173
Comité de Liaison pour la Promotion des migrants et des publics en difficulté d’insertion 35 rue Chanzy - 75011 PARIS Tél. : 01 55 25 22 00 - Fax : 01 55 25 22 01 http://www.clp.asso.fr Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise Etude réalisée pour le compte de la Direction de la Population et des Migrations Rapport final Septembre 2005

Développer la formation linguistique au titre de la

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Comité de Liaison pour la Promotion des migrants et des publics en difficulté d’insertion35 rue Chanzy - 75011 PARISTél. : 01 55 25 22 00 - Fax : 01 55 25 22 01http://www.clp.asso.fr

Développer la formation linguistique autitre de la formation professionnelle

continue en entreprise

Etude réalisée pour le compte de laDirection de la Population et des Migrations

Rapport final

Septembre 2005

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 2

2

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 3

3

ETUDE REALISEE POUR LA DIRECTIONDE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

Sous la direction de :Mariela De Ferrari, Conseillère Technique et Pédagogique au CLP

Avec la collaboration de :Florence Mourlhon-Dallies, Maître de conférences,

U.F.R. de Didactique du Français Langue Etrangère,Université de la Sorbonne nouvelle, Paris III

Ont participé à la réalisation de l'étude :Nathalie Zimmerlin, Conseillère Technique Assistante au CLP

Jacqueline Demurger, Documentaliste

Avec le concours de :Sylvie Cochet, Documentaliste au CLP

Catherine Giraudon, DocumentalisteThierry Picquart, Directeur du CLP

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 4

4

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 5

5

Remerciements

Nous tenons à remercier l’ensemble de personnes ayant participé aux entretiens et auxrencontres multiples proposés par le CLP pour les besoins de cette étude (financeurs publicset privés, acteurs de l’entreprise et de la formation, partenaires sociaux et salariés).

Nous souhaitons saluer particulièrement ceux qui nous ont permis d’élargir nos analyses et demieux connaître le fonctionnement des systèmes impliqués dans la formation continue enentreprise :

Jean-Claude Béacco – Université Paris III Sorbonne Nouvelle

Philippe Denimal – Sociologue du travail

Michel Lebelle – Université de Paris X Nanterre

Joseph Le Corre – Directeur ARACT Ile-de-France

Daniel Vatant – Responsable développement Habitat Formation

Mariela De FerrariResponsable de l’étude

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 6

6

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 7

7

SOMMAIRE

I. CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE 9

I.1 Présentation de l’étude 9

I.1.1 Problématique 9

I.1.2 Objectifs 11

I.2 Contexte institutionnel 11

I.2.1 Comité interministériel à l’intégration 11

I.2.2 Loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie (Loi n°2004-391) 12

I.2.3 Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales (Loi n°2004-809) 12

I.2.4 Loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale (Loi n°2005-32) 13

I.3 Implications de la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle des salariés 14

I.4 Des acteurs de premier plan pour la formation des salariés 17

I.4.1 Branches professionnelles étudiées 17I.4.1.1 Propreté 17I.4.1.2 Hôtellerie-restauration 18I.4.1.3 BTP 18I.4.1.4 Travail temporaire 19

I.4.2 Accords de branche : les priorités 19I.4.2.1 Branche Propreté : accord national du 25 octobre 2004 20I.4.2.2 Branche Restauration rapide : accord national du 22 décembre 2004 20I.4.2.3 Branche BTP : accord national du 13 juillet 2004 20I.4.2.4 Branche Travail temporaire : accord national du 8 juillet 2004 21

I.4.3 Les OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) 22

I.4.4 Les observatoires prospectifs des métiers 24

II. ETAT DES LIEUX 27

II.1 Enquête de terrain (entretiens) 27

II.1.1 Les branches étudiées 27II.1.1.1 Propreté 27II.1.1.2 BTP 29II.1.1.3 Hôtellerie-restauration 32II.1.1.4 Travail temporaire 34

II.1.2 Echos d’autres branches 36II.1.2.1 Services d’aide à la personne 36II.1.2.2 Métiers des acteurs de la ville 36II.1.2.3 Santé 37II.1.2.4 Informatique 38

II.1.3 Autour des acteurs de la formation et du financement 39II.1.3.1 Côté responsables de formation 39II.1.3.2 Côté acteurs territoriaux 41II.1.3.3 Côté financeurs 44II.1.3.4 Côté syndicats et acteurs relais 46

II.2 Constats et dynamiques rencontrées 49

II.2.1 Brouillage de la problématique 49II.2.1.1 Une compétence sociale 49II.2.1.2 Des amalgames persistants 50II.2.1.3 Des besoins linguistiques contournés 51II.2.1.4 Des regards contrastés 53

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 8

8

II.2.2 Une problématique de plus en plus incontournable 54II.2.2.1 Des secteurs « sous tension » 54II.2.2.2 Les nouvelles normes 55II.2.2.3 Les mutations 57

II.2.3 Des projets émergents 61II.2.3.1 En entreprise 61II.2.3.2 Dans les territoires 64II.2.3.3 Dans les organismes de formation 68

II.3 Synthèse des constats 69

II.3.1 Autour de la problématique 69II.3.1.2 Du côté des entreprises 70II.3.1.3 Du côté des branches professionnelles et des OPCA 70II.3.1.4 Du côté des organismes de formation 72II.3.1.5 Du côté des salariés migrants 72

II.3.2 Autour des contextes favorables 73II.3.2.1 Les plans de formation 73II.3.2.2 En France, vers la langue comme compétence professionnelle 75II.3.2.3 À l’horizon de l’Union européenne : la question des besoins linguistiques des travailleurs

migrants. 76

III. PISTES ET PERSPECTIVES 77

III.1 Les leviers possibles 77

III.1.1 Visibilité de la problématique 77

III.1.2 De nouveaux champs à convoquer, des notions à interroger 79III.1.2.1 Du Français sur Objectifs Spécifiques au Français Langue Professionnelle 79III.1.2.2 Interculturalité 84

III.1.3 Une réflexion à l’échelle internationale 86III.1.3.1 ODYSSEUS et TRIM 87III.1.3.2 Travaux du Centre des niveaux de compétence linguistique canadien 90III.1.3.3 Groupe de recherche « Langage, action, formation » (Université de Genève) 91

III.2 Propositions 93

III.2.1 Dynamiques stratégiques 93III.2.1.1 Professionnalisation des acteurs 94III.2.1.2 Compétences, qualification, certification 98

III.2.1.2.1 Référentiels de compétences en France 98III.2.1.2.2 Référentiels de compétences à l’étranger 103III.2.1.2.3 Vers des référentiels de communication professionnelle 104

III.2.2 Etudes et recherches 107

III.2.3 Expérimentations 108

III.2.3.1 Le territoire, espace de maillage privilégié 108III.2.3.2 Dispositifs et prestations à mailler 110III.2.3.3 La réforme de la formation professionnelle à l’œuvre 111III.2.3.4 Démultiplier le nombre de formés 113

IV. CONCLUSION 115

Synthèse des freins et hypothèses de leviers 117

BIBLIOGRAPHIE 121

ANNEXES 129

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 9

9

I. CADRE GÉNÉRAL DE L’ÉTUDE

I.1 Présentation de l’étude

I.1.1 Problématique

Le Comité interministériel du 10 avril 2003, consacré aux questions liées à l’intégration, achoisi parmi les axes prioritaires de son action la reconnaissance de la maîtrise de la languecomme une véritable compétence professionnelle. Cet apprentissage est reconnu comme undroit, inscrit dans le Code du Travail, depuis la promulgation de la loi du 4 mai 2004 relativeà la formation professionnelle tout au long de la vie, les modalités d’application devant êtredéfinies par un décret en Conseil d’Etat (voir Liaisons sociales, n° 14423 du 13 juillet 2005).

Par ailleurs, l’accord unanime qui émerge entre le patronat et les syndicats sur l’égalité deschances professionnelles vient étayer la mise en place de ces mesures. Branches et entreprisespartagent des obligations en matière de recrutement et de formation.

La formation professionnelle, à l’heure actuelle, intègre très peu la dimension linguistique,alors que les compétences communicatives en français, orales et écrites, se trouvent au cœurde la bonne intégration de tout salarié dans son entreprise. Ces compétences favorisent sonefficacité, son appartenance à la culture de la structure et lui permettent d’accéder àd’éventuelles promotions.

Le contexte du monde du travail, flexible, mouvant, souvent transitoire, demande égalementdes compétences transversales devant être transférées rapidement dans des situations detravail multiples et variées. En dehors des compétences techniques, les compétenceslangagières comprenant la maîtrise des codes socioculturels et des opérations cognitivesinhérentes à des communications adaptées, se trouvent au centre des situations quotidiennesconcernant tous les métiers, quel que soit le degré de qualification sollicité.

Les normes européennes, en termes de contrôle de qualité ou encore d’hygiène et de sécurité,exigent de la part des salariés des compétences communicatives dépassant le strict cadretechnique du métier, par exemple au niveau de l’explicitation des tâches et des modalitésd’exécution.

Jusqu’à présent, seules les langues étrangères semblent être perçues comme porteuses de plus-value aux compétences professionnelles et par conséquent faire partie de l’éventail proposé ausein des plans de formation des entreprises.

Les plans de formation établis par les entreprises ainsi que les priorités et les financementsdégagés par les Organismes Paritaires Collecteurs Agréés (OPCA) s’avèrent très faibles dansle domaine de la formation linguistique, en particulier pour ce qui concerne les compétencesde base en français.

Certains publics migrants se trouvent confrontés à une double problématique pour accéderaux plans de formation : la non-maîtrise de la langue et l’occupation de postes peu qualifiés.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 10

10

À cela s’ajoute un autre élément de complexité : des arrivants de plus en plus scolarisés etqualifiés dans leur pays d’origine, se trouvant classés parmi les catégories « bas niveaux dequalification » à cause de leur maîtrise insuffisante du français.

Le faible degré de formation initiale ou l’analphabétisme représentent des obstacles àl’engagement dans un processus de formation pour la majorité des salariés ayant conscienceque la maîtrise de la langue permet d’accéder à une formation qualifiante ou à une stabilitédans l’emploi.

Les représentations des publics sur eux-mêmes peuvent donc constituer un frein important àla demande de formation au sein des entreprises.

Sur le plan économique, de nombreuses entreprises sont confrontées à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée alors même que des migrants en activité au sein de ces entreprisespourraient occuper les postes concernés. L’obstacle majeur, pour l’accès à ces postes detravail ou à la qualification pour y parvenir, est le plus souvent la maîtrise insuffisante dufrançais.

Des initiatives ponctuelles mais intéressantes ont été mises en place pour développer lacompétence langagière des publics non francophones, ou maîtrisant insuffisamment lescompétences de base en milieu professionnel, en particulier dans la branche du nettoyage etde certains métiers dits de bas niveau de qualification.

L’AFPA (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes) avait étésollicitée dans les années 70 par les entreprises pour monter des programmes de formationalliant l’apprentissage du français et la qualification professionnelle. Des compétences avaientété développées par cet organisme. Elles pourraient être activées et actualisées afin departiciper aux propositions liées à la nouvelle conjoncture française et européenne en matièred’apprentissage de la langue seconde des publics migrants et des normes qualité exigées ausein des entreprises.

L’outillage méthodologique du Français sur Objectifs Spécifiques (FOS) appliqué àl’apprentissage du Français Langue Etrangère (FLE) dans des contextes professionnels nesemble pas être mobilisé pour l’apprentissage en immersion pour des publics installésdurablement en France.

Il semble indispensable de tenir compte de tous ces éléments pour définir les stratégies et lesorganisations à considérer dans les plans de formation des entreprises souhaitant répondre à lademande individuelle des salariés concernés par des lacunes dans leurs compétenceslangagières en français en milieu professionnel.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 11

11

I.1.2 Objectifs

Cette étude présente un état des lieux et un diagnostic général du fonctionnement du systèmede la formation continue en entreprise et des besoins linguistiques dans les branchesprofessionnelles du Bâtiment et Travaux Publics (BTP), de l’Hôtellerie-Restauration, de laPropreté et du Travail Temporaire.

Divers acteurs ont été interviewés et invités à participer au projet : organismes collecteurs defonds (OPCA), entreprises intervenant dans le champ professionnel des branches explorées etorganismes intervenant dans le système actuel de formation.

Des entretiens avec des salariés concernés auront permis d’enrichir et de croiser les regardssur l’accès aux formations et sur les besoins perçus et formulés par les intéressés.

Ont été observées également les priorités établies par les branches professionnelles et lesOPCA pour les axes principaux de financement et les critères de choix de ces priorités afin demesurer quelle est la prise en compte des besoins linguistiques des migrants par lesorganismes collecteurs.

Une attention particulière a été portée aux représentations des besoins linguistiques et despublics non francophones chez les acteurs du monde professionnel amenés à intervenir dansla conception des formations.

L’état des lieux a été établi à partir des entretiens individuels et de l’analyse des statistiquescroisant les données fournies par les OPCA, les organismes de formation et l’INSEE (Institutnational de la statistique et des études économiques).

I.2 Contexte institutionnel

I.2.1 Comité interministériel à l’intégration

Le Comité interministériel à l’intégration renouvelé a défini en 2003 un programme d’actionsvisant à marquer un « tournant en matière de politique publique d’intégration dans laRépublique ».

Ce programme national d’actions vise à instituer une nouvelle appréhension du phénomènemigratoire et des populations migrantes. Il se décline en trois grands points :

- Construire des parcours d’intégration pour les nouveaux arrivants, notamment avec lacréation du Contrat d’accueil et d’intégration comprenant un volet formationlinguistique, dans la continuité des actions FASILD (Fonds d’action et de soutien pourl’intégration et la lutte contre les discriminations).

- Assurer la promotion sociale, professionnelle et individuelle, notamment enprivilégiant l’accès à l’emploi (construire un cadre d’expertise et de prospective desbesoins de main-d’œuvre, donner à l’apprentissage de la langue française le statut de

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 12

12

compétence professionnelle, etc.), ce qui, pour la première fois constitue unereconnaissance explicite de l’immigration dans les dispositifs de droit commun.

Dans ce registre, de nouveaux outils pourront être sollicités avec les dispositions de la loi du 4mai 2004 sur la formation professionnelle (voir ci-dessous).

- Agir contre les intolérances pour l’égalité des droits (lutte contre les discriminationsnotamment à l’emploi, agir pour l’égalité hommes/femmes, notamment en renforçantles actions de formation professionnelle dans les secteurs où les femmes sont peureprésentées).

Le Rapport du Comité interministériel à l’intégration de juin 2004 fait état de sa satisfactionquant aux avancées réalisées en un an.

I.2.2 Loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle toutau long de la vie (Loi n°2004-391)

Cette loi reprend pour l’essentiel les dispositions de l’Accord National Interprofessionnel du20 septembre 2003 (complété en décembre 2003) signé par les partenaires sociaux et paraphépar l’ensemble des organisations syndicales. Elle inclut également l’un des points marquantsissus du Comité interministériel à l’intégration de 2003.

Ce texte modifie l’article L.900-6 du Code du travail, la première phrase du premier alinéa[étant] ainsi rédigée :

« Les actions de lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de la langue française font partiede la formation professionnelle tout au long de la vie ». les modalités d’application devantêtre définies par un décret en Conseil d’Etat.

En faisant figurer l’apprentissage du français parmi les objectifs de la formation tout au longde la vie, l’article 5 de la loi donne à cet apprentissage le statut de compétenceprofessionnelle dans un dispositif de droit commun et donc aux salariés qui présentent desbesoins linguistiques, le droit à se former dans le cadre du plan de formation de l’entreprise.

I.2.3 Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilitéslocales (Loi n°2004-809)

Cette loi attribue aux Régions, à partir du 1er janvier 2005, un rôle accru en matière deformation professionnelle, notamment dans l’élaboration et le suivi du Plan régional deformation, afin d’en faire un outil de programmation régional pivot pour des actions deformation professionnelle des jeunes et des adultes.

La Région n’aura plus pour seule responsabilité de mettre en œuvre des actions de formation,mais celle, pleine et entière, de définir l’ensemble de la politique régionale d’apprentissage etde formation professionnelle, y compris pour les adultes à la recherche d’un emploi ou d’unenouvelle orientation professionnelle. Ces formations devront permettre aux bénéficiairesd’acquérir une qualification reconnue.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 13

13

Les procédures préalables à l’adoption du Plan Régional de Formation professionnelleassocient les Assedic, l’Etat, les collectivités locales et des organisations syndicalesd’employeurs et de salariés.

Par ailleurs, la loi prévoit que la Région « organise sur son territoire le réseau des centresd’information et de conseil sur la validation des acquis de l’expérience et contribue à assurerl’assistance aux candidats à la validation des acquis de l’expérience (VAE) ».

Enfin, la loi transfère progressivement aux Régions des compétences donnant lieu àl’organisation et au financement par l’Etat des stages AFPA.

Toutes ces compétences revenant aux Régions, il faudra peser sur les instances locales à tousles niveaux pour que la formation linguistique des immigrés depuis longtemps installés enFrance et qui, de ce fait, ne bénéficient pas du dispositif CAI (Contrat d’accueil etd’intégration), ne soit pas « oubliée » dans les Plans régionaux ou les programmes d’actionsde formation, ou noyées dans des actions de lutte contre l’illettrisme, et entrent effectivementdans la construction de parcours donnant accès aux validations et aux qualifications pour cespublics, tant pour les demandeurs d’emploi que pour les salariés intégrés dans l’entreprise.

I.2.4 Loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésionsociale (Loi n°2005-32)

Sous le Titre III « Promotion de l’égalité des chances » , (chapitre V, consacré à l’accueil etl’intégration des personnes immigrées ou issues de l’immigration), il est fait mention del’élaboration dans chaque région, sous l’autorité du représentant de l’Etat, d’un programmerégional d’intégration des populations immigrées, déterminant « l’ensemble des actionsconcourant à l’accueil des nouveaux immigrants et à la promotion sociale, culturelle etprofessionnelle des personnes immigrées ou issues de l’immigration ».

À partir de l’analyse de cet ensemble de textes législatifs, un constat s’impose :

À part les deux lignes inscrites dans la loi du 4 mai 2004 instituant la réforme de la formationprofessionnelle, les différentes mesures figurant dans le nouvel arsenal juridique prennent encompte les besoins de formation linguistique :

- Soit sous l’angle de la lutte contre l’illettrisme,- Soit, lorsqu’il est question des populations immigrées ou issues de l’immigration, sous

l’angle de la lutte contre les discriminations.

La maîtrise de la langue française par ces personnes n’est jamais envisagée commecomposante de leur compétence professionnelle. Il faudra donc saisir, dans les innovations dela loi du 4 mai, les opportunités qui pourront être utilisées pour favoriser cette reconnaissance.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 14

14

I.3 Implications de la loi du 4 mai 2004 sur laformation professionnelle des salariés

Si, comme nous l’avons souligné, l’article 5 de la loi introduit explicitement l’apprentissagede la langue française dans le dispositif de droit commun, lui conférant ainsi le statut decompétence professionnelle, cette assertion n’est pas reprise dans les mesures nouvellementcréées ou modifiées, qui vont aujourd’hui dans un sens favorable pour les salariés, notammentceux qui jusqu’à présent ont été, volontairement ou non, exclus de la formationprofessionnelle continue.

Examinons les dispositifs qui gagneraient à être mieux connus et utilisés tant par lesemployeurs que par les salariés concernés eux-mêmes.

Le plan de formation de l’entreprise

Le plan de formation se définit comme l’ensemble des actions de formation destinées àformer les salariés à l’initiative de l’employeur pour répondre aux besoins de l’entreprise.

Depuis l’accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, il doit être précisé,notamment dans les documents remis aux représentants du personnel, la nature des actionsproposées en distinguant celles qui correspondent à des actions d’adaptation au poste detravail, celles qui correspondent à des actions de formation liées à l’évolution des emplois ouau maintien dans l’emploi des salariés et celles qui participent au développement descompétences des salariés.

Son élaboration dépend des responsables de formation et/ou de la Direction des RessourcesHumaines. Elle implique une réflexion préalable comme on le ferait préalablement pourn’importe quelle décision d’investissement.

Être en mesure d’élaborer un bon plan suppose que l’on ait clairement défini des orientations.Il faudra donc :

- que l’on ait choisi un projet précis pour les années à venir et mis au point une stratégiepour y parvenir

- que l’on ait réalisé un état des lieux de l’existant et plus particulièrement descompétences et potentiels disponibles dans l’entreprise

- que l’on soit capable d’identifier les ressources à mettre en œuvre pour parvenir à réaliserles objectifs fixés ; que l’on puisse en déduire des écarts entre les compétencesdisponibles et les compétences nécessaires ; que l’on soit en mesure de dire lesquels,parmi ces écarts, à combler relèvent de la formation.

- pour ces derniers, que l’on soit en mesure de définir des actions susceptibles d’yrépondre.

- que ces actions soient chiffrées en durée et en coût ; que des ordres de priorités soientfixés

Il y a aussi nécessairement une planification, annuelle ou pluriannuelle. Un plan pluriannuelportera en général sur trois exercices. Planifier la formation consiste à agencer de façonrigoureuse, en tenant compte des contraintes et priorités diverses, un certain nombre d’actions

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 15

15

susceptibles d’apporter des réponses, complètes ou partielles, à des besoins de compétencespréalablement identifiés.

Qu’il soit annuel ou pluriannuel, le plan de formation pourra faire l’objet de modificationsque la vie de l’entreprise nécessitera

Les dirigeants de l’entreprise estiment volontiers que la formation doit servir les enjeux del’entreprise. Les responsables de service privilégient plutôt le développement de lacompétence de l’équipe, les collaborateurs sont davantage focalisés sur leur propre évolutionprofessionnelle et leurs besoins particuliers de formation. Un bon plan de formation doitpouvoir répondre à l’ensemble de ces objectifs.

La direction, responsables hiérarchiques, responsable de la formation, DRH, partenairessociaux, salariés et organismes de formation sont tous associés dans différentes phasesd’élaboration du plan. (voir le tableau en Annexe 1).

Le comité d’entreprise veillera à la répartition équitable entre les différentes catégories depersonnel, à l’intégration des bas niveaux de qualification, aux éventuelles reconnaissancesprévues.

La loi du 4 mai entérine la création de nouvelles mesures :

Le droit individuel à la formation (DIF)

Il permet au salarié, à son initiative et avec l’accord de son employeur, à côté du Plan deformation de l’entreprise, de bénéficier de 20 heures de formation par an, cumulables sur sixans, dans la limite de 120 heures.

Les actions de formation au titre du DIF peuvent se dérouler en partie hors du temps de travailseulement en cas d’accord entre les deux parties, et si l’accord de branche l’a établi. Le salariéperçoit alors une allocation équivalant à 50% de sa rémunération nette.

Le Congé individuel de formation (CIF) n’est nullement remis en cause par la création du DIFet reste inchangé : il permet au salarié d’entreprendre « à son initiative et à titre individuel,des actions de formation indépendamment de sa participation aux stages compris dans le plande formation de l’entreprise ».

Il est intéressant de signaler une innovation récente, tout au moins en Ile-de-France, à savoir,la prise en compte dans le cadre du congé individuel de formation de demandes de formationlinguistique. Jusqu’alors ce type de formation générale avait été refusé. Ailleurs, les réponsessont très contrastées et méritent d’être suivies de près.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 16

16

Le contrat de professionnalisation Il s’adresse aux jeunes et aux demandeurs d’emploi « dont l’insertion (ou la réinsertion)professionnelle est soumise à l’acquisition d’une qualification complémentaire. Auxemployeurs, ce contrat de professionnalisation est proposé en réponse à leur besoin derecrutement, notamment lorsqu’ils rencontrent des difficultés pour pourvoir leurs postes, enraison de pénuries de travailleurs qualifiés ». Ce contrat remplace les anciens contratsd’orientation, d’adaptation et de qualification.

La période de professionnalisationElle consiste en une formation en alternance destinée, entre autres publics, aux salariés « dontla qualification est jugée insuffisante au regard de l’évolution des technologies et del’organisation du travail » ou « qui comptent 20 ans d’activité professionnelle ou sont âgésd’au moins 45 ans et ont une ancienneté minimale d’un an dans l’entreprise ».

Le financementConcernant le financement de la formation professionnelle, le texte de la loi entérinel’augmentation du taux de la contribution obligatoire des employeurs :

- pour les entreprises de 10 salariés et plus, au minimum 1,6% de la masse salarialebrute, à partir du 1er janvier 2004 (contre 1,5% précédemment),

- pour les entreprises de moins de 10 salariés, 0,40% de la masse salariale brute en 2004(au lieu de 0,15% ou 0,25%), puis 0,55% à partir de 2005.1

Le nouveau cadre légal ouvre des opportunités intéressantes pour les salariés, tout commepour les demandeurs d’emploi, notamment ceux qui habituellement bénéficient le moins de laformation professionnelle continue : les moins qualifiés, les plus âgés.

Reste à savoir comment les différents acteurs (Branches professionnelles, OPCA, entreprises,organismes de formation, Etat, Régions, etc.) vont s’emparer de ces nouvelles dispositions et,particulièrement dans le cas qui nous intéresse, comment l’apprentissage de la languefrançaise sera pris en compte à ces différents niveaux du droit commun ? Et par les salariésconcernés eux-mêmes ?

Un constat qui pose question : en ce qui concerne la formation professionnelle des salariés, laLoi, comme l’accord national interprofessionnel de septembre 2003, ne prévoit aucunearticulation entre politiques de branches et besoins des Régions et des territoires, alors que lescompétences en matière de formation professionnelle initiale et continue sont intégralementtransférées aux collectivités territoriales et locales.

1 A noter que les mesures gouvernementales du « Plan d’urgence pour l’emploi » d’août 2005 viennent réduireles taux de contribution des entreprises de 10 à 20 salariés.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 17

17

I.4 Des acteurs de premier plan pour la formation dessalariés

Dans le contexte de la réforme de la formation, les branches professionnelles se voient confierun rôle majeur de pilotage de la formation dans leur secteur, appuyées en cela par lesobservatoires métiers. À ce titre, elles auront à effectuer des arbitrages dont les enjeux serontdéterminants pour les entreprises concernées : mise en relation de l’emploi et des métiers dela branche, besoins de recrutement, formation professionnelle adaptée à l’évolution desemplois et des entreprises, gestion prévisionnelle des compétences.Les branches professionnelles confient la mise en œuvre de leurs orientations et de leurspriorités à leurs organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA).

I.4.1 Branches professionnelles étudiées

Nous avons choisi d’étudier plus particulièrement quatre branches professionnelles : Propreté,Hotellerie-restauration, BTP, Travail temporaire.

I.4.1.1 Propreté

Un secteur où la majorité des salariés sont d’origine étrangère, non scolarisés dans leur paysd’origine, et présentent à 90% des besoins linguistiques notamment à l’écrit.

Avec plus de 13 000 entreprises et plus de 352 000 salariés et un chiffre d’affaires de plus de7 milliards d’euros, le marché de la propreté se situe parmi les tous premiers secteurs deservices.

- 13 042 entreprises (soit une augmentation de 26 % sur les huit dernières années)- 2 009 créations d’entreprises en moyenne par an- 7,106 milliards d’euros de chiffre d’affaires- 352 053 salariés- 65 % des salariés sont des femmes- 1,5 million d’heures de formation suivies par 58 454 stagiaires- 5 800 jeunes préparent un diplôme de la filière « propreté »

Les activités de ce secteur :

- Tertiaire, immeubles et grande distribution : 60 %- Industrie (usines) : 5%- Industrie agro-alimentaire et hospitalier : 10 %- Hospitalier (partie communes), écoles, transports : 12 %- Lavages de vitres et remise en état : 13 %

(Source : Fédération de la propreté et des services associés)

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 18

18

I.4.1.2 Hôtellerie-restauration

Un secteur où l’on note une progression de l’emploi de main-d’œuvre étrangère : de 6,9% en2000 à 11,3% en 20021;

Avec plus de 600 000 salariés, le secteur de l’hôtellerie - restauration est le quatrièmeemployeur privé de France. C’est un secteur en plein développement avec 15 000 créationsd’emplois par an. Il est constitué de très petites entreprises (90% ont moins de 10 salariés) etde grands groupes d’hôtellerie et de restauration d’envergure internationale. Le personnel yest plus jeune que dans les autres secteurs (34 ans en moyenne).

Le secteur de l’hôtellerie représente en France, en 2002 :

- 27 629 entreprises dont 85,4% des établissements ont moins de 10 salariés- 163 934 salariés- 183 229 actifs (travailleurs salariés et non salariés)- 15,121 milliards d’euros HT de chiffre d’affaires

Le secteur de la restauration représente en France, également en 2002 :

- 99 621 entreprises dont 92,7% des établissements ont moins de 10 salariés- 361 158 salariés- 440 618 actifs (travailleurs salariés et non salariés)- 26,340 milliards d’euros HT de chiffre d’affaires

(Source : Les Comptes des Services en 2003, INSEE-EAE 2002, INSEE, 2004)

I.4.1.3 BTP

20% des hommes immigrés travaillent dans le secteur de la construction. Ils représentent 15%des actifs de ce secteur.

Près de la moitié de l'activité de ce secteur est localisée plus particulièrement dans quatrerégions : Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais.

Bâtiment :

- Effectifs : 1 206 000 personnes (956 000 salariés et 250 000 non salariés)- Chiffre d'affaires : 87,04 milliards d'euros

(Source : Ministère de l'Equipement, du Transport et du Logement)

Travaux Publics

- Effectifs : 244 000 personnes (231 000 salariés et 13 000 non salariés)- Chiffre d'affaires : 26 milliards d'euros

(Source : Ministère de l'Equipement, du Transport et du Logement - août 2001)

1 André Lebon, Immigration et présence étrangère en France en 2002, Paris : La documentation française, 2003

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 19

19

I.4.1.4 Travail temporaire

En France, le secteur d’activité de l’intérim est représenté à la fois par des grandes entrepriseset un nombre important de PME.

Les chiffres avancés par le SETT (Syndicat des entreprises de travail temporaire) font étatpour l’année 2004 de :

- 1000 entreprises- 6034 agences- 569 314 salariés en équivalent temps plein

qui se traduit par un effectif de 2 millions d’intérimaires,dont 11,8 % sont des salariés immigrés

Toujours selon des chiffres de 2004, la part de l’intérim dans l’emploi salarié est de 3,2%.La répartition de l’emploi par secteur est de :

- Industrie : 47,9%- BTP : 19,3%- Tertiaire 32,1%

La profession consacre chaque année 2,2% de sa masse salariale à la formationprofessionnelle.

(Source DARES à partir des relevés mensuels de contrats des entreprises de travailtemporaire)

La main-d’œuvre immigrée, plus fortement affectée par le chômage que le reste de lapopulation, y est représentée dans une proportion importante.

En effet, selon une source DARES1, en mars 2000, 13,4% des étrangers (nés en France, denationalité étrangère, toujours étrangers) sont en mission d’intérim ou en CDD, contre 9,6%des Français. Parmi les contrats courts occupés par les étrangers, plus de 40% sont desmissions d’intérim. Enfin, 8,2% des ouvriers étrangers sont en mission d’intérim contre 7,6%des ouvriers français.

I.4.2 Accords de branche : les priorités

Les partenaires sociaux de certaines branches professionnelles ont conclu des accordsnationaux définissant leurs priorités et leur mise en oeuvre dans le cadre de la loi du 4 mai2004. Certains de ces accords adaptent, précisent ou améliorent les dispositions légales enfonction des priorités retenues par la branche. Ces priorités peuvent viser un type d’action àdévelopper, un dispositif à privilégier, une catégorie de public à qualifier. Elles peuvent setraduire par des choix budgétaires privilégiant le concours purement financier et/ou, selon lescas, la durée de formation ou la répartition du temps de formation.

1 « Les salariés étrangers : loin des secteurs porteurs et des positions valorisées », Premières synthèses, n° 46.1,novembre 2000.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 20

20

I.4.2.1 Branche Propreté : accord national du 25 octobre 2004

- « Les partenaires sociaux définissent trois niveaux de priorités au sein de la brancheprofessionnelle concernant les publics salariés dans le cadre de la mise en œuvre desdifférents dispositifs les concernant, c’est-à-dire dans le cadre du plan de formation, dela période de professionnalisation et du Droit individuel à la formation (DIF). Il estprécisé que ces publics sont prioritaires au regard des actions elles-mêmesprioritaires dans le présent accord. Ces priorités permettront aux entreprises depouvoir bénéficier de financements complémentaires du FAF-Propreté, dans la limitede fonds disponibles ».

- Publics prioritaires (art. 2) : Sont désignés comme « publics prioritaires majeurs de labranche » par les partenaires sociaux : les agents de service, les femmes et les jeunes,et cela quelle que soit la taille de l’entreprise, « afin de réduire les inégalités d’accès àla formation et à la qualification ».

- Objectifs prioritaires (art. 3) : faciliter l’accès de ces salariés à la formation continueen « développant la démarche d’alphabétisation, la lutte contre l’illettrisme,l’initiation et le perfectionnement à la langue française, structurée par la branche »,pour les entreprises de toute taille.

I.4.2.2 Branche Restauration rapide : accord national du 22 décembre 2004

Les priorités des actions de formation développées concourent à :

- la maîtrise des savoirs fondamentaux : nécessité de renforcer les savoirs essentiels misen œuvre dans le cadre des métiers de la restauration rapide

- maintenir ou améliorer l’employabilité du salarié- favoriser l’évolution professionnelle du salarié- favoriser la connaissance, la maîtrise et l’actualisation des savoirs et techniques

requis par les métiers de la Restauration rapide- développer la connaissance de l’entreprise et de son fonctionnement- acquérir un diplôme ou une qualification professionnelle dans le cadre des métiers de

la Restauration rapide- mettre en œuvre une action de bilan de compétence ou de validation des acquis et de

l’expérience.

I.4.2.3 Branche BTP : accord national du 13 juillet 2004

Les parties signataires de l’accord arrêtent trois grandes orientations :

- La personnalisation de la formation qui prend en compte l’expérience, les acquis, lesattentes ainsi que les projets du salarié

- La professionnalisation qui permet l’acquisition, le maintien et le développement descompétences du salarié dans l’exercice de son métier au regard des besoins et desprojets de l’entreprise

- L’adaptation de la formation aux possibilités et aux aspirations des salariés et desdemandeurs d’emploi ainsi qu’aux contraintes des entreprises

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 21

21

Compte tenu des besoins importants de recrutement, le secteur du BTP accorde une prioritéparticulière au nouveau dispositif du Contrat de professionnalisation, pour « attirer, accueilliret recruter des jeunes et des demandeurs d’emploi qui souhaitent s’intégrer dans desprofessions du BTP et y évoluer, de les former aux métiers, de les professionnaliser et de lesconduire à la qualification ».

Dans cette perspective, l’accord inscrit au deuxième rang de ses priorités les contrats quiauront pour objet de favoriser l’intégration des demandeurs d’emploi et faciliter leurintégration professionnelle durable dans le secteur du bâtiment et « qui prévoient desformations permettant les acquisitions de compétences manuelles, techniques, technologiques,intégrant la sécurité et si nécessaire d’enseignements généraux fondamentaux indispensablesaux apprentissages ».

Par ailleurs, l’accord décide que « les périodes de professionnalisation sont ouvertes auxsalariés dont la qualification est insuffisante ou inadaptée aux évolutions technologiques etorganisationnelles et en priorité aux salariés ayant les premiers niveaux de qualification, quelque soit leur âge ».

Cette orientation représente une réponse explicite à une attitude indirectement discriminatoireen cours dans les entreprises, qui a pour effet d’éliminer de l’accès à la qualification lespublics âgés ou les moins formés, parmi lesquels se retrouvent les salariés immigrés installésdepuis longtemps en France.

Si les périodes de professionnalisation ont pour premier objet de permettre au salariéd’acquérir un diplôme ou une qualification reconnue, elles peuvent aussi leur permettre departiciper à :

- Des actions de formation ayant pour objet de favoriser l’adaptation à l’évolution desemplois ainsi que leur maintien dans l’emploi et de participer au développement deleurs compétences

- Des actions de promotion ayant pour objet de permettre l’acquisition d’unequalification plus élevée

- Des actions de prévention ayant pour objet de réduire les risques d’inadaptation dequalification à l’évolution des techniques et des structures des entreprises, enpréparant les salariés, dont l’emploi est menacé, à une mutation d’activité

I.4.2.4 Branche Travail temporaire : accord national du 8 juillet 2004

L’accord national du 8 juillet 2004 prend en compte en le citant clairement l’article L.900-6modifié du Code du travail.

Les priorités de la branche sont définies dans le Titre I de l’accord :

Parmi ces priorités, le chapitre 8 « Faciliter l’insertion et la réinsertion professionnelle despersonnes en difficulté » précise :« les entreprises de travail temporaire (ETT) et de travail temporaire d’insertion (ETTI) fonttravailler des personnes éloignées de l’emploi pour lesquelles des actions spécifiques sont àdévelopper pour faciliter leur insertion ou leur réinsertion professionnelle et sociale. À cette

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 22

22

fin, les entreprises peuvent utiliser les dispositifs prévus au présent accord en faveur dessalariés intérimaires concernés.Les actions de formation et les missions sont deux éléments qui participent à l’insertion ou laréinsertion dans l’emploi ». [...]

« La Commission paritaire nationale de l’emploi (CPNE) du Travail temporaire et l’OPCA debranche (FAF-TT) ont recherché les moyens d’insertion des publics rencontrant le plus dedifficultés pour évoluer professionnellement. Il est apparu nécessaire dans certains cas decombiner l’acquisition d’un premier niveau de qualification avec des actions visant àl’apprentissage des savoirs de base ».

Et de conclure ainsi ce chapitre : « Les actions de lutte contre l’illettrisme et en faveur de l’apprentissage de la languefrançaise faisant désormais partie de la formation professionnelle tout au long de la vie telque prévu à l’article L.900-6 du code du travail, l’OPCA de branche inscrira ce typed’actions à son programme d’activité. La CPNE, déjà engagée dans des actions de ce type,proposera aux partenaires sociaux la mise en place de dispositifs adaptés à ces situations ».

L’analyse de ces accords montre que, en dehors de l’accord de la branche Propreté, où il estfait explicitement référence à un public de salariés présentant des besoins de communicationen français dans leur environnement professionnel, les autres accords abordent, tout commedans les textes officiels de référence, les besoins linguistiques des salariés sous l’angle des« savoirs de base » ou « fondamentaux » comme si ces publics, du fait d’une insuffisantemaîtrise de la langue du pays d’accueil, étaient naturellement dépourvus de ces savoirs.

I.4.3 Les OPCA (Organismes Paritaires Collecteurs Agréés) 1

Les OPCA sont chargés de mettre en œuvre auprès des entreprises les orientations nationalesde leur secteur.

On distingue les OPCA de branche, qui prennent en charge la collecte des fonds et la gestionde la formation pour un secteur professionnel donné et les OPCA interprofessionnels, quiassurent les mêmes fonctions soit pour des regroupements régionaux d’entreprises(OPCAREG), soit pour des entreprises de structure similaire, comme AGEFOS-PME (petiteset moyennes entreprises).

Outre leurs fonctions administratives et comptables, les OPCA, qu’ils soient de branche ouinterprofessionnels, assument de plus en plus des missions similaires2 :

- Information et conseil aux entreprises adhérentes. Ils leur apportent un appui deproximité en matière de formation : aide à l’identification des besoins de l’entreprise àtravers l’analyse des besoins de formation des salariés, pour le développement de leurscompétences.

1 Les OPCA sont des organismes paritaires administrés par les représentants de l'ensemble des organisationsprofessionnelles d'employeurs et des syndicats représentatifs des salariés d’un secteur professionnel. Ils sontagréés par l'Etat pour collecter et mutualiser les contributions des employeurs au financement de la formationprofessionnelle continue. Ils ont également pour mission de gérer les actions de formation.2 D’après l’Etude sur les relations entre OPCA et organisme de formation dans le système français de formationprofessionnelle, Bernard Brunhes Consultants, janvier 2001.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 23

23

- Aide au montage de projet : l’objectif est d’anticiper les changements à venir de labranche, du bassin d’emploi ou de l’entreprise, en apportant un appui qui peut prendrela forme d’actions collectives qui permettent à l’OPCA d’encourager les entreprises àfaire appel à certaines thématiques de formation. À ce titre, les OPCA organisent lerecours à des organismes de formation, en particulier en lançant des procéduresd’appels d’offres et en établissant des cahiers des charges. Les OPCA sont alors, dansune certaine mesure, prescripteurs de formations. Ils sont ainsi amenés à rechercherdes partenaires pour le financement des formations.

Les OPCA sont donc les relais de proximité pour mettre en œuvre des politiques élaborées àun échelon national. C’est de leur investissement et de leur dynamisme sur le terrain quedépendent l’engagement et la réalisation des objectifs prioritaires.

Le niveau régional devient aujourd’hui le niveau pertinent où les politiques et les acteursimpliqués dans la formation (Conseils régionaux, DRTEFP, ANPE, OPCA, organismes deformation) décident des financements à allouer à la formation.

Par leur présence au niveau des territoires, au plus près des entreprises et particulièrement desplus petites, les OPCA deviennent des acteurs incontournables. Ils doivent s’adapter à uneterritorialisation de la gestion de la formation, sous l’effet du transfert de compétences del’Etat aux régions en matière de financement, d’organisation et de gestion de la formationprofessionnelle continue.

Notre attention s’est portée sur un OPCA interprofessionnel, AGEFOS-PME, pour deuxraisons :

- d’une part pour sa structuration interprofessionnelle, au plus près des petites etmoyennes entreprises et son ancrage territorial

- d’autre part pour son engagement explicite en faveur de la formation des salariésmaîtrisant insuffisamment les « savoirs de base » ou « savoirs fondamentaux », dont lalangue française orale et écrite fait partie

En effet, un accord-cadre national conclu en 2002 entre AGEFOS-PME et l’Agence nationalede lutte contre l’illettrisme (ANLCI) a pour objet de « sensibiliser les dirigeants des PME etTPE au problème de l’illettrisme et à ses conséquences sur la performance sociale etéconomique de l’entreprise ».

De nouvelles priorités sont venues enrichir l’accord reconduit en juin 2004 : « la recherche departenariats locaux, l’accent mis sur l’accompagnement et le tutorat des salariés en difficulté,le croisement des priorités de branches et des territoires ».

Cet accord a pour incidence de marquer la volonté des signataires de mettre en relation lesdifférents acteurs du territoire et, à travers les correspondants « illettrisme » dans les DRTEFPet DDTEFP, d’impliquer l’Etat.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 24

24

I.4.4 Les observatoires prospectifs des métiers

CréationDifférents observatoires existaient déjà à la fin des années 80, mais la loi n° 2004-391 du 4mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue socialpréconise pour chaque branche la création d’un observatoire prospectif des métiers et desqualifications.

Ces dispositions font suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) du 20 septembre 2003,signé par l’ensemble des partenaires sociaux, repris dans celui du 5 décembre 2003 quidemande à chaque branche de définir les missions et les conditions de mise en place d’unobservatoire.

Statuts Les observatoires créés suite à l’ANI émanent tous d’un accord de branche, contrairement àceux mis en place ultérieurement qui ont été créés dans des contextes très variés (accords debranches et accords nationaux, inscription dans la CCN (convention collective nationale) avecaccord de branche ou décision de la CPNE).

Qu’ils aient été créés avant ou même après l’ANI, leurs statuts restent très hétérogènes.Certaines branches ont opté pour un observatoire ayant une entité juridique propre sous formed’association « loi 1901 ». Ailleurs, il s’agira de services intégrés aux syndicatsprofessionnels ou intégrés à l’OPCA dédié à une branche ou regroupant plusieurs branches.

ObjectifMalgré la diversité des statuts, des financements et des fonctionnements, l’ensemble desobservatoires a pour mission d’assurer une veille sur les métiers.

Au travers d’études prospectives, ils se donnent pour objectif de permettre l’anticipation desévolutions des métiers de la branche afin de pouvoir accompagner les entreprises dans ladéfinition de leurs politiques de formation et les salariés dans l’élaboration de leurs projetsprofessionnels. Ils sont également particulièrement impliqués en matière de certifications deformation professionnelle.

Le groupe de travail PROMETHEE (Prospective des métiers et thématisation des emploisémergents), groupe projet du Commissariat général du Plan dirigé par Christine Afriat, a pourobjectif de faire le lien entre les travaux nationaux de prospective des métiers et desqualifications et les travaux conduits par les observatoires des métiers et des qualifications desbranches. Dans son rapport, il identifie les cinq grandes missions des observatoires :

- Identifier, recueillir et analyser les données sur les entreprises, l’emploi et la formationpermettant une meilleure connaissance de l’existant.

- Analyser et anticiper l’impact des évolutions économiques, technologiques,réglementaires et démographiques sur l’évolution de l’emploi, des métiers et desbesoins en formation.

- Apporter des éléments pour éclairer et orienter la politique compétences, emploi etformation de la branche et la négociation au sein de la branche.

- Favoriser l’adaptation de l’offre de formation aux besoins quantitatifs et qualitatifs desentreprises en compétences ; favoriser l’adaptation de l’offre de certificationprofessionnelle par le biais de rénovations ou de créations (diplôme, titres, CQP, etc.).

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 25

25

- Diffuser les données aux acteurs et aux partenaires de la branche : entreprises,organisations professionnelles et salariés, Etat et régions, réseaux d’accueil,d’information et d’orientation des jeunes, organismes de formation, lycéesprofessionnels et CFA (Centre de formation des apprentis).

Ces cinq missions fondatrices ne sont pas forcément propres à l’observatoire puisqu’ellespeuvent se croiser ou être communes avec celles d’une fédération patronale, du conseild’administration d’un OPCA ou d’une CPNE. Les observatoires se focalisent surtout sur uneaction d’étude et de réflexion, prise ici dans un sens large, alors que les autres structures de labranche ont un rôle d’action.

À propos des CPNE (Commission Paritaire Nationale de l’emploi et de la Formationprofessionnelle)Le rôle des CPNE est d’examiner périodiquement l’évolution qualitative et quantitative desemplois et des qualifications dans leur champ professionnel. À partir des travaux menés, ellesdoivent émettre des recommandations et définir les priorités en matière de formation. Pour cefaire, les CPNE s’appuieront sur les travaux réalisés par les observatoires, ce qui induit unearticulation étroite avec ces derniers.

Selon les branches, on retrouve une configuration différente d’articulation entre le comitéparitaire de pilotage de l’observatoire et la CPNE.

Les observatoires, quels qu’ils soient, travaillent toujours sous l’égide de la CPNE. Si, danscertains cas, ils restreignent leur rôle aux recueils de données et à l’analyse statistiqueadministrative, se définissant comme un outil au service de la CPNE, sans fonctiond’intervention directe auprès des entreprises, dans d’autres cas, les observatoires cumulent lesmissions et ont une fonction d’accompagnement des entreprises. Ils sont à la fois au servicede la branche et des entreprises pour lesquelles ils doivent créer des outils de pilotage ou degestion des ressources humaines. C’est le cas notamment des observatoires des assurances, dutransport aérien, des industries de carrières et matériaux de construction ou des industries dumédicament. Ainsi, l’observatoire peut avoir un rôle moteur dans la définition de la politiquede la branche, comme il peut servir d’intermédiaire entre la branche et l’entreprise. Quelquesobservatoires, surtout parmi les plus anciens, sont aujourd’hui identifiés comme des relaisentre le niveau politique et le niveau exécutif.

Une dimension nationale, mais aussi territorialeSi les observatoires de branche ont une dimension nationale puisqu’ils s’adressent àl’ensemble des entreprises et des salariés de la branche, les politiques de décentralisation sesuccédant depuis les lois de 1982 et 1983 et touchant l’ensemble de la formationprofessionnelle, initiale comme continue, rendent indispensable la connaissance desterritoires. Des observatoires régionaux de l’emploi et de la formation (OREF) ont été mis enplace pour favoriser cette connaissance et la rendre disponible. Les données et les réflexionsqu’ils ont accumulées alimentent le travail des observatoires de branches qui, eux-mêmes,apportent aux OREF travail de spécialiste.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 26

26

Un éclairage pour les négociations dans les champs de la formation et de l’emploiDans le champ de la formation et de la certification, les observatoires peuvent avoir uneinfluence décisive. Même si la construction de diplômes ou autres certifications ne relève pasdes missions des observatoires, les connaissances qu’ils accumulent peuvent être utilisées parles acteurs des politiques de certifications. Ils peuvent ainsi alimenter les travaux descommissions professionnelles consultatives des ministères, commissions paritaires danslesquelles siègent les organisations professionnelles des branches. Ils favorisent par ce biais lerenouvellement de l’offre de certifications professionnelles, que celles-ci dépendent deministères ou d’organismes privés. Des diplômes et des titres professionnels ont ainsi pu êtrecréés, rénovés ou supprimés grâce à des travaux menés par des observatoires. Les analysesproduites ont par ailleurs incité plusieurs branches à mettre en place les certificats dequalification professionnelle (CQP), certifications jusqu’à présent internes à la branche maisqui pourraient devenir plus souvent transversales à plusieurs branches.

Les travaux des observatoires ont permis également, dans certains cas, de définir des publicsprioritaires pour la formation professionnelle ou de cibler des formations à développer

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 27

27

II. ETAT DES LIEUX

II.1 Enquête de terrain (entretiens)

II.1.1 Les branches étudiées

II.1.1.1 Propreté

Il s’agit d’un secteur qui recrute dans une forte proportion, et tout du moins pour les postes lesmoins qualifiés, une population migrante majoritairement originaire des pays d’Afrique oudes pays du Maghreb. Pour la plupart, ces personnes n’ont été que peu ou pas du toutscolarisées dans leur pays d’origine. Ainsi, si la majorité d’entre elles parle ou « sedébrouille » à l’oral, peu ont véritablement la maîtrise de la lecture et de l’écriture en français.

Bien souvent, on « entre » dans une société de nettoyage parce que l’on y connaît quelqu’un,un membre de la famille, une connaissance qui y travaille déjà. On y est introduit par sonintermédiaire et souvent c’est cette personne qui va vous accompagner et vous former pendantles premiers jours. Les tâches à effectuer pour les agents de nettoyage et les femmes deménage sont des tâches répétitives. Les explications et les consignes se transmettent pourl’essentiel à l’oral, en français et aussi dans la langue native entre personnes issues d’unemême communauté linguistique.

Sur les sites les plus importants, une gouvernante a le rôle de chef d’équipe. Elle fait le mêmetravail que les autres mais a également la responsabilité de la coordination de l’équipe, c’est àdire la répartition des tâches et la supervision du travail effectué. C’est aussi elle qui gère lesstocks de produits et passe les commandes. Elle peut être amenée à avoir des contacts avec lesclients (direction d’un hôtel par exemple), elle doit aussi rendre compte à ses supérieurs horssite. Pour ce poste, la maîtrise du français aussi bien écrit qu’oral est une nécessité. C’estaussi le cas quand une personne est envoyée seule sur un site.

D’un entretien à l’autre, les besoins en formation linguistique s’avèrent récurrents. Cesbesoins se justifient pour une meilleure compréhension des consignes, (ce qu’il y a à faire,mais aussi les consignes de sécurité) qui réduirait à la fois les erreurs et la prise de risques.

« Il ne faut pas confondre les produits, des fois il faut les diluer, si tu ne sais pas lire lanotice, ça peut être dangereux Ca arrive aussi que le patron donne l’adresse par écrit, avecun plan. Mais si tu ne sais pas lire le plan, tu ne vas jamais réussir à aller sur le chantier »nous confient des stagiaires d’un organisme de formation travaillant pour le FAF Propreté.Une autre salariée, quant à elle, nous raconte comment une nouvelle recrue ne sachant pas lirele tableau des consignes s’est trompée sur les chambres à faire et a refait toutes les chambresayant déjà été faites par une collègue.

Des formations linguistiques ouvrent par ailleurs, aux yeux de ces salariés, une perspectived’évolution au sein de leur entreprise et auraient pour effet de les impliquer davantage danscette entreprise.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 28

28

« Lorsque je saurai (parler, écrire), je pourrai changer de poste, sinon ce sera toujourspareil » « Je ne pouvais pas (être chef d’équipe), parce que je ne savais pas lire ni écrire, (…)je ne pouvais pas pointer les gens. Il faut que je sache lire et écrire pour avoir ma place dechef d’équipe ! ».

Malgré ces besoins avérés, l’accès à des formations pour ces salariés reste réduit. Une despremières causes à cela est que l’information concernant les formations ne circule pas ou trèsmal. Les salariés ne savent donc pas quelles formations leur sont ouvertes et comment fairepour y accéder. L’éclatement des salariés sur de multiples sites ne favorise pas la diffusion del’information nécessaire. Bien que certains syndicats aient obtenu l’installation de tableauxd’affichage sur les lieux de travail, celle-ci reste minoritaire. Dans le cas où cette informationexiste, si elle passe uniquement par le canal de l’écrit, la plupart des salariés, ne possédant pasla maîtrise de la lecture/écriture, n’y ont pas accès.

Nous pouvons également imaginer que si la non-maîtrise du français constitue une barrièrepour l’accès à l’information, elle sera également une difficulté pour la constitution d’undossier CIF, VAE ou autres.

Face aux besoins et à la demande, certaines sociétés de nettoyage incluent désormais dansleurs plans de formation des formations linguistiques et y envoient leurs salariés. Le FAFPropreté a mis en place des formations inter-entreprises en alphabétisation pour desentreprises du secteur du nettoyage et travaille en collaboration avec des organismes deformation spécialisés. Mais si l’on regarde les chiffres, un organisme de formation parisienforme 30 à 40 stagiaires par an. Même si certaines personnes partent en formation dans lecadre du CIF, combien cela suppose-t-il de demandes restant insatisfaites ? Dans la réalité,effectivement, beaucoup de demandes faites par oral ou par courrier auprès de supérieursrestent sans réponse ou se sont soldées par un refus.

Comme le fait remarquer un autre salarié interviewé, « les exécutants de base accèdentrarement à des formations ». C’est le même écho que l’on retrouve dans un autretémoignage : « J’ai demandé en 2004, directement à mon employeur, mais ma demande a étérefusée». Cette personne était alors pourtant salariée depuis huit ans au sein de la mêmesociété. Même expérience pour un autre salarié depuis quatre ans dans la même entreprise :« J’ai parlé au nom de tous les salariés du site pour qu’on ait des formations (…) j’aidemandé au directeur, c’est celui qui est au-dessus du chef de site. J’ai demandé plusieursfois, j’ai fait des courriers, je n’ai eu aucune réponse. »

Il arrive aussi que des salariés faisant la demande d’une formation soient renvoyés auprès desmairies ou d’associations comme si leurs besoins ne concernaient pas le monde du travail etétaient par conséquent rejetés dans la sphère du personnel et du domaine du social.

Le témoignage d’un salarié souligne le rôle d’accompagnement que peut jouer le syndicatdans une demande de départ en formation, mais il ne semble pas qu’il y ait une mobilisationplus globale de la part des syndicats pour l’accès à ce type de formation. Les départs enformation semblent pour l’instant rester le privilège de quelques-uns. Un délégué syndical faitréférence à des expériences de formations qui se sont soldées par des échecs avec la désertiondes cours par les apprenants.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 29

29

Au lieu de prendre ces échecs comme une fatalité, essayons de les analyser afin d’en trouverles causes et de proposer des formations plus adaptées aux caractéristiques de la branche.

Le secteur du nettoyage réunit effectivement certaines caractéristiques qui peuvent agircomme des freins à une entrée en formation.

Pénibilité du travail et précaritéUne grande partie du personnel travaille avec des horaires éclatés, souvent avec une tranchehoraire le matin de 6 à 10h, puis le soir de 17 à 21h. Il s’agit souvent de personnes ayant unlieu de résidence éloigné du lieu de travail. À la fatigue liée aux horaires et aux déplacementsen transport en commun s’ajoute celle due au travail lui-même. Être femme de ménage n’estpas de tout repos, c’est un travail physique, souvent soumis à des cadences que l’employeurexige de plus en plus élevées au fur et à mesure que, de son coté, il accepte des marchés auxbudgets de plus en plus serrés. S’ajoutent aussi souvent des conditions de vie précaires et,pour les femmes, la garde des enfants qui rendent difficile une formation dès lors que celle-ciest proposée hors du temps de travail.

Eclatement du personnelUne autre caractéristique de la branche est la dispersion du personnel sur des sitesd’importance variable. Ces sites sont des hôtels, des bureaux, divers locaux ou lieux publics.Si certains sites peuvent regrouper une équipe de 30 à 50 personnes, la plupart sont des sitesde 1 à 10 salariés. Comme nous l’avons déjà évoqué plus haut, cet éclatement rend difficile lacirculation de l’information parmi les salariés. Il apparaît également comme un frein si l’onenvisage la mise en place d’une formation sur le lieu de travail.

Temps partiels et « multi-employeur »S’ajoute un phénomène de « multi-employeur » lié à la fréquence des contrats à tempspartiels. Un salarié n’aura pas un employeur unique mais cumulera bien souvent plusieurscontrats à temps partiel auprès de plusieurs employeurs. Se pose alors la question de savoirqui finance et quand se positionnera le temps de formation.

Toutes ces caractéristiques doivent être prises en compte dès lors que l’on réfléchit à la miseen place d’une formation pour ce secteur.

II.1.1.2 BTP

Ce que l’on regroupe sous le terme généralisant de BTP est multiple. Comme nous le faisaientremarquer deux salariés d’un organisme de formation spécialisé dans le BTP, « Dans BTP, ilfaut distinguer d’abord les Travaux Publics et le Bâtiment. Puis au sein du Bâtiment, il y a legros œuvre (maçonnerie, charpente, couverture,…) et le second œuvre (c’est-à-dire tous lesmétiers liés à la finition : électricité, plomberie, etc.) ».

Le bâtiment regroupe donc une multitude de métiers demandant plus ou moins dequalifications et mettant en scène des publics à profils variés

On évoque souvent pour cette branche une difficulté à l’embauche, mais selon le métierconcerné au sein du secteur, les besoins diffèrent et la demande va être plus ou moins forte. Sicertains métiers sont bouchés, c’est le cas des domaines de l’électricité, de la plomberie et dela peinture qui présentent actuellement un fort taux de chômage, d’autres, comme la

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 30

30

couverture, l’étanchéité ou les travaux publics accusent une forte demande de la part desentreprises et ce sur une population non qualifiée et sans expérience.

Le témoignage d’une conductrice de travaux dans le bâtiment va dans ce sens. « Le métiern’attire pas tellement les jeunes ». Elle explique ces propos en évoquant plusieurs raisons. Lesfils d’ouvriers portugais arrivés en France il y a une vingtaine d’années ne prennentgénéralement pas la relève. Pour la plupart scolarisés en France et ayant fait des études pluspoussées que leur père, ils se positionnent maintenant davantage sur les postes d’encadrement.Pour les emplois d’ouvriers, le manque d’attractivité s’explique par la dureté des conditionsde travail : « C’est un métier où tu apprends dans la douleur (…) et puis tu travailles dehorsqu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente. C’est usant, ça se voit, ils sont marqués (…) ».

La deuxième cause à la pénurie de candidats, c’est une rémunération qui ne vient pascompenser la pénibilité du travail : « Et puis ça ne paye pas ! ».

D’après nos interviewés, il y a de la part des entreprises la demande d’une maîtrise minimumdu français non seulement à l’oral mais aussi de plus en plus à l’écrit, et ceci même pour lesimple manœuvre. « Il peut faire des fautes, mais les gens analphabètes qui ne maîtrisent pasdu tout la lecture/écriture ne pourront pas faire carrière dans le BTP ». À l’oral, il faut êtrecapable de comprendre les consignes d’un supérieur. En situation de danger, il faut pouvoirréagir rapidement à un ordre. À l’écrit, il faut être capable de lire un plan, ce qui est faisablepour quelqu’un n’ayant pas une grande maîtrise du français mais devient plus difficile pourune personne n’ayant jamais été scolarisée. Pour le chef d’équipe, il faut pouvoir passer unecommande, tâche qui se faisait avant par oral (téléphone) et qui passe désormais de plus enplus par l’écrit (fax).

La réalité du terrain est que le BTP est une branche qui recrute de longue date pour seschantiers des populations migrantes. Et si, officiellement, les employeurs demandent un pré-requis en français, sur les chantiers travaillent des personnes n’ayant pas forcément la maîtrisede la langue. Ces populations se retrouvent majoritairement dans le secteur des TravauxPublics ainsi que dans la partie dit de « gros œuvre » du Bâtiment (maçonnerie, charpente,couverture…). Celles-ci ont donc intégré le chantier sans soumettre un curriculum,généralement en étant introduites par une connaissance ou un parent, ou encore en passant parune agence d’intérim car il s’avère aussi que le BTP travaille beaucoup avec des travailleursintérimaires.

On observe une tendance des communautés linguistiques et/ou ethniques à se regrouper ausein d’un même corps de métiers. Ainsi en est-il de la communauté portugaisemajoritairement présente pendant très longtemps dans le secteur de la maçonnerie etremplacée aujourd’hui petit à petit par la communauté turque. Ce phénomène decommunautarisation engendre le fait que « dans le bâtiment, un Portugais peut très bienévoluer dans sa profession sans parler français. ». Au cours des années, des réseaux seforment au sein des secteurs. Ces réseaux permettent à un chef d’équipe portugais, parexemple, d’avoir sous ses ordres une équipe portugaise et au-dessus de lui un chef de chantierportugais. Lorsqu’il aura besoin de passer une commande de matériaux, il pourra le faire danssa langue auprès d’un fournisseur originaire lui aussi du Portugal.

D’un autre côté, un chef d’équipe embauchera plus facilement un ouvrier issu de la mêmecommunauté que celle déjà majoritairement présente dans son équipe car il sait que sonintégration sera plus facile.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 31

31

Si, selon les dires d’une salariée, la branche du BTP s’est adaptée à cette situation, celle-cin’est néanmoins pas sans poser problème.

- D’abord, il peut y avoir un réel problème de communication, lorsqu’on est face àquelqu’un ne parlant effectivement pas, ou très peu, français.« (…) Je me suis aperçue qu’il faisait mal son boulot (…). Il parlait très mal françaiset c’est vrai qu’il était gêné parce qu’il n’arrivait pas à se faire comprendre. Quand jelui disais : tu n’as pas mis la barre là…, il voulait expliquer pourquoi, mais il n’yarrivait pas, il prenait un plan, disait deux ou trois mots en français, il était gêné»,raconte notre interviewée.

- Au delà du problème de la langue, cette situation de communautarisation engendreégalement des rivalités entre les différentes communautés : « (…) Il y a un vrai racisme sur le chantier. Les Black ne supportent pas les Portugaisqui ne supportent pas les Arabes (…). Il va y avoir une animosité entre deux équipesparce que l’une va avoir un chef d’équipe français et l’autre un portugais. Il va yavoir une espèce de rivalité et ce n’est pas toujours très simple à gérer », explique uneconductrice de travaux.

- Il peut y avoir des pressions volontairement exercées par le groupe vis à vis d’unepersonne n’étant pas de la même communauté linguistique. Ce pouvoir du groupe estencore plus utilisé en cas de conflit.« Des fois c’est davantage un problème de culture et/ou d’autorité que de maîtrise dufrançais. Quand tu arrives dans une communauté et qu’ils font exprès de parlerportugais. Ils savent que tu ne comprends pas, ils le font exprès ».Comme le fait très justement remarquer la même conductrice de travaux, cetteutilisation délibérée d’une langue étrangère vis-à-vis d’une personne ne la comprenantpas, ne relève bien entendu pas de la formation linguistique mais est directement liée àla situation de communautarisation fréquemment constatée sur les chantiers.

Pour en revenir à la formation, il existe dans le BTP des formations techniques, mais celles-cisont rares et généralement mal perçues. Dans le témoignage de cette conductrice de travaux,par les termes qu’elle emploie en y faisant référence, c’est avant tout un très fort sentiment deméfiance qui est exprimé. En parlant des formations suivies, elle dit « avoir subi desformations », elle les juge comme étant « complètement décalées » par rapport aux réalités duterrain. Elle utilise aussi le terme d’« allergie aux formations ».

Le fonctionnement du Bâtiment, c’est avant tout une formation « sur le tas », un apprentissagesur le terrain, une histoire de relation entre celui qui veut apprendre et celui qui va enseigner.

« Il n’y a pas de formations extérieures, c’est tout de main à la main, et aussi à la tête duclient. Si le chef voit quelqu’un qui en veut, il va lui apprendre (…) ». Si des formationsexistent et semblent obligatoires, il n’en reste pas moins que « (les gars) sont formés sur leterrain, puis ils partent deux, trois jours en formation pour avoir une espèce de certificatmentionnant qu’ils sont aptes à être chef d’équipe. C’est un papier qui officialise leurformation sur le terrain ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 32

32

Il va sans dire que, partant de cette perception négative des formations en général, lesformations linguistiques ne s’affichent pas comme étant une préoccupation première pour lesentreprises de la branche. S’il y a pré-requis à l’embauche, la formation se fera en amont, s’iln’y en a pas, tout se passera alors sur le terrain. Soit le salarié trouvera une place dans unecommunauté linguistique et dans ce cas pourra très bien faire avec une maîtrise infime de lalangue, soit il apprendra le vocabulaire nécessaire au fur et à mesure des tâches qu’on luidemandera d’exécuter.« Le gars qui comprend très très mal le français, il va probablement commencer manœuvre.Le chef de chantier va lui dire : tu prends le balai, tu balaies là. Lorsqu’il va se faireengueuler parce qu’il n’aura pas balayé au bon endroit, il va comprendre (…). Au début il vafaire des tâches simples à décrire et simples à comprendre. Petit à petit, plus il va parler, plusil va comprendre ».

Comment envisager une formation « acceptable » pour des « gars » habitués à travailler enextérieur tout au long de l’année, habitués aussi à un apprentissage très en lien avec le terrain,mais aussi très en lien avec la notion de transmission d’un savoir se faisant au jour le jour aucours d’une expérience commune ? « Ils sont allergiques au fait d’être derrière un bureau etde recevoir des informations de quelqu’un qui va dispenser son savoir. Eux, déjà, êtrederrière un bureau au bout de deux heures, ils n’en peuvent plus. Et il y a cette réticence dufait que ça vient des bureaux : ça ne sert à rien, c’est de la parlotte ».

S’il y a volonté de mise en œuvre d’une formation, il faudra prendre en compte cettespécificité de la transmission des savoirs « sur le terrain » en préservant les canaux detransmission des savoirs déjà en œuvre dans la profession, en l’utilisant éventuellement et ensachant y injecter du linguistique. Pour cela il faudra que celle-ci se fasse avec despartenariats solides dans l’entreprise.

II.1.1.3 Hôtellerie-restauration

La branche hôtellerie-restauration présente un certain nombre de caractéristiques. Il s’agitd’une branche en forte tension au niveau de l’emploi, avec pour certains métiers de bassequalification une pénurie de main-d’œuvre (serveurs, femmes de chambre). Les métiers, quelque soit leur degré de qualification, sont actuellement répulsifs car ils impliquent des horairesirréguliers et souvent très décalés (de nuit, le dimanche) par rapport aux autres secteursd’activité. Enfin, les perspectives en matière de salaire sont très réduites, la pénibilité desemplois n’étant que très faiblement compensée financièrement. Dès lors, les postes de basniveaux sont principalement occupés par de la main-d’œuvre étrangère, parfois trèsfraîchement arrivée en France, et les postes plus qualifiés voient une forte rotation despersonnels.

De l’aveu de tous les interviewés, la principale difficulté du secteur est de stabiliser lesemployés. À cet égard, il est à noter que 80% des jeunes formés dans la branche (en CAP, bacpro ou sur CIF) ont quitté celle-ci au bout de cinq ans, les réceptionnistes évoluant parexemple vers des emplois de secrétaires en entreprise. Tous les niveaux de qualification sontpar conséquent touchés par une certaine hémorragie des personnels. La branche constitue unpremier sas vers l’emploi pour les étrangers arrivant en France : Maliens, Indiens, souventanalphabètes, à la plonge ou en cuisine ; Polonaises, Tchèques, Roumaines (à des niveauxbac+4) à la réception d’hôtels ou au service en salle. Mais, elle est caractérisée par unerotation rapide des personnels, qui la quittent dès que possible.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 33

33

Dans ce contexte particulier, la question de la langue comme compétence professionnelleretient l’attention des interlocuteurs. Embauchant majoritairement des étrangers nonfrancophones, les employeurs sont conscients de la nécessité d’une formation linguistiqueminimale pour les métiers au contact de la clientèle : femmes de chambre, serveurs,réceptionnistes de nuit (« night audits »). En effet, ces postes sont occupés à 80% ou plus pardes étrangers parlant peu le français.

Pour les emplois de bas niveau de qualification qui ne sont pas en contact direct avec laclientèle (comme les plongeurs ou les commis de cuisine en restauration collective), lesacteurs de la branche sont moins sensibles à la question. Le français est même assez souvent« court-circuité » et les tâches s’effectuent et se coordonnent dans la langue des publicsmigrants (comme à la plonge pour les Maliens).

Face à ces phénomènes de communautarisation (dont l’analyse sera développée en II.2.1.3),certains syndicats mènent une politique « volontariste ». L’amélioration de la compétencelinguistique de ces personnels « en coulisse » est alors présentée comme une possibilité demontée en qualification vers des postes mieux rémunérés, au contact de la clientèle (voir leprogramme Acteur chez Accor). Au final, cette promotion assure également la stabilisationdes personnels au sein d’un établissement ou d’un groupe hôtelier, ce qui est un des enjeuxmajeurs de la branche.

Les employeurs, pour leur part, se trouvent confrontés à la problématique de la compétencelinguistique depuis peu. Ils sont en effet obligés de respecter des normes « hygiène etsécurité », dites normes « HACCP » (en cuisine notamment), qui nécessitent ponctuellementun passage à la lecture et à l’écriture. Certaines personnes en emploi risquent de ne pluspouvoir s’y maintenir, ce qui fait de la compétence linguistique une condition d’occupation decertains postes. On note à cet égard l’émergence d’expériences de formation sur site (encuisine) destinées à garantir l’emploi de commis de cuisine (voir II.2.3).

Si l’on entre dans le détail des métiers concernés par l’amélioration de la compétencelinguistique, on remarque que les acteurs interviewés ont une perception précise des besoins.Ils listent même spontanément ces derniers.

Ainsi, pour le métier de femme de chambre, il est dit que : « C’est un « vrai métier » qui demande de savoir :

- comment accueillir un client (au contact, un peu comme réceptionniste)- renseigner un client qui se perd dans les étages- donner des informations de base sur les services disponibles dans l’hôtel

et pour la communication avec les autres collègues : - signaler des imperfections (robinetterie)- communiquer avec la gouvernante (la gouvernante, c’est une ancienne parmi les autres,

qui est montée avec un peu plus de compétences et plus d’autorité et qui peut écrire etlaisser des traces) et pour la sécurité :

- utiliser les produits dangereux, respecter les consignes de sécurité. »

Pour le métier de « night audit », un autre interviewé précise : « Ils sont le soir à la réception et gardent l’hôtel (dedans au comptoir). S’il se passe quelquechose (panne, altercation, réclamation), ces catégories de personnel doivent faire face, sanspersonne pour les aider. Souvent, ils doivent laisser des traces écrites de ces problèmes, des

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 34

34

notes. Une formation à l’écrit et à l’argumentation orale devrait donc compléter lescompétences d’accueil de la clientèle. Ce métier pénible est presque toujours exercé par desétrangers (démunis linguistiquement) ».

Un début de listage des compétences écrites et/ou orales est donc opéré par les acteurs de laformation de la branche. On note avec intérêt que le profilage des besoins professionnels estspontanément effectué en termes de compétences de communication par les intéressés, ce quine peut que faciliter d’éventuelles expérimentations didactiques, sous la forme de projets-pilotes de formation des personnels (voir leviers possibles en III.1).

On peut donc dire que le secteur hôtellerie-restauration, sans doute du fait de sa situation entension et de l’imposition de normes récentes, est relativement réceptif à la problématique dela compétence linguistique comme compétence professionnelle. Mais, dans un même temps,on ne saurait nier que nombreux y sont les contournements mis en place pour minimiser oucourt-circuiter les difficultés liées à la non-maîtrise de la langue. On peut ainsi parler devéritables stratégies d’évitement de la question, lesquelles seront détaillées en II.2.1. Le bilanest donc fortement contrasté pour cette branche, concernée à tous les niveaux de qualificationpar l’afflux de migrants non francophones.

II.1.1.4 Travail temporaire

D’après les chiffres du Syndicat des Entreprises de Travail Temporaire (SETT), l’emploiintérimaire, avec 490 000 salariés ETP (Equivalent Temps Plein), représente 1,8% de lapopulation active et 3,2% des emplois salariés. Parmi ces emplois salariés, 43,7% ont unstatut d’Ouvrier Non Qualifié.

Toujours selon le SETT, en 2004, le secteur du travail temporaire a dépensé 260 millionsd’euros dans des actions de formation. « La profession consacre chaque année 2,20% de samasse salariale à la formation des intérimaires dans le cadre du plan de formation, del’alternance et du CIF. Ce sont environ 200 000 salariés intérimaires qui chaque annéebénéficient d’une action de formation ».

Le challenge des ETT est de toujours pouvoir répondre à la demande des entreprisesutilisatrices. C’est motivées par ce besoin de réactivité, par la nécessité de pouvoir proposerau bon moment à leurs entreprises clientes les compétences recherchées, que les ETT se sonttrès bien positionnées dans le domaine de la formation. De surcroît, la législation impose auxETT de placer en entreprise des personnes titulaires d’attestations professionnelles auxdernières normes et octroie en contrepartie un volume horaire de formation plus important (leDIF est porté à 40h par an au lieu de 20h).

Prenant en considération la nécessité de réactivité et de satisfaction de l’entreprise utilisatrice,une société de travail temporaire, qui annonce elle aussi un fort engagement dans la formationde ses salariés, met ainsi en place des formations métiers pour les branches Experts & Pros del’industrie et pour le BTP, formations basées sur l’identification, le développement et lapromotion des compétences.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 35

35

Pour sa branche Tertiaire et Services, on touche le domaine du linguistique, puisqu’uneformation à la langue anglaise est proposée. Mise en œuvre en partenariat avec un organismede formation, elle se passe sur le principe du e-learning en donnant pendant 6 mois un accèsillimité aux intérimaires à différents cours d’anglais via Internet. Rien ne nous est dit sur sonsite concernant des formations en Français Langue Etrangère ou en alphabétisation.

Le chef du département formation d’une grande entreprise de travail temporaire, nousconfirme également le besoin énorme en formation des ETT pour pouvoir répondre à lademande des entreprises utilisatrices. Dans le cadre de ces formations, il s’agit de « fabriquerdes compétences, dans des secteurs où il n’y a pas assez de gens employables, où il y apénurie d’emploi ».

Il souligne aussi la place prise par des formations mises en oeuvre par la nécessité de devoirrépondre aux nouvelles normes de sécurité : « Dans certaines régions, c’est un axe deformation qui représente jusqu’à 60% du volume ».

En raison de déficiences en lecture/écriture en français, beaucoup de personnes souventd’origine étrangère ne peuvent plus se maintenir dans le métier malgré des compétenceseffectives acquises sur le terrain, alors même que, pour certaines professions, souvent les pluspénibles et à bas niveau de qualification, il y a pénurie de main-d’œuvre. « Les entreprisesveulent des personnes de bas niveau de qualification sur des postes peu payés et là,généralement ce sont à 80% des personnes d’origine étrangère, sans aucun diplômescolaire ». « La contradiction, relève encore ce chef de service formation, c’est qu’avec lesnouvelles normes, elles veulent pour les mêmes postes des personnes qualifiées, estampillées,qui doivent donc savoir lire et écrire, avoir le contact, des notions de tout ».

Les entreprises utilisatrices exigent donc des formations en amont. Cette société de travailtemporaire s’est plié à ces exigences en mettant en place des formations de type CIPI (Contratd’Insertion Professionnel Intérimaire) englobant du français « (…) parce qu’on est obligé,sans ça, ils ne seraient pas employables ». Il parle d’un exemple précis, celui du métier de« mineur-boiseur » : « Il s’agit d’un métier plutôt pénible, il s’agit de creuser des galeries,pour le métro par exemple, ou les tunnels routiers, etc. Il y a là des normes très strictes àrespecter, il ne faut pas creuser n’importe où, il ne faut pas que la galerie s’effondre. Etpersonne pour faire ça. Alors on a pris des jeunes, sans rien scolairement, tous étaient plusou moins d’origine étrangère ».

C’est un peu sur le même principe que se monte le projet en Hôtellerie Restauration« Alphabétisation et techniques culinaires » qui a obtenu en 2004, le Trophée de la Formation(voir II.2.3).

Ainsi, parce que les entreprises utilisatrices veulent des travailleurs performants, parce que lesnouvelles normes de sécurité font appel aux compétences de base, parce que leur législationde branche met l’accent sur la formation, les entreprises de Travail Intérimaire, plusrapidement que d’autres, ont été obligées de faire face, et proposent d’ores et déjà desformations linguistiques adaptées au monde du travail qui mériteraient de faire école.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 36

36

II.1.2 Echos d’autres branches

Au cours de nos différents entretiens, d’autres domaines que les quatre secteurs retenus pourl’étude commandée par la DPM ont été mentionnés par nos interlocuteurs. Ce sont égalementdes domaines sur lesquels certaines des personnes impliquées dans la rédaction du présentrapport ont été amenées à intervenir dans d’autres contextes (enseignement, recherche,formation de formateurs). Nous avons donc jugé utile d’effectuer une rapide synthèse desobservations et des informations relatives à ces branches.

II.1.2.1 Services d’aide à la personne

Le secteur des services d’aide à la personne est souvent décrit comme un secteur jeune, enpleine construction, plein de vitalité. Le secteur a effectivement doublé son nombre de salariéssur les 10 dernières années.

Il présente un certain nombre de caractéristiques communes avec les secteurs étudiés dans lecadre de cette étude et abordés précédemment. S’agissant d’un secteur en pleine expansion, ilest en demande de recrutement et souffre d’un manque d’attractivité sur certains métiers enlien avec la faiblesse des taux horaires de rémunération conjuguée à la fréquence des contratsà temps partiels non choisis. De fait, selon les chiffres apparaissant sur le site du Syndicat desEntreprises de Service à la Personne, les structures emploient 1 250 000 personnes maisl’équivalent en temps plein n’est plus que de 550 000 emplois.

Il s’agit d’un secteur qui compte parmi ses salariés un fort taux de population migrante, dontune grande partie n’a été que peu ou pas scolarisée dans son pays d’origine. Ce manque demaîtrise de la langue empêche leur progression professionnelle en bloquant l’accès à desqualifications. Il y a une forte demande exprimée par les salariés de la branche à la fois pourdes formations d’acquisition des savoirs de bases et pour des formations linguistiques(notamment alphabétisation).

II.1.2.2 Métiers des acteurs de la ville

Habitat Formation, OPCA des acteurs de la ville, répertorie dans sa brochure Les Acteurs dela Ville, les principaux métiers du secteur. Nous nous sommes intéressés à ceux dugardiennage, ainsi qu’aux métiers de la propreté qui regroupent les métiers dit de « basniveaux de qualification » et donc un public pouvant présenter des besoins de formations enacquisition de compétences de base et formations linguistiques (appelées remise à niveau,FLE, alphabétisation).

Concernant les gardiens d’immeubles, les descriptifs des activités telles que- l’accueil, l’information et l’orientation des locataires- la régularisation des conflits entre locataires- la sécurité des biens et des personnes (alerte des pompiers ou des entreprises

spécialisées)laissent supposer la nécessité d’une bonne maîtrise orale du français.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 37

37

Il est également demandé aux gardiens la gestion administrative des locataires (gestion desentrées et des sorties, recouvrement, etc.), tâches sollicitant des compétences aux niveaux del’écrit.

Dans la brochure relatant l’accompagnement des gardiens pour une VAE, il est fait référenceà la constitution d’un groupe de gardiens pour lesquels une remise à niveau en français estnécessaire avant d’entamer le processus. Ce positionnement a été effectué en tenant comptedes résultats des tests de positionnements réalisés par le GRETA. L’existence de ce groupe estrévélateur de besoins parmi lesquels certains sont identiques à ceux du secteur « nettoyage »dans la mesure où 15 000 salariés des métiers « des acteurs de la ville » sont affectés auxmétiers de la propreté. Certaines des tâches qui leur sont attribuées induisent une bonnecompréhension des consignes de sécurité, ainsi que l’utilisation des produits dans le respectdes modes d’utilisation. Il leur faut aussi savoir gérer le stock de produits. Dans le cas d’unepersonne travaillant seule, la maîtrise de la lecture du français semble indispensable. Cesmétiers regroupent beaucoup de travailleurs migrants et la problématique se rapproche decelle rencontrée dans la branche du nettoyage.

D’après le directeur du développement d’Habitat Formation, des formations ont été mises enplace pour amener les salariés aux compétences linguistiques requises pour leurs activitésprofessionnelles. Il y porte un regard critique car selon lui les formations suivies ne tenaientpas suffisamment compte des besoins réels en situation de travail et il déplore le manque detémoignages de salariés revenus de formation concernant l’investissement des acquis dansleur poste de travail.

II.1.2.3 Santé

Les métiers de la santé sont depuis quelques années sous les projecteurs des médias quipointent en la matière le nombre important d’emplois à pourvoir. Le recours aux fameuses« infirmières espagnoles » dans les CHU (notamment à Paris) est un peu « l’arbre qui masquela forêt ». En effet, tous les niveaux de qualification et tous les métiers de la santé sontquasiment concernés par ce déficit et déjà, pour une large part, investis par des professionnelsétrangers : du médecin de campagne mexicain en Dordogne à l’anesthésiste polonaise enCHU parisien, en passant par l’étudiant chinois en fac de médecine, le cardiologue allemandvenu s’installer dans le Midi ou le jeune interne iranien aux urgences dans un hôpital debanlieue. Les postes à haut niveau de qualification sont donc tout aussi concernés par cemouvement migratoire que ceux de degré initial de spécialisation : femmes de sallealgériennes ou camerounaises, brancardiers, ambulanciers. Témoignent de cetteinternationalisation du marché du travail des sites web riches en annonces médicales quirecrutent sur tout l’espace francophone et au-delà.

Depuis cinq ans environ, les besoins en français de la médecine sont tels que des formationssur mesure sont demandées aux institutions en charge de l’enseignement du français langueétrangère : l’Alliance française de Paris a pu réaliser une formation d’infirmières espagnoles ily a deux ans en dépêchant à Villejuif une formatrice spécialisée qui opérait une analyse desbesoins en hôpital et suivait également, en dehors des cours, les infirmières sur leur poste detravail. Des universités telles Paris V et Paris VI ouvrent des cours à destination de ce quel’on appelle « les nouveaux publics », principalement asiatiques, qui s’inscrivent à desniveaux divers dans les cursus de médecine.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 38

38

La Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris, au travers de sa Direction des RelationsInternationales/Enseignement, est en train de finaliser un Certificat du français de la médecinepour faire face à la demande de formation en français médical à l’Etranger.

À l’heure où les tout récents dépliants du Ministère de l’emploi, du travail et de la cohésionsociale présentent « l’apprentissage nouvelle formule », la prise en compte de ces réalités pourles publics à former aux professions médicales et paramédicales revêt un intérêt toutparticulier. La proximité des problématiques d’emploi du secteur de la santé avec les branchesprofessionnelles étudiées dans ce rapport est clairement manifestée dans le dépliant sur lesnouvelles formules d’apprentissage : « 300 000 emplois restent encore chaque année nonpourvus dans les métiers auxquels prépare l’apprentissage : l’hôtellerie, les métiers debouche, le commerce, la construction ou la santé, pour ne citer que les plus importants ».

On conclura, pour élargir un peu ce bref tour d’horizon, que ces préoccupations d’emploi etde formation dans le domaine de la santé sont partagées par d’autres gouvernements etd’autres états. La Suisse, par exemple, cherche à recruter des infirmières dans tout l’espacefrancophone et le Canada met en place une politique de recrutement de « migrantsprofessionnels » relativement offensive, dont les infirmières pour le Québec et les « nurses »pour la partie anglophone sont les cibles privilégiées. Et au Canada, des formations pour lesnouveaux arrivants sont déjà opérationnelles, qui intègrent les dimensions linguistiques,culturelles et professionnelles1.

II.1.2.4 Informatique

Alors que les métiers de la santé sont sous les feux des projecteurs pour l’emploi depopulations migrantes, l’informatique est a priori un domaine moins attendu, plus difficile àcerner. Il ne faut pas oublier, tout d’abord, que l’informatique a été ces trente dernières annéesun gros pourvoyeur d’emplois, malgré quelques soubresauts du marché. Cela a été bienévidemment le cas dans tous les grands pays industrialisés mais, en la matière, la Franceoccupe une place non négligeable en ce qui concerne la recherche (Université Pierre et MarieCurie, INRIA, ONERA) et l’enseignement (IUT d’informatique, université). Qui plus est, degrands groupes internationaux sont très implantés sur le territoire. La conjugaison de cesfacteurs fait que de nombreux étrangers viennent travailler en France dans ce domaine ou yparachever leur spécialisation.

On pourrait penser que tous ces arrivants plus ou moins chevronnés en informatique ont detrès faibles besoins en français, si l’on se réfère à la prépondérance de l’anglais dans cedomaine d’activité. Or, il n’en est rien car un faible niveau en français reste un gros handicappour les nouveaux arrivants.

1 Nous reviendrons sur ce point plus en détail en partie III.2.7.4 quand nous présenterons le programmeCELBAN.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 39

39

L’exemple d’ingénieurs informaticiens russes est à cet égard parlant. Quand ils arrivent enFrance et postulent dans de grandes entreprises, ils obtiennent fréquemment des postes deprogrammeurs et de développeurs d’un niveau de qualification bien inférieur à leur formation.Ils sont alors regroupés entre Russes dans des centres de travail où tous les documentsprofessionnels (comme la documentation technique) sont en anglais. On assiste là à unevéritable communautarisation, comme dans la restauration ou le BTP, mais dans un secteurtertiaire. Leur faible connaissance du français les empêche d’accéder à un poste correspondantà leur profil, avec au passage, un véritable gâchis de compétences.

Cette mise à l’écart des postes d’ingénieurs s’explique en grande partie par le fait quel’informatique, contrairement à ce que l’on pense généralement, est un domaine très ouvertsur les autres secteurs d’activité, notamment les banques, les assurances, les administrations.La bonne maîtrise du français de communication professionnelle (lettres, négociation,rédaction de rapports d’expertise, lecture d’appels d’offres) y est indispensable, avec denombreux échanges en français, dès qu’on se situe dans les postes à responsabilités.

II.1.3 Autour des acteurs de la formation et du financement

II.1.3.1 Côté responsables de formation

Trois niveaux d’organisation ont été interrogés pour l’analyse du fonctionnement de laformation en entreprise :

- le Groupement des Acteurs et Responsables de la Formation (GARF) qui regroupe750 acteurs de la formation, représentant autant d’entreprises de plus de 500 salariés,multibranches, dont celles concernées par cette étude

- un responsable d’organisme privé, expert de l’insertion et de la formationprofessionnelles

- des responsables d’organismes associatifs

Une responsable de formation dans un centre de bilan de compétences, ayant une longueexpérience dans l’insertion professionnelle observe les décalages dans le rapport à laformation selon la taille des entreprises : « Les vrais plans de formation se trouvent dans lesgrandes entreprises » alors qu’on observe « un vrai décalage dans la représentation desemployeurs PME par rapport à la notion de formation et de conception de celle-ci, le pouvoirpyramidal semble être un frein pour la mise en place d’une véritable démarche parcompétences ». Globalement, deux types de rapport à la formation en ressortent : soit dupaternalisme, une espèce de « protection de salariés recrutés 50 km à la ronde », soit du« management à la dure : j’en prends, j’en jette ». Par conséquent, il n’y a pas de vraiepolitique de formation qui renvoie à la responsabilité collective dans la plupart des entreprisesde petite taille.

Le vice-président du GARF confirme ces constats en précisant que les plans de formation desgrandes entreprises incluent des programmes pour les cadres, les ouvriers et toutes lescatégories de personnel.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 40

40

En revanche, pour la notion d’innovation, il pense qu’elle peut mieux se développer dans desentreprises de taille moindre, à condition que les directeurs soient convaincus de l’intérêt de laformation pour leur entreprise.

En ce qui concerne le volet linguistique en français, seules les formations aux « savoirs debase » ou à « l’alphabétisation » sont identifiées pour les salariés. Mais il faut savoir que lesresponsables de formation peuvent se méfier des structures proposant ce type de formationspour de multiples raisons, en particulier pour ce qui relève de la qualité et duprofessionnalisme.

Sont visés par cette perception les organismes intervenant dans le monde de l’insertion et dupré-qualifiant : « les entreprises exigeront de ces structures les critères correspondant austandard de qualité de la Formation Professionnelle en 2005, par exemple :

- Sens du client irréprochable- Pas d’absentéisme des formateurs- Rigueur dans les horaires (arriver une demi-heure plus tôt pour préparer salle et

matériel)- Outils de qualité et modalités souples et diversifiées- Contenus de formation éloignés de l’enseignement

Toujours selon le même interviewé, la question des prix proposés par les organismes deformation aux entreprises deviendra une question fondamentale, en particulier pour la mise enplace du DIF (Droit individuel à la formation) auprès des publics salariés présentant desbesoins linguistiques. Jusqu’à présent, les cadres ont bénéficié de formations courtes,équivalentes du DIF, par exemple dans le domaine du perfectionnement des écritsprofessionnels. Ce qui va changer avec la réforme, c’est l’accessibilité de l’ensemble dessalariés à ce type de formation dont le taux horaire serait estimé à 9,15 euros/heure alors queles formations mises en place pour les cadres sont achetées à 65 euros/heure stagiaire.

Lorsqu’on interviewe des responsables et des formateurs du monde de l’insertion et qu’onregarde de près certaines propositions formatives, on comprend mieux les difficultés évoquéesplus haut par les entrepreneurs. Des décalages importants apparaissent entre les descriptifs deformation « Une réponse de formation unique, adaptée à un individu, pour une entreprise, enfonction d’une situation et un objectif » ou les objectifs annoncés « développer la compétenceorale pour se faire comprendre dans la vie professionnelle » et les réponses proposées entermes de contenus et d’évaluation. Ces écarts se situent au niveau des thématiquesconcernant la vie sociale et personnelle du formé « bulletin de salaire, quittance,ordonnance », et par rapport à l’objet des apprentissages « le français, la phrase, les verbesde mouvement, les adjectifs,… ».

Si certains organismes répondent au plus près des situations professionnelles (voir II.3.1), laplupart d’entre eux restent imprégnés de la visée sociale des apprentissages, et les formateursconsidèrent devoir répondre « aux besoins de la personne salariée » et non « aux besoins del’entreprise ». Ce clivage empêche de voir à quel point les besoins du salarié peuventrejoindre ceux de l’employeur, dès lors qu’on introduit la situation de travail. « Lire unjournal » ne relève des compétences professionnelles que si le poste occupé fait appel à cesavoir-faire. Le développement de cette compétence sociale chez un autre salarié pourras’effectuer par ricochet, grâce à la maîtrise des écrits professionnels et pas forcément à travers

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 41

41

l’apprentissage de la lecture du journal. Même cas pour les quittances, les ordonnances et toutdocument relevant de la sphère personnelle.

On voit bien le fonctionnement de deux mondes agissant de façon parallèle, celui del’insertion à visée sociale, celui de l’entreprise à visée professionnelle. Ils devraient serapprocher désormais grâce aux évolutions de la formation continue en entreprise et auxbesoins convergents que la maîtrise de la langue suscite en tant que droit commun dans cemilieu.

L’inadéquation entre les contenus proposés en termes de formation linguistique et les besoinsdes salariés en entreprise est largement partagée par l’ensemble des acteurs interviewés, aussibien sur le plan de la formation que sur celui du financement.

Une meilleure gestion des plans de formation et des ressources humaines par compétencesdevrait faire émerger des demandes plus précises côté entreprises, ce qui favoriserait leschangements de regard côté organismes de formation.

Un véritable travail d’accompagnement des PME par les OPCA, en particulier autour de lafonction « conseil », devrait accélérer ces processus dans le cadre de la formation continue enentreprise.

II.1.3.2 Côté acteurs territoriaux

L’entrée « territoire » permet de cibler et d’analyser l’ensemble des acteurs concernés par lefonctionnement et l’évolution du monde du travail sur un territoire donné. On y trouve lesreprésentants de l’Etat impliqués à l’échelle territoriale concernée (DRTEFP, DDTEFP, ALE)ainsi que les services chargés de « l’insertion par l’économique » accompagnant lefonctionnement des structures spécifiques :

- Associations Intermédiaires (AI)- Entreprises d’insertion (EI)- Entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI)- Régie de quartier- Chantier-école

L’ensemble de ces acteurs développe de plus en plus avec le monde de l’entreprise et desmétiers concernés des partenariats formalisés et soutenus afin d’accélérer l’accès à un emploidurable. Ces interactions favorisent le croisement du monde de l’insertion et celui del’entreprise et par conséquent font évoluer les réponses formatives proposées aux salariés enposte et aux éventuels recrutés.

Notre attention s’est focalisée sur l’observatoire métiers Aéroports de Paris (ADP) dontl’ancienneté et le mode de fonctionnement correspondent aux ouvertures partenarialesdécrites ci-dessus.

Si les observatoires métiers représentent des instances – pivots pour la formationprofessionnelle, comme nous l’avons souligné précédemment, leur configuration diffèred’une branche à l’autre, d’un territoire à l’autre.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 42

42

Créé en 1999 pour Roissy, élargi en 2001 à Orly, cet observatoire se caractérise par sonancrage territorial, nous précise le responsable de l’observatoire emploi et partenariats à Orly.Il recense et analyse les profils des salariés (type de contrats, domicile…), réalise des étudesspécifiques sur les conjonctures et les évolutions dans onze grands secteurs (équivalents codeNAF) : transport aérien (compagnies et maintenance aéronautique), services aéroportuaires(accueil, bagages, fret, agents de piste, sûreté et sécurité), hôtellerie-restauration, commerces,nettoyage des installations, télécom, hi-fi, transports terrestres (RATP, SNCF), transport devoyageurs (navettes), BTP.

Concernant les branches explorées par notre étude, les recherches et les observations ontpermis d’orienter les principales problématiques repérées. Les besoins qui se situaient audémarrage autour des comportements des salariés (en particulier pour la maîtrise des codessociaux) s’orientent aujourd’hui vers trois problématiques correspondant aux évolutions desmétiers observés :

- la relation à la clientèle- la sécurité (besoin de formation pour des métiers appartenant à d’autres branches

comme le nettoyage)- les nouvelles technologies (omniprésentes, dépassant largement la logique « métier »)

Des orientations liées à la formation et à l’insertion émergent de ces constats et desexpériences sont nées de ces trois problématiques. Un Institut de Formation de Proximité a étécréé par ADP ; le SPE (Service Public de l’Emploi) est devenu interdépartemental (77-93-95) ; un partenariat avec l’ANPE, l’AFPA et la DDTEFP a permis de mettre en réseau lesANPE du territoire et certaines d’entre elles ont développé une « spécialité métiers », commecelle de Gonnesse chargée des demandeurs d’emploi de la branche hôtellerie-restauration.

Selon son responsable, l’observatoire des métiers s’avère un levier pour l’impulsion despriorités au niveau de la formation professionnelle et pour la gestion des compétences sur unterritoire donné.Lorsqu’on analyse les axes prioritaires pour le développement d’ADP, on observe que deuxdes trois départements existants, visent ces problématiques :

1. les relations environnementales et territoriales (élus des communes environnantes,etc.)

2. la coopération économique et sociale (avec l’environnement)

Un GIP (groupement d’intérêt public) a été créé avec la participation et l’investissement de cedernier département. Ce type de structure favorise la mutualisation des moyens mis àdisposition par ADP et regroupe des personnes morales, dont l’Etat. À partir de 2006, ce GIPsera restructuré et aura un rayonnement interdépartemental, précise le responsable dudépartement Insertion, Formation, Accès à l’emploi. Ce responsable intervient dans plusieursstructures associatives partenaires du GIP ADP, appelées à favoriser le parcours deprofessionnalisation des demandeurs d’emploi, et son recrutement correspond à un choixstratégique d’ADP : gérer les moyens et la mise en place des dispositifs de formation etd’accès à l’emploi à l’interne. La réussite du dispositif passe par la mise en synergie de tousles acteurs concernés sur le territoire.

La création de l’Institut de Formation de Proximité fait partie de ces stratégies. Notreinterviewé considère qu’il serait très intéressant de mettre en place une expérience avec un

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 43

43

parcours de professionnalisation, rattaché à la notion de « compagnonnage d’insertion ». Nousdévelopperons cette proposition dans la partie III.2.2.1.

L’expérience de l’observatoire des métiers ADP et son imbrication dans l’ensemble du réseauterritorial (acteurs publics, semi-publics et privés), présente une architecture et desdynamiques susceptibles d’être transposées à d’autres observatoires, plus récents et rattachésà la logique de branche. Le croisement avec la dynamique territoriale s’avère très efficacepour transformer la prospection et l’observation en action de formation.

Parmi les structures formatives rencontrées sur d’autres territoires investis dans la formationlinguistique professionnalisante, nous avons observé deux architectures efficacesconstruites autour de l’intercommunalité, dans le département des Hauts-de-Seine (92) :

- Boucle Nord (Asnières, Clichy, Colombes, Gennevilliers, Villeneuve-la-Garenne)projet piloté par la DDTEFP 92 et les cinq communes, porté par la Ligue del’Enseignement

- Les Blagis (Bagneux, Bourg-la-Reine,Fontenay-aux-Roses, Sceaux) projet piloté parles communes et la DDTEFP 92, porté par l’AIB (Association Intercommunale desBlagis)

Sur la Boucle Nord des Hauts-de-Seine, l’ingénierie territoriale liée aux parcours deformation linguistique des publics adultes se structure autour d’un animateur de réseauintercommunal alors que sur le Sud, c’est un organisme, reconnu par son implantationterritoriale, labellisé Atelier Pédagogique Personnalisé (APP) depuis longue date et porteurd’un P@T (Point d’accès à la téléformation) qui développe des actions formatives et anime leréseau territorial.

Ces deux projets permettent l’articulation des dispositifs d’insertion et de formationlinguistique à visées socialisante, professionnalisante et professionnelle (en entreprise).Interviewés sur une éventuelle expérimentation sur leurs territoires, les porteurs de projetss’en remettent aux instances responsables de la Direction départementale du travail, del’emploi et la formation professionnelle et souhaiteraient y participer.

Un programme particulièrement porteur d’innovation et d’évolution pour les formationsd’adultes est représenté par les P@T. Initié en 2002 par la Direction Générale de l’Emploi etla Formation Professionnelle (DGEFP), ce dispositif de Formation Ouverte et de RessourcesEducatives a installé 300 sites sur le territoire national dont plus de 200 sont opérationnels.Des chargés de mission régionaux mettent en place et suivent les évolutions de ces espaces deformation. En Ile-de-France, c’est Madame Dominique Croisier qui en est responsable. Ellenous précise qu’il existe douze sites validés dans sa région en juin 2005 financés par l’Etat àhauteur de 2 euros/heure par demandeur d’emploi. Les conseils régionaux cofinancent pourleurs publics prioritaires dans le cadre des plans régionaux de formation. Le problème majeurconcerne l’offre à proposer en termes de diversité et de quantité. Actuellement quelquesprojets émergent en collaboration avec le CNED (Centre National d’Enseignement àDistance) et l’OPCAREG Ile-de-France.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 44

44

Deux prestations ont contribué au succès de ces espaces numériques : le programme SIFE(Stages d’insertion pour la formation et l’emploi), financé par les DDTEFP, et le Certificat deNavigation Internet (CNI) conçu sur la base de 28 heures de formation. Si le premierdispositif s’arrête courant 2005, le second se poursuit et ce serait une prestation à proposerdans le cadre de la formation continue en entreprise, en particulier pour le DIF (Droitindividuel à la formation). Des pistes sont à explorer pour d’autres utilisations croisées pourdes salariés et pour des parcours de professionnalisation. L’un des atouts de ces pointsd’accès, précise Madame Croisier, est la proximité (en particulier pour des salariés desbranches dont les métiers s’exercent en horaires décalés et/ou morcelés.

Il n’existe pas d’offre spécifique en FOAD (Formation ouverte à distance), elle est noyée dansles contenus des formations classiques. La chargée de mission souhaite la faire émerger en2006 et attend la validation du Conseil Régional, afin de la croiser avec les offres existantes.Quant aux modalités d’utilisation, un accompagnateur-relais met en relation tout utilisateur oufutur apprenant avec les organismes offrant une formation adaptée à sa demande. Il offre unservice de médiation entre l’apprenant et les tuteurs de la formation suivie à distance ; ildispense une aide technique au démarrage pour la connexion du poste de travail del’apprenant aux différents réseaux d’accès ; il offre une assistance permanente pour faciliterl’appropriation des spécificités de parcours de formation à distance.

La chargée de mission accueille favorablement la proposition d’expérimentations dans desP@T franciliens, là où le partenariat avec des organismes fonctionne particulièrement bien eten faisant appel aux OPCA susceptibles d’y participer.

II.1.3.3 Côté financeurs

Le déclenchement de financements pour la formation continue en entreprise, est lié auxpriorités fixées par les accords de branche, comme nous l’avons indiqué précédemment.Jusqu’à présent, seule la branche Propreté fait référence explicitement à la problématique etmarque des priorités fortes autour de ces questions.

Nous avons donc interviewé plusieurs conseillers et responsables des organismes collecteurs-financeurs afin d’affiner l’analyse des fonctionnements respectifs pour la prise en compte dela langue, compétence professionnelle.

Dans le cadre du BTP , des expériences ponctuelles sont financées ici ou là maisl’apprentissage du français ne fait pas partie des priorités « la branche n’est pas là pourtraiter tout ce qui n’a pas été traité avant » souligne un responsable de formation deBourgogne. Par ailleurs « un souci d’équité, vis-à-vis de tous les plans de formation » fait direque la maîtrise de la langue française n’est pas porteuse de compétence professionnelle pourtoutes les entreprises, avec un frein supplémentaire « le financement est directement lié à lataille des entreprises ». Pour faire évoluer la prise en compte financière dans cette branche,nos interviewés ne voient pas de solution sans aide de fonds publics (Etat, Europe,…). Et sices montages réussissent à se construire, « il faudra que la formation se fasse en dehors dutemps de travail, car les autres membres de l’équipe n’accepteraient pas de savoir leurscollègues en formation, et eux au travail ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 45

45

Un homologue francilien, toujours dans la même branche, se montre moins catégorique etfinance davantage d’actions à composante langagière, en particulier sur le département de laSeine-et-Marne.

Les accords de financement semblent donc relever de choix spécifiques, territoriaux oupersonnels, du fait de l’absence de prise en compte explicite de la branche.

Pour Habitat-Formation, le FAF des acteurs de la ville, les compétences linguistiquesrelèvent de la compétence professionnelle et la priorité est affichée clairement dans unebrochure spécifique dans le cadre de la « lutte contre l’illettrisme ». Son directeur dedéveloppement s’interroge sur la raison du refus d’acceptation de la plupart des entreprises defaire participer leurs salariés à ce type de formations. Lorsque les conseillers demandent auxentrepreneurs si « chez vous il y a des salariés qui relèvent de ça ? » les réponses se recoupent« non, pas chez nous » répondent-ils. « Le malaise des responsables renforce sans doute lemal-être des concernés » analyse notre interviewé.

Concernant le travail temporaire, des expériences ponctuelles se mettent en placeprogressivement, elles seront présentées dans la partie II.2.3, et nous n’avons pas eu accès à laparole directe des responsables concernés par les décisions budgétaires. Le Syndicat desEntreprises du Travail Temporaire nous a orientés directement vers les entreprises investiesdans ces projets émergents, liés pour la plupart à la lutte contre l’illettrisme.

Lors d’un séminaire organisé par le Cabinet Circé en juin 2005, un responsable financeur aexprimé son point de vue sur la prise en compte de la langue française en tant que compétenceprofessionnelle en affirmant que « l’Etat se dédouanait de ses responsabilités vis-à-vis de laformation linguistique des migrants en faisant glisser cette compétence vers le droitcommun ».Concernant l’hôtellerie-restauration, le directeur général adjoint du FAFIH (OPCA del’industrie hôtellière) précise que les priorités de la branche se focalisent sur la formationd’apprentis (niveau 5) dans les CFA (Centres de formation d’apprentis) et que des stages pré-qualifiants et qualifiants sont financés dans ces dispositifs. La formation linguistique dessalariés en poste n’est pas une priorité, « les petits organismes de formation de quartier fontdu bon boulot ». La langue pourrait être considérée comme une compétence professionnelle« puisqu’elle permet le maintien des salariés à l’emploi, mais ce n’est pas le casaujourd’hui ». Un autre représentant de cette branche, siégeant au FAFIH, qui participe à laconception de formations qualifiantes à court et à moyen terme, confirme qu’il n’y a pas debudget pour financer des formations en français. La priorité est donnée aux formationstechniques : marketing, accueil, clientèle, anglais,… Cet interlocuteur, directeur par ailleursd’un hôtel parisien appartenant à un grand groupe hôtelier considère que « l’alphabétisationne peut être considérée comme de la formation professionnelle car elle permet unenrichissement d’ordre personnel ».

Concernant les OPCA inter-branches, deux régions semblent particulièrement actives etinvesties dans les formations linguistiques des salariés : Ile-de-France et Rhône-Alpes.L’organisme de la région Rhône-Alpes, membre du Conseil d’Administration de l’AgenceNationale de Lutte contre l’illettrisme (ANLCI), a développé une ingénierie territorialeparticulièrement intéressante. Les propositions s’adaptent à la démarche « entreprise ». Desconseillers installés à l’échelle départementale accompagnent les PME au niveauméthodologique pour le montage pertinent de formations. Des arguments pour la performancede l’entreprise et pour la consolidation de la qualité, hygiène et sécurité favorisent l’accès à

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 46

46

l’analyse des besoins des salariés. Si l’ingénierie semble très adaptée, reste à analyser ladifficulté à « trouver des stagiaires », évoquée par notre interviewé, responsable d’uneantenne départementale, référent « illettrisme ».

L’OPCAREG Ile-de-France a mis en place un dispositif qu’il propose à ses adhérents, centrésur l’utilisation d’un didacticiel construit autour des « savoirs de base ». Il s’agit d’unprogramme qui permet de « revisiter tous les savoirs de base (mathématiques, français,… ) »précise une conseillère de cet organisme collecteur, chargée de ce dispositif CLOE. Laparticularité de l’utilisation pédagogique réside dans l’accompagnement du salarié par un« médiateur » pouvant faire partie de l’équipe des salariés. La formation se passe sur le lieu detravail. Prévue pour une vingtaine d’heures, cette formation pourrait être proposée dans lecadre du DIF et des plans de formation des entreprises. L’OPCAREG Ile-de-Francedéveloppe actuellement des partenariats avec l’AFPA pour d’éventuels parcours VAE(Validation des acquis de l’expérience) financés dans le cadre de la formation continue enentreprise. Le maillon initial serait assuré par le « déclencheur » de désir de formation, ledispositif CLOE.

On observe combien les expériences restent éparses et embryonnaires et rattachées dans tousles cas à la notion de « savoirs de base » ou de « lutte contre l’illettrisme » lorsqu’ellesexistent. Plusieurs interviewés ont témoigné de la difficulté à « repérer les illettrés » ou à« faire reconnaître la présence d’illettrés dans les entreprises ».

Certains d’entre eux ont évoqué l’importance des observatoires prospectifs des métiers pourimpulser la problématique auprès des branches concernées, « à condition que l’observatoiresoit au cœur de la prospection métiers : voir comment évoluent les métiers, les emplois. C’esten fonction de ce qu’on pressent qu’on préconisera la politique de formation qui doitaccompagner ça ».

II.1.3.4 Côté syndicats et acteurs relais

Des représentants syndicaux

Lorsque nous avons interviewé des représentants syndicaux variés - en fonction del’appartenance syndicale et de branche -, nous avons retrouvé une perception commune de laproblématique concernant les aspects linguistiques de la formation des salariés. En effet, nosinterlocuteurs associent systématiquement « formation linguistique » à analphabétisme ou« apprentissage de la lecture-écriture » dont le but principal serait de « sortir de l’étatd’exploitation dans lequel ils sont » ou bien « accéder aux droits spécifiques : assistantesociale, santé, signature de contrat ». Deux salariés syndiqués du travail temporaire neportent pas la formation linguistique parmi les impulsions pouvant faire évoluer ledéveloppement des compétences des salariés intérimaires.

Un autre délégué syndical de l’hôtellerie-restauration évoque « cette représentation très forteque, dès que tu donnes un cours de français à un travailleur immigré, tu tombes dans ledomaine du social ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 47

47

Cette perception de l’apprentissage de la langue comme compétence sociale, ne faisant paspartie des compétences professionnelles, empêche sans doute de porter la thématique commeune priorité dans les instances paritaires où ces représentants syndicaux agissent et peuventfaire évoluer les priorités de branches et de formations au niveau des plans de formation desentreprises.

Et lorsque certains préconisent ou « poussent », ils le font de façon individuelle « on leurdonne les pistes juridiques qui leur permettent de demander à l’employeur des CIF ».

La plupart des représentants syndicaux rencontrés appuient des propositions de formationlorsqu’elles ont lieu pendant le temps de travail et refusent de considérer celles proposéesparfois par des employeurs hors temps de travail.

Un autre constat concerne la position « fataliste » à propos des besoins linguistiques dessalariés. On dirait que les questions de formation semblent arriver derrière d’autres priorités,en particulier l’accès à d’autres droits. D’après certains témoignages, la perception du nombred’heures nécessaire à une formation linguistique pourrait favoriser cette réaction « ça mesemble pas adapté à une formation en alphabétisation, même cumulable à 120 heures, on nepeut pas faire grand chose ».

Certains interviewés demandent à être mieux formés eux-mêmes pour cerner plusprécisément, et avec davantage de recul, les questions liées à la formation des salariés qu’ilsreprésentent.

Un représentant d’un syndicat des services Ile-de-France (accord inter-branches Hôtellerie-restauration, Propreté, Travail Temporaire) estime que « le fonctionnement actuel de laformation professionnelle agit de façon pyramidale. Seuls les encadrants sont formés, ceux-ciforment les agents de maîtrise et ceux-ci forment les salariés, la formation est perçue commede l’investissement à perte ». Ceci lui semble particulièrement prégnant dans le secteur dunettoyage, régi par des marchés publics pluriannuels (3 à 6 ans). N’y sont stables que lesencadrants. Son avis semble aussi très mitigé sur le respect de l’article L 122.12 du code dutravail qui oblige l’entreprise qui gagne le marché à reprendre le personnel de celle qui leportait précédemment.

Les freins majeurs pour l’évolution de la formation continue en entreprise, toujours selon cesyndiqué interviewé, concernent « l’absence d’évaluation des actions de formation – l’OPCAne peut pas être juge et partie, l’absence de remontée de besoins en formation pour lessalariés (contrairement aux encadrants), l’absence d’évaluation annuelle systématique et lalogique de marché à durée limitée ».

Deux syndiqués du travail temporaire précisent quelques particularités de cette brancheconcernant la formation professionnelle et l’accès à l’emploi : pour tout métier où des risquespeuvent intervenir, le salarié intérimaire doit obtenir une habilitation préalable à sondémarrage dans le poste de travail ; le DIF existe depuis 2000 et les formations organisées parles agences tiennent compte prioritairement des besoins de main d’œuvre et du rapport offre /demande du moment.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 48

48

Dernière particularité importante : « le nombre d’accidents du travail est deux fois supérieurpour un employé intérimaire que pour un salarié permanent occupant le même poste » .Dans quelle mesure la maîtrise insuffisante de la communication (orale et/ou écrite ) contribueà ce décalage, si significatif ? Des analyses pourraient être effectuées de plus près afind’identifier les éléments contextuels et récurrents intervenant dans ce phénomène.

Des acteurs périphériques

Si les acteurs principaux du système de la formation continue en entreprise ont été interviewésprioritairement, nous avons également cherché à explorer des structures satellites, qui noussemblent très pertinentes pour jouer un rôle - à définir - dans la construction des parcours deformation des salariés et dans la mise en place d’études et de recherches pour faire évoluer laprise en compte des besoins linguistiques des salariés.

Les entreprises du travail temporaire financent le FAS TT (Fonds d’action sociale) quipermet aux intérimaires de bénéficier d’avantages sociaux, tels que aide aux vacances etallocations multiples. Le volet formation professionnelle est également considéré par cettestructure spécifique. Outre les stages qualifiants organisés par les agences, les salariésintérimaires peuvent bénéficier, sous certaines conditions, d’un CIF (Congé Individuel deFormation) ou d’un bilan de compétences. Cette dernière prestation serait particulièrementintéressante à croiser avec l’analyse des besoins linguistiques de certains salariés pour uneprise en compte corrélée au développement des compétences professionnelles.

Certains services de la médecine du travail pourraient également être sollicités pour mieuxanalyser l’impact de la non-maîtrise de la langue sur les accidents de travail et sur lesproblèmes de santé liés au stress en situation professionnelle. Un médecin intervenant pour labranche intérimaire confirme la nécessité de se pencher sur ces questions pour mieux agir auniveau de la prévention et faire évoluer la formation des salariés concernés.

Dans la branche du BTP par exemple l’APAS BTP (Association Paritaire d’Action Sociale)opérationnelle sur quatre régions, installée à Paris, Bourges, Grenoble et Marseille, adéveloppé sur Paris un service d’assistants sociaux chargés des travailleurs migrants de labranche, qui présentent massivement des besoins linguistiques. Un ancien responsable d’unecaisse de prévoyance de cette branche nous a manifesté son intérêt pour une réflexionapprofondie en vue de la prise en compte de ces salariés dans le cadre de la formationprofessionnelle.

L’OPP BTP (Organisme professionnel de prévention des risques professionnels dans lesecteur du Bâtiment et des Travaux Publics) a développé des dispositifs partenariaux et deformation pour faire diminuer les accidents des métiers les plus exposés. À titre d’exemple,une convention de partenariat a été signée entre l’OPP BTP et le ministère de l’EducationNationale afin de favoriser « le développement du partenariat avec le réseau de la formationcontinue des adultes (DAFCO-GRETA) sur deux axes : former des formateurs ressourcesdans les GRETA sur le champ de la prévention des risques et la sécurité au travail ;développer l’intervention (conseil et animation de formation) du réseau des GRETA endirection des entreprises du secteur du BTP ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 49

49

Toujours pour la branche du BTP et dans le champ de l’intégration professionnelle des jeunesdemandeurs d’emploi, les CLEF BTP (Cellule locale emploi formation) agissent pour desparcours de mise à l’emploi qui mènent à un contrat d’embauche en quatre semaines. Unechargée de mission témoigne du succès et de l’impact de CLEF BTP dans le paysageterritorial par rapport aux besoins de main d’œuvre des entreprises concernées par les métiers« en tension ».

Les fonctions de ces structures pourraient bien être mises à contribution et pour certainesd’entre elles élargies, afin de profiter de leur contact avec des publics potentiels présentant desbesoins linguistiques en français.

II.2 Constats et dynamiques rencontrées

II.2.1 Brouillage de la problématique

II.2.1.1 Une compétence sociale

Lorsque l’on croise les regards de tous les acteurs interviewés sur la problématique posée parcette étude, on s’aperçoit que la maîtrise de la langue française n’est pas encore perçuecomme compétence professionnelle.

La thématique est en effet brouillée, noyée, dans des considérations d’ordre social ou militant.Nombre de formations, de brochures et de discours rencontrés envisagent cet apprentissagecomme de la « lutte contre… l’exclusion, l’illettrisme, l’exploitation ». Par ailleurs, le fait deconsidérer que la maîtrise de la langue relève de la responsabilité de l’école, de l’Etat, bref del’amont de la formation professionnelle montre à quel point la maîtrise du français est perçuecomme une compétence personnelle et sociale. Dans le même ordre des constats, lesréférences aux compétences communicatives en situation, lorsqu’elles sont explicitées,relèvent du « savoir-être », ce qui oriente l’analyse vers des aspects personnels, doncindividuels.

Les représentations se sont construites tout au long des quarante dernières années, comme lerappelle Hervé Adami dans son article paru dans la revue Le français dans le monde de mai-juin 2005 : « Le domaine de la formation linguistique des immigrés apparaît dans les années1960 et 1970, quand des humanistes, des syndicalistes, des militants associatifs commencentà organiser, dans un cadre associatif, des cours du soir pour alphabétiser les travailleursimmigrés qui n’ont jamais été scolarisés, ou très peu, dans leur pays d’origine. Avec la crisedes années 1970 et du début des années 1980, la demande de formation pour ces travailleursnon qualifiés exclus du marché du travail est telle que les associations qui les accueillent setransforment progressivement en véritables organismes de formation, salarient leursbénévoles et se professionnalisent. Le domaine social, institutionnel et pédagogique de laformation se forme construisant ses propres références pédagogiques fondées sur la primautéde l’expérience et du terrain, sur les particularités de son public et autour de son objectifultime : l’insertion sociale et professionnelle des apprenants…

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 50

50

… Enfin, la question de l’illettrisme vient compliquer un peu plus la situation. L’illettrisme neconcerne en France que les francophones ayant effectué leur scolarité en France et dont lefrançais est la langue première. Mais ce terme, mal utilisé, tend à devenir un mot-valise quiinclut tous les publics en difficulté à l’écrit ».

On comprend mieux pourquoi il semble difficile de faire accepter que la compétencelinguistique, lorsque les migrants sont dans l’emploi, concerne la formation professionnelle etnon le monde de l’insertion, surtout lorsque les organismes qui proposent des formations auxentreprises proviennent du monde décrit ci-dessus.

II.2.1.2 Des amalgames persistants

Les amalgames liés à l’illettrisme influencent les regards portés sur les publics et leursbesoins langagiers, en particulier lorsqu’ils se situent au niveau de la lecture-écriture etinduisent dans certains cas l’assimilation des publics qualifiés (scolarisés et diplômés dansleur pays) à des personnes « BNQ » (bas niveau de qualification) du fait de la non-maîtrisesuffisante de la langue française.

Parmi ces amalgames, celui effectué entre « analphabétisme » et « illettrisme » s’avèreparticulièrement trompeur pour les besoins des personnes concernées par l’accès à laformation. Celles en situation d’illettrisme ont été scolarisées en français et portent en elles lamarque de l’échec scolaire et de la stigmatisation cognitive - et sociale dans la plupart descas ; celles en situation d’analphabétisme – jamais ou très peu scolarisées – n’ont pas étéconfrontées à l’échec, et ignorent leur potentiel en tant qu’apprenants. Ce sont les premiersqui souvent « se cachent », « contournent » « ne vont pas en formation » alors que les secondsne demandent qu’à apprendre et, dès qu’ils enclenchent le processus d’apprentissage, serévèlent à eux-mêmes en tant qu’apprenants. Ce qui les relie, c’est la honte de ne pas maîtriserles « savoirs de base », accentuée par le regard stigmatisant que la société porte sur eux.

L’utilisation récurrente de la notion de « difficulté » empêche elle aussi d’analyser desbesoins en formation tel qu’on le ferait pour la maîtrise d’outils bureautiques : lorsquequelqu’un doit se former à l’utilisation d’un logiciel, on ne dit pas qu’il est « en difficulté »par rapport à ce logiciel de la même façon que lorsque quelqu’un demande des cours delangue - anglaise, allemande, espagnole - on ne dit pas non plus qu’il se trouve « endifficulté » par rapport à cette langue.

Enfin, ces brouillages masquent la véritable portée de la problématique : il s’agit dedévelopper des compétences dans une langue étrangère - ou deuxième, ou seconde - en toutcas non maternelle, où le développement de la compétence orale s’avère essentiel et pour lefonctionnement dans la plupart des espaces professionnels et pour l’acquisition de lacompétence écrite.

Si l’on rapproche cette analyse de la problématique de cette étude et que l’on s’interroge surla prise en compte de la langue française dans les plans de formation des entreprises, ilconvient de se demander dans quelle « rubrique » sera classée la composante linguistiquepour les migrants. Si les représentations des acteurs concernés réussissent à évoluer, ellepourrait être classée, pour certaines formations, dans la catégorie « langues » en y faisantéventuellement paraître l’objectif de la formation.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 51

51

Quelques signes avant-coureurs indiquent des évolutions embryonnaires, en particulier ducôté institutionnel. Depuis trois ans, des cadrages spécifiques obligent des réflexionsdécloisonnées, croisées et pluridimensionnelles. Le rapprochement entre les ministères del’Education Nationale, de la Culture, du Travail et de la Cohésion sociale implique untraitement bien plus étendu que l’aspect social de l’intégration des migrants. Le fait d’avoirproduit le premier diplôme national pour les populations migrantes, le DILF (Diplôme Initialde Langue Française) en est le premier indice. Soulignons enfin que seront pris en compte parce diplôme les publics pas ou peu scolarisés qui, pour la première fois, sont nommés,explicités et considérés avec les mêmes outils d’évaluation que n’importe quel étranger quisouhaite apprendre la langue française. Des avancées considérables qui ont permis lerapprochement d’experts universitaires et de didacticiens intervenant dans le monde del’insertion.

Ces rapprochements ainsi que des productions pour les certifications qualifiantes restent àconstruire pour le volet professionnel de l’apprentissage de la langue.

II.2.1.3 Des besoins linguistiques contournés

Lors des entretiens, les différents acteurs ont fait part de certaines stratégies permettantd’éviter la problématique de la formation en français de personnels étrangers. Les stratégiesde court-circuitage du français peuvent être regroupées en trois sous-ensembles, certainesparades étant d’ordre « technique », d’autres d’ordre « relationnel », d’autres purement« linguistique ».

- Les réponses « techniques »

Devant les difficultés linguistiques qui font obstacle à l’exercice de certains métiers où serencontrent pour l’essentiel des personnels étrangers (plus ou moins analphabètes), il estcourant d’utiliser des étiquetages particuliers. On fait référence ici à l’usage de pictogrammesou de codes couleurs qui indiquent par exemple des produits dangereux ou des mélanges à nepas effectuer. Le respect d’une sécurité minimale impose de trouver des équivalents au codeécrit verbal pour les consignes, les interdictions et les mises en garde, la brancheprofessionnelle la plus concernée étant, semble-t-il, la branche propreté (voir l’enquête deterrain en II.1 et le cahier Entretiens séparé). Mais il est intéressant de remarquer que cettemême stratégie se rencontre pour des employés étrangers (parfois fortement scolarisés dansleur pays d’origine) qui ne maîtrisent pas l’écriture du français ni sa lecture mais qui seraientpourtant capables de le faire s’ils étaient formés.

Dans un entretien, il est question des nouveaux dispositifs de commande informatisés pour lesserveurs embauchés dans des chaînes de restauration (rapide ou traditionnelle). Normalement,la commande doit être notée sur un carnet puis transmise en cuisine mais le passage à l’écritpose des problèmes à de nombreux serveurs non francophones. Dans ce contexte, « la mise enplace de commandes informatiques et de pictogrammes est […] un moyen de limiter la casse.La généralisation de ces systèmes de commande rend employables tous les migrants, ycompris ceux qui ne maîtrisent pas la langue, à l’écrit comme dans une moindre mesure àl’oral. »

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 52

52

La personne interviewée fait remarquer au passage que ces contournements techniquespeuvent avoir été inspirés par les employés eux-mêmes qui font preuve de créativité pour semaintenir en poste. En témoigne l’anecdote suivante : « Même problème pour une serveuseroumaine dans un Buffalo Grill. J’ai remarqué qu’elle prenait la commande sur son carnet enayant elle-même inventé des pictogrammes ou un code d’une lettre pour chaque plat.Beaucoup de serveurs étrangers développent une mémoire spatiale, ils savent qu’en haut àdroite, c’est le code du poisson, en bas, celui du hamburger etc. ».

Les contournements du passage à l’écrit s’opèrent donc tantôt à un niveau individuel etartisanal, tantôt à l’échelle d’une entreprise de grande envergure, qui se dote de moyenstechniques dans l’urgence de rendre « opérationnel » le personnel étranger.

- Les parades « relationnelles »

Dans certains cas, les questions d’ordre linguistique sont renvoyées au groupe des employéseux-mêmes, chargés de résoudre les problèmes entre eux. Quand il faut qu’une tâche soitfaite, si une personne rencontre des difficultés de compréhension (écrite ou orale) de ce qui luiest demandé, ce sont ses collègues les plus proches sur le site de travail qui doivent luiexpliquer. La branche propreté paraît fonctionner assez souvent sur ce principe de co-gestiondu travail, avec une sorte de responsabilisation collective des employés.

Une telle pratique concerne principalement des métiers qui ne sont au contact d’aucunequelconque clientèle, avec une organisation du travail pyramidale en équipe. Le fait que lesemployés « se débrouillent entre eux » suppose toutefois une bonne entente, des habitudes detravail communes. Or, dans les emplois concernés, il y a une grande rotation et un mélangeimportant des cultures et des nationalités. D’où le développement d’une véritable« communautarisation » de certains métiers qui assure une homogénéité linguistique etculturelle des équipes concernées, une stratégie qui court-circuite complètement l’usage dufrançais.

- Le recours à une autre langue que le français

Face aux difficultés pour trouver du personnel d’origine française acceptant de travailler dansdes métiers à forte pénibilité (dans le BTP, le nettoyage, la restauration), il est relativementcourant d’employer des étrangers qui ne parlent pas le français et ne le comprennentquasiment pas. Le travail se passe alors en langue étrangère, la question de la formationlinguistique en français étant complètement évacuée. Pour faciliter la coordination des tâchesà exécuter, la tendance est de constituer quand cela est possible des équipes monolingues,dirigées par un chef ou un coordinateur qui comprend le français mais est de la même origineque les exécutants. C’est le phénomène de la communautarisation, ainsi décrit par unsyndicaliste : « À la plonge dans les chaînes de restauration […], il suffit d’un interlocuteur qui parlefrançais (par exemple pour les Maliens) et il recrute lui-même dans sa famille ou dans sonvillage des employés auxquels il s’adresse en langue maternelle sans plus passer par lefrançais. Pour les employeurs, ceci à l’avantage de fournir des employés très disciplinés carà la structure hiérarchique des postes de travail de la branche se substitue ou se superposecelle très efficace de l’autorité du chef de village auquel tous obéissent. Quelques difficultéspeuvent toutefois surgir si celui qui parle français n’est pas le chef de village. »

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 53

53

Cette communautarisation, très forte aussi dans le BTP, n’est pas toujours dépourvued’inconvénients : si l’équipe est constituée de deux ou trois communautés, il n’est pas rareque surgissent des conflits, parfois teintés de racisme.

Par ailleurs, la communautarisation n’est pas toujours un gage de stabilité des équipes. Ilarrive que des communautés entières cherchent à accéder à des emplois plus enviables, ce quipose alors la question de leur remplacement. De l’aveu d’un ancien employé d’un grandgroupe hôtelier, il existe « un phénomène de « roulement » des migrants : dans les chaînes derestauration, au départ, les plongeurs étaient Indiens ou Sri Lankais, puis ils sont passés aucontact de la clientèle, remplacés par des Africains à la plonge. Donc, pour les Indiens, il doitexister des besoins de formation en français de la restauration ».

La communautarisation n’évite donc pas complètement la question de la maîtrise du français,car le désir d’ascension sociale des publics de migrants au bout de quelques années faitressurgir le problème, au bout du compte. Avec la communautarisation, la formationlinguistique est donc différée mais pas entièrement évacuée, d’autant que les nouvellesnormes professionnelles demandent de plus en plus souvent une maîtrise minimale dufrançais, en des lieux professionnels où cela n’était pas requis auparavant.

II.2.1.4 Des regards contrastés

La prise en compte actuelle de la formation linguistique dans les branches étudiées est perçuetrès différemment selon le type d’acteur interviewé. Deux contrastes majeurs apparaissent.

Le premier concerne les aspects quantitatifs et la visibilité de la question. Certainesexpériences ponctuelles sont diffusées et médiatisées donnant l’impression d’une véritableprise en charge. Mais si l’on interroge le nombre réel de personnes formées, il s’avère trèsinsuffisant par rapport à la demande et aux besoins formulés par les salariés. Ce décalage estsans doute dû aux problématiques spécifiques de la branche Propreté, décrites précédemment,et au développement récent du dispositif en question. Il n’empêche que les avis récurrents dessalariés et syndiqués semblent indiquer un véritable souci de se former et d’améliorer lescompétences en français.

Les types de formation proposés, en particulier pour ce qui est du nombre d’heures (250), dela forme (stage) peuvent représenter des freins importants sur les plans financier côté OPCAet organisationnel côté salariés et entreprises. Une véritable réflexion sur les diversificationsdes actions de formation devrait être amorcée afin d’élargir considérablement le nombre deformés. Des propositions seront développées dans la partie III.2 à ce sujet.

Le deuxième aspect est lié aux contenus proposés dans les formations émergentes et à lamotivation des salariés. Des formations mises en place à la demande de chefs d’entreprisedoivent parfois être annulées pour cause d’abandon des participants alors que par ailleurs cessalariés avaient été demandeurs des formations. Si des explications sont données par rapport àla fatigue ou aux horaires proposés en dehors du temps de travail, il serait judicieux des’interroger sur les contenus proposés à ces salariés et sur les démarches d’appropriation dessavoirs et des compétences. Un autre élément pouvant contribuer à ces abandons est sansdoute rattaché aux manières d’aborder les salariés lorsque l’entrée – avouée ou camouflée – sesitue du côté de la notion d’illettrisme. Ceci est particulièrement prégnant dans plusieurs

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 54

54

métiers du BTP, où les modes de transmission et d’apprentissage s’effectuent sur le lieu detravail, de façon plus ou moins informelle, dans une branche marquée par un fonctionnementplutôt « familial » et surtout manuel.

De véritables propositions créatives doivent émerger pour dynamiser les actions linguistiquespouvant être proposées aux salariés de cette branche.

II.2.2 Une problématique de plus en plus incontournable

Malgré la tentation d’évacuer la question du français au travail, cette problématique s’avèrede plus en plus incontournable. C’est le cas notamment quand on cherche à améliorer l’imagede marque d’une entreprise, dès que l’on manque de main-d’œuvre native pour certainsmétiers, lorsque de nouvelles normes émergent demandant un passage à l’écrit ou quand secréent de nouveaux métiers.

II.2.2.1 Des secteurs « sous tension »

Les entretiens menés pour la présente étude ont porté sur des branches d’activité en tensionpour lesquelles l’offre d’emplois dépasse souvent la demande et dans lesquelles les personnelsse stabilisent difficilement. Dans de tels secteurs, on entre vite et on ressort vite de l’emploi. Ilexiste même certains postes de travail qui ne trouvent pas ou plus preneurs.

Ces métiers à forte pénurie de main-d’œuvre sont détectés en priorité par les entreprises detravail temporaire, en position d’interface entre les employés et les employeurs. Il arrive alors,comme chez Manpower, que l’on mette en place des formations aux métiers, pour des publicsétrangers ou français, faiblement scolarisés. S’agissant de formation quasi-initiale, la questiondu linguistique reste présente, dans des cursus relativement longs et demandant un gros suivi.

C’est ainsi que : « Pour les plus bas niveaux de qualification, quand il s’agit vraiment de lesformer, quand ils n’ont pas d’emploi et qu’on nous réclame sans arrêt le même profil, alors ilarrive qu’on mette en place des formations de type CIPI qui englobent du français, duperfectionnement en français, parce qu’on est obligés, sans ça, ils ne seraient pasemployables ».

À un plus haut niveau de qualification, l’expression écrite est le nerf de la guerre, dès lors quel’on recrute pour certains postes de travail. Par exemple, dans l’industrie, pendant un temps, ily a eu pénurie de jeunes pour devenir « Opérateurs de maintenance de premier niveau ». Il adonc fallu les former et de nombreuses difficultés se sont fait jour, à l’écrit, comme entémoigne ce directeur de formation : « Ils avaient quand même déjà le CAP ou un BEP pourcertains. Et bien, on a été très surpris quand même de leur niveau, parce qu’ils étaientincapables de rédiger une petite note de synthèse, ils ne voyaient pas ce qu’il fallait y mettre,par exemple, pour un rapport de panne ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 55

55

La question n’est pas ici celle de la maîtrise du français par des étrangers mais celle de lamaîtrise de compétences écrites très ciblées en français à visée professionnelle. On remarqueaussi que l’accès au métier ne passe pas par la seule compétence technique mais demandevisiblement un couplage du technique pur au linguistique, à tous les niveaux de qualification,pour les migrants comme pour les natifs. Mais cette synergie entre compétence linguistique etcompétence professionnelle n’est pas spontanément perçue. Les employeurs en prennentconscience en période de crise (pénurie d’emploi, changements de réglementation, évolutiondes métiers).

II.2.2.2 Les nouvelles normes

Comme cela a été constaté lors des enquêtes de terrain, le degré d’intérêt des acteurs pour laproblématique de la maîtrise du français au travail est très variable selon les branchesprofessionnelles. Qui plus est, jusqu’à présent, la tendance générale serait plutôt aucontournement de la question, comme en témoignent les stratégies d’évitement du français (àl’écrit comme à l’oral) évoquées précédemment. Cependant, lors des entretiens, la quasi-totalité des acteurs des différentes branches pressentent ou ressentent déjà la nécessité d’unemaîtrise correcte de la langue en situation professionnelle du fait de la législation qui se metactuellement en place. Ainsi, on se trouve dans une situation quelque peu paradoxale : d’uncôté, les employeurs et les décideurs ne font pas de la maîtrise du français l’une de leurpriorité mais de l’autre, tous insistent sur l’émergence de nouvelles normes en matière desécurité et d’hygiène, qui nécessitent de plus en plus des compétences de lecture et d’écritureen français.

La problématique quelque peu délaissée risque donc de devenir, dans un proche avenir, lasource de problèmes très concrets.

Toutes branches professionnelles confondues, l’imposition de nouvelles normes européennes(voire de normes qualité liées à des cultures d’entreprises lors de rachat de groupes) joue dansle sens d’un accélérateur de la demande en formation continue. Ces normes sontprincipalement des normes d’hygiène et de sécurité, assises sur des protocoles très stricts,nécessitant des phases de lecture de documents réglementaires et informatifs et des phasesd’écriture (tableaux à compléter, rapports succincts, notes écrites). La nouveauté est qu’ellessollicitent les aptitudes linguistiques de compréhension et de production (orale et écrite)d’employés occupant des postes de bas niveaux de qualification (et non le personnel dedirection, d’encadrement et de maîtrise). Or, parmi ce personnel, beaucoup sont des migrantsn’ayant parfois jamais été scolarisés dans leur pays d’origine, présentant des besoins dansl’apprentissage de la lecture/écriture. La question qui se pose, dans un contexte où les postesnon pourvus sont déjà légion, n’est plus uniquement celle du recrutement mais aussi celle dumaintien dans l’emploi de catégories de personnels certes déjà insérés dans les entreprisesmais qui risquent d’en être exclus sous peu.

Parmi les nombreux exemples qui ont été cités, on mentionnera la norme HACCP (HazardAnalysis Critical Control Point) en restauration collective. Comme le montre le document enAnnexe 2, cette norme présente une complexité certaine, car il s’agit d’une méthode degarantie de l’hygiène articulée en douze étapes, depuis la constitution d’une équipe jusqu’àl’enregistrement des résultats, en passant par l’élaboration de diagrammes de fabrication.Cette norme a été imposée en 1997, ce qui permet un certain recul sur les demandes enformations qui en ont découlé. D’après les professionnels du secteur, son application n’est pas

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 56

56

à la portée de tous les établissements : « il faut transformer les cuisines en vrais laboratoires,avec tout le « propre » qui rentre et part d’un côté, et tout le « sale », les déchets, qui repartde l’autre, sans jamais que le propre ne croise le sale ». D’où la nécessité de mettre en placedes formations réglementaires spécifiques, pour les personnels déjà en poste ou pour lesintérimaires.

On notera à cet égard l’une des particularités de la branche du Travail temporaire, qui est dedevoir placer en mission des personnes répondant aux normes professionnelles. Cela expliquepar exemple que, dans une grande entreprise de travail temporaire rencontrée, 60% desformations soient des formations réglementaires, en restauration ou en BTP (avec les normessécurité pesant sur les grutiers, les conducteurs de ponts roulants). Le catalogue de formationsde ces entreprises de travail temporaire regroupe par dizaines, branche par branche, lesformations réglementaires qui débouchent sur des attestations d’aptitude à l’occupation depostes précis. Ces attestations sont cependant à durée limitée le plus souvent (certainesn’ayant que deux ans de validité). Elles sont délivrées en général à l’issue de formationscourtes (deux journées par exemple), intégrant plus ou moins la dimension de la maîtrise de lalangue. Et ce standard n’est pas systématiquement atteint par tous.

L’un de nos interlocuteurs du Travail Temporaire résume ainsi la situation, notamment dansl’industrie et le BTP où l’impact du passage aux normes dans les professions sous tensionpeut s’avérer, sur le coup, catastrophique : « En ce moment, il y a une vraie accélération, avecles normes professionnelles d’hygiène de sécurité, etc. Et, sans l’attestation professionnelle,on ne peut pas exercer. […] Et ces normes sont dures à atteindre pour certaines catégories depersonnel parce qu’il y a des diagrammes, des papiers réglementaires à lire, et ce dès le plusbas niveau de qualification, même pour du niveau 7 ».

Plusieurs personnes ont témoigné de situations de crise, liées au fait que l’application denormes nouvelles prive parfois une entreprise de la majorité de ses employés. Pour le métierde cariste, avec la norme CACES (Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité), il est arrivéqu’une dizaine de personnes sortent de l’emploi pour aller en formation et soient en touteurgence remplacées par des intérimaires. Le métier de cariste est d’ailleurs de plus en plusdemandé, du fait de la difficulté à maintenir dans l’emploi tous les anciens caristes, quiavaient échoué à l’attestation d’aptitude en fin de formation.

C’est ainsi que, dans certaines entreprises, la mise à niveau linguistique de personnels parailleurs parfaitement opérationnels au niveau technique, est un enjeu majeur depuis l’adoptiondes nouvelles normes. Des personnes perdent leur emploi parce qu’elles ne sont pas capablesd’accéder au respect de ces nouvelles normes, n’arrivant pas à lire ou à écrire. À bas niveaude qualification, les nouvelles normes peuvent donc fonctionner comme un facteur de sortiede l’emploi. La problématique n’est plus alors celle de la formation continue, censée favoriserla montée en compétences et la promotion sociale, mais bel et bien la question du maintiendans le monde du travail de certaines catégories de population (étrangères ou non).

La multiplication des normes et des démarches qualité appelle, enfin, une réflexion plusgénérale. On entend de plus en plus souvent dire que la société française se « judiciarise » ;dans le monde du travail, chaque poste est de plus en plus normé, défini, réglementé ; lanécessité de rendre compte de ce que l’on fait, de l’état dans lequel on trouve un poste detravail ou de celui dans lequel on le laisse se fait sentir partout. En cas de problème oud’accident, on peut alors clarifier les situations plus rapidement, établir les responsabilités et

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 57

57

faire jouer les différents contrats d’assurance. Les normes sont symptomatiques d’un certainfonctionnement de la société.

À cet égard, on s’arrêtera sur la politique de formation de la branche du nettoyage. De fait, lavidéo de présentation des formations du FAF Propreté (intitulée Formation aux écritsprofessionnels) insiste sur la nécessité de lire un minimum les étiquettes de produitsdangereux pour éviter les accidents. Sont également évoqués des besoins minimaux enécriture, pour remplir des tableaux de service de nettoyage ou laisser des notes ponctuellesaux employeurs. Dans ce contexte précis, celui de grandes entreprises de nettoyage debureaux, la nécessité de prendre en compte les compétences linguistiques pour se maintenirdans l’emploi est donc parfaitement perçue par les acteurs de la branche. Mais le nombre depersonnes à former rapidement et efficacement est très important, au vu des nombreuxétrangers ne sachant ni lire ni écrire de ce secteur.

À ce stade de la réflexion, il apparaît donc que la maîtrise de la langue au travail dépasselargement le cadre de la formation linguistique au sens strict. Les organismes de formationpour les publics de migrants et les institutions œuvrant dans le domaine de« l’alphabétisation » gagneraient certainement beaucoup à entrer en contact avec lesorganismes de prévention des accidents du travail (comme l’ANACT, Agence nationale pourl’amélioration des conditions de travail, qui se décline en ARACT, Agence régionale pourl’amélioration des conditions de travail) et à suivre l’évolution des codes des professions,dans le but de bâtir des formations linguistiques qui intègrent les critères d’employabilitéposés par les nouvelles normes.

Il ne s’agit pas là de subordonner les objectifs de formation en lecture et en écriture à desaptitudes « de poste » limitées et ponctuelles, car ces compétences opérationnelles seront detoute manière elles-mêmes appelées à évoluer. Il ne s’agit donc pas d’élaborer des formations« Kleenex », définies par un syndicaliste comme « des formations fonctionnelles collant à unposte de travail donné pour un temps limité » mais d’une invitation à ne pas oublier ouignorer les exigences et les évolutions du marché de l’emploi, sous peine d’anéantir l’effort deformation.

II.2.2.3 Les mutations

La réforme de la formation professionnelle intervient à un moment où le monde du travail estpercuté par des changements qui interrogent le fonctionnement du système dans son ensembleainsi que l’organisation et les contenus des métiers en particulier.

- La gestion des ressources humaines

Les évolutions des organisations du travail se traduisent par des changements profonds dansla gestion des ressources humaines au sein des entreprises et dans l’articulation branche-entreprise.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 58

58

Nous reprenons l’analyse de Philippe Denimal1 concernant les déterminants de la division dutravail et de l’emploi :

« La classification de l’emploi n’a de sens que par rapport à des situations de travailconcrètes et délimitées. (…) Or, derrière la différenciation des emplois, se profile le thème,autrement plus fondamental de la division du travail dans une organisation (…) On évoquefréquemment l’adéquation homme-emploi en termes de recrutement, de mobilité ou deformation pour faire comprendre l’importance de la cohérence entre le profil personnel, laqualification, les compétences détenues par le salarié, et le prescrit de l’emploi tel qu’il a étédéfini par l’organisation. Moins ce prescrit est précis, plus il laisse une marge de manœuvreau titulaire de l’emploi et permet les aménagements souhaitables pour l’efficacité globale del’équipe ou de l’entreprise. (…) Ces interactions participent d’une part à l’adaptation del’organisation, en répondant le cas échéant au besoin de flexibilité ou aux soucis deréactivité, et d’autre part au développement des compétences des salariés s’ils s’emparent del’opportunité qui leur est offerte. (…) Plutôt que de parler d’« emploi », dans ce cas, on faitsouvent référence à la notion de « fonction » (…) Reconnaître les compétences d’unepersonne correspond bien à ce qu’elle a prouvé par le passé et qu’elle est toujours encapacité de réaliser à la demande de sa hiérarchie, sans autre formation spécifique. »

Ce nouveau traitement interactif entre l’analyse et la mobilisation des compétences,l’organisation et la gestion des ressources humaines semble convenir à la gestion descompétences des salariés migrants dont la maîtrise de la langue, évolutive au sein del’organisation, favorisera de plus en plus l’adaptation au sein de la fonction exercée etpermettra des évolutions ultérieures.

La définition que propose l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions detravail), issue d’un compromis entre les organisations syndicales, est empreinte de cette visionorganisationnelle :

« La logique compétences, à la différence de la logique de poste, aurait comme objectif dedonner la priorité aux compétences maîtrisées par les personnes. Fondamentalement, ellepose la question de l’organisation du travail : dans cette perspective, c’est l’organisation quis’adapte aux compétences des hommes, cherche à les utiliser au mieux et à les développer etnon plus l’inverse ».

Si pendant longtemps la classification, dans le cadre de la gestion des ressources humaines,s’est appuyée sur des méthodes globales qui tiennent compte du rangement des emplois demanière ordinale ou sur des démarches critérielles, plus analytiques faisant appel à descritères classant les emplois selon leurs spécificités, certaines orientations privilégient desentrées transversales qui essaient d’intégrer les deux démarches précédentes.

1 Classification - Qualification - Compétences. Pour des actions sur l’organisation et le dialogue social, Editions Liaisons,2004, p. 36 et suivantes.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 59

59

Les méthodes liées à la théorie de l’information reposent sur un seul concept décliné enplusieurs critères. Il s’agit là d’un courant relativement important dans le domaine desclassifications d’emplois. Inspirée des théoriciens de l’information transmise à l’aide d’uncanal entre un émetteur et un récepteur, cette nouvelle approche proposée par Jean-MarieFaverge1 considère le travail comme un échange continuel de messages entre celui quiréalise ce travail et tout ce qui l’entoure. Ce sont les différentes phases des processusd’interactions qui sont analysées : recueil d’information, analyse et traitement, réponse,contrôle et ajustement en fonction de l’objectif et des contraintes. Le schéma d’analyse dela méthode repose sur un mode systémique qui donne une représentation logique simplifiée del’activité humaine quels que soient la nature du travail et le niveau hiérarchique.

Cette méthode permet de comparer des situations de travail très variées qui n’ont en communque cet échange d’informations entre le titulaire de l’emploi et son environnement.

L’approche par les compétences privilégie l’individu, sa situation de travail réelle ou lasituation de travail qu’il est susceptible de maîtriser.

On vise ici à recomposer les emplois en reconnaissant les différents éléments de chacune dessituations de travail personnelles, en rompant avec la tradition taylorienne et en retrouvantd’une certaine façon une logique de métier, non seulement à travers la maîtrise retrouvée dutravail, pour une part, mais aussi parce qu’il est question de la valorisation de parcoursprofessionnels »2.

Ces deux dernières approches – théorie de l’information et compétences - semblent trèspertinentes pour inclure les compétences communicatives dans l’analyse des situationsprofessionnelles, ce qui facilite le traitement transversal de la langue, compétenceprofessionnelle, au delà de la logique de branche ou de métier.

- Les compétences en mouvement

Si le cadre réglementaire de nombreuses professions conduit peu à peu à la prise en compte dela compétence linguistique dans la formation continue en entreprise, des mutationstechnologiques ou structurelles interviennent qui modifient la physionomie des métiers et parvoie de conséquence, la nature des contenus et des objectifs de formation. Or, dans unesociété de l’information et des nouvelles technologies, ces mutations vont dans le sens de plushautes exigences en lecture et en écriture du français.

Parmi les mutations majeures, l’informatique nécessite pour les emplois de bas niveaux dequalification un véritable travail sur le passage à l’écrit, tant en lecture qu’en écriture. Cepassage à l’écrit n’était pas exigé autrefois : ainsi, les gardiens d’immeubles, souventportugais ou espagnols, pouvaient travailler sans écrire le français véritablement alorsqu’aujourd’hui il leur faut être capable « d’informer la hiérarchie, par écrit, des incidentsgérés durant la journée (panne d’ascenseur, fuite sur canalisation d’eau, dégradation deporte » (Voir le rapport Dans l’entreprise : la maîtrise de la langue, une compétenceprofessionnelle, CLP, Convention CLP-FASILD National 2004 Axe 1, décembre 2004, p.29)

1 Faverge, J-M. (préface d’André Ombredane). L’analyse du travail facteur d’économie humaine et de productivité, PUF1955, 236 p.2 Denimal Philppe, Classification - Qualification - Compétences, Editions Liaisons, 2004, p. 72.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 60

60

et ce, éventuellement par courriel. L’informatisation des loges est amorcée et certainespersonnes déjà en place sont en difficulté quand elles reçoivent des directives des sociétés quiles emploient par courriels, quelques mois après avoir été équipées d’ordinateurs. Ellesdoivent alors suivre une formation minimale à l’informatique (que Le Certificat de Navigationsur Internet est susceptible, entre autres, de valider). Mais cette formation informatique estsouvent l’occasion de détecter des problèmes de rédaction en français, lesquels étaient jusque-là restés masqués car la communication avec la hiérarchie s’effectuait par téléphone.

Par-delà cet exemple, de manière générale, tous les postes demandent aujourd’hui unefamiliarisation à l’informatique, ce qui fait l’intérêt de dispositifs de formation en entreprise,comme CLOE (OPCAREG IDF), qui reposent sur la manipulation tutorée de matérielpédagogique informatique.

Cela étant, si l’acquisition d’un bagage minimal en informatique concerne progressivementtous les secteurs d’activité, l’émergence de nouveaux métiers fait également surgir denouveaux besoins en matière de formation linguistique. Par exemple, dans l’hôtellerie, leschaînes de type « motel » avec des paiements sans réceptionniste emploient pour la nuit des« veilleurs » qui gardent les lieux et règlent les menus problèmes. Or cette population de« night audits » est essentiellement (à 80%) composée d'étrangers qui doivent, sans vraimentbien maîtriser le français, s’acquitter de multiples tâches en français : des cahiers de liaison àtenir, des réclamations ou des pannes à consigner. L’accueil rapproche également ce nouveaumétier d’un réceptionniste classique (avec les compétences orales que cela requiert).L’éventail de compétences à maîtriser en français pour l’exercice de ce métier est donc trèsétendu et caractérise une évolution générale des postes de travail qui demandent, tousdomaines confondus, une maîtrise plus importante qu’auparavant des interactions orales etécrites.

Mutations techniques, évolution des métiers vers une certaine polyvalence, normesinternationales, recherche de qualité sont autant de facteurs qui jouent tous dans le mêmesens : celui d’un accroissement des exigences en matière de compétence linguistique orale etécrite. Le caractère incontournable de ces réalités constitue sans nul doute un contexte quifavorisera dans un avenir très proche la prise en compte de la compétence linguistique commecompétence professionnelle dans la formation continue en entreprise. Dans une certainemesure, la prise de conscience existe déjà, comme le montrent certains projets émergeantdepuis trois ans environ sur des terrains institutionnels fort différents (voir II.2.3).

Cependant, pour entraîner un mouvement de plus grande ampleur, un peu de temps semblenécessaire encore : la pénurie actuelle de main-d’œuvre pour les métiers sous tension, lesdéparts en retraite prévus dans les dix prochaines années et l’arrivée, sur la même période, depopulations migrantes parfois qualifiées, paraissent néanmoins des éléments susceptibles defaire évoluer les représentations encore timorées des acteurs de terrain en matière deformation au français en contexte professionnel. Par ailleurs, pour les publics non scolarisés,l’introduction de la maîtrise de l’écriture à travers l’informatique permettra d’accélérer lesapprentissages et de relativiser la maîtrise manuscrite, compétence bien plus longue àacquérir.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 61

61

II.2.3 Des projets émergents

Dans de grands groupes privés, à l’échelle de régions, et dans certains organismes deformation se mettent en place, depuis environ cinq ans, des opérations de formation quiarticulent compétence linguistique et différentes compétences professionnelles.

II.2.3.1 En entreprise

Parmi tous les exemples de formations répertoriés lors des entretiens, plusieurs projetsémanent des entreprises elles-mêmes. Ces projets sont ici résumés en évoquant à chaque foisl’intérêt de ces initiatives par rapport à la reconnaissance de la compétence linguistiquecomme compétence professionnelle.

Un projet de formation continue dans les métiers de la restauration et de l’hôtellerie. Leprogramme « Acteur » (IBIS/ACCOR).

Le programme « Acteur » a vu le jour chez IBIS à l’initiative d’un délégué syndical. Il estconsidéré, côté employés, comme un programme de « reconnaissance de compétences » quipermet une montée en qualification avec augmentation de salaire. Par exemple, selon cesystème, un réceptionniste peut demander à recevoir une formation de serveur pour aiderponctuellement « quand ça chauffe » ; en contrepartie, le réceptionniste perçoit un salaire plusimportant. Pour les postes au plus bas de l’échelle, cette polyvalence permet de valider descompétences nouvelles qui, à terme, permettront de changer de métier, en grimpant dans lahiérarchie.

Pour la problématique soulevée par la présente étude, l’intérêt du programme « Acteur » estdouble : à l’heure où l’on parle beaucoup de polyvalence, il s’agit d’un programme deformation continue en entreprise qui est pensé comme une passerelle entre plusieurs métiers ;de surcroît, le programme place des préoccupations linguistiques au cœur de la formation carle changement de poste de travail y a été envisagé du point de vue des compétences decommunication en français. Le programme, qui concernait à l’origine une population de basniveau de qualification d’origine étrangère, répertorie les compétences orales et/ou écritesindispensables à l’exercice de chaque métier et comporte des parcours progressifs de passaged’un poste de travail à l’autre.

Le concepteur de ce programme a été interviewé (voir cahier Entretiens séparé). Différentsparcours de formation ressortent de cet entretien : « Par exemple, une femme à la plonge, c’est pénible vraiment pour les femmes, alors on l’amise petit à petit au service en salle, mais elle ne savait pas trop parler, alors on l’a déléguéeau petit-déjeuner, parce que c’est un buffet, il y a peu de contact, juste la boisson un peu, puispetit à petit elle est allée aider en salle à midi pour les groupes, comme ça à plusieurs, ellespouvaient s’aider, puis ensuite, elle a pris les commandes normales. C’est dur le serviceparce qu’il faut savoir lire un peu, remplir le bon de commande, servir d’intermédiaire entrela cuisine et la salle s’il y a un problème ou une réclamation.Un autre cas, une femme de chambre, elle peut devenir gouvernante, si elle est capable delaisser des traces écrites, puis on l’a aidée à passer à la réception.Les plongeurs enfin peuvent évoluer en commis de cuisine, on leur fait préparer des chosessimples, ranger, couper des légumes, puis ils passent à des choses plus compliquées, pour lacuisson, des recettes… et encore même, maintenant ils peuvent devenir cuisinier parce qu’on

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 62

62

en est à la cuisine de 5ème génération, d’assemblage, on livre tout en kit. Mais cela demandebeaucoup d’accompagnement sur place, de temps. Nous on avait organisé sur le temps detravail, deux fois par semaine, des temps de formation. »

L’un des intérêts du programme de formation est sa progression. Dans le cas de la femme à laplonge, le passage au contact de la clientèle s’est fait par étapes, allant des prises de parolesles plus stéréotypées (quelques bribes, au buffet du petit-déjeuner) à une véritable maîtrise duservice en salle (qui demande de parler français de manière plus fluide et au besoind’expliquer, d’argumenter, de noter la commande). Idem pour la femme de chambre passéeprogressivement à la réception.

Il est intéressant de remarquer que l’esprit qui préside au programme « Acteur » est trèsproche de ce qui se fait en français de l’hôtellerie et de la restauration pour les étrangers àl’étranger. Un programme de formation comme « Vacances cubaines » mis au point par leCRAPEL de Nancy a permis en effet de former au contact à la clientèle aussi bien desfemmes de chambres que des réceptionnistes, sur des plages horaires de tronc commun,chaque corps de métier se séparant ensuite pour des activités plus spécifiques. La visionmodulaire de « Vacances cubaines » reposait elle aussi sur le listage des différentescompétences de communication en français.

Une étape ultérieure de la présente étude sera d’aller rencontrer le responsable des ressourceshumaines du groupe ACCOR et directeur de l’Académie ACCOR pour observer comment leprogramme « Acteur » a pu être démultiplié au sein du groupe et avec quels résultats précis.

Un trophée formation : « Alphabétisation et techniques culinaires de base »(Manpower/Ferrandi)

Une autre formule innovante, primée par le Trophée formation 2004, retient égalementl’attention. Elle s’inscrit dans un partenariat de Manpower avec l’école Ferrandi, de la CCIP,et concerne la restauration collective. Ce projet orchestré côté Manpower par le directeur Ile-de-France de l’époque a touché des personnels « de niveau 7 voire 6, issus de milieux sociauxdéfavorisés et travaillant essentiellement sur des emplois de plongeur en restaurationcollective. De par leur faible niveau, ils n’auront plus accès à l’emploi dans un proche avenirétant donné les exigences en terme de normes d’hygiène et de sécurité, de connaissancestechniques, dans le secteur de la restauration ».

La question du perfectionnement linguistique est dans ce cas explicitement liée à la possibilitéde conserver un emploi pour des jeunes déjà insérés professionnellement.

Deux actions ont été réalisées : en 2000, sur un groupe de sept intérimaires, à raison de 141heures chacun (budget : 23 419,67 euros) et en 2002, sur onze intérimaires à hauteur de 140heures de formation par personne (budget 42 847,23 euros).

Le principe retenu a été l’alternance, d’après son initiateur, devenu depuis directeur de laformation chez Manpower :

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 63

63

« Le matin, cela se passait en cuisine là-bas sur place à Ferrandi avec des profs de françaisqui regardaient et voyaient tous les problèmes, par exemple, pour comprendre une recette, lesquantités etc. et cela concernait la préparation du service de 11h, préparer le menu, celaavait un sens professionnellement, l’horaire de l’atelier cuisine. Puis l’après-midi, c’étaitplus « théorique », avec un retraitement en français et en mathématique de ce qui s’étaitpassé le matin ».

Le projet s’appelait « Alphabétisation et techniques culinaires de base », la base étant, d’aprèsl’initiateur, « le mixage des cours de français, maths, savoirs de base avec leperfectionnement en techniques de cuisine. Apprendre le français et les maths à travers desrecettes simples, des process de fabrication, des procédures d’hygiène… dans une action degroupe mais avec un suivi individualisé ». Cela étant, « le procédé se veut transférable àd’autres secteurs d’activité, à tous les publics de BNQ, peu enclins à suivre une formation detype traditionnel, et transférable aussi à d’autres formes de formation, initiale ou continue ».

Didactiquement, il s’agit de pratiquer du français ou des mathématiques intégré(es) au site etaux situations de travail. Le compte-rendu du projet de Manpower souligne en effetque « assurer une formation de remise à niveau sur les savoirs de base en lecture et enécriture, en salle, pour des intérimaires ayant l’habitude de n’être que dans l’action desmissions dans des cuisines collectives, c’est prendre le risque d’échec rapide sur un stageaussi dense ». C’est ainsi que le français a été abordé au moyen de « jeux, écrits et travauxautour du vocabulaire courant lié à la cuisine et aux produits utilisés, fiches traitant desproblèmes de sécurité et hygiène » tandis que les mathématiques ont été traitées au travers du« calcul des quantités, des parts autour de recettes pour aboutir aux opérations courantes,aux pourcentages et à la résolution de problèmes simples ».

Il apparaît donc que l’on prend appui sur la spécialité professionnelle pour accéder auxsavoirs de base ou pour les améliorer. Les résultats de l’opération ont été la montée enqualification des candidats : évolutions des missions de plongeurs vers commis de cuisine,étagère, cuisinier, chef de partie, avec un gain en matière de rémunération horaire.

Le programme ECLOR chez ADIA

Autre initiative dans la branche du Travail Temporaire, le programme ECLOR (EcrireCompter Lire s’Organiser pour Rebondir) pour les collaborateurs intérimaires du groupeADIA. Cette initiative entre dans la liste des projets émergents, car il s’agit, certes d’uneformation aux savoirs de base les plus généraux (Ecrire, Compter, Lire), mais qui prend appuisur l’univers professionnel au sens large : « Adia fournit aux organismes de formation desoutils pédagogiques fondés sur les écrits de l’entreprise : contrat de travail, bulletin desalaire, imprimé SNCF de congés payés, livret d’accueil et autres outils professionnels ».

Si l’on « ne renvoie pas les stagiaires à l’école, car ils doivent rester dans le monde dutravail », on notera toutefois que les documents pris en compte sont plutôt transversaux auxdifférentes branches professionnelles et en disent peu sur les métiers précisément exercés parles personnes formées. Le programme ECLOR apparaît donc comme un programme derenforcement des savoirs de base, contextualisés dans le monde du travail.

D’ailleurs, les formations n’ont pas lieu en entreprise (ce qui est logique, car on s’adresse àdes intérimaires) mais à l’agence d’intérim, par groupe de une à trois personnes, à raison

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 64

64

d’une demi-journée par semaine sur un an, ce qui correspond à 300 heures de formationenviron. Toujours dans la perspective d’une opération sur les savoirs de base, les stagiairessont positionnés initialement sur le référentiel de compétences du CUEEP (Centre UniversitéEconomie d'Education Permanente) et non par rapport à des objectifs ou à des compétencesciblés métier par métier.

Le principal intérêt de ce programme de formation est cependant de rompre avec desapproches uniquement centrées sur la lecture et sur l’écriture, hors contexte professionnel,approches qui séparent le linguistique (« on fait du français ») des autres compétencesprofessionnelles plus techniques.

Qui plus est, la charte mise en place par ADIA à l’attention des organismes de formation quiréalisent le programme retient l’attention : « L’organisme doit s’engager à :

- utiliser et enrichir la banque d’outils pédagogiques ADIA évoquée ci-dessus ainsi queles documents professionnels de l’entreprise utilisatrice : fiche de poste, documentsécurité, procédure, etc.

- mettre à disposition d’Adia, et des autres organismes, des outils pédagogiquesspécifiques qu’il a élaborés ».

On a là l’esquisse d’une mise en réseau des démarches et des outils de formation,particulièrement importante dans un contexte général où ce type d’approche n’est passystématique. C’est d’ailleurs cette perspective cumulative que les opérations réalisées àl’échelle de régions et coordonnées par des organismes publics permet de développer, commenous allons le voir immédiatement.

II.2.3.2 Dans les territoires

- Nord Pas-de-Calais

Dans certaines régions où la question de l’emploi est particulièrement sensible, des actions deformation originales et variées ont été mises en place dans les entreprises en difficulté. Cesactions ont pour particularité d’avoir été coordonnées par des structures spécifiques. Nousprendrons ici l’exemple du C2RP Nord Pas-de-Calais, c’est-à-dire du Centre Régional deRessources Pédagogiques et de développement de la qualité de la formation. Une publication(Les compétences au cœur du changement : l’expérience de la formation. Action dans cinqentreprises régionales) rend compte des principales opérations conduites. Le spectred’intervention s’étend de « la mise en place d’un processus d’amélioration permanente au seindu service de maintenance d’un site de production industrielle » à La Sucrière à la mise enœuvre d’un « Atelier des métiers » à Nord-Télécom, dans le cadre d’un projet « NouvellesCompétences : une formation-action pour les salariés en reconversion » en passant par uneopération à l’Unité de Production Automobile d’une grande entreprise de métallurgie (300salariés sur 4 ans). Les petites entreprises sont également prises en compte, comme Tri-Textile (9 personnes à la manutention formées en 1998-1999, en 18 mois / 55 employés).

La philosophie de ces interventions est explicitée en introduction : « Les compétences attendues des salariés vont bien au-delà de la connaissance des modesopératoires et de la technique : elles renvoient à une nouvelle culture généraleprofessionnelle incluant des savoir-faire en matière de communication, de méthodologie, de

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 65

65

compréhension des postes en amont et en aval, de connaissance de l’environnement humainet technologique » (p. 8).

Dans des secteurs en restructuration ou dans des entreprises en difficulté, la formation-actionrepose sur une vision conceptualisée du « système d’innovation dans l’entreprise » et desmutations que toute nouveauté entraîne pour chaque poste de travail. Une modélisationsynthétique de ces innovations et de leurs conséquences est proposée dans l’ouvrage (voirAnnexe 3). La méthodologie permettant d’élaborer un dispositif de formation-action estégalement développée en insistant sur « l’immersion du formateur dans l’entreprise » et enmentionnant, pour chaque expérience-pilote, les partenariats avec d’autres organismes. Ainsi,pour l’entreprise de manutention Tri-textile, confrontée à des problèmes d’espace dans sesentrepôts à la suite du développement de son activité et d’un retard dans ses travauxd’agrandissement, l’Aract a été sollicitée, dans un contexte d’engorgement (600 chariotsmanuels étaient utilisés sur le site).

On constate, à la lecture des opérations-pilotes conduites par le C2RP, que l’ingénierie deformation-action s’inscrit souvent dans un cadre très structuré de partenariats. Dans le cas deTri-textile, la prise de conscience de la situation ayant conduit à l’intervention de 1998 s’estopérée en amont, dès 1995, au travers d’un GIEEP (dont l’ARACT était également partieprenante). Ainsi : « En juillet 1995, une association à laquelle appartient l’entreprise, leGIEEP, dépose auprès de la commission européenne un projet Leonardo intitulé « Ladémarche compétences ». L’objectif générique est « La mise en place d’une démarche dedéveloppement des compétences à partir des postes de travail pour les salariés de bas niveaude qualification impliquant l’ensemble des acteurs de l’entreprise et son organisation. » Lescompétences visées ne sont pas d’ordre technique mais générique : « Ce projet doit permettreaux salariés d’acquérir des savoir-être qui leur permettront de s’adapter aux mutations deleur entreprise, mais également de s’adapter à d’autres emplois, éventuellement sur d’autresmétiers et de valoriser ces compétences acquises auprès d’autres employeurs potentiels »(p. 190).

On retiendra donc de l’expérience du C2RP Nord Pas de Calais l’existence d’une ingénieriede formation-action déjà ancienne par rapport à des projets-pilotes plus récemment apparusdans d’autres contextes. Une piste de travail possible serait d’opérer un examen attentif desopérations conduites en Nord Pas de Calais, d’en établir une synthèse et de croiser celle-ciavec des programmes de formation plus récents, qui reposent sur d’autres ancragesméthodologiques et d’autres arrière-plans théoriques.

- Pays de Loire

La démarche en question n’est pas à proprement parler une intervention en formation continueen entreprise. Il s’agit cependant d’une opération réalisée par la société SERTIF (cabinetconseil et organisme de formation) à la demande de la région, qui a concerné cinqdépartements entre 1999 et 2000. La demande s’inscrivait dans le cadre du Programmed’Actions Préparatoires et d’Initiatives Locales (PAPIL).

Témoin de cette initiative, un rapport rédigé par Monique Baudouin-Hémery, retrace dans sesgrandes lignes l’esprit de l’opération initiée : « Les comportements en situation de travail : cléde la réussite de l’insertion professionnelle ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 66

66

L’objectif était en l’occurrence de cerner quels comportements professionnels on pouvaitattendre de jeunes devant s’insérer à terme dans l’entreprise et de traduire ces objectifs encompétences. Il était donc avant tout question de public en dehors du marché de l’emploi maisl’approche par compétences développée paraît également pertinente pour des publics enentreprise connaissant des difficultés de maintien dans l’emploi ou appelés à évoluer versd’autres postes que ceux qu’ils occupent à un moment donné.

Dans différents domaines (dont la grande distribution, l’industrie, l’hôtellerie, la restauration,les services aux personnes), une même méthode a été mise en œuvre. Elle comporte troisétapes :

- Décrire l’activité en précisant le contexte de réalisation- Décrire les comportements par des actions organisées (préciser l’action et ses

modalités de mise en œuvre)- Construire une progression de complexité de situations professionnelles.

(opuscule cité, pp. 6-7).

Cette démarche repose sur une analyse conjointe des besoins de l’entreprise et des ressourcesdes jeunes (compétences, points forts et points faibles). À ce titre, auprès de l’entreprise, leformateur a parfois le rôle « d’intervenant-conseil » dans la mesure où « il aide l’entreprise àdéfinir son besoin, en ciblant la juste compétence, sans inflation ni laxisme » (p. 19). Sachantque de nombreux formateurs vont se trouver confrontés à la réalisation d’analyse des besoins,l’idée est venue de construire en amont des différentes interventions de terrain, dans desateliers inter-organismes de formation, un répertoire de situations de travail avec des fiches-repères par profession. Une structure type de fiche repère a été proposée : intitulé du poste,tâches principales, contexte de réalisation, les compétences comportementales par domaine.

En se limitant aux branches professionnelles retenues pour notre étude, on s’arrêtera sur lesfiches « aide-serveur en restauration d’hôtel », « serveur en restauration rapide » et « aide-employée d’étages ». À notre connaissance, ces fiches sont, en France, les outils les plusdétaillés dans la description des métiers en termes de compétences (colonne de droite :« Contexte, comportement, manière d’agir »). Elles offrent aussi l’avantage d’être normées enquatre rubriques (parfois cinq quand est pris en compte l’entretien du matériel). Ces rubriquessont : « Relation-communication » (avec des exigences comme « accueillir le client avec lesourire », « adresser la parole à l’équipe »), Organisation («installer le bar », « prendrerapidement la commande »), Qualité d’exécution (« respecter la quantité », « rendre lamonnaie sans erreur »), Hygiène et Sécurité (« Respecter les consignes d’hygiène », « Utiliserles produits d’entretien »), Matériel (« Respecter le mode d’emploi », « Prévenir en casd’anomalies ». Il s’agit là de la structure canonique, illustrée dans le cas particulier de la fiche« Serveur en restauration rapide », au travers d’extraits.

L’intérêt de ce genre de fiche est de signifier l’intrication qui existe entre compétencelinguistique et compétence professionnelle, en contextualisant poste de travail par poste detravail cette inter-relation. En effet, pour « s’inquiéter auprès du client de sa satisfaction », ilfaut pouvoir l’aborder à l’oral, être prêt à faire face à un reproche, pouvoir argumenterpoliment, ce qui correspond à des objectifs de formation en expression orale. De même, pour« respecter des consignes d’hygiène », il faut bien souvent pouvoir les lire et en ressentir lecaractère impérieux (non facultatif). Enfin, pour « Respecter le mode d’emploi », il fautcomprendre l’organisation de ce qu’on appelle en linguistique « un discours procédural » etêtre capable d’en décoder les étapes et l’enchaînement. C’est ainsi que la « mise à plat » descompétences en jeu dans les différents métiers constitue un pas très important dans

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 67

67

l’identification d’objectifs de formation pertinents, objectifs non seulement techniques ourelationnels mais aussi linguistiques à l’écrit comme à l’oral.

Dans cette perspective, on ne peut que regretter que les ateliers de réflexion mis en place parle SERTIF n’aient abouti qu’à la création de six fiches types. Ces fiches types semblent eneffet un bon point de départ pour la construction de référentiels de compétences quiintègreraient la compétence linguistique dans le contexte professionnel. Nous reviendronsd’ailleurs sur ce point dans nos propositions .

- Autour des aéroports parisiens

L’institut de formation de proximité (IFP) a été créé pour répondre à la nécessité d’avoir unréservoir de main d’œuvre disponible pour le développement de l’entreprise. Sa particularitéest de mettre en œuvre une démarche de formation-accompagnement favorisant la (re)mise àl’emploi de demandeurs d’emploi et de tous publics très éloignés de l’emploi. Cette démarcheimplique une « vision positive » du chômage et se construit à partir d’une vision holistique oùla formation se conçoit et se construit dans l’environnement à partir des besoins del’entreprise.

Il existe une OBLIGATION DE RESULTAT réciproque : le nombre d’inscrits en formationcorrespond à des demandes précises des entreprises. Tout le monde accèdera à l’emploi s’il lesouhaite et s’il va jusqu’au bout de la formation proposée.

La personne est prise dans sa globalité. Pour cela, deux réseaux sont activés :- les compétences en formation- les opérateurs sociaux : le principe de l’accompagnement social est basé sur la

responsabilisation des individus (exemple : mise à disposition d’un véhicule)

L’obligation de résultats concerne l’entreprise engagée à accueillir et à embaucher mais aussiles personnes en formation qui doivent s’engager dans leur démarche de formation pendantsix mois. Ce dispositif comporte 650 heures de formation en alternance centre/entreprise.

L’IFP assure la formation et s’engage également dans un accompagnement global pendant etaprès la formation (jusqu’à 6 mois après la fin de la formation).

Le cycle de formation se décline en deux phases durant lesquelles les équipes pédagogiquess’inscrivent dans une logique de coaching :

- Une période de préparation de 5 à 10 semaines selon l’éloignement du public dumonde du travail, qui a pour objectif la dynamisation de l’individu, ainsi qu’uneremise à niveau et une sensibilisation aux codes sociaux et aux codes de l’entreprise.

- Une période de professionnalisation d’environ 12 semaines en alternance finalisée parune certification interne validant le métier. En entreprise comme en centre sontenseignés métiers et savoir-faire professionnels. L’anglais et la géographie ne sont pasforcément dispensés par des professeurs d’anglais ou de géographie mais pard’anciens salariés ou des praticiens connaissant parfaitement les besoins en entreprise.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 68

68

En amont de cette démarche, l’IFP en partenariat avec l’entreprise procède à uneidentification des métiers et à un repérage des besoins en main d’œuvre. L’entreprise s’engageen amont de la formation. Cet engagement se formalise par la signature d’un contrat quivalide le programme proposé en fonction des tâches professionnelles validées. L’entrepriseparticipe à l’évaluation des futurs salariés au moment de l’entrée dans le cycle deprofessionnalisation.

II.2.3.3 Dans les organismes de formation

L’offre des organismes de formation est extrêmement diversifiée. Nous ne nous ferons l’échoici que des initiatives les plus architecturées, relevant d’une ingénierie de formation soucieused’articuler la maîtrise de la langue à l’exercice des métiers en entreprise.

- L’organisme de formation ALPES

Dans la région Rhône-Alpes, un organisme de formation intervient dans de nombreuxsecteurs en proposant une ingénierie spécifique. Cette ingénierie présente, quel que soit lecontexte, les caractéristiques suivantes :

- les formateurs construisent leur programme à partir d’une analyse des besoins del’entreprise qui les sollicite (formation sur mesure)

- les documents professionnels qui constituent l’environnement de travail des employésservent d’appui à l’enseignement (y compris lorsqu’il s’agit de réapprentissage dessavoirs fondamentaux)

- Les formations sont relativement courtes (de 50h à 250 h en général)

L’exemple sera pris ici d’une action de formation auprès d’un équipementier automobile.Avec le passage du travail manuel à la robotisation intégrale, puis la nécessité d’améliorer laqualité (tolérance de 20 rebuts au maximum sur un million de pièces usinées), la direction del’entreprise par l’intermédiaire de son directeur formation, a contacté ALPES pour unprogramme de formation intitulé : « La communication en situation de travail ». De petitsgroupes de 6 à 8 salariés ont été suivis à raison de 3 jours par mois pendant six mois, pour unvolume de formation de 150 à 170 heures.

L’intérêt du projet est d’avoir fonctionné comme une formation-action car en partant del’environnement de travail des employés, des debriefings d’évaluation de la formation on faitapparaître aussi des pistes d’amélioration des écrits en circulation dans l’entreprise, voire lanécessité de créer d’autres outils de communication. Parmi les idées proposées :

- « l’utilisation d’un cahier de consignes, pour noter « tout ce qui se passe sur laligne » : « on a des gens qui travaillent la nuit ou les week-ends, qui sont difficiles àrassembler ».

- « la reprise des documents inadaptés pour un usage rapide : difficultés de syntaxe, devocabulaire, abréviations peu explicites ». Une réécriture des documents a d’ailleursété mise en œuvre.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 69

69

L’opération de formation dure depuis plus de cinq ans. D’autres modules à viséeprofessionnelle et linguistique sont également mis en place par ALPES. Nous prendrons icil’exemple de la formation « Action de (ré)apprentissage des savoirs de base à partir dessituations de travail », qui a été conduite auprès d’une entreprise lyonnaise. La grilled’objectifs de formation personnalisés établie par ALPES stimule en effet la réflexion. Elleparvient notamment à entremêler harmonieusement des objectifs relativement généraux,plutôt orientés vers la lutte contre l’illettrisme (comme « développer sa pratique de lalecture », « développer la prise de sens dans des textes plus complexes », « être capable de« se dire » avec des mots, des phrases, un petit texte simple ») et objectifs finalisésprofessionnels (« Connaître le vocabulaire technique propre à son emploi, vocabulaire de laplomberie, du brasage, de la climatisation, du câblage électrique », « être capable d’expliqueroralement un dysfonctionnement », « être capable de mieux renseigner la fiche « Etat desdéfauts »). Cette grille d’objectifs, qui est construite comme un référentiel de compétences surmesure, est l’un des rares exemples d’équilibre entre le professionnel et le linguistique sur uneopération destinée à un public de bas niveau de qualification, si l’on se penche sur l’action desnombreux organismes de formation.

II.3 Synthèse des constats

À partir de l’analyse des accords de branches, des entretiens réalisés auprès des différentsacteurs et des comptes-rendus d’expériences recueillis, il nous est possible de dresser uncertain nombre de constats.

II.3.1 Autour de la problématique

De façon générale les aspects linguistiques de la formation des migrants en milieuprofessionnel s’inscrivent dans la problématique plus large de la visibilité de ces publics dansla société française. Tous les regards sur la question sont marqués par la manière d’aborder lathématique des migrants et celle de leur intégration dans les différentes sphères du tissusocial.

Se pose donc la question de leur visibilité au sein du monde du travail et des évolutionsdémographiques sur fond de contexte tendu.

Le rapport aux compétences de ces populations est envisagé sous l’angle de « l’illettrisme »ou de « l’analphabétisme », comme si « l’injonction d’invisibilité des communautésimmigrées » analysée par Réa et Tripier en 2003 dans leur ouvrage sur la Sociologie del’immigration se doublait d’une autre forme d’invisibilité, celle « que provoque lastigmatisation d’être uniquement perçu, à défaut d’être vu, comme illettré ou analphabète »,tel que le souligne Dominique Prudhomme dans son article paru dans la revue EducationPermanente de mars 2005.

Par ailleurs, le recours systématique à la notion d’illettrisme masque la complexité réelle durapport à l’écrit en situation professionnelle, bien au-delà des catégories, des statuts et dudegré de scolarité du scripteur. Nous reprenons les propos de Dominique Prudhomme qui, àpartir de sa double pratique d’assistante sociale auprès de salariés immigrés du BTP nemaîtrisant pas le français à l’écrit et d’animatrice d’atelier d’écriture au CNAM

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 70

70

(Conservatoire National des Arts et Métiers) pour de futurs ingénieurs , constate « que les unscomme les autres rencontrent des difficultés face à la nécessité d’écrire. Pour les ouvriers, laconfrontation au manque et l’obligation de demander de l’aide sont une sourced’appréhension. Quant aux étudiants du CNAM, le fait de devoir retravailler leur productionécrite pour la rendre communicable s’avère tout aussi délicat, et leur identité énonciativedévalorisée ne les pousse guère à rechercher de l’aide ».

Il ne s’agit en aucun cas de nier les besoins en apprentissage de la lecture-écriture pour lespublics migrants non scolarisés mais de donner à ces besoins une juste place à côté descompétences portées par ces personnes.

II.3.1.2 Du côté des entreprises

Les entreprises interviewées et celles investies dans les projets émergents ne se préoccupentpas des performances linguistiques de leurs salariés tant que la production n’en est pasaffectée (pas d’exigence particulière au niveau de l’embauche jusqu’alors).

Les entreprises considèrent pour la plupart que l’apprentissage et la maîtrise de la languefrançaise relèvent du « développement personnel », donc de la responsabilité individuelle dusalarié ou du « développement social », donc de la responsabilité de l’Etat, et estiment enconséquence qu’il n’est pas de leur ressort de financer ce type d’action de formation. Celle-cin’apparaît pas liée à la compétence professionnelle.

Quand des difficultés surviennent (dysfonctionnements, risques professionnels, adaptationaux normes européennes, démarche qualité), dues à une communication orale ou écriteinsuffisante, ce n’est parfois qu’après plusieurs années de présence des salariés dansl’entreprise, à l’occasion de changements organisationnels, que la question est abordée.

Les responsables d’entreprise évoquent aussi le fait que les salariés concernés ne font que trèsrarement part de besoins en formation linguistique.

On peut faire des hypothèses sur les causes de cette absence : la plupart des salariés quipourraient exprimer une telle demande se trouvent dans les catégories d’emplois les moinsqualifiés de l’entreprise, ne sont pas ou peu informés de leurs droits à la formation et fontdonc partie des salariés qui en bénéficient le moins. Il en résulte qu’ils demeurent cantonnés àdes tâches ne laissant que peu de place à l’autonomie.

Enfin, dernier obstacle évoqué, sans doute par méconnaissance des aides possibles, le coûtfinancier (évalué aussi en temps) des formations linguistiques, compte tenu de leur durée, et ladésorganisation des services concernés par les départs en formation.

II.3.1.3 Du côté des branches professionnelles et des OPCA

Si les OPCA ont à charge de mettre en œuvre les orientations définies par leur branche etd’exercer une mission de conseil auprès des entreprises pour analyser les besoins enformation des salariés, ils répondent avant tout, sur le terrain, aux demandes que leursadhérents leur transmettent. Les demandes en formation linguistique étant rares, il y a peud’investissement sur cette question.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 71

71

Toutefois, une analyse plus précise en fonction des branches étudiées et des OPCA rencontréspermet de nuancer cette impression générale.

Les branches professionnelles du BTP, de l’Industrie hôtelière et de la Propreté ont desdifficultés à recruter ; elles souhaitent fidéliser leurs salariés en poste et les former à desresponsabilités d’encadrement de premiers niveaux pour faire face aux départs en retraiteprévus pour les années à venir.

Si ces branches ont conscience des questions que posent aux entreprises une maîtriseinsuffisante de la langue, les accords nationaux signés en 2004 à la suite de la réforme de laformation professionnelle dans les secteurs du BTP et de la Restauration rapide attestent biend’une priorité donnée à la formation des salariés peu qualifiés mais essentiellement pour desformation de type technique.

La formation linguistique n’est pas mentionnée dans ces accords et, même s’il est reconnudans les entretiens que des besoins importants existent dans ce domaine (métiers del’hôtellerie-restauration), il est dit que ce type d’action « n’est pas prioritaire ».

À contrario, le FAF-Propreté applique l’accord national du 25 octobre 2004 qui définitcomme une priorité l’accès à la formation continue des publics qui traditionnellement enbénéficient le moins en « développant la démarche d’alphabétisation, la lutte contrel’illettrisme, l’initiation et le perfectionnement à la langue française ».

Au niveau national, l’OPCA interprofessionnel des petites et moyennes entreprises témoigned’une politique active auprès de ses adhérents en faveur des salariés confrontés à des besoinslinguistiques. Des conseillers en formation d’AGEFOS ont été spécialement formés à cetteproblématique par les représentants locaux de l’ANLCI (notamment les centres ressourcesillettrisme) et tout particulièrement au « repérage de l’illettrisme ». Cette implication desdivers acteurs crée une dynamique volontariste pour promouvoir des actions de sensibilisationdes entreprises au niveau des bassins d’emplois.

Quelques constats de difficultés ou de dysfonctionnements sont cependant évoqués :

- L’information sur les possibilités d’accès à la formation linguistique par les salariésconcernés n’est pas ou insuffisamment diffusée au sein des entreprises, lesresponsables préférant ignorer la question.

- Les conseillers AGEFOS ne rencontrent pas directement les salariés, ils ont presquetoujours affaire à l’encadrement. Les salariés ne peuvent donc pas exprimer leursbesoins dans un domaine qui leur paraît davantage lié à une démarche personnelle.

- Des conseillers, comme des entreprises, considèrent les formations liées auxapprentissages linguistiques (on dit ici « savoirs de base ») comme de l’action« socialisante », relevant de « l’intime », devant être traité en dehors de l’entreprise, etnon comme une composante de la compétence professionnelle. De plus, les entreprisescraignant de voir ternie leur « image de marque » en avouant qu’elles emploient despersonnes toujours perçues comme « en difficulté », préfèrent favoriser l’accès à desformations techniques, considérées comme plus efficaces.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 72

72

En conséquence, les uns comme les autres estiment que ce type de formation ne relève pas deleur rôle.

II.3.1.4 Du côté des organismes de formation

Le plus souvent, les entreprises ont recours à des organismes de formation engagés dans desactions d’insertion pour demandeurs d’emploi ou, plus récemment, intervenant sur des actionsde formation linguistique dans le cadre du Contrat d’accueil et d’intégration.

Dans leurs témoignages, les prescripteurs de formation (OPCA) ou les acheteurs (entreprises)font part de leur difficulté à trouver des organismes de formation réellement préparés à laformation en entreprise, bien que cette activité se développe depuis plusieurs années. Lespédagogies mises en œuvre dans les formations linguistiques traditionnelles dans le monde del’insertion ne font pas toujours le lien avec le monde de l’entreprise.

De leur côté, les organismes de formation se plaignent parfois de ce que l’entreprise manque àses engagements quand un salarié est retenu par sa hiérarchie sur son temps de formation oudérangé pendant cette formation quand celle-ci a lieu sur place.

II.3.1.5 Du côté des salariés migrants

Le vocabulaire et les expressions généralement employées pour désigner les publicspotentiellement bénéficiaires de formations linguistiques témoignent d’une perceptionnégative de ces personnes : on parle de « détection » des salariés, on n’analyse pas leursbesoins mais on les « repère » parce que ces salariés « en difficulté » sont « malins », qu’ilsutilisent des « stratégies de contournement » pour masquer leur « handicap ». Ils sont « peumotivés » et « éloignés de la formation » !

Ces a priori généralisants amalgament besoins langagiers relatifs à l’acquisition d’une langueautre que la langue maternelle à des difficultés d’ordre cognitif ou social, voire scolaire. Cespropos, banalisés dans le discours médiatique, finissent par être acceptés comme une évidenceet intériorisés par les personnes concernées elles-mêmes alors que, inséréesprofessionnellement, elles se sont montrées jusque-là capables de tenir leur poste de travail.

Les publics qualifiés

Quatre types de difficultés concernent les publics migrants qualifiés1 :

- La reconnaissance des diplômes par l’Etat français ;- La validation des acquis professionnels et de l’expérience par les structures

compétentes en France ;- La reconnaissance et la valorisation des compétences professionnelles par les

entreprises ;- Le regard porté sur eux.

1 D’après MORISSE Martine, Etat des lieux des pratiques de formation linguistique, CLP, 2003.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 73

73

Les migrants ne peuvent faire valoir et valider leurs diplômes et qualifications, leursexpériences et compétences professionnelles, du fait principalement de leur difficulté àcomprendre et à s’exprimer en langue française.

L’absence de maîtrise de la langue française masque ainsi les compétences réelles dessalariés, comme en témoigne la réaction d’un chef d’entreprise questionné sur le niveau dequalification de certains salariés migrants de son entreprise, pourtant diplômés du supérieurdans leur pays d’origine : « ils n’avaient aucun niveau, rien, zéro ».

Par voie de conséquence, les postes occupés par ces salariés se trouvent souvent être moinsvalorisants en termes de qualification et de compétences que ceux auxquels ils pourraientprétendre.

Les publics les moins formés

Les nouvelles mesures adoptées dans le cadre de la réforme de la formation professionnelleont notamment pour visée de réduire les inégalités d’accès à la formation et de favoriser« l’appétence » à la formation du plus grand nombre, y compris des publics les moinsqualifiés.

Rappelons qu’aujourd’hui, un opérateur sur cinq accède à la formation contre un cadre surdeux. Ceci étant, les salariés peu qualifiés, s’ils sont moins formés, sont aussi ceux quiexpriment le moins leur insatisfaction face à cet état de fait. En effet, les opérateursconsidèrent la formation comme un espoir de qualification et de rémunération supplémentairemais, dans une économie où les leviers sont faibles, on comprend dès lors qu’ils soient peudemandeurs.

À travers cette synthèse ,on mesure à quel point les représentations véhiculées sur les publicspar l’ensemble des acteurs du système empêchent de considérer l’apprentissage commecompétence professionnelle et de poser la problématique.

II.3.2 Autour des contextes favorables

Plusieurs univers se croisent pour permettre le développement des compétences des salariés.L’analyse des évolutions opérant en ce moment au sein des différents champs nous sembleindispensable pour mieux identifier les leviers et les interlocuteurs appelés à faire évoluer lesconstats énoncés ci-dessus.

Trois dynamiques méritent d’être observées :

II.3.2.1 Les plans de formation

Le plan de formation, outil méthodologique clé de la gestion de la formation en entreprise, estfortement impacté par la réforme de la formation professionnelle. Le renversement del’initiative de la formation, la création d’un troisième temps de formation, la reconnaissancedes nouvelles formes de formation, et, surtout, l’évolution d’un droit à la professionnalisationviennent revisiter les manières d’élaborer, de mettre en œuvre et d’évaluer les plans deformation.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 74

74

Ces changements profonds devraient déboucher sur une plus grande efficacité des plans deformation en entreprise : meilleure implication des salariés dans leur formation, et donc plusgrande efficacité pédagogique, flexibilité accrue dans l’organisation des actions grâce à laformation hors temps de travail, réduction des coûts unitaires de formation à travers ledéveloppement du tutorat et de la formation à distance.

« L’employeur a l’obligation d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Ilveille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolutiondes emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations quiparticipent au développement des compétences ». C’est en ces termes que l’article L. 930-1nouveau du Code du travail définit les obligations de l’employeur liées aux actions deformation.

L’instrumentation d’un véritable management des compétences reste donc à mettre en œuvre,alors que la réforme l’impose de fait, au même titre que certaines normes qualité.

Les liens avec le Comité d’entreprise

Le plan de formation a longtemps été défini principalement à travers les dispositions duComité d’entreprise Dans le cadre de la réforme, ce dernier conserve ses compétenceshabituelles : information sur les orientations et consultation, pour avis, sur le plan de laformation. Les limites de sa compétence collective ne lui permettent pas de connaître le détaildes actions mais il doit pouvoir discuter du cadre général, du respect des équilibres en matièrede formation professionnelle et, dorénavant, du nombre d’actions relevant de chacune destrois catégories déjà mentionnées :

- Les actions d’adaptation au poste de travail- Les actions de formation liées à l’évolution des emplois et participant au maintien de

l’emploi- Les actions de formation ayant pour objet le développement des compétences des

salariés

La formation linguistique associée à une formation technique pourrait entrer dans chacune deces catégories d’action.

Un plan de formation doit, ou devrait, exprimer les priorités de l’entreprise et être conçucomme la « promesse de service » de la fonction formation. La plupart des plans étantprésentés ou résumés sous forme de tableaux, la colonne de gauche donne « l’entrée » choisiepour structurer le plan. La manière dont elle apparaît exprime très bien le positionnement dela fonction formation au sein de l’entreprise.

Les entreprises utilisent différentes formes de typologie : classement par thème académique(informatique, langues, etc.), classement chronologique (par ordre d’expression de lademande), classement par organisme de formation, ou même par ordre alphabétique desbénéficiaires. Les plans n’affichent que rarement le pourquoi de la formation. Pourtant c’est laréponse à cette question en tant qu’annonciatrice d’objectifs qui stratégiquement semblel’entrée la plus justifiable. Les salariés sont guidés vers des buts à atteindre et non vers laconsommation sur catalogue.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 75

75

Du point de vue du management de l’entreprise, ce qui est fondamental, c’est la valeur ajoutéeque la formation va apporter à ses performance et au traitement de ses problèmes. Il estnécessaire de développer des formes d’évaluation de l’apport de la formation et des styles deformation moins académiques et plus adaptées aux besoins réels de l’entreprises.

Le plan de formation n’exprime souvent que des volumes prévisionnels d’heures de cours etde dépenses, sans relation claire avec des résultats attendus.

Comment organiser la colonne de gauche pour que le lien entre les ressources affectées à laformation et les objectifs soit explicites ? À quoi peut-on voir que la compétence des salariésa progressé ?

- en constatant que des performances (collectives ou individuelles) ont progressé (lesvendeurs vendent mieux, les standardistes sont plus aimables, le taux de rebuts adiminué, etc)

- en observant que des projets ou des investissements sont facilités par la formation despersonnes qui y contribuent (un changement de logiciels se fait sans incident, lamachine est rentabilisée, etc.)

- en constatant que des individus ont, grâce à la formation, réussi une étape nouvelled’un parcours professionnel (un jeune qui a bien été intégré, un cadre qui a pris unefonction de direction, etc.)

Les résultats recherchés doivent être clairement spécifiés .

Une formation en langues par exemple sera classée et justifiée dans « relation client » ou« performances commerciales » plus utilement que dans une catégorie « langues » quin’apporte aucune information managériale.

Avec cette logique, le plan de formation devient alors un plan de développement descompétences, dont la partie « plan de formation » n’est qu’un sous-ensemble, extractible parrequête aux moments utiles.

II.3.2.2 En France, vers la langue comme compétence professionnelle

La prise en compte par le droit commun de ce qui jusque là était attribué à la compétence duFASILD (Fonds d’action et de soutien à l’intégration et à la lutte contre les discriminations) etau domaine du social et de l’insertion interroge les postures de tous les responsables de lachaîne décisionnelle de la formation continue en entreprise.

On quitte le champ de l’alphabétisation et de la lutte contre l’illettrisme pour accéder à celuide la langue en tant que partie intégrante des savoir-faire professionnels.

L’objet des apprentissages est lui aussi interpellé : quel français ? pour quoi faire ? et pourquel contexte ? Des réponses seront proposées en III.1.2.1 autour de l’outillageméthodologique développé par les professionnels du FOS (Français sur ObjectifsSpécifiques).

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 76

76

II.3.2.3 À l’horizon de l’Union européenne : la question des besoins linguistiques destravailleurs migrants.1

Dans divers pays européens, la formation des adultes se préoccupe de plus en plus del’importance particulière de l’aptitude à communiquer sur le lieu de travail dans la langue dupays où l’on travaille – qui est donc pour beaucoup de travailleurs la deuxième langue – et dela nécessité de la promouvoir.

Deux établissements, le Deutsche Institut für Erwachsenenbildung, DIE (Institut allemandpour la formation des adultes) et l’ITTA à Amsterdam ont reconnu la dimension européennede cette question et lancé ensemble un projet européen triennal, depuis 2000, intituléOdysseus, « La deuxième langue sur le lieu de travail : lier et promouvoir l’intégrationprofessionnelle et sociale des immigré(e)s par le développement ciblé, centré sur l’activitéprofessionnelle ou sur le lieu de travail, de leurs compétences dans la deuxième langue ».

Ce projet sera analysé de façon détaillé dans la partie III.1.3.1 de ce chapitre car lesdynamiques observées peuvent représenter des leviers susceptibles de faire évoluer lesreprésentations des acteurs et les pratiques de formation.

1 ODYSSEUS : la deuxième langue sur le lieu de travail ; les besoins linguistiques pour les travailleursmigrants : l’organisation de l’apprentissage des langues à des fins professionnelles, Editions du Conseil del’Europe, CELV, 2004. Voir également le rapport précédent, daté de 2000.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 77

77

III. PISTES ET PERSPECTIVES

III.1 Les leviers possibles

L’état des lieux présenté en partie II aura permis de dresser les constats et de repérer les freinsqui empêchent à l’heure actuelle de considérer la maîtrise de la langue en tant que compétenceprofessionnelle. Au vu de ces constats, nous proposons quelques leviers qui devraientfavoriser des ouvertures et des traitements plus adaptés en termes de formation. Trois voletspourraient être abordés de façon corrélée :

- faire émerger la problématique pour développer la formation linguistique au titre dela formation professionnelle continue en entreprise

- solliciter de nouveaux champs disciplinaires ayant développé des outillagesméthodologiques pertinents pour le traitement de la problématique

- élargir la réflexion à l’échelle internationale afin de capitaliser et mutualiser lesdémarches et les projets pouvant faire évoluer les pratiques en France

III.1.1 Visibilité de la problématique

Comme nous l’avons souligné à travers l’enquête de terrain et l’analyse des regards portés surl’apprentissage du français par des publics migrants, il apparaît clairement que les évolutionsdessinées par le nouveau contexte juridique vont devoir être accompagnées par des mesuresspécifiques. Ces travaux auront pour objectif premier de faire glisser les compétences enfrançais du domaine du social vers le champ de la formation professionnelle dès lors que lesapprentissages sont liés aux situations de travail.

Il conviendra d’identifier les opérateurs porteurs de la thématique devant la diffuser etimpulser les ingénieries territoriales rattachées à la formation. Plusieurs articulations sont àconstruire pour que la prise en compte de la problématique impacte le plus grand nombred’acteurs et par conséquent de salariés présentant des besoins linguistiques.

Trois champs fonctionnant dans la plupart des cas de façon cloisonnée sont appelés à secroiser : l’insertion, la formation et l’emploi. Ces croisements supposent des dynamiquespartenariales entre les services déconcentrés de l’Etat, les collectivités territoriales, lespartenaires sociaux et les entreprises. L’espace privilégié où se rencontrent et convergent lesintérêts et les besoins des uns et des autres semble être le « territoire ». Chaque échelonterritorial devrait compter sur un acteur spécifique, chargé de la diffusion de l’informationpour la prise en compte de la langue, compétence professionnelle.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 78

78

Cette architecture de traitement territorial se structure sur deux plans :

- vertical : depuis les ministères concernés jusqu’aux bénéficiaires de la formation enpassant par les chargés de mission territoriaux des opérateurs concernés actuellementpar les dispositifs : DRTEFP, DDTEFP, FASILD, conseil régionaux, conseilsgénéraux.

- horizontal : entre acteurs de structures représentants les domaines public et privé, lesmondes de l’insertion, de la formation (initiale, continue, professionnelle et à viséed’insertion) et du travail (entreprises, branches, OPCA, observatoires des métiers,syndicats)

Au sein de cette démarche de prise en compte de la problématique se construisent lesdifférents parcours de formation linguistique, depuis le dispositif CAI (Contrat d’accueild’intégration) qui propose jusqu’à 500 heures de formation linguistique aux arrivantsdébutants à l’oral jusqu’à la consolidation des compétences en situation professionnelle pourles migrants salariés.

Trois degrés d’organisation seraient investis :

- macro : l’émergence et la clarification de la problématique côté décideurs financiers(publics et privés) ; la prise en compte de la problématique dans la formation des intervenants(initiale et continue)

Cette dimension concerne la prise en compte de la composante langagière dans les référentielsmétiers, les CQP (Certificats de Qualification Professionnelle) et les dispositifs pouvantvalider des formations qualifiantes ou professionnelles en direction des salariés et demandeursd’emploi. Elle implique des réflexions croisées et partagées entre les observatoires prospectifsdes métiers, les OPCA, les branches professionnelles et les services publics, ou parapublics,pouvant être amenés à financer ou à impulser la prise en compte de la langue à viséeprofessionnelle.

La formation des intervenants – encadrants et formateurs – est directement visée par cesévolutions. Les formations universitaires – initiale et continue – ainsi que les dispositifs deformation de formateurs financés par l’Etat ou le FASILD devraient s’approprier cettenouvelle problématique afin de l’inclure dans leurs contenus de formation.

- méso : la prise en compte de la langue au sein de la formation continue en entreprise etdans les dispositifs donnant accès à l’emploi et à la qualification

Des acteurs spécifiques interviennent dans la chaîne décisionnelle des formations enentreprise : responsables de ressources humaines et de formation, conseillers OPCA,représentants syndicaux et délégués du personnel pouvant agir au sein du Comité d’entreprise,lorsqu’il existe.

Si la réforme générale de la formation professionnelle suscite actuellement des groupes detravail et de réflexion qui mobilisent la plupart des acteurs nommés ci-dessus, il s’avèreessentiel de faire émerger dans les thématiques prioritaires celle de la maîtrise du français,dans une approche professionnelle. Cette nouvelle démarche revisite les notions et les regardssur les publics migrants, leurs compétences et leurs besoins langagiers, tel que l’outillage

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 79

79

méthodologique du FOS l’a fait pour le français professionnel et que nous le présentons enIII.1.2.1.

- micro : les modalités de formation (et d’évaluation) proposées aux intéressés

Si la problématique est rendue visible au niveau des acteurs impliqués dans les niveaux macroet méso des systèmes de formation, ces nouveaux regards devraient faciliter l’accès à desformations adaptées aux besoins des entreprises et des salariés.

Le traitement concomitant de la composante linguistique et des aspects techniques dessituations professionnelles (liées aux normes et/ou aux contraintes des tâches en situation detravail) devrait faire évoluer la persistance des aspects sociaux de la formation linguistiquedes migrants, évoqués en II.2.1 .

III.1.2 De nouveaux champs à convoquer, des notions à interroger

III.1.2.1 Du Français sur Objectifs Spécifiques au Français Langue Professionnelle

Les entretiens et enquêtes réalisés entre février 2005 et juin 2005 montrent, comme développéen II.3, que certaines entreprises ont pris depuis deux ou trois ans conscience de la nécessitéd’injecter du « français à visée professionnelle » dans les stages et opérations de formation.L’objectif est soit de maintenir sur poste des personnels peu qualifiés, soit de permettre unemontée en qualification de ces mêmes personnels. Or, il existe une discipline (née il y a plusde quarante ans) dont la principale mission est d’articuler la compétence linguistique avec dessituations de travail dans des secteurs d’activités précis. Il s’agit du FOS, Français surObjectifs Spécifiques, dont la préoccupation « n’est pas la maîtrise de la langue en soi maisl’accès à des savoir-faire langagiers dûment identifiés de la communicationprofessionnelle »1.

Un rapide retour historique permet de comprendre en quoi cette discipline pourrait être unlevier en matière de formation continue en entreprise, dès lors que l’on souhaite articuler lacompétence linguistique aux compétences plus techniques.

La démarche du Français sur Objectifs Spécifiques ou « FOS »

Initialement, le FOS était dirigé vers des publics de professionnels étrangers nonfrancophones et travaillant hors du territoire français. Il traduisait la volonté politique etéconomique de faire rayonner la France au travers de missions de coopération. Les secteursvisés étaient au départ l’industrie pétrolière, minière et la construction automobile. Les années60-70 furent donc marquées par le développement du français scientifique et technique,destiné à former des cadres, des ingénieurs, des techniciens en Amérique latine et en Asieprincipalement. On remarque donc que, historiquement, les publics visés par le FOS étaientdes publics de professionnels déjà en poste, parfois très proches des professionnels pris encompte dans notre étude. Qui plus est, la perspective très pragmatique des formationsdispensées à l’époque à l’étranger rejoint les souhaits actuels des décideurs en entreprise. Il ne

1 Dictionnaire FLE-FLS, CLE international, 2004.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 80

80

s’agissait pas en effet d’apprendre tout le français mais « du français » afin de rendre lessalariés rapidement opérationnels en situation de travail. Or, cette démarche rencontreactuellement la demande formulée par les acteurs interviewés dans la présente étude, lademande d’une formation courte, ciblée, quitte à ne pas maîtriser pleinement l’orthographe etla grammaire. L’esprit et le formatage qui présidèrent à la naissance à l’étranger des premiersmodules d’enseignement en FOS sont donc aujourd’hui, et en France même, susceptiblesd’être sollicités pour la formation continue en entreprise.

Cette méthodologie s’est particulièrement diffusée dans les années allant de 1975 à 1980, sousl’impulsion du Ministère des Affaires Etrangères. Ce fut alors la grande époque du françaisfonctionnel et, selon une expression calquée de l’anglais (English for Special Purposes), duFOS. Différents programmes prioritaires furent mis en place (en Iran, en Irak, en Égypte, enCorée du Sud, à Singapour, en Indonésie, au Brésil, au Mexique, au Venezuela et au Vietnampuis dans un deuxième temps, en Thaïlande, au Nigéria, au Soudan, en Syrie). Toute uneingénierie de formation a été développée, afin de faire face à la diversité des publics, desdemandes et des contextes d’intervention. Avec ce français fonctionnel, l’enseignementdevient en quelque sorte du sur-mesure. Comme le remarque R. Galisson, dans son ouvrageD’hier à aujourd’hui, la didactique des langues : du structuralisme au fonctionnalisme, enchangeant d’inspiration méthodologique, on passe d’un programme de cours « au menu »(avec des leçons prévues pour tel niveau et tel public) à un enseignement « à la carte »(articulant des unités didactiques à accommoder en fonction du public, de ses besoins etc.).

Il est à noter que l’élaboration de programmes sur mesure en fonction de besoins spécifiquesest de nos jours encore l’un des principaux atouts du FOS, dans le champ de la didactique dufrançais langue étrangère. Cette souplesse et cette modularité font du FOS une disciplined’intervention dans des contextes aussi variés que la formation de personnel hôtelier à Cuba,de diplomates polonais, d’hommes d’affaires japonais. Les principaux secteurs d’applicationdu FOS sont ainsi : le français des affaires (au sens large, avec le français de l’entreprise, lefrançais du secrétariat), le français du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, le françaisscientifique et technique, le français juridique, et plus récemment le français de la santé et dela médecine. La discipline FOS se décline donc en plusieurs français de spécialités, avec unchamp éditorial offrant de nombreux manuels et du matériel de cours en kit (voirbibliographie à la fin du rapport). Il convient de noter que les personnes en charge de laformation professionnelle, interrogées en France dans des branches comme l’hôtellerie ou letravail temporaire, ne connaissent pas ce matériel pédagogique et se sont montréesparticulièrement intéressées par ce dernier quand nous leur avons mis entre les mains leslivrets et manuels en question.

À bien des égards, il pourrait donc être tentant de réinvestir, en France même, le savoir-fairedu FOS dès lors qu’on est convaincu de l’importance de l’amélioration de la compétencelinguistique pour la formation professionnelle. En effet, dans ce contexte, on a affaire à despersonnes ayant un niveau de français supérieur ou égal à une centaine d’heures de cours defrançais reçus à l’étranger, ce qui est le minimum pour accéder traditionnellement à desformations de FOS.

L’analyse des entretiens (regroupés dans le cahier Entretiens) ainsi que l’identification deprojets émergents laissent d’ailleurs penser que ce réinvestissement en France même d’unediscipline initialement pensée pour des publics de professionnels à l’étranger est déjà engagéselon un processus inconscient. Nous avons en effet trouvé dans une entreprise de travailtemporaire un exemple de formation de mineurs boiseurs qui reproduisait, en France et sans le

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 81

81

savoir, les fameux binômes mis en place en Asie par le Ministère des Affaires Etrangères dansles années 1980, avec un enseignant de français et un enseignant de la spécialité techniqueprésents dans la même salle de cours. Différents projets émergents en entrepriseconvergeraient donc vers des démarches FOS, sans en avoir connaissance. Ainsi un autreprojet émergent, le programme « Acteur » chez Accor, réinvente des découpages parcompétences de communication (écrites et orales, transversales à plusieurs métiers del’hôtellerie et de la restauration) qui sont à la base même d’un matériel pédagogique à succèsen FOS, « Vacances cubaines », élaboré par le CRAPEL de Nancy. Quant au Trophéeformation « Alphabétisation et techniques culinaires de base », il illustre tout bonnement ladémarche classique du FOS, qui est de partir des situations de travail pour accroître le bagagelinguistique et technique des personnes formées.

Vers le FLP (Français langue professionnelle).

Si depuis peu les entreprises et les principaux acteurs du champ de la formationprofessionnelle mettent en place des formations qui ressemblent à s’y méprendre à ce qui s’estfait à l’étranger, en FOS, depuis une dizaine d’années, le FOS connaît une série de mutationsqui le rapprochent des préoccupations évoquées dans le présent rapport. On assisterait donc àune double convergence du FOS et de la formation professionnelle en France.

Le premier changement intervenu dans les années 1990 en FOS tient à la recherche detransversalités entre les différents domaines de spécialités, les appellations « français langueprofessionnelle », « français à visée professionnelle » ou plus simplement « françaisprofessionnel », ayant particulièrement le vent en poupe.

L’auteur de Français.com, J.-L. Penformis, définit ainsi les visées de l’ouvrage :« Français.com aborde tous les aspects linguistiques et culturels de la vie professionnelle àtravers des situations de communication liées au monde du travail ». Il est utilisable à partirde 120 heures de cours, prépare au Certificat de Français Professionnel (récemment mis enplace par la CCIP) et au Diplôme du Français des Affaires 1 (CCIP). L’idée de base de cetouvrage est de rassembler en différents chapitres (Prise de contact, Agenda, Voyage, Hôtel,Restauration, Entreprises, Travail, Recherche d’emploi, Prise de parole, Points de vue)l’ensemble des compétences que doit mobiliser un homme d’affaires mais aussi n’importequel futur employé venant travailler en France, quelle que soit sa spécialité. Ainsi, chaquechapitre est subdivisé en objectifs (qui ne sont pas forcément des actes de parole) : parexemple, pour le chapitre Travail, on trouve : « Répartir les tâches », « Aménager l’espace detravail », « Résoudre les conflits du travail », « Travailler à l’étranger », le tout agrémenté decomparaisons interculturelles. Ces sous-titres ne renvoient pas à des réalités identiques : ils’agit tantôt de tâches professionnelles (répartir les tâches), tantôt d’informations se fondantsur des données socio-économiques (travailler en France ou à l’Etranger) ; on y rencontreaussi des compétences plus linguistiques (résoudre les conflits, prendre des notes sur unentretien téléphonique). Il s’agit en fait de favoriser l’intégration dans le monde du travail demigrants qualifiés ou d’étudiants étrangers poursuivant en France une spécialisation.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 82

82

Il faut noter en effet que les universités, les préparations aux grandes écoles et les écolessupérieures privées voient affluer depuis trois ou quatre ans de nombreux étudiants asiatiques(Chinois, Coréens, Vietnamiens) ou étudiantes d’Europe centrale et des ex-pays du blocsoviétique (Roumaines, Bulgares, Polonaises, Tchèques). Tout ce public, déjà bien scolarisédans les pays d’origine, est en voie de professionnalisation au travers d’études réalisées enFrance car moins coûteuses que celles aux Etats-Unis et en Angleterre. Ces étudiants dusupérieur, migrants, constituent une nouvelle clientèle pour le FOS, qui est à présent sollicitépar des institutions aussi diverses que les universités de médecine (Grenoble, Paris 6), l’EcoleBoulle (pour sa classe internationale en design d’espace), le Lycée Louis-le-Grand (pour lesépreuves de français aux concours de Centrale et de Polytechnique, préparées par 139étudiants étrangers du lycée) mais aussi différentes écoles d’informatiques et de professionsparamédicales (dont les publics sont de moins en moins constitués par des étudiants françaisnatifs). Et cette vague de migration ne manque pas d’entraîner la conception de matérielmoins pointu, visant avant tout à faire accéder ces nouveaux venus à un emploi dequalification moyenne en France (voire à des petits boulots destinés à financer les études), cequi n’exclut pas en parallèle le développement de matériel pédagogique plus pointu, brancheprofessionnelle par branche professionnelle.

Ainsi, au moment où le public étranger en voie de professionnalisation s’accroît en France, leFOS est de plus en plus sollicité pour la formation professionnelle initiale ou continue depersonnes d’origine française, et ce, à tous les niveaux de qualification. L’exercice den’importe quel métier requiert en effet des compétences particulières en communication écriteet orale dont l’identification et la maîtrise sont des enjeux forts dans un contexte decompétition mondiale. La démarche FOS se voit par exemple mise au service de formation deDRH (dans le cadre de stages intensifs à l’ANVIE, Association Nationale pour la ValorisationInterdisciplinaire de la recherche en sciences humaines et sociales auprès des entreprises(www.anvie.fr), quand il s’agit par exemple d’améliorer la compétence de rédaction de guidespour usagers des services publics (entreprises comme GDF, la CAF). L’ingénierie du FOS estaussi utilisée pour des formations à la communication en entreprise, pour des entraînements àla rédaction spécialisée de documents scientifiques (documentation technique eninformatique, cahiers des charges, etc.). À côté du français langue étrangère « général »s’impose en effet un français à visée professionnelle qui paraît transcender les frontières entrele FLE, le FLS et le FLM. Par souci d’homogénéisation avec les autres sigles, il paraît, à cestade de la réflexion, plus commode de l’appeler Français langue professionnelle (FLP).

Spécificité du FLP en France

Le transfert et l’utilisation de cette discipline dans le cadre de la formation des migrants enFrance devront considérer deux particularités, l’une liée au contexte des apprentissages,l’autre à la diversité des publics, au niveau culturel et de leur scolarisation.

Concernant le contexte, les apprenants vivent et évoluent en milieu francophone, en situationd’immersion, si bien que les apprentissages formels se développent avec des acquisitionsinformelles. La communication entre salariés - hors phénomènes de communautarisation -s’effectue en français, ce qui facilite les acquisitions et les motivations. En milieuprofessionnel et d’intégration, la maîtrise insuffisante des compétences en français peutdévelopper des processus de stigmatisation et de repli.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 83

83

L’analyse de ces enjeux et de ces interactions mériterait d’être envisagée par des spécialistesdans des recherches spécifiques, côté formation professionnelle et côté disciplinaireFOSfiFLP de façon conjointe.

Pour ce qui est des publics, les degrés de scolarisation étant très différents, il faudra pourcertains salariés, en plus des techniques FOS/FLP, faire appel à la didactique de la lecture-écriture à l’âge adulte.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le DILF tient compte de cette particularité enproposant une méthodologie et des descripteurs pour les premiers acquis en lecture-écriture.Si ce diplôme vise des situations sociales liées à la vie quotidienne, puisqu’il s’agit despremiers acquis en français, des déclinaisons professionnelles pourraient être conçues pour lesdescripteurs correspondant aux niveaux supérieurs de compétences, validés par le DELF(Diplôme d’études en langue française). Par ailleurs, un diplôme spécifique, validant lefrançais professionnel pourrait être envisagé. Nous en reparlerons en III.2 lors despropositions concrètes.

Des notions à interroger

Dans la continuité du dernier point évoqué, concernant l’apprentissage de la lecture-écriturepour les publics pas ou peu scolarisés dans leur langue première, il serait pertinentd’interroger les notions utilisées autour de cette problématique, en particulier celles rattachéesaux « savoirs de base » ou aux « savoirs fondamentaux » ou encore à « l’alphabétisation ».

Trop marquées par l’apprentissage scolaire et le « lire, écrire, compter », ces appellations ontinfluencé les choix pédagogiques des trente dernières années et, dans la plupart des cas,provoqué des clivages et des débats qui éloignent des savoir-faire requis par des situationsadultes en milieu professionnel.

Par ailleurs, et tel que nous l’avons développé en II.2.2.3 pour les compétences enmouvement, l’utilisation des nouvelles technologies se généralise et la communication écrite àtravers un clavier se répand et relativise la maîtrise des compétences scripturales. Ce constatinterroge lui aussi les rapports à l’écriture et par conséquent les pratiques pédagogiquesinhérentes à ces apprentissages.

Quant à l'évolution des notions, celle de « littératie » semble mieux tenir compte de cescontextualisations et des modes d'apprentissage de l'adulte, toujours en interaction avec sesenvironnements, prenant en compte la complexité dès l'entrée dans l'écrit, mobilisant descompétences pluridimensionnelles, en particulier dans les aspects cognitifs et métacognitifs(apprendre à apprendre). L’OCDE définit la littératie comme l’ «aptitude à comprendre et àutiliser l’information écrite dans la vie courante, au travail et dans la collectivité en vued’atteindre des buts personnels et d’étendre ses connaissances et ses capacités».

Cette notion s'inscrit dans une logique interactive et socioconstructiviste où l'adulte développedes stratégies qui le mènent à généraliser par analogie, de façon de plus en plus autonome.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 84

84

Si beaucoup d'interviewés ont évoqué des décalages au niveau du nombre d'heures demandépar les organismes de formation, en particulier pour « l'alphabétisation », c'est sans douteparce que les priorités dans les démarches pédagogiques proposées ne tenaient pas compte deces objectifs pluridimensionnels, en particulier pour l'autonomie dans les apprentissages.

III.1.2.2 Interculturalité

La formation linguistique des publics migrants se réalise sur fond d’interculturalité et debilinguisme, quel que soit le degré de maîtrise orale de la langue à l’arrivée en France ou dansl’entreprise. La spécificité pour ces publics se trouve dans leur rapport à la langue, qui s’avèrede moins en moins étranger et de plus en plus familier de par l’immersion et le contactpermanent avec le milieu francophone, tel que nous venons de le voir pour la spécificité duFLP en France.

Le monde du travail va donc confronter les salariés migrants aux réalités culturellesenvironnantes, en termes de rapports sociaux – avec les collègues et les supérieurshiérarchiques – ainsi qu’au fonctionnement culturel de l’entreprise, marqué lui aussi par lescodes culturels de la branche et des métiers concernés, déterminés par le substrat socio-historique français.

À travers ces spécificités se dessinent les compétences associées à la maîtrise de la langue,concernant les représentations sur la langue-culture (langue-culture cible pour les migrants ;langue-culture d’origine côté société d’accueil). Les regards croisés et les rapports à ces« mondes » conditionnent les évolutions, en particulier pour l’entrée dans la culture de l’autre,et, de façon plus générale, dans le rapport à l’Autre.

Des compétences d’observation, d’inférence et de décentration sont également sollicitées dansle développement des compétences communicatives en situation interculturelle. Des stratégiesadaptatives sont également mobilisées dans les modes relationnels, en particulier pour latransmission et l’interprétation des messages oraux et écrits.

La formation à la communication interculturelle concerne donc l’ensemble des acteursinvestis dans les équipes appelées à accueillir des publics diversifiés et à interagir avec eux auquotidien.

Plus les salariés seront préparés à s’intégrer dans la culture de l’entreprise et d’une équipe,plus l’équipe sera prête à intégrer la diversité linguistique et culturelle de telle sorte que lesclivages entre « nous » et « eux » seront neutralisés au profit du projet de l’entreprisematérialisé dans les situations de travail quotidien.

La langue française devient le médiateur par excellence pour l’intégration et l’appropriationdes nouveaux modes de fonctionnement, dans une logique d’appartenance au monde dutravail.Des études pourraient être menées dans ce domaine afin d’analyser l’impact des malentenduslangagiers (linguistiques et socioculturels) en contexte professionnel, pouvant nuire autraitement de l’information et aux conditions de travail

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 85

85

- Bilinguismes

En effet, les recherches actuelles et à venir, relatives au bilinguisme et au plurilinguismepourraient contribuer à l’élargissement des réflexions et des pratiques autour des aspectslinguistiques rattachés aux compétences culturelles en milieu professionnel.

Si la plupart des travaux se focalisent sur les bilinguismes précoces, en particulier pour ce quiest du rapport entre bilinguisme et littératie, il serait intéressant de mieux explorer l’impact deces processus dans le développement des compétences professionnelles des adultes ayantappris le français tardivement, et surtout pour le transfert des compétences pré-existantes.

Introduire la réflexion sur le bilinguisme permet d’objectiver le regard sur les acquis et lescompétences des personnes concernées, qui maîtrisent parfois plusieurs langues ou dialectes.Ce regard encourage à nuancer le jugement sur le degré de maîtrise de la langue seconde(accent, prononciation, etc.) et de relativiser le degré de scolarité, source de stigmatisation sison analyse n’est pas croisée avec l’entrée compétences et la maîtrise de l’oral.

Ces réflexions interrogent sans doute de façon indirecte le rapport de la société française à« la maîtrise du français » et au monolinguisme. Si le catalyseur de la communication sociale,institutionnelle et professionnelle est la langue française, rien n’empêche de maîtriserégalement des langues régionales ou nationales autres qui feraient partie du socle decompétences et de stratégies maîtrisées.

- Intercompréhension des langues voisines

Des études et des méthodologies se développent autour de l’apprentissage parcellaire delangues voisines. Si les expériences s’avèrent probantes en milieu monolingue, l’utilisation deces techniques est à analyser de près avant toute proposition en contexte de diversité culturellecar elles pourraient provoquer des effets de communautarisation dont on aura vu les méfaitsen II.1.1.2 et II.2.1.3.

Parmi les personnes venues travailler en France sans parler le français, on trouve un certainnombre de migrants ayant pour langue maternelle une langue romane : Espagnols, Portugais,Italiens et plus récemment Roumains. Elles entrent souvent sur le marché du travail sans avoirsuivi de formation en langue, comme les gardes d'enfants roumaines ou, autrefois, lesconcierges espagnoles et les femmes de ménage portugaises. Elles se heurtent alors à desdifficultés de compréhension et d'expression orale et écrite.

Depuis une décennie, il est cependant possible d'atténuer les difficultés rencontrées par cespopulations, sans forcément viser la pleine maîtrise du français. Dans le cadre de projetseuropéens comme Galatea (voir www.u-grenoble3.fr/galatea) et Eurom4, on a en effetdéveloppé une réflexion didactique à vocation pratique, l'intercompréhension en languesromanes, qui pourrait être mobilisée pour la formation en entreprise. Cette démarche consisteà jouer sur les transparences et les airs de famille des langues romanes pour comprendre cequi est dit ou écrit. Dans une conversation, chacun continue à parler sa langue. L'échange estmultilingue et la formation dispensée est surtout orientée vers le développement des stratégiesde communication des interlocuteurs.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 86

86

L'intérêt de cette pédagogie tient tout d'abord à son caractère peu scolaire, a priori séduisantpour des publics déjà actifs sur le marché du travail, qui répugnent, d'après ce qui a été vudans les entretiens en II. « à retourner à l'école ». Comme le souligne Françoise Ploquin, dansson article du Monde diplomatique de janvier 2005, « L'intercompréhension fait en effetlargement appel aux vertus de l'à peu près, qui permet d'avancer, et à la débrouillardise » ainsiqu’à l’autonomie dans les apprentissages. Concernant l’autonomie, les travaux publiés parMarie-José Barbot et Giovanni Camatarri dans leur ouvrage « Autonomie et apprentissage.L’innovation dans la formation » (PUF, 1999) ainsi que les expériences menées par MadameBarbot autour de la Formation Ouverte et à Distance (FOAD) et le FLE viendraient accélérerla diversification des modes de formation, bien au-delà de la formule « stage ».

Cette démarche, pragmatique et rapide, pertinente en contexte monolingue serait à transposerdans des utilisations très particulières en contexte migrant de diversité culturelle, et à croiseravec d’autres champs comme celui de la FOAD.

Si ces approches accélèrent les apprentissages et facilitent les compétences en réception, elless’avèrent inadaptées en contexte plurilingue, lorsqu’on cherche à créer de la cohésion et de lacommunication dans des équipes professionnelles réunissant des populations appartenant àdes familles de langues-cultures éloignées.

Il conviendrait de réaliser un audit du matériel existant (en particulier du matériel surCDROM du projet Galatea) et des formations de formateurs concernées (comme les modulesdes stages du BELC/CIEP, voir Annexe 4) afin de voir comment adapter la méthodologied'intercompréhension en langues romanes à un enseignement prenant en compte des situationsprofessionnelles, décliné en fonction de la langue d'origine, en particulier dans des situationsd’auto-apprentissage et de formation ouverte et à distance (FOAD) pour le développement decompétences réceptives.

Des expérimentations pourraient être menées dans des contextes spécifiques, afin d’analyserla pertinence de ces propositions et l’intérêt de cette méthodologie dans des modules deformation particuliers.

III.1.3 Une réflexion à l’échelle internationale

Si l’on quitte le seul contexte franco-français pour observer ce qui se passe à l’étranger, onconstate que la question de l’articulation de la compétence linguistique aux différentescompétences professionnelles, déclinées elles-mêmes en compétences techniques mais aussien savoir-être et impliquant la maîtrise des cultures professionnelles, est d’une grandeactualité en matière d’intégration des publics de migrants. L’étude commandée par la DPM etportée en France par le CLP rencontre une véritable dynamique internationale au sein del’Union européenne, au Canada et en Suisse, si bien que les résultats obtenus dans les autrespays pourraient servir de points d’appui à la présente réflexion et à de futurs projetsd’expérimentations comme nous le développerons dans la partie III.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 87

87

III.1.3.1 ODYSSEUS et TRIM

- ODYSSEUS

Au niveau du Conseil de l’Europe, le CELV (Centre européen des langues vivantes) de Graz amis en œuvre une réflexion sur « La deuxième langue sur le lieu de travail : les besoinslinguistiques pour les travailleurs migrants : l’organisation de l’apprentissage des langues àdes fins professionnelles ». Ce projet, nommé ODYSSEUS, a regroupé quatorze pays (laFrance étant absente de cet ensemble) et a fait l’objet d’une publication en juin 2004.L’intégration de travailleurs non natifs sur des postes de travail précis est envisagée ici, enprésentant au cas par cas différentes expériences-pilotes qui articulent l’enseignement de lalangue du pays d’accueil et l’adaptation à des métiers clairement identifiés.

Par rapport au contexte franco-français, il apparaît que le dossier commandé par le Conseil del’Europe parle de « deuxième langue au travail » et non de « français langue seconde » ou« d’anglais langue seconde » ou « d’allemand langue seconde ». Dans le projet ODYSSEUS,il semble en filigrane que l’on conçoive la société comme plurilingue : la langue du paysd’accueil est une langue d’intégration mais la langue maternelle des nouveaux arrivants et lesautres langues étrangères maîtrisées avant l’entrée sur le territoire sont pleinement acceptées(et reconnues comme relevant d’une certaine compétence linguistique).

Par ailleurs, le projet ODYSSEUS ne pose pas la question de la maîtrise de la langue autravail en termes d’échec de la scolarisation traditionnelle (lutte contre l’illettrisme), ni de re-scolarisation (école de la deuxième chance). Est proposé, notamment sur le CDROM quiaccompagne la publication, un ensemble d’exemples relevant de ce que l’on nommehabituellement de l’ingénierie de formation en didactique des langues étrangères. La maîtrisedes savoirs de base ne constitue pas, dès lors, un noyau dur de l’enseignement, puisque cesont les situations de communication professionnelles qui servent directement de pointsd’ancrage à la formation.

De fait, ODYSSEUS adapte tout le savoir-faire de la didactique des langues pour les publicsspécialisés professionnels au cas des travailleurs migrants sur le territoire européen. Laréponse apportée est donc une démarche de type FOS (démarche présentée dans ses grandsprincipes en III.1.2.1), démarche qui permet de lever un certain nombre de freins àl’intégration de la compétence linguistique dans la formation continue. Les projets déjà mis enœuvre dans le cadre européen pourraient donc donner rapidement des pistes pour mettre enroute des expériences-pilotes en France. Comme il sera suggéré dans la partie III, il semblebien qu’en prenant appui sur le rapport ODYSSEUS, puis sur les études qui le prolongent, telsTRIM (Training for the Integration of Migrant and Ethnic Workers into the Labour Marketand Local Community), on bénéficierait d’un capital solide d’expériences d’enseignement dela langue en situation professionnelle pour les publics migrants.

- TRIM

Parmi les initiatives les plus intéressantes en matière de formation en entreprise destinée à despublics de migrants, il convient de citer, comme tout dernier développement du projeteuropéen ODYSSEUS, le rapport TRIM, Training for the Integration of Migrant and EthnicWorkers into the Labour Market and local Community (2005). Réunissant des experts de cinqpays (Estonie, Finlande, Allemagne, Italie et Norvège), TRIM offre à la fois un modèle

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 88

88

théorique, une méthodologie et une exemplification d’opérations de formation linguistiqueréalisées « sur site » : entreprise de métallurgie en Allemagne, pêcheries en Norvège et enFinlande, institutions d’aide à la personne en Italie. Les cas évoqués sont très proches de ceuxrapportés dans nos entretiens : branches professionnelles en tension, majorité de maind’œuvre peu qualifiée, migrants venant de pays aux cultures éloignées de celle du paysd’accueil, difficulté à appliquer les normes de sécurité, à communiquer avec les collègues, àcomprendre les attentes de la clientèle.

Aussi proposons-nous de regarder attentivement les pistes dessinées par TRIM afin d’opérerun certain nombre de préconisations. On remarquera tout d’abord que, comme esquissé dansODYSSEUS, les experts de TRIM s’appuient sur un modèle à trois composantes hérité del’Australien B. Green1.

D’après ce spécialiste, le langage revêt trois dimensions : la dimensionopérationnelle/fonctionnelle du langage, la dimension culturelle et la dimension critique.

La dimension opérationnelle/fonctionnelle se comprend aisément : elle regroupe lesquestions de rédaction en vue d’une fonction communicative et les éléments linguistiquesnécessaires pour l’accomplir. Ces éléments entrent dans la représentation commune de ce quedoit comporter un cours de langue.

La deuxième dimension, d’ordre interculturel, est également facile à identifier : lescomportements, la proxémie, les rituels de politesse, les codes sociaux sont depuis une dizained’années considérés comme fondamentaux dans les échanges professionnels, à telle enseignequ’il existe une discipline nommée « management interculturel ».

Le troisième volet, la dimension critique, est plus original. Il recouvre la connaissance descircuits de la communication et des raisons de cette communication. Les questions qui s’yrattachent sont par exemple : Qui lira ce que j’écris ? Pourquoi faut-il lire tel document avantde manipuler ? Ce que je dis est-il important ? (TRIM, p.18)

Les auteurs du rapport TRIM insistent sur ce troisième point, crucial pour les formations enentreprise. En effet, si les personnes à former pensent que le document qu’on leur présente nesert à rien, que le style de note d’information qu’on leur demande d’écrire est ridicule,pompeux, inutile, et ennuiera leur supérieur à la lecture, alors l’apprentissage ne se réaliserapas. Cela demande donc du côté du formateur une solide connaissance des organisations enjeu, à tel point que l’ingénierie de formation en entreprise paraît subordonnée à la nécessité deconduire une véritable analyse des organisations (dont les grandes lignes sont posées dans lapartie intitulée « Organisational Communications analysis », TRIM, pp. 40-46). Uneobjectivation du rôle de chacun, tel qu’il est défini par le système mais aussi tel que lesindividus se le représentent est, dans cette optique, incontournable (alors que dans le cadrescolaire, ce type d’interrogation n’a que rarement cours).

1 Pour plus de précisions, nous renvoyons au chapitre de TRIM rédigé par Matilde Grünhage-Monetti, « Trimtheorical framework : language as social practice », pp. 14-18.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 89

89

Si l’on prend appui sur le capital d’expériences et sur les modèles mis à contribution dansTRIM, l’étude que nous conduisons afin de réfléchir à la mise en valeur du linguistique dansla formation continue en entreprise induit alors un certain nombre de réflexions. On sedemandera notamment :

- sur quelles bases monter en France des expériences qui intègrent les trois dimensions(informationnelle, culturelle, critique) du langage sur le site de travail ?

- comment arrimer d’éventuels projets-pilotes à ce cadre européen de réflexion qui,depuis les pré-rapports d’Odysseus (en 2001) jusqu’à la publication de TRIM (2005),va dans le même sens que les questions soulevées par notre étude ?

- comment aboutir à une information ou à une formation des formateurs en langueintervenant en entreprise, afin qu’ils ne se contentent pas de délivrer des savoirslinguistiques (lexicaux, grammaticaux, pragmatico-linguistiques) ?

Le point relatif à la formation de formateurs sera abordé principalement en III.2.1.1, dans lapartie consacrée à la professionnalisation des acteurs de la formation. Le deuxième pointdépasse notre champ d’action, puisqu’il s’agit d’actionner la volonté politique de participer àces projets européens en envoyant des représentants français dans les groupes de réflexionrégulièrement réunis autour de la question du « linguistique au travail ». La premièreinterrogation peut cependant être traitée présentement.

Ce que nous apprend en premier lieu le projet TRIM est la nécessité de se focaliser sur desbranches professionnelles précises, voire sur des métiers ou des sites. Bâtir des projets àgrande échelle paraît prématuré en l’état du degré d’avancement de la réflexion.

Le deuxième enseignement est que la phase la plus longue n’est pas celle de la formation sursite mais bien la préparation en amont de cette formation. L’analyse des pratiquesprofessionnelles et des organisations (entretiens, observation des personnes sur leur poste detravail, réunions avec la hiérarchie, les syndicats, le Comité d’Entreprise, filmage) estessentielle et longue : ces étapes ont pris plusieurs mois. On peut penser que ce temps a étéaugmenté par le fait que les opérations prenaient la forme de recherches-actions mais ilsemble bien qu’une immersion du formateur soit de toute manière incontournable.

Cet investissement en amont rend nécessaire la mise en circulation des expériences des uns etdes autres. Elle requiert de partager les trouvailles méthodologiques entre formateurs, dans lamesure où le partage de l’information est le seul moyen de gagner du temps ; sans ce partage,l’investissement en amont de la formation fait que le jeu (le volume d’heures de formation)n’en vaut pas la chandelle (financièrement). En effet, ces opérations aboutissent à desformations relativement brèves alors qu’elles demandent une préparation délicate et longue. Ilfaut donc « amortir » l’investissement à la conception en démultipliant efficacement lesrenseignements obtenus lors de la phase d’analyse des situations de travail. De ce point devue, les publications régulières du Conseil de l’Europe et surtout les exemples fournis dansles CD-ROMs qui y sont adjoints sont particulièrement précieux. Certains de ces exemplesfonctionnent en effet comme des grilles méthodologiques illustrées qui montrent, entre autres,comment interroger une personne sur son activité, comment vendre une formation à uneentreprise, etc.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 90

90

Le troisième enseignement est que les formations en entreprise ne sont pas des formationsglobales de la personne, visant par exemple son éducation. Elles se focalisent sur lacommunication au travail, sur le caractère opérationnel de l’employé et ne peuvent, à ce titre,que viser le développement de compétences limitées. À cet égard, les opérations relatées dansTRIM s’éloignent de l’approche éducative par l’amélioration des savoirs de base, bien connueen France, qui peut apparaître comme un essai de « rattrapage scolaire » dont les entreprisesne font pas leur priorité. Aucun des exemples européens ne se situe en effet dans cettephilosophie, dès lors que l’on s’inscrit dans la formation continue en entreprise.

Ancrées dans les métiers, faisant appel à de réelles qualités de conception et d’ingénierie deformation, limitées dans leurs objectifs mais complexes (car faisant appel aux troisdimensions du langage), les formations linguistiques en entreprise pour des migrants nes’improvisent donc pas. Cela explique vraisemblablement leur rareté actuelle, même sidifférents exemples ont pu être trouvés en France, comme mentionné en II.2.3 dans la partieconsacrée au repérage de projets émergents.

On peut cependant penser que ces formations vont être amenées à se développer « par la forcedes choses », étant donné le contexte économique et social (pyramide des âges, métiers soustension). Divers partenaires ont d’ailleurs répondu à la sollicitation du CLP, en vue de projets-pilotes, comme développé ci-après. Le retour de ces projets, s’ils sont poussés jusqu’à leurréalisation, permettrait d’établir à quelles conditions une formation est efficace et d’optimiserles formations ultérieures.

Pour dynamiser la réflexion, nous proposerons plus loin une série de projets de formationvolontairement construits autour des partenariats engageant des acteurs intervenant dans lesdifférentes ingénieries : territoriale, organisationnelle, formative.

III.1.3.2 Travaux du Centre des niveaux de compétence linguistique canadien

Sont en charge des différents dossiers pour le Canada, le Centre des niveaux de compétencelinguistique canadien (pour le FLS) et son homologue anglophone, le Centre for CanadianLanguage Benchmarks (pour l’anglais langue seconde). Le rôle de cet organisme bicéphaleétait, à l’origine, de déterminer les « Niveaux de compétence en français langue seconde pourles immigrants adultes » (idem en anglais langue seconde). Un référentiel organisé en douzeniveaux a été produit pour positionner les migrants arrivant sur le territoire, comme leprésente le site. Au Canada, tout migrant adulte est en effet appelé à passer un double test àson arrivée : un test professionnel, pour être incorporé à un corps de métiers répertoriés parl’Office québécois des Professions, et un test de langue pour prouver son aptitude à s’intégrerdans la société. Jusqu’à présent, les deux tests étaient séparés mais devant le nombrerelativement important de migrants compétents dans leur métier et ayant réussi les tests enfrançais ou en anglais général, néanmoins inaptes à l’exercice de leur profession en langueseconde, un tournant a été pris : il s’agit de produire désormais des référentiels linguistiquespar métiers et des tests en français ou en anglais de spécialité, qui articulent compétencelinguistique et activité professionnelle. Etant donné l’importance de ces travaux et leurcaractère très avancé, nous leur accorderons une large place dans la partie consacrée auxpréconisations et propositions, quand il sera très précisément question de « référentiels ».

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 91

91

Cette nouvelle phase de pilotage est dénommée Transition entre les niveaux de compétencelinguistique canadiens et les compétences essentielles en milieu de travail. Le slogan « Lalangue, c’est la clef » avec une forme plus développée « La langue, c’est la clef de lacommunication en milieu de travail » coiffe l’ensemble des travaux conduits. Parmi eux,le projet « Profil linguistique des professions du secteur touristique d’après les profils descompétences essentielles » retient particulièrement l’attention (voir Annexe 5) si l’on se placedans la perspective de l’étude de la DPM faisant l’objet du présent rapport. Entamé en octobre2003 et achevé fin septembre 2005, ce projet prend comme terrain-pilote le domaine dutourisme qui « regroupe de nombreux travailleurs immigrants » et dont « les ressourceshumaines sont identifiées comme étant la question névralgique pour les dix prochainesannées ». Au total, une trentaine de métiers sont à l’étude : « préposés au bar », « guide depêche », « réceptionniste », « directeur de club de golf », « aide-cuisinier », « cuisinier à lachaîne », « conseiller en voyages », pour reprendre à grands traits la liste dressée par laresponsable du projet. Mais au-delà, il s’agit de créer « une méthodologie destinée à établirdes profils linguistiques professionnels nationaux qui pourraient s’appliquer à d’autresprofessions et secteurs ».

Actuellement, le travail est achevé pour six métiers (depuis mai 2005) au prix d’une étude dedeux années en partenariat avec les professionnels concernés. Une cellule permanente de troispersonnes a été rattachée au projet, sans compter les représentants de chaque provincecanadienne et la participation d’un membre du Comité de consultation national du tourisme.Au niveau du gouvernement, de très gros moyens sont donc mis en place pour conduire cegenre d’étude, dont il faut préciser cependant qu’elle recouvre une problématique plus largeque celle de l’intégration des migrants professionnels. En arrière-plan se joue en effet laquestion des « standards occupationnels » : à l’origine, les représentants du secteur dutourisme avaient en effet demandé d’harmoniser les niveaux des différents diplômes desprovinces canadiennes, sans penser à la question des migrants spécifiquement. Les« standards occupationnels » sont des sortes de normes à atteindre, que l’on soit natif oumigrant. Et le rôle de la politique d’immigration est de rendre accessibles ces standards auxétrangers, en leur fournissant les pistes de formation et les programmes, tests et prérequisindispensables au succès.

Cette philosophie des « standards à atteindre » se matérialise d’ailleurs très explicitementdans l’organisation des pages des sites web des différents organismes en charge de laproblématique. On note par exemple la présence dans un site web comme www.immigration-quebec.gouv.qc.ca d’un bandeau, situé en haut à gauche, qui rassemble une « Banqued’exercices de français en ligne », un « Répertoire d’outils pédagogique », un « Descriptif etrépartition des cours », ainsi que les « Programmes d’aide financière » et une « Banque deservices des organismes communautaires ». Si l’on cherche des démarches plus globales, plussoucieuses de transversalités et qui ne structurent pas métier par métier, on se doit alorsd’examiner différentes actions conduites en Suisse.

III.1.3.3 Groupe de recherche « Langage, action, formation » (Université de Genève)

D’octobre 2000 à mai 2005, un projet de grande ampleur a été piloté par J.P. Bronckart del’université de Genève, avec une équipe d’une dizaine de chercheurs du groupe « Langage,action, formation ». Intitulé « L’analyse des actions et des discours en situation de travail etleur exploitation dans les démarches de formation », ce projet s’ancre dans une méthodologierigoureuse allant de l’analyse des activités au travail jusqu’à des propositions de formation, en

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 92

92

prenant appui sur des recherches actions dans des entreprises pharmaceutiques, aux Hôpitauxuniversitaires de Genève et dans le cursus de licence en Sciences de l’éducation del’université de Genève.

L’analyse du travail est menée par le biais d’observations de terrain des « conduites verbaleset non verbales qui sont produites lors de la réalisation d’une tâche ». Ces conduites sontcroisées avec l’analyse des textes d’instructions ou des consignes orales ayant conduit àl’exécution de la tâche. On interroge aussi celui qui travaille sur ce qu’il va faire, et une fois latâche exécutée, sur ce qu’il a fait, avec les décalages que cela suppose. Cela donne une idéeprécise des compétences linguistiques et techniques nécessaires à la bonne résolution d’unetâche. Une telle démarche est l’une des rares qui donne une même importance au linguistiqueet au technique professionnel et ne dissocie pas d’emblée les deux éléments1

La recherche vise à une description complète de tout ce qui est accompli en situation detravail et pourrait être à la source de descripteurs de compétences, en vue de la formationprofessionnelle (initiale et/ou continue). Cette approche qui « colle » au plus près des réalitésprofessionnelles a déjà fait l’objet de deux publications : Agir et discours en situation detravail (2004) et L’analyse des actions et des discours en situation de travail. Concepts,méthodes et applications (2005). Bien entendu, il s’agit là de travaux de recherche, en amontde la conception des formations proprement dites. Cela étant, ils pourraient servir de pointd’appui à des descripteurs de compétences, dans la perspective de projets de grandeenvergure.

Au terme de ce panorama international, il apparaît que, dans bon nombre de pays, lacompétence linguistique est depuis cinq ans environ associée très officiellement à la notion decompétence professionnelle. Des projets-pilotes de recherche en action/formation, desprogrammes gouvernementaux, des certifications existent déjà, et il serait intéressant decroiser tous les résultats obtenus par l’enquête opérée sur le terrain français avec les différentstravaux réalisés à l’étranger. Cette comparaison serait sûrement un bon levier pour constituerdes projets-pilotes dont les grandes lignes seront esquissées en III.

En outre, en examinant ce qui s’est fait ailleurs, l’originalité du cas français apparaît mieux. Sil’étude intitulée « La formation linguistique au titre de la formation professionnelle continueen entreprise » entre dans une dynamique plus générale, elle n’en revêt pas moins une doublespécificité :

- elle essaie de clarifier les spécificités des besoins langagiers des publics migrants dansun contexte de brouillage et d’invisibilité.

- elle situe la question au niveau de la formation professionnelle en entreprise (et neconcerne pas uniquement les formations préalables à l’entrée dans le monde dutravail).

1 A ce titre, le contact a été pris avec J.P. Bronckart, de passage en France pour une conférence au colloque du 3juin 2005 Analyser les pratiques professionnelles. Pourquoi ? Comment ? au CNAM

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 93

93

III.2 Propositions

Tenant compte des leviers et des architectures esquissés en début de chapitre, nous présentonsici des propositions concernant des groupes de travail et de recherche ainsi que des projets-pilotes pouvant favoriser la prise en compte de la problématique et les évolutions souhaitéespar les nouveaux cadrages juridiques, pour la prise en compte de la langue dans la formationcontinue en entreprise.

À chaque fois que les observatoires prospectifs des métiers pourront être impliqués dans lesingénieries et les projets proposés, les expériences gagneront en pertinence et en répercussionsur les priorités des branches concernées.

La présentation de ces propositions est organisée en trois parties :

1. Les thématiques transversales considérées comme pivots du système à faire évolueret pouvant donner lieu à des croisements avec les études, les recherches et lesexpérimentations proposées

2. Les études et les recherches pouvant être lancées afin d’approfondir lesconnaissances sur les différents éléments inhérents à la problématique

3. Les expérimentations pouvant mobiliser le maximum d’acteurs sur le plus grandnombre de territoires possibles afin de rendre visible la problématique tout en faisantévoluer les pratiques

III.2.1 Dynamiques stratégiques

Le premier volet concerne deux aspects essentiels des ingénieries impliquées dans le systèmede la formation professionnelle pour la prise en compte de la langue, compétenceprofessionnelle :

- Sensibiliser les acteurs et consolider les compétences des intervenants contribueraà faire évoluer les mentalités et à diversifier les formations tout en tenant compte descontextes des salariés.

- Concevoir et articuler référentiels et certifications constituent le deuxième élément-clé favorisant les cohérences souhaitées dans les propositions formatives, enparticulier pour rattacher les formations à composante linguistique aux certificats dequalification et aux diplômes pouvant contribuer à la promotion et à l’évolution dessalariés.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 94

94

III.2.1.1 Professionnalisation des acteurs

Comme cela a été vu en III.1.2.1, le champ disciplinaire du français à visée professionnelle,en didactique des langues, pourrait être d’une grande utilité dès lors que l’on cherche àarticuler du langagier avec des situations professionnelles en vue d’une meilleure maîtrise dela langue au travail. L’ingénierie de formation mise en œuvre en FOS repose sur uneméthodologie bien « rodée », transposable en France pour la formation professionnelle (etdéjà expérimentée en quelques endroits). La question de la démultiplication de cetteingénierie se pose néanmoins. En effet, il existe peu de lieux en France où elle est enseignée.

Une réflexion sur les compétences nécessaires aux acteurs intervenant en France devrait êtremenée pour élargir les champs à développer, en particulier pour ce qui est de l’analyseorganisationnelle en situation professionnelle. Comme nous l’avons évoqué lors de laprésentation des expériences européennes (Odysseus, TRIM), les analyses préalables à ladéfinition des contenus de formation s’avèrent fondamentales pour la réussite des formationsproposées aux entreprises et aux salariés.

Il faudrait envisager de sensibiliser et former tous les acteurs concernés par la mise en placedes formations, depuis les conseillers emploi de l’ANPE jusqu’aux responsables de formationen entreprise, en passant par les conseillers OPCA et les partenaires sociaux.

- Donner une meilleure visibilité aux formations en FOS

Si le français langue professionnelle représente un champ à solliciter dans la problématiqueévoquée dans le présent rapport, ce champ souffre actuellement d’une faible visibilité et d’unecertaine dispersion. Ceci pourrait être rectifié relativement aisément en établissant un livretrécapitulant les quelques lieux et institutions impliqués en la matière.

On rappellera seulement que de nombreuses raisons font que le FOS, et sa toute dernièreévolution, le FLP, sont peu connus en France et encore peu diffusés sur notre territoire. Cettefaible popularité tient tout d’abord au caractère encore confidentiel de la « Didactique dufrançais langue étrangère ». Cette discipline, à l’université, est noyée dans le champ plus largedes Sciences du langage, ce qui lui ôte de la visibilité. Elle est de surcroît récente, puisque lamaîtrise de FLE n’a été habilitée qu’en 1981. Enfin, il n’existe en France qu’une seule Unitéde Formation et de Recherche de Didactique du FLE totalement autonome, située àl’Université de la Sorbonne nouvelle–Paris 3, à laquelle s’ajoute une dizaine de pôlesuniversitaires qui englobent ce type de préoccupations à des degrés divers (Besançon, Nancy,Le Mans, Nanterre, Grenoble, Montpellier, Toulouse). Par ailleurs, les étudiants formés ontpour la plupart un projet professionnel qui les porte vers l’étranger et, bien souvent, on ne lesrevoit plus en France, ce qui accroît encore le manque de visibilité de la discipline.

À l’extérieur de l’université, rares sont par ailleurs les endroits où le FOS et le FLP sontpratiqués. Le CREDIF (Centre de Recherche et de Diffusion du Français) de l’ENS de Saint-Cloud ayant été dissout, il reste encore le CIEP de Sèvres, qui comporte une antenne deformation de formateurs (autour de J. Demarty-Warzée et d’A. Zabardi). Les demandesproviennent surtout de l’étranger : la réponse prend soit la forme d’une mission d’un expertdu CIEP sur place pour former des enseignants de FOS principalement, soit la forme de lavenue de groupes d’universitaires ou de chercheurs (en sociologie et sciences humaines) pourdes stages à l’ancienne manufacture de Sèvres, en internat. De surcroît, deux fois par an,

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 95

95

l’hiver et l’été, le BELC (incorporé au CIEP) organise des stages de formation de formateurs,dans tous les domaines de la didactique, avec quelques modules en FOS. Le public est dans lamajorité des cas composé d’enseignants ou de coopérants et non de professionnels issus dumonde de l’entreprise.

Le lieu le plus tourné vers l’entreprise actuellement en France semble être la Chambre deCommerce et d’Industrie de Paris, par l’entremise de la Direction des RelationsInternationale/Enseignement. Son action s’organise en trois directions : des formations deformateurs en stage d’été qui sont là encore soit des coopérants, soit des enseignants defrançais langue étrangère ; des missions à l’étranger, pour former des enseignants de mêmetype ; quelques formations sur mesure conçues pour des entreprises ayant des cadres ou desemployés étrangers devant travailler en France. Cette dernière catégorie entre dans laformation continue et nécessite à chaque fois une ingénierie de formation sur mesure.Cependant, dans ce cas, il ne s’agit pas de formation de formateurs en vue de la formationcontinue mais de la formation « directe » des professionnels d’une entreprise donnée. À cetitre, le savoir-faire en FOS ne se diffuse pas dans les organismes de formation.

- Soutenir l’offre de formation de formateurs en université

À notre connaissance, le seul endroit où l’on cherche à former des enseignants à la didactiquedu FOS pour l’entreprise en France est l’Université Paris 3 et ce, depuis très peu de temps.Introduit il y a douze ans en maîtrise de FLE, le cours « français sur objectifs finalisés » étaità l’origine tourné vers des publics d’enseignants ou de futurs professeurs de français àl’étranger. Chaque année, une trentaine d’étudiants a suivi cette option et, depuis huit ans, unnombre égal d’étudiants à distance a également reçu ce cours par le biais du dispositif Télé 3(avec des polycopiés et depuis deux ans des cours et un forum sur une plateforme de typeWebCT). La formation était alors strictement orientée vers l’enseignement et les institutionsqui y sont rattachées.

Mais depuis la rentrée 2004, dans le DESS Ingénierie de formation, un cours de formation auFOS davantage orienté vers l’entreprise a été introduit. Avec la mise en place à la rentrée2005 de la réforme LMD, le DESS laisse place au Master professionnel deuxième année.

Dans ce contexte d’ouverture, on peut imaginer que des coopérations se tissent entre lesMaster professionnels deuxième année et différentes structures désireuses d’importer lesavoir-faire d’ingénierie de formation en français langue professionnelle. On peut égalementconcevoir que les entreprises et les organismes concernés par ces partenariats fassent« remonter » jusqu’à l’université des demandes précises, y compris en direction de larecherche en didactique du FOS. Mais cette collaboration éventuelle ne réalisera cependantqu’une part de la formation initiale d’intervenants en entreprise. La présence à l’université deformateurs déjà en poste dans des organismes sera vraisemblablement très limitée : d’abordparce que les conditions d’accès aux Master professionnels sont très restrictives, ensuite parceque bien des formateurs ne vont pas se lancer dans des dispositifs de validation des acquis,enfin parce qu’il faut vouloir retourner à l’université, et y consacrer une année, en recevant latotalité des cours, de nature parfois éloignée du monde de l’entreprise. D’où la nécessitéd’envisager d’autres dispositifs de démultiplication à même de renforcer la diffusion dusavoir-faire réalisé actuellement par la voie universitaire.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 96

96

- Assurer la formation des formateurs déjà en exercice dans les organismes deformation

La professionnalisation de formateurs déjà en poste dans les organismes de formation etdésireux d’acquérir des compétences en ingénierie de formation au français en entreprisepourrait prendre la forme de sessions, de stages et de formations-actions. Idéalement, ilconviendrait de consacrer environ 20 heures par individu à former, en regroupant lesintéressés par petites dizaines.

Ces opérations pourraient être chapeautées par un organisme qui coiffe un réseaud’organismes de formation mais aussi par d’autres structures, telles les OPCA. En effet, il estapparu autour de l’enquête que la formation en entreprise se structurait par branchesprofessionnelles et l’on peut penser que des formations élaborées par des organismesspécialisés pourraient être cogérées avec l’aide des OPCA. Pendant les entretiens, il a étéaussi question des catalogues de formations des entreprises de Travail Temporaire, lesquellestravaillent en réseau avec des centaines d’organismes de formation. On pourrait, après avoirconsulté par exemple le SETT, définir des secteurs ou des professions prioritaires et proposerdes formations de formateurs qui rendent les organismes de formation à même de répondreaux demandes des ETT. Cela répondrait d’une certaine manière au constat effectué par unresponsable formation en ETT qui relatait que moins d’un organisme de formation sur deuxpouvait être mobilisé en français professionnel, faute de compétences dans ses rangs.

Enfin, au niveau des territoires, des métiers ou des branches-pilotes pourraient être définis,comme pour les expérimentations proposées ci-dessus auquel cas des actions spécifiques deformation de formateurs seraient à enclencher pour démultiplier ensuite les projets-pilotes lesplus convaincants. Dans la mesure du possible, il faudrait mettre en place ces actions de façoncorrélée aux expérimentations associées à des dynamiques spécifiques.

- Mettre en réseau les compétences

Afin que les expériences conduites ne restent pas confidentielles, il serait aussi utile de créerun centre de ressources (de préférence multimédia) pour les formateurs en français à viséeprofessionnelle en entreprise. À côté du rappel du cadre juridique de la formationprofessionnelle en entreprise, on pourrait faire figurer parmi les ressources, après une étudecomplémentaire des besoins prioritaires, du matériel didactique en ligne (qu’il faudraitconcevoir ou réadapter), des exemples de modules de formation, des bibliographies et dessitographies en didactique du FLP. Un forum de discussion animé par un modérateur-didacticien serait également bienvenu, afin de guider ou de renseigner les formateurs enentreprise devant aborder des domaines inconnus ou souhaitant diversifier leur approche.

Un partenaire comme le P@t (mentionné également pour des projets-pilotes) seraitjudicieusement associé. Déjà implanté et fort bien équipé, le P@t pourrait être le responsablepour la partie technique (multimédia) de cette mise en réseau, à condition que la structure sedote d’un ou deux permanent(s) qui auraient cette compétence.

En deux ans environ, le centre de ressources pourrait être prêt. En un an, en mobilisant uneéquipe de deux ou trois personnes, il serait possible de proposer, dans certains secteurscomme l’hôtellerie-restauration ou la santé, des ressources opérationnelles.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 97

97

- Mettre en valeur la problématique

Bien entendu, toutes les opérations de formation précédentes ne sauraient prospérer sans uneorchestration particulière de la problématique au niveau des instances gouvernementales. Unecampagne de sensibilisation serait à lancer par les autorités compétentes, relayée par desmanifestations comme celles portées actuellement sur le devant de la scène par le CIEP, avecses journées sur l’intégration linguistique des adultes migrants en Europe (28-29 juin 2004 et26-27 septembre 2005). De tels événements contribuent en effet à mettre sur le devant de lascène la problématique de la mobilité professionnelle et de la maîtrise des langues, enassociant de facto la question de l’évolution des carrières en entreprises à celle de lacompétence à communiquer en langue étrangère. Si ces manifestations restent réservées à unnombre restreint de professionnels, il serait intéressant de développer à l’avenir descampagnes de communication auprès de tous les acteurs pouvant faire évoluer le système. LaDGLFLF (Direction générale à la langue française et aux langues de France) semble l’espaceinstitutionnel le plus adapté pour décider de la pertinence et des modalités de cette diffusion.

Ce lien entre la compétence linguistique (au sens large) et la mobilité professionnelle enentreprise est également porté sur le devant de la scène au niveau européen. Dans leprogramme Leonardo da Vinci, on note l’existence du projet ICOPROMO qui signifie« Compétence interculturelle pour le développement de la mobilité professionnelle ».ICOPROMO développe des questionnements relatifs à « L’éducation aux langues dans uneEurope multilingue et multiculturelle », en vue d’une meilleure adaptabilité en entreprise.Parmi les buts généraux de ce programme, le site www.ecml.at mentionne : « La cohésionsociale, la citoyenneté démocratique, le renforcement de l’épanouissement personnel, lacitoyenneté active, l’inclusion sociale et professionnelle grâce à la mobilité facilitée descadres et des ouvriers ». Le projet « vise à stimuler et à faciliter les débats actuels concernantl’objectif de l’éducation interculturelle dans l’enseignement des langues/cultures à des finsprofessionnelles ».

L’intérêt à nos yeux d’un projet comme ICOPROMO est de cibler conjointement lespersonnes à former (cadres, ouvriers, étudiants en voie de professionnalisation) et leursformateurs en langues. La professionnalisation des acteurs de la formation est considéréecomme aussi importante que les contenus des cours que recevront les étudiants. Le projet parten effet du constat que « alors que de nombreux documents officiels des organisationseuropéennes sur l’enseignement des langues soulignent l’importance des compétences encommunication interculturelle dans l’amélioration des performances sociales etprofessionnelles des apprenants, très peu d’institutions éducatives dans le domaine dessciences sociales ont mis en œuvre le développement de la compétence interculturelle enrelation avec l’enseignement de la langue/de la culture dans leurs programmes. » (Brochuredu Centre Européen des Langues Vivantes de Graz, 2004-2007, Les langues pour la cohésionsociale, www.ecml.at/mtp2/ICOPROMO).

Aussi était-il urgent d’envisager des protocoles qui sensibilisent les enseignants de langue àl’intérêt d’enseigner conjointement la langue et la culture tout en se focalisant sur desdomaines d’activité professionnels (gestion, économie, commerce, tourisme dans un premiertemps). Mais le programme n’en est encore qu’à ses débuts ; il rendra ses préconisations etproduira un premier ensemble didactique en 2007, suivi vraisemblablement d’unélargissement aux domaines professionnels scientifiques et techniques.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 98

98

La professionnalisation des acteurs de la formation fait donc l’objet, au plan national commeau plan européen, d’une réflexion relativement récente, qui tente d’articuler l’enseignementd’un complexe « langue et culture » à des domaines de spécialité ou au cadre d’exercice deprofessions prédéfinies.

III.2.1.2 Compétences, qualification, certification

III.2.1.2.1 Référentiels de compétences en France

Afin de positionner les publics à former et de gagner du temps dans l’analyse des besoins,dont nous avons vu qu’elle est une étape indispensable de l’ingénierie de formation enfrançais à visée professionnelle, il conviendrait de prendre appui sur des référentiels decompétences qui articulent la dimension linguistique à la dimension professionnelle.

Rappelons qu’un référentiel de compétences est une sorte de grille qui indique en termesd’aptitudes (on parle plus savamment « d’assertions de capacité ») les compétences à atteindreen les ordonnant par niveaux. Cette grille (parfois nommée « descripteur ») permet soitd’évaluer le niveau de départ des personnes à former (lors d’un test dit de« positionnement »), soit de tester des personnes à l’issue de la formation (on évalue alorsleurs progrès). Mais le référentiel fonctionne également pour les formateurs comme unrépertoire d’objectifs de formation à atteindre. Les référentiels sont donc des outils précieuxpour la programmation de modules et de programmes.

En ce qui concerne l’illettrisme et l’alphabétisation, il existe des référentiels très opérationnelset à l’utilisation quasi-incontournable (comme celui du FAS/CUEEP et celui de ColetteDartois). Pour le français professionnel, rien de similaire n’a été fait. On peut toutefois setourner vers les référentiels généralistes (comme le Cadre Européen Commun de Référencepour les langues ou le référentiel du programme européen ALTE) pour tenter d’en extrairequelques indications pour le français professionnel. Mais c’est plutôt à l’étranger, et plusprécisément du côté du Canada, et dans quelques fiches expérimentales établies dans la régiondes Pays de la Loire par le SERTIF, ou encore dans des brochures à destination des jurys desCertificats Pratiques en français des affaires et des professions de la Chambre de Commerceet d’Industrie de Paris, que résident les pistes à creuser. Peut-être conviendrait-il également deregarder les descripteurs d’épreuves des CAP et des bacs professionnels des branchesprofessionnelles concernées pour établir un pointage réaliste des objectifs à cibler.

- Les référentiels européens utilisés en France : des référentiels assez peu tournés vers lemonde du travail

Il convient de rappeler tout d’abord que le CECR (Cadre européen commun de référence)pour les langues concerne toutes les langues en usage en Europe et n’est pas centré sur lessituations professionnelles. Cela étant, dans le but de recenser les différentes situations decommunication dans la perspective de l’approche communicative de l’enseignement deslangues, le « Cadre » distingue le domaine privé, le domaine public (dans lequel s’inscritl’achat d’objets courants par exemple), le domaine professionnel, et enfin le domaineéducationnel (p. 46). Dès lors, il convient d’être attentif à certains descripteurs dont les tâchescommunicatives concernent en bonne partie le domaine professionnel. On pense en particulier

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 99

99

à « Lire des instructions » qui, à faible niveau, concerne plutôt le français général (A1 : « Peutsuivre des indications brèves et simples, par exemple pour aller d’un point à un autre ») maisdès le niveau suivant peut concerner l’univers professionnel (A2 : « Peut suivre le moded’emploi d’un appareil d’usage courant, peut comprendre un règlement concernant, parexemple, la sécurité, quand il est rédigé simplement »). Au niveau B2, il est d’ailleursquestion de « comprendre des instructions longues et complexes dans son domaine, y comprisle détail des conditions » alors qu’au niveau C1, le descripteur contextualise l’assertion decapacité dans le domaine professionnel : « peut comprendre dans le détail des instructionslongues et complexes pour l’utilisation d’une nouvelle machine ou procédure, qu’elles soientou non en relation à son domaine de spécialisation… ». Ce référentiel, à la p. 59 du CECR, estreproduit en Annexe 6 (« Lire les instructions ») de même qu’un autre référentiel, de la p. 65(Annexe 7, « Coopération à visée fonctionnelle »), qui se centre sur la « coopération à viséefonctionnelle (par exemple, réparer une voiture, discuter un document, organiser quelquechose).

Dans les deux cas, aucun poste de travail n’est véritablement désigné et, pour les niveaux dedépart, l’ancrage est plutôt dans le domaine personnel ou dans le domaine public. Mais cepremier travail de découpage des tâches communicatives pourrait, à partir des niveaux B2(Niveau Seuil), faire émerger d’intéressantes nuances dans le listage des compétencesprofessionnelles.

Un tel travail de réorganisation est d’ailleurs ébauché par les spécifications d’ALTE(Association of Language Teachers in Europe) présentées en annexe D du CECR (p. 173 etsuivantes). Le but de cette entreprise est l’harmonisation des différents examens et diplômesen langues étrangères et leur positionnement dans un cadre d’ensemble afin d’en déterminer leniveau les uns par rapport aux autres. Mais, pour ce faire, il a fallu réorganiser l’exposé et ladescription des tâches communicatives. Ceci a été fait autour de trois pôles : Vie sociale etTourisme, Travail, Etudes. 400 capacités de faire ont ainsi été passées au crible, en se référantde surcroît aux habiletés d’expression orale et de compréhension écrite.

Comme l’exprime p. 180 le tableau de spécifications « Document D3 : Panorama des intérêtset des activités traités » relatif à la vie sociale et au tourisme, ce pôle de spécifications englobeessentiellement des situations relevant du français général (Annexe 8). En revanche, ontirerait un plus grand profit du résumé des spécifications de ALTE relatives au Travail(p. 181) et du panorama des intérêts et activités traités au travail (p. 182), le tout en Annexe 9.On pourrait également se pencher sur des échelles de descripteurs plus pointues, comme celleextraite des Cahiers de l’ASDIFLE (Association de didactique du français langue étrangère),qui permet de cerner les particularités du domaine professionnel par rapport à celui de la viesociale et du tourisme, pour une activité donnée : les instructions et demandes. Dans cedescripteur, on fera attention au fait que le niveau le plus faible (« peut comprendre lesinstructions les plus simples lorsqu’elles sont accompagnées d’un signe visuel, par exempleSTOP ») sont placées en haut de l’échelle, alors que les niveaux les plus élevés sont en bas :« Peut comprendre les instructions et les demandes dans son domaine professionnel. Peutcomprendre l’intention des instructions, demandes et règlements en dehors de son domaineprofessionnel mais pourra mal comprendre les détails exprimés en langage complexe ».

Cela étant, l’approche ne se fait à aucun moment par métier, ni par poste de travail. On estdans la nébuleuse de la langue de communication professionnelle, sans spécialisationvéritable. Cela apparaît clairement dans l’explicitation aux candidats intéressés par leBULATS (Business Language Testing Service) mis au point par ALTE. Nous renvoyons à la

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 100

100

page 4 de l’introduction du « guide du candidat » du site www.bulats.org, avec de nombreuxsavoir-faire répartis sous le chapeau « Bureau, environnement général et professionnel etemploi du temps » ou encore « Accueil et prise en charge de clients, loisirs, relations avec lescollègues et les clients », « Produits et Services », « Résultats et réalisations ». L’orientationest de toute évidence celle d’emplois du secteur tertiaire correspondant au monde des affaires.Les spécifications ALTE et le BULATS n’ont donc pas été pensées pour des publics peuqualifiés, même si la démarche et certains éléments des descripteurs pourraient inspirer laconstitution de descripteurs en français à visée professionnelle dans les branches qui nousoccupent.

- Programmes des Certificats du français des affaires et des Professions de la Chambrede Commerce et d’Industrie de Paris : un embryon de réflexion

Si l’on cherche à établir des référentiels qui combinent la dimension linguistique (le français)et la dimension technique et professionnelle, on se tournera utilement vers les Certificatsprévus pour des étrangers appelés à travailler en français de la Chambre de Commerce etd’Industrie de Paris. Ces certificats sont en effet pensés par domaines (Certificat du Françaisdu Tourisme et de l’Hôtellerie) ou par métiers (Certificat du français du Secrétariat). Leurintérêt est d’être conçus dans une perspective fonctionnelle, qui part des besoins exprimés parles entreprises et transforme ces besoins en objectifs d’apprentissage, pour des postes n’étantpas forcément des postes de haut niveau de qualification. Qui plus est, la maîtrise du françaisn’est pas posée comme totale, car les certificats sont en moyenne accessibles après 120 heuresde français (français langue étrangère).

Depuis les années 1990, circulent à la Direction des Relations Internationales/ Direction del’Etranger (DRIDE ou DRI/E selon les époques) différents documents en littérature internequi intéressent notre problématique. L’un d’entre eux, reçu par les membres du jury decertains diplômes au moment de leur intégration dans les équipes de correcteurs, retientl’attention. Il s’agit d’une fiche (tapée à la machine) intitulée « La définition des objectifsd’apprentissage ». Nous en citerons la philosophie d’ensemble : « Il importe donc maintenantde définir des objectifs d’apprentissage, c’est-à-dire de traduire en termes fonctionnels unedémarche formulée par l’entreprise en termes situationnels ». Suit une liste de situationstypes, converties en objectifs qui relèvent du langagier. Parmi les cas évoqués, « Untechnicien du service après-vente, qui doit installer et dépanner les appareils achetés par leclient », avec la liste d’objectifs suivants :

- s’informer pour connaître le problème- comprendre les questions du client- expliquer le fonctionnement d’un appareil- donner des instructions et des conseils d’utilisation.

La liste de ces objectifs permet ensuite une redécomposition en objectifs spécifiques de typelinguistique (par exemple, le travail d’un acte de parole comme le DIRE DE FAIRE/DIRECOMMENT FAIRE, selon une méthodologie déjà fort balisée en enseignement des langues).

Malheureusement, le nombre de tableaux associant situations professionnelles et objectifsfonctionnels est très limité. Il arrive cependant que certains programmes de Certificats fassentl’objet de descriptions détaillées, qui s’apparentent un peu à ce type d’approche. Mais cesdescriptions, que l’on trouve sur le site Internet de la CCIP (aux pages introduites par

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 101

101

www.fda.ccip.fr) ne sont pas en permanence accessibles. Ainsi, le descriptif du diplôme duFrançais du Secrétariat a été modifié et considérablement allégé, ce qui le rend beaucoupmoins utilisable qu’auparavant. Pour une vision plus précise, on consultera celui, encorevisible sur le site, du Certificat du français scientifique et technique, qui s’organise enrubriques du type : compréhension écrite, expression écrite, compréhension orale, expressionorale. À l’intérieur ce chaque rubrique, on trouve le pointage des activités les plus courantesdans ce domaine, par exemple, pour l’expression écrite :

- « établir des projets de réponses pour correspondance professionnelle, projets delettres

- remplir des formulaires de travail courants, rédiger des messages simples(convocation, confirmation, annulation)

- rédiger des lettres-types selon un modèle établi- rédiger un compte rendu de visite et un bref rapport sur un travail accompli, une

situation, une information concernant l’activité professionnelle. »

Il apparaît cependant par la nature des compétences listées que le Certificat s’adressedavantage à des techniciens ou des ingénieurs ou des agents de maîtrise qu’à des scientifiques(chercheurs, laborantins etc.) et que ces besoins seraient à réajuster selon les domaines. LaCCIP met d’ailleurs actuellement en place un référentiel spécifique interne pour le français dela santé et de la médecine après un travail d’une année à l’hôpital de la Pitié Salpetrière,devant aboutir à un Certificat du français de la médecine dans moins d’un an. Mais cetteexploration systématique des besoins d’un domaine aura été fort coûteuse en temps et fortcomplexe à conduire.

- Les référentiels d’activités professionnelles (CAP et autres cursusprofessionnalisants) : une approche par métiers

En se familiarisant avec les différents descripteurs mentionnés, on comprend vite que touteélaboration d’un référentiel de compétences en français professionnel (qu’il soit conçu pardomaine de spécialité ou par métier) représente un énorme travail. Une façon de gagner dutemps pour élaborer de tels référentiels serait, selon nous, d’aller étudier de près lesréférentiels d’activités professionnelles très détaillés qui servent de repères et de base deprogramme pour les CAP ou les bacs professionnels, voire les CQP (comme le tout nouveauCQP en restauration rapide).

Certes, ces référentiels sont pensés pour un public de français natifs mais le travail qui y estfait ne doit pas être négligé. Ces référentiels sont en effet à l’écoute des branchesprofessionnelles et des métiers. Qui plus est, les récupérer permet de bénéficier dedescripteurs déjà fort étoffés en matière de situations et d’actions. La difficulté serait malgrétout, au vu du document produit en Annexe 10 (CAP Cuisine. Fonction 1 :approvisonnement-stockage), de détecter parmi les multiples points soulevés dans cesréférentiels officiels, les compétences récurrentes qui concernent la maîtrise de la langue,mais ne sont pas bien évidemment isolées par le document comme une entité.

La rubrique « Moyens et ressources » qui répertorie les documents professionnels en jeu pourchaque tâche professionnelle pourrait être une zone clé pour le relevé à effectuer. Dansl’exemple en annexe, il est en effet question de « fiches techniques de fabrication »,« consignes », « documents d’approvisionnement (bons d’économat, fiche de marché, bons de

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 102

102

commande » etc. On peut voir là une liste fiable des écrits qui constituent l’environnement detravail du métier en question, écrits dont les projets émergents cités en II.2.3 étaient,rappelons-le, de gros consommateurs quand il s’agit d’articuler la maîtrise de la langue auxautres compétences professionnelles.

- Les fiches repères en situations de travail du SERTIF/Pays de la Loire : une synthèsedes compétences par métier

Rappelons enfin que tous les référentiels et descripteurs cités pourraient permettre d’affinerles six fiches, précieuses par leur organisation et la méthodologie qui les sous-tend, mais troppeu nombreuses, du SERTIF et de la région Pays de Loire. Déjà mentionnées lors del’évocation des projets émergents à l’échelle de territoires, ces fiches (en Annexe 11)représentent l’avancée la plus nette sur la question d’un référentiel de compétences articulantle linguistique et le professionnel. Focalisées sur les métiers (« les situations de travail »),elles ont en effet le mérite de dégager très explicitement une rubrique relation-communicationmais, évidemment, elles nécessitent des retouches. Par exemple, pour le métier d’aide-serveuren restauration d’hôtel, la rubrique qualité d’exécution recouvre « Dire les problèmesrencontrés » qui a tout à voir avec la communication entre collègues. À lire la fiche, larubrique « Relation/communication » ne concerne que la communication avec la clientèle. Onverrait donc une amélioration possible : rassembler en une même rubrique tous les élémentsde communication en distinguant à l’intérieur, les relations avec la clientèle et celles entrecollègues. Par ailleurs, dans la partie « Hygiène et sécurité » de la fiche, « Utiliser les produitsd’entretien » renvoie à la lecture de consignes et de conseil.

- L’entretien du linge et de la maison : un référentiel innovant

Etude-action Boucle Nord des Hauts-de-Seine 2001-2002 (CLAP Ile-de-France/DDTEFP92).

Tout un travail de redécomposition des rubriques serait nécessaire pour aller plus loin dansl’entreprise de clarification des activités professionnelles. Cette clarification serait d’ailleurs àmener parallèlement à un inventaire des « situations de travail » métier par métier, inventaireprécis et quasi-exhaustif des tâches professionnelles. Une bonne idée de ce que représentecette entreprise peut-être obtenue à la lecture du mémoire de DESS de Anne Létendard(Université Paris 3), intitulé : La formation linguistique du public migrant. Proposition d’unréférentiel de compétences linguistiques. Le cas d’une formation professionnelle dans ledomaine de l’entretien du linge et de la maison. Devançant les préconisations de TRIM(III.1.3.1), Anne Létendard liste, dès 2001, les compétences socioculturelles requises parl’occupation des postes d’employés de maison (ce que veut dire arriver à l’heure, à quelledistance parler à son employeur), inclut dans son projet de formation une initiation auxreprésentations du métier et au statut des employés de maison, et développe bien sûr lesaspects purement linguistiques : compétence phonétique, écriture, lecture, interaction à l’oral.Puis elle répertorie une série de situations liées au métier : « premier contact avecl’employeur», « le téléphone », « lecture de pictogrammes liés au métier », « messages etdirectives écrites », qui font l’objet de tableaux de référence, à l’image du tableau 6« première mission de travail, directives et explications » en Annexe 12.

Il s’agit là d’un outil précieux pour le métier d’employé de maison, complété d’un lexique dunettoyage et du repassage qui circonscrit les besoins linguistiques spécifiques des migrants

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 103

103

appelés à travailler dans cette branche. Epuré de la partie théorique, le mémoire livre de faitune quarantaine de pages pouvant entrer dans la catégorie « référentiel de compétenceslinguistiques » en lien avec un poste de travail. La logique synthétique de la fiche est doncabandonnée au profit de la démarche analytique. Un exemple de cette entreprise ambitieuseest nous semble-t-il réalisé au Canada, avec des descripteurs par métiers.

III.2.1.2.2 Référentiels de compétences à l’étranger

- Normes de métiers canadiens

La particularité des référentiels canadiens, qui se présentent comme des standardsoccupationnels selon la philosophie déjà évoquée en III.1.3.2, est leur ampleur. Une« norme » ne se résume pas en effet à une page ou deux, elle occupe des dizaines et desdizaines de pages. La gestionnaire de projet a fait faire parvenir au CLP un exemple encorenon publié de norme. La description en termes de compétences (de communication,d’organisation, d’agir professionnel) du métier de directeur de club de golf fait ainsi l’objetd’un référentiel de 76 pages, (voir la fiche synthétique qui en donne un bref aperçu sur le siteInternet « Compétences essentielles » : http://www15.hrdc-drhc.gc.ca/french/profiles/49.asp).La composante linguistique y est extrêmement détaillée, puisque sont, entre autres, listées lescompétences de lecture et de rédaction de documents du contexte de travail (prospectus,rapports, notes etc.) genre par genre, avec le degré de maîtrise nécessaire.

Dans le même registre, on portera attention à un second projet canadien, dont les premiersrésultats sont en ligne depuis mai 2005, et qui concerne les territoires anglophones. Ce dossiers’inscrit dans un ensemble de projets « de formation linguistique avancée » visant à établirune série de tests de compétence de communication professionnelle en anglais langueseconde. Ce projet vise à « aider les infirmières formées à l’étranger et qui prévoientd’embrasser la profession d’infirmière au Canada, à se préparer à passer un test informatisécomme étape du processus d’agrément de la profession ». Amorcée il y a cinq ans, cette étudea conduit au Canadian English Language Benchmarks Assesment for Nurses (CELBAN). Ils’agit d’un test qui discrimine les compétences de production et de compréhension orales etécrites en situation professionnelle (voir Annexe 13). C’est ainsi que l’agrément professionnelest soumis à la réussite d’un test de langue seconde sur objectifs professionnels. Lacompétence linguistique est donc reconnue comme compétence professionnelle à part entière,dans ce test à double orientation.

Avec l’exemple canadien, on voit se dessiner, au bout du compte, la possibilité d’uneréflexion plus générale sur les référentiels de compétences (et les diplômes qui y sontgénéralement associés) en français à visée professionnelle, référentiels organisés parprofessions, par branches ou par domaines de spécialité.

En France, cette réflexion existe peu, si ce n’est à la DRI/DE de la CCIP, soit à la Directiondes Relations Internationales/Direction de l’Enseignement de la Chambre de Commerce etd’Industrie de Paris. Cette institution est, répétons-le, l’une des rares à proposer desCertifications en français des affaires et des professions (français du tourisme, français dusecrétariat, etc.). On peut supposer qu’en la matière, une place est à prendre, pour desorganismes développant des activités officielles dans le domaine des certifications en langue,tels le CIEP de Sèvres, qui pourrait proposer de nouveaux diplômes en matière de

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 104

104

compétences communicatives en situation de travail, par exemple un DELF pro (déclinééventuellement en différentes spécialités) qui s’inscrirait dans la continuité du DILF, premierdiplôme consacré aux publics migrants, présenté en II.2.1.2.

Cela étant, dans le contexte français se pose la question de l’utilisation des référentiels enfrançais professionnel. Doit-on les concevoir, à l’image de ce qui se fait au Canada, commedes répertoires d’aptitudes nécessaires pour occuper un poste ou bien comme des aides à laformation, à l’intégration, et à la qualification, permettant d’acquérir un bagage minimum(linguistique, culturel, institutionnel) pour entrer sur le marché du travail ?Une telle question n’est pas sans conséquence : elle influe directement sur les principesd’organisation du référentiel : dans le premier cas, on est amené à structurer la liste descompétences par métier, en cherchant l’exhaustivité. Dans le second, on s’efforcera plutôtd’identifier les transversalités entre métiers et domaines, quitte à les décliner ensuite parmétier et/ou par branche.

Dans tous les cas, il ne faudra pas perdre de vue, que les référentiels et les formations – dansle cadre de la formation continue en entreprise – sont rattachés à la qualification et à lavalidation des compétences des salariés, et que de ce fait, les transversalités devront croiser lalogique des branches professionnelles à partir d’un certain degré de maîtrise de la langue.

III.2.1.2.3 Vers des référentiels de communication professionnelle

Dans le cas qui nous intéresse, la formation continue en entreprise dans des secteurs d’activité« sous tension », la problématique est d’intégrer assez rapidement des étrangers nonfrancophones dans des postes de travail variés. L’identification de compétences decommunication professionnelle transversales paraît donc prioritaire.

En la matière, il existe une amorce de réflexion au niveau des Greta, autour du DCL (Diplômede Compétence en Langue). Le DCL ne concerne pas le français (il existe pour l’allemand,l’anglais, l’espagnol et l’italien) et offre une concordance avec les niveaux du Cadre Communde Référence du Conseil de l’Europe. Il se présente comme un diplôme permettant d’établir leniveau en « langue de communication à usage professionnel transversale à tous les secteursd’activités et à toutes les fonctions» (www.d-c-l-net). Sa mise en œuvre a nécessité la créationd’un référentiel pragmatique translangue (en Annexe 14), lui-même décliné en Référentiel destâches communicatives en milieu de travail (présenté en Annexe 15) . Ce dernier référentiel ale mérite de faire référence au « traitement de l’information » dans des situationsprofessionnelles concrètes (utilisation d’un index, d’un fichier, d’un planning), aux consigneset directives qui peuvent être reçues ou données (dans des notes de service, des rapports, desmodes d’emploi). Il intègre aussi l’argumentation (négociation, entretien) et l’entraînement àla prise en compte de l’autre (pour les réunions, les conversations etc.).

À cet égard, un tel répertoire transversal (organisé en cinq degrés de maîtrise) constitueraitune bonne base pour cerner les compétences communicatives de base au travail en français enentreprise. Il resterait à croiser le tout avec les différentes composantes (linguistiques,culturelles et critiques) pointées dans le rapport européen TRIM, puis à redécliner le toutbranche par branche, en mentionnant trois ou quatre métiers particulièrement investis par despublics migrants.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 105

105

Le second intérêt du DCL réside dans son mode de passation. Il s’agit d’un diplôme qui colleau plus près aux réalités professionnelles. L’épreuve se déroule « sous forme d'étude de cas »et « comporte 5 types de tâches dont deux effectuées par oral :

* Phase 1 :À partir de documents écrits en langue étrangère, le candidat recueille des informations.

* Phase 2 :Le candidat réalise la même tâche qu’en Phase 1, mais à partir de documents sonores.Ces deux premières phases, qui permettent aussi de préparer la Phase 3, durent 1 heure30 minutes.

* Phase 3 :Le candidat téléphone à un interlocuteur pour obtenir des informations manquantes oucomplémentaires à celles obtenues en Phases 1 et 2.Cet entretien ne pourra pas dépasser 10 minutes.

* Phase 4 :Lors d'un entretien, le candidat présente à son interlocuteur, en cinq minutes maximum, la solution qu’il a choisie. Ensuite, un temps d’échange lui permettra de défendre sonpoint de vue.Cette phase dure au maximum 20 minutes.

* Phase 5 :À partir des informations et des éléments recueillis au cours des phases antérieures (1-2-3 et 4) le candidat rédige un document proposant la solution retenue au problème posédans le cadre de sa mission.Cette phase dure 40 minutes. ».

(extrait du site Internet www.d-c-l-net)

Le candidat est soumis à un enchaînement de tâches en situation, durant trois heures. Saréussite garantit son aptitude professionnelle, au plan linguistique mais aussi en matière desavoir-faire et de savoir-être. Il faut, à ce stade de la réflexion, préciser que le DCL a étéconçu par des Greta et des Centres de formation en université à la demande « d’entreprises àla recherche d’un outil fiable garantissant une compétence opérationnelle à un niveaudonné ». On tiendrait donc avec le DCL l’embryon d’un possible référentiel transversal àdévelopper.

Par ailleurs, un souhait émergeant des entretiens mais également de la prise en compte denormes professionnelles européennes, serait que les personnes appelées à la mobilitéprofessionnelle (dans leur pays ou à l’étranger) puissent rendre compte de leur précédentmétier. Il faudrait donc rajouter au chantier du référentiel transversal une dimension decommunication « rétrospective », du type « pouvoir dire ce que l’on a fait par rapport à uneconsigne reçue (oralement ou par écrit) ». Idéalement, ledit référentiel devrait s’organiser entrois temps, autour de la maîtrise du « Dire de faire » (consignes, etc.), du « Faire » (avec lesvolets linguistiques, culturels et critiques identifiés dans TRIM) et du « Dire ce qui a été fait »(rendre compte du faire).

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 106

106

Ces trois grands moments seraient à décliner ensuite par branches ou par métiers, sur la basedu répertoire général des compétences communicatives transversales. On remarquera quecette structuration ternaire rejoint les travaux du groupe de recherche de J.-P. Bronckart(Université de Genève) mentionné en III.1.3.3. On se reportera, pour une illustration de cesdémarches à Agir et discours en situation de travail (2004) et en particulier au chapitre écritpar L. Filliettaz sur l’analyse des textes procéduraux comme textes de préfiguration de l’agiret comme textes de consignes, et surtout à celui de F. Revaz, intitulé : « Qu’est-ce que vousavez fait ? : verbalisation de l’agir en situation de travail » (avec filmage de l’agir et entretiensur cet agir). La démarche de cette équipe consiste à balayer la chaîne d’action et de discoursqui va de la demande d’agir (le dire de faire) au compte-rendu de l’action effectuée (le fait) enpassant par l’observation (filmée et parfois auto-commentée) du faire.

Dans ce même ouvrage, Bronckart pose les bases d’une réflexion sur la formation parl’analyse du travail. Reprenant les thèses du groupe Langage et Travail (Borzeix et Fraenkel),il constate (p. 97) « l’accroissement récent de la part langagière du travail ». Et de poursuivreen disant que : « La notion de part langagière du travail (Boutet, 1995) vise à rendre comptedu fait que, dans de nombreuses situations, les activités mécaniques ou corporelles, tendent àêtre remplacées, accompagnées, voire déterminées par des activités d’ordre langagier : - ausein de divers groupes d’agent se mettent en place des processus de délibération, assurant desfonctions de planification et de régulation du travail ; - des pratiques langagières à l’œuvredans les interactions de service (dont les dialogues entre agent et usager constituent l’exempletype) se développent considérablement ». Pour travailler, plus que jamais, il faut parler, écrire,communiquer de façon appropriée dans des groupes organisés.

C’est ainsi qu’avec la prise de conscience de la part langagière du travail, émergeconjointement pour les publics de migrants la nécessité d’une formation au français, langue decommunication professionnelle, étalonnée en degrés et niveaux. La construction deprogrammes de formation, eux-mêmes adossés à des référentiels de compétencestransversales reste à opérer. Elle est possible, mais nécessite une prise en charge active auniveau institutionnel.

Si l’on se tourne vers l’existant en France et les organismes qui pourraient porter lesrecherches et les réflexions sur les certifications, on en retient trois :

- la CCIP- le CIEP de Sèvres- les GRETA

Parmi les recherches et les expérimentations à mener dans ce domaine, les décideurspourraient analyser la faisabilité de ces projets, soit en créant des diplômes spécifiques àcomposante professionnelle (à l’instar du DCL), soit en introduisant des situationsprofessionnelles dans les diplômes DELF – DALF, à l’heure actuelle généralistes et réservéesà des structures liées à la diffusion du français à l’étranger.

Quelle que soit l’orientation, le croisement avec les représentants des branches et des CPNE,ainsi que la DGEFP, semble incontournable.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 107

107

III.2.2 Etudes et recherches

Les études et les recherches pourraient porter particulièrement sur :

- L’impact des malentendus linguistiques et culturels sur les accidents et les conditionsde travail

- La perte de compétences professionnelles dues à la maîtrise insuffisante de la langue(nombre et profils professionnels des migrants diplômés demandeurs d’emploi ousous-employés à cause de la maîtrise insuffisante de la langue)

‡ L’ARACT Ile-de-France pour le premier point, l’ANPE et l’APEC pour le deuxièmepourraient s’emparer de ces thématiques à travers leurs cabinets d’études.

- Les pré-requis en français au sein des CQP et des formations qualifiantes au regarddes descripteurs de compétences communicatives nécessaires aux métiers concernés

‡ Les universités investies dans le FOS /FLP, le CIEP de Sèvres et la CCIP, enfonction de leurs orientations prioritaires, pourraient porter ces recherches enpartenariat avec les CPNE en vue de référentiels transversaux.

- Le développement de la FOAD dans les P@T et le réseau APP (Ateliers de PédagogiePersonnalisée) et les organismes associatifs au sens large

‡ L’Université de Lille III par le biais de sa spécialiste Marie-José Barbot pourraitpiloter ces travaux. L’université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand pourraitamener son savoir-faire en matière de conception multimedia d’outils en françaisprofessionnel (Maguy Pothier).

- Le croisement FOAD (pour salariés et pour acteurs de la formation) et la mise enligne de ressources dans les Points d’accès à la téléformation

‡ L’Université de Paris III à travers son centre « Télé 3 » serait chargé de la mise enplace de visioconférences et de la gestion des ressources émergeant desexpérimentations et des projets proposés ci-dessous (Expert visioconférence :Claudine Mühlstein-Joliette)

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 108

108

- Le lien entre les modes de gestion des ressources humaines, les évolutionsdémographiques et le recrutement des publics migrants ;

‡ L’étude portée par Michel Lebelle (Université de Nanterre) en particulier autour del’observatoire des métiers Aéroports de Paris sur les risques et les effets du chocdémographique pourrait être croisée avec la composante recrutement des migrants.

Des groupes de travail et de réflexion pluri-partenariaux (universités, branchesprofessionnelles, organismes de formation, DGEFP à travers ses services déconcentrés,FASILD à travers ses développeurs territoriaux, ANPE, partenaires sociaux) pourraientégalement être mis en place pour faire évoluer la problématique et accompagner les projets-pilotes proposés dans la partie qui suit. Ces réflexions seraient enrichies par les dynamiquesdéveloppées à l’échelle européenne, en particulier autour du Centre de Graz (CELV) sousréserve de la nomination d’un représentant français dans cette instance.

Les décideurs politiques et financiers, publics et privés, jugeront de la pertinence et del’opportunité de la mise en place de formations-actions et démarches stratégiques permettantde traduire en actions l’ensemble des préconisations énoncées tout au long de ce chapitre.Voici les axes et les projets en question.

III.2.3 Expérimentations

III.2.3.1 Le territoire, espace de maillage privilégié

- Autour des aéroports parisiens et leur observatoire prospectif des métiers

« Le compagnonnage d’insertion » : porté par Aéroports de Paris, ce projet pourraitmobiliser tous les acteurs territoriaux : des élus des villes concernées, le SPE (Service Publicde l’emploi), des associations et des entreprises d’insertion, les entreprises du bassind’emploi, en particulier celles du travail intérimaire et de l’hôtellerie-restauration en demandede main d’œuvre. Il viserait la mise à l’emploi durable des publics demandeurs d’emploi enarticulant l’insertion, la formation et l’emploi. Le responsable du département concerné,assurerait le portage des ingénieries et des partenariats

Les parcours de formation déclenchés pour ces publics seraient développés par l’IFP (Institutde Formation de Proximité) et le portage salarial serait effectué par le GIP d’ADP. Ce portagepermettrait aux demandeurs d’emploi présentant des besoins linguistiques de devenir salariéset de bénéficier de parcours de professionnalisation. Selon les besoins et les problématiquesde chacun, le parcours pourrait commencer dans une association intermédiaire, se poursuivredans une entreprise d’insertion et se terminer dans une entreprise de droit commun, par uncontrat permanent ou intérimaire. Chaque salarié bénéficierait d’un coaching (ou tutorat)assuré par l’IFP, ce qui devrait éviter les ruptures et favoriser l’articulation entre la formationet l’emploi.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 109

109

Lors de cette expérimentation, seraient particulièrement analysées les modalités formativesmises en place, l’articulation entre le volet linguistique et les situations professionnelles et lesévolutions des formés en termes de mobilisation et transfert de compétences préexistantes.Serait également envisagée la possibilité pour certains formés de devenir encadrants danscertaines associations intermédiaires à l’issue de leur parcours, en tant que salariés. Laformation de formateurs nécessaires ferait partie des axes à envisager dans l’ingénierie deformation à organiser.

Un comité de pilotage réunissant l’ensemble des acteurs (publics, privés et associatifs)analyserait régulièrement les évolutions et les difficultés rencontrées afin de mesurer à la finde l’expérience les éléments et les modalités pour démultiplier la démarche sur d’autresterritoires et la pertinence de la pérenniser.

- Les Hauts-de-Seine (92), autour de deux intercommunalités

« Dynamiques professionnelles territoriales ». Pilotés par la DDTEFP 92, deux projetsexpérimentaux pourraient être montés sur ce département. Les projets viseraient le croisementde l’ingénierie territoriale avec la mise en place de formations pour des salariés et pour desdemandeurs d’emploi, conjuguant les composantes langagière et professionnelle, telles queproposées en III.2.2.

Sur le nord du territoire (Asnières, Clichy, Colombes, Gennevilliers et Villeneuve-la-Garenne), le coordinateur linguistique de réseau intercommunal serait chargé du suivi del’ingénierie et de l’accompagnement des organismes de formation investis dans l’opération.Associations intermédiaires et entreprises d’insertion pourraient y participer, en particulierpour les métiers d’aide à la personne.

Sur le sud du département, l’intercommunalité se structure autour de Bagneux, Fontenay-aux-Roses, Sceaux et l’expérience serait portée par l’AIB (Association Intercommunale desBlagis), organisme de formation spécialisé labellisé APP (Atelier Pédagogique Personnalisé)et responsable d’un P@T

L’investissement d’Habitat Formation pour les salariés des métiers de la ville et le suivi de cetOPCA au comité de pilotage permettrait d’analyser au fur et à mesure de sa réalisation lesindicateurs quantitatifs et qualitatifs de l’expérience. La participation de la chargée de missiondes P@T au niveau de la DRTEFP Ile-de-France semble indispensable dans les instances desuivi du projet.

- La région Pays-de-Loire

Plusieurs types d’expérimentations ont été menés de façon corrélée dans cette région, oùnombre d’acteurs se sont investis en 1999-2000 autour de l’organisme SERTIF pour ladémarche qualité dans le cadre du programme PAPIL déjà évoqué en II.2.3.2.

Des fiches-métiers croisant compétences techniques et communicatives ont été conçues dansle cadre de ce projet et continuent d’être utilisées actuellement par les organismes intervenantdans le monde de l’insertion et de l’accès à l’emploi.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 110

110

Il semble pertinent d’élargir l’utilisation de ces fiches au cadre de la formation continue enentreprise, en particulier pour les métiers de l’hôtellerie-restauration et des services (ensituation d’intérim ou pas), et d’envisager dans des groupes de travail parallèles la conceptionde nouvelles fiches venant étoffer l’éventail des métiers pouvant être concernés par cettedémarche compétences.

Des conseillers formation OPCA et AGEFOS PME seraient associés à ces expérimentationsainsi que des responsables de ressources humaines et des partenaires sociaux représentantsdes branches impliquées.

La démultiplication de ces fiches ainsi que le croisement avec des CQP concernant cesbranches serait étudiés de près tout en mesurant la possibilité d’utiliser les nouvelles mesuresde la formation professionnelle (DIF, contrat et période de professionnalisation, bilan decompétences, CIF, VAE). Il s’agirait également d’observer la construction de parcours et lemaillage entre les dynamiques liées à l’insertion et à la formation des salariés.

III.2.3.2 Dispositifs et prestations à mailler

La formation linguistique des migrants financée par le FASILD en particulier pour les publicsprimo-arrivants a développé des prestations d’évaluation : BPEL (Bilan de prescriptiond’évaluation linguistique) et BOPP (Bilan d’orientation préprofessionnel). Elles permettent debaliser et suivre le parcours de formation et d’accès au monde professionnel des personnesfraîchement arrivées en France. Il s’avère que l’utilisation de ces évaluations est marquée parle fonctionnement général de la problématique décrite tout au long de la partie II : lelinguistique avant, le professionnel après. Par ailleurs, les publics inscrits à l’ANPE n’ont pasdroit au BOPP.

L’utilisation articulée de ces prestations ainsi que la modification des compétences évaluées etpar conséquent les situations évaluatives proposées seraient à observer de plus près afin defaire cette prestation d’orientation préprofessionnelle de façon spécifique et pertinente.

Deux porteurs du marché BOPP actuel pourraient expérimenter ces analyses et impulser lesactions : la FRATE à Besançon (Formation Réflexion Animation pour le Travail etl’Education) et l’AEFTI (Association pour l’Enseignement et la Formation des TravailleursImmigrés et de leurs Familles) à Nancy.

Les instances de suivi et de pilotage investies dans la construction du projet avant sonlancement pourraient compter sur des représentants du FASILD, des DDTEFP et des ANPEconcernées.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 111

111

III.2.3.3 La réforme de la formation professionnelle à l’œuvre

Plusieurs types de projets pourraient être développés afin d’activer les nouvelles mesures envue de qualification et de développement de compétences communicatives en situationprofessionnelle, en particulier dans les synergies créées par le croisement entre branches,territoires, Etat et Région.

Des contrats d’objectifs annuels et pluriannuels peuvent être signés entre tous ces acteurs afinde faire émerger la problématique et la prendre en compte dans les dispositifs de formationcontinue en entreprise et dans les plans régionaux de formation.

- En Normandie, autour du BTP et du GEIQ BTP

Le réseau des GEIQ (Groupement d’entrepreneurs pour l’insertion et la qualification),« porteurs du plan de cohésion sociale », a signé une convention avec le Secrétariat d’Etat àl’insertion professionnelle des jeunes. Partenaires privilégiés pour l’accès à l’entreprise, desGEIQ pourraient être sollicités dans des bassins d’emploi différents pour accompagner lamise à l’emploi durable de demandeurs d’emploi ainsi que pour le déclenchement deformation des salariés en poste dans leurs entreprises.

Le GEIQ BTP 76 (Le Havre) ainsi qu’un organisme de formation de la région, le RECIFE,piloteraient une expérimentation visant la mise en place de formations préqualifiantes etqualifiantes en utilisant les différentes mesures disponibles dans le cadre de la formationprofessionnelle.

Il serait particulièrement intéressant d’analyser l’accès aux CQP et le rapprochement entre lesbesoins linguistiques des salariés et les pré-requis des CQP afin de mesurer les écarts et lesmodifications éventuelles qui pourraient être proposées aux commissions nationales de labranche BTP.

Les représentants de l’Etat et le Conseil régional suivraient les évolutions et les analyses deces projets pour en dresser les éléments méthodologiques pertinents, en vue de ladémultiplication des actions sur d’autres territoires.

- En Seine-et-Marne, autour de la branche BTP et d’un organisme de formation

L’UPROMI (Union pour la Promotion des Travailleurs Français et Migrants), organismeinstallé à Melun, et la délégation départementale de l’AREF BTP, sont prêts à s’investir dansune expérimentation qui permettrait de suivre en particulier les modalités formatives les plusadaptées pour des salariés du BTP présentant des besoins linguistiques. Il serait observéprincipalement les formules formatives les plus réussies en fonction des ingénieries et desanalyses développées en III.1 et des particularités des métiers et des entreprises concernés.

D’autres organismes pourraient être associés à cette expérimentation, en particulier ceux quiont développé des expériences avec le P@T installé dans ce territoire.

Il ne faudra pas perdre de vue l’articulation entre formation professionnelle, composantelinguistique et qualification, pour ce qui est de la validation éventuelle de CQP.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 112

112

- En Ile-de-France

Autour de la VAE . . .

La Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) concernant les publics présentant desbesoins linguistiques semble être une mesure intéressante à explorer et analyser de près pourles branches étudiées dans ce rapport. Plusieurs expérimentations pourraient être menées defront et portées par le SERTIF, organisme spécialisé dans le 14e arrondissement de Paris. Cesexpérimentations pourraient prendre appui sur des organismes de formation comme l’IPTR(Institut de Promotion de Travailleurs) et Médiation Conseils, spécialistes de la formation dessalariés en entreprise et de la pédagogie personnalisée.

Danielle Taillefer, consultante, ayant suivi des parcours VAE pour les métiers du BTPpendant de nombreuses années constate les ruptures multiples qui empêchent ces salariésd’atteindre le but. La maîtrise du français est souvent en cause dans les abandons et leséchecs.

. . . et des reconversions liées aux restructurations d’entreprises

Un autre contexte où les salariés sont confrontés à une rupture professionnelle est celui de lareconversion après un licenciement, en particulier pour les secteurs industriels. Lorsque cespersonnes sont inscrites à l’ANPE et qu’elles présentent des besoins linguistiques, leurconseiller emploi les oriente vers des centres de positionnement linguistique. Les évaluationset les propositions formatives concernent le champ du linguistique et ne tiennent pas comptedes compétences croisées avec les situations professionnelles.

Une expérimentation pourrait être mise en place autour de ces besoins en situation dereclassement. Là encore, les évaluations et les formules formatives proposées pourraient êtreobservées, analysées et diversifiées afin d’être démultipliées dans d’autres territoires. Lesdeux organismes parisiens participant à l’expérience VAE mentionnés ci-dessus sontcompétents en la matière et seraient en mesure de piloter l’expérience.

Un comité de pilotage réunissant les représentants de l’Etat, la DRTEFP et l’ANPE, leFASILD, les OPCA concernés et les branches serait chargé du suivi et des analysesconcernant ces deux projets. La présence de la chargée de mission VAE de la DRTEFP Ile-de-France serait particulièrement sollicitée pour le pilotage de ces projets, d’autant qu’elleimpulse le dispositif EDEC (Engagement Développement de l’Emploi et des Compétences) etque l’intégration des personnes issues de l’immigration dans l’activité et l’emploi s’avère êtrel’un des quatre axes majeurs de ce dispositif.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 113

113

III.2.3.4 Démultiplier le nombre de formés

Concernant les syndicats et la diffusion au plus grand nombre de salariés de l’information surleurs droits à la formation en entreprise, certains de leurs représentants souhaitent s’investirdans des réflexions et des expérimentations. Il s’agirait de faire évoluer le mode opératoiredes délégués syndicaux sur cette problématique, en particulier au sein du comité d’entreprise.

Le syndicat CFDT souhaite étendre son dispositif LECOM (Lire, écrire et communiquer pourmiliter) au plus grand nombre de salariés et le démultiplier au niveau intersyndical. Né d’unprojet Equal, dans le cadre de la lutte contre les discriminations, financé par la DPM, leFASILD et l’Europe, ce projet cherche à répondre aux besoins linguistiques des militantssyndicaux dans leurs fonctions de délégués.

Des organismes de formation appartenant à une plate-forme créée dans le cadre de ceprogramme pourraient également être activés pour une expérimentation autour de la formationlinguistique de ces salariés. La nouveauté par rapport au dispositif existant repose surl’articulation des formations aux aspects qualifiants. L’IREFE (organisme de formationfrancilien) porteur d’un guichet VAE pourrait piloter l’ingénierie et le suivi de ce dispositif.Seraient invités à y participer la CFDT, la CGT et la CFTC, contactés lors de cette étude ettrès intéressés par la prise en compte de la langue en milieu professionnel.

Des structures périphériques citées en II.1.3.4 pourraient contribuer à la prise en compte de laproblématique, en particulier pour les salariés les plus fragilisés socialement. L’APAS BTP,le FAS TT pour ne citer que celles que nous avons croisées dans nos recherches deviendraientdes relais pouvant mettre en contact les salariés en demande de formation avec les conseillersAGEFOS PME, OPCA ou les responsables de formation dans le cas des grandes entreprises.Là aussi, des ingénieries et des partenariats innovants sont à construire avant de mettre enplace des actions spécifiques.

Monsieur Tibouville, ancien cadre de PRO BTP (caisse de prévoyance), s’est montré trèsintéressé par cette proposition. L’expérimentation pourrait être déclenchée en partenariat avecl’AREF BTP Ile-de-France et l’organisme de formation CEFORP (Paris 14e).

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 114

114

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 115

115

IV. CONCLUSION

La prise en compte de la maîtrise de la langue au sein de la formation continue en entreprise,reconnue officiellement, n’est pas sans interroger l’ensemble des pratiques exercées autour dela formation linguistique des publics migrants. Cette formation, marquée par sa viséed’insertion et d’intégration, se trouve elle-même en mutation depuis le comité interministérielà l’intégration d’avril 2003 avec sa mesure phare, « le Contrat d’Accueil et d’Intégration ».

Ces contextes sont propices à la réflexion et à la mise en œuvre des réformes consécutives à lanouvelle loi du 4 mai 2004, et en particulier l’article 900-6 alinéa 1.

Les branches professionnelles deviennent l’espace-clé pour la négociation et la prise encharge de la problématique. En effet, si les accords de branche ne considèrent pas la maîtrisede la langue parmi leurs priorités, il sera très difficile de la faire émerger dans les plans deformation des entreprises.

Par ailleurs, le traitement social de la maîtrise de la langue au niveau historique etinstitutionnel rend les représentations sur la problématique encore éloignées de la prise encompte de la langue comme compétence professionnelle. La formation linguistique desmigrants est encore rattachée aux notions de « savoirs de base » et à la « lutte contrel’illettrisme », ce qui contribue au brouillage de la thématique.

La formation linguistique au titre de la formation continue en entreprise requiert unearticulation de ces actions avec les certifications qualifiantes permettant de faire évoluer lessalariés dans leur classification et par conséquent dans leur carrière professionnelle.

Les articulations nécessaires ne s’effectuent pas encore pour les publics présentant desbesoins linguistiques car les traitements actuels préconisent « le linguistique avant » et « leprofessionnel après ou ailleurs ». Mais des initiatives émergent pour tenter de croiser lesunivers liés à l’insertion, à la formation et à l’emploi dans quelques territoires spécifiques.

Les champs disciplinaires impliqués sont eux aussi interrogés par ces questions. Lamutualisation des ressources du Français Langue Etrangère et du Français sur Objectifsspécifiques doit être fortement sollicitée par les ingénieries et les formations concernant lessalariés.

Des expériences ponctuelles et embryonnaires émergent là où les besoins linguistiques sontmassifs, là où l’incidence des normes de sécurité et d’hygiène se révèle importante.

Les deux années à venir semblent décisives pour ces évolutions, en particulier grâce à lamobilisation massive des acteurs de l’entreprise autour de la réforme de la formationprofessionnelle. Il faudra saisir toutes les dynamiques partenariales possibles pour faireémerger la question de la formation des migrants en entreprise. Outre les acteurs directementimpliqués dans ce système, les prescripteurs et conseillers du monde de l’insertion et del’accès à l’emploi devront être sensibilisés et formés. Est concerné également le système deformation linguistique des migrants pris en charge à leur arrivée en France.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 116

116

Plus ces dispositifs seront articulés et rattachés aux besoins linguistiques en situationprofessionnelle, plus l’accès à l’emploi sera effectif et durable. Plus seront articulées lesévaluations et les certifications avec les situations professionnelles, pour les demandeursd’emploi et pour les salariés, plus les personnes rattacheront l’apprentissage de la langue à dessituations réelles où ils seront appelés à mobiliser leurs acquis.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 117

117

Synthèse des freins et hypothèses de leviers

Pour les OPCA

Difficultés identifiées, freins Hypothèses de leviersSauf exception, les têtes de réseau des OPCA debranche n’ont pas de politique définie concernant lesapprentissages linguistiques des salariés alors qu’ellesprivilégient les formations techniques.

FAF-Propreté, OPCA de branche, inscrit dans sespriorités la formation en français de ses salariés enmajorité d’origine étrangère.AGEFOS-PME, OPCA interprofessionnel, s’impliquedans la lutte contre l’illettrisme (accord national avecl’ANLCI)

L’approche « illettrisme », si elle a le mérite d’exister,conduit à un discours axé sur des problèmes d’ordrecognitif ; elle nuit à l’identification des besoinslinguistiques des salariés en général et ceux d’origineétrangère en particulier.

Nécessité de « casser les représentations »Les conseillers d’OPCA sont formés par les CRI à laproblématique « illettrisme » (poids de l’ANLCI).Ils pourraient aussi être sensibilisés à une approchespécifique et positive des salariés migrants en partantdes compétences acquises des personnes (représentantsdu FASILD, développeurs territoriaux)

Tendance à aborder la question par le biais « social »,dont l’entreprise n’a que faire

Convaincre l’entreprise du bénéfice économique à tirerdu développement des compétences linguistiques deleurs salariés.Proposer des formations avec des objectifs clairementdéfinis, par ex.. « relation avec la clientèle »

Peu de remontées de demandes des entreprises dans ledomaine des formations linguistiques justifiée parl’absence de motivation des salariés concernés

Les contacts des conseillers d’OPCA sont limités leplus souvent aux chefs d’entreprises, responsables deressources humaines ; les salariés sont rarementconsultés sur leurs besoins de formation.Sensibiliser les représentants des salariés del’entreprise (CE, syndicats) à cette problématique.

Méconnaissance de l’appareil législatif par lesentreprises de petite taille

Les OPCA jouent un rôle appréciable d’information etde conseil sur l’évolution de la législation de laformation professionnelle et des opportunités decertaines dispositions nouvelles : plan de formation,DIF, contrat et périodes de professionnalisation,entretien individuel, etc.

Méconnaissance des partenariats financiers potentiels Les OPCA sont capables de mobiliser descofinancements à différents niveaux : DRTEFP,DDTEFP, Conseils régionaux, EDDF, FSE et acteurspériphériques branches (caisses de prévoyance, fondsd’action sociale).« L’argument financier n’est plus un frein »

Trop de petites entreprises considèrent le versement dela participation employeur de 0.9% comme uneobligation fiscale et n’utilisent pas le droit à laformation des salariés

Importance du rôle de conseil et d’accompagnementdes OPCA, d’aide au montage de projets de formationpour les salariés

Pas ou peu d’anticipation sur la gestion prévisionnelledes emplois et des compétences, difficultés derecrutement, « choc démographique » des départs enretraite

L’implantation territoriale des OPCA, leurconnaissance de l’évolution des besoins de main-d’œuvre à travers les travaux des observatoires desmétiers, peuvent inciter les entreprises à développer lescompétences communicatives de leurs salariés, pour lesmaintenir dans l’emploi et accéder à des postesd’encadrement intermédiaire (garder le bénéfice de leurexpérience acquise dans l’entreprise)

Peu de relation entre l’offre de formation linguistiqueet les attentes des entreprises : OPCA et entreprisesdoutent de la capacité d’adaptation des OF à lademande spécifique des entreprises ; lien insuffisantentre apprentissage de la langue et situationprofessionnelle

Des expériences réalisées montrent qu’il est nonseulement possible mais nécessaire de lier les deuxaspects en mettant sur pied une ingénierie pédagogiquenégociée conjointement par l’entreprise et l’OF,s’appuyant sur l’étude du poste de travail et desobjectifs à atteindre clairement établis.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 118

118

entre apprentissage de la langue et situationprofessionnelle

s’appuyant sur l’étude du poste de travail et desobjectifs à atteindre clairement établis.

Peu de capitalisation des expériences réalisées Expérience de capitalisation d’outils pédagogiquesdans le secteur de la Propreté

Pour les entreprises

Difficultés repérées, Freins Hypothèses de leviersEvolution rapide du monde du travail, des emplois,adaptation aux normes européennes, démarches qualité,difficultés de recrutement dans certains secteursd’activité économique

Nécessité économique de s’adapter à ces évolutions(survie des entreprises) ; souhait de maintenir lessalariés en poste et de développer leurs compétences

Peu d’intérêt pour les apprentissages linguistique dessalariés tant que la production n’est pas affectée.Priorité donnée aux formations techniques.

Prise de conscience de la nécessité d’une bonnecommunication orale et écrite au sein des équipes .Faire le lien avec le développement des compétencestechniques

Frais de la formation linguistique pris sur les « restesbudgétaires »

Les nouvelles dispositions légales peuvent faire entrerla formation linguistique dans le plan de formation.

Méconnaissance du contexte institutionnel (appareillégislatif, partenaires potentiels) et de l’évolution desdroits des salariés en matière de formationprofessionnelle

Rôle des OPCA pour informer les chefs d’entreprises etles salariés, mais aussi des autres partenaires sociauxdans l’entreprise : comité d’entreprise, syndicats

Problème du coût de la formation souvent invoqué,surtout par les plus petites entreprises

La compétence des OPCA à mobiliser des partenariats(Europe, territoire) et des aides au financement

Questions sur l’adaptation de ces formations au milieude l’entreprise : lien entre le linguistique et leprofessionnel

Pour sortir du modèle des formations proposées dans lecadre de l’insertion : élaborer un cahier des charges àl’intention des organismes de formation,Fixer très précisément avec l’OF l’objectif souhaité dela formation.

Attentes de l’entreprise : constater le résultat desapprentissages du salarié sur son poste de travail ;« mesurer le retour sur investissement »

Définir entre l’entreprise et l’OF des objectifs précis àatteindre pour chaque salarié ; développer uneingénierie pédagogique adaptée : mettre en place desparcours individualisés ; utiliser les situations de travail

Durée des formations linguistiques estimée trop longuetelle que préconisée par les OF

Pour les OF, sortir du modèle des formations en usagedans le cadre de l’insertion et s’adapter aux contraintesde l’entreprise

Difficultés à organiser le service pendant le temps deformation des salariés, problème de remplacement ;fort taux de rotation des personnels dans certainssecteurs

Diversification des actions de formationProposer des formation en intra, introduction dututorat, coaching, etc…

Regard plutôt négatif porté sur les publics : « peu demobilité », « éloignés de la formation », « niveauzéro », « handicap social », induisant des problèmesd’ordre cognitif

Partir des compétences des salariés et non de leurs« manques » ; valoriser l’expérience acquise dansl’entreprise ; admettre que les salariés peuvent disposerde compétences qu’on ne leur demande pas de mettreen œuvre dans un poste de premier niveau ; développerdes actions de validations des acquis de l’expérience(VAE) avec accompagnement des personnes

Assimilation de ce type de formation à de l’actionsociale ne relevant pas de la responsabilité del’entreprise mais de l’initiative individuelle du salariéqui doit la prendre en charge par lui-même, en dehorsdu temps de travail « cours du soir »

Faire reconnaître le lien entre compétences decommunication linguistique et compétencesprofessionnelles ;

Reconnaître l’existence de besoins linguistiques chezcertains salariés est perçu comme ternissant l’image demarque de l’entreprise

Valoriser le maintien de la performance économique del’entreprise par le développement des compétences dessalariés

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 119

119

Pour les organismes de formation

Difficultés identifiées, freins Hypothèses de leviersSouci de constituer des groupes mais difficultéd’organiser la formation en entreprise : impératifs depériodes (par ex. pour le BTP, hiver serait plusfavorable), et d’horaires (2 à 3,5 h/hebdo maximum)

Avec la nouvelle loi sur la FP : langue=compétenceprofessionnelle entre dans le plan de temps deformation, ou dans le DIF, même dans le CIF, etc

Les responsables d’entreprise ou la hiérarchieintermédiaire ne jouent pas le jeu ; problèmed’assiduité des stagiaires : l’entreprise ne libère pastoujours ses salariés ou ils sont dérangés pendant laformation

Nécessité d’une négociation préalable, d’unecontractualisation entre toutes les parties concernées ;définition d’objectifs à atteindre, implication de lahiérarchie de proximité (formation au tutorat)

Abandons en cours de formation Davantage de parcours individualisés adaptés auxobjectifs à atteindre pour chaque salarié liantapprentissages linguistiques et situation de travail

Prescripteurs et utilisateurs s’accordent sur l’absencede lien entre le linguistique et le professionnel

Les OF qui disposent d’un secteur entreprise dédientgénéralement des formateurs identifiés pour avoir unedouble compétence : connaissance des publics et dumonde de l’entreprise ; entrée « compétences »

Pour les publics

Difficultés identifiées, freins Hypothèses de leviersLe discours sur le public est influencé par l’approcheillettrisme, c’est-à-dire axé sur des manques relevant dedysfonctionnement cognitifs

Clarifier et rendre visible la problématique

L’apprentissage de la langue française est confondudans un ensemble « non-maîtrise des savoirs de base oufondamentaux »

Clarifier la notion de savoir de base au regard descompétences

Les compétences linguistiques des salariés sont le plussouvent évaluées à partir du référentiel FAS-CUEEP,qui prend en compte les savoirs langagiers généraux

Entrée « compétences » dans le domaine del’évaluation et des situations d’apprentissage, en lienavec le monde du travail

Les salariés sont peu informés de leurs droits à laformation

Rôle des syndicats et partenaires sociaux.

Les salariés sont « peu demandeurs » A vérifier par des études.Garantie de reconnaissance des nouvelles compétencesacquises au cours de la formation avec accès à denouvelles qualifications.

Compétences, qualifications acquises noyées dans lanon-maîtrise de la langue

Développer la reconnaissance et la validation desacquis

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 120

120

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 121

121

BIBLIOGRAPHIE

AUTOUR DE LA PROBLEMATIQUE

BEAUDOUIN-HEMERY Monique, Les comportements en situation de travail, clé de laréussite de l’insertion professionnelle. Démarche qualité du programme PAPIL, SERTIF,2001.

CAPEL-DUNN Julia, RABAUD Michel, « Journées de Sèvres. L’intégration linguistique desmigrants en Europe », Notes et documents, n° 51, décembre 2004.

CELV, ODYSSEUS. Rapport du Centre Européen des Langues Vivantes, travaux conduits àGraz du 27 juin au 1er juillet 2000, avril 2001.

CLP, L’intégration et l’accès à la langue. La formation linguistique des migrants en France.Un système en évolution, 2004.

CONSEIL DE L’EUROPE, Cadre Européen Commun de Référence pour les langues :Apprenants, Enseignants, Evaluateurs, Didier, 2001.

DE FERRARI Mariela, DEMURGER Jacqueline, GIRAUDON Catherine, Pour lesdemandeurs d’emploi, lier la compétence linguistique à l’accès à la qualification, CLP,Convention FASILD, février 2005.

DPM, L’insertion professionnelle des étrangers en France en 2002, avril 2004.

DPM, « L’intégration linguistique des adultes migrants en Europe. Journées de Sèvres »,Notes et documents, n°51, décembre 2004.

ENEL Françoise, DELESALLE Cécile, « L’accès à l’emploi des primo-arrivants »,Migrations Etudes, n° 123, mai-juin 2004.

GRUNHAGE-MONETTI Matilde, HOLLAND Chris, SZABLEWSKI-CAVUS Petra, TRIM(Training for the Integration of Migrant and Ethnic Workers into the Labour Market andLocal Community), Schneider Verlag, 2005 [programme Leonardo].

GRUNHAGE-MONETTI Matilde, HALEWIJN Elwine, HOLLAND Chris, ODYSSEUS : Ladeuxième langue sur le lieu de travail. Les besoins linguistiques pour les travailleursmigrants : l’organisation de l’apprentissage des langues à des fins professionnelles, Conseilde l’Europe, juin 2004.

LE BOULANGER Evelyne, Dans l’entreprise : la maîtrise de la langue, une compétenceprofessionnelle, CLP, décembre 2004.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 122

122

LETENDARD Anne, La formation linguistique du public migrant. Proposition d’unréférentiel de compétences linguistiques. Le cas d’une formation professionnelle dans ledomaine de l’entretien du linge et de la maison. Mémoire de DESS, Université Paris 3, 2001.

FORMATION PROFESSIONNELLE

BALCOU-DEBUSSCHE Maryvette, Ecriture et formation professionnelle. L’exemple desprofessions de la santé, Presses Universitaires du Septentrion, 2004.

BERNARD BRUNHES CONSULTANTS, Etude sur les relations entre OPCA et organismede formation dans le système français de formation professionnelle, janvier 2001.

BRONCKART Jean-Paul et alii, « Agir et Discours en situation de travail ». Cahiers de lasection des Sciences de l’éducation, n°103, Université de Genève, coll. « Pratiques Théorie »,2004.

C2RP-Nord Pas de Calais, Les compétences au cœur du changement : l’expérience de laformation-action dans cinq entreprises régionales, 2003.

CIRCE CONSULTANTS, Impact de la réforme de la formation sur les entreprises. Dossierdocumentaire du séminaire organisé en mai 2005, 2005.

DENIMAL Philippe, Classification - Qualification - Compétences, Editions Liaisons, 2004.

DENNERY Marc, Réforme de la formation professionnelle : les clés pour réussir sa mise enœuvre, ESF, 2004.

FILLIETTAZ Laurent, BRONCKART Jean-Paul, L’analyse des actions et des discours ensituation de travail. Concepts, méthodes et applications, Louvain, Peeters, 2005.

HABITAT FORMATION, Elaborer le plan de formation. Guide méthodologique réalisé àl’attention des responsables de formation et des représentants du personnel, 2002.

HABITAT FORMATION, Pratiques de la VAE : entreprises et salariés témoignent,Production n° 37, Septembre 2004.

LE GALL Jean-Marc, La gestion des ressources humaines, Presses universitaires de France,coll. « Que sais-je ? », 1992.

MEIGNANT Alain, « Plan de formation : le syndrome de la colonne de gauche », Actualitéde la formation permanente, n° 193, novembre-décembre 2004.

Ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, Apprentissage nouvelle formule :l’apprentissage a changé, c’est le moment d’y penser.

ZARIFIAN Philippe, Le modèle de la compétence, Editions Liaisons, 2004.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 123

123

« La VAE dans les entreprises », Actualité de la formation permanente, n° 195, mars-avril2005.

Observatoires prospectifs des métiers

AFRIAT Christine, GAY Catherine, MAILLARD Fabienne, Quelles prospectives pour lesmétiers de demain ? L’apport des observatoires de branche. Rapport du Groupe Prométhée,Commissariat général du plan, coll. « Qualifications et prospective », juin 2005.

AFRIAT Christine, JULIEN Céline, SEIBEL Claude, « Les observatoires prospectifs desmétiers », Actualité de la formation permanente, n° 192, septembre-octobre 2004.

ZADUNAYSKI Sandrine (coord.), « Observer l’emploi et la formation sur les territoires »,Inffo flash, n° 661, 16 juin 2005.

Branches professionnelles

- Habitat

HABITAT FORMATION, Les élus du personnel et la formation, guide pratique à l’usagedes responsables des ressources humaines et des élus du personnel, janvier 2003.

HABITAT FORMATION, « La mise en œuvre de la VAE », Le point sur…, n° 36, 1ertrimestre 2004.

HABITAT FORMATION, « Le plan d’action illettrisme », Le point sur…, n °38, 3èmetrimestre 2004.

HABITAT FORMATION, Les métiers des acteurs de la ville, avril 2003.

HABITAT FORMATION, OPAC DE PARIS, la VAE au service de la valorisation du métierde gardien d’immeubles, Production n° 36, octobre 2003.

HABITAT FORMATION, Validation des acquis de l’expérience, livret professionnelmembre du jury, septembre 2003.

- Travail temporaire

CFDT - Fédération des services, Le guide des intérimaires, 2003.

Alphabétisation et techniques culinaires de base. Projet pilote 2003-2004. Manpower IDF,FAF TT, CCI Paris ESCF Ferrandi.

« Formations réglementaires : hygiène alimentaire. La méthode HACCP », Fiche extraite ducatalogue formation de chez Manpower.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 124

124

- BTP

PRUD’HOMME Dominique, « La fonction d’auteur-relais en service social : élaborationd’une double mise en scène dans l’écrit », Education, n° 162, 2005.

- Services d’aide à la personne

BARDET Beatriz, CAMUS Danièle, L’accès à la formation et à la qualification dans lesecteur de l’aide à domicile, CLP, 2002.

GRASSET-MOREL Valérie, « Entretien avec Marie-Béatrice Levaux, présidente de laFEPEM », AEF, mars 2005.

Ministère de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, Plan de développement desservices à la personne, pour la constitution d’un pôle d’excellence nationale dans le secteurdes services à la personne, 16 février 2005.

Champs didactiques

ABDALLAH-PRETCEILLE Martine, Vers une pédagogie interculturelle, Anthropos, 2004.

BARBOT Marie-José, CAMATARRI Giovanni, Autonomie et apprentissage. L’innovationdans la formation, Presses universitaires de France, coll. « Education et formation », 1999.

CARRE Philippe, L’apprenance : vers un nouveau rapport au savoir, Dunod, 2005.

DEMORGON Jean, LIPIANSKY Edmond-Marc, Guide de l’interculturel en formation, Retz,1999.

PLOQUIN Françoise, « Esprit de famille : on peut déjà se comprendre entre locuteurs delangues romanes », Le Monde diplomatique, janvier 2005 (téléchargeable à l’adresse Internet :http://www.monde-diplomatique.fr/2005/01/PLOQUIN/11842)

Français langue étrangère, français sur objectifs spécifiques

Articles et ouvrages

ADAMI Hervé, « Les faux jumeaux didactiques », Le français dans le monde, n° 339, mai-juin 2005.

BEACCO Jean-Claude (dir.), « Publics spécifiques et communication spécialisée », Lefrançais dans le monde, hors-série, août-septembre 1990.

CHALLE Odile, Enseigner le français de spécialité, Economica, 2002.

LEHMANN Denis, Objectifs spécifiques en langue étrangère : les programmes en question,Hachette F., 1993.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 125

125

MANGIANTE Jean-Marc, PARPETTE Chantal, Le Français sur Objectif Spécifique : del’analyse des besoins à l’élaboration d’un cours, Hachette F., 2004.

MOURLHON-DALLIES Florence, « De la description des discours à la construction del'exposition discursive », Le français dans le Monde, Recherches et Applications, Hors-série,1996, pp. 150-155.

« Objectifs spécifiques : de la langue aux métiers », Le français dans le monde, Recherches etApplications, janvier 2004.

Les Cahiers de l’Asdifle : y a-t-il un français sans objectif(s) spécifique(s) ? Actes des 29ème et30ème rencontres de l’ASDIFLE, 2003.

Manuels et matériel pédagogique

BLANC Jacques, CARTIER Jean-Michel, LEDERLIN Pierre, Scénarios professionnels,Niveaux 1 et 2, Cle International, 1994-95.

CORBEAU Sophie, Tourisme.com, Cle International, 2004.

CORTES Jacques et alii, Le machin. Matériel d’apprentissage du français pour débutantsavancés s’intéressant aux domaines de la technologie, Didier, cours CREDIF, 1979.

DANILO Michel, PENFORNIS Jean-Luc, Le français de la communication professionnelle,Cle International, 1993.

DESCOTES-GENON Christiane, SZILAGYI Elisabeth, La messagerie : pratique de lacommunication commerciale, Presses Universitaires de Grenoble, 1994.

DESCOTES-GENON Christiane, SZILAGYI Elisabeth, Service compris : pratique dufrançais de l’hôtellerie, de la restauration et de la cuisine, Presses Universitaires deGrenoble, 1995.

LATIFI Maria, L’hôtellerie en français, Didier/Hatier, 1993.

MOURLHON-DALLIES Florence, TOLAS Jacqueline, Santé-médecine.com , CleInternational, 2004.

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 126

126

SITOGRAPHIE

www.anlci.frAgence nationale de lutte contre l’illettrisme.

www.ccip.frSite de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.

www.ciep.frCentre international d’études pédagogiques.

www.celban.orgCanadian English Language Benchmark Assessment for Nurses.

ww.d-c-l.netCentre Logistique du Diplôme de Compétence en Langue.www.bulats.orgBusiness Language Testing Service mis au point par ALTE (Association of Language Testersin Europe).

www.fda.ccip.frCentre de langue de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris.

www.immigration-quebec.gouv.qc.caImmigration et communautés culturelles, site officiel du gouvernement du Québec.

www.univ-nancy2.fr/CRAPEL/Centre de recherches et d’applications pédagogiques en langues de l’Université de Nancy 2.

http://www.univ-bpclermont.frUniversité Blaise Pascal de Clermont-Ferrand, Apprentissage d’une seconde langue, projetSAM.

http://fapsesrvnt2.unige.ch/Fapse/didlang.nsf/Université de Genève, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Unité dedidactique des langues - Groupe "Langage Action Formation" (LAF).

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 127

127

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 128

128

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 129

129

ANNEXES

Annexe 1 - Elaborer le plan de formation, Habitat Formation, 2002 131

Annexe 2 - Formations réglementaires : hygiène alimentaire, la méthode HACCP. Fiche extraitedu catalogue formation de Manpower 133

Annexe 3 - « Le système d’innovation dans l’entreprise ». Extrait de Les compétences au cœurdu changement, C2RP Nord Pas-de-Calais 135

Annexe 4 - Modules du stage BELC/CIEP d'été 2005 137

Annexe 5 - Projet profil linguistique des professions du secteur touristique d’après les profils descompétences essentielles. Site Internet du Centre for Canadian LanguageBenchmarks 145

Annexe 6 - Cadre européen de référence : « Lire les instructions » 147

Annexe 7 - Cadre européen de référence : « Coopération à visée fonctionnelle » 149

Annexe 8 - Spécifications du programme ALTE relative à Vie sociale et tourisme 151

Annexe 9 - Spécifications du programme ALTE relative au Travail 153

Annexe 10 - CAP cuisine. Fonction 1 : approvisionnement – stockage 155

Annexe 11 - Quelques exemples de fiches repères de situations de travail produits en ateliers.Fiches repères du SERTIF, 2000 157

Annexe 12 - « Première mission de travail : directives et explications », Extrait de LETENDARDAnne, La formation linguistique du public migrant. Proposition d’un référentiel decompétences linguistiques, Mémoire DESS, 2001 165

Annexe 13 - Projet CELBAN, Canada. 167

Annexe 14 - Référentiel pragmatique translangue. 169

Annexe 15 - Référentiel des tâches communicatives en milieu de travail 171

CLP - Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, étude DPMSeptembre 2005 130

130

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 131

Annexe 1 -Elaborer le plan de formation,

Habitat Formation, 2002

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 132

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 133

Annexe 2 -Formations réglementaires : hygiène alimentaire, la

méthode HACCP.Fiche extraite du catalogue formation de Manpower

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 134

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 135

Annexe 3 -« Le système d’innovation dans l’entreprise ».

Extrait de Les compétences au cœur du changement,C2RP Nord Pas-de-Calais

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 136

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 137

Annexe 4 -Modules du stage BELC/CIEP

d'été 2005

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 138

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 139

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 140

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 141

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 142

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 143

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 144

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 145

Annexe 5 -Projet profil linguistique des professions du secteur

touristique d’après les profils des compétences essentielles.Site Internet du Centre for Canadian Language

Benchmarks

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 146

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 147

Annexe 6 -Cadre européen de référence : « Lire les instructions »

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 148

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 149

Annexe 7 -Cadre européen de référence : « Coopération à visée

fonctionnelle »

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 150

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 151

Annexe 8 -Spécifications du programme ALTE relative à Vie sociale

et tourisme

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 152

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 153

Annexe 9 -Spécifications du programme ALTE relative au Travail

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 154

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 155

Annexe 10 -CAP cuisine. Fonction 1 : approvisionnement – stockage

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 156

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 157

Annexe 11 -Quelques exemples de fiches repères de situations de

travail produits en ateliers.Fiches repères du SERTIF, 2000

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 158

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 159

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 160

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 161

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 162

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 163

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 164

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 165

Annexe 12 -« Première mission de travail : directives et explications »,

Extrait de LETENDARD Anne,La formation linguistique du public migrant. Propositiond’un référentiel de compétences linguistiques, Mémoire

DESS, 2001

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 166

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 167

Annexe 13 -Projet CELBAN, Canada.

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 168

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 169

Annexe 14 -Référentiel pragmatique translangue.

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 170

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 171

Annexe 15 -Référentiel des tâches communicatives en milieu de travail

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 172

CLP – Etude DPM– Rapport final - Septembre 2005 173