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DU MÊME AUTEUR Aux Éditions Gallimard TARPEIA. ESSAIS DE PHILOLOGIE COMPARATIVE INDO-EURO - PÉENNE. « Les Mythes romains», 1947. DISCOURS DE RÉCEPTION À L’ACADÉMIE FRANÇAISE ET RÉPONSE DE M. CLAUDE LÉVI-STRAUSS jeudi 14 juin 1979. Collec- tion blanche, 1979. Dans la bibliothèque des Sciences humaines : MYTHE ET ÉPOPÉE. I. L’IDÉOLOGIE DES TROIS FONCTIONS DANS LES ÉPOPÉES DES PEUPLES INDO-EUROPÉENS, 1968. II. TYPES ÉPIQUES INDO-EUROPÉENS : UN HÉROS, UN SOR - CIER, UN ROI, 1971. III. HISTOIRES ROMAINES, 1973. IDÉES ROMAINES, 1969. FÊTES ROMAINES D’ÉTÉ ET D’AUTOMNE, 1976. LES DIEUX SOUVERAINS DES INDO-EUROPÉENS, 1977. APOLLON SONORE ET AUTRES ESSAIS. ESQUISSES DE MYTHO- LOGIE, 1982. LA COURTISANE ET LES SEIGNEURS COLORÉS. ESQUISSES DE MYTHOLOGIE, 1984.

DUMÉZIL, Georges. Le Moyne Noir en Gris Dedans Varennes

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Original para a rapaziada!Quem precisa desse livro e não tem muito dinheiro, sabe o quanto é difícil conseguir... era difícil :)

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  • DU MME AUTEUR

    Aux ditions GallimardTARPEIA. ESSAIS DE P HI LO LO G IE C OMP ARATIVE I N D O - E U R O

    P E N NE . Les Mythes romains, 1947.DIS COURS DE R C E P T I O N L A C AD M I E F R AN AI SE ET

    RPONSE DE M. CLAUDE LVI - STR AU SS jeudi 14 juin 1979. Collection blanche, 1979.

    Dans la bibliothque des Sciences humaines :MYTHE ET POP E.

    I. L IDOLOGIE DES TROIS F ON CT IO N S DANS LES PO P E S DES P EU PL ES I N D O - E U R O P E N S , 1968.

    II. TYPES PI QUES I N D O - E U R O P E N S : UN HROS, UN S O R CIER, UN ROI, 1971.

    III. H IS TOI RES R OMAINES, 1973.IDES R OMAINES, 1969.FTES ROMAINES D T ET D A UT OMN E , 1976.LES DIEUX S OUVERAINS DES I N D O - E U R O P E N S , 1977.APOLLON SONORE ET AUTRES ESSAIS. ESQUISSES DE M Y T H O

    LOGIE, 1982.LA C OURTIS ANE ET LES SEI GNE UR S COLORS. ESQUISSES DE

    MYTHOLOGIE, 1984.

  • . . . LE MO YN E N O I R EN GRI SD E D A N S V A R E N N E S

  • GEORGES DUMZILde VAcadmie franaise

    . . . L E M O Y N E N O I R EN G R I S

    D E D A N S V A R E N N E S Sotie nostradamique

    suivie dunDIVERTISSEMENT

    SUR LES DERNIRES PAROLES DE SOCRATE

    GAL L I MAR D

  • ditions Gallimard, 1984.

  • Pierre NoraMon cher ami

    Puisque vous mavez gentiment engag publier ces mditations, voulez-vous transmettre au lecteur quelques informations utiles ?

    La premire partie du livre pourrait sappeler Systme du monde, tome I . Mais comme ni moi ni les prochaines gnrations ncrirons les tomes suivants, j ai prfr une tiquette plus humble.

    Il est inutile de chercher des clefs. Jai constamment mlang le souvenir et la fiction. Si ma conversation avec Gustave Charles Toussaint devant lle de Jan Mayen est peu prs exactement note, je crains que, dans la Sotie, il ne faille un peu brouiller les personnages, plus prcisment rduire les trois Parfaits au seul qui ne lest pas : aprs soixante ans, comment aurais-je fait une juste rpartition des voix ? En tout cas, le dernier hiver de M. Espopondie, ainsi que nos rapports, auxquels il doit probablement son nom, ont bien t ce

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  • que j en dis. On peut ainsi considrer comme authentique la liasse qui occupe le chapitre II. Mais je dois reconnatre que je lavais depuis longtemps nglige quand, la fin de 1968, au troisime tage de la Bibliothque de lUniversit de Princeton, je tirai des rayons un Nostra- damus du dbut du XVIIIe sicle. Cest en y relisant, en y palpant les quatrains sur Varennes et sur Narbon et Saulce que le problme se ranima en moi et que je dcidai de le faire avancer.

    Le lecteur voudra certainement recourir au texte. Ldition commente de Le Pelletier a t lgamment reproduite en 1976 par Jean de Bonnot, 7, faubourg Saint-Honor. Quon se reporte ces deux volumes.

    Mon tude net gure progress si mes petits-fils et ma belle-fille navaient pris leur compte quantit denqutes philologiques, lexicales, statistiques, historiques. En sorte que si j ai la responsabilit des arguments, du plan et des conclusions, cest eux que revient pour une grande part le mrite de lopration.

    Trs cordialement, merciGeorges Dumzil

  • ( ( . . . Le moyne noir en gris dedans Varennes

    sotie nostradamique

  • Henri Sauguet,en souvenir de Roger Dsormereet de Claude-Eugne Matre

  • IIl y a une soixantaine dannes, entre 1922 et 1925, j ai eu la chance dentrer dans la familiarit de M. Espo- pondie, un des hommes qui ont eu sur moi la plus profonde et, je crois, la plus utile influence. Je jouissais de mes vingt-cinq ans, il approchait de ses cinquante. Les batailles de 1918 mavaient quelque peu faonn, humanis, extrait du microcosme exaltant certes, mais irrel, des khgnes et des livres pour me plonger tout vif dans ce mlange dpisodes infernaux et paradisiaques qutait alors, pour un jeune sous-lieutenant dartillerie, le tout-venant dune arme en campagne. Rien du pole du capitaine Cartesius : j avais peu rflchi, j avais vcu. Au contraire, les annes pendant lesquelles j ai connu M. Espopondie, la dernire plus que les autres, ont dessin pour toujours les principales lignes de ma pense et de ma conduite.

    Il avait longtemps hant lAsie la plus lointaine, savant itinrant et administrateur comme taient au dbut de ce sicle plusieurs de nos grands orientalistes, et cest par cette ouverture que, dbutant moi-mme

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  • dans les tudes, j tais entr en relations avec lui. Mon Orient ntait pas le sien, mais nous possdions une partie de lInde en condominium. Et puis je commenais alors crayonner mes premires ides, pleines dillusions, sur les Indo-Europens, sur la mythologie compare : cela lintressait. Trs vite pourtant, ce ne fut plus le centre de nos rapports. Il navait pas un moindre got pour la posie, pour la musique, pour les arts plastiques. Il avait lu prodigieusement, vcu intensment. A sa formation scolaire de philosophe il devait de dominer aimablement cette masse de savoir et dexprience. Jai assist prs de lui des concerts davant-garde, des matchs de boxe, visit les muses belges : chaque fois, quelque chose sclairait que je navais pas souponn.

    Mais cest surtout aprs lautomne de 1924 et pendant le dernier hiver de sa vie que je le connus vraiment. Je savais que, depuis son retour en France, la veille de la guerre, sa sant ntait pas bonne. Jappris alors quil avait deux maladies dont les traitements ne se conciliaient pas et dont lune touchait au cur. Les crises se multiplirent en octobre. M. Espopondie restait parfois des semaines sans sortir. Il eut bientt la certitude que le terme approchait et voulut sen aller avec sagesse. Du point o il se voyait parvenu, il regardait sa vie sans complaisance ni regret. Comme il avait eu ce quil appelait avec une fausse humilit la faiblesse de conserver des paquets de lettres, quelques-unes fort intimes car il avait travers plusieurs tumultes , et aussi des liasses de notes, des carnets, des livres commencs et abandonns car il avait fort peu publi , il eut le dsir, avant de les dtruire, de voyager une

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  • dernire fois parmi ces monuments drisoires ou considrables de ses penses, de ses recherches et, sinon de ses passions, du moins de quelques sincres attachements et de beaucoup de mirages sentimentaux. Sans doute lpreuve quil avait faite de moi lui avait inspir confiance. Sans doute aussi compensais-je un peu pour lui lennui quil mavait avou un jour : celui de sen aller sans laisser de fils. En tout cas il me proposa de massocier ce plerinage et cet holocauste. Presque chaque soir, vers six heures, au moment o son secrtaire se retirait, je venais chez lui, nous bavardions, sa servante nous donnait un souper lger et nous nous transportions prs du feu de bois quil faisait toujours entretenir dans un petit bureau. Il sinstallait dans son fauteuil, parfois un peu essouffl il marriva dtre inquiet , souvent aussi trs laise. Et j allais dans une des trois pices o reposaient, ct des livres, quelques-unes des grandes enveloppes qui retenaient les fantmes de sa vie. Il relisait les lettres ou me les faisait lire. Parfois une photographie sortait, quil regardait quelques secondes et quil me rendait : tout cela prenait le chemin des flammes et jamais je ne songeais en rien soustraire. Cest avec autant de dtachement quil envoyait au nant, aprs un coup dil, des feuillets entiers de notes de lecture, de rflexions, de projets. Rarement il me demandait de les lui lire : il voyait quelle proccupation, oublie par la suite, se rapportait telle ou telle page dcriture et me disait simplement : Continue...

    Cependant, un soir o M. Espopondie paraissait moins fatigu que dordinaire, je retirai dune enveloppe

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  • longue une quinzaine de feuillets runis en cahier sous un titre qui mintrigua : Prolgomnes de possibles physiques secondes.

    Je suis content que nous Payons retrouv, ce vieux Commentaire, dit M. Espopondie en souriant. Il doit remonter aux premires annes de ce sicle, quand j avais ton ge. Mets-le de ct et continue.

    Le reste de lenveloppe fut expdi avec la simplicit habituelle, puis M. Espopondie me fit signe de reprendre le cahier.

    Je savais la position de M. Espopondie en mtaphysique. Les recherches sur latome, qui taient alors leur dbut, le passionnaient et il semblait en prvoir le dveloppement rapide. On sest bien ht, disait-il, en appelant latome atome, cest--dire linscable. Tu verras quon le mettra en morceaux, et chaque morceau en morceaux. linfini peut-tre. Les lates vont sen emparer. Quant la philosophie, quen attendait-il ? Beaucoup peut-tre, certains jours. Peu ou rien quelquefois. Etait-il matrialiste ? Il vitait ces grands mots, ces engagements. Il tait en tout cas attach lexprience et refusait de sparer ce quune vieille habitude appelle esprit et ce quelle appelle matire. Il ma souvent dit quil navait prouv rien qui ressemblt la fameuse inquitude religieuse. N dans une famille incroyante et, je crois, anticlricale, il navait pas t baptis et navait pas eu se dtacher dune foi denfance. Il lui avait fallu plutt toute son intelligence et son got trs vif de la libert, dans sa jeunesse, rue dUlm surtout, pour ne pas se laisser emporter par le torrent combiste.

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  • Il admirait dailleurs, il aimait les thologies comme toutes les crations de lhomme, mais il percevait lartifice de chacune. Il aurait volontiers dfendu les religions tablies quand elles servent de refuge aux faibles et aux dsesprs, mais, tort ou raison, il pensait y voir plus souvent lintolrance et labdication.

    Le dirai-je agnostique ? Il tait convaincu que lavance de la physique, dont il mesurait le rythme, et celle de la critique historique, laquelle il avait contribu, feraient disparatre beaucoup de formules creuses, mais, en mme temps, il prvoyait que, comme pour latome, ce travail susciterait la place des illusions du pass, dautres vues qui ne tarderaient pas, elles aussi, se rvler illusoires ou insuffisantes. Rationaliste ? Certainement. Il tait prt, mme, diviniser la raison. Mais deux attitudes, ou plutt deux varits de la mme attitude, lui faisaient leffet de blasphmes contre cette desse : sous prtexte de se garder de lirrationnel, disait-il, certains refusent denregistrer toute observation que ltat de nos connaissances ne permet pas dinterprter, et dautres mconnaissent le mystre du mouvement qui mtamorphose sans relche les quilibres organiques en apparence les plus stables en dautres quilibres non moins provisoires. Aux premiers, il rappelait lobjection longtemps oppose, malgr le tmoignage de lhorizon marin, ceux qui disaient que la terre est ronde : comment, aux antipodes, les hommes marcheraient-ils la tte en bas ? Aux seconds, il recommandait de mditer lvolution qui, commence sur un piderme par un point sensible la lumire, a produit la structure de lil des mammifres qui, depuis quelques

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  • sicles, tout le cerveau humain se mettant de la partie, se prolonge dans les machineries des opticiens et des photographes, elles-mmes en incessante transformation : tout certes peut ou pourra sy mettre en quations et se justifier par la slection naturelle, mais comment ne pas souponner aussi, ds le dbut et pour chacun des milliards de changements concomitants et convergents qui se sont oprs, lquivalent dun projet ? Bref, son rationalisme ne lenfermait dans le prsent ni pour les moyens ni pour la matire de ltude. Il confiait lavenir lexplication progressive de linexpliqu, sans imaginer quelle dt sachever jamais. Beaucoup derreurs tenaces dans laffirmation et dans le refus, disait-il encore, proviennent de ce que de bons esprits, dans chaque gnration, ont prtendu faire le travail de vingt ou de cent et, du mme coup, toucher le fond des choses .

    Son portrait serait bien incomplet si je ne tmoignais quil navait aucune peur, aucune curiosit de la mort, le plus comprhensible des phnomnes. Il ne concevait pas que rien de lui pt survivre la dcomposition de son cerveau. Son got des belles choses lui faisait souhaiter une extinction calme et propre, mais il savait que les deux maladies qui se disputaient son thorax ne lui en laissaient que peu de chances.

    Ce dtour tait ncessaire pour expliquer lintrt que cet esprit positif avait pris dans sa jeunesse, et qui semblait revivre ce soir-l, quelques lignes du Livre des Prophties de Michel de Notredame. Il me le rendit clair en quelques mots.

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  • Toutes les expriences dites mtapsychiques, tous les cas signals de transmission de pense, de prmonition, plus forte raison de communication avec un au- del ou avec des tres surnaturels, se heurtent la mme barrire : quelle que soit lhonntet de lobservateur, quelque svre que soit le contrle, il reste toujours un soupon : autosuggestion, illusion collective et, la plupart du temps, tricherie. Lannonce articule de lavenir, proche ou lointain, par un voyant parat chapper cette fatalit, du moins lorsquelle a t crite, une date connue, sous une forme ne varietur, et ainsi soustraite aux complaisances de la transmission orale : on peut penser que, plus ou moins brve chance, lhistoire la vrifiera ou la dmentira sous la rserve pourtant que lhistoire na pas de limite et que, moins que lvnement annonc ne soit dat, il risque toujours dtre, aux yeux de chaque gnration, en rserve davenir. Mais il ny a pas beaucoup de tels enregistrements et ceux qui existent ne se prtent pas, ou se prtent trop, ce contrle a posteriori : soit trop gnraux, soit incohrents, soit ambigus, soit les trois la fois, ils font penser au cours des sicles plusieurs, de nombreux vnements, dont chacun, avec un peu de bonne volont, se laisse ajuster leur formulation. Les Centuries de Nostradamus nchappent pas cette condition. Il suffit de parcourir les commentaires qui en ont t faits depuis plus de trois cents ans. Il suffit, plus simplement, de les lire pour baisser les bras, lexception dun tout petit nombre de quatrains o la part de lnigme est limite et o des prcisions de personnes ou de lieux sont donnes, je veux dire des noms propres

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  • rares, improbables au sens mathmatique du mot, qui nont ensuite merg quune seule fois dans lhistoire, acteurs ou dcors. Le cas le plus clbre est le vingtime quatrain de la neuvime Centurie o non seulement la totalit des exgtes, mais les lecteurs les plus sceptiques ne peuvent pas ne pas prouver ltonnante impression que Nostradamus a rsum le drame de Varennes avec ses consquences tragiques, le voyage imprudent qui, prs de deux sicles et demi plus tard, devait conduire le dernier roi de droit divin et sa famille dans limpasse dun petit bourg dArgonne. Regarde le dbut de mon mmoire, j ai d citer le quatrain.

    En effet, il tait transcrit ds les premires lignes. Je lus :

    De nuict viendra par la forest de Reines,Deux pars vaultorte Herne la pierre blanche.Le moyne noir en gris dedans Varennes,Esleu cap cause tempeste, feu sang tranche.

    Je connaissais le quatrain. Nostradamus mavait intrigu plus dune fois, mais le livre mtait toujours tomb des mains.

    Il est un peu tard, cette nuit, dit M. Espopondie, pour que nous lisions mon mmoire, emporte-le.

    Jeus scrupule lire seul ces pages qui visiblement lui tenaient cur. Je mexcusai et dis que je prfrais rflchir dabord. M. Espopondie moffrit alors de me prter ldition commente quAnatole Le Pelletier procura en 1867. Mais ctait inutile. Je lavais chez moi, hrite dun grand-pre, et je navais frquent Nostra-

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  • damus que par elle. Elle reproduit avec soin, daprs lexemplaire composite de la Bibliothque nationale, la premire publication, celle de Pierre Rigaud (Centuries I-VII, Lyon, 1558 ? ; VIII-X, 1566), et donne en note les variantes de la seconde, corrige, dont Le Pelletier possdait un exemplaire, celle dun Benoist Rigaud dont on ignore le lien de parent avec Pierre (Lyon, 1568). Pour un grand nombre de quatrains, Le Pelletier donne aussi une paraphrase intelligible et des notes o sont utiliss, avec assurance et navet, les commentaires de ses nombreux prdcesseurs, mais surtout sa propre rudition et ses propres illuminations.

    Bon. Nest-ce pas demain que viennent nos amis ?

    M. Espopondie, retir du monde par ncessit aprs lavoir beaucoup got, faisait quelques exceptions sa solitude. Depuis que son mal stait aggrav, deux fois par semaine, il recevait, nous recevions ensemble deux jeunes hommes, trs intelligents tous deux mais bien diffrents, avec qui j avais vite sympathis. M. Espopondie disait que ces soires le faisaient penser au Phdon.

    Tu dchiffreras donc mon mmoire avec eux. Tu le leur liras. Tels que je les connais, ils discuteront utilement. Aprs, nous dciderons du sort de ces pages. Elles iront au feu ou celui dentre vous quelles paratront intresser le plus les emportera.

    Il tait prs de minuit quand je quittai M. Espopondie. Je le laissai calme et, me sembla-t-il, soulag comme peut ltre un roi le soir de son abdication. Je dormis moi-mme fort bien et, le lendemain matin, non

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  • sans peine, car il ntait pas en vidence, je trouvai mon Le Pelletier. En lisant son commentaire et ses notes, je me demandai ce que notre ami avait pu tirer dun tel texte. Oui, il tait question dun personnage, apparemment important, qui viendra de nuit dedans Varennes . Oui, le dernier vers annonce, par la faute dun esleu cap (sans point, 1566 ; avec point, 1568), de grandes violences, avec mme, pour finir, un tranche , un couperet qui faisait penser, aprs ce feu et ce sang, linvention humanitaire du sage Guillotin. Mais quel rapport avait tout le reste avec le drame de Varennes ? Quant aux gloses de Le Pelletier, si lune traduisait bien tranche , si une autre rappelait opportunment que, pour son voyage clandestin, le roi avait revtu un habit gris comme le personnage du quatrain, elles taient dans lensemble stupfiantes, le grec et le latin y servant au pire, non au meilleur. Je les copie :

    (vers a) forest de Reines : latin fores porte (il s'agirait donc d'une porte drobe, dans l'appartement de la reine, par o le couple royal est sorti secrtement des Tuileries).(vers b) deux pars : vieux mot part conjoint, poux .(vers h) vaultorte : roman; mot compos de vaulx

  • (vers b) pierre blanche : la reine, pierre prcieuse vtue de blanc.(vers c) moyne : grec monos seul, dlaiss . (vers c) noir : anagramme de roi, par aphrse, en retranchant le n.(vers d) esleu : roman, lu .(vers d) cap : apocope, Cap. pour Capet. Benoist Rigaud place, aprs Cap, un point abrviatif qui manque dans Pierre Rigaud.(vers d) esleu cap : Capet lu , c'est--dire la transformation de l'antique royaut absolue des Captiens en une monarchie lective ou constitutionnelle [...]

    Je retrouvais limpatience o mavait mis une prcdente lecture, quelques annes plus tt, devant ce grec et ce latin intempestifs, devant cet outillage prtentieux de mtaplasme, daphrse, dapocope, devant ce refus daccepter les mots les plus clairs, fort, moine, noir, dans leur sens ordinaire. Et la gographie, et lhistoire ! De Sainte-Menehould Varennes, le chemin nest ni tortueux, ni dtourn, ni de traverse. La monarchie constitutionnelle nest pas lective : jamais il ne sera question, ni en 1791, ni au moment de la fuite, ni plus tard, d lire un roi, cest--dire de choisir entre plusieurs possibles , comme en Pologne, comme dans le Saint Empire, comme la mort dun pape : le roi, devenu suspect, rtabli sans lection, a t simplement pri, en tant que reprsentant de la dynastie, de sengager respecter la constitution. Et ce Capet rduit cap avec ou sans point ! Je ne fus pas long, en feuilletant les Centuries, tomber sur un Cap de Byzance qui pouvait difficilement tre un Captien.

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  • Jtais donc curieux, en me rendant en fin daprs- midi chez M. Espopondie, de voir quel traitement il avait appliqu ces quatre lignes.

    Je ne parlerai pas longuement des interlocuteurs que je rencontrais chaque semaine. Il suffira de dire que M. de Momordy tait un jeune et brillant diplomate, frais moulu du Grand Concours, qui attendait alors une affectation dans le Proche-Orient, et que Charles Leslucas, peine moins g que lui avec ses vingt-deux ans, avait t mon conscrit lcole Normale Suprieure et quil amorait une carrire darchologue : lui aussi sintressait la Mditerrane orientale, mais dans le pass.

    Ds que nous fmes runis, M. Espopondie les mit au courant de notre dcouverte, puis je commenai la lecture du mmoire de 1902. Ce fut facile : notre ami avait toujours eu lcriture lgante et claire que nous connaissions. Voici ce que nous entendmes.

  • II

    Avant tout, au risque de paratre forcer une premire porte largement ouverte, je dois analyser Vimpression que, aprs tant de lecteurs, j'prouve moi-mme, m/ existe un rapport j'emploie dessein le mot le plus vague entre ce qu'nonce le quatrain et ce qu'on appelle communment le drame de Varennes .

    Premier point. Aucune ville, aucun village de France nomm Varennes n'a jou de rle dans notre histoire, sauf pendant une seule nuit de 1791, la bourgade de Varennes-en-Argonne, jusqu 'alors si obscure que, lorsque la nouvelle de l'arrestation du roi parvint l'Assemble, le plus grand nombre des dputs en ignoraient le nom.

    Second point. L'action voque par les trois premiers vers du quatrain est en soi insignifiante, mais, dans cette insignifiance mme, prcise. Elle correspond bien, par son contenu et par ses limites, au bref vnement de 1791. Quelle est cette action ?

    Grammaticalement, en dpit d'une ponctuation la fois arbitraire et mcanique comme il est frquent dans les Centuries, le second vers forme une parenthse et la

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  • phrase principale dans laquelle il est pos comme un corps tranger est constitue par le vers a, qui contient un verbe sans sujet, et le vers c, qui contient un sujet sans verbe. Mis bout bout, ces deux tronons donnent ceci : (( Un certain personnage (dsign par la priphrase nigmatique le moine noir '), vtu de gris, viendra de nuit dans Varennes, apres tre pass par une certaine fort (nigmatiquement nomme la fort de Reines). L'action se rduit donc venir dedans Varennes en conclusion d'un voyage. Telle est justement la seule action du roi, son seul rapport avec Varennes, pendant cette nuit qui lui sera fatale : il ne fa it pas son a entre dans la ville, ni en souverain ni en conqurant, comme d'autres personnages dont parlent les quatrains en employant justement le verbe entrer . Il y vient simplement parce que Varennes est un relais sur son itinraire imprudemment modifi, un relais qu'il compte dpasser sans encombre comme il a fa it tous les autres. Or, Varennes, en tat d'alerte, est une impasse. Le roi peut (( venir dedans , mais comme un gibier vient dans un pige, (( venir dedans , mais non pas en ressortir autrement que pour tre ramen de force son point de

    Deux prcisions accentuent cette impression de ressemblance : l'action se fa it de nuit et le personnage est en gris . Or la famille royale, qui avait quitt Paris dans la nuit du 20 au 21 juin, s'est bien prsente au relais de Varennes la nuit suivante, exactement dix heures trois quarts, et les tmoignages s'accordent dire que le dguisement du roi consistait bien en un habit gris et une perruque commune, comme d'ailleurs la reine

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  • portait une robe de soie grise et un chapeau gris. Mais ces deux concordances n 5ont pas le mme poids. Dans les Centuries une vingtaine d'vnements au moins ont lieu de nuit , ce qui est naturel puisque les heures nocturnes conviennent aux violences dont elles sont remplies ; en outre l'indication De nuit est place, comme ici, au dbut d'un vers, une dizaine de fois, dont quatre au dbut du quatrain ; si donc Nostradamus a forg l'vnement, cette indication, familire sa plume, a pu lui venir l'esprit aisment et n'a pu que lui plaire, puisqu'elle situe la scne dans un dcor plus romanesque, pour ne pas dire romantique ; en sorte que cette correspondance ne vaut que ngativement, en ce sens qu'un dsaccord sur ce point et dispens de continuer l'enqute. Au contraire, l'habit gris que Louis XVI partage, si j ose dire, avec le ((moine no ir a d'autant plus d'intrt que la note gris , rapproche comme elle est de noir , dmentant noir en quelque sorte, se veut certainement significative.

    Troisime point, et le plus important : le rapport du quatrime vers aux trois premiers. Ce venir dedans Varennes est apparemment anodin, comme Louis XVI, au moins dans les premiers instants, a pu penser que l'arrive de sa berline en ce lieu tait sans danger. Mais, comme l'arrive de Louis XVI, le venir du moine noir est suivi d'vnements terribles qu'numre aussitt le vers encore disponible, comme pour suggrer qu'ils en sont la consquence. Ce vers, grammaticalement correct, est immdiatement clair pour le lecteur de notre sicle, sauf dans ses deux premiers mots : un certain agent appel ((lu cap(.) provoque une tempte videm

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  • ment, d'aprs ce qui suit, politique, non mtorologique , at>ec des incendies, du sang vers et, tombant la dernire syllabe du vers, le couperet, puisque le tranche est proprement un ciseau d'acier tremp avec lequel on frappe pour couper le fer, chaud ou froid. Ces quatre mots donnent un bon raccourci de ce qui se passera dans les dix-neuf mois qui suivront les quelques heures de l'affaire de Varennes. Ils sont d'ailleurs conformes un type d'numration frquent dans les Centuries, notamment quand l'auteur veut manifester divers aspects ou moments d'une calamit publique, et, dans ces listes, feu et sang se trouvent plusieurs fois associs, mais c'est seulement ici qu'apparat le mot le plus original, tranche .

    Quel est donc l' esleu cap(.) qui sera la cause de ces violences ? L'examen du vocabulaire de Nostradamus, parfois trange mais constant dans ses choix, permet de rpondre.

    Esleu et il en est de mme pour lection , lecteur signifie dans les Centuries, et signifie seulement, ce que nous entendons techniquement, politiquement, par ce mot : choisi comme chef, laque ou religieux, par des lecteurs, parmi des candidats. Il y a une bonne vingtaine d'exemples, tels que :

    III 41 a : Bossu sera esleu par le conseil.55 b : Le jour aprs sera esleu Pontife.IV 47 c : esleu du peuple.V 56 a-b : Par le trespas du trs-vieillard PontifeSera esleu Romain de bon aage.

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  • Quant au substantif cap(.) , il n'y en a que trois autres exemples, si j 'a i bien compt, dans toutes les Centuries, dont deux appartiennent comme celui-ci la neuvime. Dans les trois cas, le sens est assur : (( chef :

    En IX 30 c, un certain cap de Bisance crie hlas par les rues, puis semble recevoir secours de Gaddes . C'est videmment, quant la fonction, le mme personnage, sans doute le sultan ottoman, qui est dsign en IV 38 b comme chef BisantfinJ captif en Samothrace et dont il est dit en X 62 c-d : Chef Bisantin, Sallon de Sclavonie, / A loy d'Arabes les viendra convertir. Ce titre rappelle V III39 a-c o il est question, en trois vers, de : prince Bizantin, prince de Tholouses, chef Tholen- tin.

    Selon IX 64 d, un envahisseur passera les Pyrnes, occupera Narbonne sans rsistance et, Par mer et terre fera si grand mener / Cap. n'ayant terre seure pour demeurance : ce malheureux cap. aura moins de chance que le chef dont il est dit, en I 98 d, Le chef fuyant sauv en marine grange .

    VII 37 est un quatrain inextricable traitant d'un vnement naval. Il contient deux fois chef (a et c) et une fois cap (d). Il est plus que probable que le chef de ne f menac en a est le mme que le cap qui suit le mot nefs en d et qui semble englouti dans la mer.

    Parmi les valeurs du mot chef , trs frquent dans les Centuries, celle qui domine de beaucoup est chef politique ou militaire : il n 'est pris que trs rarement au sens matriel de tte (ainsi VI 92 d). Mais, en politi

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  • que, il arrive qu'il dsigne abstraitement le plus haut poste d'un organisme politique, la suprme puissance. Ainsi :

    VI 70 a : Au chef du monde le grand Chyren sera.VIII 65 d : Il parviendra au chef de son empireVingt mois tiendra le rgne grand pouvoir.

    Ignorants comme nous sommes des modes de composition des Centuries, il serait vain de prtendre dcouvrir pourquoi, dans un petit nombre de vers, cap a t prfr chef . Une autre particularit, au contraire, se laisse comprendre. En IX 20 d, c'est--dire dans notre stance, et en IX 30 c (avec C majuscule parce que c'est le dbut du vers), l'dition de 1566, de Pierre Rigaud, crit cap sans point et l'dition de 1568, de Benoist Rigaud, ajoute le point indiquant une abrviation, cap. ; en IX 64 d (avec C majuscule en dbut de vers), les deux ditions crivent cap. , alors que, en V II37 d, ni l'une ni l'autre n'a de point. Sans doute l'auteur, ou l'diteur, ou le rviseur, ne se rfrant pas l'tymologie, sans penser par exemple au cap d'escouade qui valait encore caporal sous Franois Ier, a-t-il considr cap comme l'abrviation de capitaine , employ quelquefois aussi par Nostradamus au sens gnral de chef , une fois notamment dans la mme Centurie, 1X90 a (Un capitaine de la Grand Germanie), et deux fois dans la septime (9 a, 28 d).

    Conclusion : l' esleu cap de IX 20 d est soit le chef individuel, soit l'organe suprieur, le pouvoir, cr par lection. L'envahissante Lgislative, la Convention souve

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  • raine, ou tel de leurs membres (Robespierre est alors le meilleur candidat) correspondent cette dfinition. Le venir dedans Varennes du moine noir appelle, impose l auteur du quatrain non seulement l vocation d une sanglante rvolution, mais l affirmation que cette rvolution est cause par un pouvoir issu d lections: nous sommes ainsi renvoys, avec une prcision nouvelle, aux vnements qui ont rempli les derniers mois de la vie de Louis XVI. Il est improbable quune autre venue d un autre homme en gris dans un autre Varennes se soit jamais conforme la structure de cette vocation.

    Ces concordances, immdiatement sensibles, ne permettent pas de laisser leur mystre les groupes de mots qui, dans les trois premiers vers, forment nigme : il faut examiner si les circonstances de l vnement de 1791 ne dcouvrent pas le sens qu ils ne livrent pas eux-mmes au premier regard. Pourquoi le principal personnage est-il dissimul sous la priphrase le moine noir ? Qu est cette fort de Reines par laquelle il vient dedans Varennes et qui est un point de son itinraire assez important pour que, seul, il soit mentionn ? Enfin que signifie l indication dense, sans syntaxe apparente, que donne le second vers ?

    M. Espopondie minterrompit : Peut-tre mon mmoire na-t-il pas assez soulign

    la diffrence entre largumentation du dbut, que tu viens de lire, et celle qui va suivre. Jusqu prsent, nous navons considr que ce qui est crit non seulement en franais ordinaire, mais en clair, sans mystre ni mtaphore, et qui ne requiert donc pas de rflexion :

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  • il suffit daccepter les mots dans leur sens usuel pour comprendre. A partir de maintenant, nous aurons affaire aux deux lments de la grande phrase des vers a et c la fort de Reines et le moine noir qui, bien quils soient crits eux aussi dans le franais le plus ordinaire, bien quils aient une fonction sre et simple dans la grammaire de la phrase, sont volontairement nigmatiques, nnoncent pas mais suggrent ce quils ont dire, et pour lesquels il faut une cl. Or cette cl, si lon admet que lensemble est cohrent, ne peut tre que dans ce que nous avons dj acquis : la ressemblance qui vient dtre cerne et analyse entre les lments clairs des mmes vers et lvnement de juin 1791. De plus, la troisime question que mon mmoire, au moment o j ai interrompu ta lecture, a lair de joindre lexamen des deux premires comme si elle tait de mme ordre, est, en ralit, htrogne : la parenthse que constitue le second vers, non seulement nest claire ni dans ses lments ni dans leur ajustement, mais elle nest pas mme crite en langue ordinaire, dans un franais construit. Je reprendrai ce point quand nous en arriverons cette troisime question, ce second vers. Mais comprenons bien que nous devons dabord achever dlucider ce qui semble tre une phrase unitaire o le second vers nest quun hte parasitaire. Veux-tu poursuivre ?

    Je repris la lecture :Quelques rflexions sur ce qui s est pass, de Paris

    Varennes, entre l aube du 21 ju in 1791 et la nuit du 21 au 22 permettent de tout comprendre.

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  • La famille royale, qui a quitt les Tuileries par petits groupes dans la premire partie de la nuit du 20 au 21, s'est rassemble, au-del de la barrire Saint-Martin, dans la berline qui doit la conduire en Lorraine. Le comte sudois Axel de Fersen qui, dans le dvouement chevaleresque qu'il voue la reine, a tout organis, occupe le sige de cocher jusqu'au relais de Bondy, au bord de la clbre fort.

    Bondy, vers trois heures de la nuit, conformment au plan dont la partie dlicate semble heureusement termine, les occupants de la berline se sparent en deux groupes. D'une part, Fersen, cheval, sa/ri distance par son valet, tourne bride rers le nord-ouest, joais oblique vers le nord-est et ainsi, coupant toutes les valles, gagne Mons, erc Belgique, o i7 compte revoir trs vite ses protgs. D'autre pari, la famille royale continue sa route tout droit vers l'est : conduite dsormais par un gentilhomme franais, prcde et flanque de ses postillons, la berline atteint sans incident et traverse, entre midi et la soire, l'interminable paysage blanchtre de la Champagne crayeuse. Bondy se trouve ainsi tre, devant l'histoire, plutt que le premier relais, le vritable point de dpart de l'aventure.

    Bien qu 'il ne faille pas reconstituer, arec des si et des conditionnels, aae histoire qui n'a pas eu lieu9 on peut conjecturer que cette sparation, Bondy, oafre la peine qu 'elle n 'a pas pu manquer de causer la reine, a contribu aussi l'chec de l'entreprise: les dangers, qu'on croyait carts parce qu'on avait pu sortir de Paris, attendaient la berline Sainte-Menehould, en la personne du jeune Drouet, le fils du matre de poste. Or le

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  • Sudois, s'il avait tenu les rnes jusqu'au bout, n'aurait pas facilement accept de faire la fausse manuvre que le roi imposera son remplaant, n'aurait sans doute pas modifi l'itinraire qu'il avait tudi avec soin et n'aurait pas, au lieu de gagner Verdun, jet la berline dans l'impasse de Varennes.

    L'histoire a d'tranges rappels. Plus de mille ans auparavant, c'est en ces mmes lieux, au cours d'une partie de chasse travers la mme fort de Bondy, qu 'un des derniers Mrovingiens, Childric II, avait t assassin par des vassaux conjurs et, avec lui, sa femme, la reine Blitilde (ou Bilichilde.^) Son crime tait d'avoir tent de reprendre le pouvoir usurp par les Maires du Palais. Dernier et vain effort : apres ce double meurtre, la premire race n'allait pas tarder s'effacer devant la deuxime, celle des Carolingiens. En cette nuit de 1791, la reine captienne, me de la rsistance royale et royaliste, n 'a pas le loisir de penser au destin de Blitilde et des Mrovingiens. Elle ne peut prvoir non plus, dans cette halte de Bondy, que, quelques mois plus tard, le roi et elle-mme termineront sous le couperet l'aventure o son ami Fersen l'a engage, elle et sa famille, dans l'espoir de relever la puissance royale de plus en plus ravale par les assembles et les factions. Mais telle fu t l'histoire.

    Le voyage tourne court la nuit suivante. Une heure avant minuit, la berline entre dans Varennes. Annonc par Drouet, le roi est vite identifi, gard vue, contraint au retour. L'anne suivante, la Convention la premire assemble lue par le peuple souverain en vertu de la nouvelle Constitution abolira la royaut, tolrera, puis organisera la violence : les canons dans la cour du

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  • Louvre, le massacre des gardes-Suisses, puis tous les degrs de la terreur. La famille royale attendra son destin au Temple dans le couvent-forteresse qui avait d'abord abrit les moines soldats porteurs de la robe blanche croix rouge et que Philippe le Bel, apres le procs et les bchers des Templiers, avait transfr l'ordre jumeau, aux moines-soldats porteurs de la robe noire croix blanche, les Hospitaliers de Saint-Jean de Jrusalem. Pour finir, le 21 janvier 1793, le couperet s'abattra sur le pensionnaire du Temple. La reine aura encore neuf mois vivre.

    Les mots et les groupes de mots que j'a i souligns dans le texte donnent rponse aux questions en suspens.

    1. En dsignant le fu g itif par la priphrase le moine noir , le quatrain annonce, anticipe la fin de l'aventure en cours, projette la consquence dans la cause, la captivit au Temple dans l'chec de Varennes : dchu, et jusqu' son jugement, c'est au Temple que rsidera bientt Louis XVI, hritier drisoire des moines-soldats robe noire.

    Le rapprochement de noir et de gris au troisime vers est videmment intentionnel. L'habit choisi par le roi pour sa fuite tait gris, mais, en voquant en outre son emprisonnement prochain par la couleur de la robe des occupants normaux du Temple, en jetant ainsi sur les paules du roi un second vtement non moins tranger sa fonction, le quatrain impose presque en clair l'image, la notion mme de dguisement, tourne au tragique la mascarade inefficace de 1791 : Louis XVI n 'est plus le pauvre homme du Louvre, il est dj le martyr que dissimule l'habit gris de la berline.

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  • 2 . S i c 'e s t l 'a v e n ir p r o c h e q u i j u s t i f i e q u e le r o i s o i t , s i l'on p e u t d i r e , o n o m a s t iq u e m e n t d g u is en m o in e n o ir , c 'e s t le p a s s , c 'e s t u n e r m in is c e n c e p l u s q u e m ill n a ir e , a s s o c i e h l ' v n e m e n t en c o u rs , q u i v a u t la f o r t d e B o n d y d ' t r e a p p e l e la f o r t d e R e in e s : le s o r t d e la r e in e m r o v in g ie n n e , a c h e v e s u r p la c e , a p r f ig u r c e lu i q u i a t t e n d , a v e c un p e u p l u s d e f o r m a l i t s , la r e in e c a p t ie n n e . R e in e s ... : ce p l u r i e l e s t lo u r d d 'u n e h a r m o n ie d e l 'h is to ir e . A in s i e n c a d r e p a r d e u x a l lu s io n s a u x d e s t in s s y m tr iq u e s d e s d e u x d y n a s t i e s B o n d y , le T e m p le la v e n u e d e d a n s V a re n n e s r e o it u n e p r o f o n d e u r d e f a t a l i t q u i la s a u v e d u m d io c r e e t l 'o f fr e E s c h y le , S h a k e s p e a r e .

    E n o u tre , s i c 'e s t b ien d u ro i, du p o u v o ir r o y a l q u 'il s 'a g i t a v a n t to u t, s i, en con squ en ce , c 'e s t b ien le ro i q u i v ie n d r a d e d a n s V aren n es , sa f a m i l le ta n t en q u e lq u e so r te su b su m e sou s sa p r im a u t , l'a llu s io n f a i t e la

    f o r t d e R e in e s , d e s le p r e m ie r ve rs , n 'en re p la c e p a s m o in s M a r ie -A n to in e tte d a n s son v r a i r le : p lu s n e r g iqu e e t p lu s in te ll ig e n te q u e son m a r i, a p p u y e su r le d v o u e m e n t p e r s o n n e l qu 'elle in s p ir e F ersen , e lle a t , b ien qu e le q u a tr a in n e la n o m m e m m e p a s , l ' in s p ir a tr ic e d e ce t u lt im e effort d e r e s ta u r a tio n d u p o u v o ir ro y a l. L 'v o ca tio n d e la p r e m i r e re in e d e B o n d y au m o m e n t o e lle -m m e v a r e jo in d re son fa n t m e , j o u e en so m m e d a n s le q u a tr a in le m m e r le q u e l' to n n a n t f m in in q u i

    f lo t t e , sa n s a u to r isa tio n g r a m m a tic a le , la f in d u Cantique de saint Jean. E n f a i s a n t d ir e au p r o p h te d c a p i t :

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  • Illum ine au m m e B aptm e qu i m 'lu t,Penche un sa lu t,

    M a lla rm f a i t e n te n d re q u e le p e r s o n n a g e p r in c ip a l d e son d r a m e n e s t p a s le B a p t is te , m a is ce lle q u i l ne n o m m e m m e p a s , H r o d ia d e , la m e u r tr i re in s a t is fa i te d a n s sa c ru a u t e t v u ln ra b le la g r c e . T o u t se p a s s e com m e s i le s d e u x p o te s , d iv e r s e m e n t m a is g a le m e n t tou ch s d e p r c io s i t , in s in u a ie n t p a r une s in g u la r i t d a p p a re n c e v a in e l e s s e n tie l q u ils ne p e u v e n t ou n e v e u le n t p a s r e n d r e m a n ife s te .

    M. Espopondie me fit signe de suspendre ma lecture :

    Excuse-moi de tinterrompre, mais je veux rpter, souligner mieux que ne fait mon vieux mmoire, que ce qui nous reste entreprendre, lexgse du dernier morceau obscur du quatrain, le deuxime vers, va se faire dans des conditions nouvelles : aprs des lments de syntaxe correcte et de sens clair, aprs dautres, de syntaxe correcte aussi, mais rdigs en forme dnigmes, nous allons nous trouver devant une srie dlments dont aucun, sauf un, ne parat nigmatique, cest--dire dont chacun parat signifier une chose simple dans le franais ordinaire de lpoque, mais qui chappent toute construction grammaticale. La complexit de la serrure de ce dernier rduit se trouve ainsi augmente. Mais notre trousseau de clefs sest aussi enrichi. Veux-tu poursuivre ?

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  • Je repris la lecture.3 . C es r e m a rq u e s ju s t i f i e n t l im p o r ta n c e q u e le q u a

    tra in d o n n e la f o r t d e R e in e s e t, t r a v e r s e lle , ce q u i s e s t p a s s ce j o u r - l B o n d y : la s p a r a tio n d e F er- sen e t d e la f a m i l le r o y a le q u i, en m m e te m p s q u e lle p r i v a i t le s v o y a g e u r s d e le u r m e ille u r , d e le u r seu l con seil, n a p u qu e b le s se r p r o fo n d m e n t la r e in e . O r il

    f a u t b ien qu e q u e lq u e ch ose e n re g is tr e , s ig n a le d a n s le q u a tra in en q u o i c o n s is te c e tte im p o r ta n c e d e B o n d y , q u i n e s t p a s s im p le m e n t d e n a tu re g o g ra p h iq u e e t h is to r iqu e, m a is s e n tim e n ta le e t d r a m a tiq u e . Q ue se ra ce q u e lqu e ch ose , s in on la p a r e n th s e , le sec o n d v e rs qu i, com m e en g n r a l les p a r e n th e s e s , ne p e u t qu tr e a p p e l , so r te d e g lo se , p a r le s m o ts q u i le p r c d e n t im m d ia te m e n t : ... p a r la f o r t d e R e in e s , in s in u e l a u te u r , e t vo ic i p o u rq u o i, se u l d e n tre le s r e la is d u v o y a g e , j e r e tie n s c e lu i-c i.

    L e v e rs e s t c r it d a n s le la n g a g e e l l ip tiq u e l e x tr m e , sa n s s y n ta x e , sa n s lia iso n s , q u e m p lo ie n t so u v e n t les Centuries. I l e s t c o n s titu p a r q u a tre tou ch es, q u a tre e x p r e s s io n s a b so lu e s q u i p e u v e n t v a lo ir ch a cu n e une p h r a s e , j e t e s su c c e ss iv e m e n t s u r le p a p i e r : (a ) d e u x p a r t s , (b ) v a u lto r te , (c ) H e rn e , (d ) l a p ie r r e b lan ch e , O r la p r e m i r e e t la d e rn i re ne n ou s tro u v e n t p a s d m u n is .

    (a ) L v n e m e n t d e la f o r t d e R e in e s , la b ip a r t i tion d u g ro u p e in i t ia le m e n t u n ita ir e d e s v o y a g e u rs , a p r c is m e n t p o u r r s u lta t d e f o r m e r sa p la c e d e u x g ro u p e s u lt r ie u r s , d e u x p a r t s . L e x p re s s io n e s t ju s t e , car, d a n s la la n g u e d e N o s tr a d a m u s , q u i n e m p lo ie n i

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  • (( p a r t i e , n i p a r t i , le m o t s im p le p a r t d s ig n e so u ven t d e s g ro u p e s h u m a in s r s u lta n t d 'u n e u n it ro m p u e .

    ( d ) L a p i e r r e b lan ch e p o u r r a i t tr e un l ie u - d i t : e lle ne l 'e s t p a s . M a is n ou s c o n n a isso n s l ' i t in r a ir e d e la b e r lin e aprs la b ip a r tit io n d e s e s o cc u p a n ts : b ie n t t, e t p e n d a n t d e s h eu res , ju s q u 'a u x a p p ro c h e s d e l'A rg o n n e , la f a m i l le r o y a le a m p u t e , s i l'on p e u t d ir e , d e F ersen , n 'a u ra c o n te m p le r , d r o i te co m m e g a u ch e , q u e la b la n c h e u r d u so l, la m o n o to n ie c ra y e u se d e la C h a m p a - gn e:

    A d fa u t d e l 'a r tic u la tio n g r a m m a tic a le re fu se , le r a p p ro c h e m e n t d e ces d e u x c o n s ta ta tio n s su g g re p o u r le v e rs e n tie r , l 'e x c e p tio n d e H e rn e , un e n c h a n e m e n t lo g iq u e : (a ) d e u x p a r t s (se f o r m e n t) , (b ) ( l'u n e d f in ie co m m e) v a u lto r te , ( d ) ( l 'a u tr e c a ra c t r is e ou s y m b o lis e p a r le p a y s a g e d o m in a n t d e son v o y a g e ) , la p ie r r e b la n ch e . E t c e tte s tr u c tu r e s y m tr iq u e su g g re son to u r qu e l ' a d je c t i f (ou p a r t i c ip e ) v a u lto r te , q u il i b ra n t (( la p ie r r e b lan ch e , d o n n e u ne in d ic a tio n d e m m e o rd re , c 'e s t- - d ir e e s t un s ig n a le m e n t d e l ' i t in ra ir e qu e v a su iv re la p r e m i r e p a r t , ce lle q u i s 'e s t, B o n d y , d ta c h e d e la f a m i l le ro y a le : F ersen lu i-m m e . E t en effet, ce co m p o s d 'u n ty p e connu e s t a p te r e m p lir c e tte fo n c tio n e t ne sem b le p a s p o u v o ir en r e m p lir d 'a u tr e :

    (( V a u lto r te e s t au f m in in e t a u s in g u lie r . I l s 'a t ta c h e don c d ir e c te m e n t la p r e m i r e p a r t , la seu le en core d isp o n ib le , d d u i te d u p lu r ie l , ou p lu t t d u d u e l q u i p r c d e (h m o in s qu e ce ne s o it d ir e c te m e n t la ro u te qu e s u iv ra c e tte p a r t ), p u is q u e l'e x is te n c e m m e d e s d e u x

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  • (( p a r t s 'a d e sen s qu e p a r le s d ir e c tio n s d iv e r g e n te s q u 'e lle s v o n t p r e n d r e .

    L e m o t e s t co m p o s d e vaul(x) e t d u f m in in torte, bien a t te s t en v ie u x f r a n a is c t d e torse. Ce p a r t i c ip e se r fr le p lu s so u v e n t la to rs io n en s p ir a le e t d o n c a u x tro is d im e n s io n s d e l'e sp a c e (d u f i l to r s , la C olonn e to rse , (( A la in B a r b e -T o r te ). I c i, i l n e jo u e q u e s u r les d e u x d im en sio n s d e la surface te r re s tre , d e la ca r te rou tire e t, s 'a g issa n t d 'un itin ra ire , il d o it tre o rien t ve rs le tou rn an t p lu t t que vers la torsion : tort(e) d o it q u iva lo ir son d ou b le t b a rbare , un d e ces a ffreu x p a r tic ip e s du b a s-la tin en -utus, tortu(e), qu e le v ieu x L arou sse d fin it a in s i : q u i se d v ie en p a r t ie d e la d irection rec tilig n e ou d e sa d irec tion n a tu re lle e t que N o s tra d a m u s lu i-m m e em plo ie en ce sen s (V 75 d ) , a p p e la n t baston to rtu so it la crosse d e s vqu es, so it p lu t t , j e cro is, le lituus recourb d es au gu res rom ains. R eporton s-n ou s la b ip a r titio n d e B on dy , l'aube du 2 1 ju in . A lo rs que la fa m il le ro ya le continue son chem in en lign e p e u p r s d ro ite vers l'e s t, d a n s le p ro lo n g e m e n t d e celu i qu 'elle a d j p a rco u ru d ep u is P a r is , F ersen am orce le g r a n d m o u vem en t tou rn an t q u i le con du ira ju s q u ' M on s ; p lu s que to u rn an t m m e , un bon q u a rt d e tou r d a n s sa p re m i r e ta p e : reven a n t en a rr i re , m a is ne vou lan t p a s se m o n tre r P a r is , le ca va lie r contourne la v ille e t g a lo p e vers le n ord -ou est ju sq u 'a u B ou rge t, o il re jo in t la rou te d e V alenciennes q u i le ror ien te vers le n ord-est.

    Q u a n t vaul(x), i l n 'y a p a s d e ra iso n d e lu i r e t ir e r son sen s le p lu s p r c is . A lo rs qu e la f a m i l le r o y a le , en q u it ta n t B o n d y , rem o n te la v a ll e d e la M a rn e , c 'e s t en p a s s a n t d e v a ll e en v a ll e qu e le to u rn a n t c o n d u it

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  • F ersen ju s q u 'en B e lg iq u e : c ro isa n t su c c e ss iv e m e n t les b a ss in s d e V O ise , d e la S o m m e , d e la S a m b re , i l a t te in t S e n lis h u it h e u re s , m id i C o m p g n e , d e u x h eu res N o y o n , q u a tr e h eu res H a m , a v a n t s ix h eu res S a in t- Q u en tin ; d e l , p a r une tr a v e r s e , i7 g a g n e le C a te a u , p a s s e L a n d re c ie s d e n u it , r e la ie au Q u esn oy , v ite V a len c ien n es , g a rn iso n o il p o u r r a i t tr e recon n u , e sor de F ra n ce B a v a y , q u e lq u e s lie u e s d e M ons.

    E n fin V a sso c ia tio n d e s d e u x m o ts d a n s vaul(x)-torte a p p a r t ie n t un t y p e d e co n s tru c tio n lib re qu e N o s tr a d a - m u s e m p lo ie v o lo n tie r s , g n ra le m e n t d 'a ille u r s en d e u x m o ts : un s u b s ta n t i f p r p o s d o n n e une in d ic a tio n c ir co n s ta n c ie lle ( te m p s , lieu , m o y e n .,.) p o r ta n t s u r un p a r t i c ip e e t p a r f o is un in f in i t i f A in s i, en r e g a r d d e la co n stru c tio n a n a ly t iq u e , e x p l ic i te , qu 'on a p a r e x e m p le d a n s :

    IV 9 b : sera blesse aux cuisses,VII 2 0 c : de sang ch appelle teincte,VIII 5 9 d : par m er chass, etc.,

    on l i t :VI 3 6 d : R o y nuict bless ( = bless pendant la

    n uit),X 3 0 c : Cap de Bisance rues crier helas ( = crier

    hlas travers les rues),I X 1 0 0 a : N a v a lle p u g n e n u it se ra su p re

    (= gagne de n u it),X 4 9 d : B euvant p a r fo rc e eaux souphre envenim es

    ( em poisonnes avec du soufre).On tro u v e m m e c e tte c o n stru c tio n a ve c un m o t in te r

    ca l :I II 2 9 b : terre p e re s tom bez ( = leurs p re s tom bs

    terre).

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  • Ou en core in v e rs e :I I I 10 d : Le g ra n d , m en croc en fe r re e cage ( = m en par un crochet).

    Vaultorte, q u i s ' c r ir a it a u s s i b ien vaulx torte, s ig n if ie d e m m e reco u rb e travers le s v a ll e s . L e M o ye n A g e f in is s a n t p r a t iq u a i t ce g e n re d e c o m p o ss , d o n t p l u s ie u rs so n t en core d a n s n o tre la n g u e : se mor-fondre d a te d u XIIe s i c le , ver-moulu d u XIIIe, sau-poudr d u XIVe, boule-vers d u XVe. Vaulx-torte : te l le ta i t b ien la ro u te p r v u e e t s u iv ie p a r F e rse n , e t d 'a b o r d l 'a n g le , le c ro ch e t qu e d e s s in e n t su r la c a r te B o n d y , L e B o u rg e t e t la ro u te d e V a len cien n es.

    Devinant que M. Espopondie avait quelque chose ajouter cette nouvelle articulation de sa glose, je marrtai.

    Nous sommes presque au bout de nos peines, dit- il. Mais tu as raison de faire halte. Ce qui reste est la fois le plus difficile et le moins important. Jaurais pu dire dj cela, un moindre degr, de la dmarche prcdente : le sens du second vers (dmarche C) a t acquis logiquement, mais plus laborieusement que la solution des deux nigmes fort de Reines et moine noir (dmarche B), et cette solution elle-mme, quoique simple, a t moins immdiate que le dgagement des premires vidences, depuis longtemps reconnues : de nuit , en gris , viendra dedans Varennes , et tout le quatrime vers (dmarche A). Nous sommes alls, en somme, comme il convient, du clair au moins clair, puis lobscur. Je continue croire que lensem

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  • ble (A, B, C) de linterprtation est probable, mais limportance des rsultats sest amenuise en mme temps que sest accrue la complexit des oprations. Si vous nacceptez pas mon analyse du second vers (C), il restera mystrieux, mais ne constituera pas une objection aux rsultats des premires dmarches (A et B), puisque aucune autre explication acceptable na t propose depuis prs de quatre sicles, et la partie lisible du quatrain restera assez considrable, avec le futur captif du Temple habill de gris, pntrant de nuit dans Varennes aprs avoir travers la fort fatale aux reines, puis avec le pouvoir, cr par des lections, dclenchant les violences qui aboutiront au couperet. Passons maintenant la dmarche D, cet trange mot Herne , en nous disant que, si nous narrivons pas le mettre dans une lumire plausible, lui non plus ne ruinera pas lexgse du reste du second vers, plus forte raison celle des trois autres.

    Je repris ma lecture :Un m o t g a r d e son m y s t r e . E n F ra n ce d u m o in s ,

    H e rn e n 9e s t s ig n a l n i co m m e n om d e p e r s o n n e , n i com m e n om d e lieu . C o m m e i l n e s t p a s non p l u s un (( n om com m u n , n ou s ne d is p o s o n s , p o u r l a b o r d e r , qu e d e tro is vo ie s : sa p o s i t io n d a n s le v e rs ; ce qu e n ou s sa v o n s d e la m a n i re d o n t c e r ta in s n o m s p r o p r e s so n t t r a i t s d a n s le s Centuries ; enfin la s tru c tu re d u m o t, d e s le t tr e s e t d e s s y l la b e s d e ce t hapax. E s t-c e su ffisa n t p o u r co n s tru ire u ne d m o n s tra tio n ? N o n . O u i p e u t - t r e p o u r b a u ch er u ne p r o p o s i t io n p la u s ib le . S i l a r r iv e , d a n s ce q u i s u i t , q u e le s ve rb es so ie n t au m o d e a ff irm a tif , ce se ra

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  • s im p le m e n t p o u r a ll g e r le s t y l e : le m o d e h y p o th tiq u e e s t se u l d e m ise .

    R f le x io n p r l im in a i r e : le m o t e s t in u t i le , l 'e n c h a - n e m e n t lo g iq u e d u v e r s ta n t c o m p le t s a n s lu i. I l n 'y a q u e d e u x p a r t s ( a ) , e t le u r s d e u x i t in r a i r e s d i v e r g e n ts , p r e s q u e o p p o s s a u d b u t , s o n t s u f f is a m m e n t in d iq u s ( ( b ) e t ( c ) ) . H e r n e n 'e s t d o n c p a s h o m o g n e c e s d e u x in d ic a t io n s , m a is f o r m e lu i s e u l u n e s o r te d e p a r e n th s e d a n s la p a r e n th s e . C o m m e v a u l- to r te e t la p i e r r e b la n c h e c o n c e rn e n t le s lieux d e s d e u x p a r t s , c 'e s t d u c t d e s personnes q u i a g is s e n t en ce s l ie u x q u 'i l f a u t c h e r c h e r le s e n s d e ce m o t m a ju sc u le .

    L a p o s i t io n . Ce m o t, en a p p a re n c e in u tile , n 'est p a s p la c a v a n t le s d e u x in d ic a tio n s d ' i t in r a ir e s , n i a p r s , m a is e n tre e lle s . I l le s s p a re . I l fo n c tio n n e d o n c com m e un p o te a u in d ic a te u r u ne b ifu rca tio n e t la s tru c tu re

    lo g iq u e d u v e rs p e u t se r su m e r en q u e lq u e s s ig n e s :

    N(( deu x itin ra ires : H erne E

    L e s p r o c d s d e N o s tr a d a m u s . S i la p lu p a r t d e s n om s p r o p r e s on t, d a n s le s q u a tra in s , le u r f o r m e o r d in a ire , d 'a u tr e s so n t a lt r s . I l y a d 'a b o r d le s a m p u ta tio n s im p o s e s p a r la p r o s o d ie (Carpen p o u r C a rp e n - tr a s en V 7 6 c, e tc .) ou a b r v ia tio n s , p a r f o is tr s f o r te s (Orl. Roan p o u r O rla n s , R ou en en I V 6 1 d, e tc .) . M a is il y a a u s s i d e s tr a n s fo rm a tio n s d o n t le s ra iso n s n ous c h a p p e n t e t q u i so n t d e t y p e s tr s d iv e r s : l 'e x a c te in v ers io n (Eiovasp o u r S a v o ie ) , l'ch a n g e d e d e u x l e t tr e s (Hapis p o u r P a r is , Argel p o u r A lg e r , Loin

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  • p o u r L y o n ), a ille u r s d e v r a is b o u le v e rse m e n ts (Nersaf p o u r a F ra n c e , Norlaris p o u r L o rra in e ). U n d e s ca s le s p l u s r e m a r q u a b le s e s t Chiren (Chyren) p o u r H e n r i ( H e n r y , p r o p r e m e n t H e n r ic ) : la d e r n i re e t la p r e m i r e le t tr e so n t, en t te d u m o t, a sso c ie s d a n s le ch d u f r a n a is ; p u i s v ie n t , in v e r s , le r e s te d e la d e rn i re s y l la b e f ir ou y r ) e t, p o u r f i n i r , non in v e rs , le re s te d e la p r e m i r e (e n ) . L a seu le con clu sion t i r e r d e ce p e t i t d o s s ie r e s t qu e F a u te u r d e s Centuries se recon n a is s a i t to u s le s d r o i ts p o u r n o m m e r sa n s n o m m e r p a y s , v i l le s e t p e r s o n n a g e s e t q u e Herne p e u t tr e en core une fa b r ic a t io n d 'u n a u tre ty p e .

    E nfin , la s tru c tu re d u m o t. H e rn e c o n tie n t to u te s le s le t tr e s co m m u n es a u x d e u x n o m s Fersen e t Reine e t, V ex ce p tio n d u h m u e t in it ia l , n e c o n tie n t q u 'e lle s . D e p lu s , d a n s la p r e m i r e s y lla b e , ce lle q u i tou ch e v a u l- to r te , l 'o rd re d e s le t tr e s e s t ce lu i q u 'e lle s o n t d a n s (F)er(sen), d a n s la seco n d e , ce lle q u i tou ch e la p ie r r e b la n c h e , l 'o rd re q u 'e lle s o n t d a n s (Rei)ne. A in s i a n a ly s , H e rn e la f o i s ra p p ro c h e e t o p p o se b ien les (( d e u x p a r t s en le s c a r a c t r is a n t ch acu n e p a r le p e r s o n n a g e q u i y e s t, non p a s p o l i t iq u e m e n t, m a is s e n tim e n ta le m en t, le p r in c ip a l , F ersen e t son d o m e s tiq u e se to u rn a n t v e rs L e B o u rg e t e t la B e lg iq u e , la re in e e t sa f a m i l l e ro u la n t v e rs le s b la n c h e u rs ch a m p en o ises .

    T o u t l'h eu re , C h ld r ic e t B li t i ld e , f a n t m e s d e la f o r t d e B o n d y , co n fia ien t E sc h y le le s m a lh e u rs d u d e r n ie r co u p le r o y a l d 'a v a n t la R vo lu tio n . C 'e s t m a in te n a n t n o tre R a c in e qu e ce m o n o g ra m m e confie la re in e e t son c h e v a lie r s e rv a n t. L e m o t f a b r iq u H e rn e f a i t p l u s qu e le s u n ir, i l le s so u d e la m in u te m m e o un c h e v a l e t

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  • une b er lin e le s s p a r e n t . L a scn e e s t a d m ir a b le . L e s p o s tillon s,y en s e lle , a t te n d e n t le s ig n a l. F ersen s ' lo ig n e d e l'n o rm e v o itu re e t sa lu e M a r ie -A n to in e tte :

    A d ie u , M a d a m e K o r f f !C ' ta it le n om qu e p o r t a i t le p a s s e p o r t d e la r e in e , le

    nom d 'u n e b a ro n n e ru sse a m ie d u S u d o is . I ls n e se re v e rro n t qu 'u n e f o i s , s e p t m o is p lu s ta r d , tro is so ir s d e s u ite , d a n s u ne v is i te a u d a c ie u se q u e F ersen p o u r r a f a i r e a u x T u ile r ie s e t d o n t son jo u r n a l p o r te m en tio n . P u is les v n e m e n ts se p r c ip i te r o n t . A la d a te d u 1 3 a o t 1 7 9 2 , le jo u r n a l f o r m u le r a le m e il le u r c o m m e n ta ire au d e r n ie r v e rs d u q u a tr a in d e N o s tr a d a m u s , lu ca p ca u se te m pte^ f e u , s a n g , tra n c h e :

    N ouvelles terrib les de P aris. Le je u d i m a tin , le chteau assa illi, le ro i e t la reine sauvs dans Assem ble. A une heure, on se b a tta it encore dans les cours e t le C arrousel. Le san g ru isse la it, beaucoup de tus e t de p en d u s , le chteau fo rc p a r to u t, h uit p ices de canon braques contre e t tira ien t. R om ain villiers tu , D a jfy aussi ; une

    fu m e paisse fa is a i t croire q u on a va it m is le fe u au chteau. M on D ieu , quelle horreu r !

    L o n g te m p s en co re , d e m y s t r ie u x p a s s e u r s p o r te r o n t d e s le ttr e s . M m e a p r s le 1 0 a o t, m m e a p r s le 2 1 ja n v ie r . E n a v r i l 1 7 9 3 , d a n s l'o b s tin a tio n d e son e s p ra n c e , F ersen p r e s c r ir a en core l'a u g u s te ve u v e du T e m p le , co m m e d i t G eo rg es L e n tr e , ce q u 'e lle d e v r a

    f a i r e q u a n d l'a rm e d e D u m o u r ie z e n tr e r a d a n s P a r is e t la p r o c la m e r a rg e n te . M a is D u m o u r ie z n 'e n tre ra p a s d a n s P a r is e t, le 1 6 octobre , o n ze h eu res e t d e m ie d u m a tin , su r le to m b erea u d e s co n d a m n s , M a r ie -A n to i

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  • n e tte p a s s e r a , d r o i te , c u r e , /es m a in s li e s d e r r i r e le d o s , la is s a n t d a n s le s y e u x d e D a v id le s l ig n e s d e son p lu s beau p o r t r a i t .

    Le manuscrit se terminait sur une nouvelle transcription du quatrain, avec sa ponctuation logique :

    D e n u it v ie n d r a p a r la f o r t d e R e in e s D e u x p a r t s : va u lto r te (H ern e) la p ie r r e b lanche L e m o y n e n o ir en g r is d e d a n s V aren nes.E sleu c a p ca u se te m p te , f e u , sa n g , tra n c h e . ce moment, M. Espopondie, qui avait cout ma

    lecture aussi attentivement que ses amis, comme sil dcouvrait son texte, me fit signe de dposer la liasse.

    Jai crit encore, je crois, quelques pages de rflexions, mais je prfre les vtres. Puisque vous me faites la faveur de venir souvent me voir, vous me direz ce qui vous aura paru faible, excessif, tendancieux dans ces vieilles analyses. Si lessentiel survit aux tranches et aux scies de votre critique, nous en ferons notre tour une berline philosophique o nous serons tous cochers. Nous verrons bien o elle nous conduira... Mais j oubliais ! Quelques annes aprs avoir rdig ces notes, j ai repris les C e n tu r ie s , dautres quatrains. Il doit y avoir, dans mes papiers, un petit tat de ce que j ai trouv.

    Et se tournant vers moi : Nous chercherons cela ds demain. Il est regretta

    ble que toutes ces rveries naient pas t mises cte cte, mais tu sais que chacun de nous prpare plusieurs celliers pour ses ides comme pour ses amours. Les cu

    47

  • reuils ont plus dun garde-manger, les ossements des saints plusieurs chsses.

    Comme il tait tard dans la soire, nos amis se retirrent vite, promettant leur rflexion et leur critique. Nous soupmes lgrement, M. Espopondie et moi, et je pris cong sans quil ft question, ce soir-l, de jouer les Vulcain.

  • III

    Quand j arrivai, le lendemain, M. Espopondie mapprit que son souvenir stait prcis. Il ny avait pas dautre liasse ; tout au plus, un feuillet de notes, insr sans doute dans son exemplaire des C e n tu r ie s , la page du 34e quatrain de la neuvime. Car, mme si la distribution des quatrains semble rsulter dun battage prolong ou de battages multiples, la manire des jeux de cartes honntement prpars, il arrive que deux ou trois, concernant une mme annonce, se trouvent encore relativement voisins dans ldition. Cest le cas, nen pas douter, de IX 20 et de IX 34.

    Si je nai rien crit sur IX 34, ajouta-t-il, cest que, pour lessentiel, sauf au quatrime vers, je naurais rien changer ce quon trouve dj dans les commentaires usuels : labondance des noms propres dans ces vers a servi de guide et de garde-fou dans linterprtation. Peut-tre, avant de prsenter nos amis mon mmoire sur le premier quatrain, aurais-je bien fait de leur mettre sous les yeux le second, qui nomme en clair, dans une seule et mme phrase, le comte de Narbonne et lpicier Sauce.

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  • Jallai aussitt prendre les C e n tu r ie s dans la troisime bibliothque. Le feuillet tait bien en place. Il ne portait que quelques mots :

    Voir Le P e lle tie r , m ais :En a : le part est le d p a r t , oppos retou r , de b ; solux : la tin solutus ( e t non solus !) ; mary poux

    (e t non m a rr i !), cf. X 5 5 c ;En b : conflict au sens de ba ta ille , une dou

    za in e d 'exem ples ;En d : fa u t- i l lire p a r conte ( = com pte) aux

    (s) avons d 'hu ile ? cf. I II 78 b.La pon ctu a tion est v idem m en t fa u tiv e dans les qu a

    tre vers, rdu ite m caniquem ent, comme souvent, une coupe unique aprs le second.

    Pour le reste, Le P e lle tie r bon.

    Je lus le quatrain, ou le relus, car il est aussi clbre que le premier, avec la ponctuation trs probable que Le Pelletier avait propose et que M. Espopondie avait crite et complte sur son exemplaire.

    Le p a r t so luz (m a ry sera m itr ),R etour. C on fie t p a ssera sur le thu illeP a r cinq cens. Un tra h y r sera tiltrN arbon e t Saulce p a r *couteaux *avons d'huille.

    De conflict Saulce , les deux phrases sont claires, dit M. Espopondie. Conflict , dans les C e n tu r ie s , est un synonyme frquent de guerre au sens politique et diplomatique, mais aussi de bataille , avec sa violence matrielle ; le mot convient ce qui sest pass, avec fusils et canons, aux Tuileries, pendant les meutes de 1792. Regarde les notes de Le Pelletier.

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  • Je lus :

    (A p ro p o s de le thu ille ) Le T huille, le p a la is des T uileries, commenc en 1564 p a r C atherine de M dicis, sur rem p la cem en t d'anciens fo u rs tu iles e t achev sous Louis X IV . Ce p a la is n 'e x is ta it p a s du v ivan t de N o stra - dam us. I l n'est devenu la rsidence du souverain que depu is Louis XV.

    (A p ro p o s de cinq cens ) I l s 'ag it des cinq cents f d r s m arseilla is , qu i m arch ren t la t te des insurgs p a ris ien s dans la nuit du 9 au 10 aot 1792 , o f u t dcide la chute dfin itive de la royau t de Louis XVI. On lit dans l 'Histoire de la Rvolution franaise, p a r A. T h iers ( t. II, chap. IV, p . 2 0 9 ) : Le com it insurrectionnel ( qu i s igea it aux Jacobins) s'en ten d it avec B a rbaroux, qu i p ro m it la coopration des M arseilla is, dont l'a rrive ta it im pa tiem m en t a tten du e... Le p r o je t dfin itivem en t a rr t f u t de se ren dre en arm es au chteau et de dposer le roi. (Ibid., chap. V, p . 2 3 5 ) : E n

    fin le 3 0 ju in les M arseilla is a rrivren t. Ils ta ien t cinq cents... B arbaroux se ren d it a u -devan t d 'eu x C har en- ton. (Ibid., p . 2 5 7 ) : L 'insurrection est p roclam e. Il ta it a lors onze heures e t dem ie. Les M arseilla is se fo rm e n t la p o r te des C ordeliers, s'em paren t des canons et se grossissent d'une fo u le nom breuse qu i se range leurs cts. (Ibid., p . 2 6 6 ) : Les M arseilla is m a rchent en t te des colonnes, avec les f d r s bretons, e t ils ava ien t p o in t leurs p ices sur le chteau.

    M. Espopondie marrta : Oui, la phrase sur le conflit du Thuille ne peut

    gure signifier autre chose, avec ses deux prcisions de lieu et de nombre. Le verbe mme est bien choisi : les cinq cents Marseillais ne se sont pas installs dans les btiments ni dans les cours du chteau ; leur assaut a pass dessus, comme un corps darme sur un champ

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  • de bataille. Regarde maintenant la dernire phrase. Elle dnonce le trahir dun personnage titr Narbonne) . Or un seul Narbonne a jou un rle important dans la politique de la France et juste ce moment : Louis, btard de Louis XV, fils putatif dun complaisant gentilhomme, comte de Narbonne, fut en effet ministre de la Guerre de Louis XVI pendant lhiver de 1791-1792. Mais, un trahir appelant lautre, Narbonne est rejoint sur le pilori par Sauce, lpicier qui, pour son malheur, remplaait le syndic de Varennes la nuit o Louis XVI vint dedans .

    Lhistoire de la Rvolution franaise mtait encore familire et, avec elle, les noms de ces deux personnages.

    Tratres qui, tratres ou non, ce nest pas nous den dcider, reprit M. Espopondie, mais le fait est quils russirent lun et lautre se faire accuser de trahison aussi bien par les royalistes que par les rpublicains. Le plan que Narbonne avait form pour rendre vigueur la monarchie contrariait celui de la reine et lui valut la fois lhostilit du chteau, la haine de ses collgues du cabinet et la mfiance de lAssemble. Lpicier Sauce avait sans doute sincrement voulu mettre labri la famille royale en la recueillant dans sa masure, mais le rsultat fut quil lempcha de schapper ; et pourtant, lui aussi, aprs quelques jours denthousiasme et de popularit, ne rencontra chez ses compatriotes que jalousie et suspicion croissantes, au point quil dut quitter Varennes pour toujours.

    Et la fin du dernier vers ? demandai-je. Huile semble bien faire partie de lassortiment dune picerie

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  • et je sais que des tmoins ont vu la reine assise chez Sauce au milieu des paquets de chandelles. Mais, entre le nom de Sauce et cette prcision dhuile, rien nest intelligible.

    En effet. Le texte est certainement gt, car la forme verbale avons , cette place, na aucun sens, et coutaux (1568 couteaux ) nen a gure plus. Il est frquent, dans les C e n tu r ie s , que les mots, les petits mots surtout, aient t mal identifis, mal dcoups par les diteurs. Je me rappelle mais o ? un lon sacre Saturne qui figure dans les ditions des deux Rigaud et quil faut videmment corriger en consacr Saturne . Ailleurs en tout doit tre lu entour , tardue est pour tard le . Ailleurs encore, auprs du lac Trasimen laxur prinse est une faute de copie pour la surpri(n)se . Regarde le texte auquel ma fiche fait allusion.

    Je me reportai au 78e quatrain de la troisime C e n tu r ie :

    L e c h e f d 'E sc o sse , a v e c s ix d 'A lle m a g n e P a r g e n s d e m e r O r ie n t a u x c a p t i f T r a v e r s e r o n t le C a lp re e t E sp a g n e

    Tel est le texte, absurde, de la premire dition, mais celle de 1568 a rectifi : Par gens de mer Orientaux captif , cest--dire fait prisonnier par des marins orientaux .

    Dans notre quatrain, reprit M. Espopondie, cest sans doute linverse qui sest produit et que ldition de

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  • 1568 na pas rectifi : un aux indpendant a d tre amalgam au substantif qui le prcdait. Puisque nous sommes chez un marchand dhuile, des savons ne sont pas inattendus. Je pense donc que la fin du dernier vers est rtablir : ... aux savons dhuile , assez bonne priphrase pour les chandelles qui voisinrent pendant de longues heures avec Marie-Antoinette. Cest sans doute ces savons que dissimule limpossible avons : dans laltration de cette fin de vers, le s initial de savons a pu se fondre avec le x de aux ; dailleurs, il arrive dans les C e n tu r ie s quune consonne initiale tombe en pareil cas. Ainsi, quelque part dans un des derniers quatrains de la huitime C e n tu r ie : Par Arnani Tholoser isle franque , o ldition de 1568 a bien corrig isle en ville , mais o il est probable que cest le v de ville mal compris, qui se retrouve, mtamorphos en r, dans ltrange fin du nom de Toulouse, Tholoser .

    Quant au substantif auquel aux sest ainsi coll, ce ne peut tre cot , qui serait crit coust , tant donn lorthographe de Nostradamus. Il sagit plutt dune mauvaise lecture pour conte , valant compte : plus dune fois, dans les C e n tu r ie s , u e t n ont t ainsi changs. Je ne dis pas que mon rsultat soit lumineux, mais il nest plus inintelligible et correspond de bout en bout la profession de Sauce : Et Saulce, par compte aux savons dhuile.

    De plus compte saccorde non seulement avec la profession de linfortun boutiquier, mais aussi avec la forme de difficult, avec le soupon de trahison que lui valut ensuite sa conduite envers le roi, ce qui expli

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  • querait la prposition par : les comptes auraient t le moyen ou la preuve du trahir . Les comptes y ont en effet tenu une grande place. Tche de trouver le livre de Lentre, L e D ra m e d e V a ren n e s , et regarde au chapitre intitul Le pre Sauce . Je me rappelle quil y a quelque chose l-dessus.

    Je trouvai sans peine le livre et le passage. Je lus :

    Ds le lendemain commencrent les rcriminations. On trouvait trange que le procureur-syndic et ainsi confisqu le roi dans sa maison pendant toute une nuit ; beaucoup taient persuads que Louis XVI avait fait la fortune de son hte pour que celui-ci laidt svader et que Sauce, largent touch, avait tenu la famille royale enferme jusqu larrive des commissaires parisiens ; accusation deux tranchants, qui indignait aussi bien les patriotes que les royalistes. Dautres le rendaient responsable des reprsailles dont Varennes tait menac, des dpenses, des embarras de toute sorte que laffaire avait occasionns...... Tandis que le courrier apportait chaque jour, de tous les points de la France, des adresses de flicitations o le nom de Sauce tait lev aux nues et prn lgal de celui des plus purs hros de lAntiquit, le pauvre picier-chandelier se voyait critiqu, discrdit, vilipend chez ses compatriotes. Un jour, il vient dclarer droitement la municipalit que lexamen de ses comptes lavait amen dcouvrir un double emploi de cinquante livres. Il remet la somme au secrtaire de la commune. Aussitt on laccuse de concussion. On tient des assembles pour le mettre en jugement... . Ses ennemis ne dsarmrent pas. On lui retira les fonctions de procureur-syndic et il fut rduit lhumble emploi de greffier de la justice de paix. On plucha ses comptes, on y releva des erreurs et lon demanda au dpartement lautorisation de le poursuivre fin de restitution pour les sommes indment per55

  • ues et dinscription de faux pour les quittances donnes. Oblig de quitter Varennes, il migra Saint- Mihiel o il obtint lemploi de greffier au tribunal...

    Tu vois quelle place ont tenue les comptes, conclut M. Espopondie, dans la carrire, malheureusement pour lui politique, de ce marchand de chandelles (dit lhistoire), de savons dhuile (dit le quatrain). Lautre quatrain celui-ci aussi, dailleurs nous a enseign comment Nos- tradamus crase parfois le temps, anticipe la consquence dans la cause. Ce peut tre ici le cas : et Sauce par compte aux savons dhuile signifierait et Sauce, le marchand de chandelles, qui, aprs le passage du roi, sera accus, convaincu de trahison p a r ses comptes .

    Soit, dis-je. Il reste un premier vers embarrassant.

    Pas tellement. Part , au masculin, ne peut tre que le substantif verbal de partir , au sens usuel, comme les C e n tu r ie s emploient le mot la pille , tir de piller , au sens de butin . Le part est le dpart . De fait, despart , dans Nostradamus, a un autre sens, partage, sparation , qui se rattache lautre sens de partir , perdu ds avant le XVIe sicle, mais qui rejoint, lui, le substantif fminin la part . En outre Nostradamus dpouille volontiers de leur prfixe les mots composs de ce type ( piation pour expiation , viendra pour deviendra , porte pour comporte ...). Le part soppose donc exactement au retour du dbut du vers suivant. Il semble quil forme ici, avec le participe soluz le Moyen Age disait sols et solu une sorte dablatif absolu.

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  • Le part soluz... retour peut se gloser avec un des sens du verbe latin so lv e re , rsoudre, rgler (le seul usuel de so ld re au Moyen Age) : la question du dpart ayant t rgle (ngativement, par Lche), cest le retour ; ou encore, avec le sens premier, tymologique de so l- v e re , dissoudre : le dpart tant, comme nous disons, liquid, stant vanoui la manire du rve de Perrette, cest le retour. Dans les deux cas, puisque le reste du quatrain renvoie aux consquences du drame de Varennes, et mme, par le dernier vers, par Sauce , au drame lui-mme, ce dpart termin , ou ce projet de dpart vanoui , et ce retour sont ceux des 21, 22 et 23 juin 1791.

    Vous rendez compte ainsi des deux premiers mots du premier vers. Que faites-vous des trois autres, mary sera mitr ?

    Si retour forme la proposition principale dont le part soluz est la subordonne, les mots mary sera mitr nont de rle ni dans lune ni dans lautre, et dailleurs la prsence dun verbe propre, sera , prouve quils sont en effet autonomes. Une fois de plus, nous trouvons une de ces parenthses si frquentes dans les C e n tu r ie s : quel quen soit le sens, et mme si aucun sens plausible ne pouvait lui tre attribu, elle ne changerait rien lquilibre du quatrain. Mais ce nest pas le cas. Elle a un sens probable, tragique et trivial : le mari sera coiff du bonnet phrygien. Que mary signifie lpoux plutt que marri , comme Le Pelletier la admis, est probable a p r i o r i . Le mot ne se rencontre quune autre fois dans Nostradamus (jai d noter en marge la rfrence), et il a ce sens.

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  • Je me reportai au passage en effet indiqu en marge, et je lus (X 55) :

    L e s m a lh e u re u se s n o p ces c l b re ro n t E n g r a n d e io y e m a is la f in m a lh e u re u se ,M a r y e t m e re n ore ( la b ru ) d e s d a ig n e r o n t...

    Quant mitr , continua M. Espopondie, le mot a t depuis longtemps interprt daprs le latin m itr a , le bonnet qui coiffait les Phrygiens du Proche-Orient avant de se convertir en mitre dvque. Regarde sil ny a pas de note dans Le Pelletier.

    Je lus :

    Le bonnet dit de la libert rappelle Pantique coiffure des prtres de Mithras (sic !) par sa forme phrygienne. On lit dans H isto ire de la R volution par M.A. Thiers, un rcit des vnements de la journe du 20 juin 1792 (t. II, chap. III, p. 152) : Le chteau (des Tuileries) fut vacu (par la populace qui lavait pris de vive force). La foule se retira paisiblement et avec ordre. Il tait environ sept heures du soir. Aussitt le roi, la reine, sa sur, ses enfants se runirent en versant un torrent de larmes. Le roi, tourdi de cette scne, avait encore le bonnet rouge sur la tte. Il sen aperut pour la premire fois depuis plusieurs heures et il le rejeta avec indignation. Cest bien cela. Tu remarqueras que le roi nest

    pas dsign plus directement ici que dans le quatrain 20 : le moine noir qui venait dans Varennes par la fort de Reines est ici le mary , par une nouvelle rfrence la personne qui lui est troitement associe et

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  • qui, plus que lui, mne le jeu o ils vont perdre tous deux, la reine. En outre, lordre des scnes, une fois encore, insre la consquence (au futur) dans la cause : aprs lchec du dpart et la consquence de cet chec sera le bonnet symbolique enfonc sur la tte du roi cest le retour.

    Cette affaire dordre me semble importante, dis-je.

    Oui, nous considrerons cela avec nos amis. Cest sans doute une caractristique du type de pense qui sexprime dans ces quatrains. Dailleurs, si tu rapproches lensemble du quatrain 20 et lensemble du quatrain 34, tu peux dj faire une remarque sur lordre, dans lun et dans lautre. Dans le premier, les trois premiers vers dcrivent les pisodes dans leur succession relle, lexception de lvocation prmonitoire du moine noir , du roi comme prisonnier du Temple, alors quil est encore dans la berline. Ce sont des pisodes trs rapprochs, qui senchanent en moins de vingt- quatre heures : le relais de Bondy, les routes divergentes de Fersen et de la berline, larrive Varennes. Puis, entre le troisime et le quatrime vers, il y a comme un abme : par-dessus quantit dautres pisodes non mentionns, tout de suite sont numres les consquences ultimes et les plus dramatiques, laissant un long vide, de plusieurs saisons, entre larrive Varennes et la dchance, puis la mort du roi. Cest au contraire ce vide que jalonne grands traits le quatrain 34 : repoussant plus tard 1 esleu cap et les vnements temptueux quil provoque en 20 d, 34 a reprend le fil des vnements aussitt aprs la malencontreuse arrive Varen-

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  • nes : aprs lchec du dpart, cest le retour ; simplement, ici encore, entre le part et le retour , une parenthse anticipe, par le bonnet phrygien impos au roi, la premire violence, encore non sanglante, qui rsultera de ce retour forc, lchance dun an presque jour pour jour : la premire invasion des Tuileries en juin 1792. Alors, comme si lauteur avait rflchi sur la cause, ou plutt le responsable de cette aggravation, nous sommes ramens en arrire, au moment de la trahison, relle ou suppose du tratre titr, Narbonne, qui dirigea en fait la politique du cabinet du 6 dcembre 1791 au 10 mars 1792 ; enfin, un tratre en voquant un autre, nous sommes rejets dans le pass, vers la nuit fatale du 21 au 22 juin 1791, vers le syndic de Varennes, Sauce. Des premiers aux derniers mots du quatrain, la boucle est ainsi boucle, les malheurs issus de lpicier-chandelier remontent jusqu lui et le fltrissent.

    Tout cela est logique, mais dune logique redoutablement souple !

    Agile plutt que souple. La pense court dun pisode lautre comme les doigts du pianiste sur les touches. Elle fait parfois des accords, bauche des rappels. Tels quils sortent des quatrains, les vnements forment une mlodie.

    Est-il sain de faire de la thorie sur ces deux quatrains, qui ne sont eux deux quun seul tmoignage ? Pour dcrire les modes de pense qui les soutiennent il faudrait en avoir analys, interprt un grand nombre...

    Ce nest pas sr. Ce couple de quatrains fournit,60

  • par sa densit de dtails, une ample matire au laboratoire danalyse.

    Dautres exemples seraient pourtant les bienvenus. Vous nen connaissez pas dautre ? Pourquoi navez- vous pas dvelopp votre philologie nostradamique ?

    Un, au moins, des quatrains quon rapporte Napolon est impressionnant cause de la priphrase qui a lair de gloser le petit tondu de lhistoire et cause de lindication prcise sur la dure dun rgne tyrannique , cest- -dire, au sens grec, ne rsultant pas dune lgitimit hrditaire, mais usurp ou conquis.

    Je trouvai vite un des trois quatrains o il est question de la tte rase ou de la tte rase (VII, 13). Je lus :

    D e la c i t m a r in e e t tr ib u ta ir e L a te s te ra se p r e n d r a la s a tr a p ie :C h a sse r s o r d id e q u i p u i s se ra c o n tra ire ;P a r q u a to r z e a n s t ie n d r a la ty ra n n ie .

    Et je mamusai improviser la glose : Partant dAjaccio, dans lle tout rcemment ac

    quise, le futur Petit Tondu slvera jusquau pouvoir suprme, chassera les corrompus qui, par la suite, sopposeront lui. Il gardera lempire pendant quatorze ans.

    Hum ! Quil vienne de sa ville corse ou quil commence sa glorieuse carrire en faisant capituler Toulon, quil chasse le Directoire sordide ou lAnglais ha ou congdie simplement Talleyrand, puisquon a propos tout cela...

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  • Je vois, vous exigez, pour vous intresser de prs un quatrain, quil contienne au moins un nom propre rare, ou lquivalent.

    Oui. La Tte Rase vaut peut-tre le nom propre...

    Nous en restmes l. M. Espopondie tait visiblement fatigu. Aprs le lger repas qui tait notre routine, je suggrai que nous renoncions, ce soir encore, explorer et mettre au feu le pass personnel du matre de maison. Comme je me retirais, il me dit :

    Vrifie et complte, si tu as le temps, larmature philologique de cette vieille dmonstration. Traite Nos- tradamus comme un auteur srieux. Fais son lexique, claire-le par lui-mme. Cest plus sr que de vider sur ses quatrains les dictionnaires de la vieille langue. Dans trois jours, tu reliras ou rsumeras mon texte ces jeunes gens et nous couterons ce quils en diront.

  • IV

    Je passai les deux matines suivantes, et une partie de mes journes, traiter Nostradamus comme Virgile et les gloses de M. Espopondie comme celles du grammairien Servius. Je ne trouvai rien qui infirmt la thse de M. Espopondie. Tout ce que je pus faire fut daccumuler de nouveaux exemples parallles pour chacune de ses discussions. Ces tableaux sont insipides : le lecteur peut les sauter sans dommage et sy reporter plus tard, sil se sent pris ce jeu.

    Je commenai par le quatrain 34. Je consolidai sans peine les corrections dorthographe et de coupe que M. Espopondie avait proposes dans linintelligible quatrime vers, et Saulce par coutaux avons dhuile rectifi en et Saulce par conte (cest--dire compte) aux savons dhuile .

    En fait de mauvaises coupes entre deux mots, outre la rfrence IV 78 6 donne par notre matre, je localisai lon sacre Saturne dans VIII 29 a ; en tout dans II 44 a, laxur prinse dans VI 39 c. Jajoutai, en VI 80 6, feu la cit et lanne tranchera , o ldition de 1568

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  • a bien corrig Tanne en lame dpe. Coutaux ou ( couteaux ) substitu conte aux prsente simplement lerreur jumelle, deux mots fondus en un, comme dans le monstrueux tardue de II 96 c, que ldition du second Rigaud a bien divis en tard le .

    Dans le mme vers, propos du u fautif de ce cout(e)aux que M. Espopondie avait corrig en rc, je notai le mme passage de n u en VI 34 6, o au est une mauvaise graphie pour un , et la substitution inverse en IX 51 c, o il faut lire au (1568) et non an (1566).

    Dans le premier vers du mme quatrain, propos de le part valant le dpart , je localisai les parallles signals par M. Espopondie : piation dans IX 46 6, viendra dans I 88 c, porte dans V 60 b.

    Je moccupai plus longuement ensuite des quelques problmes de sens que pose le quatrain 20. Et dabord le quatrime vers. Je vrifiai lexactitude de ce que M. Espopondie avait brivement expos pour justifier cap(.) comme quivalent de chef et non comme abrviation de Cap(et) ; et aussi pour refuser de traduire esleu qui a le sens trs prcis d lu personnel , par constitutionnel , puisque la Constitution, loin d lire Louis XVI, se bornait constater que la dynastie captienne rgnait et demandait simplement, au seizime Louis, daccepter certaines limitations son pouvoir.

    Au premier vers, dans le mot Reines , je mtonnai de lorthographe : en VII 6 a, en IX 77 c, en X 17 a, cest Royne , les Roynes quon lit, comme il est normal en ce milieu du XVIe sicle. Le e i prfigure-t-il la pro

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  • nonciation qui prvaudra Paris beaucoup plus tard ? En tout cas, il ne peut sagir que du sens obvie regina . Je ne sais plus quel audacieux a corrig Reines en Reims , sous prtexte que la berline a rencontr sur sa route la fort de Reims . Et la rime ?

    Dans le second vers, je ne travaillai pas longuement sur deux pars , car le sens de part, pars au sens de partie, parties (ou parti ) est usuel dans les C en tu ries , et pas seulement dans lexpression la plus part (II 57 c, 83 6 , VI 61 b...) ou la plus grand part (III 59 6, IV 35 6 , VI 13 6), mais de faon gnrale : ainsi, en III 99 c, on lit Camps de deux parts conflict sera si aigre , et, en IV 80 b en quinze pars sera leau divise ; les occupants de la berline de 1791, eux, se diviseront pour leur malheur en deux pars . Il ny a aucun appui au contraire, dans Nos- tradamus, pour comprendre deux pars comme les deux lments dun couple conjugal.

    Cest vaultorte qui moccupa le plus. Le mot est videmment form comme lavait dit M. Espopondie. Je mamusai enrichir et confronter, en deux bilans, les vers o la prposition qui logiquement introduit le complment est p r s e n te , et les vers o elle est e sc a m o t e . Il semble que Nostradamus emploie indiffremment les deux constructions.

    Prsente (notamment avec la prposition par , en diverses valeurs ) :III 91 a-b : Larbre qutait p a r long tems mortschD ans une nuit viendra a reverdir.VIII 19 c: D e mort famille sera presque accable. VIII 59 d : p a r mer chass.

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  • VIII 75 c: La mre Tours du fils ventre aura enfle.IX 9 c : eau passant p a r crible.IX 97 d : premiers en brche entrez, etc.Escamote :III 17 a : Mont Aventine brusler nuit sera veu (= p e n d a n t la nuit).VI 89 b : de miel face oint (= sur la face).VIII 8 d : Dedans Turin rapt pouse emmener (= p a r rapt), etc.

    Enfin je rflchis, ou rvai, sur la proposition finale, le Herne du second vers. Je ne pus rien ajouter et le H initial, au lieu du F que semble requrir lexplication, continua me gner.