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Les Territoires dans tous leurs états Nouvelles dynamiques de l’action publique Actes du colloque du mercredi 15 novembre 2006 Conseil général des Ponts et Chaussées

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Les Territoires dans tous leurs états Nouvelles dynamiques de l’action publique

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Préface 004

1 Ouverture du colloque 007

2 Questions, problèmes et enjeux 017

3 Quelles pistes de progrès pour l’action publique ? 081

4 Conclusion 131

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Préface

Nous avons eu un vif plaisir à recevoir les intervenants de ce colloque et les remercions encore de leur présenceet de la très enrichissante qualité de leurs interventionsretranscrites ici.

J’en profite également pour remercier très chaleureusementJean Frébault, Michel Juffé et Gilbert Santel qui se sontfortement impliqués dans la préparation et la réalisation de ce colloque.

Cher lecteur, nous espérons que ces actes de colloquepourront éclairer votre réflexion.

Pierre ChantereauSecrétaire général du CGPC

Comment enrichir les débats qui concernent l'avenir de notre pays ?

Comment faire évoluer les esprits sur les questions de fond comme la gestion des territoiresaujourd'hui ?

À la suite du succès rencontré par les colloques organiséslors du bicentenaire du Conseil général des Ponts etChaussées en 2004, il nous a semblé utile de contribueraux débats concernant nos champs de compétence.

En réunissant des intervenants et des participants dehaute qualité autour d’une autorité technique et moralecomme le Conseil général des Ponts et Chaussées, nousespérons être une aide à la décision pour les pouvoirspublics et fournir aux acteurs impliqués un dossierprospectif et contradictoire des thématiques abordées.

« Les territoires dans tous leurs États, nouvelles dynamiques de l’action publique » est donc le premier colloque annueldu CGPC. L’année 2007 verra l’organisation d’un deuxième colloqueen novembre, sur le thème de l’Europe.

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Dominique Perben,ministre des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer 009

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Ouverture du colloque

Dominique PERBENMinistre des Transports, de l’Équipement, du Tourisme et de la Mer

Je vous remercie, Monsieur le Vice-président, pour votre accueil.

J’ai, en effet, quelques obligations ce matin. Je viens donc ouvrir votremanifestation pour vous faire part, pendant quelques minutes, decertaines de mes bien modestes réflexions. Je tiens auparavant àféliciter le Conseil général des Ponts et Chaussées pour l’organisationde ce type de manifestation dont nous avons besoin pour réfléchir etdégager des stratégies dans un monde où tout évolue très rapidementy compris au sein des administrations publiques. En tant que ministredes Transports, je suis amené, avec l’ensemble de l’administration dontj’ai la charge, à répondre vite à des besoins immédiats exprimés par nosconcitoyens en termes de services au quotidien.

Cependant, la seconde tâche à laquelle nous devons faire face est dedégager des voies à moyen et long termes et de nous projeter dansl’avenir. Il faut, pour cela, disposer de cercles de réflexion — que celle-ci soit économique, sociale, écologique —, pour créer les perspectivesdont nous avons besoin.

C’est pourquoi j’estime que ce colloque du Conseil général des Ponts,avec un public varié provenant à la fois de la sphère publique (État,collectivités locales) et constitué de responsables politiques etéconomiques, est l’illustration de la préoccupation suivante : commentconcilier aujourd’hui l’exigence de services au quotidien et unenécessaire anticipation de l’avenir ?

Le vice-président rappelait à l’instant qu’en tant que ministre, je présidele Conseil général des Ponts et Chaussées. Il s’agit, pour moi, d’unhonneur redoutable. Cependant, il est vrai – je vous le dis en touteamitié – que j’apprécie particulièrement l’ambiance de ce Conseilgénéral et son sens du service public, même si le terme peut paraître « ringard » à nombre de personnes.

L’ouverture de ce colloque m’offre l’occasion de vous faire part dequelques réflexions personnelles sur un certain nombre de questions.

Claude MARTINANDVice-président du Conseil général des Ponts etChaussées

Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue,

Monsieur le Ministre, qui êtes aussi le président du Conseil général desPonts et Chaussées, je vous remercie d’avoir pu vous libérer ce matincompte tenu des contraintes qui sont les vôtres.

Dans la foulée du bicentenaire de notre Conseil, nous croyons utiled’organiser périodiquement de telles manifestations pour débattre avectoutes les parties prenantes des questions de fond qui concernentl’avenir de notre pays tout en entrant dans le domaine de compétencede notre Conseil. Je précise que ce champ de compétence couvre desthèmes qui dépassent largement l’intitulé de notre ministère de tutelle.

Ces manifestations nous permettent également d’associer tradition etmodernité, sagesse et audace et de nous inscrire dans des débatsd’actualité de manière non partisane et pluraliste. Notre autoritétechnique et morale s’illustre de cette manière encore une fois.

Monsieur le Ministre, nous vous écoutons.

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Ouverture du colloque

des actions sur des horizons aussi longs. Cette question doit constituerun axe majeur de réflexion.

La nécessité de développer le report modal

Cependant, le développement des modes alternatifs pourra s’effectueruniquement s’ils sont économiquement performants.

En particulier, dans les transports collectifs, il est nécessaire de donnerune impulsion forte sur les systèmes d’information et de coordinationd’horaires qui soient efficaces. De plus, il est impératif de réfléchir à laquestion des périmètres des autorités organisatrices de transports.

Dans un grand nombre d’agglomérations, le périmètre des autoritésorganisatrices n’est plus performant, notamment pour ce qui est dudomaine de la tarification.

Par ailleurs, le fret ferroviaire, sujet délicat, constitue un problèmeconsidérable. Il n’est pas possible de tenir un discours crédible sur laquestion des transports de marchandises et, dans le même temps, avoirdes dispositifs industriels aussi peu compétitifs et aussi peu fiables.

L’exigence du développement durable ne se résume pas à de simplesconstructions d’infrastructure.

Elle consiste davantage dans l’organisation de ce qui circule, en utilisanttous les outils économiques et réglementaires pour diminuerrégulièrement l’impact environnemental.

C’est pourquoi j’ai demandé au Conseil général des Ponts etChaussées de réfléchir à un objectif intermédiaire pour 2025 qui seraitd’apprécier notre capacité à contribuer aux objectifs de la France enmatière d’émission de gaz à effet de serre.

2. La notion d’intérêt général, une notion en mouvement

L’intérêt général a été longtemps un mode d’expression del’intérêt national.

Aujourd’hui, l’intérêt général passe par une confrontation despoints de vue territoriaux : c’est à dire de la commune à l’Europe etau planétaire, en passant par les communautés d’agglomération et lesrégions. Par ailleurs, chaque ministère, dans son champ de

1. Le développement durable

Une réunion s’est tenue sur ce thème, il y a quelques jours,autour du Premier ministre. Il s’agit donc d’un thèmeimportant auquel il convient de donner un sens. Il estévident que cette thématique s’étend au-delà des enjeux duministère de l’Équipement et des Transports. Par ailleurs, il s’agit d’un enjeu à la fois local, national, européen et planétaire.

Mes convictions sur ce sujet sont les suivantes :Rien ne pourra être réalisé sans une logique d’aménagement et dedéveloppement durable des territoires.

Il est nécessaire de concilier les piliers du développement durable :développement économique, progrès de la société, protection et miseen valeur de l’environnement.

Les échecs de l’écologie sont dus au fait que l’on n’a pas essayé deconcilier exigence écologique et exigence économique. On n’a pas suimaginer des cycles économiques vertueux. Or, si on ne sait pas créerces mécanismes économiques et écologiques, on se maintiendraconstamment dans un système défensif.

C’est pourquoi il est nécessaire d’effectuer ce travail de réconciliationqu’il s’agisse de techniques de financement, de fiscalité ou deréglementation.

Le poids du secteur des transports impose la mise en œuvre depolitiques adéquates par le ministère de l’Équipement et des Transports

En effet, le ministère de l’Équipement et des Transports doit pouvoirintervenir sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, surl’adaptation des pratiques aux différents territoires en termesd’aménagement de l’espace et d’organisation des transports.

Il s’agit de penser l’urbanisme en fonction des transports et nonl’inverse. On le répète souvent, mais on le fait très peu.

Or, il est terrifiant de constater qu’il n’existe plus en Franced’agglomération qui ne soit pas totalement bloquée entre 17 heures et19 heures. Pourtant, les pouvoirs publics n’ont jamais mis autantd’argent dans les transports en commun.

Les responsables de l’action publique doivent se mettre en capacité deplanifier sur de plus longues périodes

Pour une action publique efficace sur ces problématiques, l’horizon doitêtre de 50 ans et pas 10 ans comme actuellement.

Or il me semble que nous ne sommes pas encore capables de planifier

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Après dix-huit mois passés à la tête de cette administration, je suisconvaincu qu’il existe une place, à côté du ministère de l’Économie etdes Finances, pour un grand ministère ayant pour attribution ledéveloppement durable au sens large et capable d’assurer une fonctionde régulation de tous les grands systèmes de transport, decommunication, d’urbanisme, d’aménagement de l’espace.

Cela implique des modifications à la fois dans les constitutionsd’équipes et dans la définition de leurs missions.

Cependant, je tiens à souligner que le rôle de l’État est celui d’un grandpôle régulateur, exprimant clairement ce que doivent être les grandséquilibres à respecter.

Dans ce cadre, il me semble que notre Ministère a un rôle-clé à jouer — que le ministère des Finances, lui, ne pourra tenir puisqu’il a d’autrespréoccupations —, rôle déterminé par ses compétences techniques etscientifiques.

Je vous remercie et vous souhaite une fructueuse journée de travail.

Décentralisation et poursuite de la construction européenne

Ce contexte de décentralisation ne rend pas moins nécessaire lapoursuite de la construction européenne, notamment au cours desprochaines présidences allemande et française durant lesquellescertaines interrogations devront être levées.

Les missions prioritaires de l’État

Il apparaît, notamment à travers les contacts que j’ai sur le terrain, quel’État reste très attendu dans les différents territoires. Même si lesservices rendus par l’État vont évidemment évoluer en termes decompétences, il est nécessaire de maintenir un certain nombred’actions importantes.

La nécessité de réussir la mise en place du systèmed’observatoires des territoires

Il est important de disposer de systèmes d’information géographiquesperformants pour donner les informations nécessaires aux différentsacteurs.

Une meilleure information

L’État doit mieux informer sur l’ensemble des règles et des servitudesrelatives aux territoires.

La nécessité de jouer un rôle fédérateur

Compte tenu de l’absence de tutelle d’une collectivité locale sur l’autre,l’État doit, notamment par l’intermédiaire du réseau Équipement, jouerun rôle important d’accompagnement.

L’accompagnement de la montée en puissance del’intercommunalité

La mobilisation du réseau scientifique et technique du ministère del’Équipement et des Transports

Il est nécessaire que ce réseau scientifique et technique puisse apporterà l’ensemble de la chaîne de décision publique son savoir-faire.

La nécessaire évolution de l’administration de l’Équipement et desTransports vers un rôle accru de régulation économique

Il faut que l’administration de l’Équipement et des Transports réussisseson passage d’un rôle d’entrepreneur à celui de régulateur.

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Questions, problèmes et enjeux

Matinée animée par Jean Frébault

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Première table ronde 018Bilan et enjeux de l’action publique dans le champ des politiques territoriales : grands défis de la société urbaine aujourd’hui, regards critiques sur l’efficacité de l’action publique et sur la redistributiondes rôles entre acteurs et institutions

Francis Beaucire 026Patrick Le Gales 030Élisabeth Maurel 035

Deuxième table ronde 038

Éclairage européen : l’impact des politiques de l’Union européenne sur les politiques nationales, régionales et locales

Ronald Hall 044Michel Delebarre 049Adrien Zeller 052

Troisième table ronde 058Quelles visions des grands défis, aux différentes échelles ? Quels nouveaux repères pour fonder l'action publique ?

Jean-Paul Alduy 064Louis Besson 066Jacqueline Gourault 068Gilles Ricono 071Sylvie Esparre 074

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Jean Frébault, animateur de la premièrepartie du colloque, propose une liste desgrands défis auxquels les décideurspublics ont à faire face :

• la « crise des banlieues », le défi de l’exclusion sociale et urbaine ;

• le changement climatique et la crise énergétique, l’avenir de la planète ;

• les mutations démographiques, l’étalement urbain ;

• les changements d’échel les terr i tor iales et l ’ impact de lamondialisation.

Il fait part du sentiment d’un décalage croissant, dans beaucoup dedomaines, entre l’efficacité de l’action publique et l’ampleur des défis àrelever.

Francis Beaucire, géographe et professeur à l’université Paris I, évoqueles défis proposés aux systèmes de gouvernance des territoires : levieillissement démographique, le défi de l’énergie et la crise du « vivreensemble ».

Il constate aussi une véritable inertie du système de gouvernance, quirend l’action publique moins efficace. Il l’explique par une mauvaisearticulation entre compétences thématiques et compétencesterritoriales à la sortie des processus de décentralisation.

Par ailleurs, la démocratie participative ralentit encore les processus de décision.

En outre, l’apport de l’Union européenne sera plus léger que les

Bilan et enjeux de l’actionpublique dans le champ des politiques territoriales : grands défis de la sociétéurbaine aujourd’hui, regardscritiques sur l’efficacité de l’action publique et sur la redistribution des rôles entreacteurs et institutions

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Questions, problèmes et enjeux

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Pour retrouver sa capacité de direction politique, l’État doit modifier sonaction pour se concentrer sur les trois rôles suivants :

• un État régulateur qui n’est pas un État faible, mais qui définit desrègles du jeu et des cadres d’action ;

• un État mobilisateur, qui pense en termes de partenariats et detransversalité ;

• un État régalien, qui se renforce notamment sur les questions desécurité.

Concernant la situation française, il lui semble nécessaire de retrouverdes capacités politiques, d’en finir avec l’absence de véritables choixpolitiques et de poser la question de la nature de la démocratie.

Pour Élisabeth Maurel, chercheur à l’Institut d’études politiques deGrenoble, travaillant sur les questions de pauvreté, un territoire n’estpas qu’un lieu géographique. Il est aussi une mémoire sociale, commele montrent les trois exemples cités : la « pauvreté culturelle » de lavallée du Gier dans la Loire qui fait suite à une crise industrielle, la forteculture de coopération, de mutualisation et d’autonomie dans la ville deBesançon et le silence qui caractérise une vallée rurale du Grésivaudanen Isère.

Ces systèmes locaux de pauvreté résultent de la confrontation entre lesystème d’intervention des pouvoirs publics et le système historique.

L’enjeu est donc de recréer des cadres sociaux qui fassent sens pour lapopulation pour une meilleure appropriation. Ces « territoires de projet »qui sont liés à l’affirmation de l’identité culturelle du territoire sontconstruits sur la base de politiques contractuelles. Ils sont confrontés àun système d’intervention structuré par des politiques catégorielles.

L’efficacité de l’action publique au niveau territorial dépend en grandepartie de sa capacité à combiner ces deux logiques de projet.

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dernières années en raison de l’arrivée des nouveaux pays membresplus pauvres que la moyenne européenne.

Enfin, les possibilités d’intervention de l’État sont réduites par leséquilibres budgétaires qu’il doit respecter dans le cadre d’uneconcurrence accrue des territoires, ce qui lui interdit d’augmenter tropfortement la pression fiscale.

Pour Patrick Le Gales, Directeur de recherche au Centre d’Études dela vie politique française, CEVIPOF, et professeur à l’Institut d’Étudespolitiques de Paris, l’État est à la recherche d’un nouveaupositionnement puisqu’il est aujourd’hui « pris en tenaille » entre unprocessus de décentralisation et la construction européenne.

En effet, en France, près de 75 % de l’investissement public est effectuéau niveau infranational.

Par ailleurs, on assiste dans la plupart des pays européens à la fin desmodèles uniformes d’organisation des collectivités territoriales. Comptetenu de l’importance de l’Europe dans les politiques territoriales, lapanne actuelle de la construction européenne est extrêmementinquiétante pour les territoires.

Pour lui, la véritable problématique de l’action publique est la capacitéde direction politique. En effet, il existe des secteurs de la société trèsgouvernés, gérés par un grand nombre d’actions publiques efficaces etdes pans entiers qui sont capables de résister à la capacité d’impulsionet aux règlements de l’État.

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Première table ronde

Le sentiment d’un décalage croissant entre l’efficacité de l’actionpublique et l’ampleur des défis à relever

La société évolue rapidement. Les défis changent de nature et prennentune ampleur croissante.

Dans beaucoup de domaines, on peut malheureusement observer undécalage croissant entre l’efficacité de l’action publique et l’ampleur deces défis. Il me semble qu’il y a lieu aussi de s’interroger sur le niveaude prise de conscience de la mesure de ces défis auxquels lesdécideurs publics ont à faire face.

Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples :

La « crise des banlieues », le défi de l’exclusion sociale et urbaine

Les émeutes de novembre 2005 dans les cités ont donné des signes del’importance de la fracture que connaît notre société. Au-delà desviolences urbaines commises par une minorité de jeunes délinquants enindélicatesse avec la police,ces événements ont été le révélateur d’unefragmentation profonde et du décrochage de certains groupes sociauxqui sont en panne de reconnaissance, d’espérance, de perspectivesd’avenir.

Le défi du changement climatique et la crise énergétique, l’avenir de la planète

Ce thème alimente beaucoup les controverses. La diffusion du filmréalisé par Al Gore, le rapport de Nicolas Stern commandé par TonyBlair, qui essaie de faire le lien entre économie et écologie, et l’irruptionde Nicolas Hulot dans la campagne présidentielle en France constituentdes signaux qui nous alertent sur l’ampleur du défi à relever.

Bilan et enjeux de l’action publiquedans le champ des politiquesterritoriales : grands défis de la société urbaine aujourd’hui,regards critiques sur l’efficacité de l’action publique et sur la redistribution des rôles entreacteurs et institutions

Jean FRÉBAULTIngénieur général des Ponts et Chaussées

Les enjeux de cette journée de colloque sont multiples,comme l’a souligné le Ministre. Les organisateurs de ce colloque ont estimé nécessaired’aborder un large spectre de problématiques de politiqueterritoriale en évitant de les segmenter. En effet, il existe déjà un grand nombre de colloques quitraitent de problématiques très pointues sur chacune desthématiques du secteur : transports, habitat, urbanisme ouencore aménagement, etc. L’action publique est très interdépendante sur ces différentschamps de la politique territoriale. Par ailleurs, elle mobilisetout un système d’acteurs travaillant à différents niveaux etdont les interventions s’imbriquent de plus en plus : État, collectivités locales et société civile.

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Questions, problèmes et enjeux

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Je vais, à présent, vous présenter nos invités.

Francis Beaucire est professeur à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Il dirige également le master Urbanisme et Aménagement. Il estgéographe. Il a enseigné et dirigé des travaux dans les universités deNanterre et Cergy-Pontoise. Il dirige la revue Transports urbains. Ilpossède une excellente connaissance des liens entre transports urbainset urbanisme. Il a effectué des travaux sur la planification, la villecompacte et la ville diffuse, les grands territoires et plusieurs missionspour le Comité directeur du développement urbain, le CODIRDU.

Patrick Le Gales est directeur de recherche au CNRS et au CEVIPOF,le Centre d’Études de la vie politique française. Il est professeur desociologie et de sciences politiques à Sciences Po.

Il dirige le master Stratégies territoriales et urbaines. Il a publié un grandnombre d’ouvrages et dirigé un nombre important de collections. Il aeffectué des travaux sur la gouvernance des territoires, lescomparaisons franco-britanniques, les villes européennes et lessystèmes locaux de gouvernance.

Élisabeth Maurel est chercheur au CERAT – Sciences Po Recherchede Grenoble.

Elle a effectué un grand nombre de travaux sur la pauvreté, lespersonnes défavorisées, les sans-abri, le logement « très social » etl’insertion par l’emploi. Elle est membre de l’Observatoire national de lapauvreté et de l’exclusion sociale. Elle participe à un grand nombre deréflexions en région Rhône-Alpes. Elle apportera un éclairage sur lesquestions de pauvreté dans leur rapport avec les politiques territoriales.

Les mutations démographiques, l’étalement urbain

N’a-t-on pas sous-estimé l’impact du vieillissement de la population, dela décohabitation dans le logement ? On assiste depuis quelquesannées à un grand déplacement de la croissance de population versl’extérieur des agglomérations, et même au-delà des zones péri-urbaines dans les territoires ruraux.

Le changement d’échelle des territoires et l’impact de la mondialisation

Il s’agit d’appréhender l’impact de ces changements d’échelle sur laconcurrence et la compétitivité des territoires.

Tous ces défis remettent en question les termes de l’action publique surles territoires, qu’elle soit mise en œuvre par l’État ou par lescollectivités territoriales.

L’action publique tente de s’adapter, mais son efficacité fait débat. Aucours de la dernière décennie, on a assisté à l’éclosion de nouvellesdynamiques locales fortement stimulées par la décentralisation.Cependant, d’importants décalages persistent, notamment entre lespérimètres institutionnels et les véritables bassins de transport.

Par ailleurs, la gouvernance des territoires devient, en France, trèsfragmentée et accuse un déficit organisationnel. Notre « millefeuille »institutionnel n’a pas été réduit par le processus de décentralisation,dont l’efficacité est limitée par l’absence de hiérarchie entre collectivités.

Cependant, les modes d’intervention de l’État évoluent, notamment parla création d’agences à l’anglo-saxonne.

Une d’entre elles est emblématique de ce mouvement : l’Agencenationale de rénovation urbaine, l’ANRU, qui est appréciée par unegrande majorité d’élus locaux de toutes sensibilités politiques bienqu’elle véhicule un certain retour à la « centralisation » dans l’examendes projets.

On reproche parfois à ces agences de développer des logiques « verticales ». L’État éprouve des difficultés à dépasser la fragmentationdes politiques dans les champs de l’aménagement urbain et du social,par exemple. Il est confronté à la raréfaction de l’argent public. Ilcherche de nouveaux repères dans un contexte qui appelle à uneréactivité plus importante de l’action publique.

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Les territoires dans tous leurs états - 2. Quest ions, problèmes et enjeux

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Le défi de l’énergie

Lorsque l’on examine la courbe représentant l’évolution de la quantitéd’heures de travail nécessaire à l’achat d’un litre de pétrole brut, selonla méthode chère à Jean Fourastié, celle du « prix équivalent-travail »,on remarque une baisse tendancielle forte depuis les années 1950.

Le temps de travail nécessaire pour disposer d’un litre de pétrole brut aété divisé par six ou par huit en cinquante ans.

Cependant, aujourd’hui, la tendance paraît être inversée ou, au moins,devenue instable. Les prospectivistes estiment que cette inversion estdurable.

Or pendant deux générations, l’énergie a été abondante et bon marché.

Néanmoins, il s’agissait d’une première dans l’histoire humaine. Ilsemble que nous soyons en train de revenir à une situation pluscommune au regard du temps long.

Désormais, le prix du logement et le prix de l’énergie évoluent ensembleà la hausse. Cela a une incidence directe sur l’articulation entretransports, territoires, logement, distribution spatiale des lieux derésidence et des bassins d’emploi.

Il s’agit d’un problème de planification territoriale. Pendant longtemps,on a résolu le problème du coût du logement en jouant sur une seulevariable : la facilité de circulation. La hausse du prix de l’énergie remeten cause l’évidence de cette solution.

Par ailleurs, la hausse continue de la quantité de dioxyde de carbonedans l’atmosphère est une problématique connue, mais dont lesconséquences n’ont pas été encore entièrement envisagées pourconduire à l’élaboration de politiques publiques adéquates.

La crise du « vivre ensemble »

Il s’agit d’une crise globale de la société. Cette question ne se limite pasaux problématiques de pauvreté, que l’on pourrait d’ailleurs étendre àune partie des classes moyennes, en s’interrogeant non seulement surla précarité des démunis, mais aussi sur ce que j’appellerais l’incertitudedes « tout-juste-munis », abusivement considérés comme nantis. Ellecomprend aussi la question du « décider ensemble ».

Le ministre de l’Équipement évoquait précédemment l’intérêt général. Ils’agit effectivement de la problématique de la décision commune et duconsentement à la décision prise au nom de l’intérêt général. Il existedonc un conflit entre le respect de l’individu et l’acceptation d’unedécision présupposant l’intérêt général.

Intervention de François BEAUCIREGéographe, professeur à l’université Paris I

Jean Frébault et les organisateurs du colloque m’ont confiéla redoutable tâche de présenter cet exposé liminaire sur lagouvernance des territoires. Un exposé liminaire est celuique l’on fait au seuil d’une journée de travail. Or les chatssont les spécialistes des seuils. Je me placerai donc sous lahaute (et mystérieuse) autorité des chats. Un chat sur unseuil a les moustaches tournées vers l’extérieur ; le dosrond et la queue vers la chaleur du dedans. Je construiraidonc cet exposé en deux parties : les moustaches tournéesvers l’extérieur, puis le dos rond vers l’intérieur.

1. L’extérieur d’abord : quels sont les défis qui s’imposentaux systèmes de gouvernance des territoires ?

Le vieillissement démographique

Le vieillissement démographique constitue une question centrale qui esten apparence totalement extérieure aux problématiques degouvernance des territoires. Il s’agit néanmoins d’une question quifrappe toutes les sociétés, à commencer par les sociétés des pays lesplus développés.

Ce problème n’est pas, à mon sens, pris suffisamment au sérieux. Or,c’est la première fois dans son histoire que l’humanité est confrontée àce type d’évolution.

Nous ne disposons donc pas d’expérience du vieillissement en massede la population.

Il s’agit, cependant, d’un véritable défi lancé à la productivité du travail.Si les systèmes productifs ne réussissent pas à dégager et à accroîtredes réserves importantes de productivité du travail, les sociétés despays développés seront confrontées à un appauvrissement généraliséde leur population.

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Les territoires dans tous leurs états - 2. Quest ions, problèmes et enjeux

Première table ronde

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Page 16: du mercredi 15 novembre 2006 Actes du colloque · l'avenir de notre pays ? ... Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue, Monsieur le Ministre, qui êtes aussi le président du

Un contexte économique problématique

On assiste, depuis vingt ou trente ans, à un fort accroissement de laconcurrence entre les villes et les régions du monde. Il existe donc unecompétition très importante entre les territoires. Cette compétitionentraîne évidemment des inégalités. Il est vrai que la culture del’intervention de l’État pour ce qui concerne l’aménagement du territoireest celle de la réduction des inégalités et de la construction, toujours enchantier, de l’équité territoriale. La situation actuelle, compétitivitéconduisant à concurrence, est donc à contre-culture. Il s’agit dequestions que l’intervenant public ne sait pas encore maîtrisercorrectement.

Pour conclure, il me semble important de porter l’attention sur le faitsuivant : les défis qui sont posés à la gouvernance des territoires nesont pas les défis de la gouvernance des territoires.

Doit-on confondre les défis de la méthode de gouvernance avec lesdéfis extérieurs lancés à la gouvernance ?

Pour l’instant, il me semble qu’on s’intéresse davantage aux défis posésà la méthode de gouvernance, pendant que les défis extérieurss’intensifient.

Il paraît urgent de construire une « gouvernance de contenu » en mêmetemps que la « gouvernance de forme » qui consomme aujourd’huitoutes les attentions.

2. À l’intérieur ensuite : une relativeinertie du système de gouvernance

Pendant que les questions posées par ces grands défis voient leurimportance et leur intensité s’accroître, le système de gouvernancereste enlisé dans une longue phase de transition. Le processus dedécision publique est donc probablement moins efficace.

La décentralisation politique

La décentralisation politique a conduit à une certaine fragmentation et àune certaine juxtaposition des compétences.

Pour le géographe que je suis, il me semble qu’il existe un système decompétences thématiques relié à un système de compétencesterritoriales. La liaison entre compétences thématiques et compétencesterritoriales est, à mon avis, mal effectuée.

Ces dysfonctionnements ont complexifié, de façon importante, le système de prise de décision.

La démocratie participative

De façon générale, la démocratie participative ralentit la prise dedécision et l’intensité de cette décision. Or, les grands défis évoquésprécédemment demandent souvent des réactions vigoureuses etrapides de la part des décideurs publics. Jusqu’à aujourd’hui, la plupartdes acteurs se félicitent de l’apport de la démocratie participative ausystème de la gouvernance. Il me semble que ce jugement sera plusnuancé dans dix ou quinze ans.

Le rôle de l’Europe

L’Europe a changé de centre de gravité géographique en incorporantl’Europe centrale et une partie de l’Europe orientale.

Les types de problème à résoudre et les inégalités hurlantes de niveaude vie et d’équipement font que l’Union européenne n’a plus les moyensde s’imposer comme le recours pour régler des questions degouvernance territoriale à l’intérieur de pays plus riches et développésque la moyenne européenne.

Sur ces questions, en France, l’Europe sera vraisemblablement moinsprésente qu’au cours des vingt dernières années à l’échelle des projetslocaux.

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En effet, les frontières ont changé du fait de l’accord de Schengen.L’État n’a plus ses propres sources de droit, qui sont aujourd’huiprincipalement l’Union européenne et les normes internationales :l’origine du droit n’est plus le Parlement. L’État est de plus en plusdilaté.

De plus en plus de ressources et d’expertise sont regroupées au niveaueuropéen ou au niveau infranational du fait de la décentralisation.

L’État doit partager des pans entiers de ses attributions traditionnelles :citoyenneté, fiscalité, monnaie, sécurité ou encore développementéconomique. Il s’agit d’une fin de cycle pour l’État. La question est desavoir quel est son nouveau positionnement.

L’impact du nouveau rôle de l’État sur les politiques territoriales

Dans tous les pays européens, à l’exception de la Grande-Bretagne, onessaie de répondre aux nouveaux défis posés à l’action publique par unsurcroît de décentralisation régionale.

En moyenne, pour l’Europe des Quinze, plus de 60 % del’investissement public est assuré au niveau infranational. En France, laproportion est proche de 75 %.

Dans la plupart des pays européens, on assiste à la fin des modèlesuniformes et à l’éclosion de systèmes différenciés avec des régions quiont des pouvoirs différents les unes par rapport aux autres. L’Europedes villes et des régions est constituée d’une mosaïque territoriale.

Par ailleurs, la concurrence économique et politique entre les territoiress’est accrue. Cette mosaïque est très dynamique et peu coordonnéeaux niveaux nationaux ou européens.

La panne de l’Europe

Les difficultés de coordination entre les territoires proviennent en grandepartie de la panne de la construction européenne. Le non au référendumsur la Constitution a constitué une catastrophe pour notre capacité àjouer un rôle dans l’organisation des territoires au niveau européen.

De plus, la Commission actuelle présente un bilan extrêmementmodeste.

Par ailleurs, le Conseil qui regroupe les chefs d’État n’a jamais été aussipeu pro-européen. À part le Parlement, il n’y a actuellement plus demoteur pour la construction européenne. Il me semble que ceralentissement de la construction européenne est dramatique pour nosterritoires.

Intervention de Patrick LE GALESDirecteur de recherche au Centre national de recherchescientifique – Centre d’Études de la vie politique française,professeur à l’IEP Paris

Mon intervention portera davantage sur les politiquespubliques et les problématiques de gouvernance, à la suitede l’énumération des énormes défis auxquels l’actionpublique doit faire face. La question que l’on pose dans les équipes de recherche deSciences Po est la suivante : les sociétés modernes sont-elles devenues ingouvernables ?En effet, auparavant, la réflexion sur l’action publique avaitpour cadre l’État-nation. Cependant, face aux défisénumérés précédemment, l’État-nation constitue un cadretrop étroit. Par conséquent, la question de l’intérêt généralest celle de l’imbrication d’intérêts urbains, régionaux,nationaux, européens ou planétaires. Cette question est essentielle afin de retrouver descapacités d’action collective.

1. Le cycle de l’État

À la recherche d’un nouveau positionnement pour l’action publiqued’État

Les questions de gouvernance ne sont pas caractéristiques de lasituation française. Les mêmes questions sont posées dans tous lespays européens.

La France a un système propre qui s’adapte différemment. Cependant,les défis sont les mêmes et les questions posées, notamment celle durôle de l’État régulateur ou la manière d’articuler pouvoirs locaux et État,sont identiques en Italie, en Allemagne, aux États-Unis ou encore auJapon.

Par exemple, dans tous ces pays, de nouvelles lois sur la décentralisationsont votées en permanence. La LOLF, la Loi organique relative aux Loisde finance, ressemble beaucoup aux lois qui ont été votéesprécédemment en Grande-Bretagne ou en Suède.

L’État reste un acteur central. Son poids est extrêmement important dansle Produit intérieur brut. Il réorganise certes, mais il a changé de nature.

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L’État régalien

On assiste, en effet, à un renforcement de l’État sur les questions desécurité, de gestion des risques ou encore de justice. Cela rappelle leslogan des artisans du XIXe : « Laissez-nous faire et protégez-nousbeaucoup. » On constate, dans un grand nombre de pays européens,que l’État démontre son aptitude à renforcer ses capacités desurveillance et de contrôle.

3. La situation française

Concernant la situation française, il me semble nécessaire de :

Retrouver des capacités politiques

L’un des risques actuels est d’accroître la régulation sans définir qui la pilote.

En finir avec l’absence de véritables choix politiques

L’autre question est : qui gouverne lorsque personne ne gouverne ? Le fait de ne pas prendre de décisions politiques et de ne pas faire dechoix de long terme a un coût extrêmement élevé.

Poser la question de la nature de la démocratie

En sciences sociales, les chercheurs travaillent sur l’idée de post-démocratie. On peut critiquer la démocratie participative, mais celle-cis’impose dans un cadre où les États fonctionnent de plus en plus avecdes indicateurs automatiques et des agences suivant des logiques dedépolitisation.

Cependant, si de moins en moins de citoyens participent au débatpublic, cela aura aussi des effets de long terme sur la mise en place despolitiques publiques.

Pour conclure, il me paraît important de revenir sur deux risques pesantsur l’État français. Il me semble qu’il existe une tentation de la part desservices du ministère des Finances de gouverner l’ensemble de lasociété selon ses règles internes de cadrage budgétaire, de normestechniques et des logiques automatiques de gestion de la société.

Le second risque est un risque local. La décentralisation a permis aux

2. Le contexte actuel de l’actionpublique

Si l’on représente graphiquement le contexte de l’action publiqueaujourd’hui, le dessin sera très compliqué avec des flèches et des tiretspartant et sortant d’une multitude de cases. Les travaux sur le contenude l’action publique me semblent un peu inopportuns. L’action publiqueest principalement constituée de mises en œuvre.

Aujourd’hui, la véritable problématique de l’action publique est lacapacité de direction politique.

Lorsque l’on examine les figures de l’État, on s’interroge immédiatementsur la notion de gouvernement.

Auparavant, on partait du principe suivant : le gouvernement étendaitson emprise sur tous les secteurs de la société.

Aujourd’hui, on s’est aperçu qu’il existe, dans la société et l’économie,des secteurs très gouvernés avec nombre d’interventions publiquesefficaces et un grand nombre de secteurs qui sont très peu gouvernésqui échappent aux règlements de l’État et sont capables de résister à lacapacité d’impulsion de l’État.

Il est à noter que le débat sur la gouvernance a débuté en Allemagne :il s’agissait de montrer de quelle manière les relations syndicats-patronat ou les initiatives écologiques étaient capables de résister à ladirection de l’État et aux capacités d’impulsion de l’action collective.Aujourd’hui, on constate que l’État a plusieurs faces et plusieurs rôles.

L’État régulateur

Il ne s’agit pas uniquement d’un État-arbitre, ni uniquement de corrigerles défaillances du marché. Cela peut être assimilé à une tentation demise en place de processus de gouvernement automatiques justifiéspar la complexité des défis auxquels l’État doit faire face.

Il ne s’agit pas d’un État faible. Il fixe des objectifs aux différentsacteurs. Comme dans les grandes entreprises, ils ont de plus en plusd’autonomie, mais dans un cadre de plus en plus strict avec une activitéde reporting qui devient prépondérante.

Les politiques publiques consistent donc à définir des règles du jeu etun cadre d’action aux différents acteurs.

L’État mobilisateur

Pendant très longtemps, le rôle de l’État a consisté à préparer la guerreet à soutenir l’industrialisation. Aujourd’hui, la fragmentation despouvoirs l’oblige à penser en termes de partenariat et de transversalité,notamment sur les grands investissements.

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Intervention d’Élisabeth MAURELChercheur à l’Institut d’Études politiques de Grenoble

Je présenterai quelques points d’observation issus d’uneétude menée dans le cadre de l’Observatoire National de lapauvreté et de l’exclusion. Sur le thème de l’action publiqueterritoriale, j’ai retenu deux lignes de constat : le lien entre lesystème historique d’un territoire et les formes de pauvretéet le rapport observé entre un système d’intervention et laquestion de l’identité locale.

1. Lien entre système historiqued’un territoire et formes depauvreté observées sur ce territoire

Un territoire n’est pas seulement un espace géographique, ni un marchélocal, ni un découpage administratif. Il est aussi une mémoire sociale.

Il est donc nécessaire d’introduire la dimension temporelle dans sacaractérisation. Il ne s’agit cependant pas d’une mémoire des individus,mais d’une mémoire du système qui détermine des postures et unefaçon de se situer.

Par ailleurs, il a été constaté, lors d’études sur les politiques de luttecontre la pauvreté et de cohésion sociale, que la pauvreté ne constituepas uniquement un état de privation ou de niveau de vie inférieur à unseuil donné. La pauvreté est aussi un rapport social qui s’établit dans lemonde vécu, résultat de rapports idéologiquement et historiquementconstruits.

Pour illustrer mes propos, je donnerai trois exemples.

La vallée du Gier dans la Loire

Il s’agit d’une vallée industrielle de 25 kilomètres située entre Lyon etSaint-Étienne. Dès le début du XIXe, elle a été façonnée par l’industrie :métallurgie, verrerie, textile. Les communes se sont développées autourdes usines. Le patronat était local.

Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et les années 1970, cesentreprises sont entrées dans de grands groupes industriels. Au débutdes années 1980, on assiste à un effondrement, notamment avec la

collectivités locales de lancer et de réaliser un grand nombre deprogrammes et d’actions qui ont un coût. Il est à rappeler que la dettede la France représente 60 % du PIB ce qui pèse sur la capacitéd’investissement de l’État dans de nouveaux domaines. Le risque estdonc de se mettre à l’écart des grands défis présentés dans lesexposés précédents.

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Ce territoire est aujourd’hui confronté à un début de périurbanisation quimet en péril son équilibre interne.

2. Système d’intervention publiqueet identité locale

Dans ces exemples, le système d’intervention se construit commeréponse à ce qui est identifié comme problématique dans lareproduction du système historique. On peut appeler système local depauvreté cette confrontation du système d’intervention et du systèmehistorique. L’enjeu est de récréer des cadres sociaux qui fassent sens.En effet, grâce à ces cadres sociaux, les sociétés seront capables deprendre en charge la question de la pauvreté et d’avoir des initiativeséconomiques et sociales, de dévoiler les catégories oubliées, des’approprier les mesures publiques dont beaucoup n’ont d’efficacitéqu’à cette condition.

Dans la vallée du Gier, il s’agit de lutter contre les processus desegmentation et d’atonie sur lesquels butent les dispositifsd’intervention. À Besançon, il s’agit de sauvegarder les capacitésd’initiatives communautaires locales et d’identifier ce que le capitalsocial du territoire peut apporter à l’action publique. Dans leGrésivaudan, il s’agit de créer les conditions d’ouverture d’une sociétélocale effacée et peu organisée.

Ces enjeux ne sont pas souvent énoncés de façon explicite, mais sontportés par des « territoires de projet » qui se sont construits sur la basede politiques contractuelles. Ces « territoires de projet » sont liés àl’affirmation d’une identité locale. Ils sont confrontés à des systèmes depolitique sectorielle qui ont des objectifs catégoriels basés sur la miseen œuvre de droits et de procédures.

L’enjeu est, par conséquent, l’articulation entre ces politiquesterritoriales de projet porteuses du problème de l’identité locale dansune logique de développement durable dans le meilleur des cas et lesystème d’intervention structuré par des politiques catégorielles, deprocédures et de droits, constituant aussi une garantie pour l’équitéentre les territoires. Cela rejoint la distinction effectuée par FrancisBeaucire entre compétences thématiques et compétences territoriales.L’efficacité de l’action publique au niveau territorial dépend en grandepartie de sa capacité à concilier ces deux logiques et ces deux façonsde comprendre l’avenir des territoires.

faillite emblématique de Creusot-Loire en 1984. La vallée connaît alorsun déclin économique et démographique important. Elle n’a pas encorefait le deuil de son industrie. La vallée du Gier était et reste une terre depauvreté. Ses indicateurs socio-économiques sont en dessous desmoyennes de la Loire, qui est l’un des départements où la pauvreté estla plus importante dans la région Rhône-Alpes. Il s’agissait d’unesociété sans classe moyenne, mais intégrée et unifiée avec des formesspécifiques de socialité liées à l’histoire industrielle de la vallée.

Aujourd’hui, on peut parler de « pauvreté culturelle » puisque cettesocialité s’est effondrée avec l’industrie. La société est, à présent,extrêmement fragmentée. Elle a perdu toute capacité d’initiative avec leretour de micro-identités locales et la construction d’identitéscommunautaires. La culture ouvrière n’a plus de place dans la scènelocale de la pauvreté.

Les seules initiatives notables tiennent à l’engagement de quelquesprofessionnels. Les difficultés de l’intercommunalité dans la vallée sontessentiellement liées à l’importance des enjeux de reconstruction d’uneidentité locale et d’une socialité commune.

La ville de Besançon

À Besançon, la mémoire sociale est marquée par une tradition plusieursfois centenaire d’initiatives individuelles et communautaires qui ont crééune culture locale de coopération, de mutualisation et d’autonomie.

Dès le XIIIe siècle, étaient constituées les « fruitières », des coopérativesfromagères. Puis, au XVIIIe siècle, la création de l’industrie horlogèredécoule d’un artisanat d’essence coopératif. Ce n’est pas un hasard siBesançon est la ville de Fourier et de Proudhon.

La scène locale reste structurée par cet héritage. Il existe une quasi-hégémonie de la ville dans le champ social et une forte activitéassociative autonome dont la caractéristique est d’associer enpermanence des ressources hétérogènes provenant du privé et dupublic et relevant de l’individuel et du collectif, du monde économiqueet du social.

La vallée rurale du sud du Grésivaudan dans l’Isère

La petite vallée rurale du Sud Grésivaudan située au sud de Grenoblen’a jamais eu d’identité propre. Elle est en train d’être construite par lespolitiques contractuelles locales. Il s’agit d’un territoire modeste,silencieux, sans capital social et à faible historicité où la pauvretéquotidienne est répandue mais reste cachée. C’est un territoire du non-recours et du non-dit.

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Présentation de la politique régionale européenneRonald Hall, Directeur général au sein de la DG Regio à la Commissioneuropéenne, présente un budget alloué à la politique régionale 2007 –2013 de 864 milliards d’euros.

Si 82 % de ce budget sont réservés aux nouveaux pays membres, il estprévu d’accorder 12,7 milliards d’euros à la France dont 9,1 milliardsd’euros au titre de la politique de compétitivité.

La France est la première bénéficiaire des allocations concernant lapolitique de compétitivité. Au total, 36 programmes français sontprévus.

La politique de compétitivité a été modifiée. Il ne s’agit plus d’uneconcentration géographique des moyens sur les régions en difficulté,mais d’une concentration thématique qui vise à saisir les opportunités.

Aussi les États membres ont-ils, à présent, l’obligation d’orienter 75 %des investissements financés par l’Union européenne sur desthématiques en lien avec les priorités de Lisbonne : recherche etdéveloppement, innovation, technologies de l’information ou encoreénergies renouvelables. Ce principe de fléchage des investissementsest appelé earmarking.

Les nouveaux instruments de la politique régionale européenne sont lessuivants :

JASPERS qui constitue une assistance technique aux grands projets ;

JEREMIE pour faciliter l’accès des entreprises aux capitaux ;

Éclairage européen : l’impact des politiques de l’Union européenne sur les politiques nationales,régionales et locales.

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Résu

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Selon lui, il est faux d’estimer que l’Europe est en panne, comme entémoigne la mise en place de la nouvelle politique structurelle ou du 7e

Programme commun en Recherche et Développement.

Par ailleurs, il remarque que les superpositions administratives existentaussi dans les autres pays européens. Seulement, les compétencesentre niveaux territoriaux sont clairement réparties. Le problème françaisn’est pas l’existence du « millefeuille » en elle-même mais ladésorganisation et la « pagaille » qui y règnent.

Si l’action publique souhaite relever les grands défis de notre temps, ilest nécessaire de constituer un échelon régional fort, qu’il s’agisse dela politique d’efficacité énergétique, de résoudre la crise des universitésou encore de l’innovation.

Adrien Zeller considère que l’expérience de gestion des fondseuropéens menée par la région Alsace est un succès. En effet, évitantles dérives habituelles, ces fonds ont été distribués de façonparcimonieuse sur des thématiques prioritaires telles que l’économie,l’innovation et la cohésion sociale des territoires.

Pour les trois invités, il existe un lien direct entre décentralisationrégionale et développement économique, comme le montre l’exempledes petits pays de l’Union européenne, qui ont la taille d’une région, etdes grandes régions autonomes, comme la Catalogne.

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JESSICA pour la requalification urbaine ;

le réseau Régions, actrices du changement économique.

Michel Delebarre, qui intervient comme président du comité desrégions de l’Union européenne, précise que le budget présenté est enrecul et qu’il est caractérisé par une plus grande sélectivité des projets.

Cependant, la diminution du budget aurait pu être plus importanteencore.

De plus, l’Union européenne doit faire face à l’entrée des nouveaux paysmembres alors que six chefs d’État et de gouvernement lui ontdemandé de ne pas constituer de budgets dépassant 1 % du PIBeuropéen.

Les régions françaises et l’Union européennePour Michel Delebarre, alors que le « millefeuille » français, cetenchevêtrement de niveaux territoriaux, constitue une spécificité àpropos de laquelle on évite de faire des choix clairs, l’Union européenneconsidère que les deux niveaux territoriaux pertinents sont la région etl’intercommunalité.

Par ailleurs, il constate en le regrettant que les régions françaises ne sevoient pas déléguer la gestion des fonds européens ; seule l’Alsace a eucette possibilité à titre expérimental.

Pour Adrien Zeller, président de la région Alsace, la constructioneuropéenne constitue un formidable accélérateur de mutations et deconcurrence pour les régions.

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Deuxième table ronde

Ronald Hall a été invité pour évoquer les grandes réformeseuropéennes concernant la politique régionale européenne et lespolitiques de cohésion. Il est irlandais. Il est directeur au sein de DGRegio à la Commission européenne. Sa carrière s’est déroulée engrande partie au sein de la Commission européenne. Il a notamment étédirecteur adjoint du cabinet de Michel Barnier lorsqu’il étaitCommissaire européen. Il a publié des travaux sur la compétitivité et lacohérence des politiques européennes et est au cœur des réformesactuelles concernant les politiques régionales.

Éclairage européen : l’impact des politiques de l’Unioneuropéenne sur les politiquesnationales, régionales et locales

Jean FRÉBAULTPour commencer cette seconde séquence consacrée àl’Europe, je présenterai les invités.

Michel Delebarre a été ministre d’État, ministre des Transports. Il estdéputé-maire de Dunkerque, président de la Communauté urbaine deDunkerque. Il est aussi, depuis le début de l’année, président du Comitédes Régions, instance qui réunit les responsables locaux et régionauxauprès de la Commission européenne. Il en fait partie depuis 1998 et aété rapporteur sur plusieurs sujets sensibles tels que le principe desubsidiarité, la gouvernance européenne. Par ailleurs, il est géographede formation et a travaillé au début de sa carrière au Comitéd’expansion du Nord – Pas-de-Calais.

Adrien Zeller est très engagé dans les problèmatiques régionales eteuropéennes. Il est, depuis 1996, président du conseil régionald’Alsace. Il est à noter qu’il s’agit aujourd’hui de son seul mandatélectoral. Il a été secrétaire d’État à la Sécurité sociale, député,conseiller général, député européen et maire de Saverne. Par ailleurs, larégion Alsace est la première région à avoir expérimenté la gestion desfonds structurels européens.

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Questions, problèmes et enjeux

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de convergence ». Pour les autres pays comme la France, on a définiune politique de compétitivité qui s’est vu allouer des montants moinsimportants tenant compte de leur niveau de prospérité. Par ailleurs, cebudget a maintenu une politique de coopération transfrontalière etinterrégionale.

La politique de convergence pour les 27 pays de l’Union, les 25 actuelsauxquels il faut ajouter la Roumanie et la Bulgarie, représente 82 % dubudget. La part des 12 nouveaux États membres est de 51 % dubudget pour 22 % de la population de l’Union européenne.

Il est prévu, dans ce budget, d’accorder 12,7 milliards d’euros à laFrance dont 9,1 milliards d’euros pour la politique de compétitivité enFrance métropolitaine. Cependant, il ne s’agit pas des seulesinterventions communautaires en France. En effet, le Fonds européenagricole de développement rural, FEADER, représente 6,4 milliardsd’euros. Par ailleurs, la politique structurelle pour la pêche dispose d’unbudget de 0,2 milliard d’euros pour la France.

La Commission a envoyé la proposition de budget au niveau de chaquerégion aux gouvernements dès janvier 2006 afin qu’ils puissentcommencer la préparation des programmes.

La France est la première bénéficiaire des allocations concernant lapolitique de compétitivité avec près de 24 % du budget total devantl’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie. Il me semble que la Francedispose donc de la masse critique nécessaire aux investissements pourles sept prochaines années et à partir du 1er janvier 2007.

La programmation est en cours, elle est déjà bien avancée puisqu’il fautcommencer à dépenser l’argent à partir du 1er janvier 2007.

Un document, appelé Orientation stratégique communautaire, OSC, aété adopté par les États membres, le 6 octobre 2006. Cependant, unprojet d'OSC existe déjà dans tous les États membres et dans toutesles régions depuis le mois de juillet 2005.

Dans la deuxième phase de cette programmation, chaque État membreélabore un Cadre de référence stratégique national (CRSN).

Nous sommes actuellement au début de la troisième phase, c’est-à-direcelle des négociations sur les programmes régionaux et sectoriels.

Au total, 36 programmes sont prévus par la France pour 2007 – 2013.

Il est à noter qu’il existe aussi des programmes plurirégionaux, commecelui concernant le Massif central.

Intervention de Ronald HALLDirecteur général, DG Regio de l’Union européenne

Mon intervention a pour cadre la fin des négociations pour ladéfinition de la politique régionale de l’Union européenne pourla période 2007 – 2013. Cette politique concerne toutes lescollectivités locales. Mon exposé se déroulera en trois parties :une présentation de la politique régionale européenne 2007 –2013, les attentes de cette nouvelle politique et uneprésentation des nouveaux instruments liés à cette politique.

1. La politique régionale européenne2007 – 2013

Processus et budget

Le processus de négociation sur la nouvelle politique régionale a débuté en2004. Ces négociations ont duré deux ans et ont été très difficiles, car il ya aujourd’hui 25 Etats membres. L’élément essentiel de cette politique estle budget. Les négociations menées en 2004 et en 2005 ont porté sur cebudget.

Le budget 2007 – 2013 alloué à toutes les politiques de l'Union est de 864 milliards d’euros au lieu des 913 milliards d’euros initialementproposés par la Commission. Il s’agit d’une baisse globale de 13 % parrapport à la proposition de la Commission et de 8 % pour ce qui concernela politique régionale. Ce bon résultat est en partie dû au soutien du Comitédes Régions.

Ce budget est divisé en rubriques :

la rubrique 1.a concerne la recherche et l’éducation,

la rubrique 1.b concerne la politique régionale,

la rubrique 2 est consacrée à la Politique agricole commune (PAC).

Il me semble que l’on peut mettre ce résultat à l’actif de l’actuelleCommission. Il est à noter qu’il existe, dans ce budget, une forteconcentration de moyens vers les pays de l’Est, qui sont les pays les moinsdéveloppés de l’Union. Il a été donné à cette stratégie le nom de « politique

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Deuxième table ronde

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3. De nouveaux instruments pouraider les régions dans la mise enœuvre de la politique européenne

La Commission s’est efforcée de donner davantage de responsabilitésaux régions dans le cadre de cette nouvelle politique. Pour cela, elle amis au point quatre nouveaux instruments :

JASPERS

Il s’agit d’une assistance technique aux grands projets, concernantnotamment les nouveaux États membres.

JEREMIE

Il s’agit de faciliter l’accès des entreprises aux capitaux. Il est le fruitd’un accord entre la Commission européenne et le Fonds européend’investissement de la Banque européenne d’investissement pourattirer les intermédiaires financiers dans les régions pour favoriser ledéveloppement des PME, par exemple, pour les jeunes entrepreneursou encore via les liaisons entre universités et entreprises.

JESSICA

Il s’agit du même type d’instrument que JEREMIE appliqué à la requalification urbaine. Il s’agit d’un accord de coopération entre laCommission européenne, la Banque européenne d’investissement et la Banque du Conseil de l’Europe et la Commission européenne.

Régions, actrices du changement économique

Il s’agit d’un réseau qui vise à donner la possibilité aux États membresde coopérer sur un certain nombre de thèmes notamment liés àl’innovation. La Commission demande à chaque région de créer uneplace dans ses programmes pour recevoir des idées sortant de ceréseau et de le financer dans le cadre du programme.

2. Les attentes concernant cette nouvelle politique régionaleeuropéenne

Une modification des priorités de la politique de compétitivité

La politique de compétitivité a été modifiée. D’une concentrationgéographique des moyens, on est passé à une concentrationthématique. Auparavant, on se concentrait sur les régions en difficulté.Aujourd’hui, l’intérêt est aussi porté sur les opportunités et passimplement sur les problèmes.

Par ailleurs, la Commission a aussi essayé de simplifier les procéduresavec moins de règlements détaillés et plus de décentralisation.

Le principe du earmarking

Par ailleurs, il a été défini un principe de fléchage, en anglaisearmarking. À présent, les États membres sont obligés d’avoir au moins75 % des investissements financés par l’Union européenne en lien avecles priorités de Lisbonne : recherche et développement, innovation,technologies de l’information, énergies renouvelables. Ce taux n’est pasmesuré au niveau de chaque région, mais au niveau national.

Il existe certaines marges de flexibilité en fonction des réalités nationalesdes États membres, par exemple, des zones prioritaires où il existe uneurgence pour l’emploi. Le suivi sera effectué dans les rapports quechaque État membre devra remettre à partir de 2008.

En France, la proportion des programmes financés par l’Unioneuropéenne en lien avec les objectifs de Lisbonne est estimée à 50 %sur la programmation actuelle 2000 – 2006. Cependant, lors de lanégociation, les dépenses sociales et les aides d’État aux entreprisesont été ajoutées à la liste des dépenses earmarking. Dans ce cadre, letaux français est de 70 %. Cependant, lors des négociations actuelles,la Commission essaie d’augmenter fortement cette proportion definancements « earmarkée ».

Concernant ces investissements régionaux « earmarkée », notammenten innovation, on remarque qu’en France ils sont concentrés sur desrégions telles que les régions méditerranéennes, Provence-Alpes-Côted’Azur, l’Île-de-France, Rhône-Alpes et Franche-Comté. Les autresrégions françaises sont en retard sur la moyenne nationale.

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Intervention de Michel DELEBARREAncien ministre d’État, député-maire de Dunkerque, présidentdu Comité des Régions de l’Union européenne

Le Comité des Régions est relativement proche de la DGRegio de la Commission européenne. La DG Regio a pourcharge d’essayer de donner du contenu à une politiquerégionale. Le Comité des Régions a pour mission d’aider àla représentativité et aux rôles des territoires. Le Comité des Régions compte 317 représentants desdifférentes collectivités locales de l’Union. Il est uneAssemblée consultative. La Commission a l’obligation de la consulter sur tous lesdocuments ou projets de directive qui vont concerner lescollectivités territoriales. Or, 60 % à 70 % des actions liées aux politiqueseuropéennes sont mises en œuvre par les collectivitésterritoriales. Le champ d’avis et de compétence du Comitédes Régions est très vaste.

Par exemple, la presse a rendu compte des manifestationscontre la directive sur les services portuaires qui ont amenéle Parlement européen à la désapprouver. Cependant, lapresse n’a parlé ni du contenu de la directive, d’unlibéralisme sauvage, ni de l’action du Comité des Régions.

1. Politique régionale européenne :un budget en recul

Un budget en recul et une plus grande sélectivité des projets

Le budget 2007 – 2013 concernant la politique régionale européenneest en recul. De plus, il paraît plus dur dans les procédures de sélectiondes projets. C’est le sentiment d’un certain nombre de territoires et desrégions, notamment en France.

Le recul quantitatif a été freiné lors des discussions. Il s’agit d’unevictoire. En effet, il est à rappeler que le rapport Sapir, commandé par laCommission européenne, recommandait d’éliminer la quasi-totalité des

4. Quelques questions pour ledébat

Je souhaiterais donner quelques pistes pour notre débat concernant la décentralisation :

Quel rôle peuvent jouer les régions pour renforcer la compétitivité de leur territoire ?

Quelles actions les régions pourront-elles conduire pour réussir uneconcentration des moyens dans le cadre de la stratégie de Lisbonne ?Est-ce que les régions seront capables de résister aux demandesrécurrentes d’investissements dans les infrastructures pour se concentrer sur l’innovation ?

Quelles sont les utilisations possibles pour les nouveaux instrumentseuropéens de la politique régionale ?

Étant donné que la France est la première bénéficiaire de cette politiquede compétitivité, les régions françaises vont-elles aider la Commission à démontrer l’efficacité de cette politique ?

En effet, la Commission a promis de revoir les allocations financières en 2009.

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seront les partenaires du développement sont les intercommunalités etles régions. Le Comité des Régions essaie de promouvoir des contratstripartites entre l’Union européenne, le niveau national et le niveaurégional. La France y est réticente.

Le budget 2007 – 2013 alloué à toutes les politiques de l'Union est de864 milliards d’euros.

2. Les attentes des régionsfrançaises

Les territoires français sont en retard sur la délégation des fondseuropéens. En effet, l’Union européenne délègue relativementfacilement la gestion des fonds européens aux régions. En France, cettemanière de faire reste intraduisible. Cela n’a jamais été réalisé au niveaudes fonds d’État. On commence difficilement à le faire pour ce quiconcerne le logement.

Il existe une exception en France : la région Alsace. Depuis deux ans,cette région a le droit de gérer les fonds européens à titre expérimental.Tout s’est passé de façon extrêmement satisfaisante.

L’État aurait dû étendre l’expérience à toutes les régions. Il est àrappeler qu’il existe un contrôle européen effectué directement auprèsdes collectivités gestionnaires de façon plus intelligente que ce qui sepratiquait il y a quelques années.

Je suis convaincu que cela apporte des progrès dans l’apprentissagede la gestion des collectivités territoriales.

Par ailleurs, il existe une règle européenne qui me semble trèsintéressante. Si un projet n’est pas mis en œuvre dans les deux ans, lesfonds européens alloués sont repris et perdus pour le pays concerné. Ilme semble nécessaire que toutes les collectivités territoriales, y comprispour les moyens attribués par l’État, ne puissent plus continuer à « selivrer à des effets d’affichage » en ne démarrant pas les projets pourlesquels elles ont reçu des fonds. Il s’agit donc d’engagements malciblés dont sont responsables les collectivités.

dispositifs de cohésion, laissant le libéralisme construire l’Europe.

Les « Non » français et néerlandais au projet de Constitutioneuropéenne ne constituent pas le problème central concernant lapolitique régionale européenne.

La lettre signée par six chefs d’État et de gouvernement qui ont enjointà l’Union européenne de constituer des budgets ne dépassant 1 % duPIB européen a causé les difficultés actuelles.

Le plafonnement du budget est concomitant d’un processusd’élargissement auquel on n’alloue aucuns moyens supplémentaires.Tous les pays entrant dans l’Union ont droit aux dispositifs de cohésion.

Par conséquent, la demande sur ce plan augmente tandis que le budgetest plafonné. Dans la région Nord – Pas-de-Calais, le budget est enrecul de plus de 30 %.

En revanche, une plus grande sélectivité des projets me paraît aller dansle bon sens. En effet, les régions françaises apprennent davantage dansleurs relations avec l’Union européenne à présenter des projets dedéveloppement cohérents que dans leurs relations avec l’État. Elles ontnéanmoins beaucoup de retard dans la mise en œuvre de démarchescohérentes de développement par rapport à beaucoup de leurshomologues européennes.

Le « millefeuille » français : un enchevêtrement de niveauxterritoriaux

En France, on a refusé de choisir quel serait le niveau représentatif ausein des différents niveaux de collectivités territoriales, de crainte defaire de la peine aux élus qui représentent ces niveaux territoriaux.Comme, pour un grand nombre d’entre eux, ils pratiquent assidûmentle cumul des mandats, on ne peut pas parler de ces questions à un élupuisque ces questions le touchent forcément sur l’un de ses mandats.J’en suis, d’ailleurs, une preuve vivante.

Cependant, l’Union européenne a tranché, pour les autorités françaises,en faveur du niveau régional, dès lors qu’il s’agit de développementéconomique, et du niveau intercommunal. Il s’agit de l’architectureretenue pour le développement régional pour l’Union européenne. Ilsuffit d’examiner quelles sont les préconisations européennes dans lesnouveaux pays membres pour s’en rendre compte.

Par ailleurs, il est à noter que, si l’outil JASPERS ne semble pasconcerner directement les régions françaises, une grande partie del’aide technique apportée aux nouveaux pays membres sur cesthématiques est effectuée par des Français. Les niveaux territoriaux qui

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Page 28: du mercredi 15 novembre 2006 Actes du colloque · l'avenir de notre pays ? ... Mesdames et messieurs, bonjour et bienvenue, Monsieur le Ministre, qui êtes aussi le président du

l’Union européenne est en train d’imprimer davantage sa marque sur lesterritoires et sur les acteurs.

Par ailleurs, l’Union européenne constitue un accélérateur de mutationet de concurrence, qu’il s’agisse des entreprises, des universités, de laqualité du système éducatif ou encore de l’efficacité des systèmes detransport.

2. Les régions françaises sont-elles armées pour faire faceaux défis actuels ?

Un manque de clarté dans les attributions de chaque niveauterritorial, ou la pagaille dans le mille-feuille

Il me semble que les régions françaises ne sont pas encore armées pourfaire face à ces défis. Elles ne disposent pas des modes de gouvernance appropriés pour réagir, saisir des opportunités et tenirleur place.

Certains des précédents orateurs ont parlé du handicap du « millefeuille »français. Cependant, ces superpositions administratives existent aussidans les autres pays européens.

Par exemple, en Allemagne, il existe en dessous des Länder, les Kreis,qui sont l’équivalent des départements français.

Le Pays basque espagnol est la collectivité locale européenne quiinvestit le plus dans la Recherche et Développement. Son taux decroissance est le plus élevé des régions espagnoles et représente deuxfois le taux de croissance français. Le taux de chômage était de 30 %,il y a vingt ans, dans la période de la fin de la sidérurgie et de lafermeture des chantiers navals. Il est aujourd’hui de 6 %.

En France, contrairement à l’Italie, à l’Allemagne et à l’Espagne, lesrégions sont le maillon faible de la pyramide institutionnelle.

Mais ailleurs, les compétences entre niveaux territoriaux sont clairementréparties. Le problème français n’est pas le « millefeuille », mais lapagaille dans ce « millefeuille » : l’insuffisance de choix deprépondérance en matière économique entre département et région ouencore l’insuffisance d’achèvement de l’intercommunalité.

Intervention d’Adrien ZELLERAncien ministre, président de la région Alsace

Je tiens à souligner que je suis en accord avec les proposde Michel Delebarre et que les quatre questions posées parRonald Hall me paraissent extrêmement pertinentes. Jesouhaiterais qu’elles soient posées au Parlement, augouvernement et aux décideurs du pays.

1. Les nouvelles dynamiques desrégions dans l’Union européenne

À mon sens, la construction européenne change radicalement lasituation de la plupart des territoires de notre pays, qu’il s’agisse de larégion Alsace avec sa relation avec l’Allemagne, de la Bretagne avecson ouverture sur la Grande-Bretagne ou encore du Nord – Pas-de-Calais. Je rappelle que Jean-Jacques Servan-Schreiber avait faitconstruire la première autoroute non radiale de Nancy à Dijon dans uneperspective européenne. En 12 ans, quatre nouveaux ponts ont étéconstruits pour enjamber le Rhin. Chaque région voit sa situation et sesopportunités modifiées par l’appartenance à l’Union européenne et parl’élargissement.

Dans certaines situations, les régions subissent les décisionseuropéennes. Par exemple, à cause de l’entrée de la Chine dansl’Organisation mondiale du commerce décidée par l’Union européenne,l’industrie alsacienne a perdu des milliers d’emplois. Cependant, dans lemême temps, l’Union européenne aide les régions, notamment dans satentative de création de réseaux transeuropéens ou encore au traversdes fonds FEADER.

À ce sujet, il me semble qu’en France il est de bon ton d’estimer quel’Europe est en panne. Il s’agit d’une analyse erronée. La nouvellepolitique structurelle est en place. Elle interpelle les décideurs français.J’étais, hier, à un séminaire sur le 7e Programme commun en Rechercheet Développement, PCRD. Ce 7e PCRD va obliger les laboratoiresfrançais à évoluer, à créer de la mobilité et à bâtir des stratégieseuropéennes. Il existe un grand nombre de thématiques sur lesquelles

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En effet, l’innovation suppose des synergies avec l’industrie, lescollectivités locales, l’université, les banques. Ces synergies ne peuventêtre établies qu’au niveau régional.

3. La question de l’expérimentationde la gestion des fonds européenspar les régions

À mon sens, ce qui a été accompli en Alsace constitue réellement unexemple. En raison d’une mobilisation accrue, plus de fonds ont étédistribués.

Les dérives telles que le financement de salles polyvalentes ou deplacettes ont été évitées pour que ces fonds soient dirigés versl’économie, l’innovation et la R & D, et vers la cohésion sociale desterritoires.

Cela a été accompli parce qu’il existait une contrainte forte, assumée entoute impartialité droite – gauche, en toute transparence et enmobilisant les services. Il est à souligner que cela n’a pas été effectuédans un contexte d’abondance de fonds européens.

Par exemple, l’Alsace reçoit par habitant un quart des crédits européensFEADER alloués à l’Auvergne ou au Limousin.

Pour conclure, je soulignerai qu’il est nécessaire, pour les régionsfrançaises, d’examiner toutes les opportunités que leur offre l’Unioneuropéenne.

Jean FRÉBAULT

Je souhaiterais poser une question à Ronald Hall. Les règles édictéespar l’Union européenne invitent à une modification des pratiques degouvernance et de conduite des projets. Lors de notre conversationtéléphonique de préparation de ce colloque, vous aviez estimé que lespetits pays étaient les plus réactifs.

Ronald HALL

Il existe une tendance forte à la décentralisation vers les régions dans laplupart des pays européens, même dans les nouveaux États membresqui vont, dans le cadre de la programmation 2007 – 2013, proposer des

Par exemple, l’État demande aux régions d’établir un nombreincalculable de schémas. Ceux-ci n’ont pas un caractère opposable. Ilsservent heureusement à présenter les enjeux et nos choix stratégiques,mais ne sont pas opposables aux tiers. Ainsi, on demande aux régionsd’établir un schéma d’emploi-formation sans avoir de compétences surles filières de formation professionnelle initiale, ni sur l’université. Lesrégions sont davantage des « machines » à établir des schémas que deréels et puissants échelons territoriaux.

Les régions face aux grands défis de notre temps

En France, le débat sur les questions environnementales s’amplifie. Lesinitiatives du Premier ministre et du ministre de l’Industrie, FrançoisLoos, sont à suivre avec intérêt. La France essaie de se mettre en ordrede bataille.

Mais si la France ne définit pas un niveau d’application pertinent pour sapolitique d’efficacité énergétique, elle ne réussira pas les mutationsconsidérables qui sont nécessaires.

En effet, les énergies renouvelables ne sont pas les mêmes d’une partiedu territoire à l’autre. Par ailleurs, la France ne change pas par décret,mais par expérimentation puis dissémination des pratiques.

La région Alsace mène des programmes sur le solaire, la biomasse et lagéothermie.

Le premier facteur limitant est la qualification des hommes à tous lesniveaux. Il ne semble pas possible que les administrations ministériellessoient capables de réagir assez rapidement sur de tels sujets.

Cela est possible uniquement dans le cadre d’un échelon régional decommandement et de mise en synergie. La France a besoin, dans lecadre de sa politique énergétique, d’un échelon régional fort pourpouvoir s’adapter plus rapidement aux problèmes posés.

Il y a eu une crise dans les universités. On s’est aperçu que lesuniversités devraient se préoccuper de leur professionnalisation. Est-cepossible sans développer des synergies avec les autorités régionales,les acteurs économiques et sociaux au plan régional ? C’est impossible.Cela suppose donc que les universités développent des rapports plusconsistants avec les acteurs de proximité.

En ce qui concerne l’innovation et la Recherche et Développement, jeme souviens de ma rencontre avec un ministre catalan.

La Catalogne compte 14 pôles de compétitivité pour 6 millionsd’habitants. Ce ministre me disait que, demain, la recherche seraeuropéenne, mais l’innovation sera régionale.

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Ma deuxième observation concerne la concurrence entre territoires.Personne ne sauvera les régions qui prennent du retard. Lafréquentation du président du Land allemand de Rhénanie – NordWestphalie, qui compte 18 millions d’habitants, du président de laCatalogne ou du maire de Rotterdam m’en a convaincu.

Je n’ai jamais entendu l’un d’entre eux dire : « Ne vous ennuyez paspour vos territoires, nous allons ralentir. Comme cela, vous allez pouvoirnous rattraper et nous pourrons faire l’Europe ensemble. »

Le maire de Stuttgart a une vision très claire du processus. Il dit : « Monagglomération fabrique du PIB pour l’Allemagne et pour l’Unioneuropéenne. Je suis certainement le plus fabricant de PIB pour l’avenirde l’Europe. Je m’intéresse donc à ce qui se fait en matière de politiquede cohésion et de redistribution. Moi, je fabrique du cash et l’Unioneuropéenne est chargée d’assurer de la solidarité. »

Il est à rappeler que la cohésion territoriale est inscrite dans les objectifsprioritaires définis dans le projet de Constitution. Il sera, à mon sens,nécessaire de débattre du financement de la politique de cohésion dansles prochaines années.

Ma troisième observation concerne la structure gouvernementale. Surce point, je rejoins Dominique Perben, ministre des Transports. Durantla période électorale qui s’ouvre, il est nécessaire de ne pas hésiter àfaire des propositions quelque peu transgressives. Notre structuregouvernementale est aberrante. Le responsable des Affaireseuropéennes dépend du ministère des Affaires Étrangères. Cesthématiques sont internes au destin de la France : elles devraientdépendre directement du Premier ministre.

Jean FRÉBAULT

Il me semble que les méthodes d’action impulsées par l’Unioneuropéenne pourraient aussi inspirer des réflexions dans le débat sur laréforme de l’État en France.

programmes à l’échelon régional.

Le Royaume-Uni constitue une exception. Cependant, il y a deux ans,la région du nord de l’Angleterre a refusé par référendum le processusde décentralisation bien qu’il existât des assemblées parlementaires auPays de Galles, en Écosse et en Irlande du Nord. Le Royaume-Uni estun pays bien plus centralisé que la France.

Il semble qu’il existe un lien entre développement économique etdécentralisation. Si on examine les bons exemples de développementéconomique, il s’agit de régions de pays très décentralisés ou de petitspays qui ont une taille équivalente à celle d’une région.

L’Irlande compte 3,5 millions d’habitants. Ce pays a la taille d’unerégion qui disposerait de tous les pouvoirs politiques et économiquesnécessaires à son développement, tout comme la Finlande.

La Catalogne est un exemple de région qui bénéficie d’un fort statutd’autonomie, notamment économique. C’est pourquoi le programmeJASPERS mettra l’accent sur le développement des capacitésadministratives des régions dans les nouveaux pays membres.

Michel DELEBARRE

Les petits pays sont effectivement l’équivalent de grandes régions dansde grands pays. Lorsque l’on discute avec les responsables finlandais,on a un échange avec les responsables d’une grande région.

Dans les territoires des grandes régions, les synergies sont beaucoupplus fortes qu’ailleurs : tout est intégré, que les réseaux soient publicsou privés.

Par conséquent, la mise en synergie pour la définition et la mise enœuvre d’un projet est beaucoup plus efficace.

À mon sens, les pays qui tireront le plus grand profit de la démarcheeuropéenne sont les pays décentralisés.

Il est formidable de constater que les trois pays qui, dans les derniersmois, ont les débats les plus intenses à propos de la décentralisationsont l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, qui sont considérées en Francecomme des États très décentralisés.

En Allemagne, par exemple, la discussion entre Länder et État fédéral aporté sur la question de savoir qui devrait payer la contrepartiebudgétaire liée au dépassement du déficit maximum de 3 % autorisé parle traité de Maastricht.

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Questions, problèmes et enjeux

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Troisième table ronde

Jean-Paul Alduy, sénateur-maire de Perpignan, estime que lagouvernance locale présente en France plusieurs types de faiblesse :

• le manque de médias locaux qui empêche une meilleure implicationdes citoyens ;

• la lourdeur des processus légaux de concertation ;

• le manque de représentativité démocratique des intercommunalités ;

• le manque de cohérence entre échelles territoriales.

Les améliorations possibles pour le système de gouvernances’articulent autour du couple Région – Intercommunalité.

Il plaide pour l’élection au suffrage universel des responsables desintercommunalités.

L’État doit recentrer son action sur un certain nombre de défis pourlesquels les collectivités territoriales n’ont pas les moyens de traitementnécessaires.

Louis Besson, actuel maire de Chambéry, ancien ministre et père de laloi SRU, rappelle que cette loi a rendu un document, le schéma decohérence territoriale, le SCOT, qui correspond au rôle stratégique descollectivités territoriales.

Par ailleurs, il estime que l’État a des difficultés à être efficace au planlocal. En prenant l’exemple du logement des travailleurs saisonniers enSavoie, il estime que l’État pourrait utilement développer ses capacitésd’initiative comme ensemblier sur certains champs thématiques enpanne d’acteurs efficaces

Quelles visions des grandsdéfis, aux différentes échelles ?

Quels nouveaux repères pourfonder l’action publique ?

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Troisième table ronde

Pour Sylvie Esparre, il faut repenser la gouvernance territoriale et lesrelations État-collectivités. Il existe des diagnostics partagés dansplusieurs domaines. L’État doit notamment porter une attention forteaux territoires les plus fragiles, avoir un rôle d’anticipation sur les crisesqui pourraient se produire, être le garant de la cohésion sociale,thématique sur laquelle le consensus est difficile à réaliser entre lesacteurs de l’action publique.

Par ailleurs, la nécessité d’information des citoyens sur les modalités del’action est évoquée par plusieurs intervenants.

Jacqueline Gourault, sénatrice du Loir–et-Cher et vice-présidente dela délégation du Sénat à l’aménagement du territoire, estime nécessairede clarifier les compétences à chaque niveau territorial, car le manqueactuel de clarté engendre des difficultés dans leurs relations avec l’État.

Ces relations difficiles entre les collectivités territoriales et l’État sontillustrées par le témoignage de Gilles Ricono, directeur général desservices de la région Bretagne qu’il s’agisse du processus de créationde pôle de compétitivité, du transfert des techniciens et ouvriers deservices les TOS, aux régions ou encore des modes de financement desrégions.

Par ailleurs, il remarque que les citoyens méconnaissent totalement lessystèmes institutionnels locaux.

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Au Sénat, elle est vice-présidente de la délégation à l’Aménagement etau Développement durable des territoires. Elle est également l’auteurede différents rapports sur les politiques régionales européennes et lesenjeux pour les territoires.

Gilles Ricono a réalisé un brillant parcours au sein de notre ministère. Ila été, entre autres, grand aménageur à Marne-la-Vallée, préfet directeurrégional de l’équipement d’île-de-France. Il est, à présent, sur le terrain,en tant que directeur des services généraux de la région Bretagne.

Sylvie Esparre est directrice de la Direction interministérielle àl’aménagement et la compétitivité des territoires la DIACT, ancienneDATAR, et conseillère référendaire à la Cour des comptes. Elle a travailléaux cabinets du président de la région Île-de-France et du président duSénat, et auprès du ministre de l’Écologie et du Développementdurable.

Dans la première partie de cette matinée de colloque, ont été évoquésles grands défis auxquels les pouvoirs publics doivent faire face. Undécalage parfois croissant entre l’efficacité de l’action publique et lesproblèmes liés à ces grands défis a été souligné.

Dans une seconde partie, il a été établi que les politiques territorialesdoivent absolument prendre en compte la dimension européenne. Il y aeu beaucoup de questionnement sur le système de gouvernance localeet le système d’acteurs, en notant que le « millefeuille » institutionneln’était pas une spécificité française. Ce qui constitue une spécificitéfrançaise est la « pagaille » qui règne dans le « millefeuille », qui estorganisé de façon « molle », sans chef de file, de répartition decompétences clairement établie.

Je demanderai à nos invités quelle est leur vision de l’imbrication desdifférents rôles des acteurs territoriaux et quel devrait être le rôle del’État dans ce cadre.

Quelles visions des grands défis, aux différentes échelles ? Quels nouveaux repères pour fonderl’action publique ?

Jean FRÉBAULTAvant de débuter cette table ronde, je commencerai parprésenter les invités.

Jean-Paul Alduy a mené une carrière d’urbaniste, d’aménageur et dechercheur dans le domaine de la construction. Il a été responsable duplan Construction, et aménageur comme directeur d’établissementpublic.

Aujourd’hui, il est sénateur-maire de Perpignan et préside lacommunauté d’agglomération. Il préside également l’Agence nationalede rénovation urbaine, l’ANRU, dont j’ai été administrateur. Par ailleurs,il est vice-président de l’Association des maires de grandes villes deFrance, l’AMGVF.

Louis Besson a été à la tête du ministère de l’Équipement. Il est l’actuelmaire de Chambéry et président de la Communauté d’agglomération. Ilest un militant du logement social dont il a présidé le Haut Comité. Il estl’un des pères de la loi SRU, la loi relative à la Solidarité et auRenouvellement urbains, votée en 2000.

Jacqueline Gourault est sénatrice du Loir-et-Cher, maire d’unecommune de 4 000 habitants, la Chaussée-Saint-Victor et vice-présidente de la communauté d’agglomération de Blois. Elle a étéconseillère régionale et conseillère générale.

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Les territoires dans tous leurs états

Troisième table rondeQuestions, problèmes et enjeux

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Par ailleurs, je ne reviens pas sur les problèmes liés à l’existence du « millefeuille » territorial évoqué précédemment.

La France vit une situation étonnante : la région où la crise urbaine a étéla plus forte est l’Île-de-France. On remarque qu’il s’agit de la régiondans laquelle la gouvernance est la plus faible. Il y a trente ans, la régionparisienne était un modèle en matière de gouvernance. Aujourd’hui, rienne marche en région Île-de-France. Le système est impressionnant delourdeur.

2. Les améliorations possibles concernant le systèmede gouvernance

Il me semble que l’avenir s’articule autour du couple Région /Intercommunalité. En le faisant fonctionner de manière plus efficace,notamment par l’élection au suffrage universel des responsables del’intercommunalité, tous les progrès peuvent être envisagés en termesde stratégie de territoire globale, d’intersectorialité des actions,d’expérimentation. Il est vrai qu’encore aujourd’hui on renforce le rôledes départements, en particulier la dernière loi sur l’eau.

L’État doit recentrer son action sur un certain nombre de défis pourlesquels visiblement les collectivités territoriales n’ont pas les moyensde traitement nécessaires. Par exemple, la crise des quartiers endifficulté a pris une telle ampleur qu’une collectivité locale n’a pas lesmoyens financiers pour pouvoir la traiter sur le moyen et le long terme.L’État devrait intervenir pour sécuriser les financements nécessaires.

En effet, l’annualité budgétaire a fait « fondre » quantité de projetsintéressants et pleins de promesses. L’exemple de l’ANRU doit être misen avant dans ce cadre. Dans la loi qui crée l’ANRU, pour la premièrefois, sont prévus des tableaux de bord et des comités d’évaluation.L’État doit être un organisateur, un informateur et un évaluateur dans lesdispositifs répondant aux grands défis auxquels doit faire face l’actionpublique.

Il me semble aussi que l’État doit se poser en garant de l’égalitérépublicaine. Chaque élu local a une mission de service public dont l’Étatdoit être le garant. L’État doit également accompagner les mutations dela décentralisation pour éviter que l’égalité républicaine soit mise à mal.Pour ma part, je rêve d’avoir un président de région comme Adrien Zeller.

Intervention de Jean-Paul ALDUYSénateur-maire de Perpignan

Il existe un diagnostic partagé qui traverse les courantspolitiques sur ces grands défis. Je note, à ce propos, quecelui de la diversité sociale a été oublié alors qu’il est, à monsens, le plus important. La rapidité avec laquelle ces défiss’imposent à nous est effrayante. Mais la France reste unpays où la démocratie et le système de gouvernance sonttrès difficiles à réformer.

1. Déficit de démocratie locale,faiblesse de la gouvernance locale

La démocratie consiste à faire fonctionner une chaîne information –participation – décision. Au niveau de l’information, d’importantsprogrès ont été accomplis avec notamment l’apparition de la TNT, latélévision numérique terrestre. Cependant, si nos concitoyens sontparfaitement informés de ce qui se passe en Irak ou en Afghanistan, les informations concernant le quartier au bout de la rue ne leurparviennent pas.

En Catalogne, on compte 120 télévisions locales. En France, il en existeune dizaine pour tout le pays. Seul un développement de l’informationlocale pourra induire un intérêt nouveau de nos concitoyens pour la viesociale et démocratique.

Par ailleurs, en France, les lois concernant la participation se sontenchevêtrées. Les enquêtes publiques constituent un exemple de « toutet n’importe quoi » dans la façon de faire. Une collectivité locale sepréoccupe davantage de la légalité juridique de la démarche que de sonefficacité politique.

Aujourd’hui, l’essentiel des décisions en milieu urbain est pris par lesintercommunalités peu connues des citoyens. Il n’y a aucun public dansles réunions des conseils de communauté. Les hommes et les femmesqui dirigent ces intercommunalités sont des sortes d’objets politiquesnon identifiés puisqu’ils ne sont pas élus au suffrage universel direct.

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On remarque que, pour les grands axes du SCOT, l’échelle est souventsupérieure à celle des communautés de communes oud’agglomérations. Dans le territoire de Chambéry, il y a 7 communautésde communes et une communauté d’agglomération couvertes par lemême SCOT pour un total de 103 communes.

La place prise par la société civile amène à un ajustement nécessairenotamment en vocabulaire. Souvent, nos concitoyens ont, parenthousiasme, une vision réductrice des conditions de prise en chargedes grands défis qui se posent à notre société. Leurs prises de positionobligent les élus à un travail d’explication et de dialogue.

2. Le rôle de l’ÉtatIl me semble que l’État aujourd’hui — c’est-à-dire après 25 ans dedécentralisation — présente des faiblesses au niveau national et auniveau local.

Au niveau national, qu’il s’agisse des ministères ou des agences,l’important me semble l’affichage d’ambitions claires et la recherched’efficacité autour d’objectifs quantifiés. Si les objectifs sont trop flous,les actions deviennent plus complexes à mettre en œuvre pour cesservices et agences de l’État qui s’avèrent plus timorés.

Par exemple, la ville de Chambéry a signé une convention ANRU. L’Étata-t-il pris les dispositions voulues et nécessaires ?

Sa banlieue, avec une importante ZUP, zone à urbaniser en priorité, estincluse sur le territoire de la commune : elle concentre 75 % dulogement social de l’agglomération et la population la plus pauvre dudépartement.

Des communes de la périphérie accumulent des retards par rapport auxobligations définies dans l’article 55 de la loi SRU. Les maires ne sontpas soutenus par leur population.

Par ailleurs, certains s’acquittent des obligations de leurs communes enélaborant des programmes de PLS, prêts locatifs sociaux.

Le constat est qu’on ne peut proposer aux familles d’une ex-ZUP àdiversifier un relogement dans d’autres communes.

Cela est impossible puisqu’il serait nécessaire, pour cela, que lescommunes triplent ou quadruplent leur effort dans le financement dulogement social. Il existe une contradiction entre les grands principesd’égalité républicaine et l’accueil des publics dont la plupart descommunes ne veulent pas.

Intervention de Louis BESSONAncien ministre, maire de Chambéry

Les hasards de la vie publique m’ont valu d’exercer à deuxreprises des responsabilités ministérielles et à deux reprisesde reprendre des responsabilités locales juste après desresponsabilités nationales.Dans le domaine du logement, il s’agit d’un champ partagédans lequel il faut distinguer ce qui peut être décidé auniveau national et ce qui ne peut l’être qu’au niveau local etcette double expérience était intéressante à vivre…

1. La loi Solidarité etRenouvellement urbains

La loi SRU a pour origine le constat suivant il existait des Schémasdirecteur d’aménagement et d’urbanisme, SDAU, les Plan d’occupationdes sols, POS. Cependant, sur un territoire, tout dépendait de lavigilance des services de l’État. La situation n’était pas claire en termesd’orientation dans l’espace à une échelle suffisante.

D’autres ministères avaient chacun inventé un outil spécifique.

Pour le ministère des Transports, le PDU, Plan de déplacement urbain,existait dès 1983. La loi Lepage de 1996 l’a rendu obligatoire. La loiSRU y a apporté quelques additifs. Le Programme local de l’habitatexistait sur le papier. Le secrétariat d’État au Commerce et à l’Artisanatavait des schémas pour guider les décisions en termes d’urbanismecommercial.

Cependant, il n’existait aucun suivi actif pour ces multiples documents.

C’est pourquoi la loi SRU a rendu obligatoire un document decohérence, le Schéma de cohérence territoriale, qui implique un travailde réflexion des équipes de terrain pour établir une vision de l’avenir.

Après son adoption, il devient un document stratégique pour uneévolution cohérente du territoire.

Certes, il existe des intercommunalités. Cependant, le territoirepertinent pour l’élaboration d’un SCOT regroupe souvent plusieursintercommunalités. Il est nécessaire de réfléchir à quelle échelle on estefficace.

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sûr, les territoires et leurs responsables ont chacun leurscaractéristiques et leurs particularités. Cependant, il est invraisemblabled’entendre des responsables gouvernementaux traiter les responsablesdes collectivités locales comme des gens dépensiers et inconséquents.Il me semble nécessaire de rétablir un État simple et respecté, un Étatqui prend ses responsabilités en se recentrant sur ses véritablesmissions.

2. Une évolution nécessaire de la contractualisation

Une évolution de la contractualisation me paraît nécessaire. Aujourd’hui,il me semble que les accords entre collectivités locales ou entrecollectivités locales et État représentent une évolution souhaitable.

Cependant, des progrès sont à réaliser dans la pratique. Dans de tropnombreux cas, on présente une enveloppe budgétaire aux responsableslocaux ou encore un calcul budgétaire rapide est effectué à partir dunombre d’habitants. Ensuite, on demande aux élus locaux ce qu’ilsdésirent mettre dans l’enveloppe budgétaire.

Il me semble que, dans une véritable contractualisation, lescocontractants se réunissent autour d’une table pour définir les besoinsdu territoire, une stratégie à mener et des actions à mettre en œuvrepour ensuite se poser la question des moyens financiers.

Jean–Paul ALDUY

Sur la question du logement, la loi Besson mentionnait, dès 1990, le « droit au logement ». Le combat pour une plus grande diversité socialedoit être mené à travers une politique de logement.

On a multiplié les lois, mais il a fallu attendre 2006 pour que l’oncommence à réorganiser le système de décision en établissant unedélégation de compétences aux intercommunalités, malgré leurscontours encore flous et leur manque de légitimité politique. On auraattendu 20 ans pour esquisser un début de réorganisation. Enrevanche, il n’a pas été établi de système d’évaluation : on risque doncde perdre encore du temps à essayer de comprendre ce qu’on est entrain de faire.

Il me semble que toutes les collectivités territoriales et l’État doivent

Intervention de Jacqueline GOURAULTSénatrice du Loir-et-Cher

Vice-présidente de la délégation du Sénat à l’aménagementdu territoire

Il me semble extrêmement important de mettre l’accent surle bouleversement provoqué par l’irruption de l’inter-communalité dans les territoires, même si elle estperfectible et s’il reste un grand nombre de points àaméliorer. Elle constitue une réalité qui entraînel’établissement de relations nouvelles avec les régions, avecles départements et avec l’État. À mon sens, les questions de relations entre les collectivitésterritoriales doivent trouver un règlement global. On ne peutse contenter de solutions partielles, comme celle quiconsiste à supprimer les départements bien que l’on sacheque des questions de pouvoir personnel peuvent obscurcirle débat et les pratiques.

1. Une nécessaire clarification des compétences

Au-delà des questions d’architecture, il est nécessaire de clarifier lescompétences.

On ne peut indéfiniment laisser toutes les collectivités intervenir sur tousles sujets sans perdre en efficacité de l’action publique. On peutimaginer que les communes et les intercommunalités ne représententplus qu’un niveau et que les régions et les départements fassent demême. Le débat avait commencé il y a quelques années, mais lerésultat des élections qui ont suivi a arrêté le processus de réforme.

Le manque de clarification des compétences des collectivités localesengendre des difficultés dans leurs relations avec l’État. Il me semblequ’en France, les élus locaux sont très attachés au rôle de l’État. Cependant, la confiance est à rétablir entre les collectivitéslocales et l’État.

À mon sens, il s’agit du cœur de l’efficacité de l’action publique. Bien

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Intervention de Gilles RICONODirecteur général des services de la région Bretagne

En tant que stratège de l’aménagement, je suis heureux detravailler aujourd’hui en région, qui, à mon sens, a un rôlecentral à jouer sur ces questions. Je le vérifie tous les jourssur le terrain.

1. Des difficultés dans les relationsentre l’État et les régions

En ce qui concerne les régions, il m’est difficile de comprendre pourquelles raisons on bloque systématiquement les possibilités d’actionoffertes aux régions dans les textes actuels alors qu’il existe unconsensus sur le rôle qu’elles devraient jouer.

Il est ridicule que la France soit le seul pays dans lequel on ne donnepas la maîtrise des fonds européens aux régions alors qu’il existe unemultitude de contrôles européens.

La création des pôles de compétitivité a été l’occasion d’unemobilisation extrêmement importante dans les régions autour desexécutifs régionaux. Cependant, l’État n’a pas accepté que cesexécutifs régionaux prennent part à la gouvernance de ces pôles.

Pour labelliser les prêts liés au fonctionnement de ces pôles decompétitivité, les services du Premier ministre devaient rendre unarbitrage pour confier cette tâche soit à OSEO, ex-ANVAR (Agencenationale de valorisation de la recherche), soit à la Direction générale del’équipement, la DGE.

Les régions préféraient OSEO, davantage implanté dans les territoires.Matignon a choisi la DGE. Le résultat est que les régions doivent sebattre pour que, dans les projets labellisés, on n’oublie pas les projetsconcernant les PME-PMI.

En effet, seuls les projets portés par de grandes entreprises constituentdes priorités pour l’État.

Par exemple, en Bretagne, sur le pôle Images et Réseaux, FranceTélécom est très bien servi, mais le tissu territorial d’entreprises n’y

prendre place dans ces processus. L’ANRU n’a qu’un rôled’accompagnement. S’il n’existe pas d’intercommunalité responsablepour gérer la diversité, les fonds mis à disposition par l’ANRU n’aurontaucune incidence sur la modification des peuplements dansl’agglomération.

La France sait parfaitement dresser des diagnostics, élaborer des lois etdes outils, mais est totalement incapable de modifier le systèmedémocratique et le système de gouvernance.

Jean FRÉBAULT

Gilles Ricono, quel est le regard d’un fonctionnaire d’État, qui a pris unefonction dans l’exécutif d’une région, sur le rôle de l’État ?

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effectué un sondage auprès de nos concitoyens sur leur connaissancedes actions de la région. Les résultats ont été effrayants : nosconcitoyens ont une méconnaissance totale du système institutionnellocal.

Par ailleurs, l’État me semble timoré, voire inexistant en région. Parexemple, les DRAC, Directions régionales des affaires culturelles, n’ontplus d’argent. Cent cinquante personnes travaillent à la DRAC deBretagne. Malheureusement, elles ne font plus que de la procédure.

Jean FRÉBAULT

Jean-Paul Alduy, quel rôle joue l’État en région ?

Jean-Paul ALDUY

Ma réponse ne sera pas objective. En effet, je fais partie de la « famille »des fonctionnaires d’État. Cependant, je suis en partie en accord avecce qu’a dit Gilles Ricono.

Il me semble que l’on n’a pas su gérer la mutation. Des trésors decompétences, d’enthousiasme, d’appétit du service public ont étébrisés. On n’a pas été plus brillants en gestion des ressources humainesqu’en matière de gouvernance. Je suis convaincu qu’il y avait un autretype d’organisation des services d’État à mettre en place sur le terrain :un État d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, de conduite d’opérations,de mise en place de dispositifs d’information ou de tableaux de bord.Ces thématiques n’ont pas été abordées, si bien que l’on voit, enrégion, un État pointilleux, pris par le vertige du juridique. L’État est vu,par les collectivités locales, comme un frein.

Il est temps d’impulser un changement de culture au sein de l’État pourpermettre à toutes ces compétences de retrouver l’amour du métier enayant le sentiment d’une véritable utilité sociale.

trouve pas forcément son compte : cela intéresse beaucoup moinsl’État. La région Bretagne a dû indiquer aux services de l’État qu’ellemettrait de l’argent uniquement sur les projets ayant un impactdynamique sur le tissu local de PME-PMI. L’État a eu une attitude trèscentralisatrice alors que l’idée de pôle de compétitivité en estl’antinomie.

Les processus de décentralisation, issus de la loi du 13 août 2004,posent un certain nombre de problèmes. Les équipes de la régionBretagne étaient organisées par missions ; elles comptaient 500 personnes. Aujourd’hui, la loi a ajouté à ces équipes 2 700,techniciens et ouvriers de service, TOS qui constituent uneadministration à part. Il s’agit d’une difficulté de gestion des ressourceshumaines. Il est nécessaire que cette intégration ne s’effectue pas audétriment de la fonction stratégique de la région.

La fiscalité et les revenus des régions constituent une seconde difficultéimportante : 60 % des ressources des régions proviennent de dotationsd’État.

Le processus de décentralisation devait être effectué à l’euro près dansles budgets. Par la suite, l’État a promis aux régions une part de la taxeintérieure sur les produits pétroliers, TIPP. Avec seulement 40 % defiscalité propre, la région accuse forcément un déficit de légitimitépolitique.

2. Le problème de gouvernanceentre les niveaux territoriaux

Si aucune évolution positive n’est observée au niveau du système degouvernance dans le « millefeuille » institutionnel, il existera toujours desperturbations.

Ainsi, le problème démographique dans une région très attractivecomme la Bretagne est une difficulté que nous aurons à traiter dans peude temps. L’État ne le prend pas en compte. Par exemple, la formationdes personnels médicaux n’est même pas évoquée.

Il existe aussi un problème de lisibilité politique, même si le changementdans les modalités du scrutin a constitué une avancée. Nous avons

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2. Repenser la gouvernanceterritoriale et le rôle de l’État

Quelques territoires connaissent aujourd’hui des difficultés : le paradoxeest qu’ils se situent à la périphérie des agglomérations ou loin desgrandes agglomérations.

Il me semble que les banlieues constituent des zones où les pouvoirspublics ont des difficultés à réagir de façon cohérente.

L’État met en place un certain nombre d’outils, les collectivitésterritoriales aussi mais, localement, la gouvernance n’est pas adaptéeaux problèmes qui se posent.

Par exemple, j’ai rencontré le maire de Nanterre qui m’expliquait sesdifficultés à trouver un interlocuteur pour régler un problème de voirie,que ce soit au niveau régional ou au niveau départemental.

Dans les zones périurbaines, les problèmes se posent de manière aussicomplexe : un certain type d’habitat s’est développé avec desdéplacements de plus en plus longs entre la ville centre et lescampagnes et des populations qui vieillissent pour lesquelles il n’existepas de services, ni de systèmes sociaux adaptés. Même si les mairessont assez proches de leur population dans ces zones, unegouvernance territoriale adaptée fait défaut.

Les zones se trouvant loin des métropoles soulèvent d’autresproblèmes à régler.

Dans les zones rurales qui souffrent de désertification, comme dans lenord-est de la France, en Champagne, en Lorraine, il y a un manque depopulation riche et de retraités, peu d’entreprises et pas de métropolequi puissent jouer un rôle d’entraînement.

Il me semble donc qu’au-delà des consensus souvent créés par unedynamique européenne Lisbonne – Göteborg, il est nécessaire de porterattention à ces territoires plus fragiles.

L’État doit avoir un rôle d’anticipation sur les crises qui pourraient s’yproduire. Il doit créer les conditions d’un meilleur dialogue entre lescollectivités territoriales et avec les collectivités territoriales.

Intervention de Sylvie ESPARREDirectrice à la Direction interministérielle pour l’aménagementet la compétitivité des territoires, DIACT, conseillèreréférendaire à la Cour des Comptes

1. Des diagnostics partagés surcertains sujets

Je suis frappée de constater un diagnostic partagé sur les défis del’avenir et je souhaiterais revenir sur quelques thèmes qui ont étéévoqués précédemment.

Il me semble qu’il existe un certain consensus sur la compétitivitérégionale et notamment sur le fait que des pôles Région –Agglomération pourraient constituer des socles pour une actionpublique soutenue par l’Union européenne.

Il me semble qu’il existe aussi un consensus sur le rôle positif des pôlesde compétitivité, à condition que toutes les entreprises puissent en tirerles bénéfices, y compris les PME-PMI.

Sur d’autres sujets, comme le développement durable ou la cohésionterritoriale, le consensus est plus difficile à réaliser.

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Gilles RICONO

Il existe, en effet, un besoin d’État exprimé par les collectivitésterritoriales.

Au niveau des régions, la DRE me semble le meilleur interlocuteur auniveau des services de l’État car elle possède une expérience probantede l’aménagement du territoire et de la transversalité.

Les préfets font souvent appel aux DRE à la limite de leurscompétences.

Jean FRÉBAULT

Nous allons, à présent, passer au débat avec la salle.

Jean-Louis HÉLARY, directeur à la Direction régionale del’Équipement du Nord – Pas de Calais

J’aimerais faire plusieurs observations.

La première observation est qu’il existe une profonde méconnaissancedes institutions de la part des gens qui viennent dans les réunionspubliques de concertation.

La deuxième observation concerne le « millefeuille » institutionnel. Celui-ci s’est considérablement épaissi au cours des dernières années.L’échelon régional a été constitué comme collectivité de plein exerciceavec élection des conseillers en 1986. Olivier Guichard, le père de laDATAR, regrettait cette création. Par ailleurs, la loi Chevènement a tentéde mettre de l’ordre dans l’intercommunalité.

En vingt ans, le rôle de l’État s’est perdu dans les procédures. Il ne peutêtre perçu que comme un frein, dès lors qu’il se limite à la gestion des procédures. Le drame actuel est qu’il est difficile, pour les servicesde l’État, de lever le nez du guidon et d’avoir une vision sur les territoires.

Michel FÉVE, membre du Conseil économique et social de larégion Île-de-France, chargé des transports

Concernant la concertation, il me semble qu’il y ait un grand nombre deprogrès à faire.

Par exemple, pour ce qui est du plan de déplacement urbain, le PDU, l’une des difficultés est que le périmètre urbain est différent du périmètre légal.

Par ailleurs, il existe toujours, notamment en Île-de-France, un manquede clarté dans la définition du rôle de la région dans ses relations avecl’État comme le montrent les débats autour du schéma directeur de larégion Île-de-France.

Louis BESSON

Dans le département de la Savoie, un agent de l’État est en train de faireune démonstration extraordinaire.

En effet, le département accueille, chaque début du mois de décembre,près de 40 000 saisonniers pour le tourisme d’hiver : c’est un problèmemajeur de logement.

Cet agent de l’Équipement a délégué à la production de logements pourcette population.

Cette année, le nombre de logements sociaux produits pour lapopulation saisonnière est plus important que le nombre de logementsproduits pour la population salariée permanente.

Les employeurs des salariés saisonniers avaient des difficultés derecrutement et étaient impliqués.

Cet agent de catégorie B a eu un rôle extrêmement importantd’assemblier des moyens de l’État, des collectivités locales, du 1 %patronal.

Je constate qu’il a été plus efficace dans ce domaine que le meilleur despréfets qui aurait pu être nommé. Il existe donc des problèmes sérieuxde gestion des ressources humaines.

Il me semble qu’il ne faut pas perdre de vue qu’il existe, dans l’actionpublique, des actions gratifiantes et des actions contraignantes.

Or, une véritable course s’engage entre les différents acteurs quand ils’agit du partage d’actions gratifiantes. C’est le désert lorsqu’il fautengager des actions qui le sont beaucoup moins.

Quand une voiture brûle dans un quartier, le maire est le seul à se rendresur place. De plus, ses responsabilités sont les seules clairementidentifiées par les citoyens. Il me semble qu’il sera de plus en plusdifficile de trouver des vocations pour ces mandats électifs.

Jean FRÉBAULT

L’idée à retenir est un appel à la capacité d’initiative de l’État localquand il y a déficit d’assemblier sur une thématique.

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Au contraire, il faut restaurer la confiance de nos concitoyens dans leursélus. Démocratie participative et démocratie représentative au niveaulocal sont complémentaires.

Jean FRÉBAULT

Il reste encore beaucoup de questions à approfondir. Cependant, il fautclore cette matinée. Il reste néanmoins un après-midi de débat qui seraanimé par Gilbert Santel.

Je remercie tous les participants.

Jean FRÉBAULT

La question de la gouvernance dans la région Île-de-Francenécessiterait un colloque entier.

Sylvie ESPARRE

Le rôle de l’État doit être celui d’un mobilisateur, garant d’un certainéquilibre entre les territoires. Cela est vrai même en région Île-de-Franceoù il existe des périphéries rurales en dehors de l’agglomérationparisienne.

Une personne responsable de développement territorial

Il me semble nécessaire que les acteurs de l’action publique dans lesterritoires expliquent leurs métiers, leurs objectifs et leurs stratégies auxcitoyens. Il me semble que la gouvernance des territoires est absente dela campagne électorale actuelle alors qu’il s’agit d’un sujet de la viequotidienne des Français.Travaillant, en région Aquitaine, dans deszones éloignées des grandes métropoles ou dans les zonespériurbaines, il me semble opportun de maintenir un niveau suffisant decrédits d’ingénierie sur ce type de territoires, notamment parl’intermédiaire de contrats de projets.

Michel ROUSSELOT

Concernant le défi du développement durable, l’action publique dans ledomaine des transports est nécessaire pour limiter les émissions de gazà effet de serre.

Un système de relations institutionnelles entre l’Union européenne et lesdifférents échelons locaux et nationaux ne suffira pas. Pour qu’il y aitune prise de décision forte et efficace, il faut aussi une pression del’opinion publique pour que le système de gouvernance s’oblige auxadaptations nécessaires.

Jacqueline GOURAULT

À mon sens, il est nécessaire d’accorder beaucoup de temps à lapédagogie et au débat avec les citoyens. Cependant, l’opposition entredémocratie participative et démocratie représentative locale, notion trèslargement répandue, ne me semble pas pertinente.

Pour un élu local, ne pas être en contact avec ses électeurs représentequelque danger. Cela se termine souvent mal.

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Troisième table ronde

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Les territoires dans tous leurs états Nouvelles dynamiques de l’action publique

Quelles pistes de progrès pour l’action

publique ?Après-midi animé par Gilbert Santel

som

mai

re

Quatrième table ronde 084Observation, prospective, évaluation : comment intégrer les actions et améliorer « l’intelligence des territoires » ?

Jean-Marc Offner 089Jean René Brunetière 091Christian Garnier 093

Cinquième table ronde 096Quelles nouvelles façons de conduire les projets d’aménagement et de développement territorial ?

Michel Dresch 099Gilles Bouvelot 101

Sixième table ronde 108Perspectives des rôles des pouvoirs publics, entre les collectivitésterritoriales, l’État et les établissements chargés de missions publiques, dans le contexte européen

Jean-Pierre Balligand 113Bruno Bonduelle 118François Bertière 121Bernadette Malgorn 123Alain Lecomte 127

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Les territoires dans tous leurs états

Quelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

Gilbert SANTEL

“ L’après-midi de ce colloque va êtreconsacré aux réponses possibles aux défisposés à l’action publique évoqués ce matin. Lors de cette matinée, des questions ont étéposées notamment en termes de gouver-nance des territoires, pendant cette secondepartie de colloque, il s’agit d'examiner lesréponses possibles et les moyens concretsà mettre en œuvre.

Trois tables rondes sont prévues cetaprès-midi :

• La première table ronde sera consacrée àl’intelligence des territoires : connaissance,évaluation, prospective ;

• La deuxième table ronde portera sur lesnouveaux outils disponibles en matièred’aménagement ;

• La troisième table ronde constituera unultime échange autour de ce qui estattendu des pouvoirs publics par lesdifférents acteurs ”.

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Les territoires dans tous leurs états

085

Résu

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Quatrième table ronde

Observation, prospective, évaluation : comment intégrer les actions et améliorer « l’intelligence des territoires » ?

Un manque d’expertise et d’hybridation des compétences

Jean-Marc Offner pointe un manque d’expertise pluraliste en quantité eten qualité tant au niveau qu’au niveau local des services de l’État, ce quise traduit par une standardisation excessive des problématiques et dessolutions à mettre en œuvre. Par ailleurs, il dénonce un déficitd’hybridation de l’expertise. En effet, les trajectoires atypiques sont troprares au sein des services en charge de l’aménagement du territoire.

Une évolution rapide du rôle des DDE

Le rôle des Directions départementales de l’équipement n’est plusrestreint à la construction et à l’entretien des routes. Elles doivents’attaquer aux grands défis de notre temps comme la crise des banlieues,la pénurie de logements ou encore le danger écologique sans moyens decontraintes. Pour mener à bien leurs nouvelles missions, elles doivent :

• faire preuve d’ouverture aux autres expertises ;

• accroître les compétences dans leurs services ;

• être confrontées plus souvent aux problèmes de notre temps pouraugmenter leurs connaissances.

Des processus mal pensés et une sectorisation trop stricte desservices de l’État

Pour Christian Garnier, vice-président de France Nature Environnementet professeur à l’École nationale d’architecture de Paris – La Villette, ungrand nombre d’actions publiques constituent des échecs en termesd’aménagement et d’environnement.

La question des responsabilités doit être posée afin de déterminer lescauses profondes de ces échecs. Par ailleurs, du fait d’une sectorisationtrop stricte des services de l’État, l’action publique d’État manquesouvent de cohérence.

Nécessité d’une expertise citoyenne

L’accès à l’information et des moyens financiers procurés par les pouvoirspublics sont nécessaires à une expertise citoyenne performante.

Quelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

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Gilbert SANTEL

Ma première question concernera le terme « intelligence des territoires ».Est-ce un nouvel avatar sémantique dissimulant la vacuité de la réflexionou un réel concept opératoire ?

Jean-René BRUNETIÈRE

J’entends ce terme dans le sens de « compréhension et connivence ».

Pour nos services, il s’agit d’outils de gestion des données et de traitement de l’information. C’est aussi la capacité d’échanged’informations constituée d’un réseau de confiance, de la capacité de savoir si l’information est vraie ou fausse, du capital social et du capitalde confiance.

Jean-Marc OFFNER

Il me semble que cette polysémie lexicale est assez heureuse.

La bonne intelligence veut dire « s’entendre » sur quelques chiffres dansdes activités de prospective. L’intelligence des acteurs du territoire passepar l’introspection et l’évaluation. L’intelligibilité ou l’ingénierie territorialeconsiste à observer puis à traiter les données.

Christian GARNIER

France Nature Environnement est en passe de développer un projet sur deux ans sur les territoires.

Une question revient souvent : qu’est-ce qu’un territoire ?

À mon sens, l’intelligence, en matière de territoires, consiste à passer d’undéveloppement non durable à un développement durable et désirable eny incluant une composante environnementale et démocratique.

Observation, prospective, évaluation :comment intégrer les actions et améliorer « l’intelligence des territoires » ?

Gilbert SANTELJe présente les orateurs de cette première table ronde del’après-midi.

Jean-René Brunetière est responsable de la MIGT, la Missiond’inspection générale territoriale Bourgogne – Franche-Comté.

Il est l’auteur d’un rapport publié il y a deux ans qui avait pour objet lesmoyens mis en œuvre par les services de l’Équipement en matière deconnaissance des territoires.

Jean-Marc Offner est directeur du LATTS, le Laboratoire Techniqueterritoires et société, de l’École nationale des Ponts et Chaussées, duCentre national de recherche scientifique et de l’université de Marne-la-Vallée. Il s'est notamment intéressé aux questions de gouvernance et dedéveloppement économique.

Christian Garnier est professeur à l’École d’architecture de Paris – La Villette. Il est vice-président, chargé du pôle Territoire, del’association France Nature Environnement, qui regroupe près de 3 000associations se consacrant à la préservation de la nature et del’environnement.

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Les territoires dans tous leurs états

Quatrième table rondeQuelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

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Intervention de Jean-Marc OFFNERDirecteur du LATTS – École nationale des Ponts et Chaussées

Il était tentant de détourner cette expression. Il s’agissait deprendre acte de l’injonction centrale de la loi Lepage,transcription d’une directive européenne, qui servait d’alibiaux collectivités locales pour ne pas réfléchir à leur propresituation.Un déficit d’expertise plurielle et un déficit dans l’hybridationde l’expertise.

1. Un déficit d’expertise plurielle

Par manque d’expertise locale en quantité et en qualité, les problèmeset les solutions ont été extrêmement standardisés.

Le rouleau compresseur de la standardisation, qu’il vienne desinjonctions de l’Union européenne ou des bureaux d’études, afonctionné à plein régime, alors que les problématiques et les solutionsà mettre en œuvre sont différentes d’un territoire à un autre.

C’est pourquoi j’ai évoqué un manque global d’expertise locale, maisaussi au niveau des services de l’État.

En sciences politiques, lorsqu’on explique ce qu’est l’action publique,on utilise le modèle pédagogique des 3 I, les institutions, les intérêts etles idées :

• Les institutions ont pour objectif de se pérenniser.

• Les intérêts des acteurs sont de maximiser leurs ressources.Cependant, si l’action publique se résume à des conflits d’intérêts etdes relations de pouvoir, on oublie la substance de l’action publique.

• Les idées servent à construire un référentiel qui permettra d’articulerles actions. Ces idées viennent, en grande partie, d’une expertiseplurielle.

En effet, l’intérêt général a disparu en même temps que l’État-nation, iln’existe plus que des intérêts collectifs.

Un territoire intelligent est un espace où se construisent des projets dansun contexte global de concurrence accrue entre territoires et delibéralisation exacerbée qui marque un effondrement d’un ensemble derègles et de contrôle concernant, par exemple, la protection du littoral.L’attractivité doit être qualitative et être incluse dans un contexte desolidarité.

Un territoire intelligent s’inscrit dans une vision et une stratégieintelligentes, c’est-à-dire une vision prospective et historique. Par ailleurs,un territoire intelligent se donne les moyens de son intelligence.

Gilbert SANTEL

Élisabeth Maurel soulignait, ce matin, qu’un territoire possède une identitéet une histoire sociale.

Un territoire intelligent mise sur la pluralité des acteurs. Cependant, dansla pratique, de quelle manière l’intelligence des territoires peut-elle êtremise en valeur ?

Jean-Marc Offner, vous avez conduit une évaluation sur les plans de déplacement urbain, les PDU.

Dans ce rapport, vous écrivez : « Pour agir local, il faut penser local. » On entend d’habitude : « Pour agir local, il faut penser global. »Par ailleurs, vous évoquez souvent un déficit global d’expertise....

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Les territoires dans tous leurs états - 3. Quel les pistes de progrès pour l ’act ion publ ique ?

Quatrième table ronde

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Intervention de Jean-René BRUNETIÈREConseil général des Ponts et Chaussées

1. Une évolution rapide du rôle des DDE

Les DDE ressemblent à présent à « ces soldats sans armes que l’onavait habillés pour un autre destin ». Pendant longtemps, l’activité desroutes cachait la vérité, mais « même bêtement, même en orage, lesroutes vont vers des pays ».

Cependant, on arrive dans des pays qui sont plus compliqués que lesroutes avec la crise des banlieues, la pénurie de logements ou encorele danger écologique, c’est-à-dire les problèmes les plus angoissantsde notre société. Cela est un peu rassurant : si on ne réussit pas dansnotre mission, cela tient aussi au fait que personne n’arrive à résoudreces problèmes.

Au fond, il a fallu passer d’un rôle de soldat à celui de gardien de la paix.En effet, la paix civile est en jeu sur ces thématiques, qu’il s’agisse dela paix entre nos concitoyens ou la paix avec la planète. Tout comme lesbobbies anglais, les DDE ne sont pas armées et ne disposent pas demoyens de contrainte.

2. La reconversion des DDE

On remarque que les préfets confient aux DDE des missions qui ne sontpas dans leurs attributions au motif qu’elles possèdent en leur sein desexpertises plurielles. Il existe, dans les DDE, une culture de l’efficacité,un goût du projet et un sens du service public.

Par ailleurs, les DDE et les DRE ont donc besoin d’une reconversion quipeut être déclinée sur trois axes :

Une nécessité d’ouverture

Aujourd’hui, ce qui fait la plus-value d’un service est la capacité de

Le corps des Ponts et Chaussées s’est bâti sur l’idée d’une traductionscientifique de l’intérêt général. Il existe donc des points de vuedifférents, y compris dans la production de connaissances.

L’expertise doit, par conséquent, être plurielle, notamment dans lesstatuts, afin de ne pas négliger « l’expertise d’usage » qui dépasse lesblocages des processus participatifs.

2. Un déficit dans l’hybridation de l’expertise

Il existe un déficit d’hybridation de l’expertise.

Il est nécessaire d’échanger les idées, notamment parce quel’innovation se fait aux interfaces. Il existe un besoin importantd’innovation méthodologique, car, dans la pratique, on a souventl’impression que les grilles d’analyse sont dépassées.

Cela demande notamment une hybridation des milieux professionnels.

Par ailleurs, il semble important d’intégrer les actions et lescompétences. Il faut, pour cela, recomposer le design institutionnel etfavoriser une bonne gestion des ressources humaines.

Lorsque, sur le terrain, on tombe sur un SCOT qui est cohérent avec unPDU, on découvre que la chargée d’études de la DDE (Directiondépartementale de l’équipement) est passée à l’agence d’urbanismepour réaliser le SCOT.

Toutes ces trajectoires quelque peu atypiques, qui ne sont pas renduesfaciles par les statuts, me semblent plus efficaces que toutes les « usines à gaz » coordinatrices que le législateur invente.

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Les territoires dans tous leurs états - 3. Quel les pistes de progrès pour l ’act ion publ ique ?

Quatrième table ronde

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Intervention de Christian GARNIERFrance Nature Environnement, professeur à l’École nationaled’architecture de Paris – La Villette

1. Des processus mal pensés etune sectorisation trop stricte desservices de l’État

La vision des citoyens sur l’action publique sur les territoires est sévère.Les territoires se sont radicalement transformés au cours des 40 dernières années. Les citoyens sont relativement conscients de ces phénomènes qui, pour eux, ont une histoire.

La question des responsabilités dans les désastres écologiques estimportante, notamment pour en déterminer les causes et les facteursprofonds. Il est à noter que le ministère de l’Équipement a représenté,dans le passé, des causes et des facteurs profonds sur cesthématiques.

Les territoires ont souvent été le cimetière de bonnes intentions avecdes processus organisationnels ou financiers infernaux ou qui le sontdevenus.

Par exemple, le prêt à taux zéro a conduit à la production d’habitatsocial de façon désordonnée loin des transports et des services.

Par ailleurs, on a hérité, dans l’administration française et donc dans lesadministrations locales, d’une sectorisation extrêmement stricte desthématiques.

Lorsque le plan Borloo a été présenté, sans un mot sur l’environnementet l’énergie, on s’est demandé si les équipes du ministère del’Équipement connaissaient encore l’adresse du ministère de l’Écologieet du Développement durable. La machine de l’État a des problèmes demise en cohérence.

croiser les points de vue et d’organiser les contradictions. De manièredialectique, les experts doivent échanger leurs points de vue.

La nécessité d’accroître les compétences dans les services

L’existence du ministère de l’Équipement n’a de sens que si sescompétences sont techniques. Les responsables n’ont pas pris lamesure des manques futurs de compétences. Il est nécessaire de savoirchanger de techniques par l’apport de géographes ou encore desociologues. Les DDE ne doivent plus embaucher d’ingénieurs detravaux publics. Les collaborateurs actuels doivent se former dans desproportions d’une centaine de masters par an. En effet, « sanstechnique, le don n’est rien qu’une sale manie… »

La confrontation augmente la connaissance

Il faut que les services soient confrontés aux défis de notre temps, avecleur capacité d’analyse et d’interprétation.

Il me semble qu’il est obligatoire, pour ces services de prendre lamesure de ces mutations à accomplir. Cela serait fâcheux pour lesterritoires si cette prise de conscience n’existait pas, car aucun autreservice ne peut effectuer les tâches et les services que peuvent rendreles collaborateurs de l’Équipement.

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Les territoires dans tous leurs états - 3. Quel les pistes de progrès pour l ’act ion publ ique ?

Quatrième table ronde

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3. Les attentes des associationsvis-à-vis de l’État

Les attentes des associations vis-à-vis de l’État sont de deux ordres.

Il s’agit de l’apport de subsides, mais aussi la défense de certainsintérêts généraux : solidarité, environnement.

Il est à rappeler que la défiance des citoyens envers l’État prend sasource dans le fait que l’État de droit n’est pas respecté.

En commission interministérielle hier, on a pensé à parler des schémasde cohérence territoriale (SCOT), mais, comme les élections arrivent, lemot PLU, plan local d’urbanisme, n’a pas été prononcé. Il existe bien unproblème de régulation des intérêts généraux dans des documentsd’urbanisme opposables aux tiers.

À mon sens, il est nécessaire de renforcer la société civile à tous lesniveaux afin qu’elle puisse répondre aux attentes des pouvoirs publicset de la société et de toutes les instances de concertation et denégociation dans lesquelles les associations sont appelées à intervenir.

2. La nécessité d’une expertisecitoyenne

L’information des citoyens doit être accessible. En dépit de nouveauxdispositifs et des obligations législatives que la société civile a réussi àobtenir, on est encore loin du compte. Pour construire une bonneexpertise citoyenne, il est nécessaire qu’elle puisse remonterl’information.

Par exemple, il est utile d’obtenir une copie des rapports, maisdavantage intéressant d’être informé sur les « boîtes noires » desprocessus qui ont conduit à l’élaboration de ce rapport. Ainsi, sur laquestion des transports, le rapport Transports 2050 représente uneavancée probante suite au débat qui s’est déroulé lors de l’élaborationdu Schéma des services collectifs de transports, le SSCOT.

Cependant, la notion d’espace et de territoires ne figure pas dans les cinq propositions clés du rapport.

Par ailleurs, on renvoie la question des risques et des ruptures à desétudes ultérieures.

L’expertise citoyenne commence à la cage d’escalier et se termine dansles débats internationaux entre responsables d’ONG et chefs d’État.Cela représente beaucoup d’investissement et de bénévolat, mais aussiun peu de salariat.

Pour faire face à des demandes provenant notamment d’organismesd’État, l’expertise citoyenne a besoin de moyens pour fonctionner.

De même qu’il est nécessaire de disposer de personnes compétentesdans les DDE, les DRIR, Directions régionales de l’industrie et de larecherche, et dans les collectivités locales, les associations ont besoinde compétences reconnues à leur niveau d’expertise.

Cela veut dire qu’il est nécessaire d’augmenter l’expertise chez tous lesacteurs du territoire : avoir plus d’intelligence et moins de béton.

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Quatrième table ronde

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Les territoires dans tous leurs états

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Cinquième table ronde

Quelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

Quelles nouvelles façons de conduire les projetsd’aménagement et de développement territorial ? Importance des outils de concertation

Michel Dresch, directeur général de la Société mixte d’aménagement deParis, insiste sur l’importance de se doter, lors d’une opérationd’aménagement, d’outils de concertation fiables, qui peuvent être fournispar le secteur privé, comme il l’a fait sur l’opération Paris Rive Gauche.Outre la fluidification de la procédure, le processus de décision est aussiaccéléré.

Densité durable et ville compacte

Les concepts de densité durable et de ville compacte sont aujourd’huitrès présents dans les discours. En effet, la densité permet d’utilisermoins de transports.

Par ailleurs, le concept d’îlots ouverts avec une présence de naturerendrait cette densité acceptable par les citoyens.

Pour mener à bien ce type de projet d’aménagement, une interventiondes pouvoirs publics est nécessaire au travers d’établissements publicsd’aménagement (EPA), d’établissements publics fonciers (EPF) ou encorepar l’action des DDE.

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Intervention de Michel DRESCHDirecteur général de la Société mixte d’aménagement,SEMAPA

1. Des environnements deconcertation très différents : les exemples de Marne-la-Vallée et de Paris Rive Gauche

J’ai personnellement deux expériences de processus de concertationmenés à grande échelle : à Marne-la-Vallée et l’opération Paris RiveGauche autour de la Bibliothèque François-Mitterrand. Pour cetteseconde opération, il ne s’agissait pas des futurs habitants, mais deshabitants de l’environnement parisien immédiat.

À Marne-la-Vallée, la concertation visait à informer le public de ce quiallait être construit et mis en place. Il y avait, par exemple, des fortesinquiétudes de la part d’accédants à la propriété sur le nombre delogements sociaux qui allaient être construits ou sur les grandesinfrastructures qui allaient modifier un cadre de vie qu’ils avaient acheté.

Quelles nouvelles façons de conduireles projets d’aménagement et de développement territorial ?

Gilbert SANTELNous allons élargir notre table ronde en intégrant deuxspécialistes de l’aménagement.

Gilles Bouvelot, après une carrière au sein de notre ministère à laDirection de la construction puis comme directeur de cabinet dusecrétaire d’État au Logement, a travaillé dans le secteur privé chezApollonia, filiale du groupe Nexity, le premier promoteur national.

Il est actuellement auprès du directeur de la Direction régionale del’équipement de la région Île-de-France et chargé de réfléchir à la mise enplace du futur établissement public d’aménagement régional.

Ancien directeur de la construction, ancien directeur des établissementspublics EpaMarne et EpaFrance, Michel Dresch est aujourd'hui directeurgénéral de la Société d’économie mixte d’aménagement de Paris,chargée de l’aménagement du quartier Paris Rive Gauche dans le 13e arrondissement de Paris.

Christian Garnier évoquait précédemment les difficultés desassociations à répondre à toutes les sollicitations, qui peuvent rendre pluscompliqués les processus de concertation avec les habitants et la sociétécivile.

Comment réagissez-vous à cette prise de position ?

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Les territoires dans tous leurs états

Cinquième table rondeQuelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

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Intervention de Gilles BOUVELOTDirecteur général de la Direction régionale de l’Équipement –Île-de-France

Lorsque je travaillais dans le secteur privé, j’ai pu observerque les processus participatifs appelaient la productiond’éléments techniques comme supports d’une concertationefficace, par exemple, des images d’un projet immobilier oude quartier, compréhensibles par tous. L’expérience montre que plus on est sur des faits concretset non sur des concepts abstraits (comme le COS, lecoefficient d’occupation des sols, ou le plafond de hauteur,qui peut faire croire à un public non averti que tous lesbâtiments auront la même hauteur), plus le processus deconcertation est fluide.

L’intérêt de la concertation pour le secteur privé est quecela permet d’éviter les points de blocage ou du moins deles anticiper. Il est pénalisant, pour un opérateur privé, defaire face à un recours, même infondé. En effet, c’est une perte de temps et donc une perteéconomique.Par contre, il ne faut pas que le secteur public concède laresponsabilité de la concertation au secteur privé, même sicelui-ci dispose d’outils relativement puissants. Le secteurpublic est le garant de l’intérêt général. Chacun doit resterdans ses attributions.

Gilbert SANTEL

L’une des solutions souvent formulées au problème des transports etplus généralement de la ville est la densification de l’habitat. Quelle estvotre vision de la densification urbaine ?

À Paris, on peut implanter des logements sociaux où l’on veut, car ilexiste une machine à fabriquer de la mixité sociale qui fonctionneparfaitement. Par ailleurs, les risques d’implantation des grandesinfrastructures sont très limités.

À Paris, la concertation avec les habitants est caractérisée par uneconfrontation d’expertise notamment sur les projets de développement.Les habitants font valoir leur vécu et leurs expériences ainsi que leurhistoire.

Par exemple, certains conseils de quartier se sont appelés « maîtresd’usage », formule très ambitieuse qui s’oppose au maître d’œuvre etau maître d’ouvrage urbain.

2. Importance des outils stables de concertation

Il me semble nécessaire de se doter d’outils stables de concertation.

En effet, il faut que les habitants se reconnaissent dans le système deconcertation et que celui-ci puisse fonctionner dans la durée.

À Paris Rive Gauche, on a mis en place un système relativement lourdavec un comité permanent de concertation qui regroupe l’ensemble desacteurs : associations, conseils de quartier, entreprises.

Il a pour fonction d’établir un calendrier de concertation pour les projetsurbains à examiner. Généralement, les processus de concertation lourdset institutionnalisés occasionnent des retards très importants. Dans lecas de Paris Rive Gauche, le calendrier affiché d’examen des projetsoblige paradoxalement les décideurs à accélérer parfois leurs processusde décision. Par ailleurs, il faut donner aux associations des moyens decontre-expertise.

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Les territoires dans tous leurs états - 3. Quel les pistes de progrès pour l ’act ion publ ique ?

Cinquième table ronde

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2. Établissement publicd’aménagement, Établissementpublic foncier

Pour mener à bien des projets ambitieux dans des territoiresstratégiques, l’une des réponses apportées par l’État est la créationd’Établissements publics d’aménagement (EPA) d’un nouveau type.Ces EPA n’auront pas vocation à prendre en charge toutl’aménagement, mais à avoir un rôle de stratège, qui apporte un appuitechnique et financier, et qui suscite une intercommunalité de projet.

Les Établissements publics fonciers (EPF) de leur côté sont en pleindéveloppement, car la question foncière est à nouveau à l’ordre du jour.Il ne s’agit pas seulement, comme on l’entend parfois, de rareté dufoncier.

Il existe un grand nombre de jachères urbaines, notamment en Île-de-France, qui sont bloquées pour des raisons diverses.

À mon sens, un EPF n’est pas une machine à constituer des réservesfoncières au sens de faire du stockage, mais, au contraire, une machineà recycler le terrain pour le mobiliser le plus rapidement possible.

La valeur ajoutée des EPF réside dans le fait qu’ils disposent deressources financières stables qui permettent d’assurer le portagefinancier des fonciers à la place et pour le compte des collectivitéslocales et dans le fait qu’ils sont des spécialistes de l’ingénierie de pré-projet, c’est-à-dire la validation économique et technique de scénarioset de programmes.

Ces problématiques existent dans tous les territoires.

J’ai eu l’occasion de constater que certaines DDE effectuent desanalyses sur le développement urbain de terrains privés ou publics,essayant de constituer une intelligence globale du territoire. Dans lesterritoires où il n’existe ni EPF ni OIN (opération d’intérêt national) etmême dans ceux où il en existe, il est important que les DDE sesaisissent de ces problématiques.

Gilles BOUVELOT

1. Densité durable et ville compacte

Il est vrai que la densification urbaine est un concept qui revient enforce. Il est notamment très présent dans le schéma directeur de larégion Île-de-France. En France, l’opinion publique lie, de façonerronée, densité, grands ensembles et problèmes sociaux.

C’est pourquoi il me semble plus approprié d’utiliser le terme de villecompacte.

Il ne faut pas opposer densité et étalement urbain. Le défi des nouveauxquartiers « compacts » est de trouver les formes urbaines et les formesde vie acceptables par nos concitoyens, que ce soit par les gens quivont y habiter ou les personnes qui vont vivre autour.

En Île-de-France, dans la petite couronne, où il existe un grand nombrede friches à reconvertir, il est nécessaire de réfléchir à des propositionsd’îlots un peu ouverts contrairement aux îlots haussmanniens.

Ces îlots seraient ouverts avec une présence forte de la nature, quicaractériserait une « densité verte ».

Le traitement du vide entre les bâtiments (espaces publics ou privés)constitue un autre défi à relever.

Heidegger disait : « La densité est l’éloge du vide. » La question est desavoir ce que l’on fait du vide : Que se passe-t-il dans cet endroit ? Quirencontre-t-on ? Comment rencontre-t-on les autres ?

Il me semble qu’il est nécessaire d’avoir une approche paysagère de ladensité.

Lorsque j’étais directeur adjoint de la DDE du Val-de-Marne, jeregrettais de voir la Direction de l’urbanisme de l’époque affecterprioritairement des paysagistes-conseils en zone rurale plutôt que dansdes départements urbains comme le Val-de-Marne où les enjeuxpaysagers sont forts même s’il s’agit d’un paysage urbain.

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Cinquième table ronde

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Gilbert SANTEL

On avait prévu d’évoquer d’autres sujets comme l’environnement, lesnouvelles conditions d’exercice de la maîtrise d’ouvrage publique avecnotamment l’obligation de mise en concurrence des acteurs par lescollectivités locales en application de la réglementation européenne, demarketing urbain et de la contradiction entre une volonté affichée dedensification et la réalité du développement de l’étalement urbain.Cependant, le temps nous manque et je souhaiterais donner la paroleau public.

Janine COHEN, géographe au CNRS

Je suis très intéressée par la thématique de la densification.

Sur ces sujets, il me semble important que l’on puisse s’inspirer del’exemple britannique, pays dans lequel on respecte les plansd’urbanisme. Certes, il doit exister des possibilités d’adaptation.

Cependant, j’ai constaté que le développement des villes nouvelles enÎle-de-France dans les années 1970 a donné lieu à un remplissagesystématique non conforme aux plans de départ.

Il me semble nécessaire de promouvoir des plans d’ensemble, d’autantplus qu’on dispose aujourd’hui, grâce aux nouvelles technologies del’information, de formidables outils de communication et de prospective.

Olivier PAUL-DUBOIS-TAINE

Je suis un peu perplexe. En effet, il me semble que la discussion quivient d’avoir lieu est très parisienne et concerne entre un et deux pourmille de la construction de logements en France. De plus, je ne suis passûr que ces façons d’aborder la ville répondent aux défis qui ont étéévoqués ce matin.

Gilbert SANTEL

Concernant les politiques urbaines, il semble qu’à Paris, on mène desréflexions sur les formes urbaines...

Michel DRESCH

J’estime qu’à Paris comme ailleurs en Île-de-France, il faut jouer la cartede la densité.

En effet, les zones bien desservies par les transports sont relativementrares.

Dès qu’un terrain bénéficie d’une desserte lourde, il faut construire unhabitat dense. La qualité de cet habitat est une question de maîtrise dela voirie, des espaces verts et des espaces de respiration.

La configuration des îlots est extrêmement importante. Il existe deuxtypes d’îlots denses : les îlots haussmanniens et les îlots ouverts,concept inventé par Portzamparc, l’un des architectes coordonnateursde Paris Rive Gauche.

Ces îlots ouverts sont acceptés grâce à un certain nombre de principes :l’ouverture physique et visuelle, des hauteurs et des volumes trèsdifférents qui assurent un minimum de luminosité à tous les logements.Il se trouve que ce type de densité s’applique aussi à des îlots debureaux. Cela suppose beaucoup de soin dans la conception etbeaucoup de soin dans l’exécution, ce qui met en avant le rôle de lamaîtrise d’ouvrage urbaine : société d’économie mixte, EPF oucollectivités locales.

Deux solutions s’offrent à cette maîtrise d’ouvrage : soit elle donne desdirectives relativement floues et laisse une liberté de création à lamaîtrise d’ouvrage publique ou privée, comme cela a été faittraditionnellement en France, soit on impose des règles strictes.

Par exemple, lors de l’aménagement de la zone de Val-d’Europe àMarne-la-Vallée, secteur développé par un établissement public et parDisney, ce dernier avait une vision de la maîtrise d’ouvrage urbaineextrêmement directive. Quand le plan-masse d’un quartier était réalisé,tout était déjà planifié et prédéfini. Les maîtres d’ouvrage n’avaient plusque des plans à exécuter.

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Michel, DRE Nord – Pas-de-Calais

Mon voisin me signalait l’existence, il y a vingt ans, des GEP, groupesd’études par projet, qui regroupaient des personnes aux compétencestrès différentes.

Je souhaiterais savoir si les collectivités locales ont le droit de recruterdes contractuels, ce qui est désormais interdit aux services d’État.

De quelle manière peut-on gérer ce problème de ressources humainesen dehors des mouvements interministériels qui sont extrêmementcompliqués à mettre en place pour des raisons de statut ?

Christian GARNIER

Je m’étonne que l’on parle dans ce colloque de la densité en de telstermes alors qu’on avait déjà découvert dans les associations ce qu’ellepouvait avoir de positif.

Ces aspects positifs ne se limitent pas à l’ouverture des îlots, maisrésultent d’un travail sur l’espace.

Ce débat est un peu décalé et vient en retard de ce que vivent lesassociations. La question foncière est importante. Cependant, dans lesassociations, on se pose la question de l’accès à l’espace et de laprivatisation de l’espace.

Concernant la concertation, comme le disait Gilles Bouvelot, il s’agitd’un processus qui demande de la réflexion et de l’organisation. Elledoit servir à apprendre les uns des autres.

Jean-René BRUNETIÈRE

Il me semble que la question des statuts n’est plus centrale aujourd'hui,car des dispositifs et des concours appropriés ont été mis en place. Deplus, il ne me semble pas que l’on manque d’imagination sur ces points.

La figure d’aujourd’hui en termes d’efficacité est le GEP virtuel et pluriel.Il est nécessaire que les services de l’Équipement s’ouvrent à toutes lesformes d’expertise et aient la capacité d’accéder à des compétencesexternes. Cela suppose notamment l’ouverture à l’expertise citoyenneet la pluralité des compétences internes.

Gilbert SANTEL

Il me semble faux d’affirmer que les propos qui ont été tenus neconcernent qu’un pour mille de la construction de logements en France.

En effet, beaucoup d’entre vous ont participé au Forum des projetsurbains qui avait lieu il y a 48 heures à la Défense.

Le discours politique sur la densification est repris par un grand nombrede responsables locaux et traduit dans des opérations concrètes.

Cependant, tout se passe comme s’il existait, d’un côté, un discourspolitiquement correct, porté par le Ministre et la profession, celui de ladensification, et de l’autre côté, une réalité dans laquelle 50 à 60 % desconstructions sont des maisons individuelles situées dans des zonespériurbaines.

Un constat, une contradiction, qui méritent réflexion.

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Cinquième table ronde

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Sixième table ronde

Quelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

Diagnostic de l’action publique sur les territoires

Pour Jean-Pierre Balligand, député et co-président de l’Institut de ladécentralisation, un rétablissement de l’efficacité de l’action publiquedans les territoires suppose plusieurs conditions :

• mettre fin à la crise des moyens d’intervention de l’État ;

• mettre un terme à la déconcentralisation ;

• donner de l’ampleur à la région ;

• mettre fin à l’enchevêtrement des compétences par la spécialisation etla hiérarchisation.

De même, Bruno Bonduelle, président de la Chambre de commerce etd’industrie de Lille – Métropole et ancien président de Bonduelle, estimeque l’action publique dans les territoires est déficiente à cause de lafaiblesse des exécutifs territoriaux et d’un processus de décentralisationqui est au point mort depuis 1982.

Action publique territoriale et secteur privé

Pour François Bertière, la difficulté croissante de mise en œuvre desprojets d’aménagement amène les collectivités locales à demander desservices de conseil et des outils nouveaux à des entreprises du secteurprivé. Celles-ci disposent, en effet, d’outils performants et d’une grandecapacité d’adaptation.

Cependant, les collectivités territoriales doivent assumer leur rôle politiquedans leur relation avec le secteur privé.

Perspectives des rôles des pouvoirs publics, entre les collectivitésterritoriales, l’État et les établissements chargés de missions publiques, dans le contexte européen

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Les territoires dans tous leurs états

Quelles pistes de progrès pour l’action publique ?Ré

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Sixième table ronde

Le rôle des services de l’Équipement dans les politiques territoriales

Alain Lecomte, directeur général de l’Urbanisme, de l’Habitat et de laConstruction, constate que les politiques publiques sont partagées partous les échelons territoriaux.

En effet, les grandes stratégies publiques sont l’objet de lois votées par leParlement, puis sont souvent mises en œuvre par les collectivités locales.

Il rappelle que le ministre de l’Équipement et des Transports a demandéaux DDE de se positionner en appui des collectivités territoriales dans lesdomaines relevant de l’Équipement, mais aussi dans les autres domaines.

Les DDE doivent se définir des missions en fonction de leur connaissancedu territoire et de leurs compétences propres.

Cependant, il est nécessaire de doter ces DDE de compétencestechniques supplémentaires en matière d’urbanisme, d’architecture ouencore de droit.

Une évolution feutrée de l’organisation territoriale des services de l’État

Sans bruit, les services de l’État ont commencé à modifier leurorganisation pour mieux coller aux problématiques auxquelles ils sontconfrontés notamment en cas de crise, estime Bernadette Malgorn,préfet et secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

Par exemple, l’échelon zonal reste méconnu.

Par ailleurs, l’organisation territoriale des services de l’État doit êtrecentrée sur les missions essentielles : l’utilité publique ainsi que l’ordrepublic et la sécurité publique.

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Intervention de Jean-Pierre BALLIGANDDéputé, coprésident de l’Institut de décentralisation

Mon intervention sera structurée en quatre points :• la crise des moyens d’intervention de l’État à propos de

laquelle Adrien Zeller et moi allons publier, dans lesprochains jours, un document qui sera une interpellationdes candidats à l’élection présidentielle et contiendra despropositions ;

• la nécessité de mettre un terme à la déconcentralisation ;• la nécessité de donner de l’ampleur à la Région ;• la nécessité de mettre fin à l’enchevêtrement des

compétences par la spécialisation et la hiérarchisation.

1. La crise des moyensd’intervention de l’État

Les nouvelles orientations données au contrat de projet entraînent unecertaine inégalité entre les territoires puisque, lorsque la collectivité estriche, elle peut faire appel à des compétences inaccessibles auxcollectivités moins riches pour présenter des projets pertinents auxappels d’offres.

Perspectives des rôles des pouvoirspublics, entre les collectivitésterritoriales, l’État et lesétablissements chargés de missionspubliques, dans le contexte européen

Gilbert SANTEL

Nos invités :

Bruno Bonduelle est président de la Chambre de commerce et d’industrie de Lille Métropole et a été président du groupe Bonduelle.

Bernadette Malgorn, préfet, est secrétaire général du ministère de l’Intérieur.

Alain Lecomte est directeur général de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction au sein du ministère des Transports.

Jean-Pierre Balligand est député-maire de Verdun. Il est aussi coprésident de l’Institut de décentralisation.

François Bertière est président-directeur général de BouyguesImmobilier.

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Sixième table rondeQuelles pistes de progrès pour l’action publ ique ?

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l’organisation déficiente des administrations d’État : les services sontprésents en doublons, en triplons, voire en quadruplons !

C’est pourquoi nous proposons de supprimer les préfets de région auprofit de préfets interrégionaux.

Par exemple, l’État a gardé ses prérogatives sur les routes nationalesayant un intérêt supérieur à l’échelle de la région. Ainsi, pour la routenationale 2 Paris – Bruxelles, la direction de la Programmation est à Lilleet la direction générale de l’Entretien est à Reims.

Le découpage strictement régional ne sert pas à grand-chose ici, demême que pour le réseau TGV.

Notre idée est de créer un niveau pertinent pour les fonctions dereprésentation de l’État, de sécurité des biens et des personnes. Pourcela, il est nécessaire de positionner un super préfet qui supervise lesservices de l’État, y compris l’armée, les services detélécommunications, d’eau potable ou les banques qui s’organisent pargrandes régions et non par régions administratives.

Nous proposons aussi de pérenniser les préfectures départementales etde mettre fin à la déconcentration des services de l’État pour constituerde grands services supervisés par le super préfet.

3. Renforcer l’institution régionale

Enfin, il nous semble nécessaire de donner de l’ampleur au pouvoirrégional.

En effet, on arrive bientôt à une bronca généralisée de nos concitoyenssur le niveau des prélèvements obligatoires. Par conséquent, desarbitrages seront nécessaires.

Dans les zones fortement urbanisées, il faudra se baser sur lescommunautés d’agglomération et supprimer les départements. Enmilieu rural, les départements resteront, par contre, nécessaires avec unsystème de péréquation départemental.

À mon sens, le renforcement et la modernisation de l’institutionrégionale passent par une interdiction du cumul des mandats,l’instauration d’un pôle législatif fort et l’institution d’un pouvoir normatifrégional.

On ne peut être parlementaire et diriger un exécutif fort. Ce devrait êtreune question d’éthique.

Cependant, le problème le plus important est que l’État n’est plus uninterlocuteur fiable. Il n’honore pas ses contrats depuis longtemps.

D’un côté, il y a un cocontractant, les collectivités locales, qui souventprennent le relais pour le compte de l’État qui n’honore pas sasignature. De plus, le système de financement est de plus en plusdescendant. Il n’existe pas d’égalité de traitement entre lescocontractants.

Les moyens de l’État se concentrent dans de grandes agences, tellesque l’ANRU.

L’État généralise donc les contractualisations sectorielles, car il n’a plusde vision régionale ou interrégionale. Il n’existe pas de prospectives auniveau national sur les territoires.

La DATAR, en devenant la DIACT, a supprimé le secteur de laprospective.

Par ailleurs, le Commissariat au Plan aurait pu être ce lieu d’évaluationet de prospective thématique qui constitue l’une des missions de l’Étatsur les territoires, mais cela n’a pas été fait.

Ces faits ont deux conséquences : une concurrence accrue entre lesterritoires et l’essor des partenariats public-privé, PPP.

Même s’il existe un grand nombre d’interrogations sur la neutralitéfiscale des PPP, on constate leur développement rapide car ilsconstituent une solution pour éviter les conséquences de la crise desmoyens de l’État.

2. La nécessité de mettre un termeà la déconcentralisation

Il y a nécessité de réforme de la décentralisation. Cependant, il fautd’abord réformer l’organisation centrale et actualiser l’organisationdécentralisée de l’État.

À mon sens, réformer l’organisation centrale veut dire diminuer lenombre de ministères, appliquer le principe de subsidiarité auxadministrations centrales et améliorer la prise en compte de l’actionpublique locale.

Concernant l’actualisation de l’organisation décentralisée de l’État, onne peut plus continuer comme aujourd’hui.

Il faut que l’État soit efficace. L’idée est de mettre un terme au fait qu’enface de chaque niveau territorial il existe un niveau d’administrationd’État correspondant. Les administrations territoriales reproduisent

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Sixiième table ronde

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Bruno Bonduelle, vous êtes industriel et vous avez activement participéaux débats d’idées. Vous avez été à la fois le pourfendeur ducentralisme parisien et d’un certain esprit de clocher. Qu’est-ce quivous a conduit à vous engager dans le débat d’idées et dans l’actionpour la valorisation du territoire du Nord – Pas-de-Calais ?

En effet, lorsque Jean-Pierre Raffarin a présenté l’acte II de ladécentralisation, je lui ai dit qu’il aurait plus de difficulté qu’avec l’acte Icar les syndicats étaient constitués.

Il me semble qu’une erreur a été commise en plaquant le statut du mairesur celui du président de région. Il faut davantage de contre-pouvoir ausein du pouvoir régional.

Par ailleurs, il me semble nécessaire de créer une grande conférenceÉtat – régions où les deux types d’institutions pourraient échangerd’égal à égal.

4. La nécessité de mettre fin àl’enchevêtrement des compétencespar la spécialisation et lahiérarchisation

Il me semble nécessaire de mettre fin à l’enchevêtrement descompétences.

À mon sens, cela passe par la spécialisation et la hiérarchisation. Il fautrevenir sur la clause générale de compétence donnant, parjurisprudence, aux collectivités locales le droit d’agir dans tous lesdomaines. Il me semble que la commune doit continuer à disposer deces droits par son histoire et son ancrage républicain, mais ni la région,ni le département.

En effet, sans davantage de clarté, les collectivités territorialescontinueront de dépenser de l’argent sans aucune lisibilité pour lescitoyens.

Gilbert SANTEL

Comme Jacqueline Gourault, ce matin, vous avez mis l’accent sur lemanque de fiabilité de l’État et le non-respect des ses engagements.

Par ailleurs, si je vous ai bien entendu, vous proposez de revenir sur lesprincipes posés en 1982 pour le processus de décentralisation, qui onttous volé en éclats, qu’il s’agisse du principe « à un niveau, unecompétence », du principe de transfert de moyens financiersconcomitants des transferts de compétences ou encore de la non-tutelle d’une collectivité sur une autre.

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Sixiième table ronde

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1. De la faiblesse des exécutifsterritoriaux

Depuis dix ans, j’ai quitté Bonduelle et j’ai découvert le monde politico-administratif.

Quand on parle du « millefeuille » institutionnel, je précise qu’il est pleinde crème indigeste. En tant que président de Nord – Pas-de-CalaisDéveloppement, j’ai assisté au drame de l’inauguration de l’usine Toyotaà Valenciennes.

Au Japon, la mise en scène des inaugurations d’usine est millimétrée :Toyota en inaugure deux par an dans le monde, toujours selon le mêmerituel.

Pour Toyota, trois orateurs doivent prendre la parole : le président deToyota, le président de Toyota Europe et le directeur de l’usine.

Côté français, il a fallu six mois pour mettre tout le monde d’accord : lemaire, le président de la communauté d’agglomération qui a fait cadeaude la taxe professionnelle, le maire de Valenciennes, M. Borloo, leprésident du Conseil général qui a payé les routes, le président duConseil régional qui finance la formation, le sous-préfet, spécialementaffecté auprès de Toyota pour leur implantation d’usine, le président dela Chambre de commerce ou encore le ministre.

Il n’y a eu que trois orateurs, mais les autres ont pu s’exprimer pendantle dîner ou casser le tonneau de saké contre le mur de l’usine.

Autre anecdote, je suis invité à Bruges pour assister au lancement deBruges 2002.

Il n’y a eu que deux discours : le maire de Bruges et le ministre de laCulture de la région flamande.

Comme les Belges ont fusionné leurs communes il y a 40 ans, le mairede Bruges a la responsabilité de l’agglomération de Bruges.

L’État central n’ayant aucune compétence en matière de culture, il n’yavait pas de représentant de l’État. Quant à la province (correspondantà notre département) elle a quasiment disparu du paysage politico-administratif belge.

Pour l’inauguration de Lille 2004, nous avons dû supporter stoïquementcinq discours !

Intervention de Bruno BONDUELLEPrésident de la chambre de commerce et d’industrie de Lille-Métropole, ancien président de Bonduelle

Je suis heureux de venir témoigner en tant qu’ancien chefd’entreprise, car je n’ai pas entendu une seule fois le mot « entreprise » depuis le début de ce colloque.

En 1960, je suis président d’une société située en pleinecampagne. En effet, nous produisons des haricots verts. Cependant, je dois prendre une décision concernantl’emplacement du siège social de l’entreprise puisqu’ellecommence à se développer sur les marchés européens.Tout le monde me conseille évidemment Paris, mais jel’installe à Lille. En effet, j’étais fasciné par les grandes métropoleseuropéennes qui ne sont pas capitales d’État : Milan,Barcelone, Rotterdam, Munich. Mon successeur me dit : « Lille est une petite ville danslaquelle on ne trouve pas de secrétaire quadrilingue, nid’aéroport international. On a beaucoup de mal à faire venirdes cadres. Moi, j’ai envie de partir à Bruxelles. » À mon avis, il ne le fera jamais de mon vivant. Mon combat,c’est que des villes françaises comme Lille soientconsidérées un jour comme des métropoles attractives àl’échelle européenne.

Je tiens à préciser que je dirai toujours DATAR. L’État qui,en France, est incapable de se réformer, ne trouve rien demieux à faire que de changer l’un des seuls acronymespassés dans le langage en DIACT. Aujourd’hui, la DATARaffirme que la seule chance pour la France d’exister dans lemonde c’est Paris.

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Intervention de François BERTIÈREPrésident directeur général de Bouygues Immobilier

En tant que chef d’entreprise, je n’ai aucune légitimité pourévoquer les relations entre les services de l’État et lesrégions. Par contre, il m’a semblé qu’il y avait, pour monentreprise, un nouveau champ d’intervention dans lesprojets urbains, notamment sur ce qui semble la premièrepréoccupation des élus, la compétitivité de leur territoire.

1. Une difficulté croissante de miseen œuvre des projets

Par ailleurs, il semble que la mise en œuvre des projets soi de plus enplus difficile pour les raisons suivantes :

• le découpage administratif ne correspond plus à la réalité du territoire ;

• la complexité des problèmes ;

• les problèmes de gestion de la collectivité doivent être pris en comptede plus en plus tôt dans les processus de conception ;

• les techniques de financement sont plus efficaces, mais de plus enplus sophistiquées.

Ayant passé une partie de ma vie professionnelle dans un établissementpublic d’aménagement, il me semble qu’il existait auparavant un réseautrès performant de compétences diverses et variées. Malheureusement,il semble que ces réseaux aient partiellement disparu, si bienqu’aujourd’hui il existe un espace pour des entreprises telles que celleque je préside, pour apporter des moyens financiers et descompétences aux collectivités territoriales.

En effet, nous avons une agilité et une capacité de mouvement que, parnature, le secteur public ne peut avoir.

2. Un processus de décentralisationau point mort

Il y a quelques jours, le président du Nord – Pas-de-Calais m’a avouésa honte lorsque à l’occasion d’un rendez-vous avec le ministre-président de la Région flamande, il le vit arriver avec deux motards etune grosse limousine. Cela était symbolique de l’état de nos régionscroupion par comparaison avec les régions belges qui sont de vraisEtats. La Belgique est un cas particulier, mais cela est aussi valable pourles régions allemandes, espagnoles ou italiennes.

En 1982, des hommes politiques ont eu du courage. Depuis, ils ontchoisi de ne pas choisir. La réforme Raffarin a été une lamentablepantalonnade. Par conséquent, il n’existe plus d’autorité nulle part,puisque l’État a disparu, alors que la région n’existe pas encorevéritablement.

J’en viens à regretter l’époque des grands commis de l’État, notammentdes grands ingénieurs des Ponts et Chaussées qui venaient en régionexpliquer aux élus de quelle manière procéder.

Je n’ai pas évoqué le coût faramineux de la décentralisation avec uneaugmentation massive des impôts locaux.

Je suis partisan de la constitution de grandes métropoles, car ellesconstituent l’endroit où se crée la richesse. Les chefs d’entrepriseattendent que les territoires administratifs correspondent aux territoiresvécus.

À Lille, les préfets ont été incapables d’imposer une intercommunalitéqui ait une cohérence économique et territoriale. Par exemple, on réaliseun tramway à Douai, qui, à mon sens, va de nulle part à nulle part. Parexemple, 700 des 800 avocats plaidant à la cour d’appel de Douaihabitent Lille. On n’a pas imaginé que Lille, Valenciennes, Douai, Lens,Béthune ne formaient qu’un seul territoire urbain : le Grand Lille,territoire de trois millions d’habitants qui serait à l’échelle des grandesmétropoles européennes.

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Intervention de Bernadette MALGORNPréfet, secrétaire général du ministère de l’Intérieur

En 1982, lors de la première loi de décentralisation, certainsélus qui n’y étaient pas favorables demandaient à voixhaute, quelques semaines après la promulgation de la loi,ce que l’État faisait encore sur son territoire. Il est vrai quetoutes les lois de décentralisation se sont superposées.Vingt-cinq ans après, il serait temps de mettre de l’ordretant du côté des collectivités locales que du côté de l’État.

1. Une évolution feutrée del’organisation territoriale desservices de l’État

Au sein des services d’État, cela a commencé à être effectué de façonparcimonieuse et sans que cela soit visible. Ainsi, la plupart des élusignorent qu’un préfet de département ou un préfet de région ont lesmêmes fonctions ou qu’il existe des préfets de zone, équivalents desgénéraux commandant les zones de défense.

Ces préfets de zone sont nommés notamment pour gérer une crise.Pour ce qui concerne la nécessité de muscler l’État au niveauinterrégional, un grand nombre de jalons ont déjà été posés. J’ai étémoi-même, pendant 6 ans, préfète de zone Est qui compte 18 départements, et pendant 4 ans, préfète de zone Ouest, qui compte20 départements. En zone Est, j’ai eu à gérer les sept années de récolteforestière perdues à cause des grandes tempêtes de 1999. En zoneOuest, ce fut les marées noires de l’Erika et du Prestige.

On ignore la réaction de l’État en cas de crise, comme, par exemple,pour la grippe aviaire.

2. Les collectivités territorialesdoivent assumer leur rôle politiquedans leur relation avec le secteurprivé

Il convient de se méfier du mot « partenaire ». Il est nécessaire d’avoir àl’esprit le rôle et les intérêts de chacun.

En tant qu’entreprise privée, l’intérêt de participer à une opérationd’aménagement urbain est de trouver de la matière première : du terrainà bâtir. Il est clair que le rôle des aménageurs est de maintenir unecertaine fluidité dans la production de terrain à bâtir pour éviter desdérapages sur les prix.

L’intérêt pour une collectivité locale est l’accès à des ressources enhommes et à des ressources financières.

Cependant, la responsabilité de l’aménagement est une responsabilitépolitique qui ne doit pas être partagée avec le secteur privé, qui n’en apas la légitimité. Les collectivités locales doivent faire des choixstratégiques. Le secteur privé peut éventuellement leur proposer desoutils comme la fabrication d’appels d’offres, par exemple.

Les collectivités doivent se mettre en capacité de « faire faire ». Celademande beaucoup moins de personnel, mais des compétences biengrandes dans les services.

Il faut aussi du courage politique, par exemple, en organisant lesprocessus de concertation, qui sont de l’intérêt commun des secteurspublic ou privé, car cela réduit l’incertitude. C’est au pouvoir politiqued’assumer les risques et les engagements publics dans la durée. Eneffet, les opérations d’aménagement sont toujours plus longues que lesmandats électoraux.

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2. L’organisation territoriale desservices de l’État doit être centréesur les missions essentielles

Il me semble que l’on doit s’en tenir aux textes. Le seul niveau pertinentau niveau juridique pour le principe de subsidiarité est situé entre leniveau de l’Union européenne et le niveau national. Les traitéseuropéens n’ont pas prévu d’organiser les niveaux internes,compétence de chaque État membre.

En termes d’organisation territoriale, l’échelon zonal reste méconnu.Cependant, il me semble important de réfléchir au rôle desfonctionnaires de défense au sein de chaque ministère. Au niveaudépartemental, il ne sera bientôt plus possible d’attirer de hautsfonctionnaires dans chaque DDE. C’est pourquoi je milite pour uneorganisation différenciée, selon la taille du département et la nature desterritoires. Cette réorganisation doit être effectuée autour de deux piliers :l’ordre et la sécurité publics ainsi que l’utilité publique.

Le rôle du préfet de département est de définir l’utilité publique. Lesintérêts privés conduisent les initiatives entrepreneuriales. Il faut qu’ellespuissent se développer de manière sécurisée et avec une interventionpublique qui soit légitime. Comme il existe une multitude d’acteurspublics qui disent où est l’intérêt général, il est nécessaire que le préfetde département puisse mettre le curseur de l’intérêt général.

Le rôle du préfet de région est de gérer les 100 000 personnes qui, enmoyenne dans une région, travaillent dans les services d’État. Il est àrappeler que, dans le cadre de la LOLF, le niveau le plus pertinent pourle portage des projets est le niveau régional.

Au sein même de l’État, la LOLF a amené la plupart des services àraisonner en termes de masse critique et donc à rechercher desregroupements à un niveau suprarégional.

À l’époque, en 2001 – 2002, j’ai milité dans les colloques pour expliquerqu’il existait déjà au niveau de l’État un niveau suprarégional. Cela existepour la gestion de crise.

Or les besoins immenses de sécurité exprimés par nos concitoyenseffacent, peu à peu, la distinction entre gestion de routine et gestion decrise. Finalement, un grand nombre d’administrations ont mené desactions ou se sont organisées à un niveau suprarégional. Cependant,cela n’a pas été effectué de façon homogène.

Par exemple, en 1999, lors des grandes tempêtes, en zone Est,l’intervention auprès des grands opérateurs comme EDF ou FranceTélécom m’a été facilitée car j’étais en relation avec les interlocuteurspertinents.

Par contre, les préfets de département ne l’étaient pas. Cependant, lesgrands opérateurs ne sont pas organisés de façon homogène. Celapose une vraie question d’organisation aux services de l’État, mais ilexiste des niveaux d’homogénéité pertinents à trouver.

L’État aujourd’hui doit répondre aux besoins de sécurité, de protection,de développement durable, d’égalité des chances. Les autrescollectivités répondent à d’autres besoins comme l’aménagement. Ils’agit, pour l’État, d’établir des passerelles au niveau auquel cesdemandes sont adressées.

Quant à la représentation des collectivités locales françaises, j’aimeraisvous soumettre cette anecdote. J’ai été présidente du pôle dedéveloppement de Longwy.

Lorsqu’il y avait des réunions avec les autorités belges, j’étais seulepour représenter toutes les collectivités françaises et l’État. En face, seprésentait toute une batterie de décideurs du niveau national, de laRégion wallonne, des communautés d’agglomération. Comme lesexécutifs étaient gérés par des coalitions, chaque parti envoyait unreprésentant. Chacun a sa culture nationale !

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Intervention de Alain LECOMTEDirecteur général de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction

Quand on invite le directeur d’une administration centrale àun colloque, il joue souvent le rôle de l’idiot : celui qui necomprend pas qu’il faut réformer l’État. Le problème est qu’aujourd’hui l’idiot n’a plus le choix pourdeux raisons :Je suis responsable d’un programme exceptionnel « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique »À ce projet, participeront 18 000 personnes pour un budgetde 1,2 milliard d’euros. À cause de la LOLF, je dois me préoccuper des moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs.Il y a eu une réforme routière.Le ministre m’a dit qu’à présent, la Direction que je dirigereprésentait 80 % de l’activité des DDE.

1. Des politiques publiquespartagées par tous les échelonsterritoriaux

Rôle de l’État, rôle des collectivités locales

La décentralisation est un fait. L’urbanisme est décentralisé dans unecertaine mesure, compte tenu du poids du Code de l’urbanisme et dela jurisprudence. Par ailleurs, on s’achemine vers la décentralisationconcernant le logement.

De plus, l’intercommunalité est un fait qui s’impose à ma réflexion.

Dans ce cadre, le rôle de l’État est d’être le gérant de la cohésionsociale et territoriale. De plus, l’État est implanté sur l’ensemble duterritoire. Par exemple, lorsque l’on a besoin de statistiques, on setourne vers les services d’État.

J’estime, comme Jean-Pierre Balligand, qu’il n’y a aucune raisond’aligner l’organisation des services de l’État sur celle des collectivitésterritoriales et qu’il faut en finir avec les collectivités généralistes.

Les services du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement duterritoire sont en mouvement. Je n’ai reçu qu’une consigne du ministred’État : « Faites-moi bouger tout ça ! »

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Cependant, il est nécessaire de se doter des moyens de développementdes compétences techniques en matière d’urbanisme, d’architecture,de droit.

Cela suppose de travailler avec les structures horizontales du Ministèresur des questions telles que :

• Quels sont les recrutements de demain ?

• Quelles sont les formations que l’on doit mettre en place ?

• Quelles sont les formes de réseaux à mettre en place au sein duMinistère ?

À ce propos, j’ai lu sur le sujet un excellent article du Conseil généraldes Ponts et Chaussées datant de 2004.

La LOLF est un élément déclencheur de notre évolution de même quele fait que les routes ne constituent plus l’essentiel de notre mission.Pour les services de l’Équipement, le défi est de passer de l’art de laconception à l’art de l’exécution.

Par ailleurs, les collectivités territoriales sont en première ligne parcequ’elles possèdent une vision transversale sur un territoire donné.

Les politiques publiques concernent l’État et les collectivitésterritoriales

Les grandes politiques publiques sont partagées entre l’État et lescollectivités territoriales. Elles sont généralement issues de lois votéespar le Parlement sur proposition du gouvernement. En pratique, ce sontsouvent les collectivités territoriales qui sont responsables de la mise enœuvre, notamment pour ce qui est de l’aménagement, de l’habitat, dela rénovation urbaine ou encore du développement durable.

Toutes ces politiques publiques ne sont pas forcément conciliables. Parexemple, certains insistent sur l’amélioration de la qualité des bâtimentset sur les économies d’énergie. Dans le même temps, il faut peut-êtres’occuper en priorité de l’habitat insalubre.

2. Le rôle des services del’Équipement dans les politiquesterritoriales

Il est à rappeler que Dominique Perben a demandé aux DDE de sepositionner en appui des collectivités territoriales qu’il s’agisse depolitiques relevant strictement du ministère de l’Équipement ou d’autresdomaines.

Cependant, il me semble que le rôle des DDE est différent suivant lesterritoires. On a donc demandé aux DDE de croiser les politiquespubliques, les territoires et les acteurs locaux pour en extraire et définirles besoins des différents territoires.

L’intensité du rôle des services de l’Équipement n’est pas la même nidans l’espace ni dans le temps.

À partir de ce constat, les services de l’Équipement doivent définirquelle est la valeur ajoutée qu’ils doivent apporter à l’aménagement etau développement des territoires.

Une fois cette tâche accomplie, les outils de mise en œuvre nemanquent pas : mise en place d’équipes pluridisciplinaires, ingénierieconcurrentielle, expertise ou encore conseil en aménagement.

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Sixiième table ronde

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Les territoires dans tous leurs états Nouvelles dynamiques de l’action publique

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Les territoires dans tous leurs états

Claude MARTINANDVice-président du Conseil général des Ponts et Chaussées

Je voudrais remercier les organisateurs, les intervenants, le ministre qui nous a fait l’honneur d’ouvrir cette journée et les participants eux-mêmes.

Le titre « Les territoires dans tous leurs états » peut évoquer un désordreet une nostalgie, mais nous nous sommes refusés à qualifier ces états.Par ailleurs, nous nous sommes aussi refusés à qualifier quel État, quine doit plus être l’État sûr de lui que certains industriels évoquent avecnostalgie, ni être totalement absent.

Concernant le « millefeuille » institutionnel, on a remarqué ce matin quec’était davantage « la pagaille dans le millefeuille » qui constituait unproblème que son existence propre.

Sur ce sujet, deux visions ont été présentées.

La première satisfait davantage les « technocrates » et considère que lapertinence se trouve dans un trio Communauté d’agglomération –Région – Union européenne.

Il s’agit des échelons pertinents pour faire face aux grands défisévoqués ce matin.

Cependant, la légitimité démocratique de cet ensemble est faible.

La seconde vision est celle du couple Communes – Département, qui neremonte pas qu’à la Révolution française puisqu’il s’agit d’uneadaptation du couple Paroisses – Évêché.

La légitimité démocratique de ces échelons territoriaux est assise dansla très longue durée et sur le suffrage universel. Ils assurent « le monopole de la violence légitime », y compris par l’impôt.

Nous allons devoir jouer entre ces deux couples institutionnels pendantde longues années encore. Il est à rappeler qu’aucun territoire instituéne recouvre la réalité des enjeux qui ne cessent d’évoluer. Il est doncnécessaire de trouver des solutions adaptatives.

Il me semble que ces deux couples institutionnels sontcomplémentaires. Il est nécessaire de mettre de l’ordre dans lescompétences.

Cependant, toutes les compétences dont nous avons parlé aujourd’huisont des compétences partagées.

Par contre, il me paraît indispensable de refuser l’existence decompétences générales à tous les niveaux territoriaux.

Il me semble que Mme Malgorn a donné une excellente définition du rôlede l'État au niveau départemental : ordre public, utilité publique etdéveloppement durable. Il me semble nécessaire qu’il n’y ait, à l’avenir,qu’un seul service technique par département.

Il faut même réfléchir à un changement de nom car on ne ferapratiquement plus d’équipement dans les DDE.

Je propose que l’on l’appelle Direction de l’Aménagement et del’Environnement ou Direction de l’Aménagement et du Développementdurable. Au niveau régional ou interrégional, l’habitat et les transportsviennent s’ajouter aux compétences relatives à l'aménagement définiesau niveau départemental.

Comme Jean-Pierre Balligand nous y appelle, il semble nécessaired’effectuer de nouveau de la prospective territoriale qui fait appel àl’histoire et à la géographie.

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Les nouvelles dynamiques de l’action publique sont constituées despartenariats public public et des partenariats public-privé.

Christian Garnier nous a rappelé que les contrats n’étaient passuffisants : il est nécessaire d’établir des règles, notamment dans lesdomaines de la protection de l’environnement ou du patrimoinehistorique.

Le 15 février 2007, nous organisons une conférence sur l'histoire duministère d’Ornano, « Environnement et Cadre de vie », durant laquelle,nous verrons l’intérêt d’une relation apaisée entre aménageurs etprotecteurs de l’environnement, car il s’agit d’une même vision.

Concernant le développement durable, il me semble qu’il vaut mieuxentrer dans cette problématique par le développement territorial, puispasser aux progrès de la société dans toutes ses dimensions decohésion sociale, de solidarité, d’équité, de gouvernance et dedémocratie, pour enfin revenir vers le pilier environnemental.

Le concept de développement durable ne peut être rattaché à unministère donné. Il me semble que le Premier ministre ou le numéro 2 dugouvernement ont vocation à être en charge de ce dossier.

Durant ce colloque, il y a eu un grand nombre de critiques émises, maisaussi des perspectives positives. Aussi terminerai-je sur une formule deJean Monnet : « Ni pessimiste, ni optimiste, mais déterminé ».

Notes

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Directeur de publication :Claude Martinand

Rédactrice en chef et coordination :Maud Clouët

Secrétariat et recherche iconographique :bureau de la communication du CGPC

Conception graphique et réalisation des Actes du colloque :Temps Réel

Conception graphique de l'identité visuelle du colloque :Projet Atlantique

Crédits photos :

MTETM / SIC / Gérard CrossayMTETM / SIC / Bernard SuardMTETM / CGPC / Jean FrébaultMTETM / DGREPA Marne-la-Vallée

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