la violence contre les femmes juge éga-lement que le problème de la grossessed’adolescentes victimes du viol et du har-cèlement sexuel constitue un problèmegrave en Haïti, en particulier à l’école etdans la famille. La Rapporteuse spéciale amentionné, plus particulièrement, une étudemenée par la Ministre de la condition fé-minine entre novembre 1994 et juin 1999,où elle a enregistré 1.500 cas de violence etd’agressions sexuelles chez des filles âgéesde 6 à 15 ans. Plus récemment, en août2002, la Commission interaméricaine desdroits de l’homme a également exprimé soninquiétude concernant l’augmentation des

20 - Code pénal, art. 229.21 - Rapport sur la mission en Haïti, Rapporteuse spéciale

chargée de la question de la violence contre les femmes, y compris ses causes et ses conséquences, Doc.UNE/CN.4/2000/68/Add. 3, 27 janvier 2000, par. 60.

22 - Cf Coalition Haïtienne pour la Défense des Droits del’Enfant (COHADDE), Rapport alternatif au Comité desDroits de l’Enfant, 1er février 2002, p. 19s.

23 - ECPAT, base de données en ligne, Haïti,http://64.78.48.196/eng/Ecpat_inter/projects/monitor-ing/online_database/index.asp.

24 - ECPAT, base de données en-ligne, Haïti,http://64.78.48.196/eng/Ecpat_inter/projects/monitor-ing/online_database/index.asp. 16

cas de viols rapportés chez de très jeunesfilles.25

L’OMCT invite le gouvernement de Haïti àrecueillir des données pertinentes exhaus-tives sur la violence et l’exploitationsexuelles chez les enfants afin de formulerune politique nationale visant à empêcherces pratiques et de traduire en justice lesresponsables. Pour ce faire, l’OMCT appelleégalement le gouvernement à demander del’aide au niveau international.

6.2 Le travail forcé et l’esclavage

Concernant le travail des enfants, le para-graphe 1 de l’article 32 de la Convention re-connaît spécifiquement « le droit de l'enfantd'être protégé contre l'exploitation écono-mique et de n'être astreint à aucun travailcomportant des risques ou susceptible decompromettre son éducation ou de nuire àsa santé ou à son développement physique,mental, spirituel, moral ou social. » A cettefin, l’art. 32 par. 2 exige que les Etats par-ties « prennent des mesures législatives, ad-ministratives, sociales et éducatives pourassurer l'application du présent article (…) »

La loi haïtienne spéciale sur le travail desenfants est formulée dans les articles 332 à356 du Code du travail haïtien. Commementionné plus haut, l’âge minimum d’ad-mission à l’emploi en Haïti est de 15 ans, àl’exception du travail domestique, pour le-quel le seuil a été fixé à 12 ans. Les enfantsjouissent d’une protection juridiquecontre les travaux insalubres, pénibles oudangereux à la fois du point de vue physiqueou moral, et contre le travail situé dans deslieux où se débitent des boissons alcoo-liques.26

Concernant le travail domestique, la loi spé-cifie que l’enfant doit être traité comme unmembre de la famille.27 Elle spécifie, plusparticulièrement, qu’il ne doit pas être employé à des travaux au-dessus de sesforces28 ou susceptibles d’affecter sa santé,son développement ou sa capacité à fré-quenter l’école.29 En outre, il ne doit pasêtre soumis à « la torture morale ni au

25 - La CIDH est préoccupée par le manque de progrès en matièrede droits de l’homme en Haiti, Commission interaméricainedes droits de l’homme, Communiqué de presse, Haiti, 29 août 2002.

26 - Code du travail, art. 333 : « Les mineurs ne pourront êtreoccupés à des travaux insalubres, pénibles ou dangereux dupoint de vue physique ou moral, ni prêter leurs services dansles lieux où se débitent les boissons alcooliques ».

27 - Code du travail, art. 345.28 - Ibid., art. 341 : « Aucun enfant de moins de douze ans ne

peut être confié à une famille pour être employé à destravaux domestiques. Il ne devra pas être employé à destravaux domestiques au dessus de ses forces ».

29 - Ibid., art. 346.17

châtiment corporel. »30 Dès l’âge de 15 ans,les enfants employés à des travaux domes-tiques peuvent percevoir un salaire.31

La réalité du travail des enfants en Haïtimontre pourtant que ces garanties juridiquesne sont pas respectées dans les faits.

Le travail des enfants est répandu en Haïti,en particulier dans les activités rurales et ur-baines et dans le service domestique.32 En2002, la Coalition nationale pour les droitsdes Haïtiens (NCHR) a publié un rapportsur les « restavèk »,33 les enfants haïtiens quideviennent des esclaves de maison lorsqu’ilssont envoyés par leurs parents dans une fa-

mille acceptant, en principe, de les prendreen charge, de pourvoir à leurs études, deleur offrir le gîte, le couvert et les vêtementsen échange de travaux domestiques.34

Dans la pratique, ces enfants travaillent, gé-néralement, de longues heures sans être ré-munérés, ils ne sont pas scolarisés etn’entretiennent que peu ou pas de relationsavec leurs parents. Ils sont souvent soumisà la violence physique ou verbale par leursmaîtres, souffrent de conditions hygiéniquesabominables et de malnutrition et sont par-fois victimes de violence sexuelle. Les filles,qui représentent les trois-quarts de cette po-pulation, se trouvent particulièrement vul-nérables à la violence sexuelle.35

Bien qu’aucune statistique n’ait été établiesur l’étendue de la situation, l’UNICEF estime qu’elle concerne au moins 300.000enfants.36 Dès l’âge de 4 ans, les enfantspeuvent être impliqués dans cette pratique.La situation est tellement grave que l’ONGAnti-Slavery a déclaré pouvoir affirmer, depar son expérience, que la pratique du restavèk en Haïti constitue une des mani-festations les plus graves et les plus répan-dues de servitude d’enfants domestiquesdans le monde.37

30 - Ibid., art. 349.31 - Ibid. art. 350.32 - La Confédération Internationale des Syndicats Libres (CISL),

Internationally-Recognised Core Labour Standards in Haiti,Report for the WTO General Council Review of Trade Policiesof Haiti, Genève, 5 et 7 juin 2002.

33 - La Coalition Nationale pour les Droits des Haïtiens, RestavèkNo More: Eliminating Child Slavery in Haiti, 2002, cfhttp://www.nchr.org/hrp/restavek/report_es.htm. Cf aussiCoalition Haïtienne pour la Défense des Droits de l’Enfant(COHADDE), Rapport alternatif au Comité des Droits del’Enfant, 1er février 2002, p. 16.

34 - Cf Code du travail, art. 341 to 356.35 - Cf Rapporteuse spéciale chargée de la question de la

violence contre les femmes, y compris ses causes et sesconséquences, Rapport sur la mission en Haïti, UN Doc.E/CN.4/2000/68/Add. 3, 27 janvier 2000, par. 38.

36 - UNICEF, Haiti: Helping Child Servants who are VirtualSlaves, 30 November 2000, http://www.unicef.org/me-dia/storyideas/946.htm

37 - Déclaration de Anti-Slavery devant le Groupe de travail surles formes contemporaines d’esclavage de la Sous-com-mission de la promotion et de la protection des droits del’homme, 27e session, Genève 27-31 mai 2002. 18

Malgré la gravité de la situation, le gouver-nement reste passif. Il est vrai qu’en 2000,il avait établi un système de dénonciation etde soutien par le biais d’une hotline ouverteaux enfants victimes de violence, mais se-lon le NHCR, peu d’éléments montrent quecette hotline constitue autre chose qu’unsimple geste symbolique répondant à l’en-gagement international d’Haïti manifesté parla ratification de la Convention relative auxdroits de l’enfant (traduction OMCT).38 Eneffet, l’IBESR, qui est chargé de veiller ausuivi adéquat de tous les dossiers, ne reçoitpas les ressources nécessaires à l’accom-plissement de sa tâche.39

L’OMCT regrette que le gouvernement nemanifeste aucune intention réelle de mettreun terme à l’exploitation des enfants enHaïti. Il semble, au contraire, accepter cettesituation, ce qui contredit la Conventionsous plusieurs aspects. Dans son rapport auComité, le gouvernement s’exprime, en ef-fet, en ces termes : « Bien évidemment,l’Etat n’a pas les moyens d’intervenir im-médiatement pour enrayer ce malaise quereprésentent le travail et la non-réhabilita-tion des enfants victimes d’exploitation. »40

L’OMCT est vivement préoccupée par la si-tuation des enfants qui travaillent en Haïti,

en particulier les enfants en domesticité.L’OMCT recommande que le gouvernementratifie la Convention 182 de l’OIT concer-nant l’interdiction des pires formes de tra-vail des enfants et l’action immédiate en vuede leur élimination. Cette Convention viseà protéger les enfants contre, notamment, «toutes les formes d'esclavage ou pratiquesanalogues. »41

L’OMCT prie le gouvernement de prendredes mesures immédiates pour protéger l’in-tégrité physique et psychologique de tous lesenfants qui travaillent en Haïti. Les mesuresrecommandées par l’OMCT sont une ins-truction pénale adéquate des affaires de vio-lence contre des enfants et l’adoption demesures coercitives, y compris des sanctionspénales, garantissant la responsabilité del’auteur des faits.

L’OMCT propose également que le gouver-nement recueille des données fiables et ex-haustives sur le travail des enfants en Haïtiafin de mettre au point une politique géné-rale visant à appliquer pleinement les dis-positions de l’article 32 de la Convention.

38 - National Coalition for Haitian Rights, Restavèk No More:Eliminating Child Slavery in Haiti, 2002, executive sum-mary.

39 - Ibid. 40 - CRC/C/51/Add.7, par. 275.41 - Convention 182 de l’OIT concernant l'interdiction des pires

formes de travail des enfants et l'action immédiate en vuede leur élimination, art. 3 (a).19

L’OMCT recommande plus particulièrementque le gouvernement développe un systèmefiable de surveillance et d’assistance mis àla disposition de tous les enfants victimes del’exploitation et de l’esclavage. A cette fin,le gouvernement devrait demander l’aide in-ternationale.

6.3 La traite d’enfants

Aux termes de l’article 35 de la Convention,« Les Etats parties prennent toutes les me-sures appropriées sur les plans national, bi-latéral et multilatéral pour empêcher (…)latraite d'enfants à quelque fin que ce soit etsous quelque forme que ce soit. »

A cet égard, l’OMCT est préoccupée par latraite d’enfants haïtien vers la Républiquedominicaine. L’Organisation internationaledes migrations (OIM) et l’UNICEF estimentà 4.000 le nombre d’enfants transportés depuis Haïti chaque année et exploités pardes adultes qui les obligent à travailler et

récupèrent leur salaire.42 Ces enfants tra-vaillent principalement comme vendeurs de rue, cireurs de chaussures ou encore travaillent dans des groupes organisés demendiants ou comme employés de ferme. Ils ont, pour la plupart, été envoyés par leurs parents afin d’apporter un revenu supplémentaire à leur famille. Selon l’OIMet l’UNICEF, ces enfants vivent dans des conditions extrêmement précaires de logement et d’alimentation et se trouventparticulièrement vulnérables à la violence.43

L’OMCT recommande que le gouvernement,en coopération avec le gouvernement dominicain, adopte des stratégies globaleset d’autres mesures pour empêcher et com-battre la traite d’enfants et pour protéger les victimes. Ces mesures pourraient notamment prendre la forme de recherches,de campagnes d’informations, de pro-grammes médiatiques, ainsi que d’initiativessocio-économiques visant à influencer lesfacteurs contribuant à la traite d’enfants.

42 - IOM, Dominican Republic: Trafficking of Haitian Children,Press Briefing Notes, Friday 9 August 2002,http://www.iom.int/en/news/pbn090802.shtml.

43 - Ibid. 20

Le cadre juridique d’Haïti concernant lesenfants en conflit avec la loi date de 1961.Il est constitué par la loi du 7 septembre1961 et du décret du 20 novembre 1961, quioffrent des mesures et des procédures spé-cifiques applicables aux mineurs de moinsde 16 ans, en ce qui concerne les affairespénales. Or, ce corps législatif ne convientplus aujourd’hui. Comme l’ont déclaré desmembres de la Mission civile internationaleen Haïti (MICIVIH) en 1998, « si certainesdispositions de ces textes sont encore ap-plicables, le dispositif dans sa globalité estdésuet, parfois incohérent et en tout état decause, largement en deçà des grands prin-cipes énoncés dans les instruments inter-nationaux et régionaux relatifs aux droits del’homme en général et aux droits de l’enfanten particulier ».44

7.1 L’âge de la responsabilité pé-nale

L’âge minimum de la responsabilité pénaleest fixé à 13 ans et l’âge de la majorité pé-

nale à 16 ans. Les articles 50 à 52 du Codepénal établissent un statut pénal spécifiquepour les enfants âgés de 13 à 16 ans.45 Dansles affaires de moindre gravité et sous cer-taines circonstances, le mineur est passibled’une simple admonestation et pourra êtrerenvoyé chez ses parents ou chez une autrepersonne qui prendra soin de lui ou encoreêtre placé en institution.46 Si l’affaire estplus grave et justifie une procédure pénale,le mineur encourt la condamnation à huitans de traitement dans un « centre d’édu-cation corrective. »47

44 - Mattarollo Rodolfo, Kane Salimata, Miedico Mauro,Quelques observations préliminaires sur un projet de code de l’enfant. Colloque sur l’avant-projet de code de l’enfant, Port-au-Prince, Haiti, 1998.(http://cdonu.un.org.ec/publica/derecho/PROGRAMA/Modulo09/Mattarollo_R__Kane_S__Miedico_M.htm)

45 - Loi du 7 septembre 1961 sur le mineur en face de la loi pé-nale et des tribunaux spéciaux pour enfants, Art. 1er mo-difiant les art. 50, 51 et 52 du Code pénal.

46 - Code pénal, art. 50.47 - Loi du 7 septembre 1961 sur le mineur en face de la loi pé-

nale et des tribunaux spéciaux pour enfantsArt. 1er modifiant les art. 50, 51 et 52 du Code pénal :(…)Art. 51 : condamnation pénale des mineurs de plus de 13ans : « Lorsque les circonstances de la cause et la person-nalité du prévenu ou de l’accusé de plus de 13 ans exigentune condamnation pénale, le jugement sera prononcé ainsiqu’il suit, sous réserve, le cas échéant de la faculté pour leJuge compétent d’écarter l’excuse atténuante de minorité :S’il a encouru la peine de mort, des travaux forcés à per-pétuité, il sera astreint à huit ans de traitement dans unCentre d’Education corrective de l’Etat.S’il a encouru la peine des travaux forcés à temps, de la dé-tention ou de la réclusion, il sera soumis à un traitement detrois ans au plus dans un Centre Professionnel spécialiséde l’Etat ».21

VII. Les enfants en conflit avec la loi

Concernant les enfants de 11 ans coupablesde crime, le juge pour enfants peut requé-rir des mesures de protection, de sur-veillance, d’assistance ou d’éducation.48

L’OMCT est particulièrement préoccupéepar le régime juridique applicable à l’enfanten Haïti. L’OMCT souhaite rappeler au gou-vernement que, en vertu de la Convention,« un enfant s'entend de tout être humain âgéde moins de dix-huit ans, sauf si la majoritéest atteinte plus tôt en vertu de la législationqui lui est applicable. » En tant que tel, tousles enfants ont droit à jouir d’une protectionspéciale, notamment durant les procéduresjudiciaires. Or, la législation haïtienne fixela majorité pénale à 16 ans, ce qui rend possible de traiter les enfants de 16 à 18 anscomme des adultes. L’OMCT demande doncinstamment au gouvernement de modifier salégislation pénale de façon à octroyer à tousles enfants de Haïti une protection spéciale.

En outre, l’OMCT est préoccupée par des in-formations montrant que même l’âge mini-mum de la responsabilité pénale n’est pasrespecté dans la pratique. En 1998, en

effet, des membres de la MICIVIH avaientpublié dans un article que 29 garçons âgésde 10 à 13 ans avaient été incarcérés dansla prison de Fort-national à Port-au-Prince.49 L’OMCT recommande, parconséquent, que le gouvernement entre-prenne une enquête sur la situation des en-fants détenus en Haïti et qu’il ordonne laremise en liberté immédiate de tous les en-fants trop jeunes pour avoir la responsabi-lité pénale.

L’OMCT est également très préoccupée parle pouvoir du juge, au moment de pronon-cer une peine, « d’écarter l’excuse atté-nuante de minorité » dans les affaires lesplus graves.50 Cette disposition semble autoriser le juge à condamner un enfant deplus de 13 ans à la même peine qu’unadulte. Selon l’article 51 let. A du Code pé-nal, ces peines non adaptées aux enfantscomprennent la peine de mort et le travailforcé à perpétuité.

Ces dispositions sont ainsi en flagrante vio-lation de l’article 37 (a) de la Convention qui dispose que « Ni la peine capitale nil'emprisonnement à vie sans possibilité delibération ne doivent être prononcés pour lesinfractions commises par des personnesâgées de moins de dix-huit ans ». Elles sont

48 - Décret du 20 novembre 1961 instituant le “Tribunal Pourenfants”, Art. 12 par. 1 et 11.

49 - Mattarollo Rodolfo, L’exercice de l’autorité parentale en Haïtiau regard des droits de l’enfant, 28 février 1998.(http://cdonu.un.org.ec/publica/derecho/PROGRAMA/Modulo05/Mattarollo_Rodolfo.htm)

50 - Code pénal, art. 51 . Voir aussi Loi du 7 septembre 1961sur le mineur en face de la loi pénale et des tribunaux spé-ciaux pour enfants, art. 3. 22

aussi contraires à l’article 20 de laConstitution haïtienne aux termes duquel,« La peine de mort est abolie en toute ma-tière. » Par conséquent, l’OMCT recom-mande vivement au gouvernementd’éliminer cette contradiction législative enabrogeant explicitement la faculté du juged’infliger des peines pour adultes aux en-fants.

7.2 Les jurisdictions et les procé-dures

La législation haïtienne prévoit la créationd’instances juridictionnelles spécifiquespour les enfants en conflit avec la loi âgésde 13 à 16 ans. Ces instances sont lesTribunaux pour Enfants, les Coursd’Assises des Mineurs et le Tribunal de SimplePolice siégeant en audience spéciale.51 Plusparticulièrement, dans le droit haïtien, untribunal pour enfants doit être institué dansla juridiction de chaque Cour d’appel, etdeux juges doivent être nommés par chaquetribunal.52 Des règles spécifiques sont éga-lement établies concernant la traduction en justice des enfants en conflit avec la loi.53

Cependant, comme l’a reconnu le gouver-nement lui-même dans son rapport auComité, la réalité de la justice pour mineursen Haïti est tout à fait incompatible avec cecadre juridique. Il n’existe qu’un seul tri-bunal pour enfants en Haïti et trois jugesd’instruction pour mineurs nommés sur l’en-semble du territoire.54 En outre, selon uneétude publiée par le Vera Institute of Justiceen 2002, la plupart des affaires pénales im-pliquant des enfants sont traitées comme desaffaires d’adultes. De novembre 1997 à lami-juin 2001, cette étude a établi que seu-lement 73 affaires avaient été traitées par letribunal pour enfants, ce qui représente untrès faible pourcentage du nombre d’enfantsincarcérés en Haïti.55

Par conséquent, l’OMCT invite le gouver-nement à mettre en oeuvre le cadre législatifhaïtien concernant la justice pour mineursen matière pénale, de façon à prouver sonengagement formulé à l’article 40, para-graphe 3 de la Convention, aux termes du-quel, « Les Etats parties s'efforcent de

51 - Loi du 7 septembre 1961 sur le mineur en face de la loi pé-nale et des tribunaux spéciaux pour enfants, art. 2, 18ss,25ss et 27ss.

52 - Ibid., art. 18.53 - Ibid., art. 15ss et 10.54 - Cf le rapport du gouvernement au Comité des droits de

l’enfant, par. 2.1 : « L’administration de la justice pourmineurs. »

55 - Fuller Anne et al., Prolonged pretrial detention in Haiti, VeraInstitute of Justice, July 2002, p. 29.23

promouvoir l'adoption de lois, de procé-dures, la mise en place d'autorités et d'ins-titutions spécialement conçues pour lesenfants suspectés, accusés ou convaincusd'infraction à la loi pénale. »

7.3 Le jugement équitable

L’OMCT souhaite, également, exprimer soninquiétude concernant le fonctionnement dela justice en Haïti. Comme l’a rappelé l’ex-pert indépendant des Nations unies sur la si-tuation des droits de l’homme en Haïti, « lesHaïtiens sont enclins à juger sévèrement lajustice, lui reprochant sa lenteur, son inac-cessibilité, son coût, mais aussi et surtoutson manque de crédibilité et d'intégrité.Beaucoup de justiciables sont convaincusque sur les causes qui lui sont soumises, lajustice tranche en faveur du riche contre lepauvre, de l'habitant de la ville contre ce-lui de la campagne, du lettré contre l'anal-phabète, de l'homme contre la femme. Cequi inquiète les citoyens, c'est l'impressionde forte corruption, ou tout au moins d'ar-

bitraire ou d'aléatoire, qui se dégage dufonctionnement actuel de la justice ».56

Il a, de surcroît, été établi que le système ju-diciaire souffre de graves lacunes de res-sources, ce qui se répercute directement sur la qualité des procédures judiciaires. En effet, les faibles ressources humaines, l’insuffisance d’infrastructures et de trans-ports sûrs empêchent le bon fonctionnementdu système judiciaire haïtien.57 Le VeraInstitute of Justice a mis en exergue quecette inefficacité est également due aumanque de discipline qui s’étend dans lesystème.58 Le système juridique prévoit desmesures disciplinaires, mais, dans les faits,le contrôle administratif n’existe pas.

Ainsi, le système judiciaire haïtien n’est pascompatible avec les garanties judiciairesfondamentales disposées par l’article 40 dela Convention. L’OMCT recommande, parconséquent, que le gouvernement établissedes mécanismes efficaces pour surveiller lefonctionnement du système judiciaire enHaïti et pour appliquer des mesures disci-plinaires, le cas échéant. A cette même fin,l’OMCT propose que tous les enfants enconflit avec la loi bénéficient d’un conseil etd’une assistance juridique.

56 - Situation des droits de l’homme en Haïti, rapport sur la sit-uation des droits de l’homme en Haïti rédigé par M. AdamaDieng, expert indépendant, conformément à la résolution de la Commission 2000/78, par. 21, E/CN.4/2001/36, 30janvier 2001, par. 37-38.

57 - Fuller Anne et al., Prolonged pretrial detention in Haiti, VeraInstitute of Justice, July 2002, p. 16.

58 - Ibid., p. 22. 24

L’OMCT demande également au gouverne-ment de montrer les types de formationsqu’il a développées à l’intention de tous lesprofessionnels traitant avec des enfants ausein du système judiciaire conformémentaux dispositions de la Convention relativeaux droits de l’enfant et à d’autres instru-ments internationaux pertinents comme les« Règles de Beijing », « les Principes di-recteurs de Riyad » et les Règles desNations unies pour la protection des mineursprivés de liberté.

En dernier lieu, l’OMCT demande au gou-vernement d’octroyer les ressources néces-saires à la construction d’un systèmejudiciaire pour enfants efficace qui pourraitgarantir, conformément à l’article 40, para-graphe 1 de la Convention, que tous les en-fants en conflit avec la loi bénéficient d’untraitement de nature à favoriser leur sens dela dignité et de la valeur personnelle, quirenforce leur respect pour les droits del'homme et les libertés fondamentales d'autrui, et qui tienne compte de leur âgeainsi que de la nécessité de faciliter leur réintégration dans la société et de leur faireassumer un rôle constructif au sein de celle-ci.

7.4 Les motifs d’arrestation et dedétention

L’OMCT juge la législation pénale haïtienneexcessivement répressive, permettantl’adoption de mesures coercitives contre desenfants sur la base de catégories légales in-déterminées ou injustifiées. Dans certainscas, la législation prévoit des peines de pri-vation de liberté lorsqu’en réalité l’enfantconcerné aurait besoin de mesures de pro-tection.

Nous l’avons mentionné plus haut, l’article50 du Code pénal prévoit le placement desenfants accusés de crimes mineurs dans diverses sortes d’institutions, comme lescentres de bien-être, les instituts médico-pédagogiques ou les institutions de redres-sement éducatif.59 Le juge doit adopter cetype de décision « en fonction des circons-tances », ce qui signifie qu’il dispose d’unemarge considérable d’interprétation, alorsque la décision revêt un caractère particu-lièrement coercitif, car elle peut impliquerla privation de liberté. En effet, dans lecadre du droit haïtien, le placement en ins-titution peut s’assimiler à des mesures de sé-curité, car il implique généralement la

59 - Voir auss Loi du 7 septembre 1961 sur le mineur en facede la loi pénale et des tribunaux spéciaux pour enfants, art.23. Ministère des affaires sociales, Moniteur no 82 du 24novembre 1984, Domaine administratif et social : Du Servicede la protection des mineurs, art. 144.25

restriction de liberté de mouvement ou leconfinement dans un espace clos.60

En outre, l’article 227 du Code pénal pré-voit des mesures similaires sans motif légi-time. Cette disposition prévoit que lesenfants vagabonds sont envoyés dans desinstitutions de rééducation jusqu’à leur ma-jorité.61 Le droit haïtien définit les enfantsvagabonds comme, notamment, des enfantsqui sont « soit errants, soit logeant en garniet n’exerçant régulièrement aucune profes-sion, ou tirant leurs ressources de la dé-bauche ».62

En outre, l’article 15 du décret sur l’autoritéparentale et la majorité civile autorise lesparents à placer leurs enfants dans descentres de rééducation ou, lorsque la si-tuation est suffisamment grave, dans uncentre de détention. Dans ce dernier cas, ladurée de détention doit être fixée à la fois

par le Doyen et par le Ministère public, maiselle ne peut excéder six mois.63

L’OMCT est préoccupée par ces diversexemples qui favorisent les mesures coer-citives, plutôt que la protection et la réin-sertion. Ces dispositions, de par la longueuret le caractère vague de leur contenu consti-tuent des portes ouvertes aux arrestations età la détention d’enfants, alors que ce genrede décision de devrait être pris que commeune mesure exceptionnelle. A cet égard,l’OMCT souhaite rappeler l’article 37 (b) dela Convention qui dispose que « Nul enfantne [doit être] privé de liberté de façon illé-gale ou arbitraire » et que « L'arrestation, ladétention ou l'emprisonnement d'un enfantdoit n'être qu'une mesure de dernier res-sort. »64

L’OMCT est également préoccupée par le ré-gime pénal applicable aux enfants et quimotive l’adoption de ces mesures par la situation sociale de l’enfant et non unique-ment par des actions présumées illégales. Ce système, qui brouille la distinction entresanction et protection, entre délit et margi-nalisation sociale, tend à affaiblir le critèrede culpabilité et la présomption d’innocencedans le processus judiciaire. Il n’est doncpas conforme aux exigences de procès équi-

60 - Mattarollo Rodolfo, L’exercice de l’autorité parentale en Haïtiau regard des droits de l’enfant, 28 février 1998.(http://cdonu.un.org.ec/publica/derecho/PROGRAMA/Modulo05/Mattarollo_Rodolfo.htm)

61 - Code pénal, art. 227-3.62 - Code pénal, art. 227-2.63 - Décret du 8 octobre 1982 sur l’autorité parentale et la ma-

jorité civile, Art. 15 « Les père et mère ou celui qui a lagarde de l’enfant peuvent le confier à un centre de réédu-cation ou, si les motifs de mécontentement sont suffisam-ment graves, à un centre de détention pour une durée quine peut excéder six mois et qui doit être fixée par le Doyenet le Ministère Public ».

64 - Cf également Les règles des Nations unies pour la protec-tion des mineurs privés de liberté, art. 2. 26

table exprimées à l’article 40 de laConvention, ce qui est particulièrement vrailorsque la décision de privation de libertépeut être adoptée par les parents de l’enfantsans aucune garantie de procédure.65

Il faut, en dernier lieu, souligner que, en rai-son de la crise économique et sociale quetraverse actuellement Haïti, ces dispositionspourraient affecter spécialement lesclasses socialement et économiquement dé-favorisées, comme les enfants des rues. Eneffet, ces enfants sont plus susceptiblesd’être considérés comme des « vagabonds »ou « des enfants en conflit avec leurs pa-rents », et donc plus susceptibles d’être lacible d’une intervention coercitive. Ces dis-positions ont pour effet de favoriser une attitude discriminatoire et répressive vis-à-vis des enfants vivant dans des conditionsparticulièrement difficiles. Cette attitude serait incompatible avec l’article 2 de laConvention qui oblige les Etats parties à res-pecter la Convention « sans distinction au-cune », et avec l’article 6, qui demandequ’ils « assurent dans toute la mesure pos-sible la survie et le développement de l'en-fant. »

L’OMCT recommande, par conséquent, quele gouvernement procède à une réforme ap-

profondie du système judiciaire pour mi-neurs conformément aux dispositions de laConvention, concernant en particulier la nécessité d’établir une nette distinctionentre les enfants délinquants et les enfantsvictimes afin que ces derniers soient proté-gés et assistés au lieu d’être soumis aux ju-ridictions pénales.

L’OMCT recommande également de donnerune stricte définition des motifs éventuelsd’arrestation et de détention susceptiblesd’être applicables aux enfants afin d’assu-rer que la privation de liberté est une me-sure de dernier ressort pour tous les enfants,conformément à l’article 37(b) de laConvention. L’OMCT recommande particu-lièrement l’abrogation de l’article 15 du dé-cret sur l’autorité parentale et la majoritécivile.

7.5 La détention préventive

En raison de la lenteur excessive de la plu-part des procédures en Haïti, la majorité desdétenus sont constitués par ceux en attented’une décision finale. En se fondant sur l’ex-périence de la MICIVIH, trois experts ont

65 - Voir Mattarollo Rodolfo, L’exercice de l’autorité parentale enHaïti au regard des droits de l’enfant, 28 février 1998.(http://cdonu.un.org.ec/publica/derecho/PROGRAMA/Modulo05/Mattarollo_Rodolfo.htm).27

publié en 1998 un article déclarant que89,06 des enfants incarcérés en Haïti étaienten attente de jugement, tandis que 10,04 af-faires seulement avaient été jugées.66 Outrel’estimation réalisée sur la situation de 80enfants en attente de jugement, la MICIVIHa également établi que les chefs d’inculpa-tion restaient inconnus dans 17 affaires etque les dossiers des procédures étaient man-quants dans 11 affaires. Dans toutes les af-faires, excepté deux d’entre elles, ladétention préventive avait duré plus d’unan.67

Deux ans plus tard, la situation ne s’était pasaméliorée. Selon les statistiques publiéespar l’expert indépendant de laCommission des Nations unies sur les droitsde l’homme en Haïti, en date du 30 no-vembre 2000, la population carcérale deHaïti comptait 4.373 détenus, dont 20,14pour cent avaient été jugés, parmi lesquels5 enfants, et 79,86 pour cent étaient en

attente de jugement, dont 72 enfants.68 Parconséquent, la détention préventive des en-fants en Haïti constitue, dans les faits, unerègle plutôt qu’une exception.

L’OMCT recommande que les autorités haï-tiennes adaptent la procédure de détentionpréventive à la lettre de l’article 37 (b) de laConvention et des articles 2 et 17 desRègles des Nations unies pour la protectiondes mineurs privés de liberté qui disposentque l’emprisonnement doit être une mesurede dernier ressort et pour une période laplus brève possible. L’OMCT souhaiteraitégalement rappeler l’ensemble des règlesminima des Nations unies concernant l’ad-ministration de la justice pour mineurs(« Les Règles de Beijing »), en particulier la section relative à la détention préventive.

7.6 Les conditions de détention

Dans un rapport de 1999 sur la situation dela démocratie et des droits de l’homme enHaïti,69 le Secrétaire général des Nationsunies a exprimé son inquiétude sur lesconditions d’incarcération dans le pays.Après avoir rappelé que 103 enfants étaientdétenus à l’époque en Haïti, le Secrétaire

66 - Mattarollo Rodolfo, Kane Salimata, Miedico Mauro,Quelques observations préliminaires sur un projet de code del’enfant. Colloque sur l’avant-projet de code de l’enfant, Port-au-Prince, Haiti, 1998.

67 - Ibid.68 - Situation des droits de l’homme en Haïti, rapport sur la si-

tuation des droits de l’homme en Haïti rédigé par M. AdamaDieng, un expert indépendant, conformément à la résolu-tion 2000/78 de la Commission, E/CN.4/2001/106, 30January 2001, par. 21. See also Fuller Anne et al., Prolongedpretrial detention in Haiti, Vera Institute of Justice, July2002, p. 3ss.

69 - The situation of democracy and human rights in Haiti,Report of the Secretary-General, UN Doc. A/53/950, 10 May1999. 28

général a mentionné que certaines prisons,en particulier le pénitencier national à Port-au-Prince, était en permanence surpeupléet souffrait d’une mauvaise infrastructure. Ila également insisté sur les nombreux déte-nus affichant des signes de malnutrition,graves dans certains cas. Les soins médi-caux restaient également précaires.70

Deux ans après, la situation reste inchangée.Selon l’expert indépendant de laCommission des Nations unies pour lesdroits de l’homme en Haïti, les conditionsde détention ne cessent de se dégrader.L’insalubrité des lieux, la surpopulation etla malnutrition constituent les principauxproblèmes de cette situation qui affecte, àla fois, les adultes et les enfants. L’expert in-dépendant pense qu’il existe plusieurs rai-sons à cette détérioration, y compris « lafaiblesse de la chaîne pénale, l'insuffisancedu personnel pénitentiaire, ainsi que l'ab-sence de moyens logistiques et d'infra-structure ».71

A cet égard, l’OMCT souhaiterait rappelerau gouvernement que, les enfants étant plusvulnérables que les adultes, ils ont le droitde jouir de mesures spécifiques de protec-tion contre toute forme de mauvais traite-ment et de violence. Suivant les

circonstances, certaines conditions de dé-tention, qui pourraient être jugées admis-sibles pour des adultes, constituent uneviolation du droit international lorsqu’ellesconcernent des enfants. L’OMCT pense, parexemple, que le seul fait de détenir un en-fant en-decà d’un certain âge, est contraireaux exigences de la Convention. L’OMCTsouhaite ici exprimer sa vive préoccupationconcernant de jeunes enfants âgés de 10 ansà peine qui seraient détenus dans une pri-son haïtienne.72 Cette information est d’au-tant plus préoccupante, au regard desconditions de détention décrites plus haut.

En outre, il existe encore des infrastructuresqui placent enfants et adultes dans lesmêmes cellules.73 Cette mesure s’inscrit enflagrante violation de l’article 37 (c) de laConvention. L’OMCT pense fermement queles enfants doivent être tenus à l’écart desadultes, car les risques engendrés par le re-groupement des enfants et des adultes sont

70 - Ibid. par. 30. 71 - Situation des droits de l’homme en Haïti, rapport sur la

situation des droits de l’homme en Haïti rédigé par M. Adama Dieng, un expert indépendant, conformémentà la résolution 2000/78 de la Commission,E/CN.4/2001/106, 30 janvier 2001, par. 21. Cf, égale-ment,Fuller Anne et al., Prolonged pretrial detention inHaiti, Vera Institute of Justice, July 2002, p. 16ss.

72 - Mattarollo Rodolfo, Kane Salimata, Miedico Mauro,Quelques observations préliminaires sur un projet de code del’enfant. Colloque sur l’avant-projet de code de l’enfant, Port-au-Prince, Haiti, 1998.

73 - Ibid. Cf, également, Fuller Anne et al., Prolonged pretrialdetention in Haiti, Vera Institute of Justice, July 2002, p.29.29

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considérables, à la fois pour l’intégrité phy-sique et psychologique des enfants. Parconséquent, l’OMCT demande instammentque le gouvernement souligne les mesuresqu’il a l’intention de prendre pour mettre unterme à cette intolérable situation.

L’OMCT souhaite, en outre, rappeler que lesconditions de détention des enfants décritesci-dessus ne sont conformes ni à l’article 37(a) et (c) de la Convention, ni aux Règles desNations unies pour la protection des mineursprivés de liberté. Parmi ces règles, l’OMCTsouhaite mettre en exergue les suivantes :

• La règle 31, qui stipule le droit des mi-neurs à « être logés dans des locaux répondant à toutes les exigences de l'hy-giène et de la dignité humaine. »

• La règle 34, selon laquelle « Les instal-lations sanitaires doivent se trouver à desemplacements convenablement choisiset répondre à des normes suffisantes

pour permettre à tout mineur de satis-faire les besoins naturels au momentvoulu, d'une manière propre et dé-cente ».

• La règle 37, qui requiert pour les mi-neurs « une alimentation convenable-ment préparée et présentée aux heuresusuelles des repas, et satisfaisant, enqualité et en quantité, aux normes de ladiététique et de l'hygiène, compte tenude sa santé et de ses activités, et, dansla mesure du possible, des exigences desa religion et de sa culture. »

• La règle 49, qui dispose que « Tout mi-neur a le droit de recevoir des soins mé-dicaux, tant préventifs que curatifs, y compris des soins dentaires, ophtal-mologiques et psychiatriques, ainsi quecelui d'obtenir les médicaments et desuivre le régime alimentaire que le médecin peut lui prescrire. »

Le Secrétariat international de l’OMCT estprofondément préoccupé par la situation desenfants en Haïti, en particulier par le risquequ’ils encourent à se trouver confrontés àl’exploitation sexuelle ou économique, ainsiqu’à toutes les formes de mauvais traite-ments lorsqu’ils sont soumis à la procédurejudiciaire. L’OMCT souhaite, également, at-tirer l’attention sur le fait que cette situationdes droits de l’enfant en Haïti se caractérisepar un grand défaut d’informations. L’OMCTpropose, en particulier, que le gouvernementfournisse plus d’informations sur la straté-gie qu’il compte adopter pour évaluer la situation des enfants des rues et pour lesprotéger, les assister et les réinsérer.

L’OMCT pense qu’un certain nombre de ga-ranties, à la fois légales et pratiques, doiventêtre mises en œuvre afin de garantir plei-nement les droits de l’enfant formulés dansla Convention.

Concernant le système juridique, l’OMCTrecommande que le Comité des droits del’enfant :

Prie le gouvernement haïtien

• De ratifier la Convention contre la tortureet autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Protocolefacultatif à la Convention relative auxdroits de l’enfant concernant l’implica-tion des enfants dans les conflits armés,le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernantla vente d’enfants, la prostitution des en-fants et la pornographie mettant en scènedes enfants, ainsi que la Convention interaméricaine sur la prévention, lasanction et l’élimination de la violencecontre les femmes ;

• D’entreprendre toutes les mesures lé-gislatives, administratives et autres mesures appropriées pour assurer lapleine application de la disposition de la Convention à l’échelle nationale.

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VIII. Conclusion et recommandations

Concernant la torture et autres peines outraitements cruels, inhumains ou dégra-dants, l’OMCT recommande que le Comitédes droits de l’enfant

Prie le gouvernement haïtien

• De fournir davantage d’informationsconcernant les mesures légales et pra-tiques adoptées pour la protection desenfants contre ces pratiques ;

• De promulguer une loi qui définisse latorture en affichant l’aspect de souffrancementale et en mentionnant particuliè-rement les enfants victimes ;

• De mettre en oeuvre des procédures ef-ficaces de surveillance et de disciplineinterne des fonctionnaires, comprenantdes sanctions pour ceux qui ne fournis-sent pas d’avocat aux enfants ou ne lesinforment pas sur leur droit de notifierleur détention à leurs proches ;

• D’assurer l’indépendance et la qualifi-cation du personnel médical chargéd’examiner les enfants détenus ;

• D’élaborer et de mettre en oeuvre desprogrammes de prévention, en particu-

lier en assurant l’éducation et la forma-tion de l’ensemble du personnel sus-ceptible d’être impliqué dans la garde àvue, l’interrogatoire ou le traitementd’enfants sujets à toute forme d’arresta-tion, de détention ou d’emprisonnement.Ces programmes de formation devraientcomprendre spécifiquement la psycho-logie de l’enfant, le bien-être de l’en-fance et l’étude des normes et des règlesinternationales sur les droits de l’hommeet sur les droits de l’enfant, en particu-lier celles de la Convention et des Règlesdes Nations unies pour la protection desmineurs privés de liberté.

Concernant les exécutions illégales,l’OMCT recommande que le Comité desdroits de l’enfant

Prie le gouvernement haïtien

• De proclamer que sa politique de « to-lérance zéro » en matière pénale inter-dit aux officiers de police et à lapopulation de recourir à aucune formed’exécution illégale ;

• De garantir une enquête poussée surcette pratique, afin d’identifier les res-ponsables, de les faire comparaître de-

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vant un tribunal civil compétent et im-partial et d’appliquer les sanctions pé-nales, civiles et/ou administrativesappropriées ;

• D’élaborer et de mettre en œuvre desprogrammes préventifs, en particulier enassurant la formation théorique et pro-fessionnelle des officiers dans les forcesarmées. Cette formation devrait couvrirles instruments internationaux relatifsaux droits de l’enfant et à l’utilisation dela force.

Concernant la violence et l’exploitationsexuelles, l’OMCT recommande que leComité des droits de l’enfant

Prie le gouvernement haïtien

• D’amender l’article 182, paragraphe 1 duCode pénal de façon à fournir plusieursniveaux de protection adaptés à la vul-nérabilité des victimes ;

• D’amender l’article 229 du Code pénal,de façon à définir le viol comme uncrime grave et à le considérer commeune atteinte à l’intégrité et au bien-êtrede la victime et non à une atteinte à sadignité ;

• De recueillir des données pertinentes et exhaustives sur la situation afin de formuler une politique nationale visantà prévenir l’exploitation sexuelle de l’enfant et à traduire en justice les cou-pables. A cette fin, l’OMCT recommandede demander l’assistance internationale.

Concernant le travail des enfants, l’escla-vage et la traite, l’OMCT recommande quele Comité des droits de l’enfant

Prie le gouvernement

• De ratifier la Convention 138 de l’OITconcernant l’âge minimum d’admissionà l’emploi et la Convention 182 concer-nant l’interdiction des pires formes detravail des enfants et l’action immédiateen vue de son élimination.

• De modifier le Code du travail de façonà relever de 12 à 15 ans l’âge minimumd’admission en domesticité ;

• D’adapter sa loi sur le travail des enfantsaux instruments internationaux, en par-ticulier à la Convention 138 de l’OIT, enétablissant comme règle générale quel’âge minimum d’admission à l’emploiest fixé à 15 ans, mais qu’il est relevé à

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18 ans, lorsque que le travail est sus-ceptible de mettre en danger la santé, lasécurité ou la dignité de l’enfant ;

• De prendre des mesures immédiatespour garantir l’intégrité physique et psy-chologique de tous les enfants qui tra-vaillent en Haïti, y compris les enquêtessur les affaires de violence contre des en-fants, ainsi que l’adoption de mesurescoercitives assurant la responsabilité pénale des auteurs des infractions ;

• De recueillir des informations fiables etexhaustives sur le travail des enfants enHaïti afin de mettre en place une poli-tique visant à appliquer pleinement l’ar-ticle 2 de la Convention. Cette politiquedevrait comprendre le développementd’un système fiable de surveillance etd’assistance à disposition de tous les en-fants victimes d’exploitation et d’escla-vage ;

• D’établir un ensemble de mesures poli-tiques et autres pour prévenir et com-battre la traite d’enfants et pour protégerles victimes.

Concernant le système judiciaire pour mi-neurs, l’OMCT recommande que le Comitédes droits de l’enfant

Prie le gouvernement

• De modifier sa législation sur la majoritépénale de façon à assurer que tous lesenfants de moins de 18 ans bénéficientd’une protection spéciale ;

• D’entreprendre une enquête sur la si-tuation des enfants détenus en Haïti etd’ordonner la remise en liberté immé-diate des détenus dont l’attente de ju-gement correspond à une période detemps excessive ;

• D’abroger la disposition attribuant aujuge le pouvoir « d’écarter l’excuse at-ténuante de minorité » dans certainesprocédures pénales impliquant des en-fants ;

• D’adopter toutes les mesures appropriéespour favoriser l’établissement de lois, deprocédures, d’autorités et d’institutionsspécifiquement applicables aux enfantsen conflit avec la loi ;

• De surveiller le fonctionnement du sys-

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tème judiciaire en Haïti et d’appliquerdes mesures disciplinaires, le caséchéant ;

• De proposer l’attribution de services etd’assistance juridiques à tout enfant enconflit avec la loi ;

• De lancer une réforme poussée du sys-tème judiciaire pour mineurs confor-mément aux dispositions de laConvention, en répondant particulière-ment à la nécessité d’établir une nettedistinction entre l’enfant délinquant etl’enfant victime afin de protéger et d’ai-der ce dernier, plutôt que de le soumettreaux juridictions pénales ;

• De fournir une définition stricte des mo-tifs éventuels d’arrestation et de déten-tion applicables à l’enfant afind’assurer que la privation de liberté soitune mesure de dernier ressort pour tousles enfants, conformément à l’article37(b) de la Convention ;

• De veiller à ce que les conditions de viedes enfants dans les centres de détentionet dans les institutions soient con-formes à l’article 37 de la Convention etaux Règles des Nations unies pour la

protection des mineurs privés de liberté,en résolvant particulièrement les pro-blèmes de surpopulation, d’insalubrité,de pénurie alimentaire et de restrictionsdes visites familiales ;

• De veiller à la séparation des enfants etdes adultes en détention, sauf si celan’est pas dans l’intérêt supérieur de l’en-fant ;

• De fournir des informations concernantles formations développées à l’intentionde l’ensemble des professionnels impli-quées dans le système judiciaire pourmineurs, sur les dispositions de laConvention et d’autres instruments in-ternationaux pertinents dans le domainede la justice pour mineurs, y compris les« Règles de Beijing », les « Principes di-recteurs de Riyad » et les Règles desNations unies pour la protection des mi-neurs privés de liberté ;

• De veiller à allouer des ressources fi-nancières suffisantes pour construire unsystème judiciaire pour mineurs efficacecapable de garantir, conformément à l’article 40, paragraphe 1 de laConvention, que tous les enfants enconflit avec la loi reçoivent un traitement

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de nature à favoriser leur sens de la di-gnité et de la valeur personnelle, qui ren-force leur respect pour les droits del'homme et les libertés fondamentalesd'autrui, et qui tienne compte de leur âge

ainsi que de la nécessité de faciliter leurréintégration dans la société et de leurfaire assumer un rôle constructif au seinde celle-ci.

COMITÉ DES DROITS DE L’ENFANT32e session - Genève, 13-31 Janvier 2003

Observations finalesdu Comité des droits de l’enfant :

Haïti

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1. Le Comité a examiné le rapport initiald’Haïti (CRC/C/51/Add.7), soumis le 3 avril2001, à ses 854e et 855e séances (voirCRC/C/SR.854 et 855), tenues le 27 janvier2003, et a adopté à sa 862e séance, tenue le31 janvier 2003, les observations finales ci-après :

A. Introduction

2. Le Comité prend acte avec satisfaction dela présentation du rapport initial de l’État par-tie. Cependant, les réponses écrites à la listedes points à traiter (CRC/C/RESP/18) ne ré-pondent que partiellement aux questions duComité. Le Comité a noté avec satisfaction laprésence d’une délégation, mais regrettequ’aucune personne directement impliquéedans la mise en œuvre de la Convention n’enait fait partie.

B. Aspects positifs

3. Le Comité se félicite :

a) De l’adoption de la loi de 2001 interdisantle recours aux châtiments corporels ausein de la famille et des écoles ;

b) De la mise en place d’un Comité nationalpour l’éducation des filles, destiné à fa-voriser la scolarisation des filles.

C. Facteurs et difficultés

entravant la mise en œuvre

de la Convention

4. Le Comité reconnaît que la dette exté-rieure, la dévaluation de la gourde, le fort tauxde chômage, l’instabilité de la situation po-litique et le caractère limité des ressourceshumaines qualifiées et financières disponiblesont eu des conséquences néfastes sur la pro-tection sociale et la situation des enfants, etont gravement fait obstacle à la pleine ap-plication de la Convention.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIESEN APPLICATION DE L’ARTICLE 44 DE LA CONVENTION

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Le Comité note également que l’applicationdes résolutions de l’Organisation des Étatsaméricains et le retour de la stabilité politiquesont des préalables indispensables à la re-prise de l’aide internationale au développe-ment, qui a été suspendue.

D. Principaux sujets

de préoccupation

et recommandations

1. Mesures d’application générales

Législation

5. Le Comité note qu’un projet de code del’enfant est actuellement en préparation envue d’harmoniser la législation existante avecla Convention, mais continue de déplorer quela législation interne ne reflète pas totalementles principes et les dispositions de laConvention.

6. Le Comité encourage l’État partie àprendre toutes les mesures nécessaires pourque sa législation interne soit pleinementconforme aux principes et aux dispositions dela Convention. À cet égard, le Comité re-commande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessairespour achever l’harmonisation de la lé-gislation existante avec la Convention ;

b) D’adopter dans les meilleurs délais uncode général de l’enfant reflétant les prin-cipes généraux et les dispositions de laConvention ;

c) D’assurer l’application de sa législation.

Coordination

7. Le Comité prend note de la création d’unecommission interministérielle (commission deréflexion), chargée notamment de coordonnerl’activité des organismes gouvernementauxconcernés par la mise en œuvre de laConvention, tout en déplorant que cette com-mission ne soit pas opérationnelle. En outre,le Comité note que l’Institut du bien-être so-cial et de recherche (IBESR) est une insti-tution essentielle dans la mise en œuvre dela Convention, mais constate avec préoccu-pation que cet organisme ne peut pas vrai-ment travailler faute de moyens humains etfinanciers.

8. Le Comité recommande à l’État partied’instituer sans tarder un organisme ayant

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pour mandat précis de coordonner toutes lesactivités liées à la mise en œuvre de laConvention, et de le doter des compétenceset des ressources humaines et autres dont ila besoin pour s’acquitter efficacement de sonmandat aux niveaux national, régional et lo-cal. Le Comité recommande en outre à l’É-tat partie de prendre toutes les mesuresnécessaires pour donner à l’Institut du bien-être social et de recherche les moyens deremplir sa mission aux niveaux national, ré-gional et local.

Plan d’action national

9. Bien que l’État partie élabore certainsplans sectoriels, par exemple dans le domainede la santé, le Comité est préoccupé par l’ab-sence d’une stratégie ou d’un plan d’actionnational global pour la mise en œuvre de laConvention.

10. Le Comité encourage l’État partie à éla-borer un plan d’action national global aux finsde la mise en œuvre de la Convention faisantune place aux buts et objectifs du documentfinal intitulé «Un monde digne des enfants»,adopté par la session extraordinaire del’Assemblée générale des Nations Uniesconsacrée aux enfants. À cet égard, l’État par-

tie est invité à solliciter une assistance tech-nique auprès du Fonds des Nations Uniespour l’enfance (UNICEF) et à faire participerla société civile à la préparation et à la miseen œuvre d’un tel plan d’action national.

Structures de surveillance indépendantes

11. Le Comité prend note de la création del’Office de la protection de citoyens (OPC),mais regrette que cet organisme ne soit paspleinement opérationnel et qu’il n’existe au-cun mécanisme de surveillance indépendantcompétent pour recevoir et examiner lesplaintes individuelles relatives à des viola-tions des droits de l’enfant.

12. Le Comité invite l’État partie à envisagerde créer une institution nationale des droitsde l’homme indépendante, compte tenu del’Observation générale no 2 du Comité sur lerôle des institutions nationales des droits del’homme, qui serait chargée de suivre etd’évaluer les progrès accomplis dans la miseen œuvre de la Convention aux niveaux na-tional et local. En outre, le Comité recom-mande d’allouer à cette institution desressources humaines et financières suffisanteset de l’habiliter dans le cadre de son mandatà recevoir des plaintes relatives à des viola-

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tions des droits de l’enfant et à enquêter surces plaintes en respectant la sensibilité desenfants, ainsi que donner à ces plaintes lasuite qui convient. Le Comité encourage l’É-tat partie à solliciter une assistance techniqueauprès du Haut-Commissariat des NationsUnies aux droits de l’homme et de l’UNICEF,entre autres.

Ressources consacrées aux enfants

13. Le Comité prend note de l’existence duprogramme économique et social 2001-2006,tout en constatant avec préoccupation que lescrédits budgétaires et les ressources affectésau secteur social sont insuffisants, notammentpour répondre aux divers besoins des enfantsappartenant aux groupes les plus vulnérables.À ce propos, le Comité déplore qu’il n’ait pasété suffisamment tenu compte de l’article 4de la Convention concernant la mise en œu-vre des droits économiques, sociaux et cul-turels des enfants «dans toutes les limites desressources dont [les États parties] disposent ».

14. Tout en ayant conscience des difficultéséconomiques que connaît l’État partie, leComité lui recommande de tout faire pourmettre en œuvre le programme économiqueet social 2001-2006 et accroître la part du

budget consacrée à la réalisation des droitsdes enfants, notamment en prenant les mesures nécessaires pour que reprennent les programmes d’aide internationale. À cetégard, l’État partie devrait veiller à consacreraux enfants, en particulier aux plus vulné-rables d’entre eux, des ressources humaineset financières adéquates, et garantir la miseen œuvre à titre prioritaire des politiquesconcernant les enfants.

Collecte de données

15. Le Comité regrette le manque de donnéesfiables et l’absence d’un mécanisme adéquatde collecte de données.

16. Le Comité recommande à l’État partie demettre au point en se conformant à laConvention un ensemble d’indicateurs et unsystème de collecte de données permettantune ventilation par sexe, âge et région urbaineou rurale. Ce système devrait couvrir tous lesmoins de 18 ans, un accent particulier étantmis sur les plus vulnérables. Le Comité invite en outre l’État partie à se servir de cesindicateurs et données pour élaborer des politiques et des programmes aux fins de lamise en œuvre effective de la Convention. Il recommande à l’État partie de solliciter une

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assistance technique auprès de l’UNICEF etdu Programme des Nations Unies pour le dé-veloppement, entre autres.

La société civile et les organisations non gou-vernementales (ONG)

17. Dans la pratique, les ONG jouent ungrand rôle en matière de sensibilisation et defourniture de services dans des domaines telsque la santé et l’éducation. Néanmoins, leComité regrette que l’État partie n’ait pas ins-tauré une coopération bien structurée et sys-tématique avec les ONG et n’évalue pas lesactivités de ces organisations.

18. Le Comité recommande à l’État partied’instaurer une coopération bien structuréeet systématique avec les ONG de manière àfixer régulièrement des normes minimalesclaires pour les activités de prestation de ser-vice et à assurer le suivi nécessaire.

Formation et diffusion de la Convention

19. Le Comité sait que des mesures ont étéprises afin de faire largement connaître lesprincipes et dispositions de la Convention,mais il estime qu’elles doivent être renfor-

cées. À cet égard, il est préoccupé par l’ab-sence d’un plan systématique visant à formeret sensibiliser les groupes professionnels travaillant avec et pour les enfants.

20. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’intensifier ses efforts pour faireconnaître les principes et dispositions dela Convention en tant que moyen de sen-sibiliser la société aux droits des enfantspar la mobilisation sociale ;

b) De mettre en place des programmes sys-tématiques d’éducation et de formationsur les dispositions de la Convention àl’intention de tous les groupes profes-sionnels travaillant pour et avec des en-fants, à savoir les parlementaires, lesjuges, les avocats, les responsables del’application des lois, les fonctionnaires,les élus locaux, le personnel des établis-sements accueillant des enfants et descentres de détention pour mineurs, les en-seignants, le personnel de santé, y com-pris les psychologues, et les travailleurssociaux ;

c) De solliciter une assistance technique auprès du Haut-Commissariat aux droitsde l’homme et de l’UNICEF, entre autres.

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2. Définition de l’enfant

21. Le Comité est préoccupé par la différencede l’âge minimum légal du mariage pour lesfilles (15 ans) et les garçons (18 ans).

22. Le Comité recommande à l’État partied’aligner l’âge légal minimum du mariagepour les filles sur celui des garçons.

3. Principes généraux

23. Le Comité constate avec préoccupationque les principes généraux énoncés dans laConvention, à savoir le droit à la non-discri-mination (art. 2), l’intérêt supérieur de l’en-fant (art. 3), le droit de l’enfant à la vie, lasurvie et au développement (art. 6) et le res-pect des opinions de l’enfant (art. 12) ne sontpas pleinement reflétés dans la législation etles décisions administratives et judiciaires del’État partie ni dans les politiques et pro-grammes concernant les enfants aux niveauxnational et local.

24. Le Comité recommande à l’État partied’intégrer de manière appropriée les prin-cipes généraux de la Convention, en parti-culier les dispositions des articles 2, 3, 6

et 12, dans tous les textes législatifs concer-nant les enfants et de les appliquer danstoutes les décisions politiques, judiciaires et administratives, ainsi que dans les projets,programmes et services ayant des répercus-sions sur tous les enfants. Ces principes devraient inspirer la planification et l’élabo-ration de politiques à tous les niveaux, ainsique les mesures prises par les établissementsde protection sociale et de santé, les tribu-naux et les autorités administratives.

Non-discrimination

25. Tout en notant que la Constitution (art. 18)interdit la discrimination et qu’un ministèrede la condition féminine a été créé en 1994,le Comité est préoccupé par la persistance derègles juridiques discriminatoires à l’égarddes enfants nés hors du mariage. Il est enoutre préoccupé par la discrimination de factoqui existe dans l’État partie. Plus particu-lièrement, le Comité est préoccupé par lesdisparités dont pâtissent en matière de jouis-sance de leurs droits les enfants appartenantaux groupes les plus vulnérables, tels que lesfillettes, les restaveks, les enfants de famillespauvres, les enfants de la rue, les enfantshandicapés et les enfants des zones rurales.

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26. À la lumière de l’article 2 et des articlesconnexes de la Convention, le Comité re-commande à l’État partie :

a) D’adopter à titre prioritaire des mesures ju-ridiques efficaces pour faire cesser la dis-crimination à l’égard des enfants nés horsdu mariage ;

b) De prendre les mesures législatives vou-lues pour que tous les enfants relevant desa juridiction jouissent de tous les droitsénoncés dans la Convention sans discri-mination et, par des mesures proactives etglobales, d’accorder une protection socialeprioritaire et ciblée aux enfants apparte-nant aux groupes les plus vulnérables ;

c) D’assurer l’application effective de la loiet de lancer de vastes campagnes d’infor-mation afin de prévenir et combattre, le caséchéant dans le cadre de la coopération in-ternationale, toutes les formes de discri-mination.

27. Le Comité demande que dans le prochainrapport périodique figurent des renseigne-ments spécifiques sur les mesures et pro-grammes pertinents au regard de laConvention que l’État partie aura mis enœuvre pour donner effet à la Déclaration et

au Programme d’action de Durban adoptés à la Conférence mondiale contre le racisme,la discrimination raciale, la xénophobie etl’intolérance qui y est associée, compte tenude l’Observation générale no 1 du Comité re-lative au paragraphe 1 de l’article 29 de laConvention (buts de l’éducation).

Intérêt supérieur de l’enfant

28. Le Comité constate avec préoccupationque, dans la législation et les décisionsconcernant les enfants, le principe de l’intérêtsupérieur de l’enfant n’est pas pleinement re-connu et mis en œuvre. Il estime particuliè-rement préoccupant que la législation envigueur, à laquelle il est fait référence au pa-ragraphe 51 du rapport de l’État partie, au-torise les parents à faire incarcérer leursenfants pour une période pouvant aller jus-qu’à six mois, sans intervention d’un tribunalou d’un organe similaire, ce qui constitue uneviolation du paragraphe d) de l’article 37 dela Convention. Le Comité note toutefois avecsatisfaction que cette pratique tend à dispa-raître.

29. Le Comité recommande à l’État partie deveiller à ce que le principe de l’intérêt su-périeur de l’enfant soit intégré dans toutes les

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lois, politiques et programmes pertinents enrapport avec la mise en œuvre la Convention.Il recommande en particulier à l’État partied’abolir le droit de «correction paternelle»,qui permet aux parents de faire emprisonnerleurs enfants.

Respect de l’opinion de l’enfant

30. Le Comité note que le décret du 12 dé-cembre 1960 confère aux enfants le droit de s’exprimer au sein de la famille ; il regrettecependant que l’opinion des enfants ne soitpas suffisamment prise en considération et que le respect des opinions de l’enfant de-meure limité au sein de la famille, à l’école,devant les tribunaux et les autorités admi-nistratives, et dans la société dans son en-semble.

31. Le Comité encourage l’État partie à veillerà ce que l’opinion de l’enfant soit dûmentprise en considération, conformément à l’article 12 de la Convention, au sein de la famille, à l’école, devant les tribunaux et danstoute procédure administrative ou autres l’in-téressant, notamment à travers l’adoption deslois appropriées, la formation des profes-sionnels et la mise en place d’activités spé-cifiques à l’école.

4. Libertés et droits civils

Enregistrement des naissances

32. Le Comité prend note avec satisfaction dudécret de 1995 qui autorise un enregistre-ment tardif des naissances, mais demeurepréoccupé par le nombre élevé d’enfants dontla naissance n’est pas enregistrée. Il est enoutre préoccupé par le montant de la rede-vance que les parents doivent acquitter pourobtenir un certificat de naissance de leurs en-fants.

33. À la lumière de l’article 7 de laConvention, le Comité prie l’État partie d’in-tensifier ses efforts pour assurer que tous lesenfants soient enregistrés à la naissance,entre autres par l’organisation de campagnesde sensibilisation, d’envisager de faciliter lesprocédures d’enregistrement des naissances,notamment en supprimant tous les droits àpayer et en décentralisant la procédure, et deprendre des mesures pour enregistrer les en-fants qui n’ont pas été déclarés à la naissance.

Droit à une identité

34. Le Comité note avec préoccupation queles enfants nés hors du mariage sont privés

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du droit de connaître l’identité de leur père(art. 306 du Code civil).

35. À la lumière de l’article 7 de laConvention, le Comité recommande à l’Étatpartie de prendre les mesures nécessaires,parmi lesquelles l’abrogation de l’article 306du Code civil, afin de respecter, dans la me-sure du possible, le droit de l’enfant àconnaître l’identité de ses parents.

Mauvais traitements et autres formes de vio-lence

36. Le Comité prend note avec satisfaction dela loi interdisant le recours aux châtimentscorporels (août 2001) au sein de la famille età l’école, mais demeure préoccupé par la per-sistance de l’application de châtiments cor-porels par les parents ou les enseignants ainsique par les mauvais traitements dont sontl’objet les enfants employés comme domes-tiques (restaveks). Le Comité est par ailleursvivement préoccupé par les affaires de mau-vais traitements infligés à des enfants de larue par des responsables de l’application deslois.

37. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessairespour assurer l’application effective de la loi interdisant le recours aux châti-ments corporels, en particulier par l’intermédiaire de campagnes d’informa-tion et d’éducation destinées à sensibili-ser les parents, les enseignants et d’autresprofessionnels s’occupant d’enfants, ainsique le public dans son ensemble, au ca-ractère néfaste des châtiments corporelset à l’importance d’appliquer d’autresformes de discipline non violentes, confor-mément au paragraphe 2 de l’article 28 de la Convention ;

b) D’enquêter avec diligence sur toutes lesallégations de mauvais traitement d’enfantcommis par des responsables de l’appli-cation des lois et de veiller à ce que lesauteurs présumés de ces actes soient retirés du service actif ou suspendus pen-dant la durée de l’enquête, et révoqués et punis s’ils sont condamnés ;

c) D’assurer la protection, la réadaptation etla réinsertion des enfants victimes.

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5. Milieu familial et protection de rem-placement

Enfants séparés de leurs parents

38. Le Comité est particulièrement préoccupépar le nombre élevé d’enfants qui sont sé-parés de leurs parents. Il s’inquiète en outredu fait que l’opinion de l’enfant n’est pas priseen considération lorsqu’une décision de cetordre est prise et de ce que l’Institut du bien-être social et de recherche ne procède pas àun réexamen périodique du placement detous les enfants séparés de leurs parents.

39. À la lumière des articles 9, 12, 20 et 25de la Convention, le Comité recommande àl’État partie :

a) De faire en sorte que les enfants ne soientpas séparés de leurs parents contre leurvolonté, sauf lorsque la séparation estdans l’intérêt supérieur de l’enfant et surdécision d’une autorité compétente – dé-cision devant pouvoir être contestée devant la justice ;

b) De faire en sorte que les enfants privés àtitre temporaire ou permanent de leur en-vironnement familial aient droit à une pro-tection et à une assistance spéciale ;

c) De veiller à ce que les enfants aient lapossibilité de participer aux procédureset de faire connaître leur opinion ;

d) De prendre toutes les mesures nécessairespour permettre à l’Institut du bien-être so-cial et de recherche de procéder à un ré-examen périodique du placement de tousles enfants séparés de leurs parents, qu’ilssoient placés en institution ou en familled’accueil.

Adoption

40. Le Comité est préoccupé par la hausse dunombre d’adoptions internationales, ce enl’absence de mécanisme adapté de sur-veillance.

41. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De ratifier la Convention de 1993 sur laprotection des enfants et la coopération enmatière d’adoption internationale ;

b) De s’attacher à renforcer sa capacité àcontrôler les adoptions internationales afind’assurer le plein respect de l’article 21et des autres dispositions pertinentes dela Convention.

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Violences, sévices et négligence

42. Le Comité s’inquiète de l’incidence éle-vée des violences et sévices sur enfant au seinde la famille, sévices sexuels y compris, ainsique des cas de négligence, et relève que lesefforts faits pour protéger les enfants à cetégard sont insuffisants. Il constate en parti-culier avec préoccupation que le taux de sévices sexuels sur les fillettes est très élevé(plus d’un tiers des femmes ont été victimesde sévices sexuels avant l’âge de 15 ans). Le Comité est également préoccupé par l’absence de données statistiques et l’absenced’un plan d’action complet en la matière ainsique par l’insuffisance des infrastructures enplace.

43. À la lumière des articles 19 et 39 de laConvention, le Comité recommande à l’Étatpartie :

a) D’évaluer l’ampleur, la nature et lescauses de la violence à l’encontre des enfants, en particulier les violencessexuelles dont sont victimes les filles, envue d’adopter une stratégie globale ainsique des mesures et politiques concrèteset de changer les mentalités ;

b) D’enquêter comme il se doit en cas de

violences, dans le cadre de procédures ju-diciaires respectueuses de l’enfant, no-tamment en accordant le poids voulu àl’opinion de l’enfant dans l’action judi-ciaire, et d’imposer des sanctions aux cou-pables, tout en veillant à ce que le droitde l’enfant au respect de sa vie privée soitgaranti ;

c) De mettre des services de réadaptationphysique et psychologique et de réinser-tion sociale à la disposition des filles vic-times de sévices sexuels et de tous lesautres enfants victimes d’un quelconquetype de sévices, négligence, mauvais trai-tements, violence ou exploitation, et deprendre les mesures voulues pour empê-cher la criminalisation et la stigmatisationdes victimes ;

d) De prendre en considération les recom-mandations que le Comité a adoptées lorsde ses journées de débat général sur la violence contre les enfants (CRC/C/100, par. 688, et CRC/C/111, par. 701 à745) ;

e) De demander une assistance technique,notamment à l’UNICEF et àl’Organisation mondiale de la santé(OMS).

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6. Santé et bien-être

44. Le Comité se félicite des efforts déployéspar l’État partie en matière de santé et debien-être, notamment le Programme élargi devaccination, le respect du cadre de gestion in-tégrée des maladies infantiles, l’initiativeHôpital ami des bébés et la promotion de l’al-laitement maternel. Il reste toutefois vivementpréoccupé par les taux élevés de mortalité in-fantile, de mortalité des moins de 5 ans et demortalité maternelle, ainsi que par la faibleespérance de vie dans l’État partie. Le Comitédemeure également préoccupé par le fait quel’accès aux services de santé est limité dansles zones rurales et que la survie et le déve-loppement des enfants de l’État partie restentmenacés par les maladies de la petite enfanceet les maladies infectieuses, la diarrhée et lamalnutrition. Il s’inquiète par ailleurs du peud’infrastructure en place pour l’assainisse-ment et de l’insuffisance de l’accès à l’eau po-table, tout particulièrement en milieu rural.

45. Le Comité recommande à l’État partie,notamment grâce à une mise en route aussirapide que possible de son plan national pourla santé :

a) De redoubler d’efforts en vue de déblo-quer des ressources d’un montant ap-

proprié et de définir et appliquer des po-litiques et programmes globaux tendant àaméliorer l’état de santé des enfants, enparticulier en milieu rural ;

b) De faciliter un accès accru aux servicesde santé primaire, notamment dans leszones rurales ; de réduire l’incidence de la mortalité maternelle et infanto-juvénile ; de prévenir et combattre la mal-nutrition, en particulier dans les groupesd’enfants vulnérables et défavorisés ; de continuer à promouvoir les bonnes pratiques en matière d’allaitement ma-ternel ;

c) De poursuivre ses campagnes de vacci-nation et de les inscrire dans le cadre intégré de gestion des maladies infan-tiles ;

d) De mettre en place des programmes deformation de sages-femmes pour contri-buer au bon déroulement des accouche-ments à domicile ;

e) De rechercher de nouvelles possibilités decoopération et d’assistance aux fins del’amélioration de la santé des enfants, no-tamment avec l’OMS et l’UNICEF.

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Santé des adolescents

46. Le Comité relève avec préoccupation queles questions liées à la santé des adolescents,notamment touchant à leur développement,à leur santé mentale et à la santé de la re-production ou à l’abus de substances, n’ontpas bénéficié d’une attention suffisante. Ilprend également note de la situation parti-culièrement vulnérable des filles, que révèle,par exemple, le pourcentage très élevé degrossesses précoces. À cet égard, le Comitéest particulièrement préoccupé par l’inci-dence élevée des avortements pratiqués dansl’illégalité, avec tous les risques que celacomporte inévitablement pour la santé et lavie des intéressées.

47. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessairespour définir des politiques et programmesadaptés en matière de santé des adoles-cents, en portant une attention toute par-ticulière aux adolescentes ;

b) De renforcer l’éducation sexuelle et gé-nésique ainsi que les services de santémentale et services de conseil dans le res-pect de la sensibilité des adolescents, etde les rendre accessibles aux adolescents.

VIH/sida

48. Le Comité prend acte de l’adoption duplan national stratégique contre le VIH maisest extrêmement préoccupé par l’incidenceélevée et la prévalence croissante duVIH/sida chez les adultes et les enfants, etplus particulièrement par la forte proportiond’enfants séropositifs à la naissance ainsi que par le nombre d’enfants orphelins du faitde la maladie. Le Comité prend égalementnote avec préoccupation du manque deconnaissances des adolescents quant auxmoyens de prévenir le VIH/sida, et ce en dé-pit des efforts réels déployés par l’État par-tie pour sensibiliser la population auproblème.

49. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De redoubler d’efforts pour prévenir lesinfections par le VIH/sida, en prenant en considération les recommandationsadoptées par le Comité lors de sa journéede débat général sur les enfants vivantdans un monde marqué par le VIH/sida(CRC/C/80, par. 243) ;

b) De prendre d’urgence des mesures pourprévenir la transmission de la mère à l’en-fant, entre autres choses en combinant ces

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mesures aux activités de lutte contre lamortalité maternelle, et de prendre lesmesures adéquates pour atténuer les répercussions du décès de parents, d’en-seignants ou d’autres personnes victimesdu VIH/sida sur la vie familiale et affec-tive des enfants et leur éducation ainsique sur leur accès à l’adoption ;

c) D’amplifier ses efforts tendant à sensibi-liser les adolescents, en particulier lesplus vulnérables d’entre eux, au VIH/sida ;

d) De demander une assistance techniquesupplémentaire, notamment au Pro-gramme commun des Nations Unies surle VIH/sida (ONUSIDA).

Enfants handicapés

50. Le Comité prend note qu’un colloque,tenu en 1999, a adopté des recommandationsconcernant les enfants handicapés pour miseen œuvre par l’État partie, mais reste pré-occupé par l’absence de stratégie globale enfaveur de ces enfants, par le manque de don-nées disponibles en la matière et par l’in-suffisance des mesures prises par l’État partiepour assurer à ces enfants un accès réel à des

services de santé adéquats ainsi qu’à l’édu-cation et aux services sociaux et pour facili-ter leur pleine intégration dans la société. LeComité s’inquiète aussi du faible nombre deprofessionnels dûment formés travaillant pouret avec les enfants handicapés.

51. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De définir une stratégie globale, et lesplans d’action qui s’imposent, en faveurdes enfants handicapés ;

b) De rassembler des données sur les en-fants handicapés afin de déterminer leursituation en termes d’accès à des soins desanté adaptés, aux services d’éducation etau marché de l’emploi ;

c) De prendre note des Règles de l’ONUpour l’égalisation des chances des han-dicapés (résolution 48/96 de l’Assembléegénérale, annexe) et des recommanda-tions adoptées par le Comité à sa journéede débat général sur les droits des per-sonnes handicapées (CRC/C/69, par. 310à 339) ;

d) De dégager les ressources nécessairespour renforcer les services en faveur desenfants handicapés, soutenir leur famille

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et former des professionnels dans ce do-maine ;

e) De demander une assistance, entre autresauprès de l’UNICEF et de l’OMS.

7. Éducation, loisirs et activités culturelles

52. Le Comité prend note de l’adoption duPlan national d’éducation et de formation etde la création d’une cellule de pilotage poursa mise en œuvre. Il accueille également fa-vorablement la hausse des crédits budgétairesalloués à l’éducation et la création d’uneCommission nationale pour l’éducation desfilles. Il est toutefois préoccupé par les tauxde scolarisation, qui restent faibles et révè-lent des disparités entre garçons et filles etentre zones rurales et urbaines. Le Comité esten outre préoccupé par le nombre très limitéd’écoles publiques et par la qualité médiocrede l’éducation, dont témoignent les taux éle-vés de redoublement et d’abandon scolaire etqui s’explique principalement par l’inadé-quation de la formation des enseignants (par.192 du rapport de l’État partie). Le Comiténote par ailleurs avec inquiétude que lesjeunes filles enceintes sont exclues des éta-blissements. Enfin, le Comité relève avec pré-

occupation que l’enseignement est princi-palement dispensé par le secteur privé (ibid.,par. 184), alors que l’État ne peut assurerqu’une supervision très limitée de ce secteur,par l’intermédiaire de la Commission natio-nale de partenariat .

53. À la lumière des articles 28 et 29 et desautres dispositions pertinentes de laConvention, le Comité recommande à l’Étatpartie :

a) De s’attacher à mettre en œuvre rapide-ment et efficacement le Plan nationald’éducation et de formation ;

b) De poursuivre ses efforts tendant à assu-rer à tous les enfants, en particulier auxfilles, l’égalité d’accès à l’éducation, enportant une attention particulière aux en-fants des zones rurales et isolées ;

c) De prendre les mesures nécessaires pourgarantir l’accès à des programmes adap-tés et adéquats conçus pour les enfants ensituation de vulnérabilité, tels que les en-fants des rues, les restaveks et les enfantsou les adolescents en retard scolaire ;

d) De prendre les mesures voulues pouridentifier les causes des forts taux de re-

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doublement et d’abandon scolaire enre-gistrés dans les écoles primaires et des’employer à remédier à la situation ;

e) De mieux contrôler les programmes sco-laires et la qualité de l’enseignement dis-pensé dans les écoles privées ;

f) D’introduire, de renforcer et de systéma-tiser l’enseignement des droits del’homme, y compris des droits de l’enfant,dans les programmes scolaires, et ce dèsle primaire ;

g) D’assurer une formation adéquate aux en-seignants ;

h) De revoir sa politique de façon à prendreles rênes du secteur éducatif, notammenten élargissant les pouvoirs de laCommission nationale de partenariat ;

i) De demander une assistance technique,entre autres à l’Organisation des NationsUnies pour l’éducation, la science et laculture et à l’UNICEF.

8. Mesures spéciales de protection

Exploitation économique

54. Le Comité prend note avec une vive pré-occupation du nombre élevé des enfants qui travaillent alors qu’ils n’en ont pas l’âge,et ce de longues heures de suite, ce qui nuit à leur développement et à leur scolari-sation.

55. Le Comité recommande à l’État partie :

a) D’appliquer plus énergiquement sa lé-gislation du travail et d’accroître lenombre des inspecteurs du travail ;

b) De ratifier les Conventions nos 138(concernant l’âge minimum d’admissionà l’emploi) et 182 (concernant l’interdic-tion des pires formes de travail des en-fants et l’action immédiate en vue de leurélimination) de l’OIT ;

c) De demander une assistance technique,notamment à l’OIT.

56. Le Comité s’inquiète profondément de lasituation des enfants placés en domesticité(restaveks), et en particulier de la limite d’âgetrès basse (12 ans) retenue à l’article 341 du

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Code du travail comme seuil à partir duquelces enfants peuvent être placés dans une fa-mille, considérant que, dans la pratique,même des enfants plus jeunes sont concer-nés. Le Comité note avec préoccupation queces enfants – des filles pour la plupart – sontcontraints de travailler de longues heuresdans des conditions difficiles et sans aucunerétribution et sont soumis à des mauvais trai-tements et à diverses violences, y compris desviolences sexuelles.

57. Le Comité recommande à l’État partie, des’attacher à titre d’urgence :

a) À abroger l’article 341 du Code du travailet à faire respecter l’âge minimum d’ad-mission à l’emploi, fixé à 15 ans ;

b) À prendre toutes les mesures nécessairespour prévenir et faire cesser l’emploi d’en-fants en dessous de l’âge légal, en mettanten place une stratégie globale et notam-ment en organisant des débats et des campagnes de sensibilisation, en four-nissant des conseils et un soutien aux familles les plus vulnérables et en s’at-taquant aux causes profondes du phéno-mène ;

c) À enquêter comme il se doit en cas de

violence, dans le cadre d’une procédurejudiciaire respectueuse des enfants, etd’imposer des sanctions aux coupables ;

d) À faire en sorte que les restaveks sevoient proposer des services de réadap-tation physique et psychologique et de ré-insertion sociale, et notamment l’accès àl’éducation.

Enfants des rues

58. Le Comité est préoccupé par le nombrecroissant d’enfants des rues et l’absence destratégie systématique et globale tendant à remédier à cette situation et à apporter à cesenfants la protection et l’assistance dont ilsont besoin. Le Comité note de plus avec pré-occupation que ces enfants sont utilisés pourcommettre des infractions et que certainsd’entre eux disparaissent.

59. Le Comité recommande à l’État partie :

a) De faire en sorte que les enfants des ruesdisposent de nourriture, de vêtements,d’un logement, de soins de santé et de ser-vices éducatifs appropriés, notammentd’une formation pour l’acquisition de com-pétences professionnelles ou pour la vie

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quotidienne, afin de favoriser leur pleindéveloppement ;

b) De veiller à ce que ces enfants bénéficientde services de réadaptation et de réin-sertion en cas de violences physiques ousexuelles et d’abus de substances, ainsique de services de médiation visant à leurpermettre de se réconcilier avec leur fa-mille ;

c) D’enquêter dans les cas de disparitionsd’enfants des rues ;

d) De définir une stratégie globale pour faireface au nombre grandissant d’enfants desrues, l’objectif étant de prévenir le phé-nomène et d’inverser la tendance.

Traite d’enfants

60. Le Comité est vivement préoccupé par lenombre de cas de traite d’enfants au départd’Haïti vers la République dominicaine. Ilnote avec inquiétude qu’une fois séparés deleur famille, les enfants concernés sontcontraints à mendier ou à travailler sur le soldominicain.

61. Le Comité recommande à l’État partie deprendre toutes les mesures nécessaires pourprévenir la traite d’enfants haïtiens à desti-nation de la République dominicaine. Enparticulier, il recommande de conclure un ac-cord avec la République dominicaine pour lerapatriement en Haïti des enfants victimes detraite ainsi que pour le renforcement descontrôles à la frontière. Le Comité recom-mande à l’État partie de continuer à sollici-ter une assistance, notamment auprès del’UNICEF et de l’Organisation internationalepour les migrations.

Enfants en conflit avec la loi

62. Le Comité note que l’administration de lajustice pour mineurs est régie par la loi du 7septembre 1961 et par le décret du 20 no-vembre 1961, tout en constatant avec pré-occupation que seules les villes de CapHaïtien et Port-au-Prince sont dotées d’unsystème de justice pour mineurs. Le Comitéconstate également avec préoccupation queles enfants peuvent rester pendant une longuepériode en détention avant jugement, qu’ilsne sont pas séparés des adultes dans les lieuxde détention (sauf au Fort National, à Port-au-Prince) et que des allégations font état demauvais traitements de la part des forces de

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l’ordre, et s’inquiète des conditions de dé-tention des mineurs. Il s’alarme en outre despossibilités très restreintes de réadaptation etde réinsertion offertes aux mineurs après uneaction en justice ainsi que du caractère spo-radique de la formation assurée aux juges,procureurs et membres du personnel péni-tentiaire.

63. Le Comité recommande à l’État partie deprendre les mesures voulues pour réformer lalégislation relative au système de justice pourmineurs, conformément à la Convention et enparticulier à ses articles 37, 40 et 39, ainsiqu’aux autres normes de l’ONU applicablesen matière de justice des mineurs, notam-ment l’Ensemble de règles minima desNations Unies concernant l’administration dela justice pour mineurs (Règles de Beijing),les Principes directeurs des Nations Uniespour la prévention de la délinquance juvénile(Principes directeurs de Riyad), les Règlesdes Nations Unies pour la protection des mi-neurs privés de liberté et les Directives deVienne relatives aux enfants dans le systèmede justice pénale.

64. Dans le cadre de cette réforme, le Comitérecommande particulièrement à l’État partie :

a) De prendre toutes les mesures nécessaires

pour instituer des tribunaux pour mineurset nommer des juges pour enfants dûmentformés dans toutes les régions de l’Étatpartie ;

b) De n’envisager la privation de libertéqu’en dernier recours et pour une périodeaussi brève que possible, de limiter lé-galement la durée de la détention avantjugement et de faire en sorte que la lé-galité de toute détention soit déterminéesans délai par un juge, puis réexaminéerégulièrement par la suite ;

c) De fournir une assistance, juridique etautre, à tout enfant dès le début d’une pro-cédure à son encontre ;

d) De fournir des services élémentaires (sco-larisation par exemple) aux enfantsconcernés ;

e) De protéger les droits des enfants privésde leur liberté et d’améliorer les condi-tions de détention et d’incarcération, notamment en créant des prisons spé-ciales pour les enfants, adaptées à leurâge et à leurs besoins, et en veillant à ladisponibilité des services sociaux dansl’ensemble des centres de détention dupays, tout en s’assurant dans le même

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temps que les enfants sont séparés desadultes dans toutes les prisons et tous leslieux de détention avant jugement surl’ensemble du territoire ;

f) De solliciter une assistance techniquedans le domaine de la justice des mineurset de la formation des forces de police, notamment auprès du HCDH et desmembres du Groupe ONU de coordina-tion des services consultatifs et de l’as-sistance technique dans le domaine de lajustice pour mineurs.

9. Protocoles facultatifs

65. Le Comité constate que l’État partie a si-gné mais pas ratifié les deux Protocoles fa-cultatifs à la Convention relative aux droitsde l’enfant concernant, respectivement, lavente d’enfants, la prostitution d’enfants et lapornographie mettant en scène des enfants etl’implication d’enfants dans les conflits armés.

66. Le Comité recommande à l’État partie deratifier les Protocoles facultatifs à laConvention relative aux droits de l’enfantconcernant, respectivement, la vente d’en-fants, la prostitution d’enfants et la porno-

graphie mettant en scène des enfants et l’im-plication d’enfants dans les conflits armés.

10. Diffusion des documents

67. Le Comité recommande que, conformé-ment au paragraphe 6 de l’article 44 de laConvention, l’État partie assure au rapport etaux réponses écrites qu’il a soumises unelarge diffusion auprès du public et envisagede publier ledit rapport ainsi que les comptesrendus des séances consacrées à son examenet les observations finales y relatives adoptéespar le Comité. Le document ainsi produit de-vrait être largement diffusé, de façon à sus-citer un débat et à contribuer à faire connaîtrela Convention, sa mise en œuvre et son suivià l’administration de l’État partie, à tous lesniveaux, et au grand public, y compris aux or-ganisations non gouvernementales concer-nées.

11. Prochain rapport

68. À la lumière de la recommandation surla soumission de rapports périodiques qui aété adoptée par le Comité et est exposée dans

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son rapport sur sa vingt-neuvième session(CRC/C/114), le Comité souligne l’impor-tance qui s’attache au respect d’un calendrierqui soit pleinement conforme aux dispositionsde l’article 44 de la Convention. L’un des as-pects importants des responsabilités des Étatsparties à l’égard des enfants en vertu de laConvention consiste à faire en sorte que leComité puisse examiner régulièrement lesprogrès accomplis dans la mise en œuvre dela Convention. Il est donc très important queles États parties présentent leurs rapports

régulièrement et dans les délais fixés. À titreexceptionnel, et afin d’aider l’État partie às’acquitter pleinement des obligations qui luiincombent en vertu de la Convention, leComité invite ce dernier à présenter dans unseul document ses deuxième et troisième rap-ports périodiques avant le 7 juillet 2007, dateà laquelle son troisième rapport est attendu.Le Comité attend de l’État partie qu’il sou-mette par la suite des rapports tous les cinqans, comme le prévoit la Convention.

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Case postale 21 – 8, rue du Vieux-BillardCH 1211 Genève 8

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L’Organisation MondialeContre la Torture (OMCT)souhaite exprimer sa profondegratitude à la CommissionEuropéenne, MISEREOR etla Fondation de France pourleur soutien au ProgrammeDroits de l’Enfant.