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Du même auteur

Le comité de lecture (éditions Edilivre)

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Sommaire

I – Le testament ..................................................... 7

II – La cousine Clarisse ......................................... 29

III – La métamorphose .......................................... 33

IV – Repas funèbre chez les Poursay-Garnaud ..... 41

V – La mise en bière .............................................. 45

VI – La messe de requiem ..................................... 49

VII – La crémation ................................................ 53

VIII – L’autocar ..................................................... 57

IX – Le départ de l’héphaïstos .............................. 69

X – Nono et Bimbo ............................................... 81

XI – Un excellent placement ................................. 93

XII – Mieux vaut tard que jamais .......................... 99

XIII – Pages roses .................................................. 103

XIV – Veillée funèbre ........................................... 109

XV – Le psychopompe .......................................... 111

XVI – Sœur Gertrude ............................................ 121

XVII – Le choix d’Alain Star ................................ 127

XVIII – Le maréchal Nouwala .............................. 133

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XIX – Un espoir de guérison ................................. 149

XX – La découverte de l’Amérique ....................... 151

XXI – La princesse du Missouri ............................ 165

XXII – La nuit du chasseur .................................... 169

XXIII – L’opération Rheingold ............................. 175

XXIV – L’élixir de jeunesse .................................. 191

XXV – L’amiral ..................................................... 209

XXVI – Il vous intéresse pas mon p’tit héritage ? . 215

XXVII – L’enquête du commissaire Navarot ........ 221

XXVIII – Ernesto .................................................. 229

XXIX – L’avarie .................................................... 239

XXX – São-Lucifero .............................................. 243

XXXI La taverne du psy ........................................ 253

XXXII – Chambre avec pute ................................. 259

XXXIII – L’évêché était fermé de l’intérieur ........ 273

XXXIV – Une ombre dans la nuit ......................... 279

XXXV – Pedro ...................................................... 281

XXXVI – Le téléphone sert toujours trois fois ...... 283

XXXVII – La visite de la cathédrale ..................... 295

XXXVIII – Thierry l’ermite .................................. 305

XXXIX – Un incube au couvent ........................... 311

XL – La fête nationale ........................................... 321

XLI – Le retour de Déborah .................................. 329

XLII – Le naufragé ................................................ 335

XLIII – A star is born ............................................ 339

XLIV – Les désillusions du père Mengele ............ 343

XLV – Clytemnestre .............................................. 349

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XLVI – Happy birthday mère Marie ..................... 363

XLVII – Alice au pays des merveilles .................. 371

XLVIII – Raspoutine ............................................. 373

XLIX – Le mariage de la carpe et du lapin ........... 377

L – Super-yankee ................................................... 381

LI – Le contrat ....................................................... 389

LII – La tempête .................................................... 395

LIII – La Walkyrie ................................................ 405

LIV – Le martyr de Saint Jérôme .......................... 409

LV – Le miracle de Fatima .................................... 417

LVI – L’île au trésor .............................................. 421

LVII – Le Triangle des Bermudes ......................... 431

LVIII – La nuit des longs duos .............................. 435

LIX – La révolte de mère Marie ............................ 439

LX – Tant qu’il reste L’E.S.P.O.I.R. ..................... 441

LXI – La pétiton .................................................... 453

LXII – La dispersion des cendres .......................... 459

LVIII – Le naufrage .............................................. 465

LXIV – L’hydre de lerne ....................................... 473

LXV – Le mariage de Marie-Do ........................... 479

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I Le testament

Ce matin d’avril, la salle d’attente de maître Vayreux était occupée par six personnages, qui, à défaut d’être en quête d’auteur, attendaient d’être reçus par le notaire.

D’un côté était assise une jeune femme, seule, et, à l’opposé, se serraient les cinq autres personnes qui, lorsqu’elles avaient aperçu la première, avaient jugé plus convenable de se placer le plus loin possible de celle-ci.

Le lecteur, qui a de bonnes lectures, connaît déjà ces cinq personnages. En effet, il s’agissait des enfants de feu Ernest Poursay-Garnaud. Je dis « feu », car, hélas, le chef de cette illustre famille venait de quitter ce bas monde et c’était ce triste événement qui occasionnait leur présence en ces lieux.

Six ans auparavant, Ernest Poursay-Garnaud, patron de droit divin de la maison d’édition qui porte son nom, avait eu une attaque cérébrale qui avait fortement diminué ses capacités intellectuelles.

Son unique fils, Jérôme, avait assuré l’intérim, mais, après avoir constaté l’état désastreux des

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finances de la maison, il avait dû se résoudre à la vendre à un grand groupe, obtenant cependant un aménagement qui permettait à la famille de se maintenir à la direction de l’entreprise, fût-ce de manière symbolique.

Ernest avait conservé son bureau directorial, mais n’exerçait plus la moindre responsabilité.

Le premier avril dernier, et l’on reconnaît bien là l’humour caustique du patriarche, il avait téléphoné à sa secrétaire : « Mademoiselle Solange, vous pouvez passer à mon bureau, j’ai une surprise pour vous. » Mademoiselle Agathe, qui depuis quelques années avait remplacé mademoiselle Solange, atteinte par la limite d’âge, s’était rendue dans le bureau de son patron et l’avait découvert mort…

C’est ainsi que les cinq héritiers se trouvaient ce matin dans l’étude de maître Vayreux, le notaire de la famille pour l’ouverture du testament.

Il y avait là Marie-Amélie, l’aînée, devenue comtesse Ohrenstein par son mariage. Son vieux mari ayant eu la délicatesse de défuncter rapidement, elle l’avait remplacé à la tête de la B.I.N.G.O., Banque Internationale pour le Négoce et la Gestion Off-shore. Leader dans son domaine, la banque de Marie-Amélie était florissante et la comtesse était devenue l’une des plus grosses fortunes de France.

À ses côtés, la cadette, Marie-Bernadette, alias mère Marie des Sept Douleurs, supérieure du couvent d’Eysoizeaux, célèbre pour la fabrication et la commercialisation du fromage de truie dont il avait le monopole.

Venait ensuite la troisième, Marie-Cécile, plus connue sous le nom de Sarah Thoustra, comédienne

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de second ordre, mais qui attendait toujours le rôle qui ferait d’elle une star.

La dernière fille, Marie-Dominique, n’avait aucune compétence particulière, aussi son père l’avait-il bombardée directrice des archives avec ordre de ne s’occuper de rien, ce qu’elle faisait très bien.

Enfin Jérôme, le dernier, mais aussi le seul garçon. À ce titre, et en vertu de la loi salique qui régissait les successions de la maison, c’était à lui de monter sur le trône, même si les circonstances avaient fait que le titre soit devenu purement honorifique.

Après une jeunesse tumultueuse, Jérôme avait épousé la belle Fleur de Saint-Amour, laquelle passait le plus clair de son temps en dévotions particulières en compagnie d’un prélat au passé sulfureux et au présent qui ne l’était pas moins, le père Noël.

Assagi par l’expérience et le temps, mais surtout par les responsabilités qui lui étaient incombées après l’accident cérébral de son père, Jérôme n’avait plus qu’une maîtresse officielle, la romancière Hélène Beaugeais, prix Goncourt l’an dernier…

La jeune personne qui faisait face aux Poursay-Garnaud arborait une tenue qui justifiait largement les précautions prises par ces derniers pour mettre une distance respectable entre cette créature et eux.

Talons aiguilles, bas résille, micro jupe noire qui ne cachait rien de son anatomie la plus intime, esquisse de bustier rouge vif dont l’échancrure généreuse ne parvenait pas à contenir les velléités expansionnistes d’une poitrine de compétition surdimensionnée, maquillage outrancier, cheveux gras d’une blondeur extravagante et coiffés avec un mauvais goût extrême, telle se présentait la demoiselle qui avait à ce point

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choqué le clan Poursay-Garnaud. Un sac à main ridicule complétait la panoplie.

Dès le premier coup d’œil, on ne pouvait avoir le moindre doute quant à la profession exercée par cette jeune femme.

Les Poursay-Garnaud s’interrogeaient sur les raisons de la présence de cette fille en ce lieu et à cette heure. Il était évident qu’elle venait pour toute autre affaire, mais pourquoi maître Vayreux n’avait-il pas eu la délicatesse de la convoquer à un autre moment ? Non ! Leur imposer la promiscuité de cette… De plus, elle empestait un parfum bon marché dont elle s’était aspergée et qui agressait les narines sensibles de nos amis habitués à des senteurs plus délicates… Décidément, maître Vayreux vieillissait.

Soudain, la porte s’ouvrit et le visage émacié du notaire apparut.

– Je vous souhaite le bonjour… Si vous voulez bien entrer.

Les cinq Poursay-Garnaud se levèrent d’un coup… L’autre personne en fit autant. Marie-Amélie s’en aperçut la première.

– Non, Mademoiselle, maintenant, c’est la succession Poursay-Garnaud. Rasseyez-vous, maître Vayreux vous recevra plus tard.

– Je suis sincèrement désolé, Madame la comtesse, mais cette jeune personne est ici pour la succession de feu votre père.

– Pardon ? – Oui, c’est moi qui l’ai convoquée. – Êtes-vous devenu fou, Maître Vayreux ? – Je vais vous expliquer… Votre père m’avait

remis une lettre à n’ouvrir qu’après sa mort, et où

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étaient inscrits les noms des personnes qui devaient assister à la lecture de son testament, et, sur cette liste, figuraient ses cinq enfants bien sûr, ainsi que mademoiselle… Entrez, Mademoiselle, je vous en prie, prenez place.

L’obséquiosité dont l’homme de loi faisait preuve eut le don d’exaspérer les héritiers légitimes.

Ces derniers s’agglutinèrent sur un côté afin de bien isoler l’intruse.

Maître Vayreux présenta ses condoléances et fit sauter le cacher de cire qui garantissait l’inviolabilité du document dont il avait la garde. On allait enfin connaître les dernières volontés du défunt.

Grâce à un astucieux système de vases communicants, Ernest, s’il avait appauvri l’entreprise à tel point qu’il avait fallu la vendre, avait, dans le même temps, considérablement enrichi la famille. L’addition de tous les comptes numérotés qu’Ernest avait ouverts dans les différents paradis fiscaux de la planète constituait une somme bien rondelette et très supérieure à ce à quoi s’attendaient ses enfants.

La répartition était équitable, et, il n’était toujours pas fait mention de la jeune fille, si tant est que le terme fût approprié, dont le notaire avait imposé la présence.

Vint le moment que tous redoutaient. Maître Vayreux, après avoir jeté un regard circulaire et s’être éclairci la voix, lut :

« À celle qui s’est montrée si prévenante pour moi et a été le soleil de mes vieux jours, mademoiselle Clitorisse Charmant… »

– Plait-il ?

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– C’est le nom de mademoiselle, Madame la comtesse, précisa le notaire, alors que Jérôme et Marie-Dominique avaient le plus grand mal à contenir le fou rire qui les avait pris en entendant le nom de leur co-héritière.

Marie-Bernadette, pour sa part, n’avait pas du tout envie de rire. Elle avait proféré un « doux Jésus ! » qui, dans la bouche de la religieuse représentait l’expression la plus osée qu’elle avait à sa disposition pour signifier qu’elle était scandalisée au plus haut point.

Lorsque le notaire eut annoncé la somme, fort coquette, qui revenait à mademoiselle Charmant, plus personne n’eut envie de rire.

– C’est impossible, Maître, reprit Marie-Amélie au bord de l’apoplexie, vous savez bien qu’à la fin de sa vie, Père n’avait plus toute sa tête. Ce testament n’a aucune valeur, nous allons l’attaquer.

– Vous ferez comme vous voudrez, Madame la comtesse, mais je vous signale que ce testament a été rédigé avant la maladie de monsieur Poursay-Garnaud, et que par conséquent, il est parfaitement valable. Je doute fort que vous puissiez le faire annuler.

– Nous verrons, Maître, nous verrons. Mais ne comptez pas que nous nous laissions dépouiller par cette intrigante sans rien dire.

Le terme « dépouiller » était particulièrement adapté à la situation de la comtesse dont on sait qu’elle était à la tête d’une fortune considérable et qu’elle n’avait nullement besoin de l’argent de son père pour vivre fort convenablement. Cependant, l’idée qu’un seul euro qui aurait dû lui revenir aille

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remplir le bas de cette courtisane lui était plus qu’à tout autre insupportable.

– Ce n’est pas tout, poursuivit le notaire, il y a encore autre chose.

– Quoi donc ? Demanda Marie-Amélie, de plus en plus énervée.

– Eh bien voilà : pour ses dernières volontés, monsieur Poursay-Garnaud demande à ce que ses cendres soient dispersées dans le Triangle des Bermudes.

– Mais c’est pas vrai, je rêve !… – Je vous assure, Madame la comtesse, que c’est

bien là ce qu’exige feu monsieur votre père. – Moi, je trouve ça très romantique, déclara alors

Marie-Cécile qui n’avait encore rien dit. – Romantique ? Ma pauvre Marie-Cécile, reprit

son aînée, c’est bien un point de vue d’artiste, ça !… – Et la résurrection des corps ? Surenchérit Marie-

Bernadette. Il y a pensé, notre pauvre père, à la résurrection des corps ?

– Qu’on soit pour ou contre, conclut Jérôme, si c’est là sa dernière volonté…

– Oui, reprit maître Vayreux, et votre père a tout prévu. Il a passé un contrat avec la société « Dernier Voyage » et dressé la liste des personnes qu’il souhaite voir l’accompagner sur le bateau d’où ces cendres seront jetées à la mer.

– Ça ne serait pas plus simple avec un avion ? – Sans doute, Madame la comtesse, mais monsieur

Ernest a prévu un bateau. – Et puis, c’est plus romantique.

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– Marie-Cécile, tu commences à nous gonfler avec ton romantisme à la con.

– Mes sœurs, intervint alors mère Marie, un peu de tenue. Que va penser mademoiselle Charmant ?

– Marie-bernadette a raison, déclara Marie-Dominique qui, elle aussi, en avait assez de ces chamailleries. Et, comme le dit Jérôme, si c’est la volonté de notre père, il faut nous y soumettre, et suivant les modalités qu’il a prévues… Maître Vayreux, vous pouvez nous donner la liste des heureux élus ?

– Bien sûr, Mademoiselle Poursay-Garnaud. Le notaire l’appelait ainsi car, bien qu’elle fût

mère de sept enfants, son père s’était toujours opposé à ce qu’elle épousât l’élu de son cœur qui était d’une caste inférieure.

– Voici la liste telle qu’elle a été établie par le défunt :

« Mon fils Jérôme et sa femme Fleur. « Ma fille Marie-Amélie, comtesse Ohrenstein. « Ma fille Marie-Bernadette, consacrée à Dieu

sous le nom de mère Marie des Sept Douleurs. « Ma fille Marie-Cécile. (Elle, elle n’avait pas

droit à son nom d’actrice.) « Ma fille Marie-Dominique. Si elle souhaite se

faire accompagner de son amant, elle peut le faire ; mais personnellement, je n’y tiens pas et je préfèrerais qu’elle vienne seule.

Même par-delà la mort, Ernest maintenait sa position intransigeante. Marie-Dominique ne put empêcher que deux larmes ne perlassent sur ses joues.

Le notaire poursuivit sa lecture :

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« Mon ami, le comte de Saint-Amour, père de ma belle fille.

– Le comte de Saint-Amour nous a quittés il y a trois mois, Maître.

– Bien, Monsieur Poursay-Garnaud, je le raye de la liste…

« Monsieur l’abbé Noël, vieil ami de la famille, qui sera chargé de présider la cérémonie religieuse et à qui je demande de bien vouloir prononcer une dernière homélie lors de la dispersion de mes cendres.

– Décidément, on ne se débarrassera jamais de ce pervers, déclara Marie-Dominique.

– Marie-Do, je ne partage pas ton animosité contre ce pauvre père Noël. Tu sais très bien que ce qu’on lui a reproché jadis n’était que pure calomnie. Je ne comprends pas ce qui a poussé ces petites vicieuses à vouloir salir la réputation de ce saint homme. D’ailleurs Fleur, qui le fréquente quotidiennement, le connaît mieux que personne. Vous pensez bien que s’il avait un comportement pervers, elle s’en serait rendue compte.

– Mon pauvre Jérôme, reprit Marie-Dominique, ce que tu peux être naïf.

– Oh ! Je sais ce que tu vas me dire. Tu vas encore débiter ces infâmes ragots, mais je ne veux pas les entendre. J’ai confiance en ma femme et je sais ce qui l’intéresse. Crois-moi, le sexe, ce n’est pas du tout son truc.

– Et puis après tout, fais ce que tu veux, ce n’est pas mon affaire, finit par lâcher Marie-Dominique, exaspérée par l’aveuglement de son frère dès qu’il s’agissait de la conduite de sa femme.

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– De toute façon, Père demande à ce que le père Noël soit du voyage, alors que ça te plaise ou non, il sera des nôtres…

Le calme était revenu.Maître Vayreux poursuivit : « Tous les écrivains qui ont été ou sont membres

du comité de lecture, à la condition expresse qu’ils nous soient restés fidèles… » Là, c’est vous allez pouvoir me fournir la liste, Monsieur Poursay-Garnaud.

– Oh, c’est très simple, Maître. Tous ceux qui en sont partis et qui sont encore de ce monde se font publier chez d’autres éditeurs, à l’exception de mademoiselle d’Ozillac, la conseillère particulière du Président Legrand qui a fait un court passage au comité où elle a été remplacée par le commissaire Navarot.

– De la télé ? – Non, Navarot, R.O.T… Quand il a enfin pris

conscience qu’il n’avait aucun avenir dans la police, il s’est lancé avec un réel succès dans le roman d’aventure culinaire… Il publie sous le pseudonyme de Toravan… Vous connaissez forcément son héros, c’est le fameux Harry Cover. Peut-être n’avez vous plus l’âge pour vous intéresser à ce type de romans culinaires pour la jeunesse, mais je suis sûr que vos petits enfants, eux, ils les ont tous lus : « Harry Cover à l’école des sauciers », « Harry Cover et la chambre des magrets », « Le cuisinier passera quand ? », « La soupe de queues », « L’art du pain d’épice », « La panse de sanglier », « Les berniques du Tréport »… Ça a tellement bien marché qu’il a quitté la police pour se consacrer uniquement à la littérature… Je pense qu’on peut compter sur sa participation.

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– Et les autres membres, qui sont-ils ? – Le président Grandjean, mais lui, il ne viendra

pas sans sa femme. – Ça doit être possible… – Hugues de Saint-Dizant. – Il n’est pas mort ? – Et il n’a pas l’intention de mourir, mais lui, vu

son grand âge, je doute qu’il puisse être des nôtres… Hélène Beaugeais.

– Le prix Goncourt ? – En effet… Elle, elle viendra, j’en fais mon

affaire… Alain Star… Lui, la condition, ça serait plutôt qu’il puisse venir sans sa femme… Geneviève Bercloux… Si Star vient, elle viendra… Alice Calisson… Si elle peut rester en relation avec la rédaction de « Vieilles Peaux Magazine »…

– Pardon ? – Vitalité, Plénitude et Maturité, V.P.M. le

magazine de la femme mûre… Comme elle en est la rédactrice en chef, si on lui donne la possibilité de correspondre avec son journal, elle viendra… Loïc Le Guermadec…

– Je viens de lire son dernier roman… Excellent ! – Oui, mais lui, je ne pense pas qu’il vienne. – Il était en froid avec votre père ? – Pas du tout, seulement il souffre terriblement du

mal de mer. – Évidemment… – Enfin Vladimir Korsowski. – Le farfelu ? – Le professeur Korsowski… Lui, il viendra, ne

serait-ce que pour embêter cette pauvre Alice.

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– Il n’a pas de cours à assumer ? – Quand on s’appelle Vladimir Korsowski, on n’a

aucune obligation, on fait ce que l’on veut… – Monsieur Ernest a prévu encore deux personnes : « Ma fidèle secrétaire, mademoiselle Solange

Gardien. » – Je crains que ce ne soit pas possible. – Serait-elle décédée, elle aussi ? – Il eût peut-être mieux valu. – Que voulez-vous dire ? – Je veux dire qu’après avoir fait valoir ses droits à

la retraite, mademoiselle Gardien s’est occupée d’un vieux monsieur qui, à sa mort, lui a légué tous ses biens.

– Oui, et alors ? – Alors, il y en a eu un deuxième, puis un

troisième, et enfin un quatrième… Le zèle dont faisaient preuve ces messieurs pour mourir dès qu’ils avaient fait de mademoiselle Gardien leur légataire universelle finit par intriguer la police. On a déterré les corps, pratiqué des autopsies… Elle les avait tous empoisonnés.

– Non ! – Si !… Depuis, mademoiselle Solange est logée,

nourrie et blanchie aux frais du contribuable, et je doute qu’elle sorte de sitôt.

– Et quand bien même elle sortirait… – En effet… Aussi peut-on donner sa place à

mademoiselle Agathe Rubis qui l’a remplacée dans l’entreprise et qui a été avec mon père d’une patience exemplaire.

– Comme il vous plaira…

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« Enfin, je tiens absolument à être accompagné jusqu’à ma dernière demeure océanique par ma petite Clitorisse qui a su me redonner le goût de vivre…

– Non, Maître, l’interrompit Marie-Amélie, que cette intrigante nous spolie de notre héritage, c’est déjà scandaleux, mais qu’en plus on veuille nous imposer sa présence lorsque nous adresserons un dernier adieu à notre père, là, c’en est trop !

– Mais, Comtesse, c’est votre père qui réclame sa présence.

– Ah !… Vous voyez bien que déjà il n’avait plus toute sa tête… S’il avait été lucide, jamais il n’aurait accepté la présence d’une… Enfin vous voyez ce que je veux dire, Maître… Oh !… Mais ça ne se passera pas comme ça, je vais contacter mon avocat… Maître Marron saura bien nous tirer de ce mauvais pas.

Et elle se pencha vers ses frère et sœurs pour tenir avec eux un bref conciliabule.

– Bien, poursuivit le notaire, il ne me reste plus qu’à vous donner le contrat que votre père avait passé avec la société « Dernier Voyage ».

Les cinq héritiers légitimes jetèrent un rapide coup d’œil sur le contrat ainsi que sur le dépliant publicitaire qui recensait les prestations diverses et variées que proposait « Dernier Voyage ».

Cette entreprise se faisait fort d’offrir à ces clients, et cela pour un prix tout à fait raisonnable, des funérailles inoubliables. En ce qui concernait leur père, celui-ci avait opté pour la croisière funéraire à bord du superbe yacht « Apollon ». Tous les services étaient inclus, y compris, bien sûr, les prestations classiques des pompes funèbres ainsi que la crémation et la dispersion des cendres dans le Triangle des Bermudes.

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– Vous les contacterez, avait ajouté l’homme de loi, afin d’établir avec eux les modalités pratiques.

– Merci, Maître, il ne nous reste plus qu’à vous souhaiter une bonne journée, déclara Jérôme en prenant congé…

– Mademoiselle, ne partez pas, lança Marie-Amélie à l’adresse de Clitorisse qui s’était déjà levée. Nous aimerions avoir une discussion avec vous.

La jeune femme s’était arrêtée. – Suivez-nous, ajouta Marie-Amélie, nous allons

nous rendre dans un endroit discret. Submergée par le nombre, Clitorisse n’avait eu

d’autre choix que d’obtempérer. Une fois dans la rue, les Poursay-Garnaud ne

cessaient de regarder en tous sens, craignant de rencontrer quelque personne de leur connaissance qui n’aurait pas manqué de tirer des conclusions désagréables en les voyant en si mauvaise compagnie.

Fort heureusement, le lieu où ils amenaient leur prisonnière n’était distant que de quelques centaines de mètres. Il s’agissait d’un des cafés les plus huppés de Paris, peu fréquenté à cette heure matinale.

– Charles, demanda Jérôme, pourriez-vous nous donner un salon particulier, je vous prie ?

– Le salon bleu, cela conviendra-t-il à Monsieur ? – Ce sera parfait, Charles… Merci. Et il glissa dans la main de ce dernier un billet dont

le montant devait suffire à acheter sa discrétion. Une fois seuls, les Poursay-Garnaud entourèrent la

pauvre Clitorisse. Ce fut encore Marie-Amélie qui ouvrit le feu.