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Éducation familiale : un panorama des recherches

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EDUCATION FAMILIALE

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© Editions MATRICE, 71, rue des Camélias 91270 Vigneux - 1988 - Tél. (1) 69 42 13 02

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sous la direction de Paul DURNING

EDUCATION FAMILIALE

Un panorama des recherches internationales

Préface : Lucien BRAMS

publié avec le concours de la Mission Interministérielle Recherche Expérimentation (ministères des Affaires sociales, de la Solidarité nationale et de l'Emploi).

1988

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du même auteur :

Education et suppléance familiale en internat, CNTERHI, diffusion PUF, 1985.

Relations entre enfants, recherches et interventions éducatives (sous la direction de Paul Duming et Richard Tremblay), Fleurus, 1988.

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Cet ouvrage fait suite à une rencontre internationale organisée par la Mission Recherche Expérimentation en étroite collaboration avec la Direction de l'Action sociale, à Paris les 19 et 20 mai 1988, sous le patronage de Madame Georgina DUFOIX, Ministre Déléguée auprès du Ministre des Affaires sociales et de l'Emploi, Chargée de la Famille, des Droits de la Femme, de la Solidarité et des Rapatriés.

Nous tenons à remercier Madame Marinette GIRARD, directrice de l'Action Sociale pour le soutien constant qu'elle a apporté à cette rencontre internationale dont elle a bien voulu prononcer le discours d'ouverture. Nous remercions aussi Madame Jeanine BARBERYE, sous-directrice chargée de l'enfance et de la famille, ainsi que l'ensemble de ses collaborateurs pour leur très importante contribution à la conception et à la mise en oeuvre de la rencontre.

Nous remercions vivement l'Institut de l'enfance et de la famille (IDEF) et son directeur Monsieur Jean-Pierre ROSENCZVEIG d'avoir bien voulu, non seulement accueillir la rencontre internationale dans ses locaux mais surtout apporter une contribution importante aux travaux. Nous remercions, d'autre part, Madame Pierrette PAILLAS, présidente de l'association "Education et Familles", chargée p a r la MIRE de l'organisation du colloque ; Mesdames Marie-Christine SENECHAL et Ludmilla HOCHE qui ont assuré l'accueil des experts étrangers et la gestion matérielle de la rencontre.

Pour la présente publication, tous les intervenants ont accepté de revoir leur texte, en étroite concertation avec Michèle JANOT, qui a assuré le très important travail de préparation du manuscrit dont Marie- Laurence DELLAC a assuré la saisie. Nous remercions à nouveau nos collègues français et étrangers de leur contribution fondamentale, et évidemment bénévole, à cette opération.

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PREFACE

Lucien BRAMS

Paul Duming, dans son introduction à cet ouvrage, a réussi à rendre compte, avec clarté et une grande économie de moyens, à la fois des apports de nos collègues français et étrangers, et plus largement de l'état de la recherche sur "L'éducation familiale".

Je voudrais donc limiter cette préface à quelques considérations sur les problèmes qui surgissent dans la programmation de la recherche en sciences sociales dès lors qu'elle échappe à l'initiative du chercheur singulier et qu'elle vise à encourager des milieux de spécialistes à s'attaquer aux problèmes rencontrés tant par les pouvoirs publics que par les partenaires sociaux.

Les difficultés rencontrées et qui tournent autour du degré d'intégration de l'activité recherche dans la société ne sont sans doute pas propres à la France mais elles y revêtent une évidente acuité. Dans d'autres sociétés occidentales, la recherche universitaire répond apparemment plus volontiers aux préoccupations du monde extérieur. Elle participe à l'élaboration des programmes d'intervention ; elle en assure plus naturellement le suivi et l'évaluation. Plusieurs contributions de collègues étrangers dans cet ouvrage reflètent bien cette situation. Tout se passe comme si le dilemme recherche fondamentale/recherche appliquée, si présent en France, en particulier dans le champ des sciences économiques et sociales, avait été dépassé ailleurs au profit de l'option si chère à Merton qui refuse le concept de "mauvais objet" et qui démontre que la science peut progresser en s'attaquant à des problèmes qui sortent des catégories coutumières.

La M.I.R.E. a lancé fin 1987 un programme intitulé "Politiques et interventions sociales d'aide à la famille dans ses tâches éducatives" élaboré en étroite collaboration avec une grande direction du Ministère (la Direction de l'Action Sociale du Ministère des Affaires Sociales et de l'Emploi).

Nous nous trouvons dans ce domaine face à une très forte demande d'information et de connaissances des pouvoirs publics, qui ont à gérer au mieux l'ensemble des moyens d'assistance et de prévention.

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Du côté de la recherche, comme le constate P. Duming, il existe fort peu de travaux français consacrés à l'étude du groupe familial en tant qu'instance éducative, alors que la famille constitue un objet d'investigation privilégié pour de nombreuses disciplines scientifiques (histoire, science politique, psychologie, sociologie). Le thème proposé dans le programme se heurte à une organisation de la production scientifique : la famille est étudiée par les psychologues comme terrain privilégié du développement des troubles psychopathologiques des enfants qui y sont élevés : comme le dit P. Duming "l'objet 'famille' est ici appréhendé dans ses dimensions de relations interindividuelles et de groupe, sans que ce champ relationnel soit relié à la fonction éducative de la famille".

Les sociologues pour leur part ont étudié la transmission sociale intergénérationnelle des biens, du capital culturel, des valeurs, des normes et ont développé une critique des catégories utilisées dans l'action.

Un autre angle d'attaque des problèmes part des trois principaux échecs supposés de la famille dans l'éducation de ses enfants. C'est ainsi qu'autour des problèmes de la délinquance juvénile, des spécialistes s'attaquent à l'inadaptation comportementale ; de même l'échec scolaire est à l'origine de nombreux travaux sur l'inadaptation cognitive et que les troubles psycho-affectifs des enfants sont devenus le sujet d'étude d'un milieu spécialisé.

Au-delà de ce hiatus constaté entre la demande et l'offre de la recherche, peut-être faut-il évoquer le problème décisif de l'accès au terrain : étudier la place de la famille dans l'éducation de ses enfants exige des modalités complexes d'approche : en dehors des procédures classiques (questionnaires d'attitude, d'opinion, assortis dans le meilleur des cas d'items factuels). Le thème réclamerait une connaissance intime, au jour le jour, du comportement des personnes composant la famille pendant une période relativement longue. Cet angle d'attaque bien connu des ethnologues et des spécialistes d'histoire de vie est d'autant plus difficile à développer que le "terrain" est le refuge de la vie privée. C'est bien pourquoi il nous était apparu qu'une voie possible pour prendre en compte scientifiquement "la place de la famille dans la socialisation de l'enfant" consistait à approcher des groupes familiaux bénéficiant à un titre ou à un autre des "politiques et des interventions sociales d'aide à la famille dans ses tâches éducatives". Nous verrons bien si les équipes, maintenant au travail sur ce thème, répondent à cet espoir.

Quoi qu'il en soit, la Mission Recherche Expérimentation se propose de contribuer, à son niveau et avec ses moyens, à une avancée des connaissances dans ce champ complexe et difficile. Je considère que le présent ouvrage est un moment important dans un processus de

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constitution d'un milieu spécialisé de recherche et je remercie nos collègues étrangers de leurs contributions en les assurant qu'ils apportent, ce faisant, une aide appréciée, tant aux spécialistes français de la recherche qu'aux pouvoirs publics de ce pays.

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INTRODUCTION

LES PRATIQUES FAMILIALES D'EDUCATION

Vers un développement conjugué de la recherche et de l'intervention sociale

Paul DURNING Chercheur en Sciences de l'Education

MIRE, Paris

La famille constitue un objet d'investigation privilégié depuis quelques années pour de nombreuses disciplines scientifiques :

- les historiens ont développé des travaux importants sur la place de l'enfant, la vie domestique, etc. (Ariès, 1960 ; Ariès et Duby, 1987 ; Flandrin, 1976 ; Goody, 1983 ; Perrot, 1987) ;

- les juristes ont centré leur attention sur les effets de la transformation des formes familiales (concubinage, divorce, etc.) ;

- les psychologues consacrent de nombreux travaux aux thérapies familiales systémiques (Minuchin, 1974) ou psychanalytiques (Ruffiot, 1981 ; Kaès, 1986 ; Caillot, Decherf, 1982) ;

- mais surtout, les travaux sociologiques sur la famille se multiplient (voir par exemple le n° spécial de L'Année sociologique, 1987) qui en est un important indice, mais aussi la quasi-totalité des Annales de Vaucresson en 1987 et 1988.

Parmi ce foisonnement, il existe, cependant, fort peu de travaux français consacrés à l'étude du groupe familial en tant qu'instance éducative. Analysant les programmes nord-américains, Jean Dumas et Gérald Boutin évoquent des centaines d'expériences et de travaux, alors que Jean-Pierre Pourtois qui a examiné les grandes revues scientifiques en langue française n'a trouvé, pour ces trois dernières années, que trois articles consacrés précisément aux interventions intrafamiliales. Cette absence de publications traduit la difficulté des intervenants à rendre compte de leurs pratiques professionnelles à laquelle s'était déjà

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heurté, entre autres, R. Allée en cherchant à reconstruire précisément l'activité concrète des travailleurs sociaux lors de la mise en oeuvre de l'action éducative en milieu ouvert (R. Allée, 1982).

Un obje t s u s p e c t

Plusieurs raisons nous paraissent expliquer cette absence de recherches, malgré une demande et une pratique sociales indéniables : le terme même d'éducation familiale (ancien, il était utilisé dès le XIXe siècle) n'en est pas moins fortement marqué par son usage dans la politique familialiste de l'Etat Français (1940-1944), Nous aurions affaire en quelque sorte à un nouvel "héritage de Vichy" (M. Chauvière), le poids de l'histoire est tel qu'on peut se demander si toute approche empirique de la famille, en particulier dans ses dimensions éducatives, n'a pas à prendre garde d'être identifiée comme réactionnaire, alors qu'au contraire les études de la fonction éducative de l'école ont été, depuis la seconde guerre mondiale, nombreuses et valorisées. Tout se passe comme si l'affrontement français traditionnel entre famille et école devait se répéter à propos des études sur ces objets...

Une autre raison au peu de développement de ce champ doit être recherchée dans l'organisation des disciplines scientifiques. Une approche éducative de la famille se trouve confrontée à un double impérialisme psychopathologique et sociologique.

Depuis fort longtemps en effet, la famille est considérée par les psychologues, en particulier dans les perspectives psychanalytiques, comme jouant un rôle essentiel dans les troubles psychopathologiques des enfants qui y sont élevés, au point que la responsabilité parentale est presque automatiquement engagée dès l'apparition de certains troubles infantiles (énurésie et plus sérieusement jusqu'à ces dernières années l'autisme infantile, cf. P. Durning, 1980), mais l'objet famille est ici appréhendé dans ses dimensions de relations interindividuelles et de groupe, conscientes et inconscientes, sans que ce champ relationnel soit relié à la fonction éducative de la famille ou aux déterminants sociaux des processus familiaux.

Dans le même temps, de nombreux sociologues ont étudié la transmission sociale intergénérationnelle des biens, du capital culturel, des valeurs, des normes, etc. et ont développé des approches critiques des catégories utilisées dans l'action sociale auprès des familles (cf. la critique du concept de monoparentalité, I. Thery, N. Lefaucheur, 1987) ; au point que certains pourraient identifier l'approche sociologique à une analyse critique des catégories utilisées dans l'action. On retrouve ici l'opposition clairement décrite par D. Renard

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(1988) entre la famille comme réalité empirique et la famille comme modèle de pensée sociopolitique.

Une troisième raison du petit nombre de travaux en langue française paraît être, paradoxalement, la très grande proximité des problématiques de l'éducation familiale avec des préoccupations et des besoins sociaux pressants qui incite le chercheur à une prudence compréhensible face aux risques réels de récupération.

De la substitution à l'éducation des familles

Le développement des travaux concernant l'éducation familiale dans l'ensemble des pays occidentaux est explicitement relié par de nombreux experts au constat d'échec d'une politique confiant à des institutions sociales le projet de pallier les défaillances familiales (placement d'enfant, etc.) et surtout de contrecarrer la reproduction sociale brutale des acquis socioculturels.

L'incapacité des systèmes scolaires, dans l'ensemble des pays occidentaux développés, à réduire les inégalités sociales est soulignée dans les rapports de l'OCDE, 1981, et fonde le développement d'une éducation familiale. Depuis 1980, les différents programmes de lutte contre l'échec scolaire ont, d'ailleurs, systématiquement en commun de s'appuyer fortement sur la relation famille/école (voir par exemple les zones d'éducation prioritaire et plus loin les analyses d'A. Henriot van Zanten, chapitre VII).

Durant la même période, les pays occidentaux ont souhaité diminuer les placements d'enfants en internat, au vu d'une part des travaux psychologiques sur les effets de l'hospitalisme et, peut-être plus encore, des évaluations coût/rendement de telles institutions (Dupont-Fauville, 1973 ; Bianco & Lamy, 1979). Ainsi, en France, depuis 1977, la priorité, inscrite dans les textes et progressivement dans les pratiques, est-elle au maintien de l'enfant dans sa famille, si besoin au placement dans une famille d'accueil (si possible du quartier), le recours à l'internat étant théoriquement réservé à des situations tout à fait exceptionnelles, notamment pour certains adolescents. Une telle politique suppose de développer l'action éducative en milieu ouvert, les dispositifs de prévention spécialisés, etc.

Enfin les programmes de lutte contre la violence, l'abus sexuel et la négligence à l'égard des enfants conduisent à développer un travail social approprié. Que l'on considère donc l'échec scolaire, l'inadaptation psychosociale, la violence intrafamiliale, la solution est avant tout recherchée dans une action éducative auprès des familles.

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P r e m i è r e définit ion

La nouveauté en France de l'expression d'éducation familiale nous semble autoriser une présentation didactique de ce que les auteurs entendent habituellement par ce terme.

Une première ambiguïté doit être soulignée : cette expression évoque à la fois l'éducation mise en oeuvre par la famille en direction de ses enfants et l'action éducative de tiers (professionnels, spécialistes) en direction des parents pour les former à leur fonction éducative. C'est dire que cet intitulé se réfère à un ensemble de préoccupations et de pratiques sociales, mais non à une discipline, moins encore à une épistémologie spécifique, qui restent - peut-être - à construire.

Un premier examen de la littérature conduit ainsi à distinguer : - les actions menées au sein des familles qui constituent pour tous les auteurs l'élément central de l'éducation familiale ; - la formation des intervenants sociaux à de telles actions intrafamiliales ; - la formation des parents eux-mêmes, voire la préparation des jeunes aux fonctions parentales ; - la transformation des relations entre famille, crèche, école et autres instances éducatives ; - les politiques sociales élaborées en direction des familles et de l'enfance. Ces éléments sont supposés reliés entre eux et articulés à des travaux

scientifiques, selon une relation qu'il conviendra de tenter de mettre à jour plus loin.

Sans prétendre ici élaborer une typologie, nous proposons de distinguer l'éducation familiale comme champ d'interventions sociales, comme pratique de formation et comme objet de recherche. Une telle approche met en évidence l'importance d'un développement de la recherche qui, dans certains cas, apparaît encore restreinte à l'élaboration, la mise en oeuvre, au mieux l'évaluation de programmes de formation et plus souvent d'interventions intrafamiliales.

I - L ' INTERVENTION INTRAFAMILIALE :

E s s a i d e typolog ie

L'action au sein des familles constitue le centre et, pour de nombreux auteurs, l'essentiel de l'éducation familiale : les présentations de la littérature nord-américaine par Gérald Boutin (Chapitre III) et par

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Jean Dumas (Chapitre IV) mettent en évidence que les interventions ne sont pas déduites d'une analyse des pratiques éducatives familiales, mais construites pour répondre aux trois principaux échecs supposés de la famille dans l'éducation de ses enfants : l ' i n a d a p t a t i o n comportementale des enfants ouvrant sur la délinquance juvénile, l ' i n a d a p t a t i o n cogn i t i ve ouvrant sur l'échec scolaire et la mésadaptat ion psycho-affective ouvrant sur la psychopathologie. Ces troubles justifient une panoplie d'interventions allant de la mise en place d'un service d'aide par téléphone à l'entraînement systématique des familles une heure par jour, en passant par des programmes scolaires de préparation aux fonctions parentales, des interventions télévisées à destination du grand public, etc. Les programmes sont innombrables et extrêmement variés dans leurs objectifs, leur méthodologie, leur philosophie, etc.

Renvoyant le lecteur français au texte de J. Dumas, qui lui donnera une idée précise de ce qu'il faut entendre par "programme", nous en proposons, ici une typologie selon quatre axes : les sujets traités, la problématique centrale d'intervention, la modalité de prévention visée et la stratégie pédagogique mise en oeuvre.

La cible

Les programmes peuvent viser, pour les uns, une aide individuelle aux jeunes, à leurs parents, et dans ce cas, le plus souvent, à leurs mères, à des groupes de parents, voire à une action sur le corps social. Dan Olweus a ainsi mis en oeuvre et décrit une intervention multifacettes auprès des parents, des enseignants, des enfants par brochure, affichage, émissions de télévision, effectuée en Norvège et actuellement répétée en Suède pour lutter contre les violences et le racket en milieu scolaire (D. Olweus, 1987). On pourrait évoquer des actions médiatisées, envisagées ou en cours en France afférentes à la maltraitance infantile, à l'abus sexuel ou à l'inceste. Aux Etats-Unis, les très importants programmes Head Start, lancés sous la présidence de Lyndon Johnson, avaient pour but de réduire les inégalités sociales, notamment en ce qui concerne les populations noires (voir plus loin chapitre III et E. Plaisance, 1978, 1986).

La p r o b l é m a t i q u e c e n t r a l e d ' i n t e rven t ion

Trois problématiques d'intervention peuvent être distinguées ; les approches visant à prévenir la délinquance ou l'antisocialité, focalisées sur le développement des interactions sociales de l'enfant avec ses parents et le cas échéant ses camarades (Tremblay & Durning, 1988).

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La deuxième approche s'appuie sur le fait que l'échec scolaire, souvent par ailleurs relié à la délinquance, est fortement lié à l'activité cognitive de l'enfant avant son entrée à l'école (Lautrey, 1980 ; Pourtois, 1979 ; ou encore le Perry School Project évoqué, dans cet ouvrage, par plusieurs auteurs). Les différents programmes décrits visent donc soit à développer les processus cognitifs de l'enfant, soit à transformer ses interactions sociales. Il va de soi que de nombreux programmes combinent ces objectifs, c'est le cas en particulier de celui mené à Montréal par Richard Tremblay, décrit dans le chapitre V. La troisième problématique, qui consisterait en une approche psychothérapeutique pour dépasser les difficultés psycho-affectives, n'est pas intégrée par les auteurs dans le champ de l'éducation familiale. Cette distinction importante permet de spécifier l'action éducative caractérisée par la place toujours centrale d'un savoir à transmettre, de l 'action psychothérapeutique qui tente d'aider le sujet à élucider voire à réaménager ses relations à son histoire et à autrui. Il est clair cependant, que de nombreux programmes de thérapie familiale mettent en oeuvre en réalité des stratégies d'apprentissage de comportements, ou de modes de relations "adéquats" ou "positifs". C'est dire que s'il convient de distinguer les approches thérapeutiques de l'éducation familiale, on devra examiner approche par approche, en particulier dans le cadre des thérapies familiales, si une pathologie familiale est mise en évidence et traitée et si le traitement est véritablement psychothérapeutique ou éducatif.

De la p r éven t ion à la " répara t ion"

Le troisième critère concerne le moment de mise en oeuvre de l 'action : certaines interventions sont décidées après un problème sérieux : délinquance grave, violences parentales, d'autres peuvent être initiées en situation difficile pour éviter des conséquences néfastes (accompagnement en période de divorce), d'autres seront dirigées vers des enfants "à risques", c'est-à-dire susceptibles de présenter des problèmes graves (voir chapitre V), ou encore vers des groupes cibles, avant ou après problème (mères isolées, jeunes désoeuvrés, etc.). Des actions de prévention primaire peuvent même être mises en oeuvre sur un quartier, voire pour toute une population. Nous retrouvons ici les distinctions habituelles entre prévention primaire, prévention secondaire et traitement, mais on doit s'interroger sur la très grande similitude des programmes proposés dans ces situations pourtant différentes.

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L e s s t r a t é g i e s p é d a g o g i q u e s

Enfin, les d é m a r c h e s p é d a g o g i q u e s adoptées par les intervenants sont nombreuses mais non spécifiques à l'éducation familiale : les chapitres suivants décrivent une large palette d'approches, depuis des démarches non directives ou humanistes jusqu'à des approches mettant en oeuvre un modelage systématique du comportement. Il est probable que la modalité la plus courante concerne l'acquisition par jeux de rôles et imitation d'habiletés sociales supposées adéquates.

II - LA F O R M A T I O N D E S I N T E R V E N A N T S

Le développement des actions d'aide, de soutien et d'intervention au sein des familles conduit évidemment à une nouvelle formation des intervenants chargés de les mettre en oeuvre. Sans développer ici les analyses très riches de Lea Pulkkinen (chap. II) et de Jean-Marie Bouchard (chapitre VI) sur cette question, on notera seulement que les interventions rencontrent particulièrement trois types de difficultés :

a) la nécessité d'intervenir en situation de crise et, bien souvent, la capacité d'élaborer rapidement un diagnostic ou une évaluation du fonctionnement du groupe familial, dont l'importance peut être extrême (décision de retrait d'enfants, etc.) ;

b) plus globalement, l'intervenant travaille dans un c o n t e x t e psychologique et émotionnel extrêmement complexe et souvent fortement en résonance avec sa propre histoire et sa propre personnalité (les nombreux travaux français sur la mobilisation des dimensions psychologiques dans les activités professionnelles d'éducation conduisent, a fortiori en milieu familial, à souligner ce point et préparer l'intervenant à contrôler cet aspect de son travail (J. Filloux, 1974 ; D. Hameline, 1971, 1977 ; M. Postic, 1979) ;

c) L'intervenant intrafamilial contribue, enfin, consciemment ou non, à transformer certaines normes et valeurs du groupe familial dans lequel il intervient. Anne-Marie Coutrot, forte d'une longue expérience à l'Ecole des Parents, commentait les apports du colloque en notant : "Le travail sur le terrain montre abondamment que les interrelations familiales sont multiples, les formes de famille variées (même parmi celles que l'on appelle nucléaires). Toute attitude normative pour "aider", "éduquer" les familles, porte en elle son propre échec. Et c'est la difficulté pour "l'éducateur" de ne pas projeter ses propres valeurs sur ce milieu. Les parents maltraitants qui appellent l'Ecole des Parents au secours sont nombreux, ils cherchent à se prémunir contre eux-mêmes,

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mêmes, mais aussi à trouver le moyen d'être "bons" parents. La démarche consiste surtout à les aider à se trouver eux-mêmes, à expliciter leurs motivations. La norme, certes, est qu'il ne faut pas battre un enfant, mais le "bon" parent peut prendre de multiples formes hors norme."

Sans nécessairement condamner a priori tout projet pesant sur les conceptions d'autrui, on admettra que les interventions intrafamiliales sont fréquemment susceptibles d'agir particulièrement sur deux dimensions : les modalités des relations autoritaires au sein des groupes familiaux, en conduisant en particulier les adultes à substituer le raisonnement et l'explication dans leurs demandes aux enfants à l'ordre abrupt non justifié, mais surtout par leur travail important en direction des mères. Les intervenantes (il s'agit presque uniquement de femmes) contribuent à revaloriser la position féminine dans le groupe familial, et surtout à aider la mère à revendiquer une relation différente avec son conjoint. Un tel enjeu est explicitement visé par certains chercheurs israéliens intervenant auprès de familles musulmanes. Dans nos observations personnelles, nous avons été surpris par des interventions répétées des intervenantes auprès des mères, les amenant à renégocier leur relation conjugale, en particulier en cas de violence maritale. (Durning, 1987).

Ceci peut être relié à la question centrale des modalités de choix de participation au programme de la part des groupes familiaux qui en sont bénéficiaires. Il est clair que certains programmes sont mis en oeuvre en réponse à une demande d'aide d'une famille en difficulté (G.R. Patterson par exemple). D'autres interviennent après un dépistage des enfants "à risque" et sous réserve d'un accord des parents (R. Tremblay, ici même), mais certaines sont explicitement imposées aux familles par décision de justice (par exemple après des violences intrafamiliales, violences sexuelles, etc.) et leur abandon conduirait à une incarcération. De telles déterminations méritent d'être précisément travaillées dans le cadre de la formation des intervenants ; le texte de Jean-Marie Bouchard ouvre la voie en présentant les nouvelles modalités de coopération entre familles et professionnels que le jeune intervenant est conduit à expérimenter au cours de sa formation.

La format ion d e s p a r e n t s

Les actions de formation en direction des parents, développées depuis le XIXe siècle (diététique, formation ménagère, gestion du budget, éducation des enfants) en direction des familles défavorisées, sont confrontées à des difficultés similaires à celles évoquées précédemment. De même, la préparation des adolescents aux fonctions

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parentales fait l'objet de méfiance et d'inquiétude et se limite très souvent à une formation à dominante biologique et médicale.

La coopération et l'activité éducative conjointes de parents et de professionnels dans des situations rares mais intéressantes (en France, les crèches parentales par exemple) permettent peut-être de surmonter certaines de ces difficultés.

Efficacité e t légitimité d e l ' éduca t ion famil ia le

Ces interventions extrêmement importantes ouvrent sur les deux questions fondamentales de leur efficacité et de leur légitimité.

Dans la logique déjà décrite, l 'évaluation de telles interventions consiste dans un premier temps à s'interroger sur la capacité de celles-ci à supprimer ou à diminuer les causes d'échec qui ont justifié leur mise en oeuvre. Le texte de Joan McCord, qui a choqué aux Etats-Unis en 1978, risque de heurter les travailleurs sociaux français, puisqu'avec une approche expérimentale, comparant des sujets ayant bénéficié d'une intervention et d'autres en ayant été privés, cet auteur démontre que les sujets traités ont subi en fait un préjudice. Il est clair que l'idée qu'un traitement social puisse nuire donne à l'évaluation une tout autre portée que celle de justification, souvent formelle, du rapport coût/rendement des interventions. Même si certains hésiteront à ne pas traiter certains sujets, afin de construire des groupes contrôle valides pour pouvoir comparer des individus entre eux, en supposant toutes choses égales par ailleurs, il reste que l'hypothèse que l'intervention puisse nuire, conduit, selon nous, à réinterroger de telles résistances.

Jean Dumas, Gérald Boutin rejoignent Joan McCord et notent le peu d'efficacité actuellement démontrée par l'ensemble des programmes et appellent donc un développement des recherches dans ce secteur.

Même en l'absence de validation, nous ferons ici provisoirement nôtre le distinguo de Joan McCord entre les programmes visant un développement cognitif et les programmes visant une transformation comportementale, en postulant comme légitimes des actions amenant à un développement des connaissances et du savoir, même si bien évidemment une plus grande information ne garantit nullement une vie plus heureuse...

Au-delà de la question de l'efficacité des interventions, il est clair que celle de leur légitimité est posée. En s'appuyant sur l'analyse d'un programme en direction de mères isolées avec enfant mis en place en République Fédérale Allemande, Franz Schultheis (chapitre IX) élabore une critique sévère qui peut être vraisemblablement généralisée à bien d'autres programmes.

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La première approche de la légitimité de l'intervention intrafamiliale consiste à examiner les articulations entre l'action sociale et les connaissances scientifiques supposées la fonder. Comme il a été noté, les recherches qui précèdent ces interventions sont essentiellement des études de l'inadaptation, comparant par exemple des enfants délinquants et non délinquants et démontrant, par exemple, que la supervision par la mère (savoir où est son enfant, savoir ce qu'il est en train de faire, avec qui) est largement corrélée, dans certains contextes socioculturels, à la délinquance juvénile. Un tel constat conduit à élaborer des programmes visant à entraîner la mère à superviser plus précisément et plus régulièrement son enfant. Cette supervision maternelle est conçue comme une compétence, dont l'absence peut être liée à une absence de certaines des "habiletés" constitutives de ces compétences ou à l'incapacité de mettre en oeuvre (performance) cette compétence (voir la synthèse de cette question par Claude Gagnon, 1988).

Le fonctionnement de la famille est, dans une telle approche, appréhendé dans une perspective d'écart à la norme précisément entendu comme un déficit et non comme une pratique maternelle d'éducation d'un autre ordre. Dans ce contexte, la légitimité de l'imposition de valeurs éducatives substitutives à d'autres non identifiées ne peut être interrogée.

III - L ' IMPORTANCE DE LA R E C H E R C H E

La condition préalable à la mise en oeuvre de pratiques sociales, innovantes et justifiables en droit, réside dans l'affermissement des relations entre intervention, formation et recherche, et appelle un large développement de la recherche sur l'éducation familiale.

Fami l les e t s o c i é t é

Dans cette perspective, le présent ouvrage ne rend pas seulement compte de recherches centrées sur des interventions, mais présente dans sa première partie des travaux visant à mieux comprendre les transformations contemporaines de la parentalité et de la situation des enfants.

Sans reprendre ici les analyses de Lars Dencik (chapitre I) et Lea Pulkkinen (chapitre II), on rappellera, avec ces auteurs, que l'accroissement massif du travail féminin s'est accompagné d'un développement de la garde des jeunes enfants à l'extérieur de la maison, qu'une maîtrise de la natalité se traduit par la diminution de la taille des fratries et le vieillissement des parents à la naissance de leurs enfants ;

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enfin, que l'accroissement des unions libres et surtout des divorces conduisent un pourcentage non négligeable d'enfants à vivre des situations relationnelles complexes ; Lars Dencik examine alors précisément l'impact de ces changements sociaux sur la socialisation des jeunes enfants.

Aussi importants sont les changements psychosociaux affectant le rôle respectif des pères et mères et la redistribution des responsabilités éducatives entre la famille et les organismes publics d'intervention sociale. Enfin, Lars Dencik, qui coordonne une vaste recherche menée dans les cinq pays scandinaves, consacrée au développement des jeunes enfants en famille et en crèche, analyse en détail l'expérience du point de vue de l'enfant en montrant notamment la nécessité de tenter d'appréhender l'expérience de socialisation dans des lieux multiples et dans un monde en changement rapide du point de vue de l'enfant lui- même.

L'activité éducative de la famille

Ces travaux illustrent la nécessité de recherches sur la famille et les processus éducatifs, en tentant d'appréhender ceux-ci dans toute leur complexité. De telles recherches sont également développées par plusieurs équipes francophones, citons les études sur les représentations, croyances et pratiques parentales (J.L. Beauvois, C. Vandenplas-Hopler, 1979), les déterminations et les pratiques d'enseignement des mères (J.P. Pourtois, 1979,1984 et J. Lautrey, 1980) ; le climat socio-émotionnel dans lequel se développent les processus éducatifs et les interactions entre ce climat et ces processus (P. Durning, 1987). Plus systématiquement, plusieurs programmes de recherche sont en cours en France, à l'initiative de la MIRE, de la CNAF, etc., mais songeons seulement que la Suède a financé 130 projets de 1980 à 1985 sur ces questions et que depuis 1984, le Service Recherche du ministère des Affaires sociales suédois met en place des financements contractuels pour faciliter le développement de recherches à long terme...

Des méthodologies con t ras tées

Il est clair, comme le souligne J.P. Pourtois (chapitre X), que l'ensemble des méthodologies devra être mobilisé sans exclusive, approches expérimentales en extériorité, de même que les investigations cliniques approfondies, surtout conviendra-t-il de varier les modalités de relation entre chercheurs et familles étudiées, de l'observation "objective" à la recherche-action.

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L'enjeu essentiel est de dépasser l'apparente opposition entre recherche clinique et rigueur, et dépasser un modèle expérimentaliste sommaire de type stimulation-réponse pour élaborer des modalités plus complexes de validation des analyses cliniques (P. Durning 1987, J.P. Pourtois, à paraître).

A titre d'exemple, on peut noter la prise en compte importante dans la littérature internationale contemporaine de la temporalité du groupe familial, aussi bien dans les approches dites en cycle de vie - voir la recherche menée par Lea Pulkkinen depuis une vingtaine d'années en Finlande, dans laquelle elle a suivi une cohorte de garçons et de filles de 9 à 26 ans -, que dans les approches utilisant les "histoires de vie" dans lesquelles le sujet lui-même est amené à reconstruire, au cours d'une série d'entretiens, sa propre histoire familiale (D. Bertaux, 1987 ; A. Muxel, 1983).

C a d r e s i n s t i t u t i o n n e l s : un défi p o u r l e s s c i e n c e s d e l ' é d u c a t i o n

Le développement d'un nouveau champ de recherches appelle souvent l'émergence de structures de recherches nouvelles dans plusieurs pays occidentaux, (voir Léa Pulkkinen) des laboratoires consacrés aux "sciences familiales" ont été installés afin de promouvoir de tels programmes de recherches. Il nous semble qu'en France l'expérience limitée mais riche des Sciences de l'Education conduit à penser qu'elles peuvent largement s'ouvrir à ce champ d'investigation sans que des institutions nouvelles ne viennent, au moins dans un premier temps, accroître encore l'éparpillement d'un milieu de recherche déjà extrêmement dispersé.

La pratique éducative familiale s'inscrit toujours, à la fois dans un dispositif relationnel et dans un cadre socio-historique qui, chacun de manière spécifique, la détermine. Or, les apports les plus riches des Sciences de l'Education sur les processus éducatifs, notamment à l'école, sont ceux qui ont pu les saisir dans l'une ou l'autre de ces articulations fondamentales. En d'autres termes l'éducation familiale peut être un objet de recherche, en aucun cas une discipline dont l'étude mobilise nécessairement les sciences fondamentales, en particulier l'histoire, la psychologie, la sociologie, le droit, etc. Les Sciences de l'Education ont, par nécessité, développé de telles coopérations, mais surtout elles ont l'expérience d'un travail articulant recherche, formation et intervention que seuls certains laboratoires de psychosociologie peuvent lui disputer. Corrélativement, les chercheurs ont pour la plupart acquis une expérience du travail scientifique de terrain qui paraît tout à fait indispensable pour un tel objet de recherche.

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Quelle que soit l'inscription institutionnelle des futures recherches sur l'éducation familiale, le point fondamental est qu'elles ne peuvent se couper ni des sciences fondamentales, ni d'une articulation au terrain et à l'intervention.

Dans une telle perspective, on nous permettra de souligner le rôle d'organismes comme la Mission Recherche Expérimentation des ministères des Affaires sociales et de l'Emploi, non seulement en tant qu'initiatrice, en coopération avec la Direction de l'Action sociale, de tels programmes de recherches, mais surtout en tant qu'interface entre structure de recherche, responsables administratifs et intervenants sociaux.

La MIRE a pour mission de faciliter l'articulation féconde des équipes de recherche, non seulement avec les administrations chargées de la mise en oeuvre des politiques sociales, mais aussi avec les équipes de professionnels sur le terrain. On notera en particulier dans l'ensemble des textes publiés l'évocation répétée de la nécessaire coopération entre équipes de chercheurs et intervenants sociaux pour la préparation, la mise en oeuvre et l'évaluation des interventions sociales. Une telle coopération suppose un travail de liaison et d'explication réciproque, des impératifs de l'action administrative, des pratiques sociales et de la rigueur scientifique. Enfin, une telle Mission Recherche Expérimentation suit, par expérience, avec vigilance les questions éthiques qui, nous l'avons vu, ne manquent pas d'être importantes dans ce champ : respect de l'intimité du groupe familial, modalités de relations mises en place avec les familles (voir J.M. Bouchard, chapitre VI), qualité et effets des tests et mesures utilisés. A titre illustratif on pourra se demander si un chercheur doit signaler des violences à enfant observées au cours de son activité scientifique avec l'accord des familles.

Un pano rama international

Cet ouvrage, comme le colloque dont il est l'aboutissement, a pour objectif de faciliter l'accès des lecteurs francophones aux nombreux et importants travaux consacrés en Europe et en Amérique du Nord à l'éducation familiale.

Un tel bilan international vient s'inscrire dans le programme de recherches initié en 1987 par la Mission interministérielle recherche et expérimentation sur les politiques et interventions sociales d'aide à la famille dans ses tâches éducatives. Alors qu'après un appel d'offres, un ensemble de recherches sont mises en oeuvre en France, il convenait de faciliter un accès direct des chercheurs, des responsables des politiques

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sociales et, plus largement, des intervenants sociaux concernés à cet important corpus de recherches.

Le défi proposé aux auteurs a donc été de tenter de combiner un panorama de la littérature, notamment nord-américaine, avec une présentation plus approfondie des recherches les plus centrales et des problématiques les plus nouvelles. La réalisation d'un tel projet n'était possible qu'avec la participation d'experts réputés des différents pays concernés que je remercie à nouveau de leur coopération.

Le lecteur se verra proposer successivement deux analyses consacrées aux rôles nouveaux des parents et des enfants dans la société contemporaine, trois travaux nord-américains centrés sur l'intervention intrafamiliale, puis un ensemble de chapitres approfondiront les problématiques spécifiques : formation des intervenants, relations famille-école, évaluation des interventions, et enfin une présentation des travaux en langue française. C'est dire que l'ouvrage tente, dans la mesure du possible, d'articuler une approche géographique à une problématisation de son objet.

Le sujet et l'opportunité d'une telle approche font l'objet de discussions, plus encore la possibilité d'un panorama international peut être mise en doute, dans la mesure où elle risque de supposer implicitement l'équivalence de réalités très différentes, parce que recouvertes par un même mot, Franz Schultheis précise justement ce point au début de son texte.

La simple différence des contextes doit être rappelée, les relations entretenues par les familles et l'école sont très contrastées selon les pays, voir Bataille et ici même A. Henriot van Zanten, de même le développement très différent de l'école maternelle est à garder en mémoire pour comprendre la mise en place de vastes programmes comme Head Start (A. Prost, 1981 ; E. Plaisance, 1986).

Une telle hypothèque a conduit à demander aux auteurs de clarifier au mieux les contextes sociaux dans lesquels s'inscrivent les recherches et les interventions évoquées et nous a conduit à n'atténuer en rien les aspérités et les contradictions entre les auteurs. Posant donc, malgré ces risques, non seulement la nécessité d'interventions sociales en direction des familles, mais surtout l'impératif d'un développement du travail scientifique centré sur le groupe familial en tant qu'assumant des fonctions de socialisation et d'éducation travail distinct, quoiqu'articulé, à une approche psychologique de la famille comme champ relationnel et à une approche sociologique de la famille comme instance de transmission des valeurs et habitus sociaux.

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