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DU CONTE POPULAIRE À L’AFFICHE PUBLICITAIRE : LE PETIT CHAPERON ROUGE ET COCA COLA. Pour les besoins de cette étude, nous reproduisons la version nivernaise de notre corpus appelée “Le conte de la mère grand” 1 , car elle a pour avantage d’être explicite en ce qui concerne les principaux éléments qui vont nous intéresser : C’était une femme qui avait fait du pain. Elle dit à sa fille : — Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta grand. Voilà la petite fille partie. A la croisée de deux chemins, elle rencontra le bzou qui lui dit : — Où vas-tu? — Je porte une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand. — Quel chemin prends-tu? dit le bzou, celui des Aiguilles ou celui des Épingles ? — Celui des Aiguilles, dit la petite fille. — Eh bien! moi, je prends celui des Épingles. La petite fille s’amusa à ramasser des aiguilles ; et le bzou arriva chez la Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l’arche et une bouteille de sang sur la bassie. La petite fille arriva, frappa à la porte. — Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée. 1 recueillie par A. MILLIEN, Mélusine, III, 1886-1887, col. 428-429. Cette version est considerée par P. DELARUE comme le prototype du conte ; voir Le conte populaire français, t.1, Paris, Erasme, 1957, pp.373-374.

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DU CONTE POPULAIRE À L’AFFICHE

PUBLICITAIRE : LE PETIT CHAPERON ROUGE ET

COCA COLA.

Pour les besoins de cette étude, nous reproduisons la version

nivernaise de notre corpus appelée “Le conte de la mère grand”1, car

elle a pour avantage d’être explicite en ce qui concerne les principaux

éléments qui vont nous intéresser :

C’était une femme qui avait fait du pain. Elle dit à sa fille :

— Tu vas porter une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ta

grand.

Voilà la petite fille partie. A la croisée de deux chemins, elle rencontra le

bzou qui lui dit :

— Où vas-tu?

— Je porte une époigne toute chaude et une bouteille de lait à ma grand.

— Quel chemin prends-tu? dit le bzou, celui des Aiguilles ou celui des

Épingles ?

— Celui des Aiguilles, dit la petite fille.

— Eh bien! moi, je prends celui des Épingles.

La petite fille s’amusa à ramasser des aiguilles ; et le bzou arriva chez la

Mère grand, la tua, mit de sa viande dans l’arche et une bouteille de sang sur la

bassie. La petite fille arriva, frappa à la porte.

— Pousse la porte, dit le bzou. Elle est barrée avec une paille mouillée.

1 recueillie par A. MILLIEN, Mélusine, III, 1886-1887, col. 428-429. Cette version est

considerée par P. DELARUE comme le prototype du conte ; voir Le conte populaire français,

t.1, Paris, Erasme, 1957, pp.373-374.

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— Bonjour, ma grand, je vous apporte une époigne toute chaude et une

bouteille de lait.

— Mets-les dans l’arche mon enfant. Prends de la viande qui est dedans et

une bouteille de vin qui est sur la bassie.

Suivant qu’elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :

— Pue! ... Salope! ... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.

— D’habille-toi, mon enfant, dit le bzou, et vients te coucher avec moi.

— Où faut-il mettre mon tablier ?

— Jette-le au feu, mon enfant, tu n’en as plus besoin.

Et pour tous les habits, le corset, la robe, le cotillon, les chausses, elle lui

demandait où les mettre1. Et le loup répondait : “Jette-les au feu, mon enfant, tu

n’en as plus besoin.”

Quand elle fut couchée, la petite fille dit:

— Oh! ma grand, que vous êtes poilouse!

— C’est pour mieux me réchauffer, mon enfant!

— Oh! ma grand, c’est grands ongles que vous avez!

— C’est pour mieux me gratter, mon enfant!

— Oh! ma grand, ces grandes épaules que vous avez!

— C’est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant!

— Oh! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez!

— C’est pour mieux entendre, mon enfant!

— Oh! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez!

— C’est pour mieux priser mon tabac, mon enfant!

— Oh! ma grand, cette grande bouche que vous avez!

— C’est pour mieux te manger!

— Oh! ma grand, que j’ai faim d’aller dehors!

— Fais au lit, mon enfant!

— Oh! non, ma grand, je veux aller dehors.

— Bon, mais pas pour longtemps.

Le bzou lui attacha un fil de laine au pied et la laissa aller.

Quand la petite fut dehors, elle fixa le bout du fil à un prunier de la cour.

Le bzou s’impatientait et disait : “Tu fais donc des cordes ? Tu fais donc des cordes

?”

Quand il se rendit compte que personne ne lui répondait, il se jeta à bas du

lit et vit que la petite fille était sauvée. Il la poursuivit, mais il arriva à sa maison

juste au moment où elle entrait.

Introduction

Notre projet de départ est la rencontre de deux problématiques

: le motif et l’énonciation dans le cadre de la sémiotique

greimassienne et plus précisément dans la perspective des travaux de

Joseph Courtés.

Le deuxième point important est que notre objet d’étude n’est

pas l’image (nous ne travaillons ni l’un ni l’autre dans nos recherches

respectives, sur le plan de l’expression). En ce sens, notre approche

de l’affiche publicitaire peut paraître surprenante, voire non

pertinente. Cependant, il nous semble que de cette approche, à savoir

la formulation d’une problématique à partir de l’analyse pratique d’un

conte peuvent surgir des implications intéressantes pour l’analyse du

discours publicitaire, spécialement lorsque le contenu d’une image

s’appuie précisement sur un savoir “folklorique”.

1 A. Millien explique en note : “Pour chaque vêtement, le conteur répète la question de la

fillette et la réponse du loup.”

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Nous avons choisi un point de vue – un niveau de pertinence

dirait J. Courtés – eu égard à la convergence de nos problématiques, à

savoir précisément tenter de rendre compte à l’aide de l’étude du motif

et de la praxis énonciative, - dans un premier temps - du noyau présent

dans les différentes variantes, et d’analyser dans un deuxième temps,

la convocation et la « déformation cohérente » des motifs par le

discours publicitaire1.

Les motifs

Nous avons au préalable analysé le conte-type T333 à partir

d’un corpus de quatorze variantes relevant de la tradition orale

française2. Nous ne présenterons ici que les résultats de cette analyse

et plus particulièrement l’étude des motifs.

Stith Thompson (auteur du Motif-Index) décrit le motif comme

“le plus petit élément du conte susceptible de se trouver tel quel dans

différents récits de la tradition populaire”3. Le conte-type, à son tour,

est soit un combinatoire de plusieurs motifs, soit un seul motif.

J. Courtés a depuis de nombreuses années élaboré

progressivement la notion du motif en ethnolittérature de maniere plus

conforme aux exigences de la semiotique. Dès le départ, le motif est

posé comme un phénomène de stéréoptypie intertextuelle, c’est à dire,

une forme virtuelle dont la signification ne se fixe qu’au moment de sa

manifestation dans un conte. La tâche du sémioticien est celle de

construire et décrire, à partir de textes ethnolittéraires français, la

nature de cette unité narrative et/ou discursive, en posant — de

manière hypothétique — une compétence sémantique et syntaxique

“moyenne” chez le sujet de l’énonciation (français).

Dans son étude sur le motif narratif de la “lettre”, Joseph

Courtés propose une définition générale du motif que nous partageons

:

Nous postulons...que tout motif comporte une sorte de noyau relativement stable, un

invariant spécifique...et que, en même temps, il est lié à des mises en contextes

particulières qui lui confèrent des significations diverses ou, plus exactement, qui le

font servir à des fins de significations variées : un peu à l’exemple du “mot” qui, en

sus des éléments permanents qui le caractérisent, admet des acceptions différentes en

fonction de ses environnements plus ou moins immédiats dans le discours qui

l’exploite.”4

1 On ne va pas analyser l’ensemble du discours publicitaire coca-cola, seulement celui que

l’on peut construire à partir de la « lecture » de cette affiche. 2 Nous remercions tout particulièrement Josiane Bru (Centre d’Anthropologie (EHESS-

CNRS) - GREMOC à Toulouse) pour son amabilité, sa disponibilité et son aide pour la

constitution de notre corpus. 3 THOMPSON S., The Folktale, University of California Press, 1977. 4 COURTÉS J., "La lettre dans le conte populaire merveilleux français : contributions à

l’étude de motifs”, Documents de recherche du Groupe de Recherches Sémio-linguistiques

(GRSL), EHESS/CNRS, 1979, n°.9 (= l° partie), p.10.

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Pour mieux comprendre cette notion de “noyau stable”, il faut

prendre en compte la distinction proposée plus récemment par J.

Courtés1 entre le motif narratif, forme syntactico-sémantique

stéréotypée, d’ordre plutôt syntagmatique, et motif sémantique, forme

narrativement libre, de nature plutôt paradigmatique. Un motif

narratif est “une sorte de «lieu commun», syntaxiquement organisé

selon une grammaire narrative très élémentaire”2 dont “chacune des

figures [ou des thèmes] constituantes occupe une position narrative

précise (sujet de l’action, sujet bénéficiaire, objet produit, moyen mis

en œuvre, etc.)”3. Son noyau stable pourrait être soit une forme

figurativo-narrative (par exemple, le « filage », avec le rôle figuratif

du /fileur/ et son objet produit, le /fil/, et d’autres figures comme

l’instrument employé, le matériau, etc.), soit sa forme thématico-

narrative (par exemple, la « trahison », avec les rôles thématiques du

/traitre/ et du /trahi/).

Une question se pose : si le motif narratif est une sorte de

micro-recit, quelle est la difference entre le motif et le conte-type? J.

Courtés explique :

Il n’y a pour nous aucune différence de nature entre « type » et « motif [narratif] »,

seulement une différence pour ainsi dire de longueur, de forme syntaxique plus large

et plus complexe, ou au contraire plus restreinte et plus simple.4

De ce point de vue, l’opposition entre le motif narratif et le

conte type n’a pour nous qu’une fonction opératoire pour nous

permettre de situer les motifs les uns par rapport aux autres à

l’interieur du conte. Reconnaitre en meme temps qu’il n’y pas de

difference “de nature” entre le motif et le conte-type permet aussi

d’identifier la présence de plusieurs motifs narratifs a l’intérieur d’un

motif narratif englobant, comme dans le cas de l’enclave ou de

l’enchassement.

On a affaire à un motif sémantique quand des groupes (et

sous-groupes) de figures “hiérarchiquement organisées, selon des

rapports d’affinité et d’opposition”5 entretiennent des “liens, de

caractère paradigmatique” comme les figures de «soleil», «lune»,

«étoiles» qui relève du /céleste/ ou celles d’«amande», «noix» et

«noisette» qui relèvent du /terrestre/, figures qui, ensemble, peuvent

renvoyer — de manière semi-symbolique — à l’isotopie du /féminin/6.

Pour ce qui est de notre étude, nous nous en tenons à la seule

étude du motif narratif (ceux du « piège » et de la « dévoration »),

1 voir COURTÉS J., “Ethnolittérature, rhétorique et sémiotique”, Ethnologie Française, n° 2,

1995, pp.157-171 et COURTÉS J., “Un «lieu commun» en ethnolittérature : le «motif»”,

Protée: théories et pratiques sémiotiques, vol. 22, n° 22, printemps 1994, pp. 86-96. 2 COURTÉS J., “Ethnolittérature, rhétorique et sémiotique”, Ethnologie Française, n° 2,

1995, pp.157-171. 3 Ibid., p.164. 4 COURTÉS J., “Motif et type dans la tradition folklorique : problèmes de typologie”,

Littérature, n°.45, 1982, p.126. 5 COURTÉS J., “Ethnolittérature, rhétorique et sémiotique”, Ethnologie Française, n° 2,

1995, p.166. 6 Ibid., p.169.

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sans oublier l’importance du motif sémantique pour la compréhension

d’un conte. Nous proposons, dans un deuxième temps, d’identifier

deux autres types de motifs (discursifs) relevant de l’énonciation

rapportée et de l’énonciation énoncée.

Deux motifs narratifs dans T333 : le piège et la dévoration.

Les motifs en question correspondent globalement aux motifs

K2011. Wolf poses as « grandmother » and kills child et F911.3.

Animal swallows man (not fatally) que A. Aarne et S. Thompson1

regroupe dans la séquence de T333 qu’ils appellent Wolf’s feast .

La dévoration

Pour le motif de la dévoration (lexème qui, en l’occurence, ne

se trouve pas dans le dictionnaire), le Petit Robert propose les

définitions suivantes : dévorateur : “qui dévore” ; et dévorer :

“manger en déchirant avec les dents”. A partir de ces définitions, on

peut poser, de façon provisoire, comme noyau figurativo-narratif du

motif de la « dévoration », un programme selon lequel un sujet de

faire (S) fait en sorte (F) qu’il soit conjoint (), en tant que sujet

d’état, avec l’objet dévoré (O).

Dans notre conte T333, nous voyons que la « dévoration » de

“LA GRAND-MERE” (SC) est toujours réalisée comme PN d’usage

du « piège » qui consiste, en partie, à /faire croire/ à “LA FILLE” (SA)

que “LE LOUP” (SB) est SC .

La « dévoration » de SA par SB n’est pas toujours réalisée (“la

petite fille était sauvée”) dans la tradition orale. Cette non-nécessité

du passage à l’acte de la « dévoration » de SA correspond à une

divergence importante entre les variantes de notre corpus : dans

certaines variantes SB ne “dévore” pas O : SA, tandis que dans d’autres

il le “dévore”.

Le piège

Selon le Petit Robert, le piège est défini, dans son sens figuré,

comme un “artifice qu’on emploie pour mettre quelqu’un dans une

situation périlleuse ou désavantageuse ; danger caché où l’on risque de

tomber par ignorance ou par imprudence”. Il a pour synonymes —

relevant de la dimension cognitive — les lexèmes de “feinte”,

“leurre”, “ruse”. Le verbe piéger est défni comme “chasser, prendre

au moyen de piège” et encore dans un sens figuré comme “prendre

quelqu’un au piège, le mettre dans une situation sans issue”.

A partir de ces définitions du dictionnaire, nous trouvons déjà

l’esquisse d’un programme narratif. Le « piège » se présenterait alors

comme un PN selon lequel un sujet-piégeur (S1) fait en sorte (F1)

qu’un intermédiaire-piégeable (S2) fasse en sorte (F2) que celui-ci

tombe dans le piège constituant ainsi l’objet-piégé (O) conjoint () au

1 A. AARNE et THOMPSON , The Types of the Folktale, FF Communications, no. 184,

Helsinki, 1961, p.125.

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S1. Il prend donc la forme de deux faires convergents : un faire

transitif (F1 : /piéger/) et un faire réfléchi (F2 : /se faire piéger/)

Dans notre conte-type, le “loup” fait en sorte que la “fille”

rentre dans le “lit” avec lui pour la “dévorer”, mais le « piège » – tel

qu’il est ici – est bien plus complexe qu’une schématisation

syntaxique ne la laisse supposer.

On voit déjà le caractère ouvert du lexème « piège » qui

semble pouvoir être d’ordre plutôt figuratif (abstrait) (“situation sans

issue”) et/ou thématique (“danger caché”). On peut dire par là que la

convocation du motif du « piège » — avec ses virtualités sémiques

possibles — appelle un investissement sémantique et une combinaison

syntagmatique, qui semble correspondre à l’enjeu principal du faire

énonciatif.

Si l’on prend en compte tous les éléments sémio-narratifs et

discursifs qui entrent en jeu dans le motif, on constate que le « piège »

englobe le récit entier. Par contre ce n’est pas le cas avec la «

dévoration » qui n’est qu’une configuration présupposée et enchassée

par celle du « piège » (la dévoration de la “mère grand”) et à laquelle

le « piège » peut aboutir ou non (la dévoration de la “fille”).

Le « piège » dans T333 — à la fois convergent et divergent en

comparaison avec d’autres “usages” du motif — est investi d’une

double manipulation :

(1) sur le plan cognitif : un faire persuasif (/faire-croire/) de la part de

SB (“c’est moi, grand’mère”, v.c) qui entraine un faire interprétatif

(/croire-vrai/) du côté de SA (“Comment allez-vous, ma grand’mère?”,

v.d) ; et

(2) sur le plan pragmatique : un faire prescriptif (/faire-devoir-faire/)

de SB (“viens te coucher à ras moi”, v.g) et une obéissance (passive ou

active) de la part de SA (“Je vais me coucher maman”, v.g). La

réussite du faire prescriptif présuppose et dépend de la réussite du

faire persuasif.

L’activité cognitive du loup peut être thématisée par la /ruse/

(d’ailleurs synonyme de “piège”au sens figuré) ou la /tromperie/, et

par opposition, celle de SA par /naïveté/ ou /ignorance/. A ce propos,

il semble que la thématisation du rôle narratif de SA, au niveau de

l’histoire racontée, résulte plutôt d’un travail interprétatif du sujet de

l’énonciation1. (Il est intéressant de souligner que ces thèmes ne sont

pas manifestés dans le texte au niveau figuratif). En rapport à cette

opposition thématique (/ruse/ vs. /naïveté/) sont corrélées les rôles

thématiques d’/autorité/ et d’/obéissance/ sur la dimension

pragmatique.

Sur le plan cognitif, mais aussi pathémique, le motif du « piège

» dans T333 joue sur un décalage entre les actants de l’énoncé et ceux

de l’énonciation.

1 Nous reviendrons sur cette hypothèse plus loin.

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Ces divergences, tant cognitive que pathémique, entre SA et le

sujet de l’énonciation, ne participent-elles pas d’une stratégie

“communicationnelle” ? Le conte apparaît, en effet, comme un

exemple de ce qu’“il ne faut pas faire”. Cette mise à distance entre SA

et l’énonciataire permet à celui-ci d’interpréter et d’évaluer l’histoire

en rapport à une norme (pratique sociale).

Le motif du « piège », qui semble englober le récit dans son

entier, “joue” tant sur les dimensions pragmatique, cognitive que

pathémique. Sa mise en place dans l’énoncé devient ainsi un lieu

privilégié d’exploitation à des fins stratégiques sur le plan de

l’énonciation (attente, surprise?, interprétation, évaluation, etc.).

Pour résumer, nous avons vu le caractère ouvert du “piège” au

niveau de la langue (combinaisons sémantiques et syntaxiques

importantes). Cette ouverture dans T333 permet tellement de nuances,

de jeux, de présuppositions, qu’il semble pouvoir embrasser le récit

entier. On est tenté de dire — comme le dit Courtés1 à propos du

rapport entre le motif et le type — que T333 est “un cas particulier”

du motif du piège. Le Petit Chaperon Rouge — du point de vue

narratif — est donc l’histoire d’un piège.

Le motif du «dramatique dialogue».

Ce motif est designé par S. Thompson comme Z18.1. What

makes your ears so big? — To hear better my child, etc. Il s’agit

d’une sous-division des motifs Z18. Formulistic conversations.

Voici le dialogue, que nous reproduisons ici pour les besoins de

l’analyse :

Quand elle fut couchée, la petite fille dit:

— Oh! ma grand, que vous êtes poilouse!

— C’est pour mieux me réchauffer, mon enfant!

— Oh! ma grand, c’est grands ongles que vous avez!

— C’est pour mieux me gratter, mon enfant!

— Oh! ma grand, ces grandes épaules que vous avez!

— C’est pour mieux porter mon fagot de bois, mon enfant!

— Oh! ma grand, ces grandes oreilles que vous avez!

— C’est pour mieux entendre, mon enfant!

— Oh! ma grand, ces grands trous de nez que vous avez!

— C’est pour mieux priser mon tabac, mon enfant!

— Oh! ma grand, cette grande bouche que vous avez!

— C’est pour mieux te manger!

Nous avons pris ce dialogue comme exemple d’un motif de

l’énonciation rapportée et proposé des hypothèses sur ce motif en tant

que stratégie énonciative pour rendre compte de ses fonctions

possibles au niveau de l’énonciation.

Tout d’abord, du point de vue de l’histoire racontée, le

dialogue se situe à l’intérieur du pivot narratif (entre le « piège » et la

« dévoration ») et mène la tension à un point culminant et débouche

souvent sur la fin même du récit. A souligner, bien sûr, que selon les

1 COURTÉS J., “Motif et type dans la tradition folklorique : problèmes de typologie”,

Littérature, n°.45, 1982, p.126.

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fins (dénouements) possibles du récit (fuite ou dévoration), le dialogue

va prendre une toute autre “direction”.

— Oh! ma grand, que j’ai faim d’aller dehors!

— Fais au lit, mon enfant!

— Oh! non, ma grand, je veux aller dehors.

— Bon, mais pas pour longtemps.

Nous n’allons pas présenter ici la description de ce motif mais

qui peut être caractérisé par sa forme prosodique (rythmique,

syntaxique), son contenu sémantique et sa position dans le conte-type.

Le motif des « voix ».

P. Delarue relève un motif qu’il designe “le motif de l’animal

ou de la voix qui renseigne l’enfant sur ce qu’elle mange” qui nous

semble relever d’un niveau intermédiaire entre l’énonciation rapportée

et l’énonciation énoncée.

“Suivant qu’elle mangeait, il y avait une petite chatte qui disait :

— Pue!... Salope!... qui mange la chair, qui boit le sang de sa grand.” (v.a)

“Pendant qu’elle fricassait le sang, elle entendait du haut de la cheminée des voix

comme des voix d’anges qui disaient : Ah! la maudite petite fille qui fricasse le sang

de sa grand’mère!” (v.d)

On peut se demander si, au plan du contenu, ces énoncés

variables sur le plan stylistique ne visent pas à expliciter ou à

compléter la compétence de l’énonciataire implicite. Si l’on situe le

motif qu’on a designé “les voix” à une frontière floue entre

l’énonciation rapportée et l’énonciation énoncée, c’est que celui-ci est

à la fois un simulacre de l’énonciation (il se rapproche - en ce sens -

du dialogue) et une stratégie de communication entre l’énonciateur

et l’énonciataire.

Il s’agit d’un “savoir transmis ou remémoré” — de

l’énonciateur à l’énonciataire, par la médiation d’un sujet de l’énoncé1.

Ce motif a donc une fonction essentielle qui est de compléter la

compétence du savoir narratif au niveau de l’énoncé énoncé.2 Mais, ce

qui nous semble le plus important pour l’utilisation de ce motif dans le

conte, c’est l’évaluation dont le sujet de l’énoncé fait l’objet.

Si l’on a bien ici une sorte de “clin d’oeil que l’énonciateur

adresse à l’énonciataire (l’auditoire) sans doute pour maintenir le

contact (la fonction «phatique» dont parle R. Jakobson dans son

schéma des fonctions du langage verbal) entre les deux actants de

l’énonciation »3, on a surtout une évaluation dysphorique que porte

l’énonciateur sur le sujet de l’énoncé, à l’adresse de l’énonciatiaire,

évaluation qui a - ce nous semble- un rôle déterminant à jouer dans le

1 COURTÉS J., Analyse sémiotique du discours : de l’énoncé à l’énonciation, p. 264. 2 Dans une version du corpus, la voix a même une incidence directe sur le déroulement

narratif, dans la mesure où le sujet commence a prendre conscience du piège : “Et la petite,

elle était plus tranquille, elle avait peur, elle commençait à savoir que c’était pas sa marraine.” 3 COURTÉS J. “Ethnolittérature, rhétorique et sémiotique”, Ethnologie Française, n°.2,

1995, p.162.

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processus du parcours interprétatif (de l’histoire racontée à la

moralisation). .

Le motif et l’énonciation

Quand l’on remonte vers le plan de l’énonciation, l’on

remarque que le motif des « voix », manifesté en forme d’énonciation

rapportée, peut avoir une incidence sur le plan de l’énoncé énoncé,

mais a aussi une fonction “stratégique” pour la communication

évaluatrice entre l’énonciateur et l’énonciataire.

Si le motif des « voix » prend la forme d’une évaluation qui

porte sur le faire (anthropophagique) de la “fille”, nous n’oublions pas

que cette configuration “cannibale” est aussi le résultat de la

manipulation cognitive et pragmatique du loup, c’est à dire de son «

piège ». On peut se demander dans quelle mesure cette évaluation

porte (métonymiquement) sur l’ensemble des actions de SA et, par

conséquent, sur l’ensemble de cette histoire de « piège ». Pour ce qui

est du « dramatique dialogue », toute son importance sur le plan de

l’énoncé — comme état terminatif du « piège » — semble participer

d’une convergence cognitive et pathémique sur le plan de

l’énonciation. Ce “simulacre de l’énonciation stéréotypé” donne au

sujet de l’énonciation implicite l’impression d’assister et de participer

directement à la “scène” culminante du « piège ».

Nous avons vu à l’analyse, une fois de plus, que l’énonciation

énoncée surdétermine l’énoncé énoncé. Ainsi, d’une part, la “manière

de raconter” l’histoire semble plus importante que l’histoire elle même

et, d’autre part, que l’énonciation énoncée, joue un rôle important dans

le parcours qui va du récit à la moralisation. Dans cette perspective,

on voit mieux pourquoi le motif du « piège », d’ordre plutôt figuratif

dans l’énoncé énoncé, semble avoir une fonction plutôt thématique sur

le plan de l’énonciation. Le thème de la /naïveté/ associé à SA, par

exemple, semble relever davantage d’une évaluation fait par le sujet

de l’énonciation que par un sujet de l’énoncé.

Le motif comme un “noyau” de la compétence sémantique et

syntaxique

D’un point de vue très général, on considère l’énonciation en

sémiotique comme une communication entre un énonciateur et un

énonciataire par l’intermédiaire de l’objet sémiotique. Ces actants

s’inscrivent dans un contexte socioculturel déterminé (a partir duquel,

l’énonciateur implicite construit son discours) qui garantit un fond

d’identité, un savoir partagé1.

On pourrait — semble-t-il — caractériser le contrat énonciatif

en ethnolittérature sur le mode de la communication participative et

intersubjective2, présupposant ainsi une compétence sémantique et

1 Pour reprendre le titre d’un ouvrage de J. Fontanille. 2 L’objet de cette communication participative passe d’abord d’un domaine virtuel rélevant

(1) de la compétence sémantique (= savoir encyclopédique rélevant du “système” et de la

“langue”) de l’énonciateur, de nature plutôt collective, jusqu’à sa réalisation unique (ex. : une

version du conte) qui est le fruit de la mise en application de la compétence syntaxique, ou

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syntaxique de nature collective, plus ou moins partagées entre les deux

actants-sujets. (Le plus souvent, dans l’acte d’énonciation le conteur

d’un conte semble répondre — à travers l’énoncé — aux attentes de

l’énonciataire.)

A partir de la définition du terme de compétence donné par A.

J. Greimas et J. Courtés1, qui est la suivante :

“Si l’on conçoit l’énonciation comme une instance de médiation produisant le

discours, il est indispensable de s’interroger sur ce qui est médiatisé par cette

instance, sur les structures virtuelles qui constituent l’amont de l’énonciation. [...]...

nous considérons que l’espace des virtualités sémiotiques que l’énonciation est

appelée à actualiser est le lieu de résidence des structures sémio-narratives, formes

qui, s’actualisant comme opérations, constituent la compétence sémantique du sujet

de l’énonciation.”

nous posons — à titre d’hypothèse — que le motif (de par sa structure

et sa variabilité) constitue, dans cet “espace des virtualités”, une sorte

de noyau de cette compétence.

Le « piège » qui nous semble occuper la plupart du récit, sinon

le constituer dans son entier, avec toutes ses ouvertures sémantiques et

syntaxiques possibles, constitue une structure virtuelle partagée par les

deux sujets implicites de l’énonciation (une entente). Il semble que la

convocation du conte-type est nécessairement — mais non

uniquement — la convocation du motif du « piège ». D’autres motifs

non ou partiellement actualisés dans T333 (« déguisement », «

anthropophagie », « circulation de nourriture entre maisonées »2, etc.)

ne feraient pas partie nécessairement de ce noyau, n’étant, du point de

vue de la praxis énonciative, que des variables syntactico-sémantiques

qui développent certaines isotopies plus que d’autres selon les

stratégies de l’énonciateur, selon la situation, selon le contexte, etc.

La praxis énonciative3 : du motif à la moralisation

Pour résumer l’histoire du Petit Chaperon Rouge, Y Verdier

propose l’énoncé prescriptif suivant : “petite fille, ne t’écarte pas du

chemin, sinon tu rencontreras le loup et il te mangera!”4 Cette

condensation du conte est intéressante, en ce sens qu’elle semble

rendre compte de tout le parcours interprétatif d’un énonciataire

« moyen ». Il est aussi interessant de remarquer que cette prescription

ne se manifeste jamais explicitement dans les variantes de notre

corpus, mais qu’elle y est quand même intelligible.

modale — de nature plutôt individuelle (d’ordre du “procès” et de la “parole” avec ses étapes

virtuelle, actualisante et potentialisante); et (2) de la praxis énonciative, c’est-à-dire de tout ce

qui relève de la pratique sociale du conte populaire, et de son contexte socio-culturel,

historique etc. sur le plan “méta-sémiotique”. 1 GREIMAS A. J. et COURTÉS J., Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du

langage, Paris, Hachette, tome 1, 1979, p.126-127. 2 VERDIER Y., “Grand-mère, si vous saviez...Le Petit Chaperon Rouge dans la tradition

orale”, Cahier de littérature orale, no.4, 1978, p.38. 3 A souligner que “la praxis énonciative n’est pas une théorie, ni même une problématique,

encore moins une alternative ; c’est tout au plus un certain point de vue, celui du discours «se

faisant», et pas simplement du discours «déjà fait».” (FONTANILLE J., “Avant-propos” à La

praxis énonciative, Nouveaux Actes Sémiotiques, nos. 41-42, 1995, p.4. 4 VERDIER Y., “Grand-mère, si vous saviez...Le Petit Chaperon Rouge dans la tradition

orale”, Cahier de littérature orale, no.4, 1978, p.17.

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L’axiologisation partagée par l’énonciateur et l’énonciataire

implique une morale du conte1. Il est important de souligner ici que

seule la version de Perrault propose une morale explicite2 ; dans la

tradition orale, la morale est en quelque sorte énoncée indirectement

(ou plutôt implicitement).

Le conte a ainsi la particularité de raconter une histoire (de

l’ordre du « merveilleux »), tout en énonçant implicitement une

morale le plus souvent de nature prescriptive3 : l’histoire « extra-

ordinaire » n’est que le prétexte (une exemplification de la norme ou

de la non-norme) de la loi comme le dit J. Courtés : si l’on considère

que le conte “est, pour le moins, une moralité en forme narrative.”4, un

système axiologique”5, il est intéressant de s’attarder sur le parcours

interprétatif qui irait de la compréhension du conte à un niveau

d’évaluation.

L’axiologisation / morale (explicite ou implicite) permet de

donner à l’énonciataire “un enseignement normatif sur les «valeurs»”

qui, à son tour, participe de la compétence sémantique et modale du

sujet de l’énonciation et par là même participe de la “solidification” du

contrat énonciatif.

On pourrait proposer une morale narrative qui condenserait la

composante syntaxique du conte, non sans humour : “ne te fais pas

piégé(e) ».

Le conte et l’ affiche

1 “l’enfant entend une chose et encomprend une autre”. IN "«Parlons de sémiotique» :

Entretien avec J. Courtés" organisé par le CPST, Mai 1997. 2 On voit ici que de jeunes enfants,

Surtout de jeunes filles

Belles, bien faites, et gentilles,

Font très mal d’écouter toute sorte de gens,

Et que ce n’est pas chose étrange,

S’il en est tant que le loup mange.

Je dis le loup, car tous les loups

Ne sont pas de la même sorte ;

Il en est d’une humeur accorte,

Sans bruit, sans fiel et sans courroux,

Qui privés, complaisants et doux,

Suivent les jeunes Démoiselles

Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;

Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,

De tous les Loups sont les plus dangereux.

(PERRAULT Ch, Contes, Gilbert Rouger, Paris : Garnier, 1967) 3 Ainsi, pour utiliser la théorie des actes de langage de J. Austin (Quand dire c‘est faire), la

lecture, ou l’écoute, d’un conte correspondrait à un macro-acte locutoire dont l’acte illocutoire

correspondant serait de l’ordre du conseil ou d’une mise en garde. Le projet (l’intention?) de

l’énonciateur consisterait à établir, au terme d’une stratégie persuasive, une relation d’échange

entre les partenaires de la communication (orale ou littéraire ?), relation que viserait, en

dernier lieu, une entente sur les valeurs en jeu dans cette interaction. 4 COURTÉS J., “De la description à la spécificité du conte populaire merveilleux français”,

Ethnologie française, 1972, II, 1-2, p.39. 5 Ibid., p.40.

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Pour aborder l’affiche publiciatire, nous partons de

l’hypothèse selon laquelle tout discours publicitaire joue sur la

compétence sémantique de l’énonciataire, et plus particulièrement sur

les stéréotypes — les motifs — qui forment des noyaux de cette

compétence. L’affiche publicitaire est donc une forme de bricolage

selon la definition de Lévi-Strauss développée par J.M. Floch 1 On

peut ainsi aborder le discours publicitaire du point de vue du motif et

de la praxis énonciative, à savoir que le discours publicitaire convoque

des motifs à des fins stratégiques.

Si nous postulons que le discours publicitaire à travers l’affiche

convoque l’ensemble du conte en tant que “motif”, l’on peut poser la

question suivante : pourquoi est-ce que l’énonciateur de l’affiche a

choisi, alors, le conte-type 333 pour son discours publicitaire?

Une première réponse simple pourrait être “le couleur rouge”

(l’isotopie chromatique la plus évidente et récurrente dans la série

d’affiches2). La couleur — sur le plan de l’expression — constitue

déjà un premier “fond commun" permettant le bricolage. Notons au

passage que la couleur rouge associée à la fille n’est pas récurrente

dans la tradition ethnolittéraire ; ce qui semble être convoqué ici est la

version canonisée de Perrault ou à les versions de Grimm et des livres

d’enfants. A l’intérieur de cet axe paradigmatique que constitue le

conte en tant que grandeur autonome, les composantes sémantiques et

narratives du conte — sur le plan du contenu — vont participer de ce

fond commun3.

Le conte, en tant que motif narratif, est “pris en charge”

(séléctionné sur l’axe paradigmatique) et actualisé par “sa

manipulation au sein du faire discursif qui se réalise”4 L’histoire

racontée dans l’affiche nous est donc présentée comme un

renversement de notre “attente” en tant qu’énonciataire collectif.

L’affiche présente une divergence importante de la tradition orale (et

de Perrault) qui est rendu possible, en même temps, grâce au “fond

commun”. Il s’agit de la substitution de l’objet de valeur (“fille”) visé

part le “loup” (SB) avec un autre objet de valeur (la bouteille de Coca

Cola). Cette substitution virtualise le motif du piège et actualise le

motif du «don» que I. Verdier appelle la “circulation de nourriture

1 “Comme toute praxis énonciative, le bricolage implique la convocation d’un certain nombre

de formes déjà constituées dont certaines peuvent être des formes figées. Mais l’activité

énonciative que représente le bricolage ne débouche pas sur la production d’un discours

stéréotypé. La sélection et l’exploitation des faits d’usage et des produits de l’histoire

débouchent dans ce cas sur une création qui fait toute la singularité du bricolage comme

praxis énonciative. On peut même dire qu’il s’agit en l’occurrence d’une double création.

D’une part, le bricolage aboutit à un énoncé qui possède les qualités d’une entité autonome.

D’autre part, cet énoncé donne existence à un sujet énonciateur et le dote d’une identité.” In

J.-M. Floch, Identités visuelles, p. 6. 2 Notre affiche fait partie d’une séries d’affiches issues de la même campagne publicitaires et

qui jouent toutes sur le couleur rouge (par exemple : Dracula boit un coca au lieu de boire le

sang d’une femme). 3 Ce “fond commun” pourrait être étudié en tant quemotif sémantique, dans une anlyse plus

approfondie. 4 BERTRAND D., "L'impersonnel de l'énonciation ; Praxis énonciative : conversion,

convocation, usage", in Protée. Théories et pratiques sémiotiques, vol. 21, n° 1, 1993, p. 29.

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entre maisonées”. En ethnolittérature française, ce dernier motif reste

souvent à l’état virtuel dans le conte-type dès la première rencontre

entre le loup et la fille.

A la virtualisation du motif du « piège » et à l’actualisation de

celui du « don », correspond un renversement du système axiologique

associé au conte. Ainsi, toute axiologisation dysphorique disparaît, et

laisse la place à l’euphorie1 du discours de Coca Cola. Comme le

souligne N. Everaert-Desmedt2, “quels que soient les motifs

sélectionnés dans la culture... la publicité les marque du sceau de

l’euphorie”. Ce renversement est rendu possible — semble-t-il —

grâce à un autre “fond commun”, à savoir l'isotopie syntactico-

sémantique de la /consommation/3 (qui nous renvoie d’ailleurs à la

troisième fonction idéologique de Dumézil4). Ceci nous renvoie aussi

au motif de la « consommation du produit » que N. Everaert

Desmedt5 pose comme motif central du discours publicitaire.

C’est sur ce fond commun dans le conte T333 que le sème

/prendre/6 associé au loup dans le « piège » et la « dévoration »,

s’oppose au sème /donner/ du côté de la fille (« don », nourrissage). Si

l’on s’interesse au motif du « don » qui

“représente la transformation donnant lieu à une attribution et à une renonciation

concomitantes.(...) sur le plan narratif,

et qui

correspond donc simultanément à une conjonction transitive et une disjonction

réfléchie."7

on se rend compte que celui-ci est transformé dans l’affiche, à savoir

qu'il ne conserve de le structure que l'attribution, pour laisser de côté

la renonciation (la disjonction réfléchie). Si l'on donne Coca Cola, on

conjoint transitivement au partenaire de l'échange un objet de valeur

dont on reste conjoint de par les valeurs qui sont associées à cet objet.

1 A. Semprini place le positionnement de Coca-Cola sour le signe de la gaiété : "En lui

fournissant un contenu, elle se charge de rendre le discours de la marque à la fois plus

explicite et plus attrayant : c'est le principe du positionnement. Evian suggère l'équilibre,

Coca Cola évoque la gaiété et la joie de vivre (...). Le positionnement est donc le mécanisme

par lequel une marque investit une portion de contenu, une idée, un concept et, en se

l'appropriant, en fait son territoire, qualifie son discours.", in La Marque, P.U.F., Coll. «Que

sais-je?», 1995, p. 17. 2 «Publiciatire, architectural, théâtral : la ronde des motifs», p.279. 3 A.J. Greimas parle du “comportement figuratif de consommation” dans son etude des Deux

amis de Maupassant (Maupassant : La sémiotique du texte : exercices pratiques, Seuil, 1976,

p.38). Ce terme semble très applicable à l’analyse du discours publiciataire. 4 La fonction nourricière, productrice, consommatrice, etc. ; voir DUMÉZIL, G. Mythe et

Epopée I, II et III, Gallimard, 1968 [1995 éd.]. 5 «Publiciatire, architectural, théâtral : la ronde des motifs», p.279. 6 Petit Robert : dévorer [synonymes de dévorer’]“anéantir, concumer” , “absorber”,

“prendre”; piéger : “chasser, prendre au moyen de piège” (1220) [figuré] “prendre

quelqu’un au piège, le mettre dans une situation sans issue” [2e] “unir d’un dispositif

consommation : “action d’amener une chose à son plein accomplissement” ; “action de faire

des choses un usage qui les détruit ou les rend ensuite inutilisable” ; [economique] synonyme

d’usage ; [2e, 1937] boisson, rafraîchissement”. Consommer : “mener une chose au terme de

son accomplissement” [2e] “amener une chose à destruction etc...” 7 GREIMAS, A.J. et COURTÉS J., Sémiotique, dictionnaire raisonné de la théorie du

langage, Paris, Hachette, tome 1, 1979, p.111.

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Cette interprétation se justifie si l’on prend en compte l’énoncé

linguistique qui accompagne l’affiche et qui surdétermine la visibilité

de l’image :

« UN COCA COLA

POUR UN NOUVEL AMI »

Si toute conversion1 est "équivalence et surplus de

signification", pour cette communication participative, le surplus de

signification est non seulement dans ce mode de communication

"partagé", mais aussi et surtout dans l'objet qui est partagé, l'objet qui

est donné. Le produit Coca Cola semi-symbolise ainsi la

communication participative de l’/amitié/, établissant ainsi un “contrat

d’amitié”.

Il semble d'ailleurs que ce mode de communication est

précisément celui dont se réclame l'énonciateur implicite des

campagnes publicitaires Coca Cola. L’affiche se présente donc

comme une “mise en scène” d’un programme modèle de ce que l’on

“doit faire”, comme une prescription formulée explicitement dans le

slogan injonctif: “Buvez Coca Cola). Tout comme le motif du « piège

» constitue une “mise en scène” de ce que l’on ne doit pas faire (la

morale) Coca Cola préscrit une autre ethique.

Nous avons vu, d’une part, qu’à la virtualisation du motif du

«piège» est associé celle de la «morale» correspondante, et d’autre

part, que le motif du « don » est actualisé et associé à l’éthique de

Coca Cola. On peut poser ici une question intéressante pour l’analyse

d’un discours quel qu’il soit, à savoir; quelle est la nature de la

relation entre l’éthique et le motif : il nous semble, en effet, que

l’ethique et le motif entretiennent un lien de nature symbolique,

comme entre une figure et un thème.

Jeux stratégiques au niveau de l’énonciation.

Pour terminer nous voudrions simplement poser quelques

éléments permettant d’analyser la manipulation énonciative mise en

place par l’affiche.

En semiotique, on insiste sur l’idee que l’énonciation impose

un point de vue, c’est à dire, une position plus ou moins définie pour

l’énonciataire. C’est justement ici où l’usage du motif, et le stéréotype

en général, joue un rôle fondamental, puisqu’il faut un fond commun

minimum — un point de vue plus ou moins partagé par les deux sujets

de l’énonciation — pour assurer l’intelligibilité d’une “déformation

cohérente” telle que l’on trouve dans le discours de Coca Cola.

Dans l’affiche, le cercle est un cadre séléctif, qui fonctionne

comme un débrayage énonciatif à la manière de l’incipit que T.

Charnay désigne comme stéréoptypie discursive :

1 Ibid., p.72.

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ainsi le motifème «Il était une fois...» a-t-il pour rôle de motiver un récit puisque sa

fonction discursive est d’éffectuer un débrayage temporel et actantiel [...]1

La “scène”, ou séquence de T333 que l’on trouve à l’intérieur

du cercle fonctionne commme une forme d’énonciation rapportée, un

simulacre de l’énonciation auquel l’énonciataire assiste.

Le cercle est pris en charge par un énoncé visuel englobant

(rouge, etc.) faisant appel au motif de la « consommation » et lui est à

son tour surdéterminé par l’énoncé linguistique (“UN COCA COLA

POUR UN NOUVEL AMI”), comme une forme d’enchâssement de

différents niveaux énonciatifs.

C’est donc la mise en place des différents niveaux énonciatifs

qui forme le point vue global “imposé” par l’enonciateur-Coca Cola.

On pourrait penser par là qu’il s’agit d’un bricolage de points de vues

déjà stéréotypés (en forme de motifs) qui donne lieu au discours

publicitaire de Coca Cola.

Si l’on remonte à la praxis énonciative de la campagne de Coca

Cola par une étude comparative de ses différents "énoncés-affiches",

on peut se demander si le stéréotype du discours Coca Cola — c’est à

dire, l’attente de son enonciataire implicite — n’est pas tout

simplement de “faire du nouveau avec des stéréotypes populaires pré-

existants”. Le discours de Coca cola — de tout discours publicitaire

— serait donc caractérisé par son faire, par sa façon de bricoler sa

propre identité.

L'affiche publicitaire joue donc sur la convergence de deux

discours connus, sur deux compétences : la compétence sémantique

du conte T-333, et celle présupposée de Coca Cola de la manière

suivante :

T333 Coca Cola

englobé englobant

comparant comparé

énonciation rapportée énonciation énoncée

Resterait à développer dans le "bricolage", la part d'humour ;

l'humour est un moyen de renverser tout discours "virtuellement"

disphorique (cf notre conte), en message euphorique. En effet, l'objet

de la manipulation du discours publicitaire Coca Cola ne porte pas

seulement sur le contenu du message (Coca Cola rend, "transforme"

les acteurs, situations, sentiments..., une histoire et les rend

euphoriques), mais aussi sur la manière de le dire, comme une sorte de

1 CHARNAY T., “Formation de la stéréotypie discursive”, Ethnologie française, n°.2, 1995,

Le motif en sciences humaines, p. 272.

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discours méta-publicitaire qui parle de lui-même. On voit ici conjoint

au message, une sorte de clin d'oeil, d'invitation à la vie, à l'euphorie.

CONCLUSION

Un premier point important tout d'abord (même si nous n'avons

pas proposé ici l'analyse des 14 variantes prises en compte), c'est que

la notion d'invariant proprement dite n'existe pas sémiotiquement : en

discours, comme en langue, il n'y a que des variables. Il s'agissait donc

pour nous de repérer des points d'intersection, ou mieux, des lieux de

convergence. A ce sujet, cette notion de convergence mériterait un

développement dans la théorie sémiotique globale.

C'est précisément dans le cadre de cette notion de convergence

que nous situons toute la problématique du motif, qui est une

structure virtuelle, sémiotiquement construite, toujours ouverte et

prête à changer et à s'adapter selon les espaces, les temps et les acteurs

intra et extra-sémiotiques. A noter aussi (comme le souligne J.

Courtés) que cette étude se rapproche de celle des topoï ou des "lieux

communs" en rhétorique1. Il revient donc à une théorie de

l'énonciation de compléter à juste titre, l'étude des motifs.2

Nous espérons avoir montré que le motif est un des outils de la

praxis énonciative activant (actualisant) ainsi un sème (quelques

sèmes) inhérent au lexème "motif" (du moins en langue française), à

savoir, celui de "ce qui met en mouvement", et plus largement - une

"stratégie" énonciative qui participe de la production et de

l'interprétaion des objets sémiotiques.

Nous avons vu également que le statut du motif n’est

déterminé que par sa forme d’actualisation, par sa mise en discours.

Le conte, entendu comme l’expansion d’un motif narratif (l’histoire

d’un « piège ») dans la tradition ethnolittéraire, devient — selon le

point de vue adopté — un motif sémantique (la couleur « rouge »,

parmi d’autres possibles), un motif de l’énonciation rapportée

(simulacre d’une “scène”), et un motif narratif (le « don », la

«consommation», etc.) dans l’affiche publicitaire.

Quel est l'apport de notre "travail" ? Nous voulions développer

un travail d'analyse à partir de la problématique de l'impersonnel de

l'énonciation3, et en particulier, voir à l'oeuvre les concepts de

1 COURTÉS J., “Ethnolittérature, rhétorique et sémiotique”, Ethnologie française, XXV,

1995, 2, Le motif dans les Sciences humaines, pp.157-172. 2 C'est précisément ici que se rejoignent nos problématiques respectives développées dans

notre thèse. 3 Denis Bertrand définit la praxis énonciative de la manière suivante : "On désigne par là les

processus de sédimentation et de transformation des formes discursives que l'usage des

communautés socio-culturelles fixe sous formes de types, de stéréotypes ou de schémas.

Ceux-ci se déposent alors dans le système, où l'énonciation les convoque, avant que de

nouveaux usages les révoquent à leur tour pour constituer de nouvelles stéréotypies. Une telle

aprroche, centrée sur le concept de convocation, élargit l'empan de l'énonciation en marquant

la place de "l'impersonnel" dans l'activité énonciative. ", in "L'impersonnel de l'énonciation",

Protée, Théories et pratiques sémiotiques, volume 21, numéro 1, Hiver 1993, p. 25.

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convocation et de conversion à partir des problématiques du motif et

de l'énonciation. Notre conclusion (provisoire) est la suivante : à une

conception qui propose de considérer l'instabilité du sens1, nous

défendons ici la position inverse : à savoir qu'on peut parler encore,

malgré tout, de stabilité du sens (étant conscients qu'il s'agit bien

évidemment de la même problématique, mais vue de points de vue

différents). A cette problématique de la stabilité/instabilité du sens,

peut-être conviendrait-il ici de parler davantage d'"homogénéisation"

ou encore d'"uniformisation" d'une culture rejoignant ici la réflexion

de Semprini développée dans ces derniers travaux2.

Dans le prolongement de notre hypothèse, à savoir que la

stéréotypie est une forme de normalisation, la proposition d’un

inventaire de motifs (motifs narratifs et sémantiques, motifs de

l’énonciation rapportée et de l’énonciation énoncée), du point de vue

de l’énonciation, donnerait lieu, dans un second temps, à un inventaire

des systèmes de valeurs3 dans une tradition ethnolittéraire donnnée.

William J. CARRASCO et Véronique FILLOL

CPST, Université de Toulouse-Le Mirail

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1997. 3 Notre réflexion rejoindrait ici celle de Paolo Fabbri : "(...) On pourrait considérer les lieux

communs comme de véritables motifs qui donnent naissance à une sorte de vocabulaire au

second degré - un vocabulaire dont il serait d'ailleurs possible de dresser l'index, sur le modèle

de celui établi par Aarne et Thompson pour les motifs folkloriques. De fait, tout comme les

motifs folkloriques, les lieux communs tissent entre eux un vaste système de classification,

une manière de catalogue de la Lebenswelt, bref un vrai lexique de l'univers du vécu

quotidien. "Douze esquisses sur les lieux communs", IN Protée : théories et pratiques

sémiotiques, volume 22, numéro 2, printemps 94, p. 105.

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