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DumêmeauteurauxéditionsdeLaMartinièreJeunesse
IrrésistibleAlchimie2011
IrrésistibleAttraction2011
IrrésistibleFusion2013
Paradise2012
RetouràParadise2013
AttiranceetConfusion2014
RetrouvezSimoneElkelessur
Couverture:©MaxFX/Shutterstock
Éditionoriginalepubliéeen2015sousletitreWildCrush–AWildCardNovel
©2015,SimoneElkelesTousdroitsréservés.
Pourlatraductionfrançaise:©2015,ÉditionsdeLaMartinièreJeunesse,unemarquedeLaMartinièreGroupe,Paris.
ISBN:978-2-7324-7007-8
www.lamartinierejeunesse.frwww.lamartinieregroupe.com
Conformeàlaloino49-956du16juillet1949surlespublicationsdestinéesàlajeunesse.
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Sommaire
DumêmeauteurauxéditionsdeLaMartinièreJeunesse
Copyright
Tabledesmatières
Chapitre1-VICTOR
Chapitre2-MONIKA
Chapitre3-VICTOR
Chapitre4-MONIKA
Chapitre5-VICTOR
Chapitre6-MONIKA
Chapitre7-VICTOR
Chapitre8-MONIKA
Chapitre9-VICTOR
Chapitre10-MONIKA
Chapitre11-VICTOR
Chapitre12-MONIKA
Chapitre13-VICTOR
Chapitre14-MONIKA
Chapitre15-VICTOR
Chapitre16-MONIKA
Chapitre17-VICTOR
Chapitre18-MONIKA
Chapitre19-VICTOR
Chapitre20-MONIKA
Chapitre21-VICTOR
Chapitre22-MONIKA
Chapitre23-VICTOR
Chapitre24-MONIKA
Chapitre25-VICTOR
Chapitre26-MONIKA
Chapitre27-VICTOR
Chapitre28-MONIKA
Chapitre29-VICTOR
Chapitre30-MONIKA
Chapitre31-VICTOR
Chapitre32-MONIKA
Chapitre33-VICTOR
Chapitre34-MONIKA
Chapitre35-VICTOR
Chapitre36-MONIKA
Chapitre37-VICTOR
Chapitre38-MONIKA
Chapitre39-VICTOR
Chapitre40-MONIKA
Chapitre41-VICTOR
Chapitre42-MONIKA
Chapitre43-VICTOR
Chapitre44-MONIKA
Chapitre45-VICTOR
Chapitre46-MONIKA
Chapitre47-VICTOR
Chapitre48-MONIKA
Chapitre49-VICTOR
Chapitre50-MONIKA
Chapitre51-VICTOR
Chapitre52-MONIKA
Chapitre53-VICTOR
Chapitre54-MONIKA
Chapitre1
VICTOR
Cen’estpasfaciled’êtreungarçondansunefamiliadeLatinos,surtoutquandmipapás’attendàcequej’échoueetmerappellechaquejourmeserreurs.
Lescrisdemipapámeréveillent.Jenesaispass’ilgueulecontremoioucontremessœurs.Depuisquemi’amaestpartieauMexique,ilyasixmois,pours’occuperdemesgrands-parentssouffrants,iln’atoujourspascomprisquepéteruncâbleàchaquepetitproblèmen’arrangerien.J’aiapprisàl’ignorer.
Cematin,c’estrepartipouruntour.C’estlarentréeenterminale.Enthéorie,j’auraimondiplômeenjuin,maisjenesuispassûràcent
pourcentderéussir.Bon,jenevaispasêtrefierd’avoireutoutjustelamoyenne,maisaumoinsjen’aijamais été recalé. J’ai juste euune salenoteenespagnol à la finde l’annéedernière.Laprof, señoraSuárez, pensait que je me surpasserais vu que je suis mexicain. Elle ne savait pas que si je parleespagnol,écriren’estpasvraimentmontruc,quellequesoitlalangue.
MasœurMarissaestassiseàlatabledelacuisineetlitunbouquinenmangeantsescéréales.Elleaunelonguequeue-de-chevalbruneetacarrémentrepassésontee-shirtetsonjeans.Marissaestdugenreperfectionniste…hyperfectionnistemême!Ellecherchesansarrêt l’approbationdepapa.Marissan’atoujourspascomprisqu’ellen’obtiendrarienàvouloirsemontrerdigned’attention.
Ceseraitpresquedrôlesicen’étaitpasaussipathétique.Papadébarquedanslacuisineencostume-cravate,sonkitBluetoothàl’oreille.—T’étaisoù,hiersoir?Jeferaisbiensemblantdenepasl’avoirentendu,maisçaneferaitquel’énerverencoreplus.Jelui
passedevantpourfouillerdanslefrigo.—Laplaya.—Àlaplage?Victor,regarde-moiquandjeteparle.Lesondesavoixmestresseautantquelecrissementdesonglessuruntableau.Jem’arrêteet faisdemi-tourpour le regarderbienenface.JepréféreraisencoreécouterMarissa
parlerpendantdesheuresd’équationsoudesesthéoriessurl’espaceetsurlamatièreplutôtqued’êtrecoincélàaveclui.
Papaplisselesyeux.Quand j’étais petit, j’avais peur de lui. Au base-ball, pendant lesmatchs, ilme faisait sortir du
terrainsi je ratais laballeà labatteouà la réception.Quand jemesuismisau footballaméricain, ilpétaitunplombdèsquejerataisunplaquage.Deretouràlamaison,ilmepoussaitcontrelesmurs,pourmerappelerquej’étaisunraté,quejeluifaisaishonte.
Aveclui,impossibledegagner.Maintenant,jen’aipluspeurdelui,illesait.Jecroisqueçal’emmerdeplusqu’autrechose.C’était
ilyatroisans,pendantunedesescolères,quej’aieuundéclic.Jemesuistiréenpleinmilieudenotreengueuladeetiln’étaitplusassezfortpourmeretenir.
Ils’approchedemoi;sonhaleinepuelecaféetlacigarette.—J’aientenduparlerd’unebagarre,hiersoiràlaplage.¿Participó?Tut’esbattu?
D’accord,iln’apasdûvoirmespoingségratignés.Ilreculeetajustesaveste.—Bueno.Jeneveuxpasentendreaubureauquemonfilsseprendpourunvoyou.Onnelitpasà
table!crie-t-ilàmasœurens’asseyantavecunetassefumante.Marissarefermedirectsonbouquin,leposeàcôtéd’elleetcontinuedemangerensilence.PapaterminesoncaféenlisantuntasdeSMSetd’e-mailssursontéléphone,puismetlatassedans
l’évier et quitte la maison sans dire un mot. Dès qu’il est parti, je sens la tension dans mon coudisparaître.
Dani, la jumelledeMarissaet l’extravertiede la familia, entredans lacuisineavecun shortquimontrepratiquementsonculoetunhautplusieurstaillestroppetit.Jesecouelatête.SiMarissaestunetête,Danisaitsurtoutdépenserdel’argentetmontrerleplusdepeaupossible.
D’habitude,jenedisrien,maislà…c’estlepremierjourdecoursetmi’amam’afaitpromettredeveillersurmessœurs.Jen’aipasenviedemenacerlamoitiédesmecsdubahutquifixeraientleculdemapetitesœur.
—Dani,tutefichesdemoi?Ellerejetteenarrièresescheveuximpeccablesavecunhaussementd’épaules.—Quoi?—Tunevaspasàl’écolefagotéecommeça.Masœurlèvelesyeuxaucieletsoupire,énervée.—Sérieux,Vic,t’esvraimentunculero.Détends-toi.Jeluilancemonregarddegrandfrèrequinecéderapas.Jenesuispasunenfoiré.Daniveutfaire
stylequ’elleadix-huitans,ellen’enaquequatorze.Jenelalaisseraipassefaireremarquerpoursoncorps.
—Tunemettraspasuntrucpareilpouralleràl’école.Pointfinal.Ellesoutientmonregard;elledevraitsavoirqueçanemarcherapas.—C’estbon!Ellesouffle,seprécipiteàl’étageetréapparaîtquelquesminutesplustardavecunjeansslimetun
débardeurblanc.Ilestpresquetransparentmaisc’estdéjàmieuxquesesfringuesprécédentes.—T’escontent?Ellesefoutdemoientournantsurelle-mêmecommeuntop-modèle.—Bon.Queestábien…çaira.Elleattrapeunebarredecéréalesdansleplacard.—Adiós.Etavantdemedemanderquimeconduitàl’école,c’estCassidyRichards.Tutesouviens
d’elle,Vic,n’est-cepas?Elledéconne!—CassidyRichards?—Ouais.C’estpasvrai!Vulatêtequ’ellefait,elleestsérieuse.—Pourquoituvasaulycéeavecmonex?Danicroquedanssabarredecéréales.—D’une,elleal’âgedeconduire.Dedeux,elleestpopulaireetpeutmeprésenterdesgenscool.
Detrois,c’estellequimel’aproposé.Çateva?Depuisledébutdel’annéedernière,CassidyRichardsetmoi,onsortensembleparintermittence.
On a rompu définitivement pendant l’été. Elle est du genre à publier en ligne des conneries surmoi.
Évidemment,ellen’utilisepasmonnometnemetaguepas,maistoutlemondesaitque,quandelleparlederupture,c’estpourmoi.Exemple:
Situaspeurdet’engager,tumeméritespas.Aucunefillenetetraiteraaussibienquemoi.Jetedonnetoutettumechiesdessus.Jesuismieuxsanstoiqu’avectoi.
Etmapréférée:Monexestuncon.Ehouais,voilàCassidyRichards.Ellem’insulteetaprès,elleveutqu’onseremetteensemble.Àce
moment-là,montéléphoneexplosedemessagesdanslesquelselleditquejeluimanque.Ladernièrefoisqu’onarompu,jemesuisjuréquec’étaitladernière.Cassidyestlareinedesdramaqueens.C’estfini,j’enaimaclaque.
—C’estquoisonproblème,ànotresœur?demandé-jeàMarissaunefoisqueDaniestsortie.—Fautpasmedemander,répond-elleenhaussantlesépaules.Marissaposesonboldansl’évieretmesuitdehorsquandj’entendsklaxonner.Trey,monmeilleur
ami,s’estgarédansnotreallée.Ilestassisfièrementdanssavoiture,unevieilleHondaCivicavecplusdetroiscentmillekilomètresaucompteur.
Ilpasselatêteparlavitreetlanceàmasœur:—Salut,Marissa!Tuviens?—Non,merci,Trey,dit-elleenremontantseslunettesetens’éloignant.Jepréfèreprendrelebus.Demoncôté,jemonteenvoitureetTreymeregardeavecunedrôledetête.—Attends,j’aibiencompris?Tapetitesœurveutprendrelebus?—Ouais.—Elleestvraimentsingulière,Vic.—Bizarre,tuveuxdire?Treyme regardedecôté. Il essaiedebalancerdesgrandsmotsdansnosconversations.Quand il
parle,ondiraitunmélanged’intelloetdegamindesquartierspopulaires.Jememoquedelui:ilaimejouerlesdictionnairesambulantsalorsquemoi,j’utiliselesmotslesplussimplespossible.
—JecroisqueMarissavoitlebuscommeuneexpériencesociale.Elleenferasûrementunsujetderédac.
LemoteurdeTreytoussedeuxfoisetonreculedansl’allée.—Commejedisais,tasœurestbizarre.— Et la tienne ? Elle se la joue star hollywoodienne depuis que Jet lui a trouvé ce boulot de
mannequin.— Je ne nie pas l’excentricité de ma sœur, dit-il avec un sourire. Et en parlant d’excentricité,
CassidyRichardsvientdepartiravecDani.Jecroyaism’êtretrompédemaison.Qu’est-cequ’ellefichaitlà?
—Jenesaispascequ’elleaderrièrelatête.Treyéclatederire.—Elleveutressortiravectoi.Voilàcequiluitrottedanslatête.J’aiunfrissonrienqued’ypenser.—Danssesrêves.
—Ilyalebaldulycée,lemoisprochain.Elleapeut-êtrebesoind’uncavalier,etc’esttoiqu’elleveut.Situn’aspasd’autresfillesàdisposition,tupeuxtoutaussibiencondescendreàyalleravecelle.Tunevaspast’yrendreseul,quandmême.
Cebal,c’estbienlecadetdemessoucis.—Mec, on va changer de sujet. Je n’ai pas envie de parler de Cassidy ni de la soirée. Ni de
«condescendre»,d’ailleurs, jenesaismêmepascequeçaveutdire.Quand tuparles, il fautque lesgensnormauxpuissenttecomprendre,tusais.
—Tuneveuxpasaméliorertonvocabulaire,Vic?—Non.—Très bien, répond-il en haussant les épaules.Alors parlons de ta bagarre d’hier soir.Tout va
bien?Onm’aditqueçaavaitétéviolent.—Ouais.Jen’avaispaslechoix,legarsvenaitd’enmettreuneàHeather.Jebaisselesyeuxversmespoingsabîmés.JesavaisquelecopaindeHeatherfaisaitdelaboxe,
maisjen’imaginaispasqu’ill’utilisaitcommesacdefrappe.Hiersoir,ill’acognéeàlaplage.Elleafaitcommesicen’étaitpasgrave,jurantquec’étaitlapremièrefoisqu’ilétaitviolentavecelle.
Jem’enfousquecesoit lapremièreoulacinquantièmefois.Ilfallaitquecemecsachequ’onnetapepassurunenanasansconséquence.
—Jet’auraissoutenusij’avaisétélà.Toujourspropresurlui,Treydevraitsortirpremierdelapromo.Ils’inquiètedesesnotesautantque
de sa réputation, du coup je ne voulais pas l’impliquer dans une bagarre qui aurait pu se terminer auposte.
—J’aigéré.Jegèretoujours.Treyutilisedesmots,moijefaisparlermespoings.Contrairementàlui,jemefousdemesnotes.Quejebosseoupas,jemeplantetoujours.Jesuisnaze
àl’école,c’estcommeça.LetéléphonedeTreysonnetroisfois.—C’estunmessagedeMonika.Tupeuxlelire?Ilrefused’utilisersonportableauvolant.Ilnequittepaslaroutedesyeux,lesmainsàdixheures
dix,commeonnousl’aapprisàl’auto-école.—Qu’est-cequ’elleveut?—Elleveutromprepoursortiravecmoi.—Ben voyons, Vic, ricane Trey. Le jour oùma copine sort avec toi, c’est que tu as gagné une
médailleàl’école.C’estàlafoisvraietdéprimant.—Çan’arriverajamais,alors.—Exactement.Ilfaitungesteverssonportable.—Alors,qu’est-cequ’elledit?—«Coucou.»—Réponds-lui:«Coucou.»—Putain,bonjourl’ennui!—Ahouais?Lejouroùtuaurasunecompagne,qu’est-cequetuluiécriras?— Je n’aurai pas de compagne, Trey. Si j’avais une copine, je lui écrirais tellement plus que
«coucou»!Surtoutavecunvocabulairecommeletien.J’écriraissansdoutequejepenseàelletoutelanuitetquejenepeuxpasmel’enleverdelatête.
—Lesautresnanas,jeleurécrisdestrucssales,plaisante-t-il.Jenegagnepasencrédibilité,là?—Ouais,ouais.ToutlemondesaitqueTreyetsacopine,MonikaFox,sontinséparablesetvonttrèscertainementse
marierunjour.Ilnelatromperaitjamais.Lavérité,c’estqueTreyignoretotalementquejesuisamoureuxdeMonikadepuisdesannées.Maisvuqu’ilsortavecelle,elleresteraàjamaisinaccessible.Mêmesijenepeuxpasmel’enleverdelatête.
Chapitre2
MONIKA
Jedétestemelever,mêmependantlesvacancesd’été,quandjepeuxdormirjusqu’àmidi.Aujourd’hui,c’estlarentréedeterminale.Quandmonréveilasonnéàsixheures,jemesuisrappeléquelesvacancesétaientfinies.
Je titube, àmoitié voûtée, jusqu’à la salle de bains. Jeme brosse les dents et fixe le flacon demédicamentssurlatablette.Lespilulesmefixentàleurtour,d’unairdedire:«Prends-nous!»
J’enavaleuneavecunegrandegorgéed’eau.—Monika!criemamandepuisl’entrée.Tuesdebout?—Ouais!dis-jeenentrantdansladouche.—Bien,tonpetitdéjeunerestprêtalorsdépêche-toi!Ilnefautpasqu’ilrefroidisse.Sousladouche,jefermelesyeuxetlaissel’eauchaudecoulerlelongdemoncorps.Ensortant,je
mesensmillefoismieux…presquenormale.Etendescendantl’escalierdansmonuniformedepom-pomgirl,tenueobligatoirelejourdelarentrée,jesuisàfond.
Jemesensboostée,jesuisprête,jesuisautop.—C’estsupermignon,s’exclamemamanavantdem’embrassersurlajoue.Elleposeuneassietterempliedepancakesaumilieudelatableetuneautreavecdeuxœufsauplat
devantmoi.—Tiens.Jeris.—Maman,ilyenapourtouslesélèvesdeFremont!—Tamères’estunpeuemballée,ditpapaenapparaissantàlaporteavecunechemisesurmesure,
et«DrNealFox»brodédessus.Àuneépoque,j’auraispréféréquemonpèreaituneautrespécialitéquelachirurgieesthétiquemais
unjour,j’airencontréunpatientquis’étaitfaitmordrelevisageparunpitbull.Ilm’aditquemonpèreétaitunhéros,qu’ilauraitvoulumourirsimonpèrenel’avaitpasaidé,etcelaatotalementchangémafaçondevoirleschoses.
Papam’embrasselesommetducrâne.—Commentçava,mapuce?—Trèsbien.—Tuaspristescachets?—Oui,papa.Tumeposeslaquestiontouslesmatinsetjetedonnetoujourslamêmeréponse.Tu
vasarrêteroupas?—Jamais.—Ilt’enverrasansdouteunmessagechaquematinquandtuserasàlafac,s’amusemamanenlui
donnantunpetitcoupdecoude.Avecunsourirecoupable,monpèreenlacemamèrepourl’embrasser.—Tumeconnaissibien,chérie.
Oui,mesparentscontinuentdeseséduire.Jem’enplainsparfoismaislaplupartdesparentsdemesamissontséparés.C’estrassurantdesavoirquelesmienss’aimentencorevraiment.
Mamère,quitravailledanslapub,sortsontéléphoneetlebraquesurmoi.—Qu’est-cequetufais,maman?—Jeprendsunephotodetoilejourdelarentréedeterminale.C’esttellementexcitant!Elleaunsouriresigrandquej’aienviederire.—Hmm…maman,cen’estpaslaremisedesdiplômes,d’accord?Cen’estquelepremierjour.Et
sijeredouble?Tuprendrastoujoursdesphotosdemoiàcemoment-là?—Biensûrqueoui,Monika,répondpapaenbuvantunegorgéedesonthématinal.Maissituasdes
bonnesnotes,tuobtiendraslafacdetonchoix.C’estunplus!—Bonjourlapression,papa.Jedisçaenplaisantant,mêmesitoutlemondesaitquemonpèreestsortidulycéepremierdesa
promo.—Onveutseulementquetufassesdetonmieux,ajoutemamanenprenantuneautrephoto.Sinon,on
feravenirtononcleThomaspourqu’iltefasseentendreraison.—Cool.J’aimebienoncleThomas,mêmes’ilestassezsévère!Etsi,enfaisantdemonmieux,j’ai
àpeinelamoyenne,vousserezquandmêmecontents?Mesparentss’échangentunregardavantdeseretournerversmoi.—Tun’espasdugenreàavoirjustelamoyenne,Monika,ditmaman.— Et ton petit copain non plus d’ailleurs, ajoute papa. À ce qu’on m’a dit, Trey devrait sortir
premierdeFremont.—Commenttulesais?—C’estluiquimel’adit,répond-ilenlevantsatasse.Cegosseestungénie.Avecuncopainpareil,ilfallaits’attendreàcequ’ilparleàmonpèred’universitésetdeclassement
àl’école.Aveclefootballaméricain,cesontsessujetsdeconversationpréférés.Montéléphonevibre.C’estunmessagedupetitgénieenpersonne.
Trey:Jesuisdehors.Prête?Moi:Ouais,1s.
—Lepetitgénieestlà,dis-jeàmesparentsenfourrantlerested’unpancakedansmabouche.—Ilveutvenir?demandepapa.Dis-luiqu’ilrestepleindepancakesavecdesœufs.
Moi:Pveutsavoirsituveuxpancakes+œufs.Trey:Déjàmangé.Remercie-lesurtout!Moi:Lèche-cul.Trey:☺
Jeprendsuneautrebouchéed’œufs,embrassemesparents,posemescouvertsdansl’évieretsors.Mamanmesuit,sontéléphoneàlamain.—Laisse-moienprendreunedevousdeux,dit-elleenfaisantsigneàTrey.Ellen’apasvuqueVictorSalazarétaitdanslavoituredeTrey.Dèsqu’ellel’aperçoit,ellesefige.—Ah…
Peu importe ce que je dis à mes parents, la réputation de Vic n’est plus à faire. Il a été arrêtéplusieursfoisparcequ’ils’étaitbattuetilsn’aimentpasquenousappartenionsaumêmecercled’amis.Enplus,ilatoujoursl’airsombre.Jecroisquec’estsafaçonàluidefairecomprendreauxgensdenepasl’approcher,commeçailsnepeuventpassavoiràquelpointsaviefamilialeestchaotique.
—D’accord,bon,euh…,faitmaman.Treydescenddevoiture.—Vic,viens,MrsFoxveutprendreunephotodenous.—Jecroisqu’elleveutjusteunephotodeMonikaettoi.Vusontongrave,ilsefichecomplètementdenepasêtredessus.J’ouvrelaportièrepassagerettireVicparlebras.—Viens,c’estl’heuredelaphoto!—Jedétesteça,marmonne-t-il.—Fais-lepourmoi.Sionfaitçarapidement,onneserapasenretardetonnefinirapasencolle.Vichausselesépaules.—Moi,j’aienvied’êtreàlabourre.Mamanse racle lagorgequandVicdescenddevoiture. Jene l’aipasbeaucoupvucetété, ilest
devenubaraqué.TreyetVicsesontbeaucoupmusclésenvuedelasaisonàvenir.Ilported’ailleursunmaillotdefootball,commeTrey,maisVicaaussiunjeanstrouéalorsqueTreyluiaunjeansmoulantquisouligne ses longues jambesmusclées. Ils sontmeilleurs amis et enmême temps si différents l’un del’autre.
Jememetsentrelesgarçonsetsourispendantquemamanprendlaphoto.—Vousmel’envoyez?demandeTrey.—Biensûr,répondmamanquis’exécuteillico.Oui,mesparentsontlenumérodeportabledemoncopainenregistrédansleurrépertoire.Vicsecouetrèslégèrementlatête,commes’ilnecomprenaitpascommentTreypeutêtreaussibien
acceptéparlesparentsdesacopine.Vicestlegenredegarçonàévitertoutcontactaveclesparents.Quandonarriveaulycéedixminutesplustard,onmarcheverslebâtimentpourseretrouvertous
danslecouloirdesterminales.Tousnosamissontlà.DereketAshtynseregardentdanslefonddesyeuxcommes’ilsvoulaientplongerdans l’âmede l’autre.Breeajustesacoiffure,pouravoir l’airplusqueparfaite.Jetattirel’œildetouteslescélibataires.Ilal’habitude,surtoutdepuisqu’ilfaitdumannequinatet qu’on peut voir sa photo dans différentes boutiques et plusieursmagazines.C’est devenu unemini-célébrité,àFremont.
Trey,quiestrestéàcôtédemoidepuisnotrearrivée,reçoituntexto.Iltournesonportabledesorteàéloignerl’écran;j’ail’impressionqu’ilmecachequelquechose.
—Jerevienstoutdesuite.—Pourquoi?Qu’est-cequisepasse?Quiest-cequit’écrit?Je me rends bien compte que je passe pour une copine possessive et envahissante. La semaine
dernière,onétaitensembleetilpassaitsontempsàécrireàquelqu’unavecsontéléphone.Ilm’aassuréplusieursfoisquec’étaitsoncousin,aprèsilm’aditquec’étaitsasœur.Jen’yaipasfaitattentionmaisj’ail’impressionqu’ilyaunmurentrenousaujourd’hui.
—C’estmonpère,ilveutquejel’appelle.Jereviens.Ilm’embrassesurlajoue.—J’t’aime.Jeluirépondsdefaçonautomatique:—Jet’aimeaussi.
Puisjeleregardepartiravecunnœuddansl’estomac.JemetourneetvoisCassidyRichardsmarcherversVic,quiasoncasieràcôtédumien.Ellejoue
aveclespointesdesescheveuxblonds,longsetbouclés,enseléchantleslèvres.Ellelecherche,c’estévident,maisilnecèdepas.
—Bonjour,Vic,susurre-t-elle.—Salut.Cassidyestdansl’équipedepom-pomgirlselleaussietellechercheàrécupérerdesinfossurla
viedeVicdèsqu’ellelepeut.J’aménagemoncasiertoutenessayantd’ignorerleurconversation.C’estdifficile,celadit,ilsdiscutentjustedevantmoi.
—Ilparaîtquetut’esbattuhiersoir,commenceCassidysuruntonaccusateur.ÀcausedeHeatherGraves.Alorscommeça,elleteplaît?
Vicclaquesoncasier.—Tuessérieuse?—J’ailedroitdeteposerlaquestion,ditCassidy,lesmainssurleshanches.—Non.—Trèsbien,souffle-t-elle.C’étaitjustepourfairelaconversation.—Tuvoulaisluicasserdusucresurledos.Cassidys’envaenvitesseetVicsecouelatête,énervé.J’accrocheunmiroiretdécorel’intérieurdemoncasieravecdesphotosd’amisetdescoupuresde
magazines,conscientequeVicm’observe.—Quoi?luidis-jealorsqu’ilsecouelatête.Ilfaitunsigneverslesphotos.—Pourquoitutesensobligéededécorertoncasier?—Parcequeregarderdesphotosdemesamisetdechosesquej’aimemefaitsourire.Jepointeledoigtverssonvisagecontinuellementimpassible.—Tudevraisessayer.Çafaitdubiendesourire,tusais.Ila les traits tendusen regardantCassidy,à l’autreboutducouloir,échangerdespotinsavecses
copines.—Peut-êtrequejen’aiaucuneraisondesourire.—Allez,Vic!Toutlemondeaquelquechosequilefaitsourire.—Toioui,Monika.Pasmoi.Siseulementilsavait.Ils’appuiecontresoncasier.BrandonButterarriveàcemoment-là.—Hmm,Vic…euh,çam’embêtequetul’apprennesparmoimaisquelqu’unavuunedetessœurs
danslecouloirHavecLukeHandler.Vic marmonne une série d’injures, pour lesquelles il finirait sans doute dans le bureau de la
directricesiunprofl’entendait.LukeHandleralaréputationd’essayerdesetaperleplusdefillespossible.Ilaaussil’habitudede
publierenlignedesphotosdefillesentraindel’embrasser.Çaflattesonegoetsonstatutdeplayboy.Ilaparfait sa technique pour convaincre chaque fille que, contrairement à toutes les précédentes, elle estcellequilepousseraàunerelationmonogamesérieuse.EtsiLukepassepourunbeaugosseunefoisleur«relation»terminée,lesfillesgagnentunemauvaiseréputation.
Vicatoutàcoupunvisagedetueur.—JesouriraiquandjebotteraileculdeLukeHandler,déclare-t-ilenseprécipitantverslecouloir
H.
—Nevapast’attirerdesennuis!JesaisbienqueVicn’apaspeurdeça.Ilfautquequelqu’undiseàVictorSalazarqu’onn’estpascensésourireensebattant.Jamais.
Chapitre3
VICTOR
Danidébarquetoutjusteaulycée,ellen’apasidéedecequisepassedanslecouloirH.Engénéral,lesnouveauxapprennentauboutdequelquesjoursquesituveuxunmomentd’intimité,tuvasdanslecouloirHpouréviterlesprofs.
Autrementdit,l’espacedesgarces.LasonnerieretentitpileaumomentoùjechoppeLukeHandlerentraindeparleràmasœuralors
qu’elleestappuyéecontrelemurdebrique.Elleleregardeparendessous,enbattantdescils,etricaneàcequ’ildit.
—Hé,Handler!Cecrétinétaitsurlepointdeluitoucherlevisageavecsesmainsdégueulasses.Jel’attrapeparle
coletfixesesyeuxdefouine.—Qu’est-cequetufichais?Ilmetlesmainsenl’air.—Euh…rien.—Tutefousdemoi?LeregarddeHandlerjongleentreDanietmoi.—C’esttacopineouquoi?Jesourisavecmépris.—Non,c’estmasœur,espècedepetitemerde.Si je tevois juste laregarder, laramenerdansle
couloirHouprendreunephotod’elleetlapublier,tuteprendsmonpoingdanslagueule,compris?Legarsdéglutitbruyamment.—D’accord,j’ai…j’aicompris.Jelelibèreetilseprécipitedanslecouloirpours’éloignerleplusvitepossibledemoi.J’entends
masœurgémirdefaçonexagérée.—Franchement,Vic!T’estropnaze!Jevoulaisjustem’amuser.Tuvastoujoursmepourrirlavie?—Oui.— Je ne suis pas fragile commeMarissa, assure-t-elle en levant les yeux au ciel. S’il avait fait
quelquechosequejenevoulaispas,ilauraiteumongenoudanslesparties.Je n’ai aucun doute là-dessus,maisDani n’a pas l’habitude des types commeHandler la grande
gueule.Lasecondesonnerieretentit.C’estpasvrai!—Marissadoitdéjàêtreenclasse.CequivautbienmieuxquedeseretrouverdanslecouloirH
aveclebranleurdeFremont.Ilvoulaitunmomentavectoipourpouvoirpublierdelamerdeàtonsujetsur Internet. Je ne compte pas le laisser faire. Maintenant, va en classe avant que le gardien ne tesurprenneentraindesécher.
Masœurrassemblesesbouquinsetcommenceàs’éloigner.—Tuesunhypocrite,Vic.Tutelajouesgrandseigneuralorsquec’esttoilapiresaloperiedans
cetteécole.Ilparaîtquelesgensparientpoursavoirsituvasfinirdiplôméouentauled’iciàlafinde
l’année.Tuasbesoinquejetedisesurquoionmiseleplus?—Paslapeine.Ellemelanceunsouriresatisfait,méchant,commeceuxdepapá,avantdefilerenclasse.JepénètredanslecouloirMpourmonpremiercoursdelajournéequandjetombenezànezavec
l’hommequiestcenségarderladrogue,laviolenceetlescasseurshorsdel’école:l’agentJim.—Stop!Àsatête,onvoitqu’ilaimebeaucouptropsonmétier.—Gamin,jepariequetun’aspasd’autorisationdesortiedeclasse.Jesecouelatête.—Alorsonvasebaladerjusqu’aubureaudeladirectrice.Sijem’attiredesennuis,lecoachDietervafairedemavieunenfer.Lestourssupplémentairesà
l’entraînementneserontjamaisqu’unproblèmeparmitantd’autres.—Jenepeuxpasjusteallerenclasse?Soyezsympa.L’agentJimsecouelatête.— Mon travail, c’est de signaler tout retard ou toute activité suspecte pour faire baisser la
délinquancescolaire.—Ladélinquance?Allez, vous n’êtes pas sérieux.C’est la rentrée ! Jeme suis peut-être juste
perdu.—Salazar,tuesenterminale.Situt’esvraimentperdu,jeteconduiscouloirB,làoùilyalescours
spécialiséspourceuxquisouffrentdetroublesdel’apprentissage.Tuveuxqu’onyaille?—Non.—C’estbiencequimesemblait.Ilme fait signede le suivre jusqu’à l’administration.Onmeditdem’asseoiretd’attendreque la
directriceFinnigansoitmiseaucourantdemadélinquancescolaire.Lablague!L’agentJimsetientàcôtédubureaudelasecrétaire,letorsebombéetunegoaussiénormequeson
bideàbière.—VictorSalazar,MrsFinniganvavousrecevoir,m’annoncelasecrétaire.J’entre dans le bureau de Finnigan ; elleme dévisage depuis son fauteuil. Elle porte un costume
d’homme.Cheveuxbrunscourts.Elleveuttroppasserpourunedure.Oupourunmec.Lesdeuxpeut-être.—MrSalazar,asseyez-vous.J’obéis.Lesmainscroisées,ellesoupireungrandcoup.—Vouscommencezl’annéedumauvaispied.Sécherlescoursestinacceptable.—Jeneséchaispas,m’dame.—Voustraîniezdanslecouloirsansautorisation,Victor.Durantlapremièreheure.Ellesepenchecommesicequ’elleallaitdireétaitvraimenttrèsimportant.—Onnevapas tournerautourdupot.Vousavez l’habitudede sécher, jeunehomme.Vous savez
pertinemmentque jene tolèreni ladélinquanceni les retards.Vousêtes joueurde football,Victor.Enterminale.Ilfaudraitsongeràprendredebonneshabitudes,cettefois…oujedemanderaiaucoachDieterdevousvirerdel’équipe.Vousvousréveillerezpeut-êtreàcemoment-là.
Jamaisdelavie!Jenepeuxpaslaisserfaireça.Lefootball,c’esttoutemavie.J’ail’habitudedetrouverdesexcusespourmesortirdupétrin,c’estcommeunjeu,etj’aimegagner.
—Écoutez,m’dame,j’aidaisunepetitenouvellequinetrouvaitpassaclasse,ducoupçam’amisenretard.Honnêtement,jedevraisrecevoirunemédailleduboncitoyen,d’actedebravoure,jenesaispasquoi,plutôtqu’unesanction.
Jevoisqu’elleessaiedecontenirunsourire.
—Unemédailleduboncitoyen?Jeprendsunairinnocent.—Jen’allaisquandmêmepassécherlepremierjourdeclasse.—Sanscommentaire.Elles’enfoncedanssonfauteuil;saleçonestterminée.— Aujourd’hui, je vais être gentille et me contenter d’un avertissement. Une dernière chose,
appelez-moimadameFinniganoumadameladirectrice…jamais«m’dame».Elledécrochesontéléphoneetditàlasecrétairedefaireentrerl’agentJim.—Veuillez escorterMrSalazar à sonpremier cours.EtVictor… jemedélecte de nos échanges
maisjepréféreraisqu’ilsconcernentvosambitionsuniversitairesplutôtquevosinfractionsaurèglement.Desambitionsuniversitaires?Elleplaisante?Jen’ajouterien.Jevaislaisserm’dameaupaysdesBisounoursencorequelquesjours.
Chapitre4
MONIKA
MrMiller,notreprofdesocio,faitl’appel.IlrépètetroisfoislenomdeVictorSalazaravantdelenoterabsent.
—Est-cequequelqu’unauraitvuMrSalazarcematin?Plusieurspersonneslèventlamain.—Jel’aivuàsoncasier,affirmeungarçon.Unefilleauraitentendudirequ’ilsebattaitdevantl’école,etuneautreprétendl’avoiraperçudans
lecouloirjusteavantlecours.CassidyRichardsestassiseaupremierrang.EnentendantparlerdeVic,ellegrimaceetmarmonne
quec’estuncon.MrMillercommenceàprésenterleplanducoursquandlaportes’ouvreetVicentredanslasalle,
suiviparl’agentJim,letypequipatrouilledanslescouloirsdeFremont.CedernierdiscuterapidementavecMrMillerpuisrepart.
—C’estgentildevousjoindreànous,monsieurSalazar.—Merci,marmonneVic,quidetouteévidencedétesteseretrouveraucentredel’attention.—Asseyez-vousdevant,ordonneleprofalorsqueVicsedirigeaitverslefonddelaclasse.Ilfaitdemi-touretécarquillelesyeuxenvoyantlaplacelibreàcôtédeCassidy.—L’avant,çamerendclaustro,dit-ild’unevoixtraînante.—Dommage,répondMrMillerenpointantdudoigtlachaisevideaupremierrang.Visiblement,il
fautquejegardeunœilsurvous.Vicremontel’alléeavecréticenceet,ens’asseyant,nepeuts’empêcherdedonnerunpetitcoupde
coudeàCassidy.Pendantlerestedel’heure,leprofexpliquequelasocioconsisteàétudierlespersonnesauseinde
groupes.—Les réactions individuelles sont très différentes des réactions collectives ou communautaires.
Nous nous conformons à des normes sociales, que nous en ayons conscience ou non. Et lorsque nousbrisons les normes sociales ou sortons de ce qui est attendu de nous socialement, que se passe-t-ild’aprèsvous?
Cassidylèvetoutdesuitelamain.—Çanousmetmalàl’aise.—Exactement!Celaenvoieunelégèresecousseànossystèmes.Réfléchissezauxnormessociales.
J’aienvieque,vousaussi,vouslesbrisiez.Observezcequ’iladvientlorsquevoussortezdecequelasociétéattenddevous.Filmez-vousentraindefairequelquechosequisortedelanormeetvoyezcequisepasse.
MrMillerseplacedevantlebureaudeVic.— Pour certains d’entre vous, il me semble qu’aller à l’encontre de la norme est une habitude
quotidienne.Iltapotelebureauavecsesdoigts,enfixantVic.
MrMillerfaitcoursencoreunedemi-heurequandlaclochesonneenfinettoutlemondeseprécipitedehors.
—C’étaitviolent,ditVic.—Pourquoi?Parcequ’ils’enestprisàtoi?demandé-je.— Tu crois que j’en ai quelque chose à foutre queMiller s’en prenne à moi ? rétorque-t-il en
secouantlatête.Non.Danscecours,onestcensésavoirfacilementunebonnenote.MaisavecMiller,jesensqueçanevapasêtreunepartiedeplaisir.
Vicn’apasdetrèsbonnesnotes.Ilnefaitpasvraimentd’efforts;c’estprobablementparcequ’ilnesepensepasassezintelligent.Ilm’aditunjourqu’ilallaitseconcentrersurlescoursfaciles.J’aichoisilasocioparcequelamatièrem’intéressevraimentetjepenseétudierlasociooulapsychoàlafac,pasparcequec’estcenséêtredugâteau.
—Jet’aideraiaveclescours,proposé-jeàVic.JejetteunœilversCassidyquimarchedevantnousenroulantdeshanches,sansdoutepourqu’illa
remarque.Jeletireversmoipourluichuchoteràl’oreille.—OujesuissûrequeCassidyaimeraitbeaucouptedonnerdescoursparticuliers.Ilneregardemêmepasdanssadirection.—Necommencepas.Elledisparaîtaudétourd’uncouloir.—Vic, jene comprendspaspourquoi tune lui donnespasune autre chance.Elle t’aimeencore,
c’estévident…quandellenetetraitepasdesalaud.—Jesuisunsalaud.—Non,pastoi.Vicfaitpartiedemongrouped’amisdepuisqu’onestarrivésaulycée.Jeleconnaisbien,mêmes’il
aconstruitunmurd’unkilomètredehautautourdelui.Àcertainsmoments,savraiepersonnalitéperceàtraverssafaçadedegrosdur.
—Parfois,tues…—Untrouducul.—Non,j’allaisdirevifoulunatique.Passionné!Ilcommenceàpartirmaisjeluiagrippelebras.—Tuesvrai.Ettuprotègeslesgensquitesontchers.J’aimeçacheztoi.Ildétourneleregard,lecomplimentlerendvisiblementmalàl’aise.Cen’estpasunratécommesonpèreveutluifairecroire.Àvraidire,jemereposesouventsurVic.
Treyaussi,d’ailleurs.Vicestd’uneloyautéinégalableetcelareprésentebeaucouppourmoi.Il a aussi beaucoup de charisme.C’est drôle, il n’a pas conscience d’être populaire ni d’être un
grand sujet de conversation chez les filles. Il apourtant sonpropre fan clubdans lesgradins lorsdesmatchsdefootball.
Vicestaucentredel’attentiondelaplupartdesélèves,qu’illeveuilleounon.Jeregardeàl’autreboutducouloiretremarqueunenouvellelepointerdudoigtetricaner,toutexcitée,puiselleprendunephotodeluipendantqu’ilaledostourné.
—Qu’est-cequeturegardes?demandeTreyquiapparaîtderrièremoietm’embrasselanuque.Jemetourneetleserredansmesbras,balayantl’imageducorpsdeVicdemonesprit.—Rien.Alors,tapremièreheure?—Honnêtement, je stressedéjà, répond-il en reculantunpeu.Çavaêtre ardude faire toutes les
optionssansheuresd’étude,etjeneteparlepasdetouslesdossiersetlettresdemotivationàécrirepourlafac.Sansoublierlefootball.Jesuissousl’eauetc’estjustelarentrée.
—Tun’aspasbesoindeprendretouteslesoptions,luidis-jealorsquenousdescendonslecouloir.JeremarquequeTreynemetientpaslamain.Avant,ilmetenaittoujourslamaindanslescouloirs.
Là,ilesttropangoissé,tellementstresséqu’ilnepeutpaspenserànotrecouple.Jecomprends,celadit.Onnesortpasmajordepromotionenétantunbonpetitcopain. Il fautavoir lesmeilleuresnotesdanstouteslesmatières.
—Allègetonprogramme,situstressesautant.—Jenepeuxpas.C’estuneannéecharnière.—Jesais.Ilpasse ses livresd’unemainà l’autreetunpetit sachet transparent remplidepilules tombedes
pagessurlesol.Ils’empressedeleramasser.—Qu’est-cequec’est?—Desmédocspourl’anxiétéquelemédecinm’aprescrits.Çamecalme.C’estbizarre.Ilnem’ajamaisditqu’ilprenaituntraitement.—Pourquoilespilulessontdansunsachet?—Parcequejen’avaispasenvied’apportertoutleflaconàl’école.Pasdequoienfaireunplat.— Trey, je n’ai pas envie qu’on croie que tu te drogues, murmuré-je. Les sachets, c’est ce
qu’utilisentlesdealers.Demandeàtesparentsderemplirunformulairedetraitementàl’infirmerieet…—C’est une perte de temps,Monika. En plus, je n’ai pas besoin que l’infirmière ou une tierce
personnemettesonnezdansmesaffaires.Ilapresquel’airénervédemasuggestion.J’ail’estomacquifaitdesbonds.—D’accord.—Ladeuxièmeclochevabientôtsonner.Jetevoisplustard.Etils’enva.Deplusenplus,j’ailasensationquequelquechosenevapasavecTrey.Jemerépètequec’estle
stressdelarentréeparcequ’ilveutêtrelemeilleur,àl’écolecommesurleterrain.Ets’ilyavaitautrechose?
Chapitre5
VICTOR
LesentraînementsdefootballducoachDietersontrudes,surtoutenété,quandilfaitunechaleurmortelledehors.Lescoursontreprisilyapresquedeuxsemaines.Lelancementofficieldelasaisondefootballauralieuvendredi,alorsDieternenouslâchepas.
Après l’école, on doit passer une heure dans la salle de musculation. Je suis en chemin pourrejoindremes coéquipiers quand j’aperçoisHeatherGraves debout à côté de l’entrée. Elle porte deslunettesdesoleiletsemblenerveuse.
—Salut,Vic.Jepeuxteparler?—Biensûr,qu’est-cequ’ilya?Elleretireseslunettes,dévoilantunsaleœilaubeurrenoir.—Je,euh…voulaisjusteteparlerdel’autresoir.Joes’énervefacilementmaisjetejurequec’était
lapremièrefoisqu’ils’enprenaitàmoi.Bref,j’étaisjustevenueteremercier.Elleditçacommesij’étaisunsuper-héros;jenemebaladepasàlarecherchedegensàsauver.
J’aifaitcequen’importequiauraitfaitquandunefilleprenduncoup.—Lesgarçonsnedoiventpastaperlesfilles.Jamais.Ellebaisselesyeux.—Jesais.Je…ildevientcommeçaquandilabu.Sonpèreletraitecommedelamerde.—Monvieuxmetraitecommedelamerdeetjen’aijamaistapésurunefille.Ellesoupire,avantd’acquiescer.—Onarompu,lâche-t-elleenessuyantunelarmepuisellesereprend.Jedoisyaller.Désoléede
t’avoirdérangé.Ellesepenchepourmeprendredanssesbraspuispartencourant.Je me retourne et découvre Jet appuyé contre le mur opposé. De toute évidence, il a suivi
l’intégralitédenotreéchange.—C’estcool,cequetuasfaitpourelle.Dis-moi,tuasdécouvertquesoncopainétaitunasenarts
martiauxavantdeluibotterlecul,ouaprès?—Pendant,luidis-jeetçalefaitrire.—Hé,Vic!lanceTreyquandj’entredanslasalledemuscuetsautesuruntapisdecourse.Ilva
falloirquetuaccélèressituveuxespérercouriraumoinsdeuxfoismoinsvitequemoi.Treyetmoi,onesttoujoursencompétition.Jeleregardealorsqu’ilaugmentelavitessedesontapis
pourdépasserlamienne.—J’aicouru tout l’été,monpote, luiannoncé-je.Tunevaspas rester leplus rapidede l’équipe
bienlongtemps.J’accélèrelerythmepourlerattraper.Ilmerépondenriantdeboncœur,etaccélèreànouveau.—Bandedecrâneurs!Ashtyn,del’autrecôtédelasalle,faitdesdéveloppés-couchésavecsoncopain,notrequarterback
Derek.Ellealaplacedekicker,alorsellen’apasbesoindetropmusclersesbrasmais,commemoi,elle
aimedépasserseslimites.C’estsansdoutepourçaquenoussommesamis.Onsecomprend…enfin,jene comprends pas sa relation avecDerek Fitzpatrick, dit « le Fitz ». Là, je ne capte pas du tout. Ilss’engueulentenpermanence;çamerendfoudelesentendreseprendrelatêtecommeunvieuxcouple.
—IlparaîtqueCassidyveutquetul’invitesaubaldulycée,meditAshtynaprèsavoirfinisasérie,enessuyantsonfrontdégoulinantdesueuravecuneservietterose.
—Jamaisdelavie.—Ilfautbienquetuinvitesquelqu’un.Ilfautquetuviennes,c’estnotreterminale,Vic!—Hmm…non.—Écoute,Salazar,tuviens!Quetuleveuillesounon.—Tudoispesercentgrammes,max.Tucroisquetupeuxmeforceràfairequoiquecesoit?—Oui.Ellemetapedansledos.—Etjeveuxquetusoisheureux.Heureux?Bonneblague.Jedescendsdutapispourallerboireuncoup.Ellemesuit.Dansunmomentdefaiblessel’annéedernière,j’aiditàAshtynquej’étaisamoureuxdeMonika.Au
début,elleaéclatéderire,pensantquejedéconnais.Puiselleavuquej’étaisonnepeutplussérieuxetacomprisquejedisaislavérité.
C’estlaseulepersonneaucourant,enplusdemacousineIsabel,etellesm’onttouteslesdeuxjuréqu’ellesnediraientrienàpersonne.
Ashtynprendunegorgéed’eaupuismedévisageavecunairdepitiéterrible.—Inviten’importequiaubal.Personned’autreneteplaît?Mêmepasunpeu?Endehorsdelaseulefillequejenepeuxpasavoir?—Non.—Trèsbien,toutlemonde,éclatelavoixducoachDieter,jevousretrouvesurleterrainentenue
complète dans exactement quinze minutes. Tout retardataire aura le plaisir de courir plusieurs tourssupplémentaires.Ilfaittrentedegrésdehors,lesgars,alorssivousnevoulezpasunemaredesueurdansvosjockstraps,soyezàl’heure.
Personneneveutfairedetourssupplémentairesparcettechaleuralorsonseprécipitetousdanslesvestiairespourmettremaillotsetprotections.Ashdisparaîtdanslevestiairedesfilles.
Treysoupire.—Commentest-cequej’inviteMonikaaubal?demande-t-ilàtoutlemonde.Jeveuxfaireuntruc
quilachoque,danslebonsensduterme.Maisc’estpasvrai!Encorecebal?Jepréféreraisencoreparlerdejockstrapspleinsdesueur.Ou
alorsmeplanterdesaiguillesdanslesyeux.—ÉcrisBALsurungâteauavecduglaçageethop,répondJet.— Bonjour l’originalité ! s’amuse Derek. Je vais inviter Ashtyn en écrivant sur un des ballons
demainsoir.Elleleverraenpleinmilieudel’entraînement.—Etsiellenelevoitpas?lanceJetavecunsouriredecôté.Etsic’estnotresecondkicker,Jose
Herrejon,quiletrouveàsaplace?TuvasinviterJoseàlasoirée?—T’inquiètepaspourmoi,lecôtéromantique,çameconnaît.Mesplansneratentjamais.EttoiJet,
c’estquilapauvrefillequivarecevoirtoninvitation?Jetfaitrebondirsessourcils.—JepensaisàBree.Aumoins,avecelle,onsaitqu’onneserapasdéçu.Jeluijettemoncrampondessus.
Jetme le renvoie,puis regardedans lemiroir la seulechosequ’ilaimeplusquesavoiture : sescheveux.
—Tu invites qui, Salazar ? dit-il en s’admirant, pour vérifier que sesmèches sont parfaitementplacées.
Pasbesoindeluidirequedansdeuxminutes,soncasquevacomplètementécrasersacoiffure.—Personne,jen’yvaispas.—Ondoittousyaller,intervientTrey.C’estlatradition.—Tunepeuxpasrompreaveclatradition,renchéritJet.Treylèvelamain.—Nevousinquiétezpas,lesgars.Jevaistrouverlemoyendefairevenirnotrecélibataireendurci
àlasoiréemaisdonnez-moidesidéespourMonika.Jevousjure,j’aitellementdetrucsdanslatête,jen’arrivepasàréfléchir.
—Tudevraispeut-êtrearrêterdeprendretouteslesoptionsetrejoindrelapopulacedanslescoursnormaux,Trey,luiditJet.Onnet’apasditquelaterminale,çadevaitêtretranquille?
—Pasquandtuveuxsortirmajordepromo,ducon.—Les sportifsnepeuventpas êtremajors.Tuvasperturber l’équilibrede l’univers tout entier !
RegardeSalazar…soncerveaunetournepasàpleinrégime.Jegrogneenlerepoussant.—Va te faire foutre ! J’aiuncerveau,seulement jenepeuxpas le faire fonctionnercorrectement
avecvousautour.Vousnecomprendriezrienàcequejedis.—C’estça,monpote,s’amuseJet.— Jet, c’est scientifiquement prouvé qu’aucun cerveau ne tourne à plein régime, corrige Trey.
Maintenant,dites-moicequejedoisfaireavecMonika!SijedevaisinviterunefillecommeMonikaaubal,jem’assureraisqu’elles’ensouviennetoujours.
JedonneunpetitcoupdecoudeàTrey.—Et si tu faisaisquelquechosesur le terrain?Tudemandesà l’orchestrede jouerunechanson
romantiqueettuluimetsunpanierdepique-niquesurlalignedesquarante-cinqmètres.Jetfaitsemblantdevomir.—L’idée pourrie,Vic !Mec, amène-la dans un parc d’attractions et invite-la en pleinmilieu du
grandhuit.Ça,elleselerappellera!—Ungrandhuit!Bonneidée,ditTreydontlevisages’illumine.Merci,Jet,tuesgénial.Ungrandhuit?—Monikadétestelesgrandshuitnon?luidis-je.Jepréfèredeloinmonidéedepique-niquesurleterrain.C’estplus…Monika.Elleestdélicateet
parletoutletempsdefilmsromantiques.Treym’adresseunclind’œil.—Jeluitiendrailamain,ceseraromantique.Nickel!— Il vous reste deuxminutes, les gars ! crieMr Huntsinger, l’assistant du coach. Ramenez vos
fessessurleterrainouDietervavouspourrirlavie!Merde ! Avec toutes ces discussions sur le bal, on a pris du retard. Tous les autres garçons de
l’équipeontdisparuetsontprobablementdéjàentraindefairedesexercices.J’enfilevitefaitmatenueetcoursavecJet,TreyetDerek.LecoachDieterestsurleterrain,lesyeuxrivéssursamontre.
—Vousquatre,vousavezuneminuteetonzesecondesderetard.J’attendsbeaucoupmieuxdemesterminales.Vousmefaitesquatretours,envousarrêtantentrechaquepourvousréhydrater.
Mince!Jelâchemoncasqueetmemetsàcourir.Touslesquatre,onsuecommedesporcssouslesoleildeplomb.
Pour être honnête, on est trois à dégouliner de sueur.Trey, lui, ne transpire pas et ne s’essoufflemêmepas.
Treyestunemachine,toujoursprêtàcourir,ànousdéfierpourmontrerquiestleplusrapide.C’estcommeunjeupourlui,ilsaitqu’ilgagneàchaquefois.Unjour,jelebattrai.Questiond’ego.
—Rappelez-moideneplusjamaisêtreenretard,râleJet.Dieterneplaisantepas.J’ailesbonbonsquicollentaujock.
—J’aiuneidée,lanceDerek.—Ausujetdenosbonbonsquicollent?renchéritJetquis’accrochelespartiessanssesoucierdes
fillesquiregardentdepuislesgradins.—Non.Enfin, peut-être.C’est à propos du bal.On pourrait tous aller chezmagrand-mère pour
l’after.Jetlèvelesmains.—Tagrand-mère,c’estunedingue!Mêmelecoachauraitlesbouless’illarencontrait.—Vousoubliezuntruc,lesgars,ditTreyquiestleseulànepasmourirsouscettechaleur.OnsetournetousversluiquandDieterdonneuncoupdesiffletpournousdired’arrêter.Monmeilleuramimetapedansledos.—OndoittrouverunefillepourVic,parcequejen’yvaispass’iln’yvapas.Jenerépondspas.Laseulefillequejeveuxestjustementlaseulequejenepeuxpasavoir.Lasienne.Heureusementqu’ill’ignoretotalement.Jesuisdanslebrouillardlerestedel’entraînement.Surlecheminduretour,Treyparledefacsetde
candidatures.Jen’aipasencoreréfléchiàlaquestion.Treysegaredansmonallée.Endescendantdevoiture,jedécouvreunpanneausurlequelestécrit
VICTOR SALAZAR #56 DE L’ÉQUIPE DE FREMONT sur la pelouse et ma porte est couverte de messagesencourageantsetniais,dugenreTUVASYARRIVER!,ONAIMEVIC!etMEILLEURLINEBACKERDEL’ILLINOIS!
Commentnepasaimer lespom-pomgirls,quidécorentnoscasiersà l’écoleet lesportesdenosmaisons ? Chaque fille a écrit un message personnel et le colle sur notre porte d’entrée. Mes yeuxcherchentceluideMonika.
ÀmonamiVic,S’ilteplaît,aideTreyàgagnersonpremiermatchpourqu’ilailleàHarvard.Pasdepressionlol!Tonamie,Monika
Mince!Ashtynaraison,ilfautquejetournelapage.Leproblème,c’estquejenesaispascommentfaire.
Chapitre6
MONIKA
Letopquandonauncopainappréciéparsesparents,c’estqueçanelesdérangepasqu’ilvienneàlamaison.Lepirequandonauncopainappréciéparsesparents,c’estqu’ilsletraitentcommeleurfilsadoptérécemment.
Depuis queTrey est rentré de son entraînement,mon père nous a déjà interrompus deux fois. Lapremière,ilestvenudanslacuisinequandjepréparaisdupop-cornavantquel’onregardeunfilm.IlademandéàTreycommentsepassaitl’entraînementets’ilpensaitqueFremontavaitunechancedegagnerlechampionnatd’État.
Laseconde,papaadébarquépilequandonallaitmettrelefilm.IlademandéàTreysonavissurl’idéed’acheterounonuneperceuse-visseuse électriqueavecou sans clédynamométrique. Jene saismêmepascequec’est,alorsjesuisrestéeassiseàjouersurmontéléphoneletempsqu’ilsterminentleurconversation.
Treymeprendlamainalorsqu’onestinstalléssurlecanapé.—J’t’aime.Jelèvelesyeuxverssonmagnifiquevisageébèneetmeblottiscontresapoitrinechaude.—Jet’aimeaussi.J’aienviedeluidirequejelesensdistant.Mêmemaintenant,alorsqu’ilasonbrasautourdemoi,il
yaunmurentrenous.Direquec’étaitlegarçonparfait.Aujourd’hui,ondiraitqu’àlamoindreoccasion,ilmelaissesans
seretourner.Monpèredébarquedanslapiècesanscriergare.— Trey, je peux te déranger quelques minutes ? J’essaie de remplacer une tête d’arrosoir
automatiqueetjem’arrachelescheveux.—D’accord,DrFox!lanceTreysanshésitation.—Papa,onallaitregarderunfilm,dis-jeengeignant.Ilnepeutpast’aideraprès?Treymetapotelegenouetbonditpresque.—Nesoispasimpertinente.Jerevienstoutdesuite.Impertinente?Avant, je trouvais touchante la façondeTreyde lancercequemonprofdeprimaireappelaitdes
« mots à cinq dollars ». Cela le rendait unique et me rappelait combien il était intelligent. Maisaujourd’hui,çam’énerve.
Treyquittelapièceavecmonpère,melaissantseuleàavancerlegénériqueetmettresurpausejusteaudébutdufilm.
Je sais bien qu’aider mon père prendra plus que quelques minutes. Je vérifie l’heure sur montéléphoneàmesurequeletempspasse:cinqminutes,dixminutes,quinzeminutes.
LetéléphonedeTreyvibre.Iladûtomberdesapochequandilétaitassissurlecanapé.Jemedisquecedoitêtreundenosamis,maisjemetrompe.
Zara:Salut,bébé!Tumemanques,Einstein!Télquandtttseul.
Letextosetermineavecpleindepetitscœurs.Marespirationralentitalorsquejeprendslamesuredelasituation.Moncopainmetrompe.Jene
suispassurprisemaisécœurée,abattue.Netirepasdeconclusionhâtive,medis-je.Jerelisletextodixfois;surcecoup-là,jevaisêtrebienplusqu’«impertinente».Refusantdecéderàlapanique,jesorsettrouvepapamontrantfièrementàTreylanouvelletondeuse
àgazonqu’ils’estachetéeilyaquelquessemaines.Agenouillé,Treyexaminelamachinetandisquemonpèreluiexpliquetoutexcitélesfonctionnalités.Ilsontcrééunvrailienpère-fils.
Moncopainremarqueenfinmaprésence.— Trey, tu as unmessage, dis-je en brandissant son téléphone. Tu as laissé ton portable sur le
canapé.Ilmeleprenddesmainsetlerangedanssapoche.—Merci.—Tunevaspaslelire?Ilnemeregardepas.—Plustard.—RentreavecMonika,intervientmonpère.Jeneveuxpasinterromprevotrerendez-vous.—Çava,DrFox.N’est-cepas,Monika?conclutTreyavecunclind’œiletsonsourireunique.Jemesouviensdelapremièrefoisqu’ilm’asouri.C’étaitjusteaprèsl’entraînementdepom-pom
girls, l’été avant d’entrer au lycée. L’équipe de football est passée devant nous pour rentrer auxvestiaires.Trey etVicmarchaient côte à côte.Vicm’a juste fait un signe de tête tandis queTreym’asouri. Il a un sourire qui transpire la confiance et la sincérité. J’aurais bien voulu faire plus ampleconnaissanceavecVic,maisluinem’apasprêtéattention,contrairementàTrey.Lelendemain,Treym’aretrouvéeàmoncasieretm’ademandédesortiraveclui,toujoursensouriant.Onestensembledepuis.
—Trey,ilfautqu’onparle.—Çaal’airgrave,répondpapa.Tuveuxunconseild’homme,Trey?Quandunefemmeditqu’il
fautparler,prépare-toipsychologiquement,plaisante-t-ilavecdesridesaucoindesyeux.Treyricane.—Mercidel’avertissement,DrFox,dit-ilavantdemesuivredanslesalon.Qu’est-cequ’ilya?Jedéglutis.—QuiestZara?Ilaunregardconfus.—Zara?fait-ilcommes’iln’avaitjamaisentenducenomauparavant.—Ouais,tusaisquic’est,puisqu’elleestenregistréedanstontéléphone.—Tuasfouillédansmescontacts?—Non, jen’aipasfouillédans tescontacts.Untextos’estaffiché,venantd’unefilleprénommée
Zara.Lis-le.Ilsortsonportabledesapoche.Aprèsavoirlulemessage,illerangeimmédiatement.—Detouteévidence,c’étaitpourquelqu’und’autre.Tunepeuxpascroireuneseulesecondequece
textoétaitpourmoi,quandmême?Maintenant,c’estmoiquisuisconfuse.J’ailatêtedanslebrouillard.
—Jenesaispasquoipenser,Trey.C’estassezlouche.—Sérieux,c’estabsurde!s’exclame-t-ilensecouantlatête.Tun’aspasconfianceenmoi?Avant,jerestaispendueàseslèvres.Ilestsiintelligent!Jemetournaisversluipourdesconseilset
sonamitié.Aujourd’hui,lesmotsquisortentdesaboucheontl’airforcés,videsdesens.—Jenesaispas.Ellet’appelleEinstein,Trey.C’esttellementtoi.J’aienviedelecroire,maisjen’yarrivepas.—Jen’aiplusenviede regarder le film, là. Jevaisyaller.Franchement, si tunepeuxpas faire
confianceàtoncopainaprèstroisans,çarimeàquoi?—Attends!Tuneveuxpasqu’onendiscute?Tunem’asmêmepasditquiestcettefille.Elleest
danstontéléphone,donctulaconnais.—Excuse-moidenepasvouloirresteravecmacopinequandellerefusedemecroire.Ilcommenceàsortirdelapièce.—Jet’appelleplustard.J’ailecœurquibatàcentàl’heureetjenesaispasquoidirepourarrangerleschoses.—Trey…Ilseretourne.—J’aienviedetecroire.—Maiscen’estpaslecas.—Jenesaispas.Entrelespilules,ça…—Tuosesmeparlerdeçamaintenant ?Cen’estpas lemoment. J’ai tropde trucs sur lesbras,
Monika.Mercidemestresserencoreplus!Moncorpsseraiditàcesmots.—Quandtuparles,ondiraitquejeresteàlamaisonànerienfairedelajournée.Moiaussi,j’ai
mesdossierspourlafac,Trey.Jevaisencours,ilyalespom-pomgirls.Jesuisstressée,moiaussi.—Tun’aspasdeboulot,tun’aspasàtesoucierd’argentpourpayerl’université.Ilfaitungesteverslestableauxetlesystèmehi-fidansnotresalon.—Tesparentspeuventsepermettredetepayerlafacettesmanucures.Paslesmiens.Tunepeux
pascomprendrecequec’estd’avoirunboulotetd’allerencoursenmêmetemps.Je suis abasourdie, comme si je vivais dansunmondeparallèle où je nepeuxpas exprimermes
sentimentsnimesémotionssansêtreattaquéepourça.—Oùveux-tuenvenir?—J’enviensaufaitquetuesunediva,tuattendsdemoiquejesoislepetitcopainparfaitalorsque
jenepourraijamaissatisfairetesexigences.Ilportesamainàsesyeuxetrespirelentement.—Ilfautquej’yaille.J’aibesoindetempspourmecalmer.Ilpartpourdebon,etjesensunmurinvisiblesedresserdansmoncœur.CettesensationqueTrey
étaitdistantn’étaitpaslefruitdemonimagination.Ilrépète«j’t’aime»commeunrobot,pascommesicelavenaitducœur.Iltientàbalancerdesgrandsmotsdanssesphrasesmaisn’estmêmepascapablededire«jet’aime»commeavant.
—OùestpasséTrey?demandemamanalorsque jerentredans lacuisinequelquesminutesplustard,avecuneseuleenvie,pleurer.Jecroyaisquevousalliezregarderunfilmdanslesalon.
Jesoupire.—C’étaitl’idée.Maisilestparti.—Toutvabien?Mesparentss’inquiètentsuffisammentpourmoicommeça.Jenevaispasenrajouter.
—Ouais,toutvabien.— C’est vraiment un bon garçon. Tu pourrais te trimballer ce Salazar. Là, on aurait un sacré
problèmesurlesbras.—Vicestungarçonbien,maman.Ellemelanceunregarddecôté.—Cen’estpascequej’entends.TononcleThomasm’aparléd’unealtercationàlaplage,l’autre
soir. Il a suggéré que Vic était impliqué. Je sais que c’est un ami de Trey mais tu dois garder tesdistances.Lesgarçonscommeluin’attirentquedesennuis.
Jelacontrediraisbienmaiscen’estpaslapeine.Mamannechangerapasd’avissurVic.Ellel’acataloguécommedélinquantetj’auraibeaudire,ellenechangerapasd’avisàsonsujet.Lefaitestqu’ilsebat.Maispersonneneréaliseque laplupartdu temps,on leprovoqueouqu’ilnefaitquedéfendrequelqu’und’autre.Ilpeutêtreviolentquandils’agitdeprotégerlesgensqu’ilaime.Iln’enparlepasetnerépondjamaisauxregardsouauxcommentairesdesautres,commes’illeméritait.
UnepetitepartiedemoiaimeraitqueTreysoitpluscommeVic,qu’ilsesoucieplusdeceuxqu’ilaimeplutôtquedesonclassementàl’école.
Treym’areprochédenepassavoircequeçafaitdedevoirtravaillertoutenallantàl’école.—Maman,jepeuxmetrouverunboulotaprèslescours?—Jenepréfèrepas.Concentre-toisurtesdevoirs,plutôt,conseille-t-elleenmefrottantlebras.En
plus,ilfautquetoncorpsserepose.Tunepeuxpastepermettreunnouveaucoupduretteretrouvertrophandicapéepouralleraulycée.
J’aitoujoursétéunefillebien,cellequiobéit,quinefaitpasdevagues.Résultatdescourses,jemefaistraiterde«diva».Etd’handicapéeparmesparents.
J’enaimarred’êtrelagentillefille,tropeffrayéepourselâcheràcausedeslimitesétabliesparmesparents,parlesmédecins,etparmoi-même.
Ilesttempsquejemerebelle;vivresansprendrelemoindrerisquenemeconvientpasdutout.
Chapitre7
VICTOR
ÊtreenterminaleàFremontasesavantages.Maisonaaussilaresponsabilitédejouerdestoursauxécolesrivales.Heureusement,onesttoujourspartants!Notrequarterback,Derek«leFitz»Fitzpatrick,aautantenviequemoidecommencerl’annéeavecuncanulardontonparleraencorependantdesannées.
On s’est retrouvésdans le sous-sol de sa grand-mèrepourmanger des plats de traiteur qu’elle acommandéspournous.Ellen’imaginepascequeDerek,Trey,Jetetmoipréparons.
—OnpourraitjeterduPQsurleursmaisons,lanceTreyquireçoituntextoettapecommeundinguesursontéléphone.
—Déjàfait,tropbanal,répondDerekquifaitsemblantdebâiller.Jetn’estpasconvaincunonplus.—Ilfautquelquechosed’original.Jem’efforcedetrouveruneidéequinenousconduirapasenprison.—EtsionteignaitleursmaillotsaveclescouleursoretnoirdeFremont?proposeDerek.Voirnosrivauxporternoscouleurs,ceseraiténorme!—Commentrécupérerleursmaillots?DerekmefaitungrossouriredeTexanprétentieux.—Fais-moiconfiance.Jepourraism’infiltrerdansuneprisondehautesécurités’illefallait.Soudain,uneidéemevient.—Ilyapeut-êtreplussimple.EtsiontaguaitREBELSsurleurterrain?Onseregardelesunslesautres.Derekaletalent,Treylecerveau,Jetestprêtàtoutquandils’agit
des’amuser.Etmoi?Jen’aipaspeurdemesalir lesmains,etsi l’art,cen’estpasmon truc, jem’yconnaisenbombesdepeinture.
—Quiestpartant?—Moi!lanceJet.Derekselève.Onsentqueçachauffedanssoncerveau.—Àfond.Çavaêtreénorme!OnsetournetousversTrey,occupéàécriresursontéléphone.—Trey,poseceputaindeportable,grondeJetenessayantdeleluipiquerdesmains.JelanceuncoussinsurTrey.—Allez!Onlefait.Treyal’airtellementpréoccupé,j’ignores’ilaentenduunmotdecequ’onadit.—Ouais,répond-ilenfinenlevantlesyeux.Toutcequevousvoulez.Soudain,MrsWorthington,lagrand-mèredeDerek,apparaît.EllevientdedéménagerduTexaspour
êtreplusprochedelui,commesamèreestmorteetquesonpèreestenmission.Ellesetientenbasdesescaliersavecunchapeaurougeridiculementgrandsurlatête.
Jetseprécipitesurelle,lesbrastendus.—MamieWorthington!crie-t-ilavantdel’enveloppercommeunourstropenthousiaste.MrsWorthingtonluitapepolimentdansledos.
—Jacob,monchéri,dit-elleenutilisantsonvrainomcontrairementaurestedumonde,s’ilteplaît,nem’appellepasMamie.MrsWorthingtonsuffira.
Jetéclatederire.—Vousêtessûre?MrsWorthington,çasonnetellement…formel.—Celas’appellelesbonnesmanières,Jacob.Tuenaspeut-êtreentenduparler?Lavieilledameseraclelagorgeetajustesonchapeauquiétaitdetraversàcausedel’embrassade
deJet.—Mercipourlerepas,MrsWorthington,luidis-jequandellecroisemonregard.—Leplaisirétaitpourmoi,Victor,sourit-elleavantdeleverlessourcilsendécouvrantunboutde
painparterre.Qu’est-cequevousfaitescesoir,petitsbrigands?Ilyaclassedemain,voussavez.Dereklèvelamain.—Tuneveuxpassavoir.Destrucsdemecs.— Amusez-vous bien alors… mais pas trop, ajoute-t-elle en agitant un doigt. Et ne faites rien
d’illégal,vousm’entendez?Elles’envamaispassansuncommentairedeJetquidéclarequ’elleestassezcanonpourunjeune
beaugossecomme lui.Cette femmeapresquequatre-vingtsans,ducoup tout lemondeéclatede rire.Cela dit, je ne suis pas sûr que Jet plaisante vraiment. C’est le genre de type qui adore briser lesconventions.Mesamisn’ontpaslaréputationdesuivrelesrègles,c’estlemoinsqu’onpuissedire.
—OnseretrouvechezJetjeudiàminuit,annoncé-jeauxgarçons.ÇavaêtreOufementdingue!Treymelanceunregard.—Oufementn’existepas,Vic.—Hé,Trey,dis-jeensouriant,lesbrasgrandsouverts.Qu’est-cequeçapeutmefaire?
Chapitre8
MONIKA
Lesoir,quandmoncorpscommenceàflancheretquejesuisépuisée,jememetssimplementsurlelitetfixeleplafondpourréfléchir.
Cesoir,mespenséessontenvahiesparZaraetl’idéededécouvrirquiestcettefillemystère.JevaissurInternetpourvoirsijepeuxlatrouver.Ellenevapasdansmonécole,c’estunepremière
chosedesûr.JepasseenrevuelesélèvesdulycéedeFairfield,nosrivaux.JecommenceparlapageduplusgrosdébiledeFairfield,MatthewBonk:ilestpopulaireetconnaîtpratiquementtoutlemonde.
J’inspecte son profil, j’ai l’impression d’être une espionne. Il publie beaucoup de photos de sesabdos.Cetypeestégocentrique,ilveutqu’onl’admire.Jesondesesquatremillecontacts,àlarecherched’unefilleprénomméeZara.
Ilnemefautpaslongtempspourlatrouver.—Alors c’est elle…, murmuré-je à moi-même quand je tombe sur une photo de Bonk avec un
groupedepom-pomgirls.Wow!Sescheveuxrosesressemblentàdelabarbeàpapa.Degrandsyeuxbleus.Unepeaublanche
commelaneige.Toutl’opposédemoi.Nomcomplet:ZaraHughes.Je n’ai jamais vu cette fille auparavant mais quand je clique sur son profil, je suis inondée
d’informations.Ellepubliepresquetouslesjourssursapage,quecesoitunephoto,unecitationouuncommentairesursajournée.
ElleneparlepasdutoutdeTreyetiln’yaaucunephotod’euxensemble.Maissoudainjetombesurunmessagequ’elleaécritenjuin,alorsquej’étaisenvacancesdanslecomtédeDooravecmafamille.
«La meilleure nuit de ma vie. Les relations secrètes sont les meilleures. Pas de drame, pasd’emmerdes.»
Mon cœur s’accélère. J’ai beau vouloir vivre dans le déni, les pièces du puzzle commencent às’assembler.
Danslamatinée,moncopainsetientdevantmoncasier,uneroserougeàlamain.—Désolépourhiersoir,dit-ilenmetendantlafleur.J’étaisstressé.—Pasdesouci.Jeprendslafleur.Elleatoujourssesépines.J’attendsqu’ils’expliquepourletextodeZara.Ilnele
ferapas.—C’esttout,Trey?C’esttoutcequetuasàmedire?—Non,répond-iletilmefixedroitdanslesyeux.Sijedoisêtrehonnête,Zaraestunefillequej’ai
rencontréeaufestivalLollapalooza.Elleplaisantaitenm’envoyantcemessage.—Elleteplaît?Jenesaispassij’aienvied’entendrelaréponse.—C’estuneconnaissance,c’esttout.Ilmetlesmainsenavant,commesimoncommentairel’énervait.—Jenepeuxpasavoirdesfillescommeamies?
—Si!Tupeux.Jen’aijustepasenviequ’ellesflirtentavectoi.Elleneflirtaitpas,peut-être?Jerésisteàl’envied’ajouter:«Ettoi,tuneflirtespasavecelle?»—Jenesaispas,répond-ilrapidement.Ildoitvouloirconsidérerlesujetclos.Ilenesthorsdequestion.Soudain,notregrouped’amisdébarqueetTreypassesonbrasautourdemoi.C’estunefaçadepour
lesautres,pourqu’ilsnesachentpasquenotrerelationestenpéril.Jedétestecespectaclemaisjesaisqu’ilveutgardernosproblèmessecrets.
—Nenousposepasunlapincesoir,mec,lanceVicàTrey.Oujetejurequejeviendraitebotterlecul.
—Vousposerunlapinpourquoi?Jesuiscurieuse;Treynem’ajamaisparléd’unesortieaveclesgarçons,cesoir.Ilfautdirequ’ilne
meracontepastout,cesdernierstemps,alorsjenesuispassurprise.—Uneblaguequ’onvafaireaulycéedeRollingMeadows,expliqueDerekavantdes’assurerqu’il
n’yaaucunprofdanslesparages.Çavaêtregénial.—Quelgenredeblague?—Untrucdemecs,répondTreypourmefairebiencomprendrequejenesuispasdanslecoup.Jericaneetlerepousse,vexée.—Untrucdemecs?Tuessérieux?—Ouais,commeVicquitravailleaugaraged’Enrique.C’estuntrucdemecs.Jemetslesmainssurleshanches.—JepourraisbientravaillerchezEnrique,moi.Jet,DereketTreyéclatentderire.Vical’airhorrifiéquejepuissesimplementémettrel’idée.— Vous êtes tellement sexistes, intervient Ashtyn. Monika peut faire tout ce qu’elle veut, dont
travaillerchezEnrique.—Ouais!JepeuxtravaillerchezEnriquesijeveux.Vicattrapesonlivredemathsdanssoncasier.—Non,tunepeuxpas.—Pourquoipas?Treypasseànouveausonbraspar-dessusmonépaule.—Parcequetun’aspasl’habitudedutravailmanuel,turisquesdetecasserunongle.Puisilfaitunsigneàsespotes.—Maintenant,discutonsdecesoir.Jerestebouchebée.Jen’arrivepasàcroirequ’ilaitditça,alorsmêmequejebaisselesyeuxvers
mesonglesfraîchementmanucurés.—Rendez-vouschezJet,ditVic.Vingt-troisheurestrentepile.J’achètelematos,vousvousoccupez
delalogistique.—Nevousfaitespassurprendre,lanceAshtynensecouantlatête.—Pasdesoucis,faitJet.Onauradescagoules.—D’accord…commesiunmasqueàlaconallaitvousempêcherdevousattirerdesproblèmes.Derekl’embrasse.—Net’inquiètepas,Sucred’orge.Cen’estpaslapremièrefoisquejefaisça,etceneserapasla
dernière.Vouslesfilles,vousn’êtespasfaitespourça.Ashetmoinouséchangeonsunregardentendu.S’ilsavait!
Chapitre9
VICTOR
JeroulejusquechezJetavecmacamionnette,parépourlablaguequimarqueraledébutdenotreannéedeterminale.DereketJetm’attendentdéjàdansl’allée.Onesttouslestroisentee-shirtetpantalonnoirs.
—Onnepeutpasmontrernosvisages,aucasoùilyauraitdescamérasdesurveillance.Derekbranditfièrementquatrebonnetsnoirs.Iladécoupédestrousdedanspourqu’onlesmettesur
nostêtes.—OùestTrey?—Ilm’aenvoyéuntexto,merépondJet.Ilnevientpas.Ildoitbossersursesdossierspourlafac
ouuntrucdanslegenre.Merde!—Bref,ditDerekénervé,onpeutfaireçasanslui.Je n’ai pas envie de continuer sans Trey. J’essaie de l’appeler mais tombe directement sur sa
messagerie.J’essaiedeluiécriremaisilnerépondpas.—Qu’est-cequiluiarriveàTrey,cestemps-ci?demandeDerek.Qu’est-cequ’ilseprendlatête,
sérieux!Jetgrimpesurmabanquettearrière.— Il est carrément devenu chiant. Je vous jure, hier, il n’a pas arrêté de taper sur son putain de
téléphone.—Ilapasmaldesoucis, lancé-jepourdéfendremonmeilleuramialorsquemoiaussi je luien
veux.Allez,qu’onenfinisse.Onroulejusqu’auterraindulycéedeRollingMeadowsetjemesensd’uncouptoutexcité.Onade
lachance,cetteécolen’apasdegardiendenuit.Pourplusdesécurité,onsegarequandmêmeunpeuplusloin.
—Onal’airridicules,chuchoteJetenajustantlestrousdesonbonnetquandondescend.Mestrousnesontpasalignéscorrectement.Jenepeuxregarderqu’àtraversuntrou.
C’estvraiquelestroussonttellementéloignésqu’ondiraituncyclope.Pasletempsderéparerça,plusletempspasse,etplusonprendderisques.Jenecomptepasmefairesurprendre.
Onprendchacundeuxbombesdepeintureetonfoncesurleterraindenosrivaux.—Jen’yvoisrienavecceputaindebonnetsurlesyeux!—J’aifaitdemonmieux,répliqueDerek.Débrouille-toi,monpote.Onvasauterpar-dessuslegrillagequandsoudainjedistinguedeuxsilhouettesnoiresdansl’ombre.
Jemefige,prêtàfairedemi-tour,quandlesdeuxsilhouettesentrentdanslalumière.C’est.Pas.Possible!JesuischoquédevoirMonikaetAshtyndevantlegrillage.—Qu’est-cequevousfoutezlà,touteslesdeux?MesyeuxpointentdirectementsurMonika.Elleporteunhautjauneetunjeansmoulantquiembrasse
sescourbes.Qu’est-cequ’elleestbelle!
—Onveutvousaider,ditMonika.Jetessaied’ajustersonbonnet.—Monika?Ashtyn?demande-t-il,nevoyantqued’untrou.—Vousnepouvezpasnousaider,dis-jeauxfilles.Rentrez!—Ouais,rentrez,répèteDerekenrepoussantAsh.Situt’attiresdesproblèmes,tonpèrenevapas
telâcher.—Jem’enfiche.Monikaposelesmainssur leshanches, lamâchoireenavant.Çanelarendpasintimidante,mais
sexy.—Onvavousaiderquevouslevouliezounon.Maintenant,vouspouvezrésisteretperdredutemps
ounousinclure,histoirequ’onailleplusvite.Alors?Dereklèvelesyeuxauciel.—Vousmetuez,touteslesdeux.Monikajetteunœilalentour.—OùestTrey?—Ilnousalâchés.Ellefaitclignersesmagnifiquesyeuxvertocéan.—Allez!lanceDerekquiaideAshàgrimperlegrillage.—Jevousrejoinsdansuneminute,dis-jeentirantMonikaparlebraspourparlerplusloin.— Quoi ? s’écrie-t-elle, avec une telle passion et une telle détermination que j’ai envie de
l’embrasser.Jeveuxlefaire,tunem’enempêcheraspas.Jereprendsmesesprits,prétendantquejenesuispashypnotiséparsesyeuxétincelantsetseslèvres
charnues.—Rentrecheztoi,Monika.Tun’espasfaitepourça.J’aisurtoutenviedeluidirequejecrainspoursasécurité.Jenemepardonneraisjamaisqu’illui
arrivequoiquecesoit,qu’elleseblesse.—Pasfaitepourça?Mercidem’insulter!Ellemerepousseetcommenceàescaladerlegrillage.Elleadespetitspieds,etelleestbientrop
délicatepourréussircequ’elleessaiedefaire.Jechuchote:—Monika,redescends.J’espèrequepersonnenenousentend,sinonlesflicsvontdébarquer.Jen’aivraimentpasbesoinde
ça.—Non.SiAshpeutlefaire,moiaussi.C’estpasvrai!—Alorslaisse-moit’aider.—Non.—Nesoispastêtue.— Je serai têtue si je veux, Vic. C’est ma vie. Si je veux grimper ce foutu grillage, alors je
grimperaicefoutugrillage.Je lasuis rapidementenhautdugrillage,priantpourqu’elle réaliseenfinquec’estunemauvaise
idée.Elleadéjàpresqueatteintlesommet.—Netombepas!—Maisnon!
Maisdansladescente,sonpiedglisse.Elletombedesdeuxderniersmètresetatterritavecfracas.Soudain,moncœurs’arrête.
Jesautedugrillage,m’agenouilleàcôtéd’elleetcrie:—Çava?—Laisse-moitranquille,dit-elled’unevoixfaibleenserelevant.Jecroisqueçava,alorsva-t’en.—Tucroisqueçava?Elleenlèvelaterredesesgenoux.—Jenepartiraipas,sic’estcequetuimagines.Jesuistombée,etalors?Cen’estpasgrave,Vic.
Arrêtedemeregardercommeunehandicapée.Jen’aipasbesoindeça.Jesecouelatêteetlèvelesmainsensignededéfaite.—D’accord,d’accord,faiscequetuveux,Monika.Jetaccourtentitubantetmanquedetrébuchercommeilregardetoujoursparunseultrouàtravers
sonbonnet.—Sonhautsevoitdanslenoircommeunfoutusurligneurfluo,Vic.Siellenepartpas,file-luiau
moinstontee-shirtetcouvre-moicettemerde.—Tiens,dis-jeenpassantmonhautnoirau-dessusdematête.Mets-leetattendsici.Jerevienstout
desuite.JecoursàlacamionnetteetrécupèrelequatrièmebonnetquiétaitcenséêtrepourTrey.Jeretourne
directsurleterrainetpasselebonnetsurlatêtedeMonika.—Jen’yvoisrien!seplaint-elletandisqu’elleserelèveens’appuyantsurlegrillagemétallique.—C’estbienledernierdetessoucis.Tut’esblessée…Elletressailleunpeuavantdesetenirdroite.—Jevaisbien!Ellem’arracheunebombedepeinturedesmainsets’éloigne.Ellecroitcacherqu’elleboiteunpeu
maisjelevoistrèsbien.—C’estillisible,ditAshàDerek.LesRebelssontlesquoi?Jetéclatederire.—Sij’arrivaisàvoiruntrucàtraverscettesaletédebonnetquigratte,j’auraisfaitgaffeàcequ’il
écrivait.Derek,quandtucherches«sportifàlacon»surInternet,tutrouvesdesphotosdetoi,non?Jem’avanceetcorrigelegribouillisen«mejores».—Joli,amigo,mefaitJetenmetapantdansledos.—Merde!crieDerek.V’làlesflics!Jemeretourneetvoisunevoituredepatrouillepénétrerdansleparkingdel’écoleenprojetantun
énormepharesurleterrain.—Onsetire!hurleJetquifonceverslegrillage,talonnéparDereketAshtyn.Monikaestenpanique.Ellenepourrajamaiscourirjusqu’àlacamionnettesanssefairevoir.Jemeprécipitesurelleetluiattrapelamainpourl’attirerverslesgradins.—Vite!Cache-toisousundesbancs.Sansunmot,onseretrouveétendusnezànez,serréssouslesbancs.L’adrénalinecouledansmes
veines.MefairesurprendreavecMonikaFoxsous lesgradins,unebombedepeintureà lamain,celan’annonceriendebon.Jeveuxlaprotéger;qu’est-cequisepasserasionnoussurprend?
Jemefichedecequipeutm’arrivermaisjeveuxqu’ellerentrechezellesansencombre.—Tut’esfoulélachevilleentombant?chuchoté-je.Parcequemêmesionnesefaitpasattraper,tu
nepourrasjamaisgrimperlegrillage.
—Jen’ai rien de cassé,Vic,m’assure-t-elle d’une voix très douce. Je vais bien. Je vis avec ladouleurtouslesjours.
Attends,quoi?—Dequoituparles?Elledétourneleregard.—Rien,oublie.Trouvejusteunesolutionpournoussortirdelà.
Chapitre10
MONIKA
Onobservelapoliceentraindesonderleterrain.—Ilsn’ontpasencoreremarquéletag,maisçanevapastarder,murmureVicquipasseunetêtepourregarderlesagentssortirdeleurvoiture.Ilfautqu’onsortedelà.
Mesarticulationsmefontplussouffrirqued’ordinaire.Cettechuten’apasfaitdubienàmongenou.—Jenesaispassijepeuxmedéplacer.—Jevaisteporter.Ilyauneouverturedanslegrillagelà-bas,dit-ilenindiquantuneissue.Est-ce
quetupeuxsauter?—Jecrois.Ilal’airterriblementinquiet.—Tuessûre?Jepeuxteporter,net’enfaispas.D’accord?Ilparlesérieusement,commesimeprotégerdelapoliceétaitsapriorité.—Nem’enveuxpasd’êtrevenue.Jedétournelesyeux.—Jesuisdésolée.—Pasgrave.—Jecroyaisquej’enétaiscapable.Je m’en veux tellement d’être allée trop loin pour prouver au monde que, moi aussi, je savais
m’amuser.—Tupeux lefaire.Allez!m’encourageVicavantdedescendredesgradinsetdetendrelesbras
versmoi.Saute.Jebaisselesyeuxverslui.—J’aipeur.—Jesuislà,chuchote-t-ilenm’incitantàsauterdanssesbras.Fais-moiconfiance.Jeprendsuneprofondeinspirationettressailleensautantdanssesbras.Ilmetientfortalorsqueje
passelesmiensautourdesoncou.Jemepressecontresontorsenuetmusclé.—Etmaintenant?—Accroche-toi.Ilsedirigeverslapartiedugrillagecachéepardesbuissonsàl’autreboutduterrainparrapportà
lapolice.Si l’on nous surprend, on va tous les deux avoir des problèmes.Vic est un expert, il se déplace
furtivementverslegrillageetparvientàpasserdansuneouvertureétroite.Avecmoidanssesbras,Vic trottineà travers les rues jusqu’àcequ’onsoitsuffisamment loinde
l’école.—Merci,dis-jeavecunsoupirdesoulagement.Tum’assauvélavie,cesoir.Nosregardssecroisentetdanscetteétreinte,sontorsenucontremapeau, jeressensuneintimité
quejen’avaisplusconnuedepuislongtemps,sinonjamais.L’adrénalinedoitencorefaireeffetcarjelutte
contrel’enviedeleserrerfort.Meslèvressontsoudaintrèssèches.Jepasselalanguedessus.—Vic?Ilmescrute,moietmeslèvreshumides.—Ouais?Lesilences’installealorsquenousnousregardonsdanslesyeux.Aucundenousneditmotmaisje jurequej’aperçoisunedouceur,uncharmeaufonddesesyeux
chocolat.Jenel’avaisjamaisremarquéauparavantmaisilaunregardmagnétique.Enivrant.Jemesenssivulnérable,physiquementetémotionnellement.Toutestsiintense.Tropintense.—Euuuh…tupeuxmelâchermaintenant,dis-jepourromprecetinstant.—Oh,pardon!marmonne-t-ilavantdemereposerausol.Jem’éloignedelui;lachaleurdesoncorpslaisseplaceàlafraîcheurdelanuit.Jemesensencore
étourdie,confuse.Netrouvantrienàdiresanspasserpouruneidiote,jesorsmonportabledemapochepourappelerAshtyn.
—Toutvabien?demandeVicquandjeraccroche.Nerveux,incapabledesavoirquoienfaire,ilfinitparmettrelesmainsdanssespoches.—Ouais,Ashetlesgarçonsvontvenirnouschercher.Ilfaitunsignedetête.Auboutd’uneminute,illanced’uncoup:—Qu’est-cequ’onvadireàTrey?Est-cequ’ilveutparlerdufaitqu’onaitrejointlesgarçonscettenuitouquequelquechosetranspire
entrenous,loind’êtreinnocent?Enfin,si,c’estinnocent,maisintime.—Jenecompterienluidire.—Cen’estsansdoutepasunebonneidéedecacherdeschosesàtoncopain.Jesenslecoindemaboucheserelever.—Ouais,ben,taguerleterraindenosrivauxn’étaitprobablementpasunebonneidéenonplus.—Tumarquesunpoint,dit-ilalorsquenoscomplicesarrivent.Ons’empressedemonterenvoiture.—Soiréemémorable!faitDerek.Pasvrai,lesgars?JesuisassiseàcôtédeVic,nosdoigtssetouchentpresque.—Ouais,dis-jeenmedemandantpourquoiunenouvellevagued’idéesfollesmevientsubitement
ausujetdumeilleuramideTrey.J’oublie tout ça et me concentre sur ma douleur persistante au genou. C’est plus facile de se
concentrerlà-dessusquesurtoutlereste.
Chapitre11
VICTOR
AlorsqueMrMillernousdiviseengroupesetnousdemandedetrouverdesidéespouruneexpériencesociale,l’agentJimtapeàlaportedelaclasse.
—LadirectriceveutvoirVictorSalazar.Ilmepointedudoigtetmefaitsignedemelever.—MrSalazar, vous serait-il possible de passer une semainedansma classe sans être convoqué
chezMrsFinnigan?Cen’estpasunequestionrhétorique.—Jesaispas,MrMiller.Ellen’avisiblementriendemieuxàfairequedediscuteravecmoi!Millerlâcheunpetitrire.—Ilfautcroire.Revenezvite,sinonvousallezratertoutlecours.—Bien,monsieur.JecroiseleregarddeMonika,àl’autreboutdelasalle.Ellemefixed’unairentendu.Noussavonstouslesdeuxquejesuisconvoquéàcausedelablagued’hiersoir.Jemimelesmots
«çaira»pourqu’ellenes’inquiètepas.Jevoisbienqu’elleangoisse,àsafaçondefroncerlessourcils.J’arriveaubureaudeFinnigan.Trey,JetetDereksontdéjàlà.LecoachDieteraussietiln’apas
l’aircontent.Lepauvres’estsansdoutefaitboufferparFinnigan.—Allonsdroitaubut,messieurs.Quiestleresponsable?demandeFinnigand’untongravetouten
faisantlescentpasdevantnous.—Le responsable de quoi ? réplique Jet en feignant de ne pas savoir que le terrain deRolling
Meadowsestrecouvertdepeinture.—Jenesaispasdequoivousparlez,madame,souritDerekenforçantsonaccenttexan.—Pourriez-vousexplicitervotrequestionpourquenousnerestionspasdans l’ombre?renchérit
Trey.—Ouais,dis-jeàmontour.Jesaispasdequoivousparlez.Finnigans’arrêtedevantmoi.—Jevaisvousdirequelquechose,Victor.LecoachDieteretmoi-mêmenesommespasstupides.
Vousquatreêteslesleadersdel’équipedefootball,ouplutôtlesfauteursdetroubles.L’undevousestresponsable,sinonvoustous.Quiveutpasserauxaveux?
Personnenebougelepetitdoigt.—Lesgarçons,vousvalezmieuxqueça,intervientDieter.Levandalismeestillégal.Évidemment,
celuiquia faitçaseracollé,etsansdouterenvoyé temporairement.Enplusdecela,nousseronsdansl’obligationd’avertirlapolice.
—C’étaitpeut-êtredesjoueursdeRollingMeadowsquivoulaientnouscauserdesproblèmes,dis-jeimpressionnéd’yavoirpensésivite.
Dieters’approchedemoi.—C’étaitpeut-êtretoi,Salazar.Onaécrit«Mejores»,c’estdel’espagnol.—Excusez-moi,monsieur,rétorqueTrey,maislamoitiédesélèvesiciapprennentl’espagnol.—Tuveuxavouer,Trey?Vas-y,jen’attendsqueça.
Jeproteste:—Iln’arienfait.J’aientendudirequedesnanascomptaientfaireuneblagueàRollingMeadows.
Cen’étaitpasnous.—Desnanas?répèteFinnigan.Par«nanas»,vousvoulezdiredes«filles»?—Moiaussi,j’aientenduça,affirmeJet.Lesfillespeuventêtredevraisfauteursdetroubles,vous
savez.—D’accord,lespetitsmalins,peut-onsavoirdequellesfillesvousparlez?demandeFinnigan.Que
lapoliceviennelesinterroger.—J’aioublié.—Tuasdesproblèmesdemémoire,Salazar?ironiseDieter.Tuaspeut-êtrereçutropdecoupssur
latêteettuasunecommotioncérébrale.Lemédecindusportseraitravidet’examiner.—Matêtevabien,coach.Onadescasd’Alzheimerdanslafamille.C’estgénétique,voussavez.Finnigantapedeuxfoisdanslesmains,commesionétaitenmaternelle,pourattirernotreattention.—Lesgarçons,vousalleznousdirequiavandaliséleterraindeRollingMeadows?Commeonnerépondpas,ellesoupire,exaspérée.—Trèsbien,nousdevonsfairedeseffortstoutenpunissantlescoupables.Voilàcequenousallons
faire, messieurs : je vais être indulgente et proposer une suspension qui ne sortira pas du cadre del’école.Nousdirons auxautoritésquenousnousoccuponsde l’affaire.Sipersonnene sedénonce, jevoussuspendstouslesquatreetvousprivedumatchdecesoir.
—C’estmoi,luidis-je.Horsdequestionquejelaissemesamistrinquer.Unesuspensiondansmondossiern’auraaucune
conséquencepourmoi,ilestdéjàpleind’infractionsaurèglement,véridiquesousupposées.—Non,cen’estpastoi,Salazar,clameJet.Dis-luilavérité,c’estmoi!Dereklèvelesyeuxauciel.—Jetmentcommeilrespire.C’étaitmoi.OnsetournetousversTrey.—Jen’airienfait,déclare-t-ilenlevantlesmains.Mondossierdoitresterintact.—Mercidetonsoutien,Trey,dis-jeenlevantlamain.M’dame,lasuspensionestpourmoi.—Trèsbien.Finniganal’airsatisfaitequecesoitmoiquiprennepourl’équipe.—Vouspouvez tousyaller.Saufvous,Salazar. Jevaisvousconduireà la sallede retenuemoi-
même.—J’aihâte!Enréalité,jepréféreraisallern’importeoùplutôtquedanscettefichuesallederetenue.
Chapitre12
MONIKA
Cesoir,c’estenfinlepremiermatchdefootballdelasaison.Toutlemondeestsurexcité.Jesuissurlecôtéduterrainaveclespom-pomgirls,sentanttoutelamotivationdelafoulequiespèrelavictoire.J’aideségratignuresàcausedemachutedugrillagehieretmoncorpsmefaitplusmalqued’habitudemaisjem’enfiche.Jemeconcentresurlescrisdesfansetl’excitationdumatch.
Entre chacune de nos chorés, j’assiste aumatch.Mes yeux se fixent directement sur Trey. Il estdéterminéetveutsefaireremarquer.Ilesttellementconcentré,j’ail’impressionqu’iln’apasregardéuneseulefoisverslesgradins…pasmêmedanslesmomentsdecalme.
Pasmêmepourmevoir.JemetourneversVic,quiquitteleterrainquandlaligneoffensivefaitsonentrée.Ilboituncoupet
enlèvesoncasque.Sachevelureluiretombesurlefront.Jen’arrivepasàdétournerlesyeux,j’ailachairdepoulequandsesyeuxnoirsetintensesrencontrentlesmiens.
Jemerappellelanuitdernière,allongéeavecluisouslesgradins.Jenesaispass’ilaremarquéquesamainétaitsurmescheveux,pourmeprotéger.Ilm’aprotégéeinstinctivement.
Qu’est-cequej’enpense?Qu’est-cequejeressens?Je l’ignore moi-même. Je suis tellement confuse ces temps-ci, mes émotions sont sens dessus
dessous.Je souris àVic avant deme remettre en place avec les filles.À côté demoi, CassidyRichards
secouelatête.Seslèvresformentunefinelignepincée.—Çava?—Ouais,lance-t-elle.—Tuessûre?Ellelèvelégèrementlesyeuxauciel,commesijeluiprenaislatête.—J’aiditqueçaallait.Pointbarre!Wow.—Ok…DirequeCassidyaétéd’humeurassassinecesderniers tempsestuneuphémisme.Cedoitêtre le
contrecoupduretouraubahut.Toutlemondeautourdemoial’airstresséencemoment.Enfin,exceptéBree.Cettefillen’estjamaisstressée.Ellenevoitpaslemondeautourd’elle.—Prêtes?lanceBreeavecsongrandsourireetsesdentsblanches,leparfaitsouriredepom-pom
girl.—Prête.Allez!Etoncommencenotrenouvellechoré.
LesRebels,onestlesmeilleurs!Onrepartiravainqueurs!LycéedeFremont,jusqu’oùtuiras?Notreéquipefiniraauchampionnatd’État!Ouais!
Youhou!
C’estBreequiaécrit lesparoles,qui sontbienmeilleuresquesapremièrepropositionsurnotreéquipedebeauxgosses,etnosrivauxmochesàenpleurer. Iln’yaqu’ellepourécriredes trucsaussiridicules.
Àlafindelami-temps,JetcourtversBreejusteavantquel’arbitrenesifflelareprise.—Hé,Bree!Ellesemordlalèvre.—Ouais?—Viensaubaldulycéeavecmoi!Ellepousseunpetitrireetposeunemainsursahanche.—Sérieusement,Jet?C’étaituneinvitationouunordre?Pournepasperdreuneseuleseconded’attention,Jetposeungenouà terre. Ila toujourssa tenue
complèteetportemêmesoncasque.Lafouledoitavoirl’impressionqu’ilvalademanderenmariage.Toutlemondedevientfou.IlprendlamaindeBreedanslasienne.—BreeTurner,meferais-tuleplaisirdeveniraubalavecmoi?—D’accord,j’iraiavectoi.Maintenantlève-toi,toutlemondenousregarde.TousceuxquiconnaissentBreesaventqu’elleadoreça.Lasituationestparfaitepourelle.Aulieuderejoindresescoéquipiers,Jetétendlesbrascommeunaigleenvoletcrieàlafoule.—Elleaditoui!Lafoulelaisseéclatersajoie.JetsoulèveBreeetlafaittourneravantquelecoachDieterluicrie
derejoindresonéquipe.—C’étaitgênant,ditBreealorsqueJetrentresurleterrain.Maintenant,lamoitiédel’écolecroit
sansdoutequ’onestfiancés.Elleaunsourirejusqu’auxoreilles.—Etalors?TuaimesJet.—Ouais,maisplutôtcommeunplancul.Attends,ilestmannequin.Elleluimatelesfessesetfaitrebondirsessourcils.—Etilsaitquoifaireaveclecorpsd’unefille,cequinegâcherien.Maisjeneveuxpasdecopain.
Beurk!—Merci.—Treyettoi,cen’estpaspareil.Jeparlaisdemoi.—Jetettoidevriezvousmarier.Voussortezdumêmemoule.Ellemejetteunregardcurieux.—Àproposdemariage,est-cequeTreyt’ainvitéeaubal?Jesecoue la tête.DèsqueBreeseraaucourantdenosproblèmesdecouple, lamoitiéde l’école
saura.—Non.—Cen’estqu’unequestiondetemps.Ashtyn,toietmoidevonsallerfairedushopping,nousacheter
unerobe.EllefaitsigneversAshtynquitireunballondanslefiletd’entraînement.Elleenramasseunautreet
lescrute.Deloin,jevoisqu’ellelitquelquechosedessus.Avecunpetitcri,elleseprécipiteversDereketluidit«oui!»avantdeleserrerfort.
Ehoui,ilvientdel’inviteraubal.Çanefaitaucundoute.Jesuisheureusepourmameilleureamiemais mon cœur s’enfonce dans ma poitrine en réalisant que Trey et moi ne sommes pas follementamoureuxcommeAshtynetDerek.
JejetteunregardàTrey.Iln’asansdoutemêmepassongéàm’inviteraubal,tropoccupépartoutlereste,àcommencerparZaraHughes.
Bree me tapote l’épaule avec ses ongles parfaitement manucurés, sur lesquels brillent de petitscœursenor.
—Onadu travail : il fautqu’Ashtynressembleàunefillepourunefois,pasàun joueurdefootaméricain.Lebal,c’estl’occasionrêvée!
—Sij’yvais…—Treyvat’inviter.Maisjenepeuxpasmeprononcerpourlerageuxdelabande,Vic.Cedoitêtre
uncasdésespéré.On le regarde toutes lesdeux,peusurprisesde le retrouvernezànezavecun joueurde l’équipe
adverse,entraindeledéfier.Jecroiselesdoigtspourqu’ilnesebattepasetnesefassepasvirerduterrain.
—Arrêtedejouerauconetoublie!crielejoueuràVic,avecunegrossevoixdégoûtée.Aprèsl’altercation,Vicjetteunregardverslestribunes,oùsonpèreestinstallé.MrSalazaral’air
furieuxdel’attitudedesonfils.En général, pendant les matchs, Vic est concentré et déterminé. Mais là, il a un regard sévère,
presquemenaçant.Ilremetsoncasqueetcourtàtraversleterrain.Durantlanouvellephasedejeu,Vicrepousselaligneoffensiveetfoncesurlequarterback;illeplaqueavecunetelleforcequ’ilestétonnantqu’ilsrespirentencorel’unetl’autre.LafouleestenliessealorsquelesgarsdenotreéquipetapentVicsurlecasquepourleféliciter.Pourtant,iln’apasl’aird’yfaireattention.
Ilréintègresaplacesurleterrain,prêtàreprendrelejeu.Avec toutecette tension,ondiraitqueVicaunépaisnuageau-dessusde la tête. J’aiunmauvais
pressentimentquandilviselequarterbackunesecondefois.Pouryarriver,ildoitpasserdeuxtypes…c’estunparirisqué.
LecoachdoitbiensentirqueVicselaisseguiderparsesémotionsplutôtqueparsoncerveau.IlluicriedesortirduterrainmaisVicfaitvolte-faceetseremetsurlalignedemêlée.
Lejeureprendetdeuxjoueursdelaligneoffensivefoncentsurlui.Ilbaisselatêteetcourt.Oh,non!Jene jouepasaufootballaméricainmais jesaisbienqu’ilvasefairemals’ilcontinuede jouer
sansréfléchir.Quelquechoseaufonddemoitrembleàl’idéequ’ilneseblesse.Quandnotreligneoffensiveentreenjeu,iltrottineenfinhorsduterrain.Dieterl’attrapeparlecasque.Cen’estpasdifficiled’entendreleuréchange.—Qu’est-cequetufoutais,Salazar?—J’airéussideuxplaquages,coach!—Jem’en fous,Salazar ! Jeveuxque tu jouesavecconviction,pascommeuncrétinà fairedes
trucsdangereux.Quand le coach le lâche enfin,Vic bouillonne tellement qu’il est sur le point de le provoquer à
nouveaumaisTrey,JetetDerekinterviennent.Ilsdoiventbiens’ymettreàtroispourleretenir.—Monika!lanceBreeenagitantlamaindevantmonvisage.Arrêtederegarderlematchetchante
avecnous.Jeneregardaispaslematch.JeregardaisVicperdrelecontrôledelui-même.
Chapitre13
VICTOR
Ouais,j’aipétélesplombshiersoiraumatch.Monpèremehurlaitdessusdepuislesgradins,jesavaisqueMonikal’entendait,çam’atellementénervéquejen’aipassumecontrôler.Jemesuisdéchargésurl’autreéquipe,surDieter,surmespotes…
Le contrôle demoi-même, c’est bien la dernière chose qu’ilme restait. Et je suis en train de leperdre.
Cematin,jevaissortirdelamaisonquandmipapámebloquelepassagedanslecouloir.—Tuesuncrétin,Victor.—Merci,papá.Oui,mercipapademerappelerconstammentquejeneseraijamaislefilsquetusouhaiteraisavoir.—Jesuisenretardpourleboulot,luidis-jeenm’attendantàuneautreinsulte;aprèstout,c’estce
qu’ilfaitdemieux.Papadétestel’endroitoùjetravaille.Luiquipensedéjàquelefootballetlesportengénéral,deux
chosesquimedéfinissent,sontunepertedetemps.Ilvientauxmatchspoursemontreretfairecroirequec’estunpèreencourageant.Enréalité,ilpréféreraitquej’intègrel’associationdesjeunesentrepreneursaméricains.Lefaitquej’airefuséunstageprestigieuxdansunedesplusgrandesentreprisesdupaysl’étédernierluiestrestéentraversdelagorge.Enrevanche,ilnedirajamaisquesonfils,quitravailledansungarage,sesalitlesmainsetgagnetroisfoisrien,faitpartiedesmeilleursjoueursdefootballlycéendel’État.
Ilagiteundoigtdevantmoi.—Tu sais ce que le fils de JackWeigel a fait, l’été dernier ? Il a travaillé dans une banque en
centre-ville.—Nonseulementjemesuisentraînédeuxfoisparjourtoutl’étémaisj’aiaussiunboulot.Ilsecouelatête,déçu.—Pourtoi,allerdansunvieuxgaragemiteux,c’estuntravail?—Sí.—Netefaispasd’illusions.Travaillerdansungarage,c’estaumieuxunhobby,Victor.Isatepaie
combien?Lesalaireminimum?—Parfoismoins,dis-jeenhaussantlesépaules.—Tu veux gagner le salaireminimum pour le restant de tes jours ? Je vais te dire : je vais te
construireunechozadanslejardin,commeçatupourrasvivrededansetcomprendrecequec’est,lavieavecunsalaireminimum.
—Isafaitpartiedelafamilia.J’espèrequ’ilvas’arrêter.C’estdifficile,jesensmesveinessegonfleretmoncorpsseraidir.Je
merépètequesesmotsneveulentriendiremaismoncorpsréagitdemanièreincontrôlable.—Isaestuneracaille.Salèvresupérieureserelèvelégèrement.Retiens-toi.
Jeledépasse,sorsdelamaisonetrespireungrandcoup.Je conduis la vieillemoto rouillée qu’Isam’a offerte l’été dernier quand j’ai travaillé pour elle.
Trèsvite, je traversedesrailsetmedirigeversFairfield,d’oùvientnotreéquiperivale.Jeconduisàtravers les rues, parfaitement conscient d’être en territoire ennemimais en ayant l’air dem’en foutre.D’accord, jem’en fousvraiment. Si onme cherche, je réponds.Disons que je n’ai jamais refusé unebagarre.J’enaimêmecommencéuneoudeux.
Peut-êtreunpeuplus.Non pas que j’aime utiliser mes poings, mais j’ai l’habitude. Quand j’étais plus jeune, je me
recroquevillais quand on s’en prenait àmoi.Un jour, aumariage demon cousin,mi papám’a pris àpartieaprèsqu’unpendejom’apoussé.Papam’aagrippélachemiseetm’aditquejedevaism’endurcirsijevoulaisdevenirunhomme,unvrai.
Trèsvite,ilacesséd’êtremonhéros.Etjesuisdevenuunconnard.—Tuesenretard,meditIsadèsquej’aimisunpieddanslegarage.—Tun’asqu’àmevirer.J’enfilemonuniformebleuquipendaumurdanslebureau.Ellemelanceuntorchonsale.—Tusaisquejenepeuxpastevirer,pendejo.Tuesleseulquiacceptedetravaillerpourunrepas
chaud,quelquesdollarspourl’essence,etunevieillemotouséequinevautpasleprixdel’essencequetumetsdedans.
Isaal’aircoriaceavecsaqueue-de-chevalstricteetsasalopettefaitepourunmec,deuxfoistropgrandepourelle.SansoublierlestatouagesdugangdesLatinoBloodqu’elles’estfaitsaulycéeetquirendentcetteLatinatrèsintimidante.
Je dois saluer le mérite d’Isa. Elle ne connaissait rien aux voitures avant qu’Enrique, l’ancienproprio du garage, ne meure dans une guerre de gangs. Apparemment, il s’est fait descendre sanssommation,àl’entréedesongarage.Danssontestament,illuialéguélaboutique.Avecça,illuiaaussiléguélesdettesdugarage.Plutôtquedelevendre,Isas’estdécidéeàapprendrelamécanique.
Ilyadeuxvoituresenréparation:uneMustangde82quiabesoindenouveauxfreinsetunevieilleF150dontlemoteurestdéfectueux.
—Tiens,dit-elleenmetendantlesfichesdesbagnoles,commenceparlaMustang.Ceserarapideetpayant,etj’aibesoindecash.
Ellemarqueunepauseavantdereprendre.—Ilmefautencorequatrecentsdollarspourremboursermonprêtcemois-ci.—Tupourraispeut-êtrearrêterdemepayerl’essence.Jemarcheverslaboîteàoutilsetsorslematosdontj’aibesoin.Jetravailleraismêmegratuitement,
ellelesait.J’aienvied’êtredanscegarage,quejesoispayéoupas.C’esticiquejem’évade.—Sinonvendslegarageetpasseàautrechose.—Jenepeuxpasfaireça,rétorque-t-elleenjetantlesépaulesenarrièrepoursedonnerungenre.Il
fautquecetendroitresteouvert.Pourmoi.EtpourEnriquemaisça,ellenel’admettrapas.—Net’inquiètepas.Jevaisdistribuerdesprospectusenville,çavaboosterlesaffaires.Sestraitsseradoucissentunpeu.—Tuestropbonavecmoi,Vic.Jeneteméritepas.Ellenememéritepas?—Isa,jesuisunconnard.
—Jesais.Maistuesleplusgentilconnardquejeconnaisse.Maintenant,auboulot!Etellemedonneunpetitcoupdansleventre.JetravaillesurlaMustangtandisqu’Isaselancedansl’inventaire.Lavoitureseraitjolieavecune
nouvelle peinture et un intérieur neuf. À une époque, cette caisse aurait fait tourner des têtes. Plusmaintenant.Enfin,aujourd’huiellefaittournerdestêtesmaisparcequec’estunepoubelleambulante,pasparcequec’estunebellebagnole.
J’en ai fini avec laMustang et passe à la F150.Réparer lemoteur ne va pas être une partie deplaisirmaisj’ensuiscapable.Quandjetravaillesurlesvoitures,j’arriveàfuirlerestedemavie.Jemesenspluschezmoiaugaragequedansmapropremaison.
—Bonjour!Ilyaquelqu’un?Jemetourneversl’entréeetdécouvreBernie,unmécanoquiaideIsaquelquesjoursparsemaine.
Lemecestamoureuxdemacousinedepuissonpremierjourici,maisellelerepousseconstamment.Jedoisreconnaîtrequ’iladumérite,iladescojonesderevenirsefaireagresser.
—Jecroyaist’avoirviré,grondeIsacommeunanimalsauvage.Dégage!Bernie,latrentaineavecuneraiesurlecôté,têted’intello,s’avanceversIsa.—Tum’asviréparcequejet’aidemandédesortiravecmoi.—Exactement.—C’estirrationnel,Isa.—Non,dit-elleens’installantàl’accueilpourmettreunobstacleentreeux.Cequiestirrationnel,
c’estquetuveuillessortiravecmoi.Çan’arriverajamais.—Pourquoi?—Parcequejenesorspas.—Jenecomprendspas.—D’accord,alorsécoutebien.Ellefrappedesmainssurlebureau.—Jenesorspasavecdesintellos.Maintenant,va-t’en!Bernie,qu’onpourraitprendrepourunemauviette,l’ignore.Ilavanceversunedesvoituresetlitles
fichesensifflotant.Etilsemetautravail.Ilsmefontvraimentriretouslesdeux.—Tuveuxquej’appellelesflics?hurleIsa.—Jet’enprie.—Nemeprovoquepas,crétin.Berniearrêtedesiffler.—Jet’aidéjàditquetuétaissexyquandtut’obstines?—Jet’emmerde!Elleluifaitundoigtetfileàl’étagedanslapartieprivée.—Tuchercheslesennuis,dis-jeàBerniequihausselesépaules.—Jel’aime,Vic.IlfixelonguementlaporteparlaquelleIsaadisparu.—Etjeveuxmachance,sielledaignemeladonner.Tun’asjamaisvoulusortiravecunefilleàtel
pointquetuseraisprêtàfairen’importequoipouravoirunechanceavecelle?—Non,dis-jeenpensantàMonikaetàcequejeressenspourelledepuisdesannées.Àtaplace,je
laisseraistomber.—C’estunebonnechosequetunesoispasàmaplacealors.Tupeuxmepasserlacléàcliquet?—Jecroyaisqu’ellet’avaitviré.
—Ellenepeutpassepermettredemevirer,Vic.Net’inquiètepas,jelaferaicéderunjour.Jem’occuped’unchangementd’huile.—Tusaisqu’elleaunflinguesouslebureaudel’accueil,non?Ellen’aurapaspeurdes’enservir.—Certainesfillesvalentqu’onprennedesrisques.Tun’asjamaisétéamoureux?—Si,maisj’ailaissétomberilyalongtemps.Monmeilleuramil’aséduiteàlasecondeoùilluiademandédesortiravecelle.—Unechosequemonpèrem’aappriseavantdemourir,c’estdenepasbaisserlesbras.Jamais!Ilfixeavecenvielaportedel’appartementàl’étage.—Enfin,tantqu’ellenemetirepasdessus…
Chapitre14
MONIKA
Dimanchematin,Treym’envoieuntextodisantqu’ilveutm’emmenerquelquepart.L’ennui,c’estquejenemesenspasbien.J’ail’impressionqu’onmetordlespoignets,ilssonttrèsdouloureux.
Treyn’aimepasvraimentlessurprises,cedoitdoncêtreimportant.J’entreàmoitiévoûtéedansladouche,enfilemonshortneufetattendsqu’ilviennemechercher.
Duranttoutletrajet,moncœurbatàcentàl’heure;Treyal’airtellementnerveux.Iln’arrêtepasdepianotersurletableaudebord,etagitelegenou.
Est-cequ’ilstresseparcequ’ilcompteenfinmedévoilerlavéritésurZaraHughes?Ilaprisdeladrogue?Est-onsurlepointderompre?Mon angoisse laisse place à la curiosité quand nous nous garons sur le parking d’un parc
d’attractions.—Qu’est-cequ’onfaitlà?dis-jealorsqu’ilpaiecinqdollarspourlaplace.—Crois-moi,tuvasadorer.—Trey,jedétestelesgrandshuit.Tulesais.Ilmetapotelegenoucommesij’étaisunegamineàquionallaitfaireunepiqûre.—Toutvabiensepasser.Jepénètredans leparc, scrutant les installations immenses etmonstrueuses. J’ai surtoutpeurque
moncorpsnetolèrepaslaviolencedessecousses.Àchaquepas,j’ail’impressiond’avoirquatre-vingt-dixans.
C’estdéjàunmiraclequejesoisparvenueàcachermonétatàTreypendantsilongtemps.Quandjesuislenteouquemesosmefontmal,jeluidissimplementquemesgenouxontsouffertàl’entraînementdepom-pomgirlsetilnecherchepasplusloin.
Je crois que j’ai toujours eu peur qu’il ne sache la vérité. Est-ce qu’il ne me traiterait pasdifféremment?Penserait-ilquejesuistropfragile?Est-cequ’ilmelarguerait?
Rienquedelirelesavertissementsdanslaqueuepourlegrandhuit,j’aimalauxarticulations.—Tuvas temarrer,meditTreyquimeprendlamainetmeconduitvers leBlitz, laplusgrande
attractionduparc.Jetelepromets.—Hmm…jenesaispassijepeux,dis-jed’unevoixtremblante.Jenemesenspasbien.—Faispastachochotte,Monika.C’estriendefou.Çanevamêmepasvite.Ilvérifiesontéléphone,commes’ilattendaitunmessageouunappel.Zara?Nousnesommesplusdutoutenphase.Dans lafileduBlitz, je l’observe.Ilporteunshort,unmarceletdes lunettesnoires. Ilestgrand,
mince,unemâchoirecarréequelaplupartdesgarçonsluienvient.Ilsouritenpassantsonbrasautourdemoi.
Jelisunautrepanneaud’avertissement,àl’attentiondesfemmesenceintesetdespersonnesquiontmalaudosouaucou.Iln’estpasspécifiquementquestiond’autresmaladies.JeneveuxpasalarmerTreydufaitquejenesuispasenaussibonnesantéquej’enail’air.J’airéussiàleluicacherpendanttrois
ans.Jenecomptepasluidévoilerlepotauxrosesmaintenant,surtoutquenotrecouplevitunepériodecompliquée.
Jerespireprofondément.Allez,jepeuxlefaire!Jedoisbientôtsubiruntraitement,messymptômesdisparaîtrontvite.
Pouroubliermonangoisse,jechangedesujet:—Tuastrèsbienjoué,l’autresoir.Ilmeserrelamain.—Merci.Mais j’ai paniqué quand jeme suis fait plaquer sur la ligne demêlée à la troisième
période.Sérieux,siGordonnefaitpassonboulotpourmeprotéger,jevaisluibotterlecul.Jeledévisage,unsourcilrelevé.—Là,tuparlescommeVic.—Vicaréussidixplaquages!Jeneconnaispersonnequilisemieuxlejeuduquarterbackquelui.
Ilsefoutcomplètementdescours,maisc’estunsacréjoueur.—Tuesjaloux?—Non, sourit-il avant de regarder à nouveau son téléphone puis de le ranger dans sa poche. Je
courstoujoursplusvitequeVic,etiln’apasdecopineaussiextraordinairequelamienne.Jeglisselesbrasautourdesatailleetleserrefort.—Jesuisheureusequ’onpassecettejournéeensemble.Lebaletmessouciss’envolentalorsqu’unedélicieusetranquillitém’envahit.Jusqu’àcequejesentequelquechosedanslapochedeTrey.Despilules.Jem’efforced’ignorerlesentimentquigranditenmoi.Maintenantjecomprendspourquoisongenou
rebondissaitetsesdoigtstapotaientletableaudeborddemanièreincontrôlée.C’estl’effetdescachets.Serait-ildevenuaccro?
Ilfautquejeluienparleànouveau.JevaisdirequelquechoseausujetdespilulesquandjejetteunregardauBlitz.Lapeurs’emparede
moncorpstoutentier,jusquedanslaplantedemespieds.J’oublietout,surtoutquandj’entendsdesgensentraindehurlerau-dessusdenostêtes.
—Trey…jenesaispassijepeux.Ilmedonneunegentilletapedansledos.—Soisforte.Onpeutàpeineappelerçaungrandhuit.—Onalatêteenbas!J’imaginedéjàleharnaisdesécurités’ouvriretmoiquitombeverslamort.—Etsijetombe?Jevaismourir!Etsimoncorpscède?Mesarticulationsnesontpassolides.—C’estridicule,tunevaspasmourir,tunevaspastomber.Soudain,iléclatederire.—Et tesarticulationspeuventrésister.Sérieux,Monika,arrêtedepaniquer.Je teproposeun truc
marrant.Ce serait sympaque tu acceptes.Onm’adit que tu avais escaladéungrillage avec lesmecsl’autresoir.Nefaispassemblantd’êtrefragile.
Iljette,encore,unœilàsontéléphone.—C’estpeut-êtrelegrandhuitleplushautmaisc’estloind’êtrelepluseffrayant,jetelepromets.Jeluipiqueletéléphonedesmains.—Pourquoituregardesenpermanencetonportable?Ilmelereprend.—Pourrien.
Unautregroupedevisiteurssefaitattacher,prêtsàavoir lapeurdeleurvie.Onavanceet jemerongefurieusementlesongles.
Onestlessuivants.Ilyadumondeautourdenous,onestentassésetilfaitchaud;lesodeurscorporellessediffusent
danslafoule.JemeconcentresurTreyettentedefairedisparaîtretoutcequinousentoure.Çanemarchepas.J’aiencoreunepeureffroyabledecepiègemortel.Cenepourraitpass’appelerleVoyageRelaxantplutôtqueleBlitz?—Suivants!L’employénoussommedeveniraupremierrang.Lepremierrang?Oh,non!J’hésitemais le typenousrefaitsigne,visiblementénervédemevoirhésiter.Celafaitplusd’une
heurequ’onattend.Jenepeuxpasfairemachinearrière.J’aimerais.CependantjeneveuxpasdécevoirTreyquiessaiedepuistoutcetempsdemeconvaincrequejesuiscapabledelefaire.Ilseraavecmoi.Avecunpeudechance,monarthritesetiendratranquilleetjeneregretteraipas.
Je respire profondément, m’avance et m’assois. L’employé m’ordonne de m’attacher. J’obéis etfermelesyeuxquandilfaitdescendrelabarredesécurité.
Jepeuxlefaire.Jepeuxlefaire.Jenevaispasregretterçaaprès.Maisquandjecherche, lesyeuxclos, lamaindeTrey,quelquechosenevapas.Treyalesmains
doucesetpuissantes.Cellequejetiensestrêchecommedupapierdeverre.J’entrouvrelesyeuxetdécouvreuntypeattachéàcôtédemoi.Non!Jepousseuncrihorrifié.Cen’estpasdutoutmoncopain!Àsaplaces’estassisMatthewBonk,de
notreécole rivale, legarçonquimehérisse lepoil. Jecroisqu’ildétient le recordde touchdownsenfootball lycéenenIllinois,maiscelanefaitqu’alimentersonegosurdimensionné.Enplusdeça, ilestamiavecZara.
—Salut,bébé!melanceBonkd’unevoixtraînantealorsquesesyeuxdefouinedescendentetsefixentsurmapoitrine.
Beurk!Jeretiremamainetl’essuiesurmonshort,puisjetteunœilrapidepar-dessusmonépaule.Oùest
Trey?Quandjeletrouveenfin,jesuischoquée.Treyesttoujoursdanslafile,sontéléphoneàl’oreille.IllanceunregardhaineuxàBonk.Leregarddésoléqu’ilm’adressenesertàrien:legrandhuitdémarre.
Donc,jemeretrouveaupremierrangd’ungrandhuitquimontelentementetpéniblementencoreetencoresurdesrailseffrayants.Bon,jenesuispastouteseule.LepirecrétindelaTerreestassisjusteàcôtédemoi.
JemerépètedenepasregarderBonkmaislefaisquandmême.J’écarquillelesyeuxenvoyantcetypeallumerunjoint,pourdevrai.Ilprendunelongueboufféeavantdemeletendre.
—Tuveuxunelatte?—Tuplaisantes?Non!Range-moiça,abruti.Ilritavantdeprendreuneautrebouffée.—Çavatedétendre,tuvasoubliertoncopain,lapetitebite.—Jen’aipasbesoindemedétendre,mercibeaucoup.Etmoncopainn’arienàt’envier.Jecommenceàentameruneprière.
Jesuisharnachéecommeunanimalencage.Impossibled’arrêtercetruc,maintenant.JevaismouriraveccefichuMatthewBonkàmescôtés.Avecmachance,sonjointvaluiéchapperdesmains,atterrirsurma cuisse oumon visage etme brûler. Si je survis, je vais finir avec unemarque de brûlure demarijuanaàvie.
Jerefermelesyeuxetcontractemoncorpstoutentiercommejefaisauréveil,enattendantquecetteattractiondel’enfersetermine.J’ignoreoùl’onenestets’ilresteencoreunlongparcoursàfaire.
Soudain,j’ailasensationd’êtreenchutelibreverslamort,puisjesuisbousculéed’uncôtéetdel’autre…encore…sansoublierlescendresdemarijuanaquis’éclatentsurmonvisage.
Je.Vais.Mourir.J’entendsBonkrireetcrier«Wow!»plusieursfois,cequin’arrangerien.Mesarticulationssont
tropraidespourmefairesouffriràl’instantmêmemaisellesmeleferontpayerplustard.Jesaisquecesattractionsnedoiventdurerquesoixantesecondesmaximum.Maisçamesembleune
éternité.Oualorsjesuisdéfoncéeàcausedelafuméedujointetjen’aiquelesentimentqueletempss’allonge.Lapeurprendpossessiondemessens.Jedétestelasensationquej’aidansleventreàchaquechuteetàchaquevirage.
Enfin,onralentit.Est-cequec’estfiniouest-cequec’estjusteuneruse?J’expireungrandcoupetouvrelesyeuxalorsquenousnousarrêtonsdéfinitivement.—C’était top ! lanceBonk. Il faut que tu apprennes à te détendre, là tu fais poufiasse froide et
rigide.Ilsortdelanacelle.—Onsevoitaubal!—Hein?—JeviensavecDaniSalazaràvotrebal,m’annonce-t-ilavecunclind’œil.Unefillequiinviteun
mecdel’écolerivaledontl’enneminumérounestsonfrère.Merveilleux!Labarresesoulèveet jesuisenfin libre. Je titubehorsdusiège,moncorpshurlant,etvoisTrey
appuyécontreunerambardequim’attend.Ilestencorependuautéléphone.BonkluipassedevantmaisTreyneleremarquemêmepas.
C’estpascroyable.Jedépassemoncopain,enessayantdecamouflertoutsignequemoncorpsestloind’êtreravi.Trey
etmoi ne nous disputons jamais car on a décidé il y a très longtemps que l’on ne voulait pas d’unerelationfaitededramesetdeconneries.C’estnouveaupourmoi.Jenesaismêmepasquoidire,alorsjemetais.
—Monika,attends!Jecontinuedemarcher.EtsiTreyn’étaitpasentraindeparleravecZara?Etsisamèreavaiteuun
accidentdevoiture,ousonpèreunecrisecardiaque?Etsisasœurétaitretournéeencurededésintox?Pff,jen’aipasenviedepasserpourunepoufiassefroideetrigide.Jem’arrêteetmetourneverslui.—Désolée.C’étaitquiautéléphone?Uneurgence?—Non.C’étaitmoncousinDariusquivoulaitm’emprunterdel’argent.—Tuplaisantes?Tum’aslaisséesurce…cetengindelamortpourDarius?Cetypeestundealerquim’afaitdugringueuncertainnombredefoisquandonétaitchezTrey.Je
neluiaijamaisdit.Celaleferaittropsouffrirdesavoir.—Désolé,bébé.
—Nem’appellepasbébé.Etjereparsverslasortie.—Jen’aipasenviequ’onsebattepourça,medit-il.—Leschosesontchangéentrenous.Jemeretiensdedéballercequej’aivraimentsurlecœurcarjen’aipasenviedemedisputeravec
lui.Unefoisenvoiture,ilsetourneversmoi.—Jesuisvraimentdésolé.—Moiaussi.IlallumelemoteuretprendladirectiondeFremont.Alorsquenousapprochonsdelamaison,Trey
éteintlaradio.—Tuveuxveniraubalavecmoi,Monika?Je le regardede côté. Il fait çamaintenant ?Dans la voiture ?Alors qu’il conduit ? Je finis par
murmurer:—Ouais,ok.Ilsepasseunemaindanslescheveux.—Tuesbouleversée,çasevoit.Monplanétaitdeteledemanderenpleingrandhuit.—C’esttrèsromantique,Trey.—C’estJetquim’adonnél’idée.Surlecoup,çaparaissaitsympa.—TuassuivileconseildeJetThacker?Jecroiselesbrasetm’enfoncedanslesiège.—Maintenant,jecomprends.—D’accord,j’aicompris.J’aimerdé!Ilmeprendlamainetlaserredoucement.Autrefois,celamerendaittoutechosemaisaujourd’hui,
rien.—J’ailapressionencemomentetj’aifaitunmauvaischoix.Jesuisdésolé.—Arrêtededirequetuesdésolé.Çamepassera.J’esquisseunpetitsourireaumomentoùilarrivedansl’alléedemamaison.—Appelle-moiplustard,dis-jeendescendant.Jeremontelechemindebriquesversmamaisonpuismeretourne.Treynepartpas.Non,ilécritàquelqu’un.Àcestade-là,jemefichedesavoirqui.
Chapitre15
VICTOR
Treym’aappelécematinpourmedirequ’ilemmenaitMonikaauparcd’attractionspourl’inviteraubal.Jeluiaiditquec’étaitstupide,maisilnem’apasécouté.
Dansmachambre, j’essaiededormir,mêmesic’est lemilieude la journée.Jechercheàoublierqu’àcetinstantmême,Treyestentraind’inviterMonikaaubal.
Écouterdelamusiquenesertàrien.Scruterleplafondnesertàrien.Laportedemachambrecraqueens’ouvrant.Jen’aipasenviedevoirDaniquim’aprislatêtetoute
lajournéepourquejel’accompagneaucentrecommercial.—Déga…Jem’interrompsenapercevantdescourbessexydansunhautampleetunshortenjeansquidévoile
delonguesjambesbronzées.Ellesnepeuventappartenirqu’àlafillequihantemonesprit.Monika.—Salut, dit-elle avant de plaquer samain contre ses yeux en découvrant que je ne porte qu’un
boxer.Danim’alaisséeentreretm’aditquejepouvaismonter.Évidemment,jenesavaispasquetuétaispresquenu.Jevaisjuste,euh…
—Pasdesouci.J’attraperapidementmonpantalonparterreavantdel’enfiler.—Vic,ilestdeuxheuresdel’après-midi.Tuestoujoursaulit?—Jesuisrentrétard.TrouverMonikadansmachambremefaitpaniquer.Cen’estpascommesiellen’étaitjamaisvenue,
maisj’aipenséàelletoutelajournéeetjemesensbêtementdépriméetaffaibli.—Tupeuxarrêterdetecouvrirlesyeux.Elleécarteàpeinelesdoigts.—D’accord.Désoléed’avoirdébarquéàl’improviste.Ellepenchelatêtedecôté,dévoilantunepetitetachedenaissanceenformedelunesousl’oreille.—Ilfallaitquejeparleàquelqu’unetAshtynestavecDerek.Bree,bon,jel’adore,maiselleestun
peutêteenl’air.Àvraidire,ilmefautl’avisd’unmec,ettuesl’amimecleplusprochequej’aie.Jet’aurais bien appelé, mais tu ne réponds jamais au téléphone et je sais que tu détestes écrire desmessages…
—Pasgrave.Jeregardelesvêtementsetlescanetteséparpillésparterre.—Tunesaispasranger,remarque-t-elleeninspectantmachambre,sefrayantunpassagejusqu’àla
chaisedevantmafenêtre.Jecontemplesapeaumateetsescheveuxchocolat,quifontunsuperbecontrasteavecsesyeuxvert
clair.Rienquedelavoir,moncœurs’accélèreetjem’excitecommeuncollégienfaceàuneterminale.Jelajouetranquille,commed’habitude,etmeposeauborddemonlit.—JecroyaisquetuvoyaisTrey.
—Oh,jel’aivu,t’inquiète.Ellepousseunlongetlentsoupir.—Çaaétéunecatastrophe.Jedétestelapartiedemoiquijubileenl’apprenant.—C’est-à-dire?Allez,çan’apaspuêtresihorrible.— Ah, tu crois ? Alors d’abord, dit-elle en se massant les poignets, on est allés dans un parc
d’attractions.Jedéteste çamaisTreyvoulaitque je surpassemapeurdesgrandshuit.Mauvaise idée.Ensuite,quandjesuismontéedansuntrucappeléleBlitz,tonpotem’aplantée!
C’estquoicedélire?—Non,jenetecroispas.—Jetejure.D’ordinaire,Monikaestcompréhensiveetcalmemaisàcertainsmoments,elles’enflammetellement
qu’elles’agitedanstouslessens.Commemaintenant.C’estmarrantdelavoirpasserd’unétatàl’autre,commesielles’autorisaitàenleversonauréole.
—Etécouteça,d’aprèstoiavecquijemesuisretrouvéecoincéedanscetrucinfernal?—Balance.Ellecroiselesbras,cequifaitgonflersapoitrine.Mince,latorture!—Lapersonnequetudétestesleplusaumonde.Uneseulepersonnemesauteàl’esprit.—MatthewBonk?Elleacquiesce.Ohbordel!Cependejo,monennemijuré!—Putain!—Tupeux ledire ! Il a fuméun jointpendant l’attraction.Et attends, ilm’a racontéun trucde
dingue,qu’ilallaitaubaldeFremontavectasœurDani.—Ben,voyons!Masœurneconnaîtmêmepascetype.—Et tusaiscequefaisaitmoncopainpendantquej’étaisattachéeàcôtédeBonk?Ilparlaitau
téléphoneetn’ajamaisfaitlegrandhuit.Trey est mon el mero mero, celui sur qui je peux toujours compter. Je dois admettre que c’est
difficiledeconciliermonamitiéavecTreyetMonika, surtoutàcausedemessentimentspourelle. JecomprendsMonika. Je sais ce qu’elle aime et ce qu’elle déteste.Mais comme elle dit, Trey estmonpote:moncoéquipier,monmeilleurami.
—Ilparlaitàqui?—Ilprétendquec’étaitsoncousinDarius.Tuycrois,toi?Franchement,jen’enferaispastouteune
affaire si c’était un appel urgent,maisDarius? Le gars qui emprunte de l’argent à Trey sans aucuneintentionde le rembourser ?Darius se fichequeTrey soit pauvre et n’ait pas d’argent à jeter par lesfenêtres.
Treynerefuseraitjamaisd’aiderquelqu’undanslebesoin,mêmes’ildoitsesacrifier.C’estuneconversationdifficile.NonpasqueMonikaetmoineparlonsjamais,aucontraire,maisen
généralellenes’enprendpasàTrey.—Peut-êtrequetudevraisendiscuteravecAshtynouBree.—Vic,tuconnaisTreymieuxquepersonne.Tuasremarquécommeilétaitbizarreencemoment?Il
ditquec’estlestressmaisilyaautrechose.—Quoi?
Ellehausselesépaules,commesiellen’étaitsûrederien.—Jen’aipasenviedeteledire.Ilfautquetuluiparles.—Ilvabien.Soisindulgenteaveclui.Luietmoinesommespassurlamêmelongueurd’ondequandils’agitdel’écoleetdesnotes.Ellefroncelessourcils,complètementabattue.—Peux-tuaumoinsparleràTrey,histoiredevoirs’ilvabien,s’ilsepassequelquechose?Jenesaispasquoipenser.—Tuveuxquej’espionnemonmeilleurami?—Plusoumoins.Ellecommenceàserongerlesongles.Moninstinctmeditdelaserrerfortetdelaréconforter,pour
qu’ellesecalme.Maiscen’estpasmonrôle.—Jenecomprendspascequisepasseentrenous.Enfin,cesderniers temps, jemesensplusen
phaseavecd’autrespersonnes…Savoixs’efface.Enphaseavecmoi?J’aimeraisluiposerlaquestion,maisjem’abstiens.Jen’aipasledroitd’être
amoureuxd’elle,etencoremoinsd’essayerdelafaireentrerdansmavie.—Jeneteprometsaucunrésultat,maisjeluiparlerai.J’aimerais que quelqu’un s’inquiète autant pourmoi. Je tente d’ignorer la jalousie qui grandit en
moi. Le seul problème, c’est que chaque fois que je parle avec elle, mes sentiments ne font ques’amplifier.
Ungrandsourire,deceuxquiferaientfondreuncœurdepierre,illuminesonvisage.—Merci, Vic ! s’exclame-t-elle en traversant la pièce pour m’embrasser sur la joue. Tu es le
meilleur.Ouais,ouais.Jevaisgardercebaiserenmémoirependantlongtemps.Enseredressant,ellemetunemainaubasdesondosettressailletrèslégèrement.—Qu’est-cequ’ilya?—Rien,rien.Ben,voyons.Jel’aisuffisammentobservéepoursavoirqu’elleadesdouleursrégulièrement.Elle
essaiedelecachermaislà,ellenepeutrienyfaire.—Jenetecroispas,parle-moi.—Jevaisbien.—J’aideuxsœurs.Jesaisquec’estdesconneriesquandunefilleditqu’ellevabien.Parle-moi.Jetendslamainetluiattrapelepoignetpourqu’ellenepartepas.—Parle-moi.Monikaparletrèsrarementd’elle.Ondiraitqu’ellepréfèreseconcentrersurlesautresplutôtque
surelle-même.Nosregardssecroisentetmoncœuraccélèreunpeu.Jenedétournepaslesyeux,commesielleavaituneprisesurmoi.J’ignoresielleressentcelien
maisdemoncôté,jen’aipaslemoindredoute.Etjeneveuxpasdétournerlesyeuxpournepaslebriser.Sonregardintenseetsesyeuxémeraudesontenivrants.—Jenepeuxpas,répond-elledoucement.—Parle-moi,Monika.Pourquoiest-cequetusursautesdedouleurtoutletemps?Silence.Elledéglutitettournelatête;elleal’airvulnérable,vaincue.Jenelalâchepas.Jesensauplusprofonddemoiquequelquechosenevapas.
—J’aidel’arthrite,tuescontent?lance-t-elleenfinenmefixantdroitdanslesyeux.Là,j’aiunecrise.Tomberdugrillagesurleterraindefootballetallersurungrandhuit,çan’apasaidé.Jen’aipasenvied’enparler.Oubliecequejeviensdedire.
Del’arthrite?Rien que de l’entendre partager sa maladie me donne envie de la prendre dans les bras, de la
protégerdeladouleurdontellesouffreencetinstant.—Treyestaucourant?Elletientlatêtehaute.—Non,etjet’interdisdeluienparler.Promets-moiquetunedirasrien.—Pourquoi?—Parceque j’arriveàcontenir ladouleur laplupartdu tempset jeneveuxpasqu’onme traite
commeunehandicapée.EnparticulierTrey.Jen’arrivepasàcroirequejetel’aidit.Desesyeuxvertclair,elleregardemamainautourdesonpoignet.—Situmetraitesdifféremment,jetejurequejeneteparleplusdemavie.—Tuesmontéedansungrandhuit.Cen’étaitprobablementpasunebonneidée.—Jesais,jesuisbête,j’aicompris.Ellesecouelatêteetposesamainpar-dessuslamienne.Cegesteintimefaitbattremoncœurencore
plusvite.—Écoute,Vic, jeneveuxpasmeménager,c’estpourçaquejepousseleslimitesdemoncorps.
C’estunequestiond’étatd’esprit.Jeveuxvaincre.Jevaisvaincre.—Vaincrequoi?demandeunevoixfamilièredanslecouloir.Jemetourneetaperçoismonexàmaporte,unsourcilrelevéenmedécouvrantauborddemonlità
tenirlepoignetdeMonikaFox.Samainrestesurlamienne.Etmerde.Jeretiremamain.—Salut,Vic,ditCassidylatêtelégèrementdecôté.Elleavaitl’habitudedefaireçaquandellevoulaitmeparlerdequelquechosedemalquej’avais
fait.Àsesyeux,jefaisaistoujoursquelquechosedemal.Monikas’écartededeuxpas,comprenantqu’onal’aircoupables.—Salut,Cassidy.—Salut,lancé-jeàmontourenessayantdefairecommesiderienn’était.Qu’est-cequetufaisici?—Danim’ademandédel’emmeneraucentrecommercialpouracheterunerobepourlebal.Elleplisselesyeuxlégèrement.—Jeme suisditque jeviendrais te saluer avantd’yaller.Évidemment, je ne savais pas que tu
avaisdelacompagnie.—J’allaispartir,répondMonikaenattrapantsonsacsurlachaise.Onsereparleplustard.EllesalueCassidyetsortdemachambre.Cassidylasuitduregardjusqu’àcequ’elleaitdisparu.—C’étaitquoi,ça?Tubaiseslacopinedetonmeilleurami?—Tuesridicule.—Jevousaivusmaindanslamain.Jememetsdeboutenlevantlesyeuxauciel.—Onn’étaitpasmaindanslamain,Cass.Jeluiaiattrapélebraspouruneexpériencepourlecours
desocio.Sijeluidisaislavérité,lesexplicationsn’enfiniraientplus.
Je suis dans de beaux draps là, Cassidy ne sait pas se taire. Si elle pense que je couche avecMonika,toutlemondeaulycéeseraaucourant.
Mince,ellevasansdoutepublieruntrucsurInternet.Cassidy,quim’accusait à tortde la tromperetme répétait enpermanenceque j’étaisunmauvais
copain,respireprofondément.—Bon,c’estparti.Vic,jepenseàtoitouslesjours.—Cass…Ellelèvelesmainspourmecouperlaparole.—Jet’aimetoujours.Ellebaisselatête.—Quoi?Jesaisqueturacontesdelamerdeàmonsujet.Tucroisquejenesuispasaucourantde
cequetudisdansmondos?Fremontestunepetiteville.—Jefaisçaparcequetumemanques.Elleditçacommesic’étaituneexplicationtoutàfaitsaine.Ellerelèvelatête,leslarmesauxyeux.—Notrecouplememanque.Situsortaisavecquelqu’und’autre,çametuerait.Tunemeregardes
mêmeplus.Quandjesuisentréeetquejevousaivus,Monikaettoi,j’aiététellementjalousequej’enétaismalade.
—Tun’asaucuneraisond’êtrejalouse.—Est-cequ’onpeutréessayer,Vic?Elleavancecommeunprédateur.Quandelleestsuffisammentprès,ellepasselentementsesmains
surmontorseetglisseverslebas.—Jeteprometsquejepeuxêtrelacopinequetusouhaites.Jeretiresesmains.—Jenepeuxpasêtrelecopainquetusouhaites,Cassidy.—Pourquoi?Ilyaquelqu’und’autre?—Non,dis-jeenressentanttoujourslelienaveclafillequivientdequitterlapièce.Tuneseras
jamaissatisfaite.—Jetejurequej’aichangé.Jen’aimêmepasdecavalierpourlebal,commetoutlemondesaitque
jeveuxyalleravectoi.—Doncengros,c’estàcausedemoisitun’aspasdecavalier?—Exactement,soupire-t-elle.Merdealors!Jemedétestemaisjen’aipasenviequ’ellen’aitpersonnepourlebal.—Situveuxvraimentyaller,jet’emmènerai.Sonvisages’illumine.—Sérieusement?—Ouais,maisçaneveutpasdirequ’onestensemble.Çaveutjustedirequ’onvaaubalensemble.—Ok!Ellepassesesbrasautourdemesépaules.—Tufaisdemoi lafille laplusheureusede laTerre,Vic!Maintenant, jevaisacheterunerobe
avectasœur!Aumoins,quelqu’unestheureuxparici.
Chapitre16
MONIKA
Mercrediaprèslescours,Ashtyn,Breeetmoiavonsprévud’allerfairelesboutiquespourtrouverunerobepourlebal.
Breefoncedirectementaufonddumagasinoùsetrouventlesrobes.—J’enveuxuneencuirnoir,lance-t-ellehautetfort.—Tuveuxdeschaînesetunfouetaussi?s’amuseAshtyn.Breeacquiesce,visiblementimpressionnéeparlasuggestion.—Etpourquoipas?Jetauraitbesoind’unpetitcoupdefouet.Àcepropos,j’aientendudireque
Treyt’avaitamenéesurungrandhuitpourt’inviteraubal.—C’étaitunvraidésastre.Jemeconcentresurlesrobesetentrouveunerougeàépauledénudée.—Celle-lànet’iraitpas?dis-jeàAshtyn.—Troprouge.J’ensorsunenoireàpaillettes.—Tropflashy.BreechoisitunerobevraimentcourteetlatientdevantAshtyn.—Etcelle-là?Ashtynportesamainàsabouchepours’empêcherderire.—Etoùestlerestedutissu?fait-elleenremettantlarobesurleprésentoir.Honnêtement,jedois
avoirquelquechosedansmonarmoirequiferal’affaire.Pourquoiacheterunenouvellerobesic’estpourlamettreuneseulefois?
—Écoute,chérie,lanceBreeenprenantuneautrerobequ’elleluimetentrelesmains,tunevaspasyallerenmaillotdefootouaveccequ’ilyadanstonarmoire,parcequeMonikaetmoi,onavutouteslesdeuxceque tugardaisdans ton trouetc’est juste triste.Fais-toià l’idéeque l’onva t’habillerenvraiefillepourlebal.
Ashsetourneversmoipourquejelasoutienne.—Désolée,jesuisavecBreesurcecoup-là,déclaré-jeavantdeluiprésenteruneautrerobequilui
iraitbien.Essaie-les.Auboutducompte,nousallonstouteslestroisauxcabinesetnousamusonsbeaucoup.Onessaiedes
robesqu’aucunefilledenotreâgeneporterait,sinonlesplustraditionnellesdel’école.Puisonessaiedesmodèlesquidévoilentsansdouteplusdepeauquelaloinel’autorise,derobespourlesquellesonseferaitsansdoutevirerdubal.Enfin,onchoisitnospréféréesetl’onvotepourlesmeilleures.
C’est sympa d’être entre copines. Bree et Ashtyn sont là pour moi, que je sois heureuse, triste,angoissée,bizarreouquejepartedansundélire.Onatoutesconnudesmomentsmouvementésensemble.Jepartagepratiquementtoutavecelles.
Pratiquement.Ellesnesaventpasquejeluttecontrel’arthrite.
Seulsmesparents,etmaintenantVic, sontaucourant. Jemesuis sentieprochede lui l’autre jourchezlui,plusprochequ’avecunautredepuislongtemps.J’airougisoussonregardintensejusqu’àcequeCassidydébarqueetbrisenotrelien,cequin’estpeut-êtrepasunemauvaisechose.J’étaiscomplètementchambouléeensentantlaforcedesamainautourdemonbras.Jen’aijamaisressentiçaauparavantaveclui.
C’estlemeilleuramideTreydepuistoujours.Unmecdelabande.Leschosesétaientdifférentesdanssachambre.Jesuissûrequec’estdemafaute,j’étaisàfleurdepeauetpercevaisdeschosesquin’yétaientpas.
AvectoutcequisepasseentreTreyetmoi,ilnefautpass’étonnersijesuisperdue.Tandisqu’Ashessaieuneautrerobe,Breeconsultesontéléphone.—Mince!Jeregardepar-dessussonépaule.—Qu’est-cequ’ilya?—Apparemment,Cassidyestentraindebalancersurunefillequiauraittrompésoncopain.Moncœurs’arrête.—Qui?Breem’adresseunregardpuisrevientverssonportable.—C’estanonyme.Tusais,elleécrittoujoursdefaçonmystérieuse,histoiredefaireparler.—Commenousencemomentmême?Onestentraindetomberdanssonpiège.Breebalaiemoncommentairedureversdelamain.—J’assumeparfaitementdejaser.Onlefaittous,non?—Pasmoi,intervientAsh,lamainenl’air.Breeseredresse,approchesontéléphoneetsemetàlirelemessagedeCassidy:«Quandtuesen
couple,arrêtedeflirteravecd’autresmecs.Jedisçacommeça.»—Àtonavis,elleparledequi?demandeBree,lesyeuxécarquillés.—Jem’enfiche,répondAsh.—Tunet’enficheraispassiDerekflirtaitavecuneautrefilledanstondos.—Biensûr,mais…Ashsemetàserongerlesongles,maisBreeluidonneunetapepourqu’ellearrête.—Ash,Derekneflirtepasavecd’autresfilles,luidis-je.—Ouais,s’ilyabienuncouplesolide,c’esttoietDerek,ajouteBree.Commentvontleschoses
avecTrey,Monika?—Toutbaigne,marmonné-je.Jen’auraispeut-êtrepasdûallerchezVic.LafaçondontCassidym’aregardéequandVicmetenait
lepoignetasuffiàmefairepartir;j’auraisvouluqu’ellenesoitpaslà.Jeneveuxpasqu’onparledansmondos.Jeneveuxpasqu’onmesoupçonnedetrompermoncopainavecsonmeilleurami.Mêmesij’aiimaginébrièvementqueVicmeprennedanssesbrasfortsetagiles.Etd’accord,j’ai
fantasmél’espaced’unesecondequeleslèvresdeVics’appuientcontrelesmiennes…maisjen’aipaslaissémonespritsefixersurcetteimagetroplongtemps.
Alorspourquoiest-cequej’ypenseencore?
Chapitre17
VICTOR
Jenecherchepaslesennuis.Ilsmetrouventquoiquejefasseetpeuimporteavecquijesuis.Sérieusement,jedoisêtremaudit.
Ilparaîtquejesuissortiduventredemamèreenhurlantetendonnantdescoupsdepied.Jesuisarrivédanscemondeenmebattantetjen’aijamaisarrêté.C’estprobablementpourçaquejesuisdouéaufootballaméricain…Lecoachditquec’estunsportpourgladiateursdestempsmodernes.
Dieter a annulé l’entraînement de lundi. Je joue au basket avec Trey devant son immeuble. Aucollège,jepassaisdenombreusesnuitschezlui,principalementpouréchapperàmonpère.QuandTreyacommencéàsortiravecMonika,onsevoyaitmoinsparcequ’ilsétaienttoujoursfourrésensembleetjenevoulaispastenirlachandelle.
—Tuavaisraison: legrandhuit,c’étaitunemauvaiseidée,ditTreyenratantlepanier.Celamesemblaitêtreunebonneidéesurlecoupmaisc’étaitnaze.
—Ellem’aracontécequis’étaitpasséavecBonk,dis-jeavantdefaireunlay-up.Écoute,situveuxfairelepique-niquesurleterrainavecl’orchestre,dis-le-moi.
—Commentça,tuasunréseau?—Peut-être,fais-jeenhaussantlesépaules.Treydribbleàtraversleterrainetjeletalonned’unboutàl’autre.Aujourd’hui,ilestdansuntel
étatdenerfsqu’iltiretroptôt.Depuisqu’onestpetits,onestdansuneformederivalité;l’unetl’autre,ona trop l’espritdecompétitionpourarrêtermaintenant,mêmes’il ratedes tirsfacilesetsemble tropsurexcitépourseconcentrer.
—Sijegagne,tudoism’offrirunMcDo,lance-t-ild’unevoixtropassurée.—Etsijegagne,c’esttoiquim’offresdestacos!—Bonjourlecliché,unMexicainquidemandedestacos!—Mec,c’esttropbon!D’uncoup,jeluipiqueleballondesmainsetdribblejusqu’àl’autreboutduterrain.—Pourungarsquidevraitsortirmajordepromo,jetecroyaisplusmalin.Jesauteettirejusteau-dessusdesatêteetmarqueunpanier.Ilrécupèreleballon.—Merdealors!Vic,jesuisimpressionné.Iltientleballonàsonflanc.—Bon,euh,tupeuxm’aideraveccettehistoired’invitationpourMonika?Ellem’enveutàmort
d’avoirtoutgâché.—Nedéconnepasavecelle.Iltraverseleterrainendribblant.—Macopinecommenceàêtreprisedetête.—Monikan’estpasprisedetête,mec.Tul’asplantéependantlebaluneannéeparcequetasœur
voulaitpartirtôtetellenes’estjamaisplainte.Elleadormiavecsamainsurtontorsetouteunenuitalorsquetut’étaisendormibourréchezJetl’étédernierparcequ’elleaeupeurquetunet’étouffesdanston
vomi.Monpote,j’yétais.Elledemandaitdesserviettesmouilléesenpermanenceparcequetutranspiraiscommeunporc.PasseunenuitavecCassidyRichards,tuvasvoircequec’est,unefillevraimentprisedetête.Monikaest…
J’aienviededireparfaite.J’aienviededirealtruiste.J’aienviededireattentionnéeetfacileàvivre,maisj’aipeurdemetrahir.J’enaidéjàtropdit.Ilsortsontéléphonedesapoche,écritenvitesseetlerange.—Dis-moicequejedoisfaire.—Écoute,situveuxréparertonerreur,tudoisl’impressionner.—L’impressionner?Vic,jesuisraide.Jepeuxluioffrirunoursenpelucheou…—Unours?Treyestàl’ouest!—Tusaisqu’elleaimelespingouins.Unoursenpeluche,çaneleferapas.Tagueuleavantqu’ilcomprenne!—Ouais,marmonne-t-ilensecouantlatête.Lespingouins,jelesavais.Iltireunpanier.—Donctuveuxbienm’aideràl’impressionner,oujesaispasquoi?—Ouais,d’accord.C’estcequefontlesamis…ons’entraide,mêmequandçanoustue.
Deuxjoursplustard,Treyestfinprêt.Il a orchestré une nuit entière de trucs romantiques et a engagé ses amis pour l’aider. Trey ne
s’impliquait dans rien alors c’est moi qui ai presque tout planifié. Sérieusement, pendant toutel’organisationdelasoirée,ilestrestépenduautéléphoneoucoincédanslasalledebains.
Ilnevapasbiendutout.Ilprétendquecesontlesnerfsetlestress.Jeneluienparlepas,maisjecomptebiendireàMonika
qu’ellearaisonquandelleditqueTreyauncomportementbizarre.Ce soir, je suis responsabledugâteau, sur lequel est écritBAL DU LYCÉE suivi d’un énormepoint
d’interrogation.C’estdébilemaisçaferarireMonika.Jeporteun jeans,unechemiseetunecravate à la con ; jenepourrai jamais fairemieux. Jen’ai
aucuneenviedepasserpourungarçondecafémaisTreyestmonpoteet,bon,jeferaisn’importequoipourlui.Jesuispeut-êtreunconnardparmomentsmaisjesuisunconnardfidèle.
Danslesalon,MarissaestassisesurlecanapéàlireL’Odyssée.—Ont’ademandédelelirepourlescours?—Non,jelelispourleplaisir.Hein?—TulisL’Odysséepourleplaisir?—C’estvraimentbien,Vic,dit-elleenlevantlesyeux.Jetelepasseraiquandj’auraifini.—Ouais,ouais.Jeneluidispasquejenel’avaismêmepaslucommedevoir.Jenevaiscertainementpaslefaire
pourleplaisir!J’aidéjàdelachancesij’arriveàlireuneconsignejusqu’aubout.JedevaislireL’Odysséel’annéedernière, jen’aipascomprisunmot.Çanem’étonnepasquece
livreplaiseàmasœur.Elleveuttellementêtrelameilleureélèveetrejoindredesclubsdontellesefiche
seulementparcequeçadevraitl’aideràintégrerunefacprestigieuse.Danidébouledansl’escalieretmepassedevantencourant.—Tuvasoù?—Çaneteregardepas.—Tuesmasœur,çameregarde.Alorsqu’elleestsurlepointdesortir,jebloquelaporte.Elleposelesmainssurseshanches.—Bougedelà,Vic.—Non,tuvasoù?—Jevaisêtreenretard.—Jem’enfousquetusoisenretard.Dis-moioùtuvas.Mon téléphone vibre. Eh merde ! Je l’ai laissé dans la cuisine. C’est sans doute Trey qui me
rappelledenepasêtreenretard.—Attends-moilà.Tunebougespas.J’attrapemon téléphone et retourne dans l’entréemaisma sœur nem’a pas écouté : j’entends la
portes’ouvriretserefermer.Daniestdéjàpartie.Jeregardepar lafenêtreet lavoismonterdansuneJeepjaune.
Merde!UneJeepjaune…MatthewBonk.Cemecferaitn’importequoipourmegâcherlavie,mêmes’ildoitutilisermasœur.Danisetrouvedanssavoitureetlavoitures’enva.J’attrapelegâteaupourMonikaetleposesurleplancherdemacamionnette.Jecompterécupérer
masœurenunseulmorceauavantlafindelasoirée.Pourlegâteau,jenepeuxpasmeprononcer.
Chapitre18
MONIKA
Treyarrivechezmoidanslasoirée,vêtud’unjeansetd’unechemiseblanche.Ilsourit.—J’aiunesurprisepourtoi.
J’enaimarred’ignorernosproblèmes.—Trey,ilfautqu’onparle.—Çanepeutpasattendre?J’essaiedefaireuntrucspécialcesoir.Jen’avaispasremarquélamainqu’ilgardaitderrièreledos.Illasort,dévoilantuneroserouge.—C’estpourtoi.Jeprendslaroseenfaisantattentionànepasmepiqueretsenssondélicieuxparfum.—Merci.—Jecomptet’emmenerquelquepartmaisilfautquetuarrêtesdefairecettetête.Jefaisdesefforts,
là.Laisse-moiunechance.Onparleradechosessérieusesdemain.Jesoupire.—D’accord,çamarche.Ilmeprendlamainetmeconduitàsavoiture.—Pourquoiest-cequetuhésites?medemande-t-ilquandjeralentisenapprochantdelavoiture.Jenesaispascommentl’exprimersansqu’ils’énerve.—Trey,est-cequetuasprisdespilulescesoir?—Pourquoi?—Parcequesic’estlecas,jenemontepasenvoitureavectoi.Ilouvrelaportièrepassager.—Jen’aipasprisdepilules,d’accord?Fais-moiconfiance.Jemonteenvoiture;j’aimeraisêtreexcitéeàl’idéedecequeTreyaprévu.—Fermelesyeux,dit-ilenconduisantversnotredestinationsecrète.—Allez,Trey,dis-moioùonva.Jeteprometsd’avoirl’airsurpriseenarrivant.—Non,garde-lesfermés.Jesaisquetuaimesavoirlecontrôlesurtoutetquetuaimesquetavie
soitrangéeetorganiséemaisjeteprometsquecelaenvautlapeinecettefois.Cettefois.Ilcomptedoncm’inviteraubal,pourlasecondefois.L’angoisse s’empare de mon corps quand les choses ne se passent pas comme prévu. J’ai peur
d’énerver ou de décevoir Trey en gâchant notre soirée. J’ai l’impression qu’on reste ensemble parhabitude,etquel’onneressentplusvraimentlesémotionsquelescouplessontcenséspartager.
Lesémotionsquejecommenceàavoirpourquelqu’und’autre.Jem’enfoncedansmonsiège,lesmainsposéessurlesgenoux,àattendredenouvellesinstructions.
Laradioestallumée;j’imagineTreyhocherlatêtesurlamusique.Uneminuteplustard,lavoitures’immobiliseetj’entendslemoteurs’éteindre.—N’ouvre pas encore les yeux, dit Trey d’une voix pleine d’excitation avant de descendre de
voiture.
L’airchauddel’Illinoism’enveloppequandjedescendsàmontour.Treymesoulèvesanseffortetjepasselesbrasautourdesoncoupournepastomber.Nousdevonsêtreauparcàcôtédechezluicarj’entendsl’herbecrissersoussespas.
—Nousysommes?—Ouais.Ilmereposeparterreetmemurmureàl’oreille:—Ouvrelesyeux.Jeclignedesyeuxdeuxfois,letempsdem’habitueràlalumière.Jerestebouchebée.Cen’estpaspossible!Nous sommes au milieu du terrain de football du lycée de Fremont. Une grande couverture est
étendue sur la ligne des quarante-cinq mètres. Des bougies électriques forment un cercle autour,illuminantl’endroitavecunelumièreromantique.
Treymeprendlamainetmeconduitjusqu’àlacouverture.—C’estmagnifique!Commentas-tueulapermissiondefaireça?Ilrit.—Quit’aditquej’avaiseulapermission?Jeluilanceunregardméfiantenmedemandants’ilplaisanteounon.—Onvaavoirdesproblèmes,Trey.Lapolicevanousvirer.CelaressembleplusàVic.—Détends-toi,toutvabien.Vicconnaîtlejardinierquientretientlapelouse.Iladitquejepouvais
venirici.—Tuessûr?Ilmerépondenm’embrassantsurlajoue.—Ouais,fais-moiconfiance.On s’assoit sur la couverture quand, sorties de nulle part, dix personnes de l’orchestre du lycée
débarquentsurleterrainenjouant«JustTheWayYouAre»deBrunoMars.Treychantesurlamusiquedesavoixdouceetprofonde.—C’estnotrechanson,murmuré-je.J’essaiedeprofiterdelasoiréealorsquelamusiquerésonneetquelalumièredesbougiesdanse
autourdenous.Onsecroiraitdansunfilmromantiqueoùlehérosséduitl’héroïneetgagnesoncœur.Dèsle début de notre relation, Treyme laissait desmots dansmon casier et m’écrivait un petit messagemignonchaquematinjustepourmedonnerlesourire.
Ilnefaitplusriendepuissixmois.Quandlemorceausetermine,l’orchestreretourneàlapénombreetdisparaît.J’admirelapeaubruneetparfaitedeTrey,sestraitsciseléspourlesquelsplusd’unefilleavoulu
melepiqueraufildesannées.—J’t’aime,dit-ilenplongeantsonregarddanslemien.Jerépondsnaturellement:—Jet’aimeaussi.Unrirefaux,bruyantetdétestablemefaitleverlesyeux.—Bon,sérieusement,vousêtesdégueulasses.Jet,enchemiseblancheetpantalonnoir,porteuneassiettedanslesmains.—Qu’est-cequetufaislà,Jet?
—Jeseraiundevosserveurspersonnels,cesoir.Sivousavezbesoindequoiquecesoit,faites-moisigne.
Ilnousprésentel’assietterempliedepetitssandwichsaubœuf,avecdupainfaitmaison,commeunmajordomeexpérimenté.
—Monpèrevousapréparécesamuse-bouchesàsonrestaurant.C’estunerecetteexpérimentale.Sivousvomissezoumourez,cen’estpaslafauteduchef.Jevousauraisprévenus.
—Toutcequetonpèrecuisineestdélicieux.Jeprendsundessandwichs.Treym’imiteetnouslessavouronssousleregardtrèsfieretsatisfaitde
Jet.—Wow,Jet,lanceTrey,tudirasàtonpèrequec’estunetuerie!J’ai la bouche pleine de délicieux bœuf tendre, de pain frais et d’épices qui se mélangent
parfaitement.Jen’airiend’autreàdireque:—Mmmh!—C’estqueledébut!Jetfaitsigneàquelqu’undanslacabineducommentateurenhautdesgradins.Jefroncelessourcils,
confuse,enadressantunregardàTreyquisefrottelesmainsdejoie,commeaudernierNoëljusteavantdedécouvrirlamontrequejeluiavaisofferte.
AshtynetDerekdescendentdesgradinsetentrentsur le terrain. Ilsportent tous lesdeuxlamêmetenuequeJet.Jen’arrivepasàcroirequeTreyaittoutorganiséavecnosamis,lesmêmespersonnesquinousentourentdepuisledébutdenotrerelation.AshtynapporteunénormepingouinenpelucheetDerekunpanier.
—OùestVic?demandé-je.C’estleseulabsentdenotregroupe.Treyhausselesépaulesetregardesontéléphone.—Ilétaitcenséêtrelà.—Jen’aipaseudenouvellesdelui,ajouteJet.—Nousnonplus,renchérissentDereketAshtyn.—Peut-êtrequ’ilsebastonneavecquelqu’unpourlefun,plaisanteJet(mêmesil’onsaitqu’ilpeut
avoirraison).Oualorsilpleureensachantqu’ilvadevoiralleraubalavecsonex.Sonex?—VicvaaubalavecCassidy?dis-je.—Ouais!Moncœurseserre.Pourtant,jem’enfichedesavoiravecquiilvaaubal.Ilpeutbienyalleravec
Cassidy.Maisalorspourquoiest-cequelajalousiecouledansmesveines?Est-cequ’ilssesontremisensemble?Jenedevraispasm’ensoucier.Vicetsavieamoureusenemeconcernentpas.—OubliezVic,profitezdevotrerepasetdecettesoiréespéciale,conclutAsh.Treyregardeànouveausonportable,puismarmonnequelquechoseausujetd’ungâteau,deVic,et
quetoutelasoiréeestratéeparcequ’iln’estpaslà.— Je n’arrive pas à croire que vous vous soyezmis sur votre trente et un, dis-je en ouvrant le
panier.Je suis agréablement surprise en découvrant son contenu : poulet, purée de pommes de terre et
légumes.—C’estgénial,lesgars.Mercibeaucoup!Jevousadore.Treyprendlepingouinenpeluchedesmainsd’Ashtynetmeletend.
—C’estpourtoi.—Oh,j’adorelespingouins.Trey,c’estparfait.OncommenceàmangeralorsqueJet,AshtynetDerekpassentdelamusiquedanslehaut-parleuret
jouentlesserveurs.Aprèsdîner,ilss’envonttouslestroispournouslaisserseuls.Treynousenveloppedansuneautrecouvertureetéteint lesfaussesbougiespourquenoussoyons
dansuneobscuritépresquetotale.Nous avons beau être au plus près l’un de l’autre physiquement, je sens que nos pensées et nos
émotionssontàdesannées-lumière.Jemeredresse.—Qu’est-cequ’ilya?demandeTrey.Jen’aipasenviedeluidiremaisjeneveuxpasmaintenircettefaçadepluslongtemps.Cen’estpas
juste,pourluicommepourmoi.J’aienvied’unerelationmaisjeréalisesubitementquejeneveuxpasquecesoitaveclui.
—Toutçaparaîtsifaux,Trey.Neteméprendspas,j’aimetoutcequetuasfaitpourmoicesoir.J’aijustel’impressionquec’est…forcé.
—Jeconfirme.Ilseredresseàsontour.—Monika,tenonslecoupjusqu’aubal.—Pourquoi?—Parcequejeveuxyalleravectoi.Toutlemondesaitquetuvasêtreéluereinedubal…—Ettoiroi.Ilsepasseunemaindanslescheveux.—C’estjustequejeneveuxrienperturberencemoment.—Alorspourquoiest-cequetut’obstinesàécrireàcetteZara?Jecroisqueçaperturbepasmalde
choses.—Tunesaisriend’elle,rétorque-t-ilpourladéfendrecommes’ilétaitsoncopain.—Parcequetunem’enparlespas!Tufaiscommes’iln’yavaitrienentretoietcettefillemais
c’est évidentque si.Tues tellementoccupéà lui écrirequ’ondirait que tu te fichesde savoir cequim’arrive.Enplusdeça,lespilulesquetuprendsmefontpeur.Jenesuisniaveuglenibête.Jesaisqu’ilsepassequelquechose.
Soudain,sontéléphonesonne.—Ondoitterminercettediscussion.Nerépondspas.Maismesmotstombentdansl’oreilled’unsourdpuisqu’ilmepousselégèrementdecôté.—Hé,mec,tuesoù?Ilécarquillelesyeux.—C’estpasvrai!—Quoi?C’estqui?—J’arrivetoutdesuite.Ouais,d’accord.Trèsbien.Ilraccroche.—Vicadesproblèmes.Unventdepaniquemeprend.—Qu’est-cequis’estpassé?Oùest-il?Treyrassemblenosaffaires.—Entaule!
Chapitre19
VICTOR
—Jevousdisquejen’airienfait!JeregardelebadgeenargentbrillantavecOFFICIERTHOMASSTONEgravédessus.CegrandtypeseprendpourunagentduFBI,assisenfacedemoidanslasalled’interrogatoire.C’estluiquim’amenottéetm’apoussédanssavoituredepatrouilleilyauneheure.
—Écoute,Victor,commence-t-ilenmeregardantdroitdanslesyeux.Jevaisêtretotalementhonnêteavectoi.TebattreavecMatthewBonk,cen’estpasunebonneidée.Sonpèreestunmembretrèsrespectédelaville.
—Jevousrépètequejen’aipastouchésaJeep.J’allaischerchermasœuretBonks’estinterposé.C’estluiquiafrappélepremier.Jenevoispaspourquoic’estmoiquisuisicialorsquelui,vousl’avezjustelaissépartir.
L’agentStonesoupire.—Tout lemonde au commissariat connaît les histoires dans lesquelles tu t’es fourré.Ton casier
n’estpasvraimentvierge.DestémoinsontdéclaréquetuétaisarrivéprêtàendécoudreetqueMatthewn’avaitpasdonnélemoindrecoup.
— Tout le monde là-bas venait de Fairfield, monsieur l’agent. Évidemment qu’ils prennent ladéfensedeBonk!
—Tudisquetouslestémoinsmentent?Tous?Mêmetapropresœur?—Ouais!Vousavezbiencompris.Jepenchelatêteenarrière,fatiguédedevoirprouveràcetypequejenemesuispaspointélà-bas
pourmebattre.J’ysuisallépourrécupérerDaniavantqu’elles’attiredesennuis.L’agentm’acatalogué.Quoiquejedise,quoiquejefasse,ilnechangerapasd’avis.L’agentStonemelaisseunmomentpuisrevientavecundossierépais.—Alorsdis-moi,Salazar.Fais-tupartied’ungang?—Non.Cen’estpasparcequejesuismexicainquej’appartiensàungang.—Jesais.Maislesfauteursdetroublesdanstongenrecherchentlesproblèmes.Tudoistetenirà
carreau, Salazar, ou tu vas finir derrière les barreaux plus que quelques heures, d’autant que ton pèren’étaitpasspécialementpressédevenirtechercher.Jecroisquesesmotsexactsétaient:«Qu’ilrentreàpied!»
L’agent Stone me conduit jusqu’à l’accueil, où il m’annonce que je peux partir. À l’entrée, jeretrouvemesamisquim’attendaient.
—Qu’est-cequis’estpassé?demandeAshtyn,paniquée.Tuvasbien?—Ouais.Jen’aipasenvied’enparler.Treymetapedansledos.—Tum’asfoutulesboules,mec.Monikasetientàsescôtés.Soudain,jerepenseaugâteauquej’aioubliédansmacamionnette.—Jesuisdésoléd’avoirgâchévotresoirée.Etvotregâteau.
—Pasdesouci,répondMonika.Jeremarquequ’ellenemeregardepasdirectementmaisfixeleplancher.—Onestjustecontentsqu’aucunechargenesoitretenuecontretoi.Detoutemanière,onauraitpayé
tacaution.Contrairementàmonpère,commetoutlemondesait.—Merci,monpote.JeregardeDereketAsh,MonikaetTrey,BreeetJet.Jenesaispascommentleurdirequesanseux,
jenesuisrien.—C’estbon,conclutJet.Tudevrasjustedonnermonprénomàtonpremierenfantetonseraquittes.
TupeuxappelertongaminJakeEvanThackerSalazar.OuJet.OuJT!JericanecarJetneplaisantemêmepas.—D’accord,autantquetulesaches,çan’arriverajamais.Treymeraccompagnechezmoienvoiture.Jesuisassissurlabanquettearrièreconscientqu’ilse
passe quelque chose avecMonika. Elle est assise devant et regarde par la fenêtre. Elle ne m’a pasadresséunregardniuneparoledepuislasortieducommissariat.
QuandTreys’arrêtepourfairelepleind’essence,Monikaetmoinousretrouvonsseulsenvoitureetjerompslesilence.
—Toutvabienentrevous,Monika?Elleneseretournepasmaisgardelesyeuxdroitdevant.—Pourquoitumedemandesça?—Parcequetuestrèsbizarre.Jen’aipasenviequ’ellem’ignore.Sonamitiém’empêchededevenirfoulaplupartdutemps.Elle
meprendsansdoutepourunloseraprèsmonarrestationcesoir.—Quetusaches,jen’aipascommencélabastonavecBonksic’estcequetucrois.Ellemelanceunregard.—Jenepensepasquetuascommencélabagarre.Jeteconnaismieuxqueça.C’estjusteque…—Quoi?Elleaunregardtellementintense,ondiraitqu’elleveutmedirequelquechosequines’exprimepas
avecdesmots.—Tun’espèresjamaisqueleschosessoientdifférentes?medemande-t-elle.Mincealors.Letempss’arrête.J’ouvrelabouchepourrépondremêmesijenesaisabsolumentpasquoidirequandsoudainTrey
ouvrelaportièreetseglissesurlesiègeduconducteur.—Qu’est-cequeçacoûtecher,l’essence!lance-t-il.J’ail’impressionquemonportefeuillevient
desefairevioler.Monikaricanedoucementetjemarmonne:—Ouais,jetecomprends.Ilyadel’électricitédansl’airentreMonikaetmoimaisTreyneremarquerien.Ilrâletoutlereste
du chemin au sujet du prix de l’essence puis se lance dans un discours sur les voitures électriques ethybridesquej’écouteàmoitiéparcequejesuisconcentrésurlaquestionlourdedesensdeMonika.
UnefoisqueTreym’adéposé,jesongetoujoursàlaquestiondeMonikaetjen’arrivepasàtrouverderéponse.Jemarchejusqu’àmachambre,conscientquejevaisressassernotreconversationinachevéependantdesheures,sansbeaucoupdormir.
Daniestassisesurmonlit,furieuse.
—Jetedéteste.—Jem’enfiche.Bonktraîneavectoipourm’emmerder.C’estunserpent.Ellecroiselesbrasetplisselesyeux,commesij’étaisleméchantdansl’histoire.—TunesaisriendeMatthew.Jelèvelesyeuxauciel.—Parcequetoi,si?Labonneblague!Tul’asrencontré,quoi,cinqminutesavantvotrerencard?—Jemefousdecequetupensesdelui,Vic.Ah,etpourinfo,Matthewetmoi,onvaaubaldulycée
ensemble.—Bonkn’aimequelui.Etpourinfo,tun’iraspasaubalaveclui.C’estnotreputainderival,Dani.
Ilestprêtàmentir,tricheretvolerpournousbattre.Enfinmerde,ilavolénotrequarterback,onseraitfoutussiFitzn’étaitpasintervenu.
—Jenet’appartienspas,lanceDaniensoufflantcommetouteslesgaminesdequatorzeans.Jefaiscequejeveux,quandjeveux.
—PasavecMatthewBonk.Elle quitte la pièce en trombe mais je ne lui dis pas ce que j’ai envie de lui dire. Elle ne
m’appartientpasmaispuisquemi’aman’estpaslà,jedoisfairedemonmieuxpourqu’ellenefassepasd’erreursquigâcherontsavie.
Jesuisbienplacépourenparler.J’aifaitdeserreursquiontgâchélamienne.Est-cequej’enaifaituneautreavecMonikacesoir?
Chapitre20
MONIKA
Dimanchematin.Premièrechoseàlaquellejepenseenmeréveillant:Vic.Iln’apasréponduàmaquestiondanslavoiturelanuitdernière.Jeretenaismonsouffle,àl’affûtd’unmotquisuggéreraitqu’ilauneoncedesentimentpourmoi.
Maisqu’est-cequejesuisentraindefaire?Jedevraismedemanderpourquoimoncopainveutquel’onabordelesujetd’uneruptureaprèsle
bal.JeroulejusquechezTreypourterminernotreconversationd’hiersoir.Iln’apeut-êtrepasenviede
parler,maisignorernosproblèmesnelesferapasdisparaître.Commed’habitude,laportedesonappartementestouverte.Jepasseunetêteàl’intérieur.—Ilyaquelqu’un?Jeserrelespoingscontreladouleurdansmesdoigtsquimerappellequejesuisplusfragilequeje
nevoudrais.Aucunbruit,sinondel’eauquicoule.Jem’enfoncedansl’appartement,priantpourquepersonnenemevoieavancerauralenti.Treydoit
dormir.Jepasseunetêtedanssachambremaisiln’estpaslà.Jel’entendstousserdanslasalledebains,satouxparticulièrequejereconnaîtraisn’importeoù.
Laporteestentrouverte.Treysetientdevantlelavabo,uneservietteautourdelataille.Ilplongelamaindansunpetitsacdepilules.Moncœurs’accélère,j’aienviedepartir,fairesemblantdenepaslevoirfourreruncachetdanssabouche.Jepourraisvivredansl’ignorance.
Maisnon,jenepeuxpasfermerlesyeux.Jepousselaportequicraque,alertantainsiTreydemaprésence.—Trey,sérieux?Tutedrogues.Jecommenceàpartirmaisilmecourtaprès.—Monika,cen’estpascequetucrois.—Jecroisquetuasuneaddictionàdessubstancesillicites.Non,jesuissûre.Tuimaginessitute
fais surprendre ? Tu pourrais être arrêté ! Tu ne sais même pas ce qu’il y a dans ces cachets. Ilspourraientcontenirdesproduitsmortels.
Latensionentrenouscréeunmurdebéton.—Jesuisdésolé,dit-ilavecunhaussementd’épaules.Jenesaispasquoidire.Avecça…jeme
sensplusfort,plusréveillé.Çanevapasmetuer.Etjenesuispasaccro.Jetendslamainenavantalorsquedeslarmesseformentaucoindemesyeux.—Jenepeuxpassortiravectoi,pasdanscesconditions.Ilsoupire,exaspéré.—Je subisdéjà tropdepression.Tun’aspas lamoindre idée de ce que je vis. Je ne peuxpas
ralentirlerythme.Tuvasdirequ’ilfautjustearrêterlespilules,çavabienplusloinqueça.Unfrissonmeparcourtlacolonnevertébrale.—Tuvast’arrêteretessayerderéparernotrerelationouest-cequ’onvarompre?
Ilposelatêtecontrelemur.—Jen’aipaslechoix.Çaneveutpasdirequejenetienspasàtoi,Monika.Leschosesontchangé,
j’aichangé,onachangé!—J’aibiensentiqueleschosesétaientdifférentesdepuisquelquesmois.Ilfautcroirequec’estla
find’unegrandehistoire.—Notrecouplebattaitdel’ailedepuislongtemps,jenesavaispascommentteledire.Jenevoulais
pasteblesser.Alorsquejem’éloignedelui,ilm’attrapeparlecoude.—Nousallonstoujoursaubalensemblesamedisoir,n’est-cepas?Jeclignedespaupières,jen’arrivepasàlecroire.—Jenevaispasaubal.Ceseraittropbizarre.Ils’approcheetsonvisages’adoucit.—Écoute,jesaisquetuasunerobeetquenosamisontdéjàprogrammétoutelasoirée.Jeveuxy
alleravectoi,Monika.Qu’onsoitélusounonroietreine,c’estnotredestind’alleraubalensemble.—Notredestin?Pourquoi?—Tuveuxlavérité?Jeleregarded’unairdedire:«Tutefousdemoi?»—Jeveuxtoujourslavérité.—Jesaisquetumehaisencemomentmême.—Jenetehaispas,Trey.Çafaitdesannéesqu’onestensemble,jenepourraispastehaïrmêmesi
jelevoulais.—Jenet’abandonnepas,m’assure-t-il.Viensavecmoi.D’accord,cen’estpasledestin.Ilmefaut
justeducalme.Cen’estpaslapeinededireàquiquecesoitqu’onarompuavantlebal,commeçapasdedrame.Ok?
Mentiràmesamis?Fairecroirequetoutvabienquandtouts’effondre?—Jen’aipasenviedeleurmentir.Ilsoupire.Jeressenstoutlestressquiémanedelui.—Tunepeuxpasmefairecetteuniquefaveur?Il n’enparlepasmais j’ai compris. Il préfère se concentrer sur lematchde football à causedes
recruteursd’université.Ilneveutpasêtredéconcentréparlesdramesetlesrumeurs.Jerespireprofondément,etravaleledésespoirquimeprenaitlagorge.—D’accord,Trey.Jenedirairien.Sajambetremble;lecachetqu’ilaprisdoitcommenceràfaireeffet.—Jeneveuxpastefairedemal,dit-il.Jen’aijamaisvoulutefairedemal.Jet’aimeraitoujours.Jescrutelespilulesqu’iltienttoujoursàlamain.— Je te préviens, en prenant ces drogues, tu joues un jeu dangereux. Je t’aimerai toujours et te
souhaitelemeilleur,mêmesinousnesommesplusensemble…Jetournelestalons.—…maiscen’estplusmonboulotdeteprotéger.Enpartant, jemesens libredefaireceque jeveux,d’êtreceque jeveux.Êtredéfiniecommela
petitecopinedeTreynem’intéresseplus.
Chapitre21
VICTOR
Isasecouelatête,penchéeau-dessusdescomptes.—Jesuisdanslepétrin.—Àcausedequoi?
—L’argent.Elletournelespagesdesonlivredecomptesetfaitdesadditionssursacalculatrice.—Cen’estpasassez…Merde,Vic,c’estjamaisassez!—Tudoiscombienàlabanque?—Trente-cinqmille.Jem’approche,medemandantcommentelleafaitsoncoup.—Iltefautcombien?— Quatre cents pour le remboursement du prêt ce mois-ci. Je vais trouver une solution. On
m’accorderapeut-êtred’étalerlespaiementssij’acceptedesintérêtsplusélevés.—Jepeuxtepasserquatrecentsdollars,intervientBerniedepuislefonddugarage.Iltravailleensilencedepuisuneheureàsouderdesvieillespiècesetàlesrangeraveccellesqu’Isa
stockedansl’arrière-boutique.—Jeneveuxpasdetonargent,Bernie!Enplus,jet’aiviré,tutesouviens?—Oui, je me souviens. Et si tu sortais avecmoi ? Tu n’auras qu’à me virer à nouveau après.
D’accord?—Non.Jen’aipasbesoindetonargent, lance-t-elleavantdesedirigerverssonbureau.Jevais
justedemanderàlabanquedemelâcherduleste.Jecommenteavecsarcasme:—Ouais,çamarcheàtouslescoups!—Çanecoûteriend’essayer,marmonne-t-elle.— Je ne comprends pas pourquoi elle refuse mon aide, me dit Bernie. Je lui ai proposé des
centainesdefois.—Peut-êtrequ’elleneveutpasdépendredel’aided’unautre.Enplus,jecroisqu’elletedéteste.Bernieagitelamain.—Netelaissepasbernerparsarésistance.Jevaislafairecraquer.—Jet’entends!hurleIsadepuissonbureau.EtVicaraison,Bernie.Jetedéteste!—Commentpeux-tumedétester?Jen’airienfait.—Taseuleexistencemehérisselepoil,grosnaze.Aulieudesesentirinsulté,Berniemelanceunclind’œil.—Ellefaiblit.Jepariequ’unjour,ellevamêmesortiravecmoi.Isasortdesonbureauentrombe,lesmainssurleshanches.—Dans tes rêves,Bernie !Regarde-toi !Tuescoiffécommeungamindehuitans, tuas lapeau
tellementblanchequejedoismettredeslunettesdesoleilpourt’approcherettunesauraispast’habillercorrectementmêmesitavieendépendait.
—Nel’écoutepas,Bernie.Elleestamère,c’esttout.—Jet’emmerde,Vic!Tusaispasdequoituparles.—Pasdeproblème,répliqueBernie,visiblementamuséparlesinjuresd’Isa.—Excusez-moi,lanceunevoixfamilièredefilledepuislaported’entrée.Monikaestlà.Elleporteunjeansmoulantetunhautendentellequisoulignesapeaudemiel.Mince
alors,elleestmagnifique.Jenepeuxm’empêcherdelaregarder,ébahiqu’ellesoitlà,augarage.Isamepoussedesoncheminetafficheunsourirequ’ellen’utilisequ’aveclesclients.—Quepuis-jefairepourvous?Monikahochelatêteetmelanceunregarddesesyeuxvertsétincelants.—Salut,Vic.—Salut.Isaestfacilementpasséed’emmerdeuseàentrepreneuse.— Isabel, propriétaire du garage d’Enrique. Vous avez besoin d’une vidange ? D’une nouvelle
batterie?—J’auraisbesoind’unboulot.Hein,quoi?J’aidûmalcomprendre.—Unboulot?dis-jeenmanquantdem’étouffer.Tuplaisantes!—Non.Elleseredresseets’adressedirectementàIsa.—Jenem’yconnaispasbienenvoituresmaisjesuisdisponibleaprèslescoursetlesweek-ends.
Vousn’avezpasbesoindemepayercher.—Non,luidis-je.Monikamepoignardeduregard.—J’ensuiscapable.Isa la regarde de haut en bas, comme si elle jaugeait ses compétences par sa seule façon de
s’habiller.—Tuasunequelconqueexpérienceaveclesvoitures?—Jesais lesconduire,marmonneMonikaavantdefaireungrandsourire.Mais jevous jureque
j’apprendsvite.J’enaibesoin.S’ilvousplaît.Jevoisqu’Isayréfléchit.Oh,non.—Ellenepeutpastravaillerici!Jeneveuxpasd’elleici.C’estdangereux.Sansoublierqueceseraitunetorturedetravailleravec
elle. Elle ne sera jamais àmoi.Combien de temps réussirai-je à faire semblant de ne pas vouloir laserrerdansmesbras,latoucher,l’embrasser?
—Monika a l’entraînement des pom-pom girls. Elle a beaucoup trop de pression et a pété lesplombssiellecroitpouvoirtravaillerdansungarage.C’estunepom-pomgirl,Isa,pasunmécano!
Isamepoussedesonchemin.—Tun’aspasàmedirequijepeuxengageroupas.C’estleseulendroitoùjepeuxoublierMonika.Siellerestelà…Jepointedudoigtsonhautendentelle.—Regarde-la,Isa.Elleaimeladentelleetlesbellesfringues,paslesvoituresetlasaleté.C’estune
diva,çasauteauxyeux.Enplus…Lemomentestvenudel’achever.—Elleestmalade.
—Jevaisbien, répliqueMonika. Jene suispasunediva, etmonétatde santéneposerapasdeproblème.Nel’écoutezpas.
—Pourquoitufaisça?Ilfautquejegardemesdistancesavecelle.Isaal’airtrèsamuséeparlatournuredesévénements.Lesouriresursonvisagemefaitpenserque
mavievasecompliquerencoreplus.—Parcequetoietlesgarçonsditesquej’ensuisincapableetjeveuxvousprouverquevousavez
tort.Écoutez,sivousm’engagez,jetravailleraigratuitementpendantquevousmeformez.Isaluitendlamain.—Tuasunnouveauboulot!Etmerde!Demoncôté,j’aisurtoutunnouveauproblème.
Chapitre22
MONIKA
Aujourd’hui,jesuisobligéederaterlescourspourmontraitementetj’auraisvraimentpréféréalleraulycée.Maislebalalieuceweek-endetcommemoncorpstoutentiermefaitsouffrir,lemédecinavouluanticiperletraitementavantqueladouleurnesoittropdifficileàsupporter.
Mevoilàdoncàl’hôpital,àattendrequelesinfirmièresmefassentdespiqûres.L’uned’ellesentredanslapièceavecungrandsourire—Commentvas-tuaujourd’hui,Monika?—Jepréféreraisêtreailleurs.Elleritdeboncœurcommesij’avaisracontéuneblague.Mamère, assise sur la chaise en face de moi, fronce les sourcils. Cela me fait mal de la voir
s’inquiéterautant.—Maman,vatravailler.Tuasunrendez-vousavecdesclientsdansdixminutes.C’estlamillième
foisquejefaisça.Mamans’enfoncedanssachaise,agrippéeàsonsacsursesgenoux.— Je veux attendre jusqu’à ce qu’on temette sous perfusion. Je peux avoir quelquesminutes de
retard.L’infirmièreadisposélesseringuesetlestubesdevantelle.—Ilparaîtqu’ilyalebalceweek-end.Tuasuncavalieretunerobe?—Lesdeux.—Tudoisavoirhâte!—Ilfautcroire,dis-jeavecunhaussementd’épaules.Jene lui racontepasquemoncopainetmoiavons rompumaisque j’yvaisavec luimalgré tout,
poursauverlesapparences.L’infirmièrepoursuit lesbanalités tandisqu’ellemet laperf. Jevaisêtrecoincée làpendantdeux
heures,quec’estnul!Maisaprès,l’inflammationetladouleurdansmesarticulationsvonts’estomper,aumoinsuntemps.Ça,j’aihâte.
En revanche, je n’ai pashâtede subir les effets secondairesduRemicade, lemédicamentqui vas’immiscerdansmoncorps.Ladernièrefois,j’aivomieteuunmaldecrânependantdesjours.J’avaiségalement envie de dormir car je n’avais aucune énergie et ne parvenaismêmepas à garder les yeuxouverts.J’espèrequeceseradifférent,cettefois.
L’infirmièreinsèrelaperfusiondansmaveine.Jedétourneleregardmaismamèreobserve,commesilemédicamentallaitguérirsafille.Iln’yapasdeguérisonpossible.
Dèsquemamères’envaetquelemédicamenttombedoucementgoutteàgouttedansmoncorps,jem’enfonce dans le grand fauteuil en cuir de l’hôpital et ferme les yeux. Me retrouver ici me donnel’impressiond’êtreincapabled’avoirunevienormalesansmédocs.Jenecomprendspascommentdespersonnessainesd’espritpeuventprendredesmédicamentsdontellesn’ontpasbesoin.
Trey,parexemple.Penchantlatêteenarrière,jem’imaginen’importeoùailleurs.
—Je ne comprends pas comment quelqu’un qui peut à peine se déplacer sansmédicaments peutvouloirdevenirmécano.
J’ouvresubitementlesyeuxenentendantlavoixdeVicSalazar.IlsetientdevantmoietobserveleRemicadecouler.
—Qu’est-cequetufaislà?—Jemesuisditquejeviendrai te tenircompagnie,répond-ilens’asseyantsur lachaisequema
mèreaquittéequelquesminutesauparavant.— Comment… je n’ai pas… tu ne devrais pas être là, Vic. Je t’ai demandé de n’en parler à
personne.—T’inquiète,jenet’aipasbalancée.Jel’observe;ilalesbrascroisés,commeunsentinelleenfaction.— Tu n’es pas censé être en cours ? Comment tu as su que j’étais là ? Comment tu as eu la
permissiondemerendrevisite,d’ailleurs?Illèvelesyeuxauciel.—Ouais,jesuiscenséêtreencours.J’aiétéconvoquédanslebureaudeFinniganetj’aientendula
secrétairerecevoirunappeldetamèredisantquetuavaisuntraitementàl’hôpitalaujourd’hui.Onm’alaissépassercar j’aiprononcé lenomdemonpèredevant la réceptionnisteà l’accueil. Il adonnéunpaquetdefricàcethôpital.
—Tuvasavoirdesennuiscommetuasséché…Ilmefaitunclind’œiletj’ensuistouteretournée.—Tusaisbienquejemefiched’avoirdesennuis.J’ailagorgesèchealorsqu’ilapprochedemoi.—Pourquoies-tuvenu?—Pourteconvaincrequec’estidiotdetravailleraugaraged’Enrique.Tuvasfinirpartefairemal.Sesmotsmeplombentlemoral.—Tunecroisabsolumentpasenmoi,toutcommeTrey.—Oh, je crois en toi,Monika. Je crois que tu es capablede faire tout ceque tuveux. Je pense
simplementquetufiniraisparleregretter.Regarde-toi,dit-ilenpointantdudoigtlaperfusion.Jesuistonami.Écoute-moietnetravaillepasdansunendroitquipourraitteconduireàl’hôpital,sinonpire.
—Mercidet’ensoucier,Vic.Maisjevaiscontinuer,quetuleveuillesounon.—Tuesaussitêtuequemacousine!s’écrie-t-il,déçu.Tonegot’empêchederéfléchir.Jesaisque
çavafairecul-cul,maisonestsurcetteTerrepourmoinsdecentans,aprèsc’estfini.Jeneveuxpasquetugâches ton tempsàfairedes trucsquine teplaisentpas.J’aimetravailleraugarage.Toi, tuyviensjustepourprouverquetuenescapable.Cen’estpasuneraisonsuffisante.
L’infirmièrevientprendrematension.—Jevoisqu’onaunvisiteur.C’esttoilepetitcopainquil’emmèneaubal?Vicsecouelatêteetdétourneleregard.Jerépondsenrougissant:—Non.Cen’estqu’unami.L’infirmièrecontrôlemesfonctionsvitales.—Ehbien,c’estunamivraimentspécials’ilresteassisiciavectoipendanttontraitement.—Ouais.Jesongebrièvementàl’idéed’avoiruntypecommeVicpourcopain.Jebalaietrèsvitecettepensée
demonespritenvoyantàl’écranquemapressionsanguinegrimpeenflèche.—Ilestvraimentspécial.
J’aurais aimé qu’il ne vienne pas ici seulement dans l’optique deme dissuader de travailler augarage.Sijevoulaisqu’unepersonnecroieenmoi,c’étaitVic.
Chapitre23
VICTOR
Jeudiaprèslescours,Dieternousditdenousrassemblerautourdeluidanslesvestiairesavantdenousmettreentenue.
—Demain,iln’yapasquelebal,ilyaaussiundenosmatchslesplusimportants.Dieterestaumilieudesvestiairesetjaugel’équipe.—Onjouecontrenosplusgrandsrivaux.OnprétendquelelycéedeFairfieldestmeilleurquenous.
Est-cequec’estvrai?—Non,coach!crions-nousd’uneseulevoix.Notreenthousiasmeneleconvaincpas.—Jenesaispas,dit-il.Vulafaçondontcertainsd’entrevousjouentàl’entraînement,jenesuispas
sûrquevousayezvraimentenviedegagner.Avecunmarqueurnoir,ilécritVAINQUEURSsurletableau.—Onnefinitpasvainqueursenselacoulantdoucedurantl’entraînement.Nevousentraînezpasen
pensantaubal.Nevousentraînezpasenpensantauchampionnatd’État.Jouezcommesivousétiezdansuneéquipedeliguenationale!Mettez-yduvôtre,del’énergie,delapassionetdutalent!Chacund’entrevous.Sinonvousne jouezpas à lahauteurdevotrepotentiel.Autantdégagerdemon terrain, vousneméritezpasd’êtredessus.Maintenant,quandvousjouerezaujourd’hui,jeveuxvoirdesvainqueurs!Pourmoi,vousêtesdesvainqueurs.Laquestion,c’estdesavoirsivousavezcequ’ilfautpourça.Nemeditesrien,montrez-moi!Votrejeuparleramieuxquelesmots.
Voyantquesonmessageaétéentendu,Dietersortdesvestiaires,suiviparsesassistants.Unsilences’installe.— Il faut qu’on gagne demain, lance enfin Ashtyn. Pour montrer à Fairfield et à leur traître de
quarterback,LandonMcKnight,quel’équipequ’ilaabandonnéeestplusfortesanslui.Jelarassure:—Onvagagner!—Oupas,vulafaçondonttujouescestemps-ci,ricaneTrey.—Trey,jeteplaquelesyeuxfermés.—Il faudraque tume rattrapesd’abord,dit-il enme tapant l’épaule.Pas facilequandonadeux
piedsgauches.—C’estvraiquetutombessouvent,renchéritJetavecungrandsourire.—Ladernièrefoisquejesuistombé,j’étaisbourré,Jet.—Ouais,enfinbourréoupasbourré,Treyresteunebête.Cederniercontractesesmusclesets’embrassechaquebiceps.—Regardelaréalitéenface,Vic.Jesuisplusrapideetplusfortquetoi.Mesamisetmoi,nousnousbalançonscegenredevannesdepuisdesannées.—Laréalité?Laréalité,c’estquejevaistetuersurleterrainaujourd’hui,Matthews.Treysemetàrire.
—Benvoyons.Laseulefaçondonttupourraismetuer,c’estavecunflingue,parcequetunepeuxpasmerattraper,vucommetueslent.
Ilsebrosselesépaulesavantd’enfilersatenued’entraînement.Lent ? Personne n’a jamais dit que j’étais lent. Je peux plaquer n’importe qui et intercepter un
quarterbackavantqu’ilnecomprennecequiluiarrive.Derek, qui d’habitude reste spectateur des piques qu’on se lance avecTrey, pointe un doigt vers
nous.—Commel’aditDieter,votrejeuparlerapourvous.Ensortantdesvestiairespour l’entraînement, jenepensequ’àprouverà tout lemondeceque je
vaux…surleterrain,aumoins.Personnenepeutmedépasseràlacoursenimesurpasseraujeu.PasmêmeTreyMatthews.Celui-cimarcheàcôtédemoimaissoudainmedit:—Jerevienstoutdesuite,j’aioubliéuntruc.—Tuvasoù?Tufuisdéjà?—Danstesrêves!J’aijusteoubliéuntrucdansmoncasier.S’ilarriveenretardàl’entraînement,Dietervalemassacrer,puisluifairecourirplusieurstourset
fairedespompespourleplaisir.Le tempsqueTrey revienne,nous sommes tous en ligneprêts ànous échauffer.Dans son rôlede
capitaine,Ashtyncommenceàfairedessautsavecécartlatéralpuisdesétirements.Jejetteunœilverslespom-pomgirlsquisepréparentdevantlesgradins.Jedevraisdétournerleregard;chaquefoisqueMonikasetournepournousregarder,jesensl’adrénalinemonteretj’ail’entrejambequiseréveille.
Elleallumequelquechoseenmoiqu’aucunefillen’ajamaisallumé.PasmêmeCassidy.Jamaisdelavie.
—Tumatesmacopine?lanceTreyavecuntonmoqueur.Jesecouelatêteetiléclatederire.—Mec, je déconnais. Je sais que tu as invité Cassidy au bal. Je savais bien que tu en pinçais
toujourspourelle.Cen’estpasvrai,maispeuimporte.Treyetmoiattendonsenrangpourfairedessprints.Quandc’estànotretour,jeleregarde,prêtà
fairedemonmieuxpourluibotterlecul.Ilmetapedansledos.—Onsevoitsurlaligned’arrivée,monpote.C’estlaguerre.OudumoinsunecompétitionbrûlanteentreTreyetmoi.AuMoyenÂge,onseseraitbattusenduel
pourMonika.Maisnousnesommespasàl’époquemédiévale.EtMonikan’estpasunbienàvendre.Unefoisdeplus,jejetteunœilverslespom-pomgirls.Monikarestetournéeversnous.DietersouffledanssonsiffletetjemelanceàcôtédeTrey;j’aitellementenviedegagner!Mes
jambesbattentlapelouseetmesbrasfendentl’airàtoutevitesse.Toutestfinitrèsvite.Tropvite.Treymebatd’undixièmedeseconde.Je me penche, les mains sur les genoux, tentant de récupérer mon souffle. Bonjour la honte. Je
devraisaccepterlefaitquejeviensdemeprendreunbeaucoupdepiedaucul.Treysetientàcôtédemoi,àpeineperturbéparlesprint.—Tuesunemachine,Matthews,dis-jeencorehaletant.—Rends-toiàl’évidence,Salazar.Jefaisdetoiunjoueurmeilleur.—Commentça?
—Sansmoi,quis’occuperaitde tonpetitcul?fait-il lesbrasgrandsouverts.Àquoiservent lesmeilleursamissicen’estpaspourterendremeilleur?
—Jeteplaqueraidèsquetuaurasleballon.—Tuvois?Jetemetsaudéfi.Trèsvite,Dieternousremetàl’exerciceetlespom-pomgirlssurlescôtésabandonnentrapidement
leurentraînementpournousencourager.L’espaced’uneseconde,jefaissemblantdecroirequeMonikam’encouragemoi,etqu’elleestavecmoi.
Pour l’heure, je suis sur la lignededéfense, concentré sur le joueurde la ligneoffensive,DavidColton.Ducoindel’œil,j’aperçoisTrey.Cen’estpasdifficilededevinerqu’ilvaporterleballon.Ilnesaitpascachersonjeuetserrelesdoigts.
On prend place sur la ligne demêlée etDieter donne un coup de sifflet. En un éclair, je plaqueColtonausol.DereklanceleballonàTrey.Jenelelaisseraipaspasser.
Pascettefois.JemetstoutemonénergieàcouriraprèsTrey.Jesuissursestalons.Jedoisyarriver.Dansunélan
toutenforce,jeleplaque,mettanttoutmonpoidssurluipourleclouerausol.Voilà!Jesoufflecommeunbœufetj’ailesjambesencotonmaisjem’enfous.J’aiplaquéTrey,lejoueur
leplusrapidedel’Illinois.C’estbonça!—Prendsça,luidis-jequandj’aireprismonsouffle.JemeredresseettendslamainàTreymaisilnelasaisitpas.—Trey,lève-toi.Iln’aaucuneréaction.Jem’agenouillepourvérifiers’ilplaisante.—Hé,Trey!Allez,lève-toi,mec.Ils’estévanoui?Pourquoiest-cequ’ilnebougepas?Jesuisperdu,etcommenceàpaniquer.Mes
mainssemettentàtrembler.—Coach!QuelquechosenevapasavecTrey!Venezvite!Jeneveuxpasletoucher.J’aipeurdeluiavoircasséledos.C’estmoileresponsable.Ilalesyeux
ouvertsmaisiln’estpasconscient.Ilneplaisantepas.Ils’estévanoui…ou…jen’arrivemêmepasàréfléchir.
—Aidez-le!Jehurle leplus fortpossiblemaismagorgeseserreet lemédecinetDietermepoussentde leur
chemin.—Trey,réveille-toi!J’étouffe,lemondesefermeautourdemoi.Sij’aiblessémonmeilleurami…ilesttoutpourmoi.Lemédecins’agenouilleàcôtédeTreyetapprochesatêteducasque.—Trey,est-cequetum’entends?Pasderéponse.Moncorpstoutentiers’éteintalorsqu’illuiprendrapidementlepouls.—Appelezlessecours,vite!lance-t-ilpaniquéavantd’enleverlecasquedeTreyetdeluifaireun
massagecardiaque.Non.Jeregardelesol,ilestflou.Toutestflou.
Jeregardeavechorreurlemédecins’occuperdeTrey;ilcomptetandisqueluietDieterpressentàtourderôlesurlapoitrinedeTreyetluisoufflentdanslabouche.Jesondelesmainsetlespiedsdemonmeilleuramipourchercherlemoindremouvement,envain.
Cen’estpaspossible!Jemefrottelesyeux,espérantmeréveillerdececauchemar.C’estpeut-êtreuneblaguequetoutlemondemefait.
Maiscen’estpasuneblague.Etjenerêvepas.Jem’éloignedelafouleenentendantlasirèned’uneambulanceauloin.Uneseulepenséeserépète
dansmatête,encoreetencore.Toutestdemafaute.Toutestdemafaute.Toutestdemafaute.
Chapitre24
MONIKA
—Qu’est-cequisepasse,là-bas?demandeBreeenmontrantlebazarsurleterrain.—Ondiraitquequelqu’unestblessé,dituneautrefille.Jemedemandequic’est.
—Çacraintdeseblesserlaveilled’untelmatch!Breejettesespomponsdanslesairsavantdelesrattraper.—Tunecroispas,Monika?—Ouais,jemarmonne.Jeme tords lecoupouressayerdevoirquiestausol.Onvoit souventdes joueursmalenpoint,
alorsjegardemoncalme.Jusqu’àcequejevoietouslesgarsdel’équipeàgenoux.C’estmauvaissigne.J’entends approcher une sirène d’ambulance. Vic est figé comme une statue, loin de la foule, à
regarder la scène. Je sais qu’un truc terrible vient d’arriver rien qu’à voir sa posture et son visagehorrifié.
Jemeprécipiteàtraversleterrain,imaginantd’abominablesscénarios.Enm’approchant,jevoislenumérosurlemaillotdujoueuràterre.
Trente-quatre.—Trey!Sonnomsortdemabouchedansuncridedouleur.Jemeprécipitevers luimaisJetetDerekmeretiennent immédiatement.Leursvisagessombreset
pressantsmefendentlecœuretmoncorpssefige.—Monika,tunedevraispasvoirça,ditDerekd’unevoixdouceenmecachantlascène.—Qu’est-cequinevapasavecTrey?Qu’est-cequis’estpassé?Jepleureetluttepourmelibérer.—Parlez-moi!Jetmeserrefortdanssesbras.—Ons’occupedelui,Monika.Calme-toi.Jem’agrippeàeux,incapabledemecontrôler.—Jeneveuxpasmecalmer.Trey!Oh,monDieu!Qu’est-cequisepasse?Treyestétenduparterre,immobile.Quelqu’unluifaitunmassagecardiaque,maispourquoi?Qu’est-cequis’estpassé?Soudain,Ashtynapparaît.Elleaccourtversmoienpleurs.—Oh,monDieu!crie-t-elle.—Qu’est-cequiluiarrive?Est-cequ’ilvas’ensortir?Dis-moiqu’ilvas’ensortir,Ash.JeregardeJet,mavisionsetrouble.—S’ilvousplaît…Peuimportequ’onaitrompu,Treyfaittoujourspartiedemoi.Onaétéensemblependanttroisans,
onavécutantdechoses.
—Ilfautquejesoisaveclui.Ashtynposesesmainssurmonvisage.—Monika,ilestblessé.—Qu’est-cequis’estpassé?Jenepeuxm’empêcherdesangloterdemanièreincontrôlée.—Ils’estfaitplaquer,explique-t-elle,aussidésemparéequemoi.Jenesaispascequisepasse.Il
nebougeplus.—Jedoisl’aider.Laissez-moil’aider.S’ilvousplaît!—Lessecoursfonttoutcequ’ilspeuvent.—Tuessûre?J’aibesoindesavoirqu’ilvas’ensortirindemne.—Ilestfort.S’ilyabienunepersonnequipeutsubirlescoupsdurs,c’estTrey,megarantitAsh.Maiselleneditpascequej’aienvied’entendre,cequej’aibesoind’entendre:qu’ilirabien.Une
partiedemoisesentresponsable.Uneambulancearrivesurleterrain.—Jeveuxlevoir.Jevousenprie,laissez-moilevoir!Jenemerendsmêmepascomptequejedoiscriercommeunehystérique.Maisonnemelaissepaslevoir.Ondiraitquetoutel’équipeveutmebloquerlavueetmediredemecalmer.Jenecontrôlepasmes
sanglotsnimestremblements.J’ail’impressiond’êtregelée.L’ambulances’envaavecTreyàsonbord.Mesgenouxcèdentet je tombepar terre.Ashtynreste
avecmoi,DereketJetaussi.—Respireprofondément,Monika,m’ordonne-t-elleavecuntremblementdanslavoix.Allez,vas-y.
Jelefaisavectoi.—D’accord.J’essaiederespirer,envain.JeréessaieavecAshtyn.Maisjesuisdétruite.Jen’arrivepasàréfléchir.Ilfautquejemecalme,jenesersàriensinon.Alorsquej’essaiedecontrôlermesémotions,jene
peux pas regardermes amis dans les yeux. Ilsmontrent trop de tristesse et d’abattement, comme s’ilssavaientqu’ilsepassaitquelquechosedegraveetqu’ilsvoulaientletaire.
—Ilfautqu’onailleàl’hôpital,leurdis-jeengardantleventdepaniqueaufonddemoi.Vite!—Jevaislaporter,intervientJetmaisjelerepousse.—Jepeuxmedébrouiller.JemerelèveetvoisVictorsurlalignedebut.Ilenlèvesonéquipementetlelaissesurleterrain.—Vic!s’exclameAsh.Onvaàl’hôpital.Viensavecnous!Ilseretourne,commes’ilnel’avaitpasentendue,etsemetàcourir.Jetmetlesmainsdepartetd’autredesabouche.—Oh,Vic!—Jepariequ’ils’enveut,ditAshtyn.Quelqu’undevraitallerluiparler.—AmenezMonikaàl’hôpital,ordonneDerek.Onvousretrouvelà-bas.DereketJetcourentaprèsVic.C’estlechaos,jesuisperdue.Jenesaispasquoifaire,quoidire.
Mes amis ignorent que Trey et moi avons rompu et qu’il se drogue. Trop de choses m’encombrentl’esprit.Est-cequeceseraitl’effetdespilules?Est-cequejedevraisrompremapromesseetenparleràquelqu’un?
Quandonarriveàl’hôpitalunquartd’heureplustard,jemeprécipiteauxurgences.
—OùestTrey?demandé-jeauxentraîneurs.Est-cequ’ilvabien?Personne ne parle. Jem’appuie contreAshtyn, j’ai besoin d’elle en cet instant.Au fond demon
esprit,jecrainslepiremaisjerefused’ycroire.Cen’estpasvrai.TreyMatthewsestfort.— Le coach Dieter ne le quitte pas d’une semelle, déclare un des assistants. Il n’est pas seul,
Monika.—Jeveuxlevoir,dis-jeàuneinfirmièrequiapparaîtdansunetenueblancheimmaculéeavecdes
chaussuresassorties.—Jesuisdésolée,c’estimpossiblepourlemoment,répond-elled’unevoixdouce.Sivousn’êtes
pasdelafamille,jenepeuxpasvouslaisserlevoir.Delafamille?Onaparlé demariage.C’était il y a longtemps, avant qu’il ne commence àprendre ces cachets,
avantquetoutnechangeentrenous.PersonneneconnaîtlepetitsecretdeTrey.Personnesaufmoi.Etsigardercesecretdevaitluifairedumal,jenemelepardonneraisjamais.
Chapitre25
VICTOR
J’aifaitdumalàmonmeilleurami.Treynebougeaitpasquandonl’amissurunecivièrepourl’emporterdansl’ambulance.Lasirènehurlanterésonneencoredansmesoreilles.Toutemavie,jemesuisditquequelquechosedemalallaitm’arriver,commesimontempsétaitcompté.Jen’auraisjamaisimaginéquejeblesseraisphysiquementquelqu’unquej’aimesincèrement.
Jen’aipassupportédelesvoiremporterlecorpssansviedeTreyhorsduterrain.LemédecinetDieters’acharnaientsurluienattendantlessecoursquiontprislerelais.J’aivul’air
sombresurleursvisagesencherchantdésespérémentunespoir,unsignedeviedelapartdeTrey.Iln’yenavaitpas.L’ambulanceest repartieet lavoixcasséedeMonikas’estmiseàcrier lenomdeTrey ; j’aurais
vouluêtreprésentpourelle,laprendredansmesbras,luidirequej’étaisdésolé.Aulieudeça,jemesuisenfui.Mespiedssedéplacentd’eux-mêmes,mescramponsfrappentlesolàchaquepas.Jenesaismême
pasquelledistancej’aiparcourueetmevoilàsuant,soufflantsurlarivedulacMichigan,tentantdefuirl’image de Trey étendu dans l’herbe après mon plaquage. Je garde le rythme soutenu, refusant dem’arrêterouderalentirdepeurquelaréalitédesévénementssurleterrainnemerattrape.
Jeveuxéchapperàmespensées,maiscelanefonctionnepas.Quandenfinjem’arrêteetmetourneverslelac,j’ailesjambesenguimauve.Lesvaguess’écrasent
surlesableetlèchentmescrampons.Malheureusement,lebruitdesvaguesnecouvrepaslebruitdelasirèned’ambulancenil’échodescrisdeMonika.
J’aitoujoursvécucommesilavieétaitunjeuetquej’étaisinvincible.Enréalité,jemefichaisdevivreoudemourir.Peut-êtreàcausedelafaçondontmonpèremeregardait,commesijenevalaisrien.MaisTrey…c’estlegenredemecquiatantdechosesàvivre.Sonpèrelesoutient,sacopinel’aime,etson cerveau ferait pâlir d’envie ce foutu Einstein. De nombreuses fois j’ai souhaité échangerma viecontrelasienne.
EtsiTreyétaitparalysé,oupire?Toutestdemafaute.Etsij’avaisgâchétoutcequ’ilavaitetquejedésirais?Commentleregarderdanslesyeuxetluidirequejenevoulaispasluitomberdessus?Ceseraitluimentir.Jevoulaisleplaquerviolemment,luiprouver,àluietàtouslesautres,quejepouvaisvaincrelemeilleur.JevoulaisprouveràMonikaquej’étaisplusfort,quej’étaismeilleurquelui.
J’aisurtoutprouvéquej’étaisunsalaud.Pressermespaumescontremesyeuxpourtenterd’effacermespenséesnesertàrien.Jenesupportepasça.Jecoursaubureaudemonpère,enpleincentre-ville.Sasociétéd’investissementSalazar,Meyer&
Kingmanestimpressionnante.Lebâtimentoùiltravailleestnickel,éclatant,avecdegrandesfenêtresquidonnentsurlarue.Lisseetimposant,àl’imagedemonpère.
J’aitellementlesjetonsquejenesaispasquoifaire.
Papas’occupetoujoursdetout.C’estcommesij’étaisaveugleetqu’ildevaitmeguider.Ilm’adéçuàdenombreusesreprisesmaiscettefois,jenesaispasversquimetournerendehorsdelui.
J’aibesoinquemipapásoitlàpourmoi.Jen’aijamaisautanteubesoindeluidemavie.Autantquejem’ensouvienne,c’estlapremièrefoisquejesensleslarmesmemonterauxyeux.Je
lesessuiedureversdelamain.Brenda,laréceptionniste,estunefilleminceauxcheveuxblonds,avecunrougeàlèvreséclatant.Je
suisassezsouventvenuiciaucoursdesdernièresannéespourqu’ellemereconnaisseimmédiatement:lefilsvoyoudupatron.Jemefousdesétiquettes,mêmesiçamecorrespondbien,d’ailleurs.Etcommeça,lesemployésm’évitentcommelapeste,çameconvientparfaitement.
Avant même que je ne me présente à l’accueil, Brenda murmure déjà quelque chose dans sontéléphone.
Ducalme,Vic.Tupeuxyarriver.—J’aibesoindevoirmonpère.J’essaiedecontenirlestremblementsdemavoixetdemesmains.Ellemelanceunregardfaussementpeiné.—Désolée,Victor.Ilestenréunion,ilneveutpasêtredérangé.—C’estuneurgence.Jevousenprie.Dites-luiquec’esturgent.Ellereprendlecombiné.—Ilditquec’estuneurgence,murmure-t-elleensecouvrant labouche.Ilveutsavoirquelgenre
d’urgence.Iltedemanded’êtreprécis.—Jenepeuxpas.Ellereposelecombiné.—Ilditqu’ilteverraàlamaison,aprèsqu’il…Avantmêmequ’elle termine saphrase, jepars en courantde l’accueil et passedevant l’agentde
sécurité;lesdeuxprotestentderrièremoimaistantpis.J’entre sans frapper dans l’immense bureau de mon père. Quatre types, tous en costards
impeccables,sontassisautourd’unelonguetable.Dèsquemipapámevoit,ilfroncelessourcils.—Jevouspriedem’excuser,dit-ilauxquatrehommes.J’enaipouruneseconde.Ilnemeprésentepascommesonfilsmaisjem’enfiche.Jelesuishorsdelapièce.Ilal’airénervé.—Je…je…j’aibesoindetoi,luidis-je,désespéré.—Quoiencore?soupire-t-il.—C’estTrey.On faisaitdesexercicesà l’entraînementet il s’estpasséquelquechosedegrave.
Papá,j’aibesoindetonaide.Jenesaispasquoifaire.Ilmeregardeennuyé,irrité.—Victor,jesuisenpleineréunion.Çanem’étonnepasquetuaiesfaitquelquechosedemal.J’en
aimarredetesortirdupétrin.Débrouille-toietarrêtedem’importunerauboulot.Tunesaispascequec’est,tuestropoccupéàmerdertoutletemps.Peuimportecequetuasfait,grandisetarrangeça!
—Jenepeuxpas.Illèvelesyeuxauciel.—Alorstunesersàrien.Jescrutesondostandisqu’ilretourneàsonbureauetmeclaquepratiquementlaporteaunez.Jedoisfuir,faireoubliermonexistence.Jecoursjusqu’augaraged’Enrique.Isamesuitdanssonappartement.
—Est-cequejepeuxrestericiunmoment?dis-jeenm’asseyantsursoncanapé,latêtedanslesmains.
—Biensûr.Qu’est-cequisepasse?—Jen’aipasenvied’enparler.Jenepeuxpasenparler.—Tuveuxresterseul?Jeluifaisouidelatête.Unefoisqu’elleestpartie,jetrouvelecouraged’appelerMonika.Sontéléphonesonneetmonpouls
s’accélère.—Allô?répond-elled’unevoixfaible.—C’estVic.CommentvaTrey?J’entendsdesvoix.Comptetenudubruit,jecomprendsqueletéléphonepassedemainenmain.—Vic,dis-moioùtues,résonnelavoixdeJet;ondiraitqu’ilapleuré.Toutlemondetecherche.—Jevaisbien.Disauxautresd’arrêterdemechercher.CommentvaTrey?—Dis-moioùtues.—Non.Trey?Ilyaunlongsilence.—Iln’apassurvécu.Jesuisdésolé.Jen’auraispascrupossibledemesentirencoreplusmal,etpourtant…Monmeilleuramiestmort.Etc’estàcausedemoi.
Chapitre26
MONIKA
LanouvelledelamortdeTreys’estrépanduecommeunetraînéedepoudredansnotrepetiteville.Depuisquejesuisrentréedel’hôpitallanuitdernière,montéléphonen’apascessédevibrerpourdesSMSetdesappels.Laplupartmedemandentcommentjevaisetmeconfirmentqueleconseild’administrationdel’écoleadécidédereporterlematchetlebal.Jefinisparéteindremonportableetparlejeteràtraverslapièce.Ilestpresquemidietilesttoujoursaumêmeendroit.
Jen’aienviedeparleràpersonne.Jen’aienvied’êtreavecpersonne.JeveuxquetoutlemondearrêtedemerappelerqueTreyn’estpluslà.Peut-êtrequesilesgensn’en
parlaientplus,celavoudraitdirequetoutçan’étaitqu’uneénormeerreur.Siunepartiedemoiaenviedecroireàcefantasme,jesaisqueTreynereviendrapas.
Monregardtombesurmanouvellerobebleueencoresursoncintre,avecl’étiquetteduprixencoreaccrochée. L’année dernière, nous étions allés au bal avec Cassidy et Vic. Après de nombreusesdiscussions,onavaitmêmeréussi à fairedanserVic.Onpassait tousun supermoment jusqu’àcequeCassidysoitivreetvomissedanslavoiture.QuandVicétaitlà,Treyn’étaitjamaisloin.QuandTreyétaitlà,Vicn’étaitjamaisloin.
Nousavonspartagédesmomentsfoustousensemble.Aujourd’hui,cenesontplusquedessouvenirs.Mamèrequivientmevoirtouteslesdeuxheurespasseunetêtedansmachambre.—Commenttesens-tu,mapuce?Jesuisallongéesurmonlit,àregarderdanslevagueà travers lafenêtre.J’ai lesyeuxouvertset
l’espritencombré.—Jenesaispas.—Tuveuxenparler?—Non.Enparlerrendleschosesplusvraies.Jeneveuxpasaffronterlaréalitépourlemoment.Jenesais
mêmepassijedoisdireauxgensqu’onavaitrompu.J’ail’impressionquecelaterniraitsonsouvenir.—Tuaimeraispeut-êtreparleràunprofessionnel?Moncœurs’emballe.JemesouviensdelafoisoùVictorm’avaitracontéquel’assistantesocialede
l’école l’avait convoqué dans son bureau et avait voulu le faire parler des raisons pour lesquelles ilparaissait toujours en colère. Comme il refusait, elle l’a convoqué à quatre reprises avant de laissertomber.
—Non,s’ilteplaît,nem’obligepasàlefaire,maman.—D’accord. Jeneveuxpas te forcerni te stresserdavantage.Dis-moi simplement si tuchanges
d’avis.Elleentredanslapièceetsetientaupieddemonlit.Sesyeuxmarronfoncéetseslongscheveux
noirsetlissesjurentavecmesyeuxvertsetmesbouclesdanstouslessensquej’aihéritésdelafamilledemonpère.
—Tudevraisdescendremangerquelquechose,Monika.Cen’estpasbonpour tonorganismederestersansnourriture,surtoutdanstonétat.Ilfaudraquetusortesdecelitettemettesàbouger,sinontoncorpsvaseraidir.
—Jesais.Jeteprometsdedescendrequandjeseraiprête.Mesgenoux semblentdéjà avoiroublié comment sepliermais jem’en fiche.Lesdouleurs et les
souffrancesquemoncorpsmefaitsubirnesontrienencomparaisondecequejeressens.—Celairamieuxavecletemps,meditmamand’unevoixdouceetcalme.Lorsqu’ellequittelapièce,jepaniqueàl’idéequ’elleoumonpèremeposenttropdequestions,des
questionsauxquellesjen’aipasderéponse.Leproblème,c’estquepersonnenesaitcequis’estpasséentreTreyetmoicesdernièressemaines. Ilm’a faitpromettred’emporter le secretdansma tombeausujetdescachets.Pourluiêtrefidèle,jedoismentiràtouslesautres.
Treydisaitqu’ilavaitbesoindecespilules.Jecroisqu’unepartiedemoicompatissait,enraisondesmédicamentsquejeprendslorsqueladouleurdansmoncorpsesttropforteetquej’aibesoindelasoulager.Quandjemeredresse,mesosprotestent,merappelantquejen’aipasprismesmédicamentscematin.
Argh ! Jedétestemesentir impuissante faceàmoncorps, à lamortdeTreyet au faitqueVictorrefuse toutcontactavecquiquecesoit. J’ignoresi j’arriveraiàvivre toutçasans lui. J’entredans lasalledebainsetouvreleflacondemonmédicament,etdenouvelleslarmesinondentmesyeux.Ellesnes’arrêterontdoncjamais!
J’ail’impressiondetomberdansuntrounoirsansfond.
L’enterrement de Trey a lieu deux jours plus tard. J’ai reçu un appel deMrsMatthews qui medemandait d’y assister avec la famille ; je n’ai pas pu refuser,même si une partie demoi voulait luiannoncernotrerupture.Jepréféreraisresterdanslefondetfairemondeuildansmoncoin.Personnenecomprendcequejeressens.
J’arrivetôtchezTrey.Quandj’entre,MrsMatthews,lesyeuxgonflésetrougis,meprenddanssesbras.Elleal’airaussi
malheureusequemoi.—Monika, nous aimerions que tu ailles dans la chambre de Trey et que tu prennes ce que tu
souhaites,dit-elled’unepetitevoixfaiblarde.Ilabeaucoupdephotosdevous.Nousvoulonsquetulesgardes.Emportetoutcequetuveux,machérie.
—Vousêtessûre?—Maisoui.Treyt’aimait.Jesuismaladedel’entendre.Leslarmesmemontentauxyeux.JesuisdéjàalléedanslachambredeTreyd’innombrablesfois.Ilchantait,jouaitdelamusiquepour
moi.Maisenmontantl’escalieretenlongeantlecouloir,jesensuneprofondetristessem’envahir.Jemetiensdevantsaporte,àcontemplerlevieuxbois.Je tourne la poignée et pénètre dans la chambre. Tout m’est familier dans le monde tranquille,
paisibledeTrey.Lachambreparaîtvidesansluimaisenmêmetemps,jeressenssaprésence.Lesmurssontcouverts
d’affichesdeseschanteurspréférésetsestrophéesdefootballaméricainsontparfaitementalignéssursacommode.J’avanceetscrutelesphotosépingléessurletableauenliègeau-dessusdesonbureau.
Ilyenabeaucoupdenous.
Etplusieursdenosamis.Nous sommes toujours souriants sur les photos mais personne ne savait que Trey avait un côté
sombre.Ilnesavaitpasgérerlapressionquicontrôlaitparfoissavie.J’aimeraisremonterletempsetreparleravecTreydesespilules.J’auraisaimédirequelquechose
àsesparents…àquelqu’un.Maisjen’airiendit.QuandjepasselesdoigtssurunephotodeTreyetdemoiàlaplagel’étédernier,uneautrephoto
tombedederrièreletableauetatterritsurlebureau.Jelaramasse,etsoudaintoutmoncorpssemetàtrembler.
C’estunclichédeTreyetdeZaraauxcheveuxroses.Elleestassisesursesgenoux,lesbrasautourdesoncou;ellesouritàl’objectif.Treyneleregardepas.Non,c’estellequ’ilregarde,commes’ilenétaitfouamoureux.Ilmeregardaitcommeçaaudébutdenotrerelation.
Unfrissonparcourtmacolonnequandjeretournelaphotoetlisl’inscriptionaudos.PourtoujoursetàjamaisDespetitscœurssontdessinéssouslaphrase.Treyavaitl’habituded’employercesmotspourmoi.JerécupèreuntasdephotosdenousdeuxquanduneautredeTreyetZaratombesurlebureau.Cette
fois,ilss’embrassent,étendusdanslaneige.Jejetteunœilderrièreletableauetcinqautresclichésensortent.TousdeTreyetZara,dontunselfiealorsqu’ilssontdanssonlit.Trèsclairement,elleestnuesouslacouverture.
J’ailatêtequitourne,monesprits’affole.Je songe à desmilliers d’explications et d’excusesmais la véritéme frappe comme un coup de
poingdansleventre.Treymetrompaitdepuislongtemps.Jen’arriveplusàrespirer.Toutceenquoijecroyaisn’étaitquemensonges.Toutcequejesavais
deTreyétaitfaux,ycomprisnotrerelation.Jenepeuxpasenparleraveclui,iln’estpluslà.Jevoudraishurler,crier,exigerdesréponses.
Jenelesauraijamais.Jesuisperdue,fatiguée,attristée.Lavieestinjuste.Jeluiaitantdonnéet,enretour,ilm’aoffertdes
mensongesetfaitpromettredegardersessecretsidiots.Jelehais.Respireprofondément.Jemetslerestedesphotosdansmonsacetredescends,presqueentranse.Commentjouerlacopine
amoureuseendeuilquandnotrehistoiretoutentièreétaitunmensonge?JesurprendslaconversationdeMretMrsMatthewsdanslacuisine.— Ils se trompent, dit à voix basse la mère de Trey à son mari. Notre fils ne prenait pas
d’amphétamines.Ilétaitintelligentetavaittoutelaviedevantlui.— C’est ce que révèle le rapport toxicologique. Son cœur a lâché et il est mort d’une crise
cardiaque.Ilafaituneoverdose,Clara.Iln’étaitpasdéshydratéetVictorSalazarn’yestpourrien.J’aiparléàlapolicequiboucleral’enquêteunefoisqu’elleaurareçulerapportfinaldulégiste.
—Jen’ycroispas,pleure-t-elle.Jerefusedecroirequemonfilssedroguait.Jamais!J’entredanslacuisine.MretMrsMatthewssetaisentsubitement.Luiprendlescommandesetnous
pressedemonterenvoiturepournousconduireaufunérarium.Nousarrivonslespremiers.J’aidumalàregarderlamèredeTrey.Elleesthabilléetoutennoiret
necessedesangloter.Dèsquejel’entends,leslarmescoulentlelongdemesjoues.
MrMatthewsresteimpassible.Ilaccueilleleursproches,levisagesérieux,leslèvrespincées.Ilnepleurepasmaisjecomprendsquec’estunefaçade.Treyétaitprochedesonpère.C’étaitsonplusgrandfan, il assistait à tous sesmatchs et portait fièrement le tee-shirt « Parents des Rebels de Fremont »chaquefoisqu’ilserendaitàunévénementscolaire.Ilfaisaitl’élogedeTreyàtousceuxquivoulaientbienl’écouter.
Jen’aijamaisvuunetellefouleaucimetière.Ondiraitquelelycéetoutentierestlà,ainsiquelesparents, lesprofesseurset lepersonneladministratifdeFremont.LamortdeTreyacrééunevéritableondedechocetlavilletoutentièrepleurelamortd’undesesenfants.
Quelqu’unmetapotedansledos.—Salut, ditAshtyn d’une voix réconfortante avant de se pencher pourmemurmurer à l’oreille.
Commenttesens-tu?Jehausselesépaules,repensantauxphotosdeTreyetZaradansmonsac.Etlefaitquelamortde
Treyestsansdoutedueàuneoverdosequej’auraisprobablementpuempêcher.—Jenesaispas.C’estlaseuleréponsequejepeuxdonnerpourlemoment.SavoirAsh,Derek,JetetBreederrièremoimerassuremaisj’aiencoreunedrôledesensationau
fonddemoi.Enplusdecela,mesossemblentvieuxetfragiles.Cematinauréveil,j’étaisraideetjen’aipasréussiàmedétendre.J’aiprismesmédicamentsmaisilsn’ontpaseuleureffethabituel.
—OùestVic?Jemedemandes’ilétaitaucourantpourTreyetZara.—Personnen’adenouvelles,merépondJet.—Ilparaîtqu’iltraîneaveclesLatinoBlood,ajouteBree.LegangdesLatinoBlood?Non,cen’estpaspossible!JeregardeAshtyn.Elleal’airinquiètemaislemasquetrèsviteetm’adresseunpetitsourire.—Jesuiscertainequ’ilvabien.Iln’estpasavecleLB,Monika.Ceseraitdelafolie.MaisVicpeutêtrefou.Treyet luiétaientcommedeuxfrères.Vicaadmisplusieursfoisquesans
Treyilseraitsansdoutedéjàmort.Treyétaitlecalmeduduo,celuiquiamenaitVicàlaraison.MaintenantqueTreyn’estpluslà,est-cequeVicvas’enfoncer?J’ail’impressionquejevaiscraquermoiaussi.J’aimeraisqueVicsoitlàpourpouvoirluiparler,
luidirequenoustraversonstouslesdeuxunenfermaintenantqueTreyestparti.Jesuisnerveuseàl’idéedel’appeler.Qu’est-cequejepourraisluidire?
Jemeretournefaceaucercueiletsoudainladouleurconstantedansmondoss’intensifie.—C’estavecunegrandetristessequenousdisonsadieuàTreyAaronMatthews,unjeunehomme
quifutlegrandmodèledesescompagnons,clameleprêtreenfixantlecercueil.Jeplantemesonglesdansmespaumesenentendantleprêtre.Mondeuilsemêleàunefortedosede
colèreetdeculpabilité.—Treyresteraprésentenchacundeceuxquil’ontaimé.Moi,jeneressenspassaprésence.Jeressensseulementlevideetlasolitude.
Chapitre27
VICTOR
—Hé,réveille-toi!Jesuisallongésurlecanapéd’Isa,espérantdormirunpeu.Envain.J’ouvrelesyeuxàmoitiéetlavoisaccroupieàcôtédemoi.Sonvisageestàquelquescentimètresdumien.
—J’essayaisdedormir.—Tudorsdepuisunesemaine,Vic.C’estl’heurederetrouverlemondedesvivants.—Nonmerci.Quandjedors,jemevidelatêteetmesidéesnoiresdisparaissentquelquesinstants.Jeneveuxpas
rejoindrelemondedesvivants,alorsqueTreyreposesixpiedssousterre.Ellemepincelebras.—Lève-toi!—Tumefaismal!—Tantmieux.C’estfaitpour!Je retiremon bras etme relève. En regardant par la fenêtre, je réalise qu’il n’y amême pas de
lumièreau-dehors.—Quelleheureest-il?—Dixheures.Dusoir.Ellemetendunpullàcapuchegris.—Tiens,metsça.Jedoisfaireunecourse,tuviensavecmoi.—Jeresteici.—Non.Lesgensmeurent,Vic.J’aivutantd’amismourirdevantmesyeux.Onnes’enremetjamais
maisilfautavancer.—Jen’aipasenvied’avancer.J’aimelàoùjesuis,surcecanap’.—Tuvasrestersurcecanapétoutetavie?—Ouais.—Alorsrappelle-toiquenotretempsestcompté.Onvatousmourirunjouroul’autre.Autantvivre
commeunebêteetdireàlamortd’allersefairefoutre.C’estcequePacodisait.—Jen’aipaspeurdemourir.Enréalité,j’ailesboulescarj’aituémonmeilleurami.Çam’étonnequelesflicsnesoientpasà
mes trousses pourm’enfermer à perpétuité. Je lemérite. Je voulais sa vie, sa copine, son talent, sonintelligence…toutlemondevoulaitêtreassociéàTreyMatthews.
LaplupartdesélèvesdeFremontontétémisengardecontremoiparleursparents.Personneneveutêtreassociéàmoi.
—Jemedébrouillerai.—Vraiment,Vic ? Parce que tu as ton cul posé ici depuis une semaine et tu neme sers à rien.
Monikam’amêmeparlédetoichaquefoisqu’elleestvenuetravailler.—Elleétaitlà?
Je sais qu’elle était censée commencer à travaillermais je pensais qu’avec les événements, elleauraitjetél’éponge.
Isaacquiesce.—Je lui répèteque tuveuxêtreseul.L’autresoir,ellem’apriéede la laissermonter icipour te
parlermaisjeluiaiditquetun’étaispasenétat.—Jen’aienviedevoirpersonne.SurtoutpasMonika.JenedispasàIsacequej’aisurlecœur,quec’estmafautesilecopaindeMonikaestmort.Avantdepartir,elles’arrêteetsetourneversmoi.—Deuxhommesdontj’étaisamoureusesontmorts,Vic.Ondoitcontinueràvivremalgrétout.Ça
faitunmaldechienmaisjelefaistouslesjours.Ellemetouchelebras.—Jetecomprends.—Personnenecomprend.Pasmêmetoi.
Chapitre28
MONIKA
LaclassedeMrMillerestuneépreuve,surtoutquejenepeuxpasmeconcentrerfaceàlachaisevideaupremierrang:celledeVic.
—Quelqu’unsaitoùestpasséSalazar?demandeleprof.—Ilestparti,répondCassidy.Personnen’adenouvelles.Ellesetournealorsversmoi.—N’est-cepas,Monika?Jehausse lesépaules.Pourquoiest-ceque tout lemondeme regarde?D’accord, je saisoù il se
cache.Commesij’allaisledire!J’aimeraistellementqu’ilmeparle.Ilmemanque.Vicsèchedepuisdeuxsemaines.C’estdéjàassezgravequeTreynesoitpaslà.L’absencedeVic
aggraveladouleur.Jenesaispasquoifaire.Dans lecouloir, je rencontresasœurDaniavant la repriseaprès ledéjeuner.Elleesten trainde
discuteravecdesterminales.—Jepeuxteparleruneminute?Ellehausselesépaules.—D’accord.Cen’estpasfaciledeparleravecelle.OndiraitqueDaninesongequ’àpartirencourant.Ellefait
signeàsesamisdel’attendre.—Je,euh…jemedemandaissituavaisdesnouvellesdeVic.—Monpèreluiacoupélesvivresquandilestparti.—Tuluiasparlé?Ellesecouelatête.—Écoute,Monika,jen’aipasdesesnouvellesetjen’enattendspas.Ilfautquej’yaille.Avantquejenepuisseposeruneautrequestion,elles’envarejoindresesamis.Desélèvespassentdevantmoi.—TuasentenduqueVicracontaitdelamerdesurTreyavantdeleplaquerviolemment?ditl’un
d’entreeuxtoutexcitédejaser.—Çanem’étonneraitpasqu’ill’aitfaitexprès,ajouteunautre,TreyavaittoutcequeVicn’avait
pas.—Tusaiscequ’ondit:ilfautseméfierdesesennemis,maisencoreplusdesesamis!conclutun
troisième,del’équipeprincipaledefootball.—Tuvasbien?medemandeMrsGoldsmith,uneprofdebio,alorsquejefixelepetitgroupede
commères.Tuveuxallervoirl’assistantesociale?—Non.Celamerappellel’annoncequ’afaitel’assistantesocialedegarde,disponibleàtouteheurepourles
élèvesquivoudraientparlerdeleursdifficultésàdigérerlamortd’uncamarade.LamortdeTreyaeuunimpactimmensesurnotrepetiteville,dontlaviesocialetournetantautour
du football américain. Tout le monde en parle encore. Bien sûr, chaque fois que des personnes me
reconnaissent,lesdiscussionscessent.Onmetraitecommeunepestiférée,commesij’étaistropfragileetquej’allaismebriserrienqu’àentendrelenomdeTrey.
— Tu as l’air épuisée, Monika. Tu devrais parler à quelqu’un. Viens avec moi, me presseMrsGoldsmithenmeconduisantversl’administration.
—Jevaisbien.Commej’aimeraispartirencourantdansladirectionopposée.Ellemetapedansledos.—Je saisque tu traversesbeaucoupde choses en cemoment. Il fautque tudemandesde l’aide,
mêmesitun’enaspasenvie.Trèsvite,nousnousretrouvonsàl’administration.MrsGoldsmithchuchoteàlasecrétaire.—VoiciMonikaFox,lapetiteamiedeTrey.Lasecrétaireacquiescecommesiellecomprenait l’urgencede lasituationet seprécipitevers le
bureaudel’assistantesociale.Tandisquej’attends,MarissaSalazarentredanslapièce.Jem’empressedeluidemander:—TuasparléàVic?—Non.Ellesetourneets’enva.Jesuisencoreplusperduequ’avant.Moinsd’uneminuteplustard,onm’inviteàentrerdanslebureaudeMrsBean.Notreassistantesocialeestunegrandefemmerousse, lescheveuxmi-longs.Ellemefaitsignede
m’asseoirsurlachaiseenfaced’elle.—JesuisdésoléepourTrey,commence-t-elled’unepetitevoixaiguë.C’étaitunélèveexemplaire,
admirédesescamaradesetdelacommunauté.Sondécèstouchebeaucoupdegens.J’ignoresiMrsBeanajamaisparlédirectementàTreymaisnoushabitonsunepetiteville,oùtoutle
mondeconnaîtplusoumoinstoutlemondedulycéedeFremont.Ellepenchelatêtedecôtéaveccompassion.—Tusortaisdepuislongtempsaveclui.Jefaisouidelatête.— Tu veux en parler ? Je suis là pour t’écouter, te conseiller, ou juste t’offrir une épaule pour
pleurer.La dernière chose dont j’ai envie, c’est de parler, surtout à l’assistante sociale de l’école. Si je
voulaisdiscuter,j’appelleraisAshtyn.Maisàellenonplus,jenepeuxpasdirelavérité.Etjen’aiparléàpersonnedesphotosdeTreyetZaraquej’aitrouvéesderrièreletableaudeTrey.
—Jepeuxretournerencours,MrsBean?Ellesoupire.Ellevavouloirinsisterpourquejedisequelquechose,n’importequoi,maisaulieude
cela,ellepoussesachaiseenarrièreetselève.— Lemur émotionnel que tu as érigé est une étape normale et naturelle du processus de deuil,
Monika.Tuviensdeperdre tonpetitami. Jouraprès jour,celadeviendraunpeuplus facile.Fais-moiconfiance.
—Jel’espère.Mercidevousensoucier,MrsBean.Avantquejenesorte,ellemetendunpapier.— Tiens ! dit-elle en me le mettant entre les mains. Il s’agit des étapes du deuil. Lis-le tout
simplement.Tuverras,tun’aspasàvivreçatouteseule.Jesorsdesonbureauet longe lescouloirscommeunzombie ;mes jambeserrent sansbut. Jene
ressensrienencetinstant.Jebaisselesyeuxverslepapier.Celanefaitpaspartiedesétapesdudeuil.Peut-êtrequejesuisseule.
Peut-êtreresterai-jetoujoursseule.J’aimeraispouvoirparleràTrey,luidirequegardersessecretsmepèse.Toutlemondeleprésente
commeunmodèle,meditcombienonl’admirait,àquelpointilétaitparfait.Maisiln’étaitpasparfait.EtpluslesgensévoquentlaperfectiondeTrey,plusonécraseVic.Unangecontreundémon.Jebaisselatête,fixelesol;c’estplusfacilequederegarderlesgensdanslesyeuxtandisqu’ils
s’accrochentàleurvisiontorduedelaréalité.Enfindejournée,j’ouvremoncasierettrouveunefeuilledepapier.Jeladéplieetlis:
Disàmonfrèrequ’ilmemanque.Marissa
Chapitre29
VICTOR
JenesaispasdepuiscombiendejoursjevischezIsa.Jefaisdemonmieuxpourdormirlepluspossibleetignorertoutettoutlemondeautourdemoi.
Lanuitestretombée.Jem’enaperçoiscarlalumièreneperceplusparlafenêtre.—Tuvasenfinlevertoncul?demandeIsaenseregardantdanslepetitmiroiraccrochéaumurde
sonsalon.—Nan.Elleseretourned’uncoup.—Bon,Vic,passeàautrechose.Sérieux,tournelapage.TucroisqueTreyaimeraittevoirgâcher
tavie?C’estunmanquederespectenverslui,d’ailleurs.Ilauraitvouluquetuaiesdescouillesetqueturetournesbosser.
—Parcequec’estuneviedebosserici?—Biensûr.Travaillericimedonneunbut.—Quellemerde.—C’estpeut-êtrepaslemeilleurtafquet’aurasjamais,maisçavautmieuxquederesterallongé
danslenoirvingt-quatreheuressurvingt-quatre,septjourssursept,àporterlesmêmesfringuesdepuisunesemaine.
Jebaisselesyeuxversmontee-shirtetmonjeanssales.—J’aimebiencesfringues.—Bref,Vic,ceseraitbiensitunousdonnaisuncoupdemain,àMonikaetàmoi.Unechoseque
j’aiappriseaufildesannées,c’estquelesregretsnevalentrien.—Merciduconseil.—Jet’enprie.Jevaisfairelababy-sitterpourlegamind’AlexetBrittany,jerentreraitard.Non
pasquetut’enaperçoives…Isaquittel’appartementenmarmonnantd’autresconneriessurlefaitdetournerlapage.Jefermelesyeux,dansl’espoirdedormir.Envain.Etmerde!Leproblème,c’estquej’aidéjàtellementdormiquemoncorpsserebelle.J’aibesoindecourir,dem’épuiseraupointdem’écroulersurlecanapé.Jedescendsl’escalierettraverselegarage,raviqu’Isanesoitpaslà.Jenesaispasoùjevais.J’ai
justebesoindemeviderlatête.Jecoursjusqu’aulycéeetreviens,attentifàmonentouragedanscettevilleàlacon.Jesaiséviter
lesconflitscommejesaischercherlabaston.Quandjesuisderetouraugaraged’Enrique,ensueuretprêtàpioncer,jeremarqueunefillesurle
parking.Elleporteunpullàcapuchenoirquiluicouvrelamoitiéduvisage.J’aiunchocenvoyantses longscheveuxépaissortirde lacapucheetses lèvrescharnuesque je
reconnaîtraisenpleinelumièrecommedansl’ombre.MonikaFox.
J’essaiedem’enleverdelatêtesonimage:lesmainssurlabouche,entraindehurlerdedésespoiralorsquel’ambulanceemportaitTrey.Maisc’estinutile.
Putain!Jen’aienviedevoirpersonne.Enparticulier,paselle.Hélas!jen’aipaslechoix.Monikasursauteenmevoyantetsacapuchetombe,dévoilantsonparfaitvisageencœur.Elleportelamainàsapoitrineetsouffledesoulagement.—Ah,c’esttoi!À la voir si près… je ne sais pas quoi dire. Mes paumes sont subitement moites alors que je
m’arrêtedevantelle.—Qu’est-cequetufaislà?MavoixsortplusdurequejenelevoulaisetMonikatressaille.—Je,euh…suisvenueici,pour,euh…teparler.Sesyeux,d’habitudeéclatantsdevie,sontrougis.—Tun’étaispasàlacérémonie,alorsaucasoùtun’aiespaseulanouvelle,Treyaétéenterré…—Jesais.Lavoiricimefaitl’effetd’uncoupdepoignard.Treydésiraitunaveniravecelleetj’aitoutfichu
enl’air.—Toutlemondes’inquiètepourtoi.IlfautquetureviennesàFremont,Vic.Reviensavecmoi.—C’esttoilechasseurdeprimesdésignéqu’onaenvoyépourmerameneràFremont?Tuasdit
auxautresoùj’étais,cesdeuxdernièressemaines?—Non,sedéfend-elleenreculant,presqueinsultée.Personnenesaitquetueslà.—Pourquoiest-cequetuesvenue,alors?—Parcequetucomptespourmoi.Elleseraclelagorgeavantd’ajouter:—Tucomptesbeaucoup.
Chapitre30
MONIKA
Vicaunesaletête.Sontee-shirtesttachéetilalescheveuxenpagaille.Ondiraitqu’iladormidanslaruependantdeuxsemaines.Ondiraitqu’ilabaissélesbras.
—Jemefichedecompterpourtoi.Pasaprèscequej’aifaitàTrey.Jesuisétonnéquelesflicsnesoientpasvenusm’arrêterpourmeurtre.
—Tun’aspastuéTrey,Vic.C’était…J’aienviedeluidirelavérité,queTreyétaitresponsabledesapropremortmaisjenepeuxpas.—C’étaitunfichuaccident.Etjenerentreraipas,pasavantquetumepromettesdereveniraulycée
etderetournerdansl’équipedefootball.Ellenepeutpasgagnersanstoi.Ilsecouvrelesoreilles.—Jeneveuxpasparlerdel’école,deTrey,nidefootball.—Pourquoipas?Ilhausselesépaules.Jemetslesmainssurleshanches,pouressayerdememontrerautoritaire.—Tunepeuxpastecachericiàvie.—Etpourquoipas?—Parcequec’estidiot.Jefixemeschaussurescarjenepeuxpassoutenirsonregardendisant:—Treynet’auraitjamaislaisséfaireça.—Ouais,benTreyestparti,Monika.Ettudoisbiensavoirdepuisletempsquejesuisidiot.Ilsedirigeverslaportedugarageetladéverrouille,déclarantainsiqueladiscussionestclose.Je saisque lepèredeVic est intraitable avec lui.Onne luimontre jamaisqu’il est importantni
même digne d’attention, sauf pour des choses négatives ou pour sauver les apparences en public. Jecomprendsquec’estenpartiepourcelaqu’ilestaussirenfermémais jerefusequelamortdeTreynel’enfoncedavantage.
Jelerattrape.—Onatoujourslechoix.Tunepeuxpassimplementlaissertomberl’écoleetlefootball.—Si,jepeux.Etarrêtedefaireattentionàmoi.—Fais-toiuneraison,parcequetucomptespourmoi,Vic.Je tends lebraset lui touchedélicatement lamainmaisà la secondeoùmesdoigtseffleurent les
siens,jel’entendsretenirsonsouffle.Ilretiresamaind’uncoup.—RetourneàFremont,Monika.—Jesuisvenuepourt’aider.Nemerejettepas.Deslarmesseformentdanslecoindemesyeux.Personnenesaitcombienj’aimal.Vicignorece
qui s’est vraiment passé sur le terrain. Si Mr et Mrs Matthews décident de ne pas divulguer cetteinformation,ilpourraitmêmenejamaislesavoir.
Illèvelesmainsdansungested’énervement.—Rentre!Jeneveuxpasdetoiici.
Jedoisrésister.—Jerentrerailorsquetuaurasacceptédereveniraulycée.—D’accord.Unepartiedemoisedétend.—Vraiment?—Ouais.Situparstoutdesuite,jeretourneraiaulycéelundi.Jeteconseilled’acceptermonoffre,
sinonjejetteraitonculpar-dessusmonépauleetjeteferaipartir.Tun’aspaslechoix.Etpourinfo,situcriesdanscequartier,toutlemondes’enfout.
Jeplisselesyeux,medemandants’ilseraitvraimentcapabledelefaire.—Tun’oseraispas.Ilpousseunpetitrirecynique.—Tuveuxparier?
Chapitre31
VICTOR
Lundi,jesuisassisdanslesalond’IsaàfairesemblantdenepaspenseràMonikaetaumensongequejeluiairaconté:retourneraulycéeaujourd’hui.Enmeréveillantcematin,j’aipourtantenvisagédesauterdansladoucheetd’allerencours.Maiscen’étaitqu’uneidéepassagère.Detoutemanière,jen’auraipasmondiplômecommej’airatétropdecoursetnepourraisansdoutepasrattraper,alorsàquoibon?
Pilequandjevaisallumerlatélépourchassertoutepenséequitraverseraitmoncerveauinutile,IsadébarqueavecsasalopettetropgrandeetsonattitudedeLatinatoutaussidémesurée.Mince,siseulementjel’avaisenferméedehors.J’auraispufairesemblantdenepasêtrelà.
Jem’enfoncedanslecanapé.—Salut.—Ceciestuneintervention,lance-t-elleensepostantentremoietlatélé.J’enaimarredevoirton
culcollésurcecanapéànerienfaire.—J’aieudessemainesdifficiles,jeveuxjustequ’onmefichelapaix.—Jesuisdésoléequetuaiesperdutonami.Jesais tropbiencequecelafaitdeperdrelesgens
qu’onaime.Maisjecroulesousleboulotenbasettoi,tuesauxabonnésabsents.Ellefaitungestedelamainversmoi.—Ettuasunesalegueule!—Désolé.—Désolé?C’esttout?Sesyeuxnoirsmepercentcommedespoignards.—Sijeneterminepascettemontagnedeboulot,jevaisêtresurlapailleetilfaudraquejevende
cetendroit.—Jenepeuxpasbosser,là.Ellepointelatélédudoigt.—Parcequetuesassissurtonculàmaterdesdessinsanimésdébiles?J’essaiederestercalme,denepasmelaisserprendreparcequ’elledit.—Nemesaoulepas,Isa.Jen’aipasbesoindeça.—Donctucomptesêtreunclodolerestedetavie?—Pasunclodo.Jepréfère«espritlibre»!Jeveuxsurtoutqu’elles’enailleetqu’ellearrêtedemerelancerpourquejepuisserecommencerà
fairelelézard.Là,ellemefaitréfléchir.Jen’aipasenviederéfléchir,surtoutaujourd’huiqueMonikas’attendàmevoiraulycéeetquejeladéçoisenséchantànouveau.
—Tutecomportescommeunabruti.—J’ensuisun.Toi,tuétaisdansungang,Isa.Tut’yconnaisenabrutis!Elledevientécarlate.—N’osemêmepasallersurceterrain,Vic.—Jedisçacommeça…tuaspeut-êtredesastucesàmefiler.
Elles’emparedelatélécommandeetmelabalancesurletorse.Sestatouagesdegangstersontpeut-êtrepermanentsmaisellealaissélaviedecriminelderrièreellelorsquesesamissontmortssouslesballesdumêmegangauquelelleavaitjuréfidélité.
—Tun’espaslepremierquiperdquelqu’un,espècedependejosanscœur!Etellesortentrombe.Sesmotsfontmal.Tropmal.Jusqu’oùjevaisencorem’enfoncer?
Chapitre32
MONIKA
Leréveilcematinaétésimple.LaperspectivedevoirVicaulycéem’afaitbondirdulitetoubliermesdouleursauxarticulations.DepuislamortdeTrey,toutestsensdessusdessous.LeretourdeVicàl’écoleramèneraunpeudenormalité;dumoins,c’estcequejemerépète.
Jemegaresurleparkingdel’écoleetavecuncertainélan,jerejoinslecouloirdesterminales.—Salut,jelanceàAshtynetDerek,assisdevantleurscasiers.Ashlèvelesyeuxversmoi.—Tusouris.—Jesais.EllepousseDerekducoude.—Tuasvu?Mameilleureamieestcontente,aujourd’hui.—Ouais,jevoisça…répond-il,visiblementpasaussisûrqu’elle.Félicitations?Ashluitapelebrasetilaunhaussementd’épaules.—Désolé,jenesaispasquoidire!Ashlèvelesyeuxaucieletserelève.—Lesgarçonsnecomprennent rien ! Jesuiscontenteque tuaillesmieux,dit-elleenpassantson
bras autour de moi. Je m’inquiétais pour toi. Tu ne m’as pas rappelée et tes rares textos étaient sicourts…
—Jesais,jesuisdésolée.Ellebalaiemaphrased’unreversdelamain.—Tun’aspasàêtredésolée,Monika.Jenesavaispassijedevaistepousseràfairedestrucsoute
laissertranquille.Treynousmanqueàtous…Vicaussi.AshtynetVicsontbonsamis,suretendehorsduterraindefootball.Jesaisqu’elleasouffertdene
pas l’avoir à ses côtés. Lamort de Trey a laissé un vide dans notre groupe d’amis. Le fait que Vicdisparaissearendulavieinsupportable;ilfautabsolumentqu’ilrevienne.
Jenepeuxcacherlanouvellepluslongtemps.—Vicrevientaulycéeaujourd’hui.—Quoi?s’écrie-t-elle,lesyeuxécarquillés.Tuessûre?Commenttulesais?Sesquestionsfusentcommedestirsdemitraillette.—Jeluiaiparlé.—Autéléphone?—Non,jel’aivu.—Tul’asvu?Où?—ÀFairfield,quartiersud.Souslechoc,ellerestebouchebée,lessourcilsrelevés.Personnedenotreentouragenevadansle
suddeFairfield;lesruessontcontrôléesparlesgangs.—Doncilt’avraimentditqu’ilrevenait?—Ouais,ill’apromis.
Saufqu’aprèsdeuxheuresdecours,Vicn’esttoujourspaslà.Débutd’après-midi,toujoursrien.Milieud’après-midi,jecommenceàm’énervercar,detouteévidence,ilneviendrapas.Dernièreheure,j’ailarage.Aprèslescours,jemerendsàl’entraînementdepom-pomgirls.J’enairatétellement,maisjesais
queBreemesoutient.Jelaretrouvesurlapelouseàcôtédesgradins,às’échaufferaveclerestedel’équipe.—Wow!Jenepensaispastevoirici,s’exclameBreequandjelarejoins.Jeretiremonpullàcapucheetposemabouteilled’eauparterre.—Jenevoulaispasraterànouveaul’entraînement.Breeal’airconfuse.—Onpensaitquetutereposeraisdavantage,Monika.—Ehbien,mevoilà.Les fillesse taisent, lesyeuxrivéssurmoi. Je regarde l’équipeprincipaleet jemerendscompte
qu’ellessonttoutesenposition.EtCassidyRichardssetientàmaplace.—Qu’est-cequisepasse?—Cassidyteremplace.Jusqu’àcequetureviennes.—Ehbien,mevoilà.—Non,jeveuxdire…pourdebon.Maistuasratél’entraînementdesdernièressemainesetcomme
onnesavaitpasquandtureviendrais,onaconçuunenouvellechorégraphieet…Ellemefaitungrandsourireetsaqueue-de-chevalsebalanceautourdesonvisage.—Tudevrais lavoir !Elleestvraimentcool.Cassidya faitunstageenCalifornieauprintemps
dernieretonluiaapprispleindetrucsqu’ellenousamontrés.—C’estgénial,dis-jeenmeforçant.Jesuisimpatientedevoirça.Unsoupirdesoulagementluiéchappedeslèvres.—Oh,c’estsuper!Alorsassieds-toi là,m’indique-t-elleenpointantvers lesol.Ontemontre la
choréetturegardes.Tuvaslatrouvertropgéniale!Jem’assiedsdansl’herbeetobservelachorégraphiesurunenouvellemusiquequejen’ai jamais
entendue,dansuneformationenFcompliquéequidonnelieuàdesmouvementsvraimentsuperbes.Le fait est queCassidy a fait de l’excellent travail. Etmon arthriteme relance. Jememasse les
poignetsenespérantsoulagerladouleurcontinue.«Wow!»C’esttoutcequejetrouveàdireàlafindelachoré.Breeapplauditplusieursfoislesfilles…etelle-même.—Alorsçateplaît,Monika?C’estgénial,non?J’acquiesce,lecoulourdetankylosé.—C’estvraimentgénial.Breen’estpasunefillesubtile,etcettefoisnefaitpasexception.Ellenes’occupequed’elle.C’est
une demesmeilleures amiesmais parfois jeme demande si notre amitié résisterait si je n’étais pascocapitainedel’équipedepom-pomgirls.
—Jemedisais qu’onnedevrait pas la faire à l’assembléegénéraledes élèvesmais attendre leprochainmatchpourladanseràlami-temps.
Elles’accroupitàcôtédemoi.—Biensûr,ont’apprendralachorépourquetupuissesprendrelaplacedeCassidy.Àmoinsquetu
n’aiesenviedelaluilaissercommetuasratépleinde…Jel’interromps,commesicelan’avaitaucuneimportance:
—D’accord.Cassidy faitdu trèsbonboulot.C’estellequidevraitêtreà l’avant,enpositiondeleader.
—Vraiment?s’exclameCassidy,lesyeuxécarquillésetlesmainsàlabouche,commesielleavaitgagnéàlaloterie.Tuessérieuse?
Jerépondsavecfranchise.—Ouais, vous étiez super.Bree a raison. Si personne n’y voit d’objection, jeme retire et vous
laisseterminerlasaison.—Tuveuxquitterl’équipe?s’écrieBree.—Oui.À vrai dire, je n’ai aucune envie de la quittermais il est évident que j’ai été remplacée et que
personnenes’attendàcequejereviennecetteannée.Jelesobserveencoreunmoment;j’ail’impressiond’êtreuneconnaissancedontpluspersonnene
veut.Quandellesretournentauxvestiaires,jeramassemabouteilled’eauetremetsmonpullàcapuche.J’aitoujourscruquemavieétaitsurlesrails.J’avaistoutfaux.
Chapitre33
VICTOR
Jemedétested’avoirratél’enterrementdeTrey.Jen’auraispassupportédevoirlafouledegensvenusrendrehommageàceluiqu’ilsconsidéraientcommeunhéros.Ilallaitsortirmajordepromotion,intégreruneuniversitéd’éliteetdevenirquelqu’un.QuelquechosedegrandauraitpusortirdeFremont.
Aujourd’hui,Treyn’estplus.ÀFremont,onsesouviendrademoicommeleloserresponsabledelamortd’unhéros.Voilàmonhéritage.Jemesuisretenud’alleraucimetière;voirlatombedeTreyrendraittoutcelavrai.Allongésurle
canapéd’Isa,jepeuxprétendrequelemondeextérieurn’existepas.Quandjedors,j’échappeaumonderéeletoubliequemavies’esteffondrée.
Maisdèsquejerouvrelesyeux,lescauchemarsm’explosentauvisage.JenepeuxplusrepousserlaréalitédelamortdeTrey.Ignorerlefaitquemonmeilleuramigîtsix
piedssousterreprouveunefoisdeplusquejesuisunsous-homme,quejenesuispasdignedevivreàlaplacedeTrey.
Ilmemanque,putain!Aprèsavoirprismadoucheetenfilédesvêtementspropres,jesorsdechezIsaetconduisjusqu’au
cimetière.Jetrembletoutlelong,j’ail’estomacenbouillie.Jedoislefaire.PourTrey.Jen’aipeut-êtreplusaucunedignitémaisjerespectemonmeilleurami.Allersursatombeestun
minimum.Cen’estpasdifficiledela trouver.Unetonnedefleurs jonchel’herbeautourdutalusquimarque
l’endroitoùl’onaenterrésoncercueil.Envoyantlapetitecroixenboistemporaireaveclenom TREYAARONMATTHEWS,j’aileslarmesauxyeux.
Jemarchejusqu’àsatombeetunevagued’émotionsmesubmerge.J’aiunfichunœuddanslagorgequirefusedepasser,peuimportecombiendefoisjedéglutis.Putain,c’estdur!Jedétesteça.
Jebaisselatête.Qu’est-cequejedoisdire?Est-cequejedoissimplementcommenceràluiparler?Jemarmonneenessuyantunelarme:—Salut,monpote.Treyestlà,jesenssaprésence.—P-p-p-ardon!Maismes excuses ne sont pas acceptées. Comment pourraient-elles l’être puisqu’il est parti ? Il
faudraquejeviveaveccetteculpabilitélerestantdemesjours.Ilnem’absoudrajamaisdemespéchés.—Jesuisperdu.Qu’est-cequetuveuxquejefasse,Trey?Onétaitcensésêtreamispourtoujours.Pourquoiuneviesicourte?
—Tiens,jet’aiapportéça,dis-jeentendantunejolierosejaune.Jel’aicoupéed’undesrosiersd’Isa,àl’arrièredugarage.Çaneluimanquerapas,jetelepromets.ElleesttropoccupéeàrejeterlesavancesdeBernie.
Je reste planté là, à scruter le talus et à imaginer le cercueil de mon meilleur ami qui reposepaisiblementàl’intérieur.
—Tusaisquej’aibesoindetonaide.Jeneméritepasd’êtreenvie.J’aimeraispouvoiréchangermaplaceavectoi,Trey,sincèrement.
Sijemetuais,lemalheurquejeressenss’éteindrait.J’aitrahiTreyettrahimonéquipe.LesautresontperdutousleursmatchsdepuislamortdeTrey.Je
suisunlâche,jedevraisêtrecapabledelesentendremedirequejesuisunemerde,quej’aitoutgâché.C’estmafaute.Etçamerongedel’intérieur.Jen’avaisquelefootballetmescoéquipiers.Quandmonvieuxmerépétaitquejenevalaisrien,ils
étaient là pourme rappeler que je valais quelque chose.QuandCassidypubliait des conneries àmonsujet,ilsenriaientplutôtquedeluidonnerraison.
Àprésent,jenelesaiplusetjenesuispluslàpourprotégermessœurs.J’aiperdumonmeilleuramiettoutcequiétaitimportantpourmoi.
Etenplusdeça,lafillequicompteleplusdansmavie,lafillequejen’auraijamais,medéteste.Unrayondesoleiléclaireletalus.Ilaunedrôledeforme,commeunéclair.Cenepeutêtrequ’unsignedeTrey.Que signifie-t-il ? Je ne sais pas.Si les rôles étaient inversés,Trey aurait toutes les réponses. Il
avaittoujourslesréponses.Moi,jen’enaiaucune.
Chapitre34
MONIKA
—Tudiscutesavecl’assistantesocialedel’école?demandemamanquandjedescendsauréveil.—Non,pasvraiment.Pourquoi?
Ellehausselesépaules.— Parce que ton père et moi avons remarqué un changement chez toi. Tu as l’air d’avoir plus
d’énergie,etjet’aivuesourireenrentrantdel’entraînementdepom-pomgirlshier.Jenet’avaispasvuesouriredepuisdessemaines.
Ahoui,j’aioubliédelesprévenir.C’estparti…—J’aiquittél’équipedepom-pomgirls.—Quoi?—Ouais,etavantque tunedisesquoiquecesoit,c’estceque jevoulais.Moncorpsne résiste
plus.Etçanemeditplusriendepuis…tusais.Ellefroncelessourcils;ondiraitqu’elleestsurlepointdepleurer.—Jesuisvraimentdésolée,mapuce.—Arrêtederépéterquetuesdésolée.Jevaisbien,jetelepromets.Mamanmecaresselatête.—Tonpèreetmoi,nousnousinquiétonspourtoi.NoussavonsquelamortdeTreyaétéunchoc.Je
nevaispasmentirentedisantqu’onvousimaginaitvousmarierunjour,maisjesaisquetutenaisàlui.Jehochelatête.Jetenaisàluimaisjen’aipastenuassezfort.—Tuveuxquejeteconduiseàl’écoleetquejeviennetechercher?—Non.Àvraidire,j’aitrouvéunboulotaprèslescours.Elleestabasourdie.Jesensqu’ellenevapasmelâcheralorsjemensetajoute:—C’estdubénévolat!Aucentrededésintoxication.CelaferabiensurmonCVet,bon,maintenant
quejenesuispluspom-pomgirl,j’ailetemps.—Ah,trèsbien.Elleattrapesonsacetsesclés.—Situasbesoindequoiquecesoit,appelle-moi.Jeveuxquetum’envoiesunSMSpourmedire
quandturentresàlamaison.C’estd’accord?—D’accord.—Etsituasmalouqueturestesdeboutplusd’uneheure,disàtonemployeurquetuasbesoinde
conditionsparticulièresàcausedetonétatdesanté.—Compris.Çaira,maman.Net’inquiètepaspourmoi.—Jem’inquiètetoujourspourtoi.C’estbienleproblème.J’enaimarrequelesgensmetraitentcommesiTreyoumamaladiemedéfinissaient.Biensûr,Trey
alongtempsétéunegrandepartiedemavie…jusqu’àcequ’ilmetrompeetsedroguepoursurvivreàsajournée.Jemesuissentiesiseulependantquenousétionsensemblecesderniersmois;c’estcommesi
nousn’étionsmêmeplusamis.Audébut,jenevoulaispasvoirquenotrerelationchangeait.Enréalité,c’estluiquichangeaitetallaitmelaissersurlecarreau.
Est-cemonétatquim’empêchedeparleràquiconquedeladrogue?JedoiséchapperàlaculpabilitéquejeressensdepuislamortdeTrey.Quandjetravailleaugarage,
jel’oublie.J’oublied’êtretriste.Jesensquej’aiunbut.Isabelnemetraitepascommesij’étaisfragile.EllesefichequejefréquenteFremontouquej’aie
unsoucidesanté.J’adoreça.QueVicviveàl’étagenourritenmoiunfeuquimemanquait.Jen’avaispassenticefeuintérieur
depuislongtemps.Quandj’arriveaulycée,jevaisimmédiatementaubureauducoachdespom-pomgirlsetl’informe
officiellementquejequittel’équipe.Ellenesemblenisurpriseniirritée.Non,ellesouritetmeditquepourguérir,jedoismeconcentrersurmoi-même.
Quandonarriveànotrepremiercoursdelajournée,jepréviensAshtyn:—Jequittelespom-pomgirls.—Sérieux?—Oui.Mameilleureamieralentit.—Quelquechosenevapas,jelevoisbien.Jebaisselesyeuxverslesmanuelsdansmamain.—Iln’yarien.C’est justequej’ai ratédenombreusesheuresd’entraînementet l’atmosphèreest
bizarredepuislamortdeTrey.J’aibesoindechangement.—Dechangement?Quelgenredechangement?medemande-t-elleavecinquiétude.—Justeunchangement,c’esttout.—Jemefaisdusoucipourtoi.—C’estleproblème.Jem’arrêteavantdeluidirecequej’aiàl’esprit.—J’enairaslebolquetoutlemondesefassedusoucipourmoi,Ash.C’estcommesij’avaisun
nuageau-dessusdelatêteetquetoutlemondevoulaitm’apporterunparapluiepourquelesgouttesnem’atteignentpas.J’étouffe!
Jebaisselesyeux.—C’estnormalquetunecomprennespas.— Que je comprenne ou pas, ce n’est pas la question, Monika. Je t’ai demandé plein de fois
pourquoitutemassaissansarrêtlespoignets,maistunem’enparlespas.Tutecachesdetoutlemonde,mêmedemoi.
Ellehausselesépaules.—Situveuxqu’ontelaissetranquille,jetelaisseraitranquille.Sachesimplementquejeserailàen
casdebesoin.Toujours.Jelaregardedanslesyeux;jevoisqu’ellen’éprouveaucunerancœur.—Jet’aime,luidis-je.Ellemeprenddanssesbras.—Jet’aimeaussi!Elles’écarteetagiteundoigtdansmadirection.—Maisjetepréviens:jetelaisserespirer,maispasindéfiniment.Sijen’aipasdenouvellesde
toid’iciàdeuxsemaines,jeplantematentesurtapelouseettusaiscombienjedétestelecampingetlesbestioles.J’auraibesoindemameilleureamieàunmomentouàunautre.
—TuasBree.Ellemerépondavecunrirequiéclatedanstoutlecouloir.—SitucroisqueBreet’arriveàlacheville,tutetrompes.Jenesaispascequejeferaissanstoi,tu
sais.Toietmoi,onestmeilleuresamiespourlavie.Jesaisqueçafaittrèscul-cul,maisc’estvrai.Jeplanependanttouslesautrescoursdelajournée,presséequeladernièresonnerieretentissepour
quejepuissealleraugarage.Aprèsl’école,jesorsàtouteallureetfileversFairfieldretrouvermonjob…etVic.Ildoitsavoirquejenesuispaslafillesansdéfensequ’ilimagine.Jevaisluiprouverqu’ilatort,mêmesipourcelajedoisrepoussermeslimites.
Chapitre35
VICTOR
Cen’estpasfaciledeveillersurmessœurs,surtoutquandl’uned’entreellesestdécidéeàm’échapper.JecroiseMarissaàlabibliothèquedeFremont.Jevaisdanslasalled’étudequ’ellearéservée.Monpullàcapuchemecouvrelevisageautantquepossible.
—Tuvasbien?Marissameregardeetremonteseslunettessursonnez.—Jesuisextatique.—Extatique?Vraiment?Marissa,tusaistrèsbienquejecapterien.Utilisedesmotsnormaux.SonvocabulairededinguemerappelleceluideTrey.—C’estunmotnormal,Vic,rétorque-t-elledesontonhautain.Jevaistrèsbien.Ettoi?—Jesurvis,dis-jeenhaussantlesépaules.J’aimequeMarissanefourrepassonnezpartout,qu’ellenecausepasdeproblèmesetneposepas
tropdequestions.—CommentvaDani?—Elleafuguéilyaquelquesjours.Maiselleestrentréehier.Papaétaitfurieux.—Tum’étonnes!JemedemanderapidementsielleestpartieavecBonk,quiprofiteraitbiendufaitquelegrandfrère
nesoitpaslàpourlaprotéger.—Toujourspasdenouvellesdemaman?—Non,ricane-t-elle.Ellenerentrerajamais,tusais.JesavaisquemamannequitteraitsansdouteplusleMexiquemaisjen’enavaisjamaisdiscutéavec
messœurs.Nonpasquecelaauraitarrangé leschoses.Mais lesavoir,c’estunechoseetenparler larendtellementplusconcrète.
JeneveuxpasqueMarissasesenteabandonnée.Jesuispeut-êtrepartiphysiquementmaisjerestesongrandfrère.
—Qu’est-cequejepeuxfairepourtoi?Ellemeregardedesesgrandsyeuxbrunsinnocentsmaisacérés.—Jenetediraipasquejen’aipasbesoindetoi,ceseraitmentir.Daniabesoindetoi,elleaussi,
mêmesiellenel’admettrajamais.Ellesoupire.—Maistoiaussituasbesoindefuir,exactementcommemaman.J’espèresimplement…Etsavoixs’éteint.—Quejereviendrai?—Oui.—Jeveilleraitoujourssurtoi,manita.—Jelesais,dit-elleenserelevantetenremettantsonsacàdos.Maispromets-moiunechose.—Quoidonc?Ellem’adresseunpetitsourire.
—Jesaisquecequis’estpasséavecTreyt’achoqué,maisilfautquetutereprennesetquetusoisheureux. Si cela exige que tu ne reviennes jamais à la maison, je comprends.Maman aussi en avaitbesoin.
Êtreheureux?Çan’ajamaisétémonbut.—Est-cequetoi,tuesheureuse?—Jesuisextatique!répète-t-elleenriant.Cetéchangeavecmasœurmelaisseunnœudentraversdelagorge.Jelaserrefortdansmesbras.—Situasbesoindemoi,appelleetj’accours.Elles’agrippeàmoi.—Jesais.Faisattentionàtoi,Vic.Ondiscuteencorequelquesminutesetjequittelabibliothèque.Encheminverslegarage,jerepense
auxparolesdeMarissa.Elleveutquejesoisheureux.J’ignorecequeçasignifie:bonheurnefaitpaspluspartiedemonvocabulairequ’extatique.
Letravailaugaragem’offreuneformed’accomplissement.EtlasimpleprésencedeMonika,lavoiràl’autreboutdelapièce,mecalmecommerienaumonde.
Peut-êtrequelacombinaisondesdeuxmepermettrad’approchertantbienquemallebonheur.
Chapitre36
MONIKA
J’entredanslegaraged’EnriqueaveclafermeintentiondeparleràVicaujourd’hui.Ilsecachedansl’appartementd’Isatandisquejeresteenbas,incapabledemeconcentrerensachantqu’ilestsiprès.Isamedemandedefairedutravailadministratifetdenettoyerlegarage,ellenemefaitpasencoreassezconfiancepourtoucherauxvoitures.
Aujourd’hui, elle était censée entamer ma formation de mécano. L’autre type qui travaille ici,Bernie,s’estfaitvirertantdefois,jenecomprendspaspourquoiilcontinuedevenir.
Maisaujourd’hui,Bernien’estpaslà.Isaestpenchéesouslecapotd’unevoitureavecquelqu’und’autre…untype.Unevagued’excitation
metraverseàl’idéedevoirVic.Jetienslatêtehauteetlanced’unevoixassurée:—Jesuisprêtepourmonpremierjourdeformation.Le type lève la tête.Cen’estpasVic. Iladescheveuxnoirsqui lui tombentsur lefrontetunair
assuréquimefaitpenseràlui.—Maisilfautd’abordquejeparleàVic,situesd’accord,dis-jeàIsa.—Jeveuxbien,maisiln’estpaslà.—Ahbon?Bonsang!D’aprèscequem’aracontéIsa,ilestrestécoincédansl’appartementàl’étagedepuis
l’accident.—Oùest-ilallé?—Pas lamoindre idée, répond Isa en faisant un signevers lemur.Si tu es prête à travailler, tu
trouverasunbleuparlà.Mets-lepournepastesalir.—Merci.J’attrapelebleudetravailetl’enfile.L’odeurdeparfumpourhommemélangéeàcelle,familière,
d’ungarçonémanede la tenue… leparfumdeVic. Je regarde alors l’étiquettebrodée sur ledevant :VICTOR.
C’estétrangemaisjeressensuneforcesupplémentaireenleportant.Commesiàlasecondeoùjel’enfilais, jegagnais l’assurancedeVic.Savoirque je le remplacealorsqu’ildoutaitdemoime rendplusdéterminéeencore.
JerejoinsIsaetletypequil’aideaveclavoiture.J’essaiedeneplussongeràVicetàsessortiesmaisjenepensequ’àlui.Oùpeut-ilbienêtre?
—Jesuisprête!leurdis-je.Mettez-moiauboulot.Lesdeuxmedévisagent.—Tut’yconnaisenvoitures?medemandeletype.—Pasvraiment.Ilrelèveunsourcil.—Tusaiscommentchangerl’huile?Unpneu?L’heureestvenuedediretoutelavérité.
—Jesaismettredel’essence.Etc’estàpeuprèstout.Jen’aipeut-êtrepasbeaucoupdepratiquemais j’aivuunevidéosur la façondechanger l’huile.Et sur lapermutationdespneusmêmesi jememélangedanslesdétails.
Letypericane.—Isa,tuasengagéunmécanoquin’yconnaîtquedalleenbagnoles!—Jesais.Maiselletravaillegratuitementpourlemomentalorselleferal’affaire.Isatapel’épauledutype.—Tupourraisluiapprendredeschoses,Alex.J’aiconfianceentoi.Aprèstout,c’esttoiquim’as
toutapprissurlesvoitures.—J’apprendsvite!Etmonpèrem’aapprisàconduireavecunetransmissionmanuelle.Iln’estpasimpressionné.—Jepeuxbienluimontrercommentchangerl’huile,leliquidedetransmission,etlesplaquettesde
frein.—Tueslemeilleur,ditIsa.J’aioubliédefairelesprésentations.Monika,jeteprésentemonami
Alex.Nousavonsgrandiensemble.C’estungénieenmatièredevoitures.Ellebaisselesyeux.—Enréalité,cetendroitauraitferméilyabienlongtempssisafemmeetluin’avaientpasétélà.Alexsecouelatête,commes’ilneméritaitpasceséloges.—Noesgrancosa.C’estBerniequit’abeaucoupaidéemaistuestroptêtuepourlereconnaître.—Nedispasquecen’estpasgrand-chose,insisteIsa.C’estbeaucoup.Cematin,quandj’aiparléà
BrittanydeVicetdetouslesproblèmesaugarage,jenem’attendaispasàcequ’ellet’envoieici.Tudoisétudierpourlafac,Alex.Britettoin’avezpasbesoindeveniràmarescousse.Vousavezungamindontilfauts’occuper,ettafemmeestenceinte!
J’aipitiéd’Isa.Ellejouelesduresmais,l’espaced’uninstant,elleamontréqu’elleestvulnérableettriste.J’aimeraislaprendredansmesbrascommeAshtynetmoifaisonslorsqu’onestdéprimées,maisj’auraispeurqu’Isanemetapedessus.Ellem’intimidemaisj’aimeça;ellenemetraitepascommeunepetitedivafragile.
—Net’inquiètepas,répondAlex.Britetmoivoulonsaider,alorstravaillependantquej’apprendscertaineschosesàMonika,qu’ellenerestepasplantéelààfairenada.
Isame laisseentre lesmainsd’Alexaprèsavoirannoncéqu’elleavaitunecourseà faire.Jesuisnerveuse car je ne suis absolument pas qualifiée pour réparer des voitures. C’est rassurant qu’Alexm’aide.Celan’apasl’airdeledéranger,d’ailleurs.
Jeregardeànouveaulenomsurmapoitrine:Victor.IlafaittoutcequiétaitensonpouvoirpourdissuaderIsadem’engager.Treynecroyaitpasquejepouvaismesalirlesmains,luinonplus.Jenevaispas me laisser influencer. Leur manque de confiance ne m’empêchera pas de prouver à tous, et àcommencerparmoi,quej’ensuiscapable.
—Suis-moi,ditAlexquimeconduitaumilieudugarage,oùsetrouveunegrandeboîteàoutils.Jedoist’apprendrelesfondamentauxpourchangerl’huile.
Tandis que nous passons sous une voiture, je mets la main sur la tête, comme si cela allait meprotégerencasdechutedelavoiture.
—Etsilavoituretombeetnousécrase?—Çan’arriverapas.Lelevierestsolide.J’yjetteuncoupd’œil.Jenesuispasconvaincue,côtésécurité,maisAlexfaitcommes’ilsefichait
desefaireécraserparunemassedemétald’unetonneetdemie.
—Tiens,dit-ilenallumantunelampetorchesouslavoiture.Tudoisd’abordtrouverlavisdepurgesurlecarterd’huile.Tulavois,là?
Jepasselamaindansmondospoursoulagermacolonnevertébrale.—Non.Ilgémittrèslégèrement.—Donne-moitamain,dit-ilavantdeplacermesdoigtssurlavis.Tulasens?—Oui,jelasens.—C’estbon,Fuentes!Jeprendslerelais,résonneunevoixfamilièreàl’entréedugarage.Vicfaitunetêtesombre.—Siquelqu’unvamontreràMonikaquoifaireparici,ceseramoi.
Chapitre37
VICTOR
Quandjerentredanslegarage,AlexFuentes,untypequiestalléaulycéeavecIsa,setientsousuneBuickpourmontreràMonikacommentchangerl’huile.CeneseraitpasgravesiFuentesressemblaitàunogreousic’étaitcelourdinguedeBernie,maiscen’estpaslecas.
Aucontraire!Cependejoressembleàunmannequinouunacteur,etilfaitressortirsesmusclesdanssonmarcel
noir.QuandsamaintouchecelledeMonikapourluiapprendre,mespoingsseserrent.Jen’aijamaisvuAlexauparavant.C’estlecousind’Enrique.Ilparaîtqu’ilétudielamédecineouun
truc du genre à Northwestern. Autrefois il venait plus souventmais c’était avant que je commence àtravaillerpourIsa.
—Ah,vraiment?s’exclameAlex.Parcequed’aprèscequem’aracontéIsa,turestesàl’étage,lesfessesposéessurlecanapé.Jesuisvenudonneruncoupdemainparcequetun’enfouspasune.
IllaisseuninstantMonikasouslavoituretandisqu’ilvachercherunbidon.—Jet’emmerde!Iln’apasidéedecequejetraverse.Jenevaispaslelaissermejuger,luiouquiquecesoit.Alexsefigenetetsetourneversmoi.—Qu’est-cequetuviensdedire?—Je-t’em-merde!—Vic,arrête,intervientMonika.Ilaraison.—C’estbon,Monika.Çaal’aird’amuserAlexquequelqu’unosedéfieruntypecommelui.—Écoute-moibien,amigo,fait-ilenserapprochantdemoi,tubossesoututecasses.Compris?Onsefixel’unl’autreunmoment.—Victor,faitMonikasuruntonmenaçant.J’aimerais soutenir le regard de Fuentes mais la voix de Monika résonne dans mes oreilles.
D’instinct, jevoudrais cogner lepremier, surtout avecunmeccommeFuentesquinecéderapas.Mesveinessegonflent.Jemefousqu’ilsoitbalaise.Jen’aipaspeur.Onpeutsefoutredessusici,maintenant.
Treyn’estpluslàpourlaprotégerdetoutetdetoutlemonde…àprésent,c’estmonboulot.Jenepeuxpasladéfendresiellem’enveut,alorsj’abandonnelepremier.Mesyeuxtombentsurlebidonqu’iltienttoujoursàlamain.Jeleluiarrachedesmainsetlèvelesyeuxaucielsoussonregardsatisfait.—Tume rappellesmoi quand jeme prenais pour une racaille. Jem’enflammais tout le temps !
Attendsqu’unefilledébarque,elletemettraàgenoux.Lesmecscommetoinesontpasimmunisés,güey.—Ouais,ouais.Jesuisbiencontentqu’ilaitunefemmeetungossepourl’occuperetl’empêcherdeveniricinuitet
jour.—Jen’airienàvoiravectoi.—Situsavais!
JepassesouslavoitureàcôtédeMonikaquiportemonbleudetravail.Ilesttropgrandpourellemaisqu’est-cequ’elleestcanon!Ondiraitunecouverturedemagazine.
—Jen’aipasenviequetumeservesdeprof.Jepréfèrequecesoitlui.Qu’est-cequej’aimeraisvirercesouriredébileduvisagedeFuentes!—Pourquoi?—Parcequ’ilestgentil.—Jesuisgentil.—Non,tunel’espas.Tum’ascomplètementabandonnée.Tuveuxsavoircequejepense?—Non.—Trèsbien,jeteledisquandmême.Jecroisquetut’esisolépourpouvoirrejeterlesgensautour
detoietoublierlavieetlaréalité.Devinequoi,Vic.J’aimal,moiaussi.JedoisgérerlamortdeTreytoutcomme toi,alors si tuesprêtà rejoindre lemonde réeletàmeparler,d’accord.Mais si tuveuxcontinueràvivredanslenoiretlasolitude,alorsdisparaisdemavue.
Alexéclatederire.—Andasbien,Vic?Elleadesacréshuevos.Faisgaffe.—Occupe-toidetoncul,Fuentes.—D’accord,d’accord.Jevais travaillersuruneautrevoiture, là-bas.Si tuasdessoucisavecta
chica,fais-moisigne.Jeneluiprécisepasquec’étaitlachicademonmeilleurami,paslamienne.Quand il est assez loinpournepasnousentendre, jeme tourneversMonika.Elleadescheveux
devant lesyeuxetde lagraissepartoutsur lesdoigtsàcausedufiltre.Ondiraituneprincessetombéedanslaboue.
—Tiens,dis-jeenluitendantuneserviette.Tuaslesmainssales.Elleprendlaservietteavecréticence.—Tuvasm’écouterpendantquejetemontrequoifaire?Ellelèvelementon.—Onverra.—Tucommencesàterebeller,Monika.—J’aipeut-êtredécouvertdeschosesquimerendentamère.—Commequoi?Ellene répondpas. J’aimerais toutpartageravecelle, luidirecomme jem’enveuxhorriblement
pourcequej’aifaitàTrey.Maisj’ensuisincapable.Je luimontrecommentchanger l’huile.Ellesuitmes indicationscommeunrobot.Nous terminons
troisvoituresavantquejenelaregardechangerl’huiletouteseule.Puisjeremarquequ’ellesetientledos.
Jeluisuggèredefaireunepause,maisellerefuse.Nousneparlonspasdelaseulechosequenousavonssansdoutetouslesdeuxàl’esprit :cequi
s’estpassésurleterrainquandTreyestmort.Jesuissûretcertaindenepasvouloirenparler.Jeseraisprêtàmecouperlesjambessicelapouvaitramenermonmeilleurami.JedonneraismavieenéchangedecelledeTrey!
J’essaie demaintenir une distance avecMonikamais en réalité, je ressens toujours ce lien entrenous.Quellemerde!Jesuislàpourluiapprendreàdevenirunbonmécanoetpourlaprotéger,riendeplus.
—Jem’envais,lanceAlexauboutd’unmoment,letéléphoneàlamain.Mafemmem’envoiedesmessagespoursavoirquandjerentre.DitesàIsaquej’aidûpartirmaislaFordestterminéeetlaMonte
Carloavaitbesoind’unenouvellecourroie,jem’ensuisoccupé.Monikaluifaitunsigne,avecungrandsourireamical.—Çam’afaitplaisirdeterencontrer,Alex.—Àmoiaussi!Àplus,Vic.Ilsort,nouslaissantseulsdanslegarage.Nousvoilàdonc,Monikaetmoi,seuls.Jemeraclelagorgeetmarcheverslaboîteàoutils.Ellemesuit.Jepeuxsentirsaprésence.—Jepeuxdirequelquechosesansquetut’énerves?demande-t-elle.—Balance.—Tuprometsdenepast’énerver?—Ouais,vas-y.—Reviensaulycée,Vic.SitunelefaispaspourtoioupourTrey,fais-lepourl’équipedefootball.
Ondevaitarriverauchampionnatd’Étatcetteannée.Onaperdulesdeuxderniersmatchs.Situavaisétélà…
Jel’interrompsenjetantuneservietteparterre.— Quoi ? Si j’avais été là, on aurait gagné ? Trey était le plus rapide. Trey marquait des
touchdowns.Moi,jeplaquecommeuncon,c’esttout.Jenesuisqu’unidiotderobot.N’importequipeutprendremaplace.
—Cen’estpasvrai.Jet’aiobservé,tusaislirelejeudesquarterbacks,Vic.Ondiraitquetusaisd’instinctcequevafairel’équipeadverse.
Elleramasselaserviette.—Etmalgrécequetupeuxpenser,tuneserspasqu’àplaquer.Toutlemondet’admire,parcequetu
jouesencroyantquetupourrasgagnerchaquematch.Lesautressontperdussanstoi…etilsperdentsanstoi.
—Tunecomprendspasquejenesuisqu’unsportifstupideetinutile.Jecommenceàpartir.Ilfautquejem’enaille,quejeremonteàl’étageoùjepeuxm’isoler.Jeme
suisconvaincudevouloirl’aider,defaired’ellelemécanoqu’elleveutêtre.Pourlaprotéger.Maisjemesuismenti.J’aiproposédel’aiderpourmerapprocherd’elle.J’aienvied’êtreprèsd’elleentouteoccasion,ni
pourTreynipourquiquecesoit.Elleestlàpouruneautreraison.Elle est là pour accomplir des choses dont Trey la croyait incapable, dont on la croyait tous
incapable.ElleestlàpourmeconvaincredereveniràFremont.Ellen’estpaslàpourserapprocherdemoi.
Jesuisuncrétin.—Oùest-cequetuvas?s’écrie-t-elle.Ilfautquejegardemesdistances.Sinonjeseraitentédeluidirecequejeressens,delaprendre
dansmesbras.—J’aibesoindeprendrel’air.—Arrêtedevouloirfuir!Tun’espasunraté,Vic.Tuasdessentiments.Exprime-lesaulieudetout
garderàl’intérieur.—Jenepeuxpas.SinonjetrahiraisTrey.—Jeneressensrien.
Ellemeregardedroitdanslesyeuxàprésent.Jem’attendsàcequ’ellemerépètedeparlerouderetournerencours,pourmonbien.Jem’attendsàcequ’ellemedisequejedoisaiderl’équipedefoot.Jem’attendsàcequ’ellesoitencolèredemevoirdécevoirtoutlemonde,ycompriselle.
Maisellenelefaitpas.Aulieudecela,ellesemetsurlapointedespiedsetpassesamaindansmescheveux.—Si, tu ressens des choses,murmure-t-elle enme tirant à elle pour caresser ses lèvres douces
contrelesmiennes.Etjevaisteleprouver.Diosmío.J’aiembrasséMonikadesmilliersdefoisdansmatête.Jen’avaisjamaisimaginéçacommeça…
seslèvresdoucesethumidescontrelesmiennes,sesmainsdansmescheveux,etsonsouffledouxquisemélangeaumien.
Lefaitestquemoncorpsréagitàsonbaiser,àelle.Elleatoujourseuuneemprisesurmoimaisjesavaisquejenepourraisjamaisl’avoir,parloyautéenversTrey.
Ohmince!Cen’estpaspossible.Etpourtant.Etjen’aipasenviequeças’arrête.Toutesmesinquiétudesetmespenséess’effacent.Jenemeconcentrequesurcequisepasseiciet
maintenant.Celafaitsilongtempsquejen’aipasressenticettepaixintérieure;jen’enrevienspas.Ellegémitalorsquesabouches’ouvreetsalanguecherchelamienne.Jesensuncourantélectrique
passerdansmesveinesquandnoslanguessecroisentetglissentl’unecontrel’autredansunedanselenteetsensuelle.Songoûtestsibonquejepourraiscontinuerpendantdesheures…oupourtoujours.
J’imagineleparadiscommeça.Jelèvelamainetcaressesanuqueaveclepoucetandisquenouscontinuonscommesinousavions
envie de ce baiser toute notre vie. Il y a quelque chose de sexuel ! J’ai l’impression de vivre monfantasme.Justeàl’embrasser,moncorpsréagitdefaçonincontrôlée.
—Oh,Vic,gémit-elle.J’étaistellementperdue.J’aibesoindetoi.Merdealors.Elleabesoindemoi?Laréalitévientdememettreuneénormegifle.OnparledeMonika,lafilleinatteignable,pourdescentainesderaisons.Jesuisresponsabledela
mortdemonmeilleuramietmaintenantjesuisentraind’embrassersacopine.Jevioletouteslesrègles,touslescodes,toutesleslimitesjamaiscrééesouenvisagées.J’aiplusenvied’ellequederespirer,maiscelan’aaucuneimportance.
Jedoisfaireuneffortsurhumainpourm’éloignerd’elleetbrisercelien.—Qu’est-cequ’onfait?dis-jed’unevoixrauquededésir.Onestdingues!TueslacopinedeTrey,
Monika.Jel’aituéetmaintenant,j’embrassesanana…Jem’essuieleslèvresdureversdelamain.—…c’étaituneerreur.Ilnes’estrienpassé.Ellereculeetm’observedesesgrandsyeuxvertclair.Sonregardpassetrèsvitedelapassionàla
gêne.—D’accord,répond-elleenhochantlatête.Ilnes’estrienpassé.
Chapitre38
MONIKA
J’aienviededirelavéritéàVic,qu’iln’estpasresponsabledelamortdeTrey.J’aienviedeluidirequeTreyetmoiavionsrompu.
J’aienviedeluidirequeTreysedroguaitetmetrompaitdepuislongtemps.LecorpsdeTreyalâchéàcausedeladrogue.Lavéritépèselourdsurmesépaules.«TueslacopinedeTrey»,m’aditVicàl’instant.Maisjen’étaisplussacopine.Jen’aipasenviedeternirlaréputationdeTreymaiscacherlavéritéaufonddemoimetue.Vicestlaseulepersonneavecquij’aienviedediscuter.S’ilsavait…Maisilignoretout.Etjenepeuxpasluienparler.Aulieudecela,jel’aiembrasséetluiaiditquej’avaisbesoindelui.Quejesuisbête!Impossibledefairesemblant:Vicpréfèreoubliernotrebaiseretçamedétruit.Lafaçondontils’est
essuyélaboucheavecledosdelamain,commesij’allaisluirefilerunemaladiecontagieuse,m’afaittressaillir.
Lefaitestquej’aivraimentbesoindelui.Quandilmetourne ledosetquitte legarage, jevoudrais luicrierderevenir.Aulieudequoi, je
restefigéesurplace.Jepasselesdoigtssurmeslèvres,sentantencorenotrebaiser.Moncorpsn’apasétéaussivivant
depuisdesmoiset jene ressensaucunedouleur.Monadrénalinedoit atteindredes sommetscar jeneremarquemêmeplusladouleurlancinantedansmondosetmespoignets.
J’entendsunemotos’éloignerdugarage.Vics’enfuitunefoisdeplus.—Lâche…Alorsquejeresteparalysée,Isaapparaîtàlaporte.—Salut.C’estVicquivientdepartir?—Oui.—Oùest-cequ’ilva?JenepeuxpasregarderIsadanslesyeux,sinonellesauraqu’ilsepassequelquechose.Surtoutque
deslarmesvontbientôtcouler.—Ilaparléd’unciné.—Vraiment?—Quelquechosedanslegenre.—Mmh…fait-elleavecunpetitsourire.Bon,jevaisfairesemblantdetecroire.Çateva?—Ceseraitsuper.Isafaitungesteversmatenue.—Lajournéeaétélongue.Jeteproposedereposertonbleuetderevenirdemain.J’observe lesvoituresalignées, attendantqu’ons’occuped’elles.L’entouraged’Isaveut l’aiderà
garderlaboutiqueouverte,alorsmêmequ’elleavouenepasêtreexperteenvoitures.—Pourquoiest-cequetugardescetendroit?
Cen’estpasletravailleplussimplequisoit,nileplusglamour.—Parrespectpourceluiquimel’alaissé.Elleregardesesmainscouvertesdegraisse.—Ilvoudraitquejesoisheureuse.Cetendroitestmonrepère,ildonneunsensàmavie.Jenesais
pas.Sanslui,jeseraissansdouteencoreàtraîneraveclesLatinoBlood.—Doncgrâceàcegarage,tunet’attirespasd’ennuis?Ellefaitungesteverssonjeansmaculé.—Jemesalisici,maisçam’évitelesennuis.Monika,toi,tueslegenredefillequines’attirepas
d’ennuis.Jenecomprendspascequetufaislà,sinonpourêtreavecVic.—Jen’aipasenvied’enparler.Ellenecèdepas.—Jel’auraisparié.Peut-être,jedisbienpeut-être,quetucherchesàt’attirerdesennuisavecmon
cousin.
Chapitre39
VICTOR
J’aiembrasséMonikaFox.Non,cen’estpastoutàfaitvrai.Ellem’aembrassé.Moijesuisd’abordrestéplantélà,choquéetconfuscommeuncrétinencorepuceau.Sescheveuxavaientleparfumdesfleurs,seslèvreslegoûtdumiel,etsesgémissementsm’ontrendufou.
C’étaitencoremieuxquedansmesrêves,etdeloin.Comment jemesuis retrouvédanscette foutuesituation?Monikaauraitdûêtrechezelle,pasau
garaged’Enrique.Jenemeseraispasretrouvéseulavecelleetn’auraispasfaitdeschosesquejedoiseffacerdemamémoire.
J’ail’impressiond’êtreungaminamoureux.Moncœurbatàtoutevitesse,jesuissurvoltéetlesangfusedansmespartiesrienqu’ausouvenirdesesdoigtsquim’agrippentlescheveux.
Papaavaitraison.Jesuispathétique.Malgrécequej’aiditàMonika,avoirdésertémonéquipepèsesoudainementlourdsurmesépaules.
SavoirquelesautresontperdutousnosmatchsdepuisladisparitiondeTreymefaitl’effetd’uncoupdepieddansleventre.Enplus,nonseulementjesuisresponsabledelamortdemonmeilleuramimaisj’aiembrassésacopine.Onnefaitpasdepirependejoquemoi.
Mavien’estqu’unesuccessiond’emmerdes.Jeroulejusqu’àlatombéedelanuit.Lesombresmouvantesetlescrispersistantsdansl’ombreme
rappellentquecettevillen’estpassûre.JenecroispasquemipapásoitjamaisvenudanscettepartiedeFairfield.Ilrelèvelenezdevantlespauvres,commesic’étaitunehontedelasociété.
L’ironie,c’estqu’ilvivaitdansleghettoquandilétaitpetit.J’entredansunbarloucheenborduredeville.L’endroitn’estpasfaitpourlesfaibles,surtoutquand
ilyadesmembresdegangéparpilléspartoutprêtsàsebattre.—Qu’est-cequetuprends?medemandeleserveur.—Unepression.Ilfautquej’oublieMonika,l’équipe,Treyettoutcequis’estpassé.Ilfautquej’oubliequej’existe.Mebourrerlagueule,voilàunebonneidée!Nemedemandantpasmacarted’identité,etmêmepasmonâge,ilmetendunepinteavecunebière
dégueu.Aprèsquatrepintesdeplus,cetrucdevientplutôtbon.—Hé!lanceuntypeenmetirantparl’épaulepourmieuxmevoir;ilporteunjeansetunmarcel
taché de bière. Tu n’es pas le gamin qui a buté ce joueur de Fremont, Trey Matthews, pendantl’entraînement,ilyaquelquessemaines?
Jenerépondspasetretourneàmabière.—Charlie,fileunautreverreaugamin!Ilnousabienrenduserviceenmettantcejoueurd’élite
danslatombe.Je ne lui laisse pas la chance d’esquivermon poing. Il finit par terre, jeme fais sortir par deux
videursetjetersurleparkingengravier.Toutestflou.Enfin,toutsauflevisagedecetypeaprèsavoirdéblatérédestrucssurlamortdeTrey.
Jem’assoisparterreetlemondesemetàtournoyer.Jesuisbourré.Jepeuxbienroulersurlamotojusqu’augaragemaishonnêtement,jenesuispassûrd’yarriversans
tomberouvomir.Jedécidedemarcher,cequimegonflevuqu’Isahabiteàl’autreboutdelaville.Fuirverscebarmoisi,tuparlesd’uneidéedemerde!Jemetraîneàl’intérieurdugaragevingtminutesplustardetmonteàl’étage.Isaestassisesurle
canapésurlequeljedorsdepuisquelquessemaines.Jemedisquejeferaismieuxdel’ignorercardèsquej’ouvrelabouche,moncerveaunetrouverienàdire.
—Tuétaisoù?—Nullepart,dis-jeenm’affalantsurlecanapé.—Tuesivre?—J’espèrebien.—Qu’est-cequeDaniouMarissapenseraientsiellestevoyaientcommeça?—Jem’enfous.—D’accord,alorsrépondsplutôtàça,faitIsadontlabrutalitémesecouecommeunetornade.Etsi
DaniouMarissarevenaientivrescommetoiencemoment?Jesuispeut-êtrebourrémaiscen’estpastrèscompliqué.—Jeleurbotteraislecul,àellesetàlapersonnequilesafaitboire.—Exactement.Elleselèveetmeregardedroitdanslesyeux.—Laprochainefoisquetuteprendsunecuite,situosesneserait-cequesongeràvenirchezmoi
après,c’estmoiquitebotterailecul.—Situt’encroiscapable,Isa,vas-y!Jem’allongecarj’ailatêtequitourneetj’aienviedevomir.—L’alcoolneréglerapastesproblèmes,cousin.Etçanetemènerapasàl’université.J’aibeauavoirlongtempsrepoussél’idée,lavéritéc’estquejen’iraipasàlafac.Detoutefaçon,je
n’en aurais probablement jamais eu l’opportunité.Aumieux, j’en aurais intégré unegrâce au football,maisjemeseraisfaitvirerauboutd’unsemestre.
Monikaneméritepasuntypecommemoi.Treyétaitlegenredemecquipouvaitluioffrirunavenirstable,contrairementàmoi.Jedoisluiprouverquejesuisl’opposécompletdeTrey.Jeneméritenisesbaisersnisonattention.
Jenemériterien,àl’heurequ’ilest.Toute ma vie se résume à ce quartier sud de Fairfield, à travailler dans un garage automobile
vieillot. Je n’ai pas envie d’affronter la réalité. Jeme répète que je peux veiller surDani etMarissamêmesanshabiteràlamaison.
Quandmonvertiges’arrête,jeressensunecertainesérénité,quimedonnelaforcededirelavéritéàIsa.
—J’aituémonmeilleurami,jedéclareenm’enfonçantdanslecanapémarron.Etj’aiembrassésacopine.
Macousinerelèvelessourcils.—Tué?Vic,j’ailulejournal.C’étaitunaccident!—Ah,tucrois?Jevoulaisêtrelui,Isa.Jevoulaissavie,jevoulaissonfoutucerveau.Etjevoulais
sacopine.Isaposeunecouverturesurmoi.—C’étaitunaccident,Vic.Riendeplus.J’ensuissûrecarjeteconnais.Onalemêmesang.
Jesecouelatête.—Onestliésparlesang,çaneveutriendire!Jesuisliéparlesangavecmonpèreetilneme
supportepas.Aprèscettesoirée,jenepensepasqueMonikamesupporteranonplus.—JepensequeMonikat’aimebien,Vic.—Tuesfolle.Folleàlier.Isaéclatederire.—Cen’estpasmoiquiboispouressayerd’oublierlaréalité,Vic.C’esttoi.—C’estclair!—Unjourtuteréveillerasetturéaliserasquetugâchestavieàavoirpeur.Maisputain!—Jen’aipeurderien.—Ouais,ouais.Continuecommeça:unjour,tufinirasbienparycroire.
Chapitre40
MONIKA
J’évitelegaraged’Enriquelerestedelasemaine.J’aidestiraillementsdansleventreenmedemandantsiVicvam’appeler,cequ’ilnefaitpas.Ladéceptionetladouleurpèsentsurmapoitrine,ellesrestentlàcommeuncancer.
C’était idiot de l’embrasser mais sur le moment, je voulais juste sentir sa force et sa chaleur.D’accord,j’aivouluétablirunlienémotionnel,etphysique.L’espaced’uninstant,jevoulaisoublierlepasséetnesongerqu’auprésent.
Quejesuisbête!Vendredisoir,jenevaispasaumatchdefootball.Non,jeresteàlamaisonetm’allongesurlelit.Je
ne peux pasm’arrêter de penser à Vic et à la façon dont il m’a regardée après notre baiser. Il étaithorrifié, comme si cela changeait tout et qu’il avait besoin de fuir. Autrefois, nous étions amis et ons’entendaittrèsbien.Ilatoujoursétéd’unehonnêtetébrutaleavecmoi,mêmequandceladevaitmefairemal.
Àcetinstant,j’aimeraisretrouvercettehonnêteté.J’aimeraisretrouverl’ancienVic.—Çava?demandemaman.Jehausselesépaules.—C’estàcausedeTrey?Tonarthriteterelance?Onpeutdemanderauxmédecinsd’augmenterla
dosesi…Jemerelèvedoucement.—Jen’aipasbesoindeplusdemédicaments,maman,vraiment.Etcen’estpasàcausedeTrey.Jenevaistoutdemêmepasluidirequec’estàcaused’unautregarçon.Sonvisageinquietmefaitregretterdemesentiraussimalcesoir.Lefaitestquemoncorpsmefait
souffrirmaisça,jepeuxgérer.J’ailemoralenbernecarj’aidessentimentspourquelqu’unquineveutpasdemoi.
— Tu ne veux pas aller au cinéma avec papa et moi ? demande maman avec un sourire pleind’espoir.
—Non.Faites-vousunesoiréeenamoureux.Çaira.—Etsituappelaisunecopine?—Toutlemondeestaumatchdefootball,maman.—Ah,j’avaisoublié.D’un côté, elle doit être soulagée que je quitte l’équipe, car elle craignait que je ne poussemon
corpstroploin.Maismaintenant,tousmesamissontoccupéspendantlesmatchs,melaissantspectatriceoutouteseuleàlamaison.
—Çaira,jetepromets.Allezaucinéavecpapa,amusez-vous.—D’accord,maissituasbesoindequelqu’un,tum’envoiesunmessage.Jegarderaimontéléphone
surmoi.—D’accord.Mesparentss’envontetjerecommenceàscruterleplafond.
Chapitre41
VICTOR
Samedi,jemeregardedanslemiroiretpenseàmescoéquipiers.Ilsontencoreperduhier.J’aiécoutélematchàlaradiolocaleetj’aitressaillichaquefoisqueFremontlâchaitleballonouquelesreceveursrataientuneréception.Monikapensequej’ignoretoutdecequiarriveàl’équipemaisj’aisuivisesstatistiquessemaineaprèssemaine.
C’estmafautesielleaperdu.J’aimerais pouvoir parler à l’équipe, dire aux autres de la jouer fine et de ne pas trop cogiter à
chaquephasedejeu.Qu’ellegagneenl’honneurdeTrey,qu’ellejoueautantaveclecœurqu’aveclatêtepourdémolirlesautreséquipessurleterrain.
Maisjenepeuxriendire.JesuissansdoutelemecleplusdétestéàFremont.Monikamehaitdéjà.Jefermelesyeuxenpensantàelle.Rienquel’imaginermerassure.
Mêmesiàcausedemaréaction,ellenemeregarderaplusjamaiscommeellel’afaitaprèsm’avoirembrassé.Elleaditqu’elleavaitbesoindemoi.
Ellenesaurajamaiscombienj’aibesoind’elle.
Chapitre42
MONIKA
—Debout.Onestsamedisoiretj’avaisprévuderesteraulittoutelasoiréeàjouersurmontéléphone.Enfin,jusqu’àcequeAshtynetBreenedéboulentchezmoi.
Breetientunverreremplid’eaujusteau-dessusdemoi.—J’aiditdebout,Monika!Maintenant!Jeremetslacouverturesurmatête.—Pourquoi?Ashtirelacouverture.—Parcequ’onadécidéquetuvenaisauClubMystiqueavecnous.—Non,dis-jeensecouantlatête.Jen’iraipasdanser,pascesoir.Peut-êtreplusjamais.Jen’aipasenviededansernid’écouterdelamusique.Onyallaitsouvent.Le
ClubMystique laisse entrer lesmineursmais sans élastiquemarquéMAJEUR, pas d’alcool. Ce n’étaitjamais un problème. Quand Ash, Bree et moi sommes ensemble, on n’a pas besoin de boire pours’éclater.
—Si,tuviens!décrèteBreedontlesénormescréolesenargentsebalancentàchaquecoupdetête.Jeconnaislevideuretilnouslaisseraentrerdèsqu’onarrivera,onn’aurapasbesoindefairelaqueue.Tuenasbesoin,Monika.
JelanceunregardàAshtyn,quiatoujoursétélavoixdelaraison.Ellevacertainementserendrecomptequec’estunemauvaiseidéedemefairesortir.
—Ash,nem’obligepas.Mameilleureamie,cellequimesoutienttoujours,attrapemacouvertureetlajettedulit.J’auraisdû
mesouvenirqu’ellejouaitdansl’équipemasculinedefootballaméricain;cen’estpasunefaibleetelleaétéentraînéeparlecoachleplusexigeantduMidwest.
—Désolée,Monika,Breearaisoncettefois.Turestescoincéedanstachambre,ilfautquetusortesetquetut’amuses.Pasd’excuse!
Jeprotesteenfrottantmesmainsl’unecontrel’autredansl’espoirdesoulagerladouleurtoujoursprésentedansmesarticulations.
—Jen’aipasenviedem’amuser.J’aijusteenviederesterallongéeicietdememorfondrelerestedemavie.
—Ouais,bençac’estpourleslosers!Etjesuistropcoolpourtraîneravecdeslosers,faitBreeenreposantsonverred’eaufataletenscannantmapenderie.Alorslèvetesfessesetprendsunedouche,tusenslevieuxsushi.Onpartdansuneheure,quetuportescesurvêtpourrioupas.
—C’estconfortable!—Confortable,çanousintéressepas.Ilnousfautquelquechosedesexy!déclareBreeentendant
unepetiteroberougedontl’étiquetteestencoreaccrochée.Écoute,onestlàpourtesauver.Maintenant,tuaslechoix:tufaistaloqueoutuviensavecnous.Alors?
Parfois,ilfautsortirdesazonedeconfortpoursesentirvivant.C’estcequeVicnousaditquandilaplongédansl’eauglacéedulacMichigan,l’hiverdernier.
Jeluiaiditqu’ilétaitfou.Enretour,ilm’asoulevéeetm’afaitsauteraveclui…touthabillée!Treyari,jusqu’àcequeVicle
tireàsontourdansl’eau.Vicmerépétaitque jemenaisuneviesûreetprévisible.J’essaie lapetite roberougequeBreea
choisiepourmoi et j’aimeraisqueVicmevoie en cet instant.Ce soir, jenevaispas la jouer sûre etprévisible.Jevaissortir,oublierTreyetsessecrets.JevaisoublierVicetseslèvreschaudes,lapassionquiémanepartoussespores.
Jeprendsunedouchepuismeregardedans lemiroir.Alorsque jemepenchesur le lavabopourmettreducrayonsurlesyeux,mondosmelance.Jeprendsunepilulepourlesoulager.
JemedemandecequefaitVicencetinstant.Ilnem’apascontactéedepuisquejel’aiembrassé.Leregretpèsesurmapoitrine,surtoutquejen’arrivepasàmelesortirdelatête.
Qu’est-cequinevapaschezmoi?Laseuleidéed’embrasserVicallumeunedrôledesensationdanstoutmoncorps.Jen’aipasenvie
deressentirquoiquecesoitpourlui,maisessayerd’ignorercequisetrameentrenousn’effacerien.J’aimeraisqu’ilm’enparleplutôtquedefairesemblantquejen’existepas.Avantquenousnesortionsdemachambre,BreeetAshm’observent.Ellesignorenttotalementmes
histoiresdecœur.—Tuesmagnifique,s’exclameAsh.Maintenantsouviens-toi,lanuitt’appartient.Amuse-toi,lâche-
toi,oublielesemmerdesetconcentre-toisurtonbonheurpourunefois.Promets-le-moi.Jeluiadresseunsourirebienfaux.—Jetelepromets!Cettesoiréeestfaitepourmoi,pourquejesortedemazonedeconfortetquej’oublieVicettoutle
reste.Jeprendsuneprofondeinspiration.Jepeuxyarriver.Jecrois.QuandonarriveauClubMystique,delamusiquerésonnebruyammentdel’intérieurdelaboîteetil
yaunetonnedegensquifontlaqueueàl’entrée.Lesfillesenrobessexy,maquillagesombreetcheveuxlongssontlégion.Jem’intègretrèsbienetl’antidouleurcommenceàfaireeffet,jemesensplaner.
Soudain,j’aimeraisqueVicsoitlàavecmoi.Ilatoujoursl’airsûrdeluientouteoccasion.C’esténervant,d’ailleurs.J’aimeraisêtreaussisûredemoi.Jepeuxdonnerlechange,celadit.Breeprenddescoursdethéâtre.Elleditqu’ilfautdevenirlepersonnagequel’onjoue.Ilfauts’investirsinonrien.
Cesoir,jevaism’investirdansmonrôle.Jepeuxlefaire.JepeuxêtrecommeVic,sûredemoi.Jen’auraipasdeproblèmeàmefondredans
lamasse.Deuxfillessurletrottoirsedirigentverslaboîte.Ellesontlescheveuxtoutlissesetdesfauxongles
trèslongs.Avecleurstalonshauts,ellesmedominentcomplètement.QuandoncoupelafilepourparlerauvideurqueBreeconnaît,onnousjettedesalesregards.Mais
Brees’enfiche,surtoutqu’onentreimmédiatementdanslaboîte.Dès qu’on arrive dans l’entrée bondée, on nousmet un verre à la main. C’est un type vraiment
bronzéentee-shirtmarquéFANDEFUMETTE.—Tenez,cadeau!Ashtynsepencheversmoi.—Neleboispas.Ilyasansdouteunproduitdedans.
Elleprendmonverreet levidedansuneplantedansuncoinmaisBree, elle, est sur lepointdeboirelesien.
—Bree!hurlé-jepar-dessuslamusiqueenluiprenantleverredesmains.Ets’ilyavaitunproduitdedans?
—Alorsallonsprendredesbonsverres,lebarestparlà!Elle sort des braceletsMAJEUR qu’elle a piqués à son ami videur. Elleme prend lamain etme
conduitaubar,sousleregardflippantdufandefumette.Lenombredegensconfinésdansunespaceaussipetitdoit représenterunvraidanger.Çasent la
transpiration,labièreetl’herbemélangées.Laplupartd’entrenousn’ensortirionspasvivantss’ilyavaitunincendie.
Jemefraieunchemindans la foule, tenantBreed’unemain,Ashtynde l’autre.Lamusiqueest sifortequemesoreillesbourdonnentetlesbassesfontvibrerlesol.
Trèsvite,Breeflirteavecleserveurquinousapporteunpremiertourdeshots.Puisundeuxième.Puisuntroisième.—Ilfaudraquej’appelleDerekpourqu’ilnousramène,s’écrieAshtyn.J’ailatêtequitourne.—Moi,çava.J’aimelachaleurquimetraverselecorps.Jen’aipasdedouleur,absolumentaucune.—Tuveuxdanser?medemandeungarçonauxcheveuxbrunsenbataille,avecdelabièrequicoule
desonmenton.Euh…—Non,merci.—Vadanser,Monika!lanceBreeenmepoussantversletype.Pourquoi je me retrouve dans cette situation ? Ce n’est pas comme si je n’avais jamais bu
auparavant.J’aidéjàbu.C’estjusteque…jen’aibuquequelquesfoisavecmesamis.Jamaisaumilieud’unefouled’inconnusdansuneboîtedenuit.
Ilmetraînesurlapisteetoncommenceàdanser.J’essaiedenepaspenseràsesmainssurmatailleouaufaitqu’ilvientjustedemetoucherlesfesses.Jem’éloignemaisilmetireàlui.
—Allez,soissympa,medit-ilàl’oreille.JenesuispasdouéecommeBreepourfairesemblant.Jeprendssamain,cellequ’ilserreautourde
monbras,etlegriffe.—Salope!crie-t-ilpar-dessuslamusique.Ilmelâcheetjefonceàtraverslafoule,trébuchantdeuxfoissurlechemin.Jecroisquejesuisivre.Soudain, j’aperçoisunefilleavecdescheveuxroseclairet jedessaoule immédiatement.Dansun
coin,elleavaleunepilulejaune.Quandnosregardssecroisent,elleplongedanslafoule.—Zara!Jecrieaussifortquepossibleenfaisantdemonmieuxpourlasuivredanscettemaréehumainequi
boitetquidanse.L’espaced’uneminute, je crois l’avoir perduedevuemais soudain j’aperçois ses cheveux roses
alorsqu’ellefuitdanslestoilettes.Sansperdredetemps,jemefraieuncheminverselle.Pasdecheveuxrosesenvue.Elledoitêtredansunecabine.
—Hé,Zara!Ilfautquejeteparle.Jenepartiraipasavant.Alorsuneportes’ouvre.ZaraHughes…lajoliefillesurlesphotosavecTrey.Pourtoujoursetà
jamais.—Tusaisquijesuis?
Elleal’airnerveuse,lesyeuxrivéssurlaporte.Est-cequ’ellecomptes’échapperpouréviternotrepetiteconversation?
—Ouais,jesaisquitues,répond-elle.Desfillesdanslaqueuepourlestoilettesnousécoutent.Impossibled’avoirunpeud’intimitéalors
jevaisfaireçaicietmaintenant.—Je,euh…Jeréfléchisàlasuitemaismoncerveauestembrouilléetavoirdupublicmeperturbe.JeregardelescheveuxrosesdeZara,seslèvresroses,etsapeauparfaite.Contrairementàceque
j’aimerais croire, elle n’a riend’une traînéeoud’unemanipulatrice.Elle a l’air triste, comme si ellevenaitdeperdrel’amourdesavie.
Jen’aipasbesoindelaquestionner.Rienqu’envoyantleslarmesquiluimontentauxyeux,jesaislavérité:elleétaitamoureusedeTrey.Etd’aprèslesphotosquej’aivuesdanslachambre,jesaisqu’ilétaitamoureuxd’elle.
Jeplongelamaindansmonsacetsorslesphotos.—Tiens,jelesaitrouvéesdanslachambredeTrey.Elle accepte les photos avec hésitation.Une larme coule sur sa joue tandis qu’elle les passe en
revueuneàune.—Merci,dit-elleenlespressantcontresapoitrine.JeparsquandZaracrie:—Jesuisvraimentdésolée,Monika.J’acquiesceet,aprèsuncertaintemps,metourneverselle.—Moiaussi.Deretoursurlapiste,j’aperçoisAshtynetBreeavecungroupedeFremont.Ellesmefontunsigne
delamainettandisquejemedirigeverseux,untypeenpullàcapuchegrismerentrededans.Son visage est en partie couvert par sa capuchemais je le regarde et sa tête se lève lentement,
révélantdesyeuxd’unnoirflamboyant.Jeretiensmonsouffle.Je suis encore assez sobre pour savoir que ces yeux noirs ne peuvent appartenir qu’à une seule
personne.VictorSalazar.
Chapitre43
VICTOR
Jen’aiqu’uneenvie:quittercetteboîte.Maisjenepartiraipassansmasœur.ClubMystique…Combiendefoissuis-jevenuiciavecmesamis?Lecluboùlesadospeuventsemêlerauxadultes.
Ungringoavecuntee-shirtmarquéFANDEFUMETTEvientmevoir.—Tuasdequoifumer?Fumer?—Non,jecherchequelqu’un.—Commetoutlemonde,mec!Quelqu’unmetapotel’épauleetcriequelquechosequejen’entendspasàcausedelamusique.Jemeretourne,énervé.—Putain,c’estquoiton…Malangueoubliedefonctionnercardevantmoisetientunedéesse.MonikaFoxnepourraitjamais
sefondredanscettemassemêmesiellelevoulait.Sescheveuxlongsetboucléssontmagnifiques,sonvisageéblouissantetsonauraattiretouslesregards.
Àcommencerparlemien.Celadit,ellealeregardvitreuxetondiraitqu’ellevatomber.Jel’attrapepourlasoutenirmaiselle
viremamaind’uncoup.—Nemetouchepas!bredouille-t-elled’unevoixpâteuse.—Tuessaoule.—Jesuispompette,répond-ellelentement.C’estpaspareil.—D’accord,commetuveux.Je jetteunœilderrièreelleetaperçoismasœurdansuncoindelaboîte.Bonkasesbrasautour
d’ellecommesielleluiappartenaitetmonsangnefaitqu’untour.—Jedoisyaller.—Évidemment,tuestrèsbonpourfuir.Jenerépondspas.—Nem’ignorepas,Vic.—Jenet’ignorepas.Jevoudraisluidirequec’estpoursonbienquejelalaissetranquillemaisellenemecroiraitpas.Ellem’attrapel’épauleetmetireversellepourquejel’entende.—Jenepartiraipasetjenetelaissepaspartir!Tunepeuxpastecacheréternellement.J’abandonnemamissionpoursauverDanietprendsMonikaparlamain.Ellelaretire.—Oùest-cequetum’emmènes?—Dehors.—Peut-êtrequejen’aipasenvied’allerdehors.Ellesetordlecoupourvoirlapiste.—JesuisvenueavecBreeetAshtyn.Mesamies.
—Ettuvaspartiravecmoi.Jelareprendsparlamainetlaconduisdehors.Elletrébucheplusieursfois,s’emmêlantlespieds.—Tuasbucombiendeverres?—Jesaispas,répond-elleentenantunemainenl’aircommesiellesefaisaitarrêter.Assezpour
mesentirvraiment,vraiment,vraimentbienetvraiment,vraimenténervée.—Tuesdéchirée!—Pasdutout!Bond’accord,unpeu.Jenesaismêmepaspourquoiçam’affecteautantquetusois
làoupourquoiçam’embêtequetumedétestes.—Jenetedétestepas,luiassuré-jeàvoixbasse.Monikalèvelatête,àlafoisencolèreetdéfiante.—Jet’aiembrasséettun’enavaisrienàfoutre.Tuasmêmeditquec’étaituneerreur.Moi,jete
déteste.Elleseredresseetmeregardedroitdanslesyeux.Houlà,jenesuispassortidel’auberge.Surtout
qu’elletrébucheenarrièreetjedoislarattraper.Monikajetteunœilauxgensquimarchentautourdenouspuismeregardeavecsesyeuxbrillants.—Tuesentraindefoutretavieenl’air.Treytecasseraitlagueules’ilsavaitcequetuesdevenu.Elleplisselesyeux,attendantmaréaction.—Vic,jem’enfoussitumedétestesoupas.Moi,jetedéteste.—Ouaisben,tantmieuxsitumedétestes.—Pourquoi?—Parcequeturesteslacopinedemonmeilleurami.Voilàpourquoi.—Salut ! lance quelqu’un autour de nous.Mais c’estVictorSalazar ?Dis, j’ai vu ta sœur avec
MatthewBonk.Ilss’embrassaientprèsdubar.Oh,merde!—Fautquej’yaille.JetiensMonikaparlesépaulesetlaregardedanslesyeux.J’aienviedelasentirànouveauprèsde
moi,deluidirequejeserailàpourellequoiqu’ilarrive.Maiscelacompliqueraittoutsij’étaishonnêteavecelle.
—Jedoisyaller.Maisjenepeuxpastelaisserlàcommeça.—Vas-y.Va-t’en.Jen’aipasbesoindetoinidetesbaisersdébiles.Ellerepoussemesmains.—Tuesbonàfuirquandlesgensontbesoindetoi.C’esttaspécialité.—Tunecomprendspas.Treyetmoiétionsmeilleursamis.Jemesensplusabattuquejamais.—Jenepeuxpas…jenepeuxpas.—TunesaisriendeTreyetmoi!s’exclameMonika.—Jesaisqu’ilt’aimait.—Tusaisquedalle,Vic!Tut’esfaitavoir,exactementcommemoi.TucroyaisconnaîtreTreymais
c’étaitunétrangerpourtoicommepourmoi.Elleregardeversl’entréedelaboîteoùattendentBreeetAshtynquiluifontsignedelesrejoindre.
Maisàcetinstant,Ashtynmereconnaîtetvientnousvoir.—OhmonDieu!s’écrieAsh.Jenel’aipasrevuedepuisl’accidentmaiscen’estpaslemomentdediscuter.Pasmaintenant.—Occupe-toid’elle,Ash,dis-jeenluiconfiantMonika.—Attends,tut’envas?
Chapitre44
MONIKA
—Tuesdéjàtombéeamoureusedequelqu’unquetudétestais?dis-jeàIsapendantqu’ontravailleensemblesurunevoiturelelundisuivant.
—Oh,chica,jesuistombéeamoureusedepleind’hommesquejedétestais.—C’étaitqui,tonpremiercopain?Elleposesacléàmoletteetsoupire.—Ils’appelaitPaco.Nousn’étionspasofficiellementensemblemaisj’avaisdix-septansetj’étais
folleamoureusedelui.J’imaginaisnotremariage,nosenfants…—Qu’est-cequis’estpassé?—Ils’estfaittuer.Ellerenifleplusieursfois,reprendlacléàmoletteetseremetautravail.—Jesuissortiedugangaprèsça,maiscelanel’apasramené.—Jesuisdésolée.—Moiaussi,répond-elleenmejetantunregarddecôté.Alors,qu’est-cequisepasseentremon
cousinettoi?Lesangmemonteauxjoues.—Rien.—Nefaispasgenrequ’iln’yarien.Jevoisbiencommenttuleregardes.—Onestjusteamis.Bon,cen’estpastoutàfaitvrai.—Pourlemoment,jeledéteste.Nousnesommesplusvraimentamis.Ellemefaitunsignedetêteentendu.—Alex,viensvoir!Alexquinousaideencoreaujourd’huis’éloignedelavoituresurlaquelleiltravaille.—RaconteàMonikacommentvousvousêtesaimésaupremierregard,Britettoi.—Ha!Jeladétestais!dit-il.Etellemedétestaitaussi.Onvenaitdedeuxmondesdiamétralement
opposésetjepensaisquenousétionstropdifférents.Ilrit.—Quiauraitpusavoirquec’étaitmonâmesœur!—Moi,répondIsa.—C’estvrai,dit-ilenriantànouveau.—Entantquegarçon,tuasunconseilàdonneràMonika?—Ouais.Mafemmerepoussaittoujoursmeslimites.Çam’adonnéenviedemedépasser.J’essaiederepousserleslimitesdeVicmaisaulieudesedépasser,ilbaisselesbras.Soudain, la porte du garage s’ouvre.Bernie apparaît dans un costume surmesure, un bouquet de
rosesàlamain.—Tureviensd’unenterrement?plaisanteIsa.—Non,répondBernie,trèssérieux.Jesuisvenupourmonrendez-vousavectoi.
Isarecule.—Jet’aiditquejen’acceptaispasderendez-vous.Alex,pasunmot!—Jen’airiendit,Isa.Bernieluitendlesfleurs.—Accepteunrendez-vousavecmoi.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?—Parceque…Isajettelesfleursdanslapoubelle.Ellecommenceàs’éloignermaissoudainretourneàlapoubelle
etlesressort.—Tuesunenfoirédemefaireça,Bernie!—Jeveuxjustet’aimer.—Ouais,bentouslesgarsquej’aimecrèvent.Tuasenviedemourir?—Jen’aipaspeurdemourir.Etjen’aipaspeurdetoi.Sorsavecmoi.—J’aiduboulot.—Jet’aideraiàrattrapertonretard.—Jet’aiviré,crétin.Isa parle durementmais sa façon de tenir l’énorme bouquet, comme si c’était la clé du bonheur,
trahitsesvraissentiments.—Tu auras beaume virermille fois, je reviendrai à chaque fois. Toi etmoi formons une belle
équipe.Accepteunrendez-vouscesoir.Situveuxquejetelaissetranquilleaprès,alorsj’ysongerai.—Fais-le,renchéritAlex.Donneunechanceàcepauvregringo.—Jenet’aipasdemandétonavis,Fuentes.Alexhausselesépaules.J’aipeurdedonneràmontourunconseilàIsa–ellerisquedemehurlerdessusoudemevirersur-
le-champ.—Ilnevapaslâcherl’affaire,luidis-je.Etcesfleurssontsuperbes.Isasoupirebruyamment. Il lui fautun longmomentpour répondre.Enfin,elledéglutitetditd’une
petitevoix:—Bon.Laisse-moiletempsdemechanger.—Netechangepas,l’arrêteBernieenluiprenantlamain.Jeteveuxcommetues.—Quetuesbête.—Jesais.Jepariequetun’esjamaissortieavecquelqu’uncommemoi,Isa.Laisse-moitedire,les
typescommemoifontlesmeilleursmaris.Isalèvelesyeuxauciel,puissetourneversmoitandisqueBerniel’entraîneàl’extérieur.—SituveuxvenircesoirparleràVic,tupeux.Jerentreraitard,j’imagine.Jememordsnerveusementlalèvreinférieurealorsqu’ellemelanceuneclédugarage.—Tuessûre?—Tusais,s’ilyabienunepersonnequipeutlesortirdel’ombre,c’esttoi.—Commentlesais-tu?Isam’adresseunclind’œil.—Jenesaispasgrand-chosemaisjesaisquetuluifouslesboules.Etc’estlegenreàn’avoirpeur
derien.
Vingt-troisheures, jesorsdechezmoiavec lesmotsd’Isaetd’Alexencoreà l’esprit. Jecompte
trouverVicetlepousserdanssesderniersretranchements,coûtequecoûte.Ilvavoirqu’ilestentraindepasseràcôtédesavie.
Jedoisaussisavoirsilessentimentsquej’aipourluisontréelsouimaginaires.Je roule jusqu’à Fairfield, le cœur battant et lesmains tremblantes. Jem’agrippe au volant pour
masquermonangoisse.Mesarticulationsmefontsouffrir,j’aiététenduetoutelasoirée.Jeme gare devant le garage puis entre. Une faible lueurmontre le chemin vers l’appartement à
l’étage,devenulacavernedeVic.Jevaismonterquandunevoixrésonnedansl’ombre.—Monika?JemetourneausondelavoixdeVic,appuyécontrelecapotd’unevoiture.—Vic,ilfautqu’onparle.—Dequoiveux-tuparler?demande-t-ilens’approchantdemoi.—Detrucs.Detrucsimportants.—JeneretourneraipasàFremontalorséconomisetonsouffle.—Jesais,dis-jeenleregardantdroitdanslesyeux.Ilfautqu’onparlesérieusement.Je rassemble assez de courage pour être honnête avec Vic sur tout. Je me suis retenue trop
longtemps.JevaistoutsortiretdireàViccequejeressens.Mêmesiceladoitl’éloignerdemoi.
Chapitre45
VICTOR
LefaibleéclairagedelaruequiperceàtraverslesvitresdépoliesdugarageoffreassezdelumièrepourvoircequeporteMonika.
J’essaied’oublierlefaitquenoussommesseuls.Jenesaisabsolumentpaspourquoielleestlà.Peuimportecequ’elleveut,jedoisresterinsensibleetdétaché.JenevaispasentraînerMonikadansmaviemerdique.
Elleapproched’unevieillecamionnetterouillée.—Jetravaillesurcevéhicule,cestemps-ci.—Cool,dis-jeenobservant lacamionnette.Jesaisque jemesensutilequand j’arriveà réparer
quelquechosedecassé.Tudoisressentirlamêmechose.—Àproposdechosescassées…jevoulais tedemanderquelquechose.Est-cequetusavaisque
Treymetrompait?—Non,c’estimpossible.TreyétaitfoudeMonikadepuislepremierjour.Quandilsontcommencéàsortirensembleilyades
années,onadûétablirunelimitedefoisoùilpouvaitprononcersonnomouparlerd’elle.Jetsemoquaitbiendelui,d’ailleurs.
—Alorstuneleconnaissaispassibienqueça.C’étaitmonmeilleurami,évidemmentquejeleconnaissais.Ilyaplusieurschaisesalignéesdansla
zoned’attentedugarage.Jem’assoissuruned’elles,lesjambesallongées,etobserveMonika,lesyeuxplissés,alorsqu’elletraverselegarage.
VoirMonika à côté de la camionnetteme donne l’impression d’un papillon à côté d’une vieillechaussure.Lesdeuxne semélangent pasmais ony trouveune certainebeauté.Elle se retourne etmesurprendàl’observer.
—Soishonnêteavecmoi,medit-elle.Honnêtement,j’aienviedelaprendredansmesbras.Maispourl’heureiln’yaqu’uneseulechose
honnêtequejepuissepartager:—Jevaisêtrehonnête,jen’aimepaslefromageindustriel,j’aimeceuxquicoulentbien.Saboucheserecourbeensourire.—J’étaisentraindetedirequeTreymetrompait.—Jenesuisaucourantderien.Moi,jeteparledefromage.—Jen’aipasenviedeparlerdeteshistoiresdefromage.JeveuxparlerdeTrey,parcequetoiet
moinepouvonsavancertantquetunesauraspaslavérité.TreymetrompaitavecunefillenomméeZaraHughes.Tulaconnais?
—ZaraHughes?Elle se redresse et prend une profonde inspiration, comme si elle se préparait à recevoir des
mauvaisesnouvelles.—Raconte-moitout.Nemecacherien.
—D’accord.Jelaconnais,Treyluiécrivaitsouventmaisildisaitqu’ilsétaientjusteamis.EllevaàFairfield.
—Oùest-cequ’ilssesontconnus?—Jenesaispas.AufestivalLollapalooza,jecrois.Ellehochelatêteendigérantl’information.— Il était amoureux d’elle, Vic. J’ai trouvé des photos d’eux qui datent du début de l’été. Il la
regardecomme…disonsqu’ilnemeregardaitpluscommeçadepuislongtemps.Je fixe la boîte à outils. Franchement, je n’ai pas envie qu’elle analyse la façon dontmoi je la
regarde.Çameperturbelecerveau.TreyaimaitMonika.D’accord,ouais,ilparlaitdeZaraetpeut-êtrequ’il
lavoyaitdetempsentemps,mais…Jen’aipasenviedecroirequeTreyfaisaitdessaloperiesdansledosdeMonika.Commentaurait-il
pu?Pourquoiaurait-ilfaitça?Monikaestunefilletrèsfidèle,dévouée,quiadonnéàTreytoutcequ’unmecpeutdésirer.Onpeutcomptersurelle,elleestdrôle,intelligente…sansoubliersublime.
C’estlafilledontonfantasme.—Iln’étaitpasparfait,tusais,murmure-t-elled’unevoixvulnérableetdouce.Jel’admirais.Ilavaitlaviedontj’aitoujoursrêvé.Desparentsattentionnés,untalentinnépourle
sport,etunespritqui rivalisaitavecceluid’Einstein.Etpourcouronner le tout, il sortaitavec la filleparfaite.
—J’auraissus’ilcouchaitdanstondos,Monika.Iln’auraitjamaispumelecacher.—Tutetrompes.Ellepenchelatêtedecôtéetunrayondelumièrebrilledanssesyeuxétonnés.Jenepeuxpassupporterça.Pasici,pasmaintenant,quandjeressenslebesoindelaréconforter.Sesyeuxseremplissentdelarmesetdecolère.Non,jenesupportepasdelavoircraquer.Çame
tue.—Vic,avantsamort,Treyetmoiavionsrompu.Ilvoulaitquejegardelesecretjusqu’aubal.—Non.Jem’avanceverselleetcueillesajouedansmamain,lapressantdeleverlesyeuxversmoi.—Treyvoulaitquetusoisheureuse.Ilt’aimait.Samaindouceettièdemonteetm’attrapelepoignet.—Ilessayaitpeut-êtredemerendreheureuse,maiscen’étaitpasvrai.Ilm’aoffertlarelationdont
ilcroyaitquejevoulaismaiscen’étaitqu’unefaçade.Ilm’atrompéependantlongtemps.DepuisNoël,peut-êtremêmeavant.
Jecamouflemoncombatintérieurenreculantpourcréerunedistanceentrenous.—Jenesaispasdequoituparles,Monika.Treyt’aim…— Arrête ! hurle-t-elle. Trey Matthews n’était pas le saint que tout le monde imagine. Il m’a
manipulée,m’afaitcroirequ’ilétait fidèle,mais ilnel’étaitpas.Ilm’afaitpromettredeprotégersessecretsmaisenagardéunénormevis-à-visdenous.Oui,ilétaitintelligentetsemblaitavoirtoutpourlui.Maistoutétaitfaux!Etmaintenant,j’aidessentimentspourtoietj’aienviedetenterlecoup.
—Jevisdansunmondeobscur,Monika.Tun’aspasenviedeleconnaître.—Peut-êtrequesi.Ledésirs’allumedanssesyeux.— Emporte-moi loin de la réalité, Vic. Fais-moi oublier que je croule sous les questions, les
mensongesetlestromperies.—Jenesuispaslabonnepersonnepourça.
Jeseraistropprisparsadouceuretsabeauté,jenevoudraisplusjamaislalaisserpartir.Elleserapprochedemoi.—Laisse-moientrerdanstonmonde.S’ilteplaît!Iln’yauraaucundrame,jetelepromets.Quelenfer!Ellemefixe,attendantmaréponse.—Fais-moil’amour,Vic.Montre-moiquejenesuispasseule.Jemesenssiseule.Jesuissurlepointdemedégonfler,maisjemeraclelagorgeetscrutelapeaucrémeusedesoncou
etlesoupçondepoitrinequelaisseentrevoirsonhaut.J’aitellementenvied’elle,pourdesmilliersderaisons.Dequijememoque?Jenepourraisjamaisluirésister.
—Tuessûredecequetuveux?Elledéglutitbruyamment.—Oui,répond-elledansunsouffle.J’essaiedegardermoncalmeetdefairesemblantquec’estunesimplefaveurquejefaisàuneamie.
Enréalité,mesémotionssontunvraisacdenœuds.Jevaislacouvrirdepassion,d’amouretd’affectioncesoir.J’espèreseulementqu’aumatin,jepourrailalaisserpartir.Ellepensaitàuneéchappatoire.Ellen’a
pasparléd’éternité.
Chapitre46
MONIKA
Jen’arrivepasàcroirequenousallonslefaire.Jesuisàlafoisexcitéeetnerveuse;mesjambestremblentmaisj’enaienvie.Vicestlapersonneparfaitepourmefairesentirquetoutirabien.Jemesenstoujoursensécuritéquandilestlàetjesaisqu’ilnemeferapasdemal.
Ilsepencheetmeglisseàl’oreille:—Détends-toietlaisse-moim’occuperdetoi.Avecluisiprèsdemoi,jepeuxpresquesentirl’électricitéentrenous.—Merci.Jefaisdemonmieuxpourquemavoixnetremblepas.Ilsepencheenarrièreetlèveunsourcil,curieux.—Merci?—Jeveuxdire…jenevoulaispasdiremerci.Jevoulaisdireoui,voilà.Jemetapelatêteaveclapaume.—Jesuistropbête!Jenesaispasquoidire,Vic.Jesuishorsdemonélément,là.Ilprendmamaindanslasienneetmoncœurs’emballe.Sonregardglissedemesyeuxàmapoitrineetcontinueplusbas;j’aimeraisqu’ilmesoulèvecar
mon corps tout entier n’est plus qu’une grosse boule de nerfs. Vic est sûr de lui et incroyablementséduisant.Jel’aitoujourssumaisjeneleregardaispasdecettefaçon.Maintenantsi,etsoudainement,jesuistrèsintimidée.
La simple idée que Vic me touche fait vaciller mon corps d’excitation. J’essaie de respirercalmement.
—Suis-moi,dit-ild’unevoixpleinededésir.Monpoulss’accélèreetjebloque.—Oùallons-nous?—Tunecroyaistoutdemêmepasqu’onallaitfaireçaparterre?—Jenesaispas.Jen’avaispasvraimentdeplandéfini.—Évidemment.Viens.Ilmeprendlamainetmeconduitàl’étagedansl’appartementprivéd’Isaau-dessusdugarage.Ce
n’estpasgrand,maisc’estconfortableetmignon.Ilyadesphotosdefleurssurunmuretd’autresclichésdegenssurceluid’enface.IlyanotammentunephotodeVicetIsadanslegarage.Elletientunecléàmolettedanslamainetlabranditau-dessusdesatêteàluicommesielleallaitluitaperdessusavec.Luisetientsimplementlesbrascroisés,stoïque.ExactementVic.
Il me conduit devant le canapé et memet face à lui. Sa peau tannée est parfaite et sesmusclessaillants qui ressortent de son tee-shirt rappellent que c’est un athlète incroyable, fort et agile. J’aisoudainbesoindesontoucheretmonattractionpourluimesubmerge.
Est-cequ’ils’aperçoitquejesuisplusqueprêteàfuirlaréalitéaveclui?—Fermelesyeux,dit-ild’unevoixdoucemaisautoritaire.J’ailatêtequitourneettendslesbrasverslui.
—Tuveuxmefaireperdrelessens?—Tuveuxfuirlaréalité,n’est-cepas?Jesenslelégerchatouillisdesesmainsquifontdepetitsdessinssurmespoignets.Mapeauvibreà
chaquepassageetladouleurlatentedemonarthrites’efface.Illâchemespoignetsetdessineuncheminlelongdemesbras,demesépaules,demanuque.Son
toucher estd’unegrandedouceur, commeuneplume.Etquand sesdoigtsglissent surmes lèvres,monmenton,moncou,etplongentversmapoitrine,moncorpss’enflammesubitement.
—Vic,c’estparfait.—Tuveuxquejecontinue?murmure-t-ilàmonoreille.—Oui.Sesmainscaressentmapeausensibleetseslèvreschaudeseffleurentlesmiennes.—Tuaimesperdrelecontrôle?demande-t-ilenm’embrassantunepremièrefois.Puisuneseconde.Malanguecherchelasienneetsoudainseslèvresnesontpluslà.Ils’estreculé.C’estunetorture.—Embrasse-moi,luidis-je.Maintenant,jet’enprie!—Soispatiente.Nevapastropvite.Jesenssesdoigtscontournermontétonpar-dessusmonhaut.Samainsedéplaceverslesecond.La
passionbrûleaufonddemoietungémissements’échappedemeslèvres.—Tuaimesça?—Jenetelediraipas,luidis-jeenessayantdecouvrirmespetitsgémissementsdeplaisir.—Toncorpsrépondàtaplace,s’amuse-t-il.Ilm’embrasseencore.Etencore.Cettefois,jenepeuxplusmeretenir.Legémissementquis’échappedemaboucherésonnedansla
pièce. Je suis contente qu’il n’y ait personne au rez-de-chaussée sinon on pourrait certainementm’entendre.
Cettefois,sabouchesucréeestlàquim’attend.Nousnousembrassonspleinement.—J’aimelegoûtdeteslèvres,murmure-t-ilcontremonvisage.Ses baisers sensuelsm’étourdissent et sesmains sur le bout demes seins, qui les caressent l’un
aprèsl’autrepar-dessusmonhaut,mefontdésirerdavantage.Jepasselesbrasautourdesoncou,l’attirantàmoi,etils’assoitsurlecanapéetm’entraînepour
quejelechevauche.Jesenssoncorpsétonnammentpuissantetmusclécontremescuisses.Monespritestembrouillépar
lapassionetledésiretj’aienviedemerapprocherencoredeluietqu’ilmeserredanssesbras.Luietpersonned’autre.J’aisoudainoubliémesproblèmeset tout le reste.Pour lapremière foisdepuis longtemps, jeme
senslibre.J’aienviedemeconcentrersurl’instantetnepluspenseraumondeàl’extérieurdecepetitappartement.
Jesaisqu’ils’agitdeVic,legarçonquiveutéchapperàlavie,fuir.Maispourlemoment,ilesttoutcequejesouhaite,toutcequimemanquait.J’aienviedem’échapperaveclui.Ensemble,nouspourronstrouverlapaixetsentirunvrailien,quandbienmêmeceneseraitquepourunenuit.
Ilresteassis,presquesansbouger; je l’entendsjusterespireràtouteallure.J’aienvied’avoir ledessussurlui,deluifaireperdrececontrôledelui-mêmequiluiestsicher,autantquemoijeperdslemien.Jemetslesmainssursesépaules,leserre,senssesmusclesàmesurequej’exploresoncorpsavecmesdoigts.
—Qu’est-cequetufais?demande-t-ild’unevoixlenteetsaccadée.—Jeprendslecontrôle.Jebouge très légèrementmeshanchescontre lessiennes.Jepeuxsentir lachaleurdesoncorpsà
traversmonjeans.Ilgémitalorsquejetouchesonérection.—Tumetues.Jemepencheenavantetluimurmureàl’oreille:—Pourquoi?Parcequetuaspeurd’admettrequetuaimesça?—Jen’aipaspeurdel’admettre,chérie.Bonsang,qu’est-cequej’aimeça!Tumetuesparceque
j’essaiedemecontenir.Jesenssoncœurbattrefortetvitealorsquejemefrotteàlui,lentementd’abord,puisj’accélère.
C’estsibondenepenseràriend’autrequ’àça.—Neteretienspas.Jecessedebougerleshanchesetpasselesdoigtssursesbiceps.—Touche-moi,Vic.Fais-moitoutoublier.Ils’immobilise,commes’ilyréfléchissait.—J’enaienvie.Tun’aspasidéeàquelpointj’enaienvie.Jem’agrippeàlui.—Alorsneteretienspas.Net’inquiètepas,jen’attendsrienau-delàdecettesoirée.Nousfuyonsla
réalité,d’accord?Moncorpsdésespèredesentirsontoucher.D’unmouvementhabile,j’enlèvemonhaut,prendsses
mainsetlesporteàmataille.Jemepencheenavantpourquenoslèvresserencontrent;j’adoreembrassercegarçon.Ilmemeten
transe,jen’aipasenviequeçasetermine.—Touche-moi,VictorSalazar.Il jureàvoixbasse, et soudain sesmains se retrouvent surmes fesses,mepressentplusprès ; il
imposelerythme.Jeplongemesmainsdanssachevelureépaisseetpenchelatêteenarrière.Sa bouche se pose au creux de mon cou, m’embrasse. Mon corps n’a jamais autant vibré
d’excitation,surtoutlorsquesalangueglissesurmapeauchaudeplusbas…plusbas.—Dis-moiquetuaimesça,murmure-t-ilcontremapeau.Quandjesenssalanguelongerlescontoursdemonsoutien-gorge,marespirationdevienthaletante,
j’enveuxplus.—J’aimeraisquetun’arrêtesjamais.Ilpassesesmainssurmondos.D’ungesterapide,ildégrafemonsoutien-gorgequitombeparterre.
Ilenveloppemondos,mesarticulationssedétendent.Sa langue remonte àmon lobe hypersensible, avant de redescendre vers d’autres parties demon
corpsenfeu.Avantquejem’enaperçoive,mesvêtementssontparterreaveclessiensetnousvoilànus.—Regarde-moi,dit-il,lamaincontremajoue.L’espaced’uninstant,jejureraisquejepeuxvoirsonâmeaufonddesesyeux.Toutdevientsoudaintropintense,tropvrai.J’ai envie de fermer les yeux et de faire semblant d’être hors de la réalitémais jeme sens plus
vulnérablequejamais.Desémotionsquej’ignoraismenacentdemefairevenirleslarmesauxyeux.Jedoisempêcherça.Jeravalecettevagued’émotions,j’espèrequ’ellesdisparaîtrontàjamais.
—Allons-y,luidis-je.Ses lèvres rencontrent les miennes. Elles sont d’abord douces et sucrées.Ma langue cherche la
sienne et je ne peux m’empêcher de faire bouger mes hanches contre les siennes en rythme. Ilm’embrasse, très déterminé, au point que je dépasse un cap émotionnel et physique. Je n’ai jamaisressentiçaauparavant.Salangueglissecontrelamienneetlesbruitsdenosgémissementssemélangentdansl’airdelanuit.
Jesuistotalementabsorbéeparcemoment.Jesuistoutétourdie,maisdanslebonsensduterme.Jemesensvivante.Messoucis,mesproblèmessemblents’êtreévaporés.
—Est-cequeçava?Tonarthritenetefaitpassouffrir?—Jevaisbien.Plusquebien,murmuré-je.Je me place au-dessus de lui et m’apprête à passer à l’étape suivante. Je sens la pression ;
impossibledefairemachinearrièreàprésent.—Attends,m’interrompt-il,lavoixcassée.Il m’attrape par la taille pour m’arrêter. Il tend le bras vers son pantalon au sol et sort son
portefeuilledelapochearrière.Àl’intérieursetrouveunpréservatifdansunemballageargenté.—Désolée,j’avaisoublié,dis-jeenespérantqu’ilneremarquepasletremblementdansmavoix.—Pasdesouci.Maintenantquenoussommesprotégés,ilmeremetsurlui.—Tuesparfaite.Jebaissemoncorpssurlesientandisquesesmotss’installentenmoi.Maisenreprenantlemouvement,jetressailleetils’arrête.—Qu’est-cequ’ilya?Jetefaismal?—Cen’estrien.—Si,ilyaquelquechose.C’esttoiquiasdel’arthrite,onyvaàtonrythme.Ilme laisse faire jusqu’à ce que la douleur s’apaise et que le plaisir prenne le dessus.Vic a sa
bouchecontrelamienneetsesmainsexplorentmapeau,jesuisfollededésir.Ilalesoufflehaletantetbougelentementavecmoi,mecaresseledospuispassesamainentrenous.
MonDieu!Jen’aijamais…ilsaitquoifaireaveclecorpsd’unefille,c’estcertain.Jemerendsbien compte qu’il essaie de me soutenir avec ses mains pour que mes articulations ne soient pasdouloureuses.
On souffle, on transpire, nos mains se baladent et l’on bouge en rythme pendant une éternité.J’aimeraisquecelanes’arrêtejamais.
Jeneressensaucunedouleur,justeduplaisir.—Jet’attends,chuchote-t-ilàmonoreilled’unevoixrauqueetcontrôlée.Neteretienspas.Laisse-
toialleravecmoi.—J’aipeur,Vic.Nosdoigtss’entrecroisent.—N’aiepaspeur.Onestlà,ensemble.Tun’espasseule.Sesmots trouventun échoenmoi. Jene suispas seule. Il est là. Ilmeprotégeramêmequand je
baisselagarde.Jemelaissealleraveclui.Vic tressaille et je le sens se raidir. Je regarde dans ses yeux et mon corps vibre de manière
incontrôléetandisquejerejoinslesétoilesavantderedescendreprogressivementsurterre.Wow!Jenesavaispasquecelapouvaitressembleràça.Nosrespirationslourdesemplissentl’air.
—Jen’arrivepasàlecroire,marmonné-jecontreseslèvrestandisquemoncorpssecalme.J’entremble.
Ilretiremescheveuxdemonvisage.—Moiaussi,c’étaittellementintense.—Ouais.Nousrestonsquelquesminutesenlacés,puisilseredresse.—Tun’enparlesàpersonne,d’accord?—Commentça?—Jeneveuxpasqueçasesache,c’esttout.Moncœurseserredansmapoitrine.—Jenesuispasdugenreàlecriersurtouslestoits,maisc’estpeut-êtreplusqu’uncoupd’unsoir.Ilmeregardedecôté.—C’étaituncoupd’unsoir.Sesmotsmetranspercent.Jemerelèved’unbond.—Tuavaisraisondepuisledébut,Vic.Tun’esqu’uncon.Illèvelesmainsenl’air.—Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Cen’estpascommesionétaitencouple.—Tuasraison,nedisrien.Jeramassemonsacavecénervement.—D’accord,super.Ilseretourne,commesimeregarderallaitluifaireregrettercequis’estpassécesoir.—Écoute,Vic,jenet’aipasdemandéd’êtremoncopain,niunquelconqueengagementenversmoi
sic’estdeçaquetuaspeur.—Jen’aipaspeurdeçamais…Ils’éloigneencréantunedistancetoujoursplusgrande.—Onnepourrajamaisêtreensemble.Treyétaitmonmeilleurami.J’aidumalàrespirer.—Etmoi,jenesuispastonamie?Treyn’estpluslà,Vic.Moi,jesuislà.Jesuistonamie.Ilsetourneversmoi,lamâchoireserréeetlecorpsraide.—Jenem’amusepasàbaisermespotes.Nileurscopinesnileursex.—Parcequetuessidroitqueça?dis-jeenlevantlesyeuxauciel.Tun’étaispasobligédecoucher
avecmoi,Vic.Désoléedet’avoirforcé!C’estdemafaute!Dans une tentative de préserver le peu de dignité qui me reste, je garde la tête haute, sors de
l’appartementetdescendsdanslegarage.Vicgalèreàremettresonjeanstandisquejefonceàtraverslegarageverslaported’entrée.Alorsquejevaisattraperlapoignée,quelqu’unl’ouvredel’extérieur.
Isa.—C’estquoicebor…,s’exclame-t-elle.Elle allume la lumière et nous voit, Vic et moi, dans le garage. Vic est torse nu, son pantalon
déboutonné.Àtouslescoups,jeneressembleàrien.—Vousm’avezfoutulesboules!—Désolée,j’étaisvenueparleràVic…et,euh…—Je vois ça, réplique-t-elle avant de se tourner vers lui. Tout va bien ?On dirait que vous en
voulezàlaterreentière.Oualorsl’unàl’autre.Oulesdeux.Vouspouvezresteretarrangerleschoses.—Jem’envais,Vicneveutpasdemoiici.—Cen’estpasvrai!
Jefaisdemi-tourd’uncoup.—Ohquesi!Nemenspas.—Donctoutnevapasbien,ditIsabel.Jevousproposedevousasseoiretdediscuter,d’accord?—Onn’arienàsedire,rétorqueViccommes’ilétaitunmartyrquiatoutsacrifiépourmeveniren
aidedansunmomentdedétresse.Jeluiaidéjàditquej’étaisdésolépourtoutcequis’estpassécesoir.Lamaind’Isabelbonditàsaboucheetelleécarquillelesyeux.—Wow!Commentça,«tout»?Vicignoresaquestion.—Tuvoulaisque je teprennedansmesbrasetque je t’aideàfuir.Tuasparléd’uneseulenuit.
C’esttoiquil’asvoulu…IsabelavanceversVicetagitelamaindevantsonvisage.—Hep,Vic!Tudevraispeut-êtretetaire.—Non,continue,dis-jeavecsarcasme.Jetesensàfond,pourquoit’arrêterensibonchemin?Ilsecouelatête.—J’aiterminé.—Tuessûr?JerefusequeVicaitpitiédemoioumefassecroirequejel’aimanipuléetforcécesoir.Est-ceque
jel’aimanipulé?Unventdepaniquemeprend;aprèstout,jen’aipasditlavéritéàVic.Jeneluiaipasditquedernièrement,lorsquej’aibesoindemecalmer,c’estluiquej’aienvied’appeler.Jeneluiaipasditquelorsquejesuisaveclui, toutmeparaîtdérisoire.Jeneluiaipasditqu’unepartiedemoiétaitsoulagéelorsquej’aidécouvertl’existencedeZaraHughes.
Jeluitapelapoitrineavecledoigt.—JenesuispastaB.A.,Vic.Jepeuxmedébrouillertouteseule.—Tuasbienraison.C’étaituncoupd’unsoir,tul’asdittoi-même.—Continuedeterépéterça,tiens.Etjemetiredelà.
Chapitre47
VICTOR
AprèsledépartdeMonika,Isamelanceunregardpleinderancœur.—Quoi?
EllefaitungestedansladirectiondubruitdelavoituredeMonika.—Valaretrouver.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?Ilyatantderaisonspourlesquellesjenepeuxpaslasuivrenilaramenerici.—Isa,ellevoulaituncoupd’unsoir.Fuirlaréalité.Jesuislemecqu’elleachoisi,c’estterminé.
Findel’histoire.Isalèvelesyeuxauciel.SoncôtéLatinatransparaîtdanslemoindredesesgestes.—Tuesuncon,VictorSalazar.Unconpuretsimple.Tupourraisécrireunbouquin:LeGuidedu
roidescons.Avecungrandsoupiretunhochementdetête,ellecommenceàmonterl’escalier.—Etpourquoic’estmoilecondansl’histoire?—Parcequ’elleabesoindetoi.—Elleavaitbesoind’unmecquilaserredanssesbrasletempsd’unenuit.Aprèstout,elleauraitpuprendreJets’ilavaitétélààmaplacecesoir.Ellesetourneetmepousselapoitrinedetoutessesforces.—C’esttoiqu’elleachoisi,pendejo!Ellen’apasprisunautre type.Tues tellementbouché, je
n’arrivepasàcroirequ’ilyaituncerveaudanscecrâne!—Merci.Qu’est-cequejesuiscenséfaire,servirdejouetàMonikajusqu’àcequ’elleselasseetpasseàun
autremec,quelqu’undeplusdigned’elle,quiluiferaressentirdestrucs?—Rentrecheztoi,Vic.Taplaceestlà-bas,tunecroispas?—Non,dis-jeenlasuivantdansl’appartement.Jen’aipasmaplaceàFremont.—C’estpourtantl’impressionquetumedonnais.—JenepeuxpasavoirMonikadansmonlit.Treyétaitavecelle.Isasemetlatêtedanslesmains.—Pourtantelleadéjàétédanstonlit.Mets-toibiençadanslecrâne,Vic.Ellerelèvelatête.—Treysortaitpeut-êtreavecellemaiscen’estpluslecasaujourd’hui.Qu’est-cequ’elledoitfaire,
êtreendeuiljusqu’àlafindesesjours?—Non.Jetrouverailaréponsemoi-même.—Pourquoi?Tun’espasseul,Vic,alorsarrêtedefairecommesi.Maintenant,jecomprendscequeressentMonika.DepuislamortdeTrey,jemesenstotalementseul.
Leseulmomentoùjen’aipaseucettesensation,c’étaitavecMonika,qu’onsedispute,qu’ons’embrasseouqu’ontravailletoutsimplementl’unàcôtédel’autre.
Jepasseuneheureétendusurlecanapéàscruterleplafondquandmacousineentredanslapièceavecletee-shirttropgrandqu’elleportepourdormir.
—JesuissortieavecBerniecesoir.—Non,sérieux?—Ouais,acquiesce-t-elleavantdeprendreuneprofondeinspirationetdes’asseoir.Ilveutvraiment
quecetendroittourne,tusais.Audébutjenecomprendspasdequoielleparlemaislesensmevientauboutd’unmoment.—Legaraged’Enrique?— Ouais. Je sais que tu as toujours voulu customiser les voitures qui arrivent ici, les vieilles
MustangoulesCadillac.Enriquel’envisageaitaussi.Jene t’ai jamaismontré l’entrepôt,à l’arrière.Ilavaitacquistoutlematérieldesoudureetcomptaitdévelopperl’activitéavantdemourir.
—Tunem’enasjamaisparlé.—Oui,ehbien,ilyabeaucoupdegensàquijenedisrien.Jeretiensleschoses.Commetoi.Et
Bernieadel’argent,ilveutinvestiretagrandircegarage.Ilsouhaiteégalementm’épouser.—T’épouser?Qu’est-cequetuasrépondu?—Àtonavis?Jeluiaiditd’allersefairevoir!Ilaprisçapourunoui.—Tul’aimes,n’est-cepas?Ellehochelatête,avecdeslarmesdanslesyeux.—J’aipeurdeleperdre.Onm’arrachetousceuxquej’aime.Elleenroulenerveusementsescheveuxautourdesesdoigts.—Jesaisque tuas sansdouteenvied’allerà la fac,d’obtenirun jolidiplôme,mais tupourrais
peut-êtretenterlecoupavecnous.Elleseraclelagorge.—Jen’aipasenviedeperdrecetendroit,Vic.Tupeuxmêmeretourneraulycéeetvenirtravailler
icilesweek-endsjusqu’àcequetuvalidestonannée.Jeneluidispaslavérité,quejen’iraiprobablementpasàlafacdetoutefaçon.Jenesuispasassez
bon,pasassezintelligent.Maisça…c’estl’occasiondefairequelquechosepourlequeljesuisdoué.—Tunedevraispascroireautantenmoi.Quoiquejefasse,jefinispartoutgâcher.—Jesais,répond-elleenmetapantlajambe.Maisilesttempsqueleschoseschangent,parceque
tucommencesvraimentàmesaouler.Metsdel’ordredanstavie,Vic.Après,Bernieettoipourrezmettredel’ordredanslamienne.
—Etsijen’arrivepasàm’occuperdelamienne?Ellemelancesonsouriresiparticulier.—Alorstuesencoreplusconquecequejecroyais.
Chapitre48
MONIKA
—Qu’est-cequetuenpenses,Monika?Parle-nous.JesuisassisedanslebureaududocteurSinger,regardantmamèrequiessuieseslarmesavecunmouchoir.Mesparentsm’ontempêchéed’allerencoursaujourd’huiquandilsontvuàquelleheurejesuisrentréelanuitdernière.Jeneleuraipasditoùj’étais.
Mamanvientde terminer sondiscoursau thérapeute,expliquantqu’elle s’inquiètepourmoi.Monpèrepasseunbrasréconfortantautourdemamèreetmeregardecommeunechosefragilequivasebriserd’uneminuteàl’autre.
—Çava,leurassuré-jealorsquej’aimeraisqu’ilss’intéressentàautrechose.Vraiment.LedocteurSingersefrottelementon,analysantmesparolesdanssoncerveaud’intellectuel.—«Çava»estuneexpressionbienvague,Monika.Pourrais-tuapprofondir?—Non.—Tusaisquenoussommestoujourslàpourtoi,ditpapa.—Jesais.—Tunet’exprimespas,Monika,ditmamandontlescheveuxnoirsbrillentsouslalampedudocteur
Singer.Sinousnesavonspascommenttuvas,nousnoussentonsperdus.Etpuis,tusorstard,sansnousdireoùtuterends.C’estinquiétant,surtoutvutonétat.
Ilsneveulentpasque jedisequeçava,maisceladécritparfaitement lasituation.Jenevaispasbien,jenevaispasmal.Çava.
—Qu’est-cequevousvoulezquejedise?Est-cequejesuisdéprimée?Oui.Est-cequ’ilm’arrivedepleurer?Oui.Est-cequemoncorpsmefaitmallaplupartdutemps?Biensûr.
Jem’enfoncedanslecanapéencuir.—Sijen’aipasenviedem’exprimer,c’estquejenepeuxpas.Pasmaintenantentoutcas.—Nousvoulonsjustequetusoisheureuse,rétorquemonpère.Mamanessuiesesyeuxhumides.—Tugardestoutàl’intérieurettut’isoles.—JesuisalléeauClubMystiqueavecAshetBree,vousvoussouvenez?—C’estunexcellentpremierpas,ditpapa.Sortiret fairedeschosesque tuaimes.C’estceque
Treyauraitvoulu,mapuce.Jejetteunœilàl’horlogesurlebureaududocteurSinger.Plusquequatreminutesavantlafindela
séance.Jenesaispassij’iraiaugarageaprès.Jen’aipasenviedecroiserVic,aprèslanuitdernière.Iladitquejen’étaisqu’uncoupd’unsoir.Enréalité,c’estluimonmeilleurami.— La guérison est un long processus, Monika, explique le docteur Singer. Et tout le monde
s’exprimedifféremment.Ilsortunepetitebrochure.—Tesparentsetmoipensonsquepeut-êtreintégrerungroupedeparolepouradosendeuilpourra
t’êtrebénéfique;ils’adresseàceuxquiontperduunproche.
Mamantoujoursenlarmesmefaitunsignedetête.Jedétestelavoircommeça.C’estcommesielleétaitcasséeetquej’étaisresponsable.
— C’est à l’hôpital Glenbrook, au service ambulatoire. Tu aimerais sans doute partager tonexpérienceavecdesadosquiconnaissentlesmêmessentimentsquetoi.
Jen’aivraimentpasbesoindeça.Jen’aipasenviedeça.Maisjeprendslabrochurepourquetoutlemondesoitcontent.
—Jetesterai.LedocteurSingersourit.Papahochelatêted’unairsatisfait.Mamanreniflequelquesfoisenmeprenantlamainetenlaserrantfortdanslessiennes.—Tuesunefilleépatante,Monika,conclutpapa.Etnoust’aimons.Tudoistoujourst’ensouvenir.
Tuesunesurvivante.Jen’aipasl’impressiondesurvivre.J’ai l’impressiondegardertout justelatêtehorsdel’eauet
d’êtresurlepointdecouler.Jebaisselesyeuxverslabrochuredugroupedeparole.Commej’aimeraisladéchirersousleurs
yeux!Maisaulieudeça,jelaplieetlarangedanslapochedemonjeans.C’estmapunitionpouravoirgardédessecrets…je ferai toutcequ’ilsveulentpourcalmer leurs
inquiétudes,mêmesipourcelajedoisrestermalheureuse.
Chapitre49
VICTOR
RetrouverMonikan’estpasfacile,surtoutqu’ellenerépondpasauxappelsniauxtextos.JenesuispasretournéàFremontdepuisdessemaines.
JesenslesveinesdemoncousegonfleralorsquejerouleàtraverslavilledansunevieilleGTquej’aipuemprunteràIsa.
Cen’est pas tous les jours que je conduis jusqu’à lamaisondeMonika. Je sais que samèremeprendpourundélinquantetnemesupportepas.D’habitude,jegardemesdistancesmaisjenesuispluslamêmepersonne.
Jesuisdécidéàvoirlaseulefillequimerendheureuxdevivre.Jesonneàlaporte.Pasderéponse.Merde!Jeconduisjusqu’àlamaisond’Ashtyn.Peut-êtrequ’ellesauraoùsetrouveMonika.Lasœurd’Ashtynm’ouvrelaporteavecseulementunBikiniminusculeetlebronzagequivaavec.—Ashestàlamaison?—Non.Jecroisqu’elleestàl’entraînementdefootball,quelquechosecommeça,dit-elleavantde
soufflersursesonglesqu’ellevientdevernir.—Merci.Situlavois,dis-luiquejesuispassé.Jen’aipaslamoindreidéed’oùjedoisaller,alorsjevaisaupostedepoliceenfacedel’hôpital
Glenbrook.Jenesuisjamaisvenuici…demonpleingré.L’entréeduposteestpetite,aveclesphotosdesagentsaccrochéesauxmurs.Onditquecesontdes
héros.J’aimeraisêtreunhéros.Maisjenesuispersonne.Cen’estpasvrai,non.Jesuisletypequisebatetquiatuésonamisurleterraindefootball.—Jepeuxvousaider?medemandeleréceptionniste.—Euh,ouais…est-cequejepeuxparleràl’agentStone?Letypequim’aarrêtéaprèsm’êtrebattucontreBonkarriveauboutd’uneminute.—VictorSalazar.Jenem’attendaispasàtevoir.Tum’étonnes.Moinonplus!—Ilfautquejevousparle…enprivé.Ilacquiesceetmeconduitàl’arrière.Jeconnaiscetendroitcommemapocheetsuisdéjàentrédans
lasalled’interrogatoireoùilmeconduit.—Tu t’esbiencaché, après l’accident au lycéedeFremont avecTreyMatthews.On t’a cherché
partout,surtoutaprèsl’avisdedisparitionducoachDieter.—LecoachDieterasignalémadisparition?—Ouais.Ils’inquiétaitpourtoi.Ilhausselesépaules.—Mais tun’es plusmineur,Victor.Tu asdix-huit ans, et si tu as enviededisparaître, c’est ton
choix.
—Attendez,jenecomprendspas.Vousn’allezpasm’interrogernim’arrêter?—Pourquelmotif?demande-t-ilaussiperduquemoi.C’estdifficileàprononcercarj’aiunnœudterribledanslagorgeetjesuiscomplètementtendu.—J’aituémonmeilleurami.—Touslesrapports,dupersonneld’entraînementauxjoueursenpassantparlesmédecins,pointent
versunaccident.Crois-moi,Victor,sinoust’avionssoupçonnéd’uncrime,onteseraittombésdessusàlasecondeoùtuasmislespiedsdanscebâtiment.
L’agentStones’enfoncedanssachaise.—SituasdumalàdigérerlamortdeTreyMatthews,ilexisteungroupedeparolepourlesjeunes
àl’hôpitaljusteen…—Çaira.Jen’aipasbesoind’ungroupedeparole.—Victor,fuirnerésoudraaucunproblème.Attends-moiici.Ilmelaisseseuldanslapiècefroideetrevientauboutdequelquesminutes.—VoicilalettrequelecoachDieternousaenvoyéeaprèsl’accident.Jelalis:
Àquidedroit:J’ai perduunmembredemon équipede football la semainedernière.TreyMatthews était un joueur exemplaire, ungamin intelligent avec un brillant avenir devant lui. Je n’ai jamais perdu un joueur de toutes mes années en tantqu’entraîneur, et c’est une épreuve difficile. L’esprit et l’intelligence de Trey subsisteront toujours dans son équipe,mêmes’iln’estplusparminousphysiquement.J’aiégalementperduunautrejoueurlasemainedernière:VictorSalazar.C’estunjeunehommecombatif.Jen’aivuçaquechezderaressportifsaufildesannées.Ilétaitcommeunlion,prêtàbondiraumoindremouvementdel’équipeadverse.Jedevaislecontenirenpermanencecarilavaituninstinctférocepourdéfendresescoéquipiers.Maislefaitestquej’admiraiscejeunehomme.J’auraisaiméavoirlamêmepassionàsonâge.C’étaitunleaderpoursonéquipeet,sanslui,j’aipeurquemesjoueursneperdent.VictoradisparulejourdelamortdeTreyMatthewsetunepartiedemois’estenvolée.JevouspriedenepasinterromprelesrecherchesdeVictorSalazar.IlfaitpartiedulycéedeFremont,demonéquipeetdemavie.Cordialement,CoachDieterEntraîneurprincipaldel’équipedefootballaméricainLycéedeFremont
—Victor,est-cequeçava?Jefixelalettre.Jenemeseraisjamaisattenduàcequ’onécrivecesmotsàmonsujet,surtoutvenant
deDieter,unentraîneurtrèsdurquinemontrejamaissesémotions.Jemeraclelagorge.—Ouais.C’estbon.—Jepeuxt’aideravecquoiquecesoit?Jeluirendslemessage.—Non.—Alorstueslibre.JevaissortirdupostequandlavoixdeStoneretentitderrièremoi.—Victor!—Ouais?Ilmetendunebrochure.—C’estsurlegroupedeparolepourlesjeunesendeuil.Tupourrastoujoursyjeterunœil.
Aprèssondépart,jeregardelabrochure.Entraideentreados.Jelarangedansmapochearrièreetmedirigeversleparking.Jen’aipasbesoinderejoindreun
groupedegaminsassisrépétantcombienilssonttristes.Mais enm’asseyant dans la voiture et en réfléchissant à ce qu’est devenuema vie, la véritéme
frappe.Jesuistriste.Putain!
Chapitre50
MONIKA
J’entredansleserviceambulatoiredel’hôpital.Lapersonneàlaréceptionm’indiqueoùsetrouvelegroupedeparolepouradosendeuil.
Jepénètredanslapetitesalleauxmursblancs.Unedouzainedechaisesgrisesformentuncercleaucentredelapièce.Deuxgarçonsdemonâgesontdéjàassis.L’und’euxadescheveuxblondsjusqu’auxépaules,porteletee-shirtd’ungroupequelconqueetunjeanstroué.L’autreadescheveuxrouxcourtsetdestachesderousseursurlenezetlesbras.Ilyaunetroisièmepersonne,unefille.Elleadescheveuxcourtsenpiquesetdespiercingsauxoreilles.Jenesaispassiellefaitpartiedugroupecarellesetientdeboutdevantlafenêtreàl’autreboutdelapièce,àscruterleparking.
Unefemme,latrentaine,entredanslapièce.Lesourirechaleureux,elleporteunepilededocumentsdanslesbras.
—Jesuiscontentedevoirqu’ilyadumonde!s’exclame-t-elleens’asseyant.Elledéposesesaffaires sur lachaisevideàcôtéd’elle.Avecquatreparticipants, cedoitêtre la
personnelaplusoptimistesurterre.Ellemefaitsignedem’asseoir.— Bienvenue à tous dans ce groupe de parole, lance-t-elle avant de regarder sa montre. C’est
l’heurededémarrer.Jeproposequetoutlemondecommenceparseprésenter.Çavousva?Pasderéponse.—Jeme lance!dit-elle,pasdu toutdéstabiliséeparnotremanqued’enthousiasme.Jem’appelle
WendyKane,c’estmoiquidirigecegroupedeparoleàl’hôpital.J’aideuxenfants,deuxchiens,etunseulmari.
Jecroisqu’elles’attendàdesriresendisant«unseulmari»maisonsecontentede laregardersansréagir.
—Àmoi,ditlegarçonauxcheveuxlongs.Iljettesesmèchesenarrièreetavancelamâchoire,commes’ilseprenaitpourundur.—Jem’appelleBrian.C’esttout.Brianserenfoncedanssachaise,ilaterminé.—Je,euh…jem’appellePerry,enchaîne le rouquinnerveux.Je,euh…jesuis làparcequemon
pères’est,genre,suicidé,ilyasixmois.—Genre?s’exclameBrian.Commentest-cequ’onpeutgenresesuicider?—Jenevoulaispasdireça.Je…je…je…jevoulaisdirequ’ill’afait.—Voilà!Brianal’airsatisfaitd’avoirbousculécepauvregarçon.Jegrogneenlefusillantduregard:—Laisse-letranquille.Wendytapedanslesmainspourattirernotreattention.—Poursuivonssimplementaveclesprésentations,d’accord?Wendysetournealorsverslafilleàlafenêtre.
—Hailey,tuveuxteprésenter?—Vousvenezdelefaire,répondHaileyencontinuantderegarderparlafenêtre.—Onaimeraitbienquetutejoignesànous.Tuveuxvenirt’asseoir?—Non.Wendysetourneversmoi,pleined’espoir.—Ettoi?Est-cequetuveuxteprésenter?—Jem’appelleMonika.Jem’arrêtelàmaisvoyantqu’elleenattendplus,jepoursuis:—Monexestmort.Jen’ajoutepasqueVicneveutplusfairepartiedemavie.Àquoiçaserviraitd’enparler?Cen’est
paspourcelaquejesuisici.Jesuisiciparcequejedoisparlerdelaperted’unêtrequej’aimais.Leproblèmec’estquej’aiégalementperduVicetqueçametueàl’intérieur.
—Mesparentssesontditquejedevraisvenir,doncmevoici.—Bahc’estbon,tupeuxrentrercheztoimaintenant,lanceBrianenricanant.Perry,quifixaitlesol,lèvelatête.—Jepensequ’onesttouslàparcequenosfamillesnousontobligés,pasparcequ’onenavraiment
envie.Briantendlesjambesetcroiselesbrassursapoitrine.—Personnenem’obligeàquoiquecesoit.Pasmafamille,personne.Haileygrognebruyamment,toujourslesyeuxrivésverslafenêtre.—Ben,voyons!—Tunemeconnaispas,luilanceBrian.Wendyprendunefeuilledanssapile.—Jeconnaisunjeuquel’onpeutfairetousensemble.—Jenejoueraipas,marmonneHailey.Necomptezpassurmoi.—Quelgenredejeu?demandePerry,hésitant.Wendysetourne,toutexcitée,mêmesijesuiscertainequesonauditoireestunvraidéfipourelle.—Ilfautremplirdesblancs.Personnenerépondalorsellecontinue,enlisantunpapier.—Monika,tucommences.Complètecettesuite:Quandjesuistriste,je…—J’aimeêtreseule.—C’estpathétique.—Iln’yapasdemauvaiseréponse,Brian,rétorqueWendy.Lerestedelaséancesedéroulesurlemêmeton.JemesensmalpourWendymaisellen’apasl’air
desesoucierdupeud’intérêtqu’onluiporte.Àlafindel’heure,jesuissurlepointdemeleverquandquelqu’unapparaîtàlaporte.J’ailesoufflecourt.C’estVic,entee-shirtetenjeans,commes’ilvenaitdirectementdugarage.—Salut,dit-il,lesyeuxrivéssurmoi.—Bonjour,tuvienspourlegroupedeparolesurledeuil?demandeWendy.Ilregardelesautrespersonnesprésentes.—Ilfautcroirequeoui.—Tuesenretard,mec,lanceBrianentapotantsamontre.Onafini.Vicseraiditquandilentendl’autreluidire«mec»maisilnerépliquepas.
—N’oubliezpasquel’onserevoitlasemaineprochaine,s’assureWendy.Est-cequetuveuxunebrochuredenotreprogramme?Elleexpliquetouslesbénéficesquel’onpeuttireràparlerdesondeuilaveclesautres.
—Jel’aidéjà.Jenecomprendspascequ’ilfaitlàmaisjeneluiposepaslaquestion.Ilpeutêtrelàs’ilveut.Je
n’aiqu’àl’ignorer.JesuislesautresparlaporteetpassedevantVic.—Onpeutparler?medemande-t-ilenmesuivant.Jegardelementonhaut.—Jen’aivraimentrienàtedire.—Net’envapas.—Pourquoipas,Vic?Toi,tulefaisbien.—Plusmaintenant.Jecontinuedemarcherversmavoiture.Vicmesuitdeprès. Je sens l’électricitédans l’airentre
nous.—Jeneveuxpasteparler.—Pourquoi?Parcequetun’aspasenvied’entendrelavérité?Tusaissibiengarderdessecrets,
Monika.Tropbien.Arrêtedetecacherderrièretespeursetsoisvraieavecmoi.Jeveuxm’assurerquetuvasbienaprèslanuitdernière.
Ilseraclelagorge.—J’aiétéunvraisalaudet,bon,jen’étaispaspréparépourcequiestarrivé.Toutça,c’étaittrop
pourmoi.Maisj’aienvied’enparler.—Pasmoi.Toutvabien.Un nœud se forme dans ma gorge. J’ai envie de crier la vérité, que je suis tombée follement,
éperdumentamoureusede lui.Quand jeme suisdonnéephysiquement à lui l’autre soir, je lui ai aussioffertmoncœur.
Maisjesuistroplâchepourluidirequejel’aime.—Tuessûre?—Cen’étaitrien.Enréalité,c’étaittout.J’avaisenvied’êtreenlacée,savoirqu’ons’occupaitdemoi.Peut-êtrequeje
voulaismêmeentendrequ’ilm’aimait.Jedevraisavoirtournélapagemaisj’ailecœuràl’enversdepuiscefameuxsoir.
—J’aibeaucoupréfléchietjesuisdésolé.Tuméritaismieux.—J’acceptetesexcuses.Jemepinceleslèvres.Ilfautquejemeprotègedeladouleurquejeressens.Peut-êtrequesijelui
mens,ladouleurdansmoncœurs’envoleracommeparmagie.—Maintenant,va-t’en.Jeneveuxrienavoiràfaireavectoi.Ilplongelesmainsdanssespochesetfaitunpasenarrière.—Tulepensesvraiment?Parcequej’aipleindetrucsàtedire.Non.—Oui,jelepensevraiment.Laisse-moitranquille.J’aipeurqu’ilnemedisequetoutcequis’estpasséentrenousétaituneerreur.Jenelesupporterais
pas.—D’accord,j’aicompris.Ilfaitunautrepasenarrière.
Chapitre51
VICTOR
—Maisbordel,tusaisqu’ilestquatreheuresetdemiedumatin?melanceIsaquandelledescenddanslegarageenpyjamaetmevoittravaillersurunedesvoitures.
—Ouais.—Qu’est-cequetufaislà?Quandj’aientendudubruitici,j’aitoutdesuitesuquec’étaittoi.Iln’y
a que toi pour faire tout ce boucan quand tu bosses sur des bagnoles. En particulier avec ce que tuécoutes,Vic.Cen’estpasdelamusique,c’estdubruit.
—Çamebooste.—Tuneveuxpasallerdormiretteboosteràseptheures?Sixheures,situveux!—Non,c’estmaintenantquej’aidel’énergie.Elleagiteundoigtversmoi.—Emportetonénergieailleursetreviensàseptheures.—Onaduboulot,Isa.Sionveutdévelopperl’activité,ilfautqu’onbosse.Elleclignedesyeux,stupéfaite.—Quiêtes-vousetqu’avez-vousfaitdemoncousinVic?—Trèsdrôle.—Pourquoies-tud’uncoupsimotivé?demande-t-elle,maissoudainellehochelatêtelentement
commesiunepetitelumièrevenaitdes’éclairerdanssatête.C’estgrâceàMonika,n’est-cepas?—Jenesaispasdequoituparles.—Jevaisfairesemblantdetecroire.Jenefaisqueça,encemoment,fairesemblant.Bon,tuveux
ducafé?demande-t-elleenremontant.—Non,jevaisparleraucoachDieter.Etàd’autresgens.—D’accord,bon,moijeretournemecoucher.Ellesetourneunedernièrefoisavantderentrerdanssonappartement.—Pourêtrehonnête,jesuiscontentequetuaiesenfintournélapagesurcequetuvivais.—Ouais,moiaussi.FuirFremontàcausedelamortdeTreyn’aaidépersonne,etsurtoutpasmoi.L’heureestvenuedetoutarranger,mêmesijedoisravalermafierté.Avantdepouvoirarrangerles
chosesavecMonika,ilfautquejeréparemaproprevie.Etiln’yaqu’unseulmoyendelefaire:rentrerchezmoi.EnarrivantaulycéedeFremontàsixheures,j’ail’impressiond’êtreunétranger.Jenesuispasvenu
ici depuis des semaines mais il me semble que ça fait une éternité. À la vue du terrain de footballaméricain,j’aienviedemettremonéquipementetdejouer.
JesavaisqueDieterseraitlàenavance,commed’habitude.—Salut,coach!dis-jeenfrappantàlaporteouvertedesonbureau.Ilreposelespapiersqu’iltientàlamainetmedévisagecommes’ilavaitvuunfantôme.Ilneditrien.Jem’avancedoncdanssonbureau.—Jevoulaisvousparler.
Jerepenseàcefameuxjoursurleterrain,lejouroùmonmeilleuramiestmort.—Je,euh…Leslarmesmemontentauxyeux.Putain!Jelesessuiedureversdelamain.—Assieds-toi,Vic.Ilselèveetrefermelaporte.Unefoisqu’ilest revenuàsonfauteuil, je luidisenfinceque jesuisvenu luidire.Lesmotsont
beaucoupdemalàsortir.—Jesuisdésolépourcequej’aifaitàTrey.Jesuisvraimentdésolé.Je…je…jenevoulaispas
vous décevoir, coach. Si je nem’étais pas jeté aussi violemment sur lui, il serait encore en vie. J’aimerdéetj’aifaitplongerl’équipe.
Leslarmescoulentàflotsdésormais.Jenepeuxpasm’enempêcher.L’hommedevantmoiaétéunmeilleurpèrepourmoiqueceluidontjepartagelesang.Pendantces
troisans,quandj’avaisbesoind’êtrerecadré, ils’estadresséàmoisansm’insulteretsansmetraînerdanslaboue.
—Victor,regarde-moi.J’obéis.J’obéiraisàtoutcequedemandecethommequisacrifieunetellepartiedesaviepourses
joueurs.—Cen’était pas ta faute, affirmeDieter, lesyeuxpleinsde compassion.Trey a succombéàune
crisecardiaque.—Sijeneluiétaispastombédessusaussifort…Mavoixs’éteintcarjenepeuxpasledireàhautevoix.—Vic,écoute-moibien,car jene te lediraiqu’unefois.Treyestmortàcausedeschoixqu’ila
faits.Desmauvaischoix.JenepeuxpasentrerdansledétailcarcesontdesinformationsconfidentiellesetTreyétaitencoremineur,maisilseraitmortquetul’aiesfaitounon.Est-cequetucomprendscequejetedis,fiston?
J’emmagasinesesmots.Treyprenaitdeladrogueetsoncorpsalâché.Jesavaisqued’autrestypesd’autresécolesenprenaient,maisjen’auraisjamaiscruquemonmeilleuramipuissesedroguer.Monikaavaitraison.Treyavaitbeletbiendessecretspourmoi.
—Oui,monsieur,jecomprends.Lesvoixdesautresjoueursquiarriventdanslesvestiairesrésonnentàtraverslesmurs.—Ilfautquej’ailleàl’entraînement,meditDieterenmetendantlamain.C’étaitbondeterevoir,
Victor.Jesuisvraimentcontentquetusoisvenuetsituasbesoindequoiquecesoit,jesuislàpourtoi.Nenouslaisseplussansnouvelles.
C’estlesignalpourmefairepartir.—Jereviensaulycée.—Ravidel’entendre!Ilatoujourslamaintendue,attendantquejelaprenne.Jenelefaispas.—Jeveuxrejouer,coach.Jeveuxvousprouver,àvousetàmescoéquipiers,quejenevousaipas
abandonnés.Ilsefrottelementon.—Tuasdescoursàrattraper,Vic.Jenesaispassil’administrationtelaisserajouer.Enplus,ona
essuyédenombreusesdéfaitesd’affilée.Ilvaudraitpeut-êtremieuxquetunejouespluspourmoi.Avecunregaind’énergie,jepersiste.
— Je vais jouer pour vous, coach, même si je dois me battre contre chaque membre del’administration.
Commeillèveunsourcil,jepoursuis:—Façondeparler!Jeveuxyarriver.Jevouslepromets.Onvagagnerlechampionnatd’État.Je
vouslepromets,coach.Jepeuxaiderl’équipe.J’ensuissûr.JesecouevigoureusementlamaindeDieter,etremarquelesouriretriomphantsursonvisage.—Bonretourparminous,Salazar.
Chapitre52
MONIKA
Vicaditquej’avaistropdesecrets.Jecacheàtousquijesuisvraiment,mêmeàmesmeilleursamis.Jen’aiplusenviedemecacher.Peut-êtrequelasensationquej’airessentieenétantavecVicl’autresoir,êtrevulnérable,pourraitêtrelaclé.Êtrevulnérablem’apermisdem’ouvrir,d’êtrevraie.Jen’aiplusenviedemeplanquerderrièredessecrets,quecesoitceuxdeTrey,ceuxdeVicoulesmiens.
Jeprendsuneprofondeinspiration,m’assoisàmonordinateuretallumemawebcampourfaireunevidéo.
—Bonjour,jem’appelleMonikaetjesuisatteinted’arthritejuvénile.Jerespirelongtempsavantdepoursuivre.—Laplupartdutemps,j’aidesdouleursdanslespoignetsetlesgenoux.Parfois,j’aitellementmal
audosque jedoism’allonger jusqu’àceque ladouleurdisparaisse. J’ai l’impressiond’êtredéjàunepetitevieille.Jen’enaipasparléàmesamiscarjeneveuxpasqu’onmetraitedifféremment.Jeneveuxpasquelesgensmecroientincapabledefairelesmêmeschosesqu’euxetmemettentàl’écart,c’estpourcela que je suis devenue pom-pomgirl. J’ai poussémon corps dans ses derniers retranchements pourcachermasouffranceintérieure.Ladissimulern’ajamaisfaitpartirladouleur.Lacrainted’êtretraitéecomme une handicapée par tout lemonde si l’on découvraitmamaladiem’a fait gardermon arthritesecrète.Maismaintenant,quelqu’undontjesuistombéeamoureusem’aditd’arrêterdecacherquijesuisvraiment.L’heureestvenuedecesserdefairesemblantetderacontermonhistoire.Jenesaispassicelaaideradesgensatteintsd’arthritejuvénileoupermettrademettreunvisagesurlamaladie.Maisvoilàmavie.
Les larmesmemontent auxyeux. Je les essuie et raconte le restedemonhistoire,puis charge lavidéoenligne,accessibleàtous.
Enfin,j’envoieuntextoàVic:
Ilfautquejetemontrequelquechose.
Jeluienvoieleliendelavidéo.Etjem’endorsenscrutantmonportable,dansl’attentedesaréponse.
Chapitre53
VICTOR
Famille.Familia.Cemotrenvoieàtellementdeproblèmes.Jedétestaiscemot.Ilsignifiequel’onestliéàdesgens,qu’onlesouhaiteounon.Ilsignifiequel’ondoitsemontrerdigne,mêmesil’onsefaittapersurlesdoigtsouinsulter,cequifaitencoreplusmal.
Jen’auraisjamaiscruquemesamisseraientunefamilleétendue.Cesontdesgensquitiennentàmoique je sois dans l’équipe ou non, que je sois intelligent ou con, etmême si je fais des conneries quim’attirentdesproblèmes.
C’estinconditionnel.C’estpourcelaquejemedirigechezmoiaprèslescours.Marissamesautedanslesbrascommesij’étaisunchienperduquirentraitàlamaison.Cen’estpas
loindelavérité.— Je suis tellement contente de te voir ! bredouille-t-elle en pleurant. Ou bien est-ce que tu es
revenupourrepartirencoreunefois?—Jesuisderetour.—Etpapa?S’ilneveutpasquetureviennes?—Laisse-moifaireavecnotrevieux,d’accord?Net’inquiètepaspourlui.Danilèvelesyeuxauciel.Elleestassisesurlecanapédevantlatélé.—Sérieux,c’étaitsuperquandtun’étaispaslà,Vic.Papasefichecomplètementdenous,etc’est
parfait.Retourned’oùtuviens.—Ellenepensepascequ’elledit,s’empressed’ajouterMarissa.—Maissi!répliqueDani.D’uncoup,jecomprends:Dani,c’estmoienfille.Unerebelle.Qu’est-cequ’ellevafairecomme
bordel,sijeneveillepassurelle?Danireçoituntexto.—Jesors.—Tuvasoù?—Nousallonsquelquepart,dit-elleenprenantsonsaceten filantvers laporte. J’aiun rendez-
vous.—AvecBonk?—Oui.Ahouais, c’estvrai, tun’étaispas làdonc tun’espasaucourant. Je sors avecMatthew
Bonk.Merde!Jeparsquelquessemainesetquandjereviens,masœursortavecSatan.Elles’envamaisjesuissur
sestalonsetmeglisseàl’arrièredelavoituredeBonktandisqueDanimonteàl’avant.—Qu’est-cequetufousdansmacaisse,mec?Jecroyaisquetuétaismort.Oudumoins,c’estce
qu’onespérait.Jeluilanceunsourirecynique.
—Jesuisderetour.Etavantd’imaginerpasserdutempsseulàseuleavecmasœur,oublie.Jelachaperonne.
Danifaitvolte-faceetmefusilleduregard.—Descendsdebagnole,Vic.Maintenant!—Non.Jemepencheetpasselesbrasautourd’eux.—JesuislefrèredeDani.Tusorsavecelle,tudoist’habitueràm’avoirsurledosenpermanence,
monpote.—Tuesmalade,ditBonk.Écoute,mec,j’aimebientasœur.Jel’aimebeaucoup.Daniluisourit,unsourirenaturelquiadoucitsestraits.—Jet’aimebeaucoup,moiaussi.Ohnon!—Alorsondiraitqu’onvapasserbeaucoupdetempsensemble!Jemerenfoncedanslesiège.—Oùest-cequ’onvadîner?DisàMarissadenousaccompagner.Onsefaitunesortieenfamille.—Tuparlesd’unenfer!faitBonk.C’estexactementça.
Chapitre54
MONIKA
—Est-cequetuasvuVic?demandeBreeenmerejoignantàmoncasierdanslamatinée.Rienqu’enentendantsonnom,j’ailecœurquifaitunbond.
—Non,oùest-il?—Justelà,répondBreeavecungesteversl’autreboutducouloir.VicestavecJetetDerek.Ilrestelemêmegarçonassuré,àl’exceptiondelabarbedetroisjoursqui
s’épaissitlelongdesamâchoireetquilerendplusdur,plusviril.Vicetlesgarçonsontl’aird’êtreaumilieud’uneconversationsérieuse.DereketVic,dumoins.Jet
nesaitpasêtresérieux,alorsjesupposequ’ilplaisantepourévitertoutcequipourraitlefairesortirdesoninsouciancehabituelle.
Soudain,ilssetournenttouslestroisetnousregardent.—Hé,regardezquiestderetour!s’exclameJetjoyeusement.VicestsurprisqueJetaitl’airsincèrementcontentdelevoir.Derek,quineconnaîtVicquedepuis
quelquesmoispuisqu’ilestarrivéàFremontaumilieudel’annéedernière,letapedansledos.Onvoitquelesdeuxontbeaucoupderespectl’unpourl’autre.
Avecdegrandspaslents,Vicavanceversnous.—Bonjour,dit-ilcommesil’onnes’étaitpasvusdepuislongtemps.—Salut,dis-je,nerveuse.Ashtynquis’estavancéelabouchegrandeouverteserreVicdanssesbras.—Tum’asmanqué!—Vousm’avezmanquéaussi,lesgars.Maissilesmecsettoi,vousnevousdonnezpasàfond,je
nerevienspasdansl’équipedefootball.Ashtynetlesgarçonsledévisagent,souslechoc.—Tuvasjoueraufootball?Avecnous?— J’ai parlé à Finnigan. Elle a dit que si je promettais de venir en cours tous les jours sans
exception,ellemelaisseraitjouer.—Oùest-cequetuétaispendanttoutcetemps?demandeBree.—Ouais,intervientJet,onpensaitquetuavaisdisparudelasurfacedelaTerre.Pourêtrehonnête,
mec,c’étaitdéjàassezdifficiledeperdreTrey.Teperdreaussin’afaitqu’aggraverleschoses.Lefaitestqu’onabesoindetasaletroncheparminous,Vic.
—Jem’étaismisdansuntrou.Maisjesuisderetour.Ilcroisemonregardunbrefinstant;sesyeuxbrunsrévèlenttantdesescombatsintérieurs.Jesuis
contentequ’ilsoitlà,mêmesimavidéonereprésenterienpourlui.—Finidetecacher,ditDerek.Jure-moiquetuviendrasnousvoirlaprochainefoisquetuvoudras
disparaître.Vic a l’air étonné qu’on s’intéresse autant à sa vie privée alors qu’elle est aussi compliquée et
douloureuse.—Pourquoiest-cequeçavousintéresseautant?
—Parcequ’onestunefamille!s’écrieAshtyn.Vicsouritcommeungaminquireçoitsonpremiercornetdeglace.—Merci.Çaveutdirebeaucouppourmoi.La première sonnerie retentit, signe que nous n’avons plus que cinqminutes pour nous rendre en
classe.Toutlemondesedisperse,melaissantseuleavecVicdanslecouloir.—Tuasreçumontextohiersoir?—Oui.De toute évidence, il n’a pas compris le message, que je suis en train de changer. C’était une
déclarationd’amourpourlui.—Euh…ilfautquejetedisequelquechose.Treysedroguait,Vic.Ilm’avaitditdeluifoutrela
paixavecçaetj’aiobéi.Situcroisquejeneculpabilisepas,détrompe-toi.Jeculpabilisechaqueminutedechaquejour.
J’essuieunelarmedemonœiletpriepournepascraquer.—Vic,tun’espasresponsabledesamort.Siquelqu’unestresponsable,c’estmoicarjen’airien
dit.Jesensunpoidsdisparaîtredemesépaules.Jeleregarde,dansl’espoirdevoirlemoindresignedechaleuroudepardon.Aulieudeça,ilresteimpassible.—Écoute,Monika,jedoisyaller,répond-il,visiblementpréoccupé.—Oui,d’accord,pasdesouci.Ilfoncedanslecouloiretmoncœurseserre.LaclassedeMrMillerseremplitrapidement.Notreprofesseurestassisaucoindesonbureaualors
quelasecondesonnerieretentit.Vicn’estpaslà.J’entendsdesgenschuchoter,commentantleretourdeVicaulycée.Jemedemandes’ilsèche.—Bonjourà tous, commenceMrMilleren regardant la tabledeVic,onm’aditquenotreélève
disparuétaitderetourmaisdetouteévidenceilne…Soudain,lehaut-parleursonnedeuxfois,pourannoncerunecommunication.—Salut,lesRebels,icivotrerebellepréféré,VictorSalazar.Notreclassevibred’excitation.ToutlemondesedemandecequeVicvanousdire.Iln’ajamaisété
trèscausant,préférants’exprimeravecsespoingsplutôtqu’aveclesmots.—Je,euh.j’aivécuunmomentdifficileaveclamortdeTreyMatthewssurleterrainquandjel’ai
plaqué, poursuit Vic d’une voix douce pleine de sincérité. C’était mon meilleur ami. Je me sentaiscoupable, j’auraisvouluéchangermaplaceaveclasienne.Voussavez,onm’adit très jeunequejeneservais à rien. On m’a rabaissé, traité d’imbécile tant de fois que j’ai commencé à le croire. TreyMatthewsméritaitdevivre,pasmoi.
Savoixsemetalorsàtrembler.— Je continue de décevoir des gens mais la nuit dernière, une fille exceptionnelle m’a fait
comprendrequejen’étaispasinutileetquejepouvaisréparermeserreurs.Jeveuxsimplementluidirequejesuisdésolédel’avoirblesséeetquejepasserailerestedemavieàrattraperlecoupavecelle.Jel’aime tellement ! Elle m’oblige à devenir meilleur et à briser les barrières. Je suis désolé d’avoirabandonnémescoéquipiersetjetravailleraidurpourvousaideràremporterlechampionnatd’État.Et,MrMiller, je comptebienobteniruneexcellentenotepourvotredevoirqui consistait à fairequelquechosehorsnormepourchoquer.J’espèrequevousêtesfierdemoi.
Jeporte lesmainsàmoncœurquibatsi fortetcourshorsdelaclasseretrouverVic.IlestassisdanslebureaudeFinnigan.Elle-mêmesetientàcôtédeluiavecunsourirechaleureux.
—Beautravail,MrSalazar,commente-t-elleunefoislemicroéteint.—Vic!dis-jeleslarmesauxyeux.MonDieu,qu’est-cequej’aimecegarçon!Duràl’extérieuretsivulnérableàl’intérieur.—Tuasditquetum’aimais!—Oui.Jet’aimedepuisqu’onestentrésaulycée.Treyetmoivoulionstouslesdeuxtedemander
desortiravecnous.—Maistul’aslaisséfaire.—Ilétaitmeilleurquemoi.Jen’arrivepasàcroirequeledestinnousréunisseaujourd’hui,aprèstoutcetemps.—Tues intelligent,drôleet terriblementsexy,Vic.Tun’étaispassimplement lemeilleuramide
moncopain.Tuétaismonmeilleuramiaussi.Treynemepoussaitpasàdevenirmeilleure.Toi,si.Etjet’aimepourça.Cequ’ilyavaitentreTreyetmoi,c’étaituneamourettedelycée.Toietmoi,c’estpourtoujours.
—Toujours?fait-ilenhochantlatête.Çameplaît!Jemehissesurlapointedespiedsetl’embrasse,mefichantdujugementdesautresetduqu’en-dira-
t-on.Seslèvreschaudessepressentcontrelesmiennesetmoncorpsfondentresesbras.Finniganseraclelagorge.—Pasdeçaaulycée,vousdeux.C’estdanslerèglement.Vicsourit.—Jeveuxbienallerencolle,luidit-il.Jepenchelatêtedecôté.—Moiaussi.Vicmeserredoucement,soutenantmondosdanssesbraspuissants.—Commenttesens-tu?—Là,jen’aiaucunedouleur.—Bien.Maissituenas,dis-le-moi.Onestensemblemaintenant,tusais.Plusdesecrets,plusde
cachoteries.—D’accord,dis-jeenm’appuyantcontresontorse.J’aijusteunderniersecretàterévéler.—Dequois’agit-il?—J’aiaccidentellementmisduliquidedetransmissiondanstavoitureàlaplacedulave-glace…—Ahvraiment?—Vraiment.Ilsourit.—Jetemontreraicommentrattraperça.Maisjenepeuxpaslefaireaujourd’hui.—Pourquoipas?—Parcequetoietmoiavonsrendez-vousencollepourça…Surce,ilmesoulèveetm’embrasse.Jemesensplusvivanteetheureusequejamais.Jevaispasser
lerestedemavieàluimontrercombienilestspécialetprécieux.C’estmonhéros,legarçonquim’asauvéedemoi-même.
Jemereculeetprendssonvisageentremesmains.—J’aiapprisquelquechosedetoi,Vic.S’attirerdesennuisenvautparfoislapeine.—Là,tumefaisplaisir!dit-ilavecungrandsourire.