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DYNAMIQUE OCÉANIQUE Alain Colin de Verdière

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DYNAMIQUE OCÉANIQUE

Alain Colin de Verdière

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Table des matières page 1

Table des matières

I – La dynamique des fluides géophysiques appliquée à l’océan ....................... 1

1. Historique et nécessité............................................................................................. 1 2. Scaling et adimensionalisation.............................................................................. 3

II – Les équations de la Mécanique des fluides ......................................................... 6 1. Physique des fluides ................................................................................................. 6 2. Statique des fluides .................................................................................................. 9 3. Cinématique ........................................................................................................... 13

1) Description Lagrangienne ........................................................................................ 13 2) Description Eulérienne............................................................................................. 13 3) Dérivée matérielle.................................................................................................... 14 4) Volume de contrôle – Surface de contrôle – Conservation de la masse..................... 14 5) Flot incompressible.................................................................................................. 16

4. Le modèle d’Euler .................................................................................................. 17 5. Les équation de Navier Stokes ............................................................................ 23

III – Rotation...................................................................................................................... 29 1. Les forces introduites par la rotation .................................................................. 29 2. Statique des fluides en rotation – Forme de la terre....................................... 32 3. Accélération de Coriolis ....................................................................................... 34 4. Le théorème de Taylor-Proudmann-Poincaré ................................................. 35 5. Approximations sur la sphère............................................................................... 37 6. Applications pratiques de la géostrophie ........................................................ 41 7. Rôle des termes inertiels ........................................................................................ 47

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I – La dynamique des fluides géophysiques appliquée à l’océan

1. Historique et nécessité

Les observations des océans remontent à la nuit des temps mais dès qu’elles apparaissent se posent immédiatement les questions sur l’origine du comportement observé. Pas besoin de beaucoup d’équipement pour mesurer sur une plage la variation du niveau de la mer et réaliser que l’oscillation principale est à la période semi-diurne mais il aura quand même fallu attendre le XVIIème siècle de Newton pour comprendre l’origine de l’oscillation, c'est-à-dire son forçage et sa période et un siècle de plus pour que Laplace mette en place le modèle en eau peu profonde des ondes de gravité pour rendre compte de la propagation des marées.

On pourrait croire que la dynamique des vagues est connue depuis plus longtemps encore mais non Airy et Stokes au XIXème siècle seulement ont proposé la dynamique qui rendait compte de leurs propriétés dispersives (les ondes longues se propagent plus vite que les ondes courtes). Vagues et marées s’observent de la terre et il a fallu attendre les progrès de la navigation maritime pour commencer à dessiner des cartes de courants de surface. Si un navire part du point A pour atteindre B mais se retrouve au bout d’un temps Δt en C, le déplacement de l’eau est simplement le vecteur:

BC = AC – AB et en divisant BC par Δt on obtient la vitesse du courant (mesuré en nœud ou mille nautique/heure). L’opération ci-dessus n’est possible que si les positions A et C du navire sont déterminées mais pour cela il fallut attendre le développement des premiers chronomètres de marine pour garder le temps à la précision nécessaire (quelques secondes près) au bout d’un mois de traversée (l’œuvre de l’horloger anglais Harrison). Cette opération répétée des centaines de fois par les navires de commerce entre l’Europe et les Etats-Unis permettra de moyenner les observations de courants instantanées dans un petit carré de longitude et latitude données et de faire apparaître le Gulf Stream difficilement à rater compte tenu de ses courants de 2-3 nœuds (sur 24 heures, |BC| vaut alors 50 à 75 mille nautique).

Il y a bien sur aussi les bouteilles à la mer mais leurs observations se bornent à donner un point de départ et un point d’arrivée pour une bouteille. On ne sait pas où elle est passée entre temps et le temps mis pour dériver dépend de la chance d’un promeneur. Elles sont probablement aussi plus sensibles au vent qu’au courant et le message est sans doute plus important que le voyage mais quelque part elles intègrent les mouvements de l’océan et de l’atmosphère sur de grandes distances.

Ce n’est qu’au début du XXème siècle que l’on commence à dérouler des câbles pour aller observer ce qui se passe sous la surface de la mer. En mesurant la température, on y trouve des eaux très froides. Si on est dans les Tropiques où les eaux de surface sont chaudes, c’est le premier indice d’une circulation latérale en profondeur ramenant des eaux dont l’origine est aux pôles.

Les premiers enregistrements directs de courant avec des instruments accrochés à des câbles ancrés au fond datent du début des années 70. La surprise est forte : les courants varient erratiquement sur des échelles de temps de l’ordre de la semaine à quelques mois. Au

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même moment, l’acoustique permet de localiser des objets sous la surface. Si on lâche un flotteur en profondeur qui émet un son basse fréquence (autour de 200 Hz) à un temps t0 donné, la réception de ce son sur plusieurs balises fixes de position connue à des temps ti permet de déterminer la distance du flotteur à ces balises C (ti – t0) où C la vitesse du son dans l’eau vaut environ 1500 m s-1. On remonte ainsi à la position du flotteur et à son déplacement si on fait cela régulièrement à sa trajectoire et où va le flotteur ? A peu près n’importe où ! Il y a bien sûr toujours le Gulf Stream mais loin de cette structure les courants marins varient énormément dans le temps et dans l’espace. Ca commence à ressembler à ce qui se passe dans l’atmosphère et au temps (weather) dont la prédiction aux moyennes latitudes est notoirement limitée. On s’est dit que ces mouvements étaient peut-être importants pour le climat et suffisamment de fonds ont été investis dans les années 2000 pour lancer des flotteurs partout dans l’océan mondial et lancer quelques satellites capables de balayer la surface de la mer en quelques jours pour déterminer la hauteur de la surface océanique en chaque point.

Ainsi beaucoup de données sont disponibles aujourd’hui et s’accumulent régulièrement dans des bases de données mais tout reste à faire ou presque pour « expliquer » la dynamique de ce qu’il faut bien appeler la turbulence océanique. Est-ce que les modèles de marée de Laplace sont une bonne base de départ ou au contraire, comme pour les vagues, les mouvements sont-ils irrotationnels ? Mais pourquoi se poser ce type de questions puisque depuis le milieu du XIXème siècle les équations de l’hydrodynamique sont connues sous le nom d’équations de Navier-Stokes ? Utilisons simplement les équations de Navier-Stokes. Il y a deux difficultés à un tel programme. La première est que leurs solutions sont impossibles à trouver : on ne connaît de solutions mathématiques qu’à des situations d’écoulement très simples loin de représenter des écoulements océaniques. La deuxième provient de l’extraordinaire diversité des mouvements de l’eau, acoustique, vagues, marées, circulation océanique, sillage d’un bateau, chutes du Niagara, mascaret dans un estuaire pour n’en citer que quelques uns et pourtant tous solutions de l’équation de Navier-Stokes. Une même équation pour régir cette profusion de comportements mais une équation impossible à résoudre. La philosophie de l’approche « dynamique des fluides géophysiques » DFG (GFD en anglais) est né de ce constat et elle se propose d’adapter les équations de Navier-Stokes au phénomène particulier auquel on s’intéresse. « Adapter » veut dire enlever les petits termes dans les équations en espérant que ce soient aussi des petits termes dans les solutions des équations complètes. C’est une réponse pragmatique de physiciens contemplant la paroi glacée des équations de Navier-Stokes dont la généralité même apparaît comme un handicap pour comprendre la dynamique d’un phénomène particulier. Mais si au contraire on s’intéresse aux prédictions, c'est-à-dire si je connais l’état de l’Atlantique en 1990 et que je cherche son futur disons en 2100, ce handicap de la généralité devient un avantage. Tout au moins dans un premier temps. Je discrétise mon Atlantique le plus finement possible et je mets toutes les conditions aux limites nécessaires aux opérateurs différentiels et j’utilise l’équation de Navier-Stokes pour coupler les variables à prédire à chaque maille du domaine. En bref le même code va me permettre d’introduire tous les phénomènes que je pense nécessaire à la prédiction. C’est conceptuellement très satisfaisant. Oui mais … première difficulté : si on force un système, il faut quelque part aussi dissiper l’énergie. Le problème est que la dissipation se fait à des échelles centimétriques dans l’océan. Sur la largeur de l’Atlantique, disons 5000 km, j’ai 5 108 cotés de 1 cm. Ca fait beaucoup et l’initialisation va exiger d’avoir les variables des équations sur chacune des petites boites de 1 cm de coté. Il faut donc faire des boites plus grandes disons 10 km (ça dépend de la machine à sa disposition) mais du coup il faut inventer les comportements du fluide entre 10 km et 1 cm. Supposons que l’on ait correctement imaginé ce qui se passe la. Reste la deuxième difficulté d’avoir les variables de l’état initial tous les 10 km. L’origine de la difficulté n’est pas technologique mais conceptuelle. En effet l’hydrodynamique de l’océan est non linéaire et de

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multiples instabilités sont présentes. Du coup une petite erreur sur une variable croit exponentiellement dans le temps : l’océan est chaotique au sens de Lorenz, de petites variations de l’état initial induisant rapidement des divergences immenses entre états prédits et observations réelles. Dans l’atmosphère le temps de doublement des erreurs est de 2 jours, probablement de l’ordre de 1 à 2 semaines pour l’océan et les prédictions sont impossibles au delà d’un horizon probablement de l’ordre du mois. Si on pense au 421, qui ne possède que 3x (3 translations et 3 rotations) soit 18 degrés de liberté et est déjà un jeu de hasard, on se dit que l’océan et son nombre infini de degrés de liberté va être une bien belle machine à fabriquer du hasard. Laissons donc le problème infiniment complexe de la prédiction de coté et concentrons nous sur les observations et l’hydrodynamique qui sous tend ces observations.

Dans ce cours DFG, observations, méthodes d’approximations et compréhension physique des phénomènes sont étroitement imbriquées. Pour un phénomène observé d’échelles spatiales et temporelles données, il s’agira de :

A. Identifier des petits termes par rapport à d’autres dans les équations de Navier-Stokes.

B. Négliger ces petits termes et de résoudre le système simplifié. C. Vérifier la consistance de l’approximation où consistance signifie ici que l’on vérifie

avec la solution approchée que les termes négligés sont effectivement petits.

Au terme de ces trois étapes une compréhension physique du phénomène observé doit se développer au point de pouvoir expliquer « comment cela marche ce truc ? »

2. Scaling et adimensionalisation

Lorsqu’on parle d’échelles spatiales et temporelles de quoi s’agit-il ? Les équations de Navier-Stokes sont des équations aux dérivées partielles et donc trouver l’ordre de grandeur de termes des équations passe par l’estimation de dérivées.

Imaginons le profil de vitesse suivant u(x):

Si je prends la pente où la dérivée est maximum, je définis l’échelle spatiale L comme l’échelle où la vitesse u passe de sa valeur maximale U à 0. C'est-à-dire l’échelle de vitesse U est définie par :

U = max |u(x)|

et l’échelle spatiale L par : L = dxdu

maxU

u U

L x

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Ainsi si je rencontre le terme xu

u!

! , son ordre de grandeur va être O !!"

#$$%

&

LU2 . Quand j’affirme

cela avec le symbole O (de l’ordre de), je veux dire que xu

u!

! est borné par disons LU32

! et

LU32

+ .

Incidemment en faisant cela, on trouve les dimensions [m s-2] de xu

u!

! mais la

notion de scaling va bien au delà : on a non seulement les dimensions mais l’ordre de grandeur du terme. Une fois les échelles choisies, on peut les utiliser pour adimensionaliser le terme. Pour faire cela, on introduit les variables adimensionelles x~ et u~ :

Lx

x~ = ; Uuu~ =

et donc u(x) = Uu~ ( x~ ).

En dérivant :

!

"u"x

= U#"˜ u "˜ x #

d˜ x dx

=UL"˜ u "˜ x

De sorte que

!

u"u"x

peut être remplacé dans l’équation par :

!

u"u"x

=U2

L˜ u "˜ u "˜ x

!

˜ u "˜ u "˜ x

est adimensionel et O(1), toute la valeur du terme étant capturé par le LU2 devant si

le choix des échelles a été fait correctement.

Lorsque l’on compare ce terme à un autre auquel on a fait subir le même traitement, leur rapport fait apparaître des nombres sans dimension qui vont gouverner la qualité de l’approximation, le nombre étant souvent baptisé du scientifique qui en a le premier montré l’importance.

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Autres notations utiles :

f(x) << g(x) lorsque x → x0 signifie 0)x(g)x(f

lim0xx

=!

f(x) ∼ g(x) lorsque x → x0 signifie 1)x(g)x(f

lim0xx

=!

f(x) ∼ O (g(x)) lorsque x → x0 signifie ∃ M > 0 tel que |f(x)| < M |g(x)|

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II – Les équations de la Mécanique des fluides

Cela ne sert pas à grand-chose de lister les équations de la mécanique des fluides si on ne connaît pas leurs origines physiques. Cette origine est liée à des lois de conservation masse, quantité de mouvement, énergie et si on fait des approximations sur les équations complètes, on aimera bien garder une forme des lois de conservation de la masse, quantité de mouvement, énergie…

Ce sont ces lois physiques au final qui donnent confiance quant au bien fondé des théories proposées et déduites des approximations. Ceci ouvre d’ailleurs une voie alternative qui est de formuler les approximations directement en partant des lois de conservation.

1. Physique des fluides

Considérons un petit cube d’air de coté l = 1 µ (micron). Dans un gaz parfait le nombre d’Avogadro NA donne le nombre de molécules dans 22,4 litre. On s’aperçoit que dans ce minuscule volume d’air, il y a encore 107 molécules. Elles ont des vitesses de l’ordre de la vitesse du son (300 m s-1) mais compte tenu de leur nombre sont soumises à de multiples collisions. On ne va pas s’intéresser à ce qui se passe à l’échelle moléculaire mais on va se placer à l’échelle du cube, une échelle macroscopique. A cette échelle, la vitesse est une moyenne <V>mol des vitesses des N molécules présentes dans le cube et c’est seulement si cette quantité est différente de zéro, que le volume d’air aura un déplacement net. De la même façon la masse volumique sera définie comme la masse des N molécules divisée par le volume du cube:

3ml!

="

Au voisinage d’une paroi, les impacts moléculaires sur la paroi changent la quantité de mouvement des molécules. Ce changement par unité de temps moyennée sur une petite surface est la force exercée par la paroi sur le fluide. Par le principe d’action et réaction c’est aussi la force exercée par le fluide sur la paroi. Si le fluide est au repos (<V>mol = 0), la force ne peut être que normale à la paroi (la normale est la seule direction du problème) et la pression est définie par :

!

p ="Fl2

où l2 est la petite surface de la paroi où les impacts sont comptabilisés.

Pour que cette approche macroscopique fonctionne, il faut que les quantités <V>mol, p ou ρ soient indépendantes du choix de la taille l du cube qui est arbitraire. Clairement il faut que l soit petit devant l’échelle de l’écoulement L qu’on veut décrire mais suffisamment grand pour que les moyennes ne changent pas quand on rajoute disons 10, 100 ou 1000 fois plus de molécules. Soit au final :

lmol << l << L

où lmol est le libre parcours moyen d’une molécule.

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Ainsi les quantités macroscopiques sont elles définies à l’échelle l satisfaisant cette inégalité. Ce n’est que par des considérations sur la dissipation de la turbulence que l’on pourra affiner cette inégalité pour requérir que l soit petit devant l’échelle de dissipation de la turbulence.

En mécanique des fluides, les variables dépendantes V, p, ρ sont ainsi définies au point x mais ce point représente physiquement le cube de taille l et les variables sont des moyennes sur ce cube des vitesses, des forces, de la masse des molécules:

V(x,t) p(x,t)

ρ(x,t)

Les équations de la mécanique des fluides vont nous donner des règles pour calculer l’évolution temporelle de V, p et ρ. Pour autant peut-on négliger la structure moléculaire sous jacente du fluide ? L’expérience suivante montre que non …

On met du colorant en un point dans un fluide au repos. Il n’y a pas de vitesse

macroscopique V=0 partout mais sous l’effet du brassage moléculaire, des molécules rouges marchent aléatoirement dans le fluide et sont remplacées par des transparentes au point d’injection. La couleur s’étale et se dilue progressivement. L’état final est un état où la concentration du colorant est uniforme. Combien de temps cela prend-il ? Evidemment cela dépend de la taille du bocal. Supposant un bocal de côté a. Il s’agit d’un processus de diffusion moléculaire pour lequel le temps de diffusion varie comme :

td = mol

2

ka

où kmol est le coefficient de diffusion du colorant dans le fluide considéré. Typiquement kmol est de l’ordre du libre parcours moyen fois la vitesse moléculaire :

kmol = O(vmol lmol) Pour la diffusion dans de l’eau kmol = O (10-9 m2 s-1) et si a vaut 10 cm, td est de

l’ordre de 100 jours. La diffusion est donc un processus très lent mais son action est inexorable : le mélange moléculaire incessant a pour action de lisser les gradients de propriétés. Cette diffusion moléculaire devra être paramétriser dans les équations macroscopiques pour rendre compte de cette expérience.

Revenons à la masse volumique ρ. Elle va avoir deux effets majeurs :

1) le contrôle de l’accélération du fluide lorsqu’il est soumis à une force,

2) le contrôle des forces de gravité qui sont proportionnelles à ρ.

Evidemment ρ varie dans un fluide avec la température et la pression. Elle varie aussi dans l’océan avec la teneur en sel. La salinité est un rapport de mélange défini comme la masse de sel résiduel lorsqu’on a évaporé toute l’eau d’un échantillon d’eau de mer sur la masse d’eau de mer:

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mm

S sel=

Typiquement S est O (0,035) soit 35 ‰.

Généralement pour un fluide, ρ diminue si la température T augmente. Il y a expansion et le volume augmente. A l’inverse si la pression p augmente, le volume se contracte et donc ρ augmente. Une exception apparaît pour l’eau pure lorsque T < 4°C car l’eau plus froide est plus légère dans cette gamme de température. L’effet de la salinité est évidemment que ρ augmente quand S augmente. Quantitativement on peut écrire que les variations relatives de ρ près d’un état T, p, S sont :

!

"##

=1#$#$p%

& '

(

) * T,S"P +

1#

$#$T%

& '

(

) * p,S"T +

1#$#$S%

& '

(

) * T,p"S

+

,

- -

.

/

0 0 océan

2.1.1

faisant apparaître des coefficients que l’on peut déterminer expérimentalement :

!

E"1 =#$#p%

& '

(

) * T

où E est le module d’Young

PT1

!!"

#$$%

&

'

('

()=* est le coefficient de compressibilité thermique

!

" =1#$#$S

est le coefficient de compressibilité haline.

Valeurs à T = p =

Air Eau α(°K) 3.5 10-3 1.5 10-4

E(Pa) 105 2.1 109

β / 0.8

Attention les valeurs ci dessus ne sont données qu’à titre indicatif et α et E en particulier ne sont pas constants mais varient avec la pression et la température. C’est facile de déterminer ces coefficients pour l’air car l’air est assez proche du gaz parfait. L’équation d’état du gaz parfait s’écrit:

p = ρ RT

où R est la constante appropriée au mélange azote, oxygène de l’air sec (R = 287,04J kg-1 K-

1). Cette relation permet alors de connaître les variations de α et E (exo). L’équation d’état de l’eau de mer est un polynôme compliqué en T, P et S (exo).

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Une dernière propriété physique qui va jouer un rôle important est la viscosité du fluide. Newton l’a introduit de la façon suivante :

Une plaque est tirée à la vitesse V à la surface d’un fluide. On s’aperçoit qu’au bout d’un certain temps, un profil de vitesse linéaire se met en place entre les deux plaques, avec une vitesse égale à V en haut et nulle en bas. Tout se passe comme si le fluide collait à chaque paroi. Cette condition de non-glissement aux parois est une propriété fondamentale des fluides visqueux. En expérimentant avec des vitesses, des épaisseurs de fluide, des surfaces de plaque et des forces différentes, Newton a vu que la force nécessaire pour tirer la plaque était proportionnelle au cisaillement de vitesse :

dV

AF!

où F est la force et A la surface de la plaque. Il en a déduit que le coefficient de proportionnalité ne pouvait que traduire la nature du fluide utilisé et l’a appelé viscosité :

dV

AF

µ=

Air Eau µ[PaS] 1.8 10-5 10-3

ρ[Kg m-3] 1.2 103

ν = µ/ρ [m2 s-1] 1.5 10-5 10-6

La quantité ν s’appelle viscosité cinématique et a les dimensions d’un coefficient de diffusion. ν et µ varient avec la température mais l’effet de ces variations n’est pas jugé important devant toutes les autres causes d’erreur dans le domaine océan - atmosphère1.

2. Statique des fluides

Ceci nous permet d’introduire l’expression des forces. La première est la gravité ; c’est une force qui agit à distance et qui pour un volume de fluide δv va s’écrire ρδvg où g est le vecteur gravité. C’est une force de volume car proportionnelle au volume de l’élément encore appelée « body force » en anglais. L’autre force dans les fluides est la force de contact entre éléments adjacents dont l’origine est le mouvement moléculaire déjà mentionné. Ce sont des forces qui ont un rayon d’action très court O(10-10 m). Elles traduisent les forces entre molécules d’un côté d’une surface et celles à l’extérieur de la surface.

n est la normale à l’élément de surface δa et je m’intéresse à la force exercée par le fluide du côté où n pointe sur le fluide . On écrit :

F = Σ δa 1 C’est évidemment très différent dans le manteau terrestre où la variation de la viscosité avec la température du magma est un effet majeur.

Σ

δa

Σt

Σn

n

V

d

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montrant que la force est proportionnelle à l’élément de surface δa . Σ est la contrainte (stress en anglais). Si le fluide exerce une contrainte tangentielle Σt sur le fluide , l’expérience de Newton sur la viscosité indique que le fluide va s’écouler. Mais en statique, les vitesses sont nulles donc les contraintes tangentielles sont nulles. Ainsi en statique écrit t’on:

Σ = - p n

où p est la pression que l’on définit positivement et le signe – traduit le fait que la contrainte Σ est toujours dirigée vers l’intérieur. L’effet du fluide extérieur est d’exercer une compression sur le fluide intérieur . Par le principe d’action et réaction, le fluide du côté exerce aussi une compression - Σ sur le fluide . A la différence des solides, les fluides ne peuvent pas être mis en tension. Lorsque la pression de l’eau devient très faible, on peut observer un changement de phase car l’eau se vaporise lorsque la pression atteint la pression de vapeur saturante à la température considérée. C’est le phénomène de cavitation qui se développe sur des hélices lorsque la vitesse du fluide devient très grande à l’extrémité de pales.

La pression dépend-elle de l’orientation n ? On peut montrer que non (exo) et qu’elle agit de la même façon dans toutes les directions.

Imaginons maintenant un fluide en équilibre statique et considérons un volume de contrôle v limité par la surface a (pointillée).

Pour que ce volume arbitraire soit en équilibre, la somme des forces doit être nulle :

!

"g### $v % pn## $a = 0 2.2.1

Le premier terme est le poids du volume de contrôle, le deuxième est l’intégrale sur la surface a des forces de surface. L’expression est peu exploitable car on a un équilibre entre une intégrale de volume et une intégrale de surface. Le théorème de la divergence permet de réécrire l’intégrale de surface comme une intégrale de volume :

!

" pn## $a = " %p### $v

Où le gradient de pression ∇p apparaît comme la façon d’exprimer l’effet net des forces de surface agissant sur un volume δv. Pour retrouver plus physiquement ce résultat, calculons la force nette exercée sur un cube infinitésimal. La force nette dans la direction x sur la surface perpendiculaire δa est :

p(x) δa – p (x + δx) δa

Soit après un développement de Taylor limité à l’ordre 1 :

!

"#p#x

$x $a

Mais δxδA est le volume de l’élément δv et

!

"#p#x

la première composante de - ∇p. Le même

raisonnement sur les autres faces produit ainsi le résultat escompté. Aussi 2.2.1 se réécrit-il :

δa Σ

ρδv g n

x x + δx

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!

"g #$p( )%%% &v = 0 2.2.2

Mais comme cette relation est valable pour tout volume de contrôle v, localement on doit avoir :

- ∇p + ρg = 0 2.2.3

une relation qui traduit la loi fondamentale de l’hydrostatique :

!

"p"x

="p"y

= 0 dans le plan horizontal Oxy

!

"p"z

= #$g

où Oz est l’axe vertical dirigé vers le haut. Si ρ est constant, la pression augmente linéairement avec la profondeur (dz < 0). On peut aussi réécrire 2.2.3 comme : ∇(p + ρgz) = 0 2.2.3

et dans ce cas particulier p + ρgz = cst pour tous points connectés par une courbe tracée dans le fluide. Applications :

(i) baromètre Prenons un tube d’environ 1 m rempli de mercure et renversons-le dans un bac lui

aussi rempli de mercure. On observe que le niveau du mercure descend dans le tube laissant le volume vacant. Aucune bulle d’air n’est rentrée si on a fait l’expérience avec soin et donc la pression est nulle au-dessus de A. En fait comme dit précédemment, ceci est impossible et donc le vide est remplacé par une vapeur de mercure en équilibre avec le liquide en dessous. On peut négliger la pression de cette vapeur de mercure et l’hydrostatique appliquée à la colonne AB donne :

pB = ρgH

avec ρ = 13.5 103 kg m-3, H = 76 cm et g = 9.81, on trouve pB = 1.006 105 pascal. Mais la pression en C à la surface du bac et la pression en B dans le tube sont les mêmes puisque B et C sont dans le même plan horizontal. Mais quelle est l’origine de la pression en C ? Ca ne peut être que la force au sol qui permet d’équilibrer le poids de la colonne d’air au-dessus de C. Cette colonne d’air a une hauteur typique de 50 km au-delà de laquelle la pression est inférieure à 1/1000 de PC. Ainsi pour une colonne de section δa, peut-on écrire :

pC δa= g δm

où δm est la masse d’air de la colonne et g a été pris constant par simplicité. Si on intègre ceci sur la surface de la terre, on estime la masse totale de l’atmosphère :

A

B C H

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12

!

M =pc4"R

2

g

avec pc = 105 Pa, g = 10 et R = 6400 km, on trouve que M = 5.15 1018 kg alors que la valeur standard est 5.3 1018 kg. Pas si mal. Ainsi pC est elle la pression atmosphérique. Evidemment l’atmosphère n’est pas immobile et donc pC varie. La descente ou montée du baromètre signifie que la masse de la colonne d’air diminue (augmente), variations de masse qui sont causées par des flux de masse divergents ou convergents aux frontières de la colonne.

(ii) Poussée d’Archimède Si un corps solide de masse volumique ρS et de volume V est

immergé dans l’eau et qu’il est immobile (retenu par exemple par un fil), quelles sont les forces en présence ? La tension du fil, le poids du corps et la résultante des forces de pression exercées par le fluide sur le corps . Un équilibre est possible si donc:

!

" pn## dA+ T +$S Vg = 0 2.2.4 2.2.4

Evidemment se pose la question de savoir comment évaluer le premier terme avec cette intégrale sur une surface quelconque. Le résultat est bien connu d’Archimède : c’est égal au poids du volume de liquide déplacé soit gV!" . L’argument qui se cache derrière se présente ainsi : remplaçons le solide par un sac en plastique rempli d’eau dont la surface épouse exactement celle du solide.

1) Les pressions sont les mêmes sur le sac en plastique que sur le solide car la nature du corps ne modifie pas les pressions.

2) Le sac étant rempli du même fluide qu’à l’extérieur, il est en équilibre statique de sorte que T’ ≡ 0 et :

0gVnp =!+" ##

ce qui démontre l’expression de la force d’Archimède. Celle ci n’est autre que la résultante des forces de pression sur la surface du corps et celles ci ne sont pas modifiées par la présence du corps solide. Alors 2.2.4. se réécrit :

0gVTgV S =!++!"

ou ( ) 0gVT S =!"!+

Tout se passe comme si la masse du corps solide était réduite par le facteur (ρS - ρ)/ρ dans le liquide. Et si ρS ≈ ρ comme c’est le cas pour notre corps, T≈0 et nous flottons en apesanteur car notre poids est équilibré par les forces de pression. Il faut reconnaître que c’est la pression hydrostatique un peu plus forte en bas qu’en haut qui permet cette apesanteur.

T

Mg

T’

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3. Cinématique

1) Description Lagrangienne

On peut décrire le mouvement d’un fluide de deux façons. On peut d’abord marquer une particule et enregistrer sa trajectoire. Lâchée en x0 à t = 0, elle se retrouve en x à t et son évolution se traduit par une équation paramétrique en temps : x = X(t,x0)

Dans cette expression le nom de la particule est x0 et si on veut connaître la vitesse et l’accélération de cette particule, il n’y a rien de plus simple :

V(t,x0) = ∂X/∂t 2.3.1

a(t,x0) =∂2X/∂t2 2.3.2

les dérivations par rapport au temps étant faites à x0 constant. Comme on se doute bien que l’accélération de la particule est créée par des forces, l’accélération a va être déterminée si les forces sont connues et alors il suffit d’intégrer 2.3.2 deux fois pour avoir la position de la particule. Le problème est que les forces ne sont pas connues. La gravité est connue mais les forces de pression entre éléments fluides varient avec le mouvement et la pression est donc une inconnue supplémentaire. Il faut ainsi déterminer le mouvement de « toutes » les particules pour obtenir la trajectoire correcte d’une seule.

Mis à part le fait qu’il faille un grand nombre de particules pour décrire correctement un écoulement, cette approche bien que très naturelle est peu utilisée en mécanique des fluides ou en tous cas elle est utilisée dans un 2ème temps une fois le champ de vitesse connu en tous points pour savoir d’où vient le fluide et où il va, sujets fondamentaux pour les études de pollution.

2) Description Eulérienne

Dans l’approche d’Euler, on ne s’intéresse plus à la position des particules (et on ne la calcule pas) mais on s’intéresse au champ de vitesses. A un instant t, c’est un champ V(x,t) qui varie dans l’espace. Pour visualiser cet écoulement, on peut construire des lignes de courant. Ce sont les courbes tangentes à V à un instant donné t. L’élément différentiel de la ligne de courant étant parallèle à V, on peut écrire :

3

3

2

2

1

1

udx

udx

udx

== 2.3.3

où (u1, u2, u3) sont les composantes de V dans un repère cartésien Ox1x2x3. L’expression 2.3.3 fournit les équations pour déterminer les lignes de courant. Lorsque l’on considère des lignes de courant qui s’appuie sur un contour, on parle de tube de courant.

Quand l’écoulement est permanent ou stationnaire, ceci signifie que V ne dépend que de x et pas du temps. Si on lâche une particule sur une ligne de courant elle va donc rester sur celle-ci et trajectoire des particules et lignes de courant sont confondues. Ce n’est plus évidemment le cas si l’écoulement est instationnaire.

V

dx

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3) Dérivée matérielle

Imaginons un écoulement avec une certaine distribution de salinité dans l’espace et dans le temps. Une particule fluide à la position x à l’instant t a une certaine salinité S(x,t) et on aimerait connaître les variations de salinité de cette particule lorsqu’elle se déplace. Supposons qu’elle se déplace de x en x + δx pendant l’intervalle de temps δt. La variation de salinité de cette particule est simplement :

!

"S =S(x + "x,t + "t) #S(x,t)

Si δt est infinitésimal, δx l’est aussi et on peut faire un développement limité de Taylor du numérateur au 1er ordre :

tS

txS

xxS

xxS

xS3

32

21

1 !

!"+

!

!"+

!

!"+

!

!"="

Si on divise par δt, les quantités δxi/δt sont évidemment les composantes du champ de vitesse ui lorsque δt → 0. De sorte que :

!

DSDt

="S"t

+ u1"S"x1

+ u2"S"x2

+ u3"S"x3

="S"t

+ uj"S"xj

="S"t

+ (V# V)S

Ces expressions équivalentes représentent la dérivée matérielle de S et on la note D/Dt. Elle signifie dérivée d’une quantité en suivant une particule fluide. La partie ∂S/∂t de la dérivée matérielle est causée par la variation dans le temps de S au point x alors que la quantité (V⋅∇)S mesure la variation de S causée par le déplacement de la particule dans un champ de salinité qui varie dans l’espace. Le total DS/Dt représente ce que mesurerait un observateur se déplaçant avec le fluide.

Cet opérateur dérivée matérielle est évidemment juste ce qu’il faut pour déterminer l’accélération a d’une particule fluide dans la description eulérienne du mouvement d’un fluide. Il suffit juste de calculer la dérivée matérielle de chacune des composantes de la vitesse :

!

a =DVDt

="V"t

+ (V# $)V 2.3.4

Ici il faut se rappeler, pour le 2ème terme, que l’on construit l’opérateur scalaire

33

22

11 x

...u

x...

ux...

u!

!+

!

!+

!

! que l’on applique à chacune des composantes u1, u2, u3 de la

vitesse V.

4) Volume de contrôle – Surface de contrôle – Conservation de la masse

Cette notion de volume de contrôle est fondamentale pour appliquer les lois de la physique à un fluide en mouvement. On l’a déjà utilisé pour trouver les lois de l’équilibre hydrostatique.

Le volume v dessiné est fixe dans l’espace et il est limité par la surface pointillée. Le fluide qui quitte le volume au travers de l’élément de surface δa pendant l’intervalle de temps δt est :

x

x+ δx

v

δa

n

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V⋅n δa δt

Seule compte la composante de la vitesse normale à la surface. Si on somme sur la surface et qu’on divise par δt, on obtient le débit Q.

!

Q = V" n #aA$$ 2.3.5

De la même façon la masse quittant le volume s’obtient en calculant :

!

˙ m = "V# n $a%% 2.3.6

où le « flux » de masse ρV⋅n est la quantité de masse passant par l’aire δa par unité de surface et par unité de temps.

Maintenant si le débit massique m& est non nul, il y a alors accumulation ou perte de masse dans le volume. La masse sortante pendant le temps dt est :

m& dt et l’incrément de masse dans le volume pendant cet intervalle de temps est :

!

d "#v$$$( )

Cet incrément intérieur ne peut être qu’aux flux aux frontières et :

!

d "#v$$$( ) = % ˙ m dt

Soit en utilisant 2.3.6. :

!

ddt

"#v$$$ = % "V$$ & n#a 2.3.7

Ceci est l’équation intégrale de conservation de la masse. Elle est complètement analogue au bilan d’argent sur votre compte bancaire. Le terme de gauche est la variation du solde et le terme de droite le bilan net des crédits et des débits du compte. En utilisant le théorème de la divergence pour transformer l’intégrale de surface en intégrale de volume, 2.3.7 se réécrit :

!

"#"t

+$% (#u)&

' (

)

* + ,,, -v = 0

où on a aussi utilisé le fait que le volume de contrôle est fixe pour commuter la dérivée ∂/∂t et l’intégrale de volume. Pour que cette équation soit vraie pour tous les volumes de contrôle, il faut que localement :

0)u(t

=!"#+$!$ 2.3.8

l’équation qui représente la forme locale de la conservation de la masse. L’opérateur

!

"# a =$a1$x1

+$a2$x2

+$a3$x3

est la divergence de a.

Supposons maintenant qu’une espèce chimique i est dissoute dans l’eau et que ρi est la concentration du constituant i dans le mélange avec ρi = δmi/δv. Cette espèce pourrait être l’ensemble des sels qui constituent la salinité. Si cette espèce chimique est conservée, on peut écrire une équation exactement analogue à 2.3.8 :

0)u(t ii =!"#+

$

!$ 2.3.9

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La définition S = msel/m implique pour la concentration ρi :

ρi = ρS

En injectant dans 2.3.9 et en utilisant 2.3.8, on arrive à :

0DtDS

= 2.3.10

On s’aperçoit que la salinité est conservée en suivant une particule fluide. Ceci n’est vrai que parce qu’on a négligé la diffusion moléculaire qui sera présentée au chapitre …

5) Flot incompressible

Les livres de mécanique des fluides parlent souvent de fluide incompressible mais tous les fluides sont compressibles, alors ? En fait sous certaines conditions que nous allons explorer, les fluides peuvent être effectivement considérés comme quasi-incompressibles. L’approximation du fluide incompressible revient à négliger les variations de masse volumique dans la conservation de la masse 3.4.4. Celle-ci devient alors

∇⋅V = 0 2.3.11

une équation connue sous le nom d’équation de continuité. Le champ de vitesse est non divergent. On peut écrire que ρ = ρ0 + Δρ(x,t) et si Δρ/ρ0 << 1 on se dit que cela doit être vrai. C’est la première occasion de faire un scaling de 2.3.8 pour bien définir l’approximation. Avant on met 2.3.8. sous la forme :

!

D"Dt

+"#$ V = 0 2.3.12

On suppose que les variables Δρ et V varient sur des échelles spatiales L et temporelles T et ont des valeurs maximales Δρ* et U:

!

"#"t

+ u1"#"x1

+ u2"#"x2

+ u3"#"x3

+#"u1"x1

+"u2"x2

+"u3"x3

$

% &

'

( ) = 0 2.3.13

{ 444 3444 21444 3444 21

LUT

0

LUT

**

**

LU

LU

LU*)(

L*U

L*U

L*U

T*

00

!"

#$%

&'(+''('('('(

!!"

#$$%

&

'(+'

'(!!"

#$$%

&

'(+'

'(

La troisième ligne est obtenue en multipliant par

!

T ("0 + #"0) et elle fait apparaître deux nombres adimensionnels

!

"#* (#0 + "#*) et LUT . Si l’échelle de temps T est O(L/U), on parle d’échelle de temps advective car le temps d’évolution de la quantité est le temps mis par une particule pour parcourir l’échelle L à la vitesse U. Et effectivement si 0* !!" << 1 alors les termes O(UT/L) qui sont O(1) dominent dans 2.3.13 et on peut proposer que:

!

"u1"x1

+"u2"x2

+"u3"x3

= 0 2.3.14

Le paradoxe des procédures de scaling est que la somme des gros termes est maintenant nulle ! Voilà l’explication : chacun des termes de 2.3.14. est ( )LUTO mais la somme des trois est beaucoup plus petite que O(UT/L) et d’ordre 0* !!" . Ainsi 2.3.14. est vraie à ( )0*O !!" .

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Si maintenant UT/L est très petit, parce que U est petit et T petit, (on peut penser au cas des ondes acoustiques haute fréquence), le premier terme en ∂ρ/∂t dans 2.3.13 reste important bien que 0* !!" soit petit. On pourra seulement négliger le terme d’advection en

V⋅∇ρ qui est !!"

#$$%

&'

(()

LUT*O

0par rapport aux autres. Dans l’approximation linéaire des ondes

acoustiques, l’équation de conservation de la masse devient :

!

"#"t

+#0$% u = 0 2.3.15

L’équation d’état du fluide permet de voir quand les conditions de 0* !!" petits sont remplies. En utilisant 2.1.1 et la définition des coefficients de compressibilité :

STE

!"+#"$"%

=%"%

2 10-2 3 10-2 1.6 10-3 La borne supérieure des différents termes est facilement estimée en prenant δP = ρgH, δT = 20° C et δS = 2 10-3 qui sont des variations extrêmes que pourraient subir une particule fluide dans l’océan en plongeant de la surface au fond dans les tropiques2. L’approximation 0* !!" << 1 est excellente et justifie l’emploi de 2.3.11. en océanographie. Il serait plus justifié de parler d’approximation de « flot incompressible » plutôt que de fluide incompressible puisque ce sont des conditions particulière d’écoulement qui la rendent possible. Finalement il est important de réaliser que l’approximation va filtrer les ondes acoustiques de la dynamique. Chaque approximation dans les équations du mouvement fait perdre des comportements dynamiques. On espère ici que la dynamique lente de l’océan n’est pas affectée par la perte des ondes acoustiques de haute fréquence.

4. Le modèle d’Euler

(i) Les équations d’Euler Dans le modèle d’Euler on décide de négliger la viscosité du fluide. Les livres de

mécanique des fluides parlent de fluide parfait. Ils ne sont pas si parfaits que cela car le transport aérien n’existerait pas si c’était le cas et le Gulf Stream n’existerait pas non plus. Négliger la viscosité veut dire que le fluide glisse sans frottement sur les parois, la composante tangentielle des forces de surface étant identiquement nulle partout. Si ν = µ/ρ (la viscosité cinématique), on montrera plus loin qu’une condition nécessaire (mais pas suffisante) pour négliger la viscosité est que :

!

=ULRe >> 1

2 Il existe d’autres choix possibles pour δp. Pour un flot d’échelle de vitesse U, la pression varie comme 2U2

! d’après le théorème de

Bernouilli. Alors

!

"pE

=#U2

2E mais E/ρ = c2 où c est la vitesse des ondes sonores. Ainsi

!

"p E =12U2

c2 où

2

2

c

U le nombre de Mach est

très faible puisque c ∼ 1500 ms-1 et U dépasse rarement 1 ms-1.

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où Re est le nombre (sans dimension) de Reynolds. La plupart des flots autour de nous sont des flots à grand nombre de Reynolds. C’est au niveau de la taille des tourbillons de la tasse de café que Re devient O(1). La viscosité est importante car les tourbillons lâchés par la cuillère ne persistent pas bien longtemps. Le problème est que dans la plupart des écoulements il existe des régions très diverses, des régions grandes échelles où U et L sont grands et le nombre de Reynolds est très grand (Re >> 1) et des régions petites échelles où U et L sont petits et le nombre de Reynolds n’est plus très grand (Re = O(1)). Au voisinage d’une paroi, la vitesse tend vers 0 et le fluide colle à la paroi a cause de la viscosité. Ceci se passe dans une couche mince dite couche limite où L est très petit. Dans ces régions, les forces de viscosité redeviennent importantes. Pour autant le modèle d’Euler est à la base de la compréhension de la dynamique de beaucoup d’écoulements en Mécanique des fluides. C’est toujours une bonne idée de commencer par lui puisque le modèle complet avec viscosité est si complexe. Les seules forces sont donc les forces de pression et les forces de gravité qui ont déjà été considérées dans le paragraphe 2. Seulement maintenant elles ne sont plus équilibrées et induisent des accélérations. Les forces s’exerçant sur un volume infinitésimal δv s’écrivent à droite :

!

"#vDVDt

= $%p#v+"#vg

et à gauche on a écrit que le déséquilibre des forces est égale à la masse x accélération de la particule fluide donnée par 2.3.4. En divisant par δv, on obtient les équations d’Euler :

gpDtVD

!+"#=!

Ceci fournit 3 équations pour 5 inconnues, les 3 composantes de la vitesse, p et ρ. Si le flot est incompressible, on doit rajouter l’équation de continuité 2.3.11 (ou 2.3.8 si ce n’est pas le cas). Il manque encore une équation. On a déjà discuté de l’équation d’état. Elle est valable pour des états d’équilibre thermodynamiques et évidemment un fluide en mouvement n’est pas en équilibre. On fait l’hypothèse que les mouvements du fluide sont suffisamment lents pour que l’équilibre thermodynamique reste vrai a chaque instant. L’équation d’état fournit une cinquième équation ρ = F(p,T,S) mais aussi deux variables de plus T et S. De la même façon que la viscosité est négligée ici, on va aussi mettre de côté les processus de diffusion pour T et S. Alors T et S sont conservés3 à une particule fluide et obéissent à une équation de conservation de type 2.3.10.

Résumons le modèle d’Euler dans le cas des flots incompressibles qui forment une grande partie de ce cours :

gpDtVD

!+"#=! 2.4.1

0V =!" 2.4.2

ρ = ρ [1 - α(T – T0) + β(S – S0)] 2.4.3

0DtDT

= 2.4.4

3 La situation est plus compliquée pour la température car les effets de compression ou de détente adiabatique modifie aussi la température. Ces effets non incompressibles seront considérés au chapitre …

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0DtDS

= 2.4.5

Notez que l’équation d’état a été linéarisée autour de valeurs T0, S0 et que la dépendance en pression n’apparait plus ; si on se réfère à 2.3.16., ceci signifie que l’on traite d’un fluide dont le module d’Young est infini et donc la vitesse du son infinie dans l’hypothèse incompressible : les ondes ajustent « instantanément » les déséquilibres qui leur donnent naissance.

Le cas du fluide homogène sera aussi largement discuté comme introduction au cas stratifié. Alors le modèle d’Euler se réduit à 2.4.1. et 2.4.2. avec ρ = ρ0 comme équation d’état. Mais dans ce cas on peut introduire la variable p* = p + ρgz appellée pression dynamique. La pression totale est la somme de la pression hydrostatique -ρgz et de la pression dynamique p*. Alors 2.4.1. se réécrit :

*pDtVD

!"=# 2.4.6

∇p* est la force nette qui accélère le flot. La gravité a disparu du problème. Elle ne peut revenir que via les conditions aux limites dans le cas d’une surface libre.

(ii) Les conditions aux limites

A une paroi solide le modèle d’Euler requiert l’imperméabilité (le flot ne traverse pas un mur). Si le solide a une vitesse Vs, en tous points du solide on exigera :

(V – Vs)⋅ n = 0 2.4.8

En revanche à la différence du fluide visqueux on n’exigera aucune condition sur la vitesse tangentielle le long de la paroi solide.

A l’interface air-eau la pression est continue. En effet le petit cylindre de contrôle ci-contre voit s’appliquer une pression pA dans l’air et une pression p dans l’eau. Lorsque son épaisseur δh tend vers 0, sa masse tend vers 0. La seule façon d’éviter des accélérations infinies est alors que :

!

limp"h#0

= pA 2.4.7

Il y a une deuxième condition à une surface libre qui est plus délicate à trouver. Quand on observe des vaguelettes à la surface de l’eau, l’eau monte et descend et il y a donc des mouvements verticaux mais la surface ne reste pas non plus horizontale. L’eau ne part pas non plus dans l’air et l’air ne rentre pas dans l’eau. Quelle condition aux limites mettre ici ? Supposons que la surface libre ait pour équation à chaque instant :

F(x,t) = 0

air

eau

pA

p

δh

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Imaginons que cette surface est marquée par un colorant. Ce colorant se déforme dans tous les sens mais en l’absence de diffusion et de mouvements de matière par fragmentation de la surface (bulles d’air dans l’eau ou gouttes d’eau dans l’air), le colorant reste sur la surface. On dit alors que la surface libre est une surface matérielle c'est-à-dire composée des mêmes particules fluides. Quand une particule fluide est en x à t et en x + δx à t + δt mais assujettie sur la surface, on a : F(x,t) = 0

F(x + δx, t + δt) = 0

Pour des δt, δx infinitésimaux un développement limité de Taylor de la 2ème équation fournit :

!

F(x ,t) + "xj #$F$x j

+ "t# $F$t

= 0

Mais si δxj/δt est la composante uj de la vitesse de la particule fluide et après utilisation de la 1ère équation, on trouve qu’à la surface libre on doit avoir :

0DtDF

= 2.4.9

La dérivée matérielle de l’équation de la surface est nulle. Supposons que la surface a pour équation z = η(x,t) où η est la hauteur de la surface libre, la forme F = z - η insérée dans 2.4.9 fournit :

DtD

DtDz !

=

Mais la dérivée matérielle du déplacement vertical z, variable indépendante n’est pas autre chose que la vitesse verticale w, ainsi :

DtDw H!= 2.4.10

où DH/Dt signifie dérivée matérielle en suivant la particule dans son mouvement horizontal. En développant 2.4.10:

y

vx

ut

w!"!

+!"!

+!"!

=

Le premier terme montre qu’une première façon de fabriquer du w est de permettre à la surface de monter et descendre (∂η/∂t). Mais on peut aussi créer du w avec une vitesse horizontale u et une surface qui ne dépend que de x (une vague stationnaire par exemple). Pour rester sur cette surface qui monte, à la vitesse horizontale u est associée une vitesse verticale w égale à u fois la pente (= ∂η/∂x). On peut se demander si comme pour une paroi solide, la vitesse normale à la surface libre est nulle. La normale à la surface ∇F/|∇F| a pour composantes :

( )

)1,,(1

1yx2/12

y2x

+!"!"!+!+

et donc :

!

V" n =1

1+#x2 +#y

2( )1/2($u#x $ v#y +w)

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soit après utilisation de 2.4.10. :

!

V" n =1

1+#x2 +#y

2( )1/2$#$t

Cette expression permet de conclure que la vitesse normale n’est evidemment pas nulle mais est continue à l’interface air-eau:

!

V" n air =V" n eau

Pour résumer pression et vitesse normale sont continus lorsque l’on traverse une surface matérielle que ce soit une surface libre ou une surface intérieure. En revanche les sauts de densité sont évidemment permis.

(iii) Théorème de Bernouilli Supposons une densité constante ρ = ρ0. Il existe une identité qui permet de réécrire

le terme d’advection :

(V⋅∇) V = ξ × V + ½ ∇ |V|2

où ξ = ∇ × V est le vecteur vorticité ∇× … étant l’opérateur rotationnel. De plus g force conservative (par unité de masse) dérive d’un potentiel ψ :

g = - ∇ψ

et si g est uniforme : ψ = gz

Dans ces conditions 2.4.1. se réécrit :

0V2V

gzptV

2

0=!"+

##

$

%

&&

'

(++

)*+

++ 2.4.11

Soit C une courbe quelconque tracée dans le fluide. On projette

2.4.11 sur la courbe et on intègre sur cette ligne d’un point 1 à un point 2 :

!

"V"t# dc

1

2$ +

p%0

+ gz +12V 2&

' (

)

* + 1

2

+ , -V1

2$ # dc = 0 2.4.12

Cette relation permet de trouver plusieurs théorèmes de Bernouilli. Supposons d’abord que l’écoulement soit permanent (stationnaire).

A. Supposons que la courbe C est une ligne de courant. Alors V // dc et ξ × V ⋅ dc ≡ 0. On en déduit que p/ρ0 + gz + ½ |V|2 est invariant le long de C. Mais la quantité conservée peut prend des valeurs différentes sur des lignes de courant différentes.

B. Le résultat est identique à A si la courbe C est une ligne de vorticité. C. Si l’écoulement dépend du temps mais que le fluide est irrotationnel (vorticité

ξ = 0) alors V dérive d’un potentiel φ :

V = ∇φ

Dans ces conditions, 2.4.12 fournit :

V dc

2

1

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22

!

"#"t

+P$0

+ gz +12V 2 = cste

où la constante ne peut dépendre que du temps mais plus de la position.

Sous la forme A, le théorème a beaucoup d’applications pratiques : imaginons le tube de courant d’un écoulement permanent. La masse contenue entre les deux sections de contrôle 1 et 2 ne change pas puisque ρ0 est constant. Donc le flux de masse en 1 est égal au flux de masse en 2 ce qui se réduit à :

SU = cste 2.4.13 où U est la vitesse moyenne dans le tube et S la surface de la section. De même le théorème A fournit :

!

p"0

+ gz +12U2 = cste 2.4.14

Les deux relations 2.4.13 et 2.4.14 permettent de déterminer l’évolution de la vitesse et de la pression le long du tube à partir de sa « géométrie ». Si le tube est un convergent (S ), U augmente et p* diminue. Une particule fluide accélère le long du tube parce que la pression est plus forte en amont qu’en aval (exos).

Si le théorème sous sa forme A permet de prédire ces évolutions le long d’une ligne de courant, peut-on dire quelque chose dans la direction perpendiculaire aux lignes de courant ? Si on observe une courbure locale d’une ligne de courant, alors nécessairement p* varie selon la normale pour créer l’accélération centripète nécessaire. Imaginons un petit tourbillon circulaire de rayon r. Si n pointe dans la direction radiale, alors :

!

"0u2

r=#p*#n

2.4.15

où n*p

!! = ∇p*⋅n et u le module de la vitesse. Ainsi p* diminue-t-il vers le centre du vortex

qui est un lieu de basse pression comparée à l’extérieur. L’équilibre 2.4.15 est appelé équilibre cyclostrophique. Il explique pourquoi la surface libre de l’eau présente toujours un creux (et pas une bosse) au centre d’un vortex créé par une cuillère à café ou une rame.

Dans la direction verticale, on peut supposer que la pression est hydrostatique. La seule façon de créer une basse pression en B est que la hauteur du fluide y soit plus petite. La relation 2.4.15 est utilisée pour relier vent et pression au cœur d’une tornade, vortex isolé de quelques centaines de mètres de rayon. Evidemment la pression est toujours basse au centre du vortex quelque soit le sens de rotation. En effet l’accélération centripète est toujours dirigée vers l’intérieur du vortex.

2 1

BP

surface libre

Vue de côté Vue de dessus

A

B

z

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5. Les équation de Navier Stokes

Un fluide newtonien a été défini en II.1. La contrainte tangentielle (parallèle à la surface) est proportionnelle au cisaillement (la déformation du fluide). C’est une loi de comportement de type Hooke comme pour le ressort avec la force proportionnelle à l’élongation.

(i) introduction

Pour introduire le sujet, supposons un flot unidimensionnel de vitesse u (selon Ox) et qui varie selon Oy uniquement avec ∂u/∂y > 0 pour fixer les idées. Considérons une couche d’épaisseur infinitésimal δy et faisons le bilan des forces tangentielles sur l’élément de volume δv = δxδyδz.

τxy(y+δy) est la force exercée par le fluide « au-dessus » sur le volume hachuré. Le premier indice dit que la force est dans la direction x et le deuxième que la normale à la surface est selon y. La force est positive car le fluide au-dessus va plus vite que le fluide en dessous et donc de la quantité de mouvement est acquise par le fluide en dessous par diffusion moléculaire. C’est inverse à la base de la couche et τxy(y) qui est la force exercée par le fluide en dessous (donc plus lent) sur le fluide hachuré est négative. La force nette est :

[τxy(y+δy) - τxy(y)] δxδz

puisque δxδz est l’aire de la surface sur laquelle s’applique cette force. Mais τxy(y+δy) =

τxy(y) + δy yxy

!

"! au 1er ordre en δy si bien que la force nette est :

!

""y(#xy )$v

Soit encore )(y xy!"" par unité de volume. Une fois de plus on peut transformer le bilan des

forces de surface (appliquées à un volume) en forces de volume au prix d’une différentiation. Supposons que ce soit la seule force et qu’il n’y ait pas de gradient de pression dans la direction x. Alors l’équation du mouvement se réduit à :

!

"0#u#t

=##y($xy )

Dans cette situation, l’équation de continuité impose que u soit indépendant de x et les termes non linéaires (V⋅∇)V sont identiquement nuls. On écrit maintenant la loi de comportement du fluide newtonien :

yu

xy !!

µ="

τxy(y+δy)

τxy(y)

u(y) x

y z

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Pour arriver à l’équation du mouvement :

!

"u"t

= #"2u"y2

2.5.1

où ν = µ/ρ0 est appelée viscosité cinématique. L’équation du mouvement 2.5.1 est tout simplement l’équation de diffusion de la chaleur. La quantité de mouvement diffuse des zones de vitesse élevée vers les zones de basse vitesse, le processus de diffusion tendant à lisser les gradients. Si u varie sur une échelle L, le scaling de 2.5.1 montre que le lissage se fait sur une échelle de temps Td où Td = 0 (L2/ν)

En d’autres termes si à t = 0, u(y) est composé de petites échelles et de grandes échelles, les petites vont disparaître beaucoup plus vite que les grandes :

Quantitativement pour de l’eau avec une valeur de ν = 10-6 m2 s-1 voici quelques temps de diffusion :

L 1 mm 1 m 1 km Td 1" 11 jours 31 siècles

Ceci illustre mieux qu’un long discours que la viscosité agit aux très, très petites échelles. Le tourbillon de la tasse de café va être dissipé en quelques secondes. Un tourbillon océanique de 100 km est effectivement immunisé de la dissipation. Pour qu’il se dissipe, il faudra qu’il commence par se casser pour fabriquer de plus petites échelles où la dissipation pourra agir.

La vitesse entre deux plaques se déplaçant à des vitesses différentes peut être calculée avec 2.5.1 et les conditions aux limites (CL). Celles-ci exigent que le fluide colle à la paroi et supposons comme dans l’expérience de Newton que :

u(0)=0 et u(d) = U Si on cherche la solution equilibre lorsque t tend vers ∞, le régime permanent obéit à :

0yu2

2=

!

!

soit : 1Cyu=

!! et u = C1y + C2

C1 et C2 étant déterminées par les CL :

C2 = 0 et C1 = U/d pour donner : u = U y/d

Ce flot est appelé flot de Couette. Les CL imposent que l’état final n’est pas un état de repos mais un profil linéaire. Car pour un profil linéaire, la tension visqueuse τxy est constante et donc la force nette sur un élément de volume est nulle. La question est évidemment de savoir si cette solution théorique est observée en laboratoire. La réponse est oui si U est assez faible, d assez faible ou ν assez grand. La seule combinaison

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adimensionnelle que l’on peut former avec ces trois paramètres est Re = U d/ν et donc si Re est assez faible tout se passe comme prévu. Si Re dépasse une certaine valeur critique, le flot est instable, des perturbations apparaissent et s’amplifient. Si Re est très grand, l’écoulement est composé de tourbillons de toutes tailles et présente un comportement turbulent : le signal de vitesse est apériodique et possède un spectre large en fréquence et nombre d’onde.

En fait les expériences actuelles sont plutôt faites entre deux cylindres concentriques tournant à des vitesses angulaires différentes car l’expérience est beaucoup plus pratique que celle ci dessus où les effets de bord viennent polluer le cadre souhaité. Ces expériences dites de Taylor-Couette sont largement utilisées encore aujourd’hui pour comprendre la transition vers la turbulence.

(ii) Forme générale du tenseur des contraintes Les forces tangentielles apparaissent dans un fluide s’il y a déformation. C’est le cas

de l’exemple ci-dessus : on colore un petit carré dans le flot de Couette. On va observer cela au fil temps :

1 2 3

Le fluide se déforme continument. Dans ce cas simple la déformation apparaît mesurée par le cisaillement ∂u/∂y. Pour un solide rigide, les seuls mouvements d’un point sont réduits à des translations et des rotations mais la distance entre deux points quelconque reste constante. Dans le sketch ci-dessus, des points se rapprochent, d’autres s’éloignent. Supposons maintenant que l’écoulement du fluide soit justement une rotation solide.

La vitesse azimutale u est proportionnelle à r avec Ω la vitesse angulaire : u = Ωr. Mais si on met un petit rectangle de fluide dans un tel flot il tourne mais ne se déforme pas. On s’attend donc à ce que les forces de frottement soient absentes. Les tourbillons océaniques ont souvent un cœur en rotation solide et qui est justement très persistant donc l’exemple choisi n’est pas si anachronique.

Quelque part il faut donc arriver dans un écoulement quelconque à quantifier rotation et déformation.Pour y arriver on va écrire comment la vitesse du point M varie au voisinage d’un autre point C.

La vitesse de M par rapport à C notée δu s’écrit à un instant t au premier ordre en δx comme :

u

M

C

δx

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!

"ui =#ui#xj

"xj 2.5.2

pour la composante générique ui et avec la convention que l’on somme, l’expression sur les indices j répétés. La quantité ∂ui/∂xj est un tenseur du second ordre que l’on va réécrire en une partie symétrique et une partie antisymétrique :

44 344 2144 344 21

ijij r

i

j

j

i

i

j

j

i

j

i

xu

xu

21

e

xu

xu

21

xu

!!"

#$$%

&

'

'(

'

'+!!"

#$$%

&

'

'+

'

'=

'

'

de sorte que 2.5.2 se réécrit : δui = eij δxj + rij δrj 2.5.3

Notez que compte tenu des symétries et antisymétrie, eij est défini par 6 éléments alors que rij n’est défini que par 3 éléments. De plus ces éléments apparaissent comme les composantes du rotationnel de V. Si on pose ξ = ∇ × V, on peut se convaincre de l’identité :

rij δxj = 21 (ξ × δx)i 2.5.4

où l’indice i signifie la composante i du terme entre parenthèses. Maintenant dans la mécanique du solide, la vitesse d’un point en rotation autour d’un axe donné par Ω s’écrit :

V = Ω × r 2.5.5

où r est le vecteur position entre un point de l’axe de rotation et le point considéré. La similarité entre 2.5.4 et 2.5.5 saute aux yeux pour nous indiquer que ξ /2 capture la rotation solide de M autour de C. Si à l’instant t, on gelait le fluide au voisinage de C, la vitesse de rotation du glaçon serait donnée par la demi-vorticité en ce point. Si rij capture la rotation, le reste ne peut être que de la déformation capturée par le tenseur symétrique eij.

C’est assez facile de voir la déformation si on se place dans le bon repère, ici celui des axes principaux ou axes propres de la matrice eij. Supposons que l’axe principal OX1 (OX2) corresponde à une valeur propre de la matrice eij, soit α > 0 (β < 0).

Le fluide du cercle de rayon ε va se déformer en une ellipse de grand axe allongée selon OX1.

Le point M1 sur le cercle initialement s’éloigne de C selon OX1 à la vitesse relative : δu1 = αε

et la distance CM1 après un temps δt devient :

CM1 = ε(1 + αδt)

Par contraste le point M2 se rapproche de C selon OX2 et :

X1

X2 M2

M1 C

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CM2 = ε(1 + βδt)

Au final les points du cercle évoluent sur une ellipse de demi-grand axe ε(1 + αδt) et de demi-petit axe ε(1 + βδt). L’analyse est évidemment limitée dans le temps puisque l’on a négligé les termes quadratiques dans 2.5.2.

Nous allons nous borner à donner l’expression de la tension visqueuse dans le cas incompressible. Navier et Poisson au début du 19ème siècle ont ainsi généralisé la loi de Hooke-Newton comme : τij = 2µ eij 2.5.6

qui exprime une proportionnalité entre le tenseur des contraintes et le tenseur des déformations. Maintenant la contrainte totale σij est la somme du tenseur « pression » (qui capture les contraintes normales) et du tenseur visqueux (qui capture les contraintes tangentielles) :

σij = -p δij + 2µ eij 2.5.7

où δij est le symbole de Kronecker.

L’équation du mouvement se déduit en faisant comme toujours le bilan des forces et accélérations sur un volume de contrôle :

On écrit que la masse x accélération de tous les volumes matériels contenus dans V est égale à la somme des forces de volume et force de surface Σ . Soit pour la composante i :

!

"DuiDtv### $v = %

A## $a + "g### $v

= &ijnij## $a + "g### $v

='(&ij )'xjv### $v+ "g### $v

où dans la dernière opération l’indice i est fixé. Exactement comme précédemment pour la pression, on a réussi à transformer l’effet des forces de surface en forces de volume. Pour que l’égalité ci-dessus soit indépendante du volume de contrôle, il faut que localement :

ij

iji gxDt

Du!+

"

#"=! 2.5.8

Ces équations dites de Cauchy sont valables de façon très générale. Pour un fluide newtonien on insère maintenant dans 2.5.8 la loi de comportement 2.5.7 pour obtenir après quelques lignes de calcul l’équation de Navier-Stokes :

δa Σ ρδvg n

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VgpDtVD 2!µ+"+#!=" 2.5.9

où l’opérateur ∇2 (écrit aussi Δ) est le laplacien. Comme ce laplacien contient des dérivées secondes de la vitesse, on s’attend à ce que des conditions aux limites supplémentaires soient nécessaires. Bien que l’on ait mis beaucoup de temps à s’en convaincre, la condition aux limites supplémentaire est que la vitesse tangentielle du fluide soit égale à celle de la paroi, une condition de non glissement :

(V – VS) ⋅ t = 0

où t est le vecteur unitaire tangent à la paroi et Vs la vitesse de la paroi. Pour un flot d’échelle de vitesse U et d’échelle L, on peut écrire les ordres de grandeur des termes inertiels et visqueux comme : (V ⋅ ∇)V ν∇2 V

!

U2

L 2L

U!

dont le rapport UL/ν exprime le nombre de Reynolds déjà rencontré. Pour des flots océaniques ce nombre est immense :

Marées côtières Gulf Stream Circulation thermohaline

U 1 m s-1 1 m s-1 1 mm s-1 L 200 km 50 km 1000 km Re 2 1011 5 1010 109

On en conclut qu’à ces échelles, la viscosité du fluide est complètement négligeable et que le modèle d’Euler parait une bonne base de départ. Pour autant on sait que le vent est un des forçages principaux de la circulation océanique. Si on prend comme volume de contrôle un bassin océanique, les seules forces qui peuvent équilibrer le forçage continu du vent sont les forces tangentielles sur les bords. Il n’y en a pas d’autres à notre disposition ! Donc « quelque part » la viscosité du fluide est importante pour l’océan.

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III – Rotation

Les mouvements de grande échelle dans l’océan où l’atmosphère sont sous l’influence directe de la rotation terrestre. Comme on ne se rend guère compte de la rotation dans les mouvements d’objets de la vie quotidienne, la question est évidemment de déterminer les échelles spatiales et temporelles à partir desquelles la rotation commence à compter. Sont-ce les mêmes pour l’océan et pour l’atmosphère ? Ce chapitre donne les modifications à prendre en compte pour inclure cette rotation dans les équations de la mécanique des fluides et discute des conséquences remarquables qui apparaissent lorsque cette rotation domine l’écoulement.

1. Les forces introduites par la rotation

Prenons une particule libre dans un référentiel inertiel. Libre ici veut dire suffisamment loin de toute autre particule. La 1ère loi de Galilée nous dit qu’elle se déplace alors en ligne droite à vitesse constante.

Supposons maintenant un observateur au point O qui est en rotation solide par rapport à ce référentiel inertiel. Quelle est la trajectoire de cette particule vue par cet observateur en rotation ? Supposons que l’axe de rotation soit dans la direction z perpendiculaire au plan de la page. Le système d’axes dans le repère inertiel est Oxy et OXY dans le repère en rotation. Supposons que OX coïncide avec Ox à l’instant t = 0. L’angle θ entre OX et Ox évolue alors comme : θ = Ωt 3.1.1

Le vecteur unitaire I selon OX est soumis à une rotation d’angle θ et il a donc pour composantes dans le repère Oxy :

!!"

#$$%

&

'

'=sincos

I et de même selon OY !!"

#$$%

&

'

'(=

cossin

J

Dans ces conditions le vecteur OP qui détermine la position de la particule a pour coordonnées (x y) dans le repère Oxy et (X Y) dans le repère OXY et peut s’écrire :

OP = X I + Y J L’abscisse de P dans le repère OXY est OH projection de P sur OX et donc :

X = OP ⋅ I

En effectuant le produit scalaire des deux vecteurs OP et I avec leurs composantes dans le repère Oxy, on trouve : X = x cos θ + y sin θ

et

P Y y

X

x

H θ

0

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Y = - x sin θ + y cos θ 3.1.2

avec Y = OP ⋅ J

Si la trajectoire de la particule dans le repère inertiel est x = ut, y = 0, la trajectoire dans le repère en rotation sera d’après 3.1.1. et 3.1.2. : X = ut cos Ωt 3.1.3

Y = - ut sin Ωt

Z = z Comme R = (X2 + Y2)1/2 = ut, l’équation de la trajectoire en coordonnées polaires est

celle d’une spirale, combinaison d’une rotation tournant dans la direction -Ω et d’un

déplacement radial proportionnel au temps. En éliminant t, on trouve !"

#=u

R

C'est-à-dire que lorsque l’observateur tourne dans le sens positif, il voit la particule tourner dans le sens négatif mais c’est logique puisque dans le repère inertiel, elle doit aller tout droit. Le point important est que la trajectoire n’est plus rectiligne dans le repère en rotation. Une particule libre dans le repère inertiel n’est plus libre dans le repère en rotation. Des forces apparaissent dans le repère en rotation pour venir déformer la trajectoire.

Pour trouver ces forces il suffit de déterminer l’accélération dans le repère en rotation en dérivant deux fois le déplacement par rapport au temps4.

(Voir exo)

Une fois que l’on a compris la nécessité de ces forces, il est plus rapide de procéder

vectoriellement. Le point P est localisé dans le repère en rotation OXYZ et au point O,

4 Implicitement nous supposons que l’échelle de temps est la même dans les deux référentiels. Ceci est justifié car la vitesse d’un point sur la terre est certes grande mais très inférieure à la vitesse de la lumière.

P

Y

X

Ω

r R

0

Z

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l’observateur (en rotation autour d’un axe indiqué par le vecteur rotation Ω) observe le déplacement du point P. Le vecteur OP est donné par :

OP = X I + Y J + Z K 3.1.4

Le taux de changement de OP en fonction du temps, dans le repère inertiel est dtdOP . En dérivant 3.1.4 par rapport au temps :

dtKdZ

dtJdY

dtIdXK

dtdZJ

dtdYI

dtdX

dtd

+++++=OP 3.1.5

Les trois premiers termes représentent le changement mesuré par l’observateur en rotation mais il y a des termes supplémentaires car le repère lui-même n’est pas fixe et donc les vecteurs unitaires I, J, K tournent autour de l’axe Ω . La dérivée d’un vecteur a en rotation solide autour d’un axe Ω est simplement5 :

!

dadt

="# a

En utilisant cette relation dans 3.1.5 on trouve :

!

dOPdt

"

# $

%

& ' I

=dOPdt

"

# $

%

& ' R

+()OP 3.1.6

Supposons que OP dénote la position r d’un élément de fluide par rapport à O, 3.1.6 devient :

VI = VR + Ω × r 3.1.7

reliant VI vitesse mesurée dans le repère inertiel et VR vitesse mesurée dans le repère en rotation. Supposons maintenant que l’on applique 3.1.6 à VI ( plutôt que OP):

!

dVIdt

"

# $

%

& '

I=

dVIdt

"

# $

%

& '

R+() VI

Après utilisation de 3.1.7 on trouve :

!

VIdt"

# $

%

& '

I=

dVRdt

"

# $

%

& '

R+ 2() VR +()( ) r 3.1.8

L’equation 3.1.8. est l’expression générale souhaitée qui montre que les accélérations mesurées dans un repère inertiel et dans un repère en rotation diffèrent d’un terme 2Ω × VR appelée accélération de Coriolis et d’un terme Ω × Ω × r. Ce dernier terme se reconnaît comme une accélération centripète (dirigée vers le centre de la trajectoire) quand on voit qu’on peut le réécrire :

Ω × Ω × r = -Ω2 R

où R est la projection de r sur la perpendiculaire à Ω (et donc R est la distance de la particule à l’axe de rotation). Supposons que vous soyez immobile sur la terre (VR = 0). Comme vous tournez, il existe une accélération centripète dirigée vers l’axe de rotation.

5 En écrivant les composantes de cette relation on retrouvera facilement que le mouvement décrit par a est une rotation dans le plan ⊥ à Ω .

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L’équation de Navier Stokes exprime la 2ème loi de Newton dans un repère inertiel. Dans un repère terrestre il faut rajouter à l’accélération mesurée dans ce repère « les corrections » 3.1.8. L’équation 2.5.9 devient :

!

"dVdt

+ 2#$ V%

& '

(

) * = +,p +"g +"#2R + µ,2V 3.1.9

où V est maintenant la vitesse mesurée dans le repère en rotation. On peut se demander s’il y a aussi des corrections à apporter dans l’équation de continuité. Il n’y en a pas car une rotation solide est « un écoulement » non divergent. En revanche le fait que la rotation solide soit un écoulement à « vorticité » va être la cause d’une nouvelle mécanique des fluides. Pour résumer les forces introduites par la rotation dans 3.1.9 sont la force de Coriolis - ρ 2 Ω × V et la force centrifuge ρ Ω2 R par unité de volume.

2. Statique des fluides en rotation – Forme de la terre

Supposons que vous lisiez ce cours debout sans bouger sur une surface horizontale. A 45° N vous tournez dans l’espace à la vitesse tangentielle u = ΩR où R = Rterre × cos (latitude) ∼ 328 m s-1 avec RT = 6370 km et Ω = 7.292 10-5 s-1.

A B

A cette vitesse u est associée une accélération centripète

!

u2 R ="2R ∼ 0,017 ms-2 et cette accélération centripète demande une force pour la produire. Dans le dessin ci-dessus en A, la réaction du sol est verticale, égale et opposée au vecteur gravité qui passe par le centre de la terre. Si N + mg = 0, il n’y a aucune force pour induire l’accélération centripète ci-dessus. En son absence vous allez décoller dans l’espace à 328 m s-1. La seule façon de sortir de ce paradoxe est que le sol n’est pas horizontal. En B la réaction N n’est plus le long de g car la pente du sol remonte à droite. C’est l’angle entre le poids mg et N qui permet l’apparition de l’accélération centripète u2/R dirigée vers l’axe de rotation :

- Ω2R = g + N/m

En projetant dans la direction e perpendiculaire à g :

- Ω2R sin(lat) = Ne/m

On voit que Ne/m ∼ 0,012 ms-2 ∼ 1.2 10-3 g. Ainsi une toute petite force de l’ordre du millième de g est elle suffisante pour créer l’accélération centripète nécessaire pour pouvoir rester sur terre. Aussi petite soit-elle, elle implique une déformation de la terre. La terre en rotation s’est déformée sur des millions d’années de façon qu’en chaque point, une masse au repos soit en équilibre sous l’effet des forces de contact de ses voisines, de la gravité et de la force centrifuge (+ mΩ2R). La recherche de la forme de la terre a fait l’objet de travaux intenses depuis Newton compte tenu de son importance pour la navigation maritime. La terre prend

N mg

N

mg

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une forme aplatie aux pôles et renflée à l’équateur et la différence des rayons polaires et équatoriaux atteint 21 km (vérifier).

La même physique doit agir pour un fluide comme l’océan. On va imaginer une situation où la forme de l’océan au repos se détermine facilement. Supposons un globe terrestre recouvert d’une fine pellicule d’océan au repos. Si V = 0, l’équation 3.1.9 requiert :

O = - ∇p + ρg + ρΩ2R 3.1.10

où ρ est pris ici constant pour simplifier. D’autre part la couche est fine, la terre est homogène et ainsi le vecteur g est radial et de module constant. Les forces de gravité et centrifuge sont des forces conservatives et elles dérivent donc d’un potentiel. On peut écrire :

g = - ∇(gr)

où r est le vecteur radial. et donc : g + Ω2R = - ∇φ 3.1.11

où le potentiel combiné φ = gr – ½ Ω2R2. La relation 3.1.10 implique alors que la quantité :

p + ρφ = cste

La forme de la surface libre p = cste doit coïncider avec le potentiel φ. La symétrie sphérique est perdue et la forme est illustrée dans la figure suivante où en chaque point les trois forces présentes dans 3.1.10 sont équilibrées. Le potentiel φ qui combine la gravité et l’effet de la rotation s’appelle le géo-potentiel. La normale aux surfaces équipotentielles définit la verticale locale du fil à plomb et la gravité effective ge qui n’est autre que ge = g + Ω2R. Dans ce modèle très simple la différence entre rayon équatorial et rayon polaire vaut

!

12"2rT

2

g ∼ 11 km soit à peu près la moitié de la valeur réelle. A cause de la distribution

inhomogène des masses à l’intérieur de la terre, la surface de l’océan possède en réalité des creux et des bosses pouvant atteindre la centaine de mètres sur des échelles spatiales beaucoup plus petites que le rayon de la terre. La détermination précise de cette topographie de la surface de l’océan fait encore l’objet d’études intenses. En effet c’est l’écart entre la surface instantanée de l’océan et le géopotentiel de cette forme au repos qui est la source des gradients de pression et donc des accélérations.

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3. Accélération de Coriolis

Le deuxième terme qui apparaît lorsque la dynamique est analysée à partir d’un référentiel en rotation est l’accélération 2Ω × V appelée accélération de Coriolis bien que Laplace l’ait identifiée un siècle plus tôt dans le cadre de sa théorie des Marées. Pour savoir quand le terme est important, comparons-le à l’accélération classique à travers le scaling d’un écoulement d’échelle spatiale L et de vitesse U :

DtDV 2Ω × U

LU2 2ΩU

L2U!

1

Ainsi on peut penser que le terme de Coriolis va dominer la dynamique si le nombre

de Rossby ε = L2U!

est très petit devant 1. Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs du

nombre de Rossby (en prenant 2Ω = 10-4 s-1).

U (ms-1) L ε

Vidange de votre baignoire 0,1 0,5 m 2 105

Aile d’avion 100 10 m 105

Tornade atmosphérique 50 500 m 103 Nuages 10 1-30 km 102-3 Dépressions latitudes tempérées 10 500 km 0,2 Tourbillons océaniques, Gulf Stream 0,5 50 km 0,1 Circulation océanique intérieure 10-2 500 km 2 10-4

Pour des flots d’échelle inférieure au km, on conclut que le terme de Coriolis est probablement négligeable mais qu’il devient dominant pour des échelles de 50 km dans l’océan ou de 500 km dans l’atmosphère.

Examinons les conséquences d’un nombre de Rossby très petit. Appliquons une force F sur le fluide, alors : ρ 2Ω × V = F

Si Ω pointe vers le lecteur, la force F génère un écoulement de vitesse V perpendiculaire à F et Ω et sur la droite de F. Dans la figure de droite on a fait passer le terme de Coriolis du côté des forces. La force de Coriolis agit alors sur la droite de la vitesse V et vient équilibrer la force F. Ceci apparaît consistent avec la déviation sur la droite notée dans l’introduction. Quelques propriétés de la force de Coriolis sont utiles à noter :

Ω

ρ2Ω × V F

F

-ρ2Ω × V V V

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(i) La force de Coriolis est indépendante de l’échelle spatiale. Qu’un écoulement, disons de 1 m s-1, se forme à l’échelle du m ou de 100 km, la force de Coriolis est toujours la même. Ce qui change c’est l’accélération relative DV/Dt qui diminue comme 1/L quand L augmente permettant à la force de Coriolis de dominer quand L est suffisamment grand.

(ii) Comme la force de Coriolis est perpendiculaire à V, aucun travail ne lui est associé. Formellement le produit mixte V ⋅ (2Ω × V) est nul.

(iii) La force de Coriolis n’agit que sur les vitesses qui sont dans le plan perpendiculaire à Ω . Et dans ce plan elle vient coupler les équations selon les deux directions de ce plan.

(iv) Visiblement la distance à l’axe de rotation n’a pas d’importance. Celle-ci n’intervient que dans le terme centripète - Ω2R discuté précédemment.

4. Le théorème de Taylor-Proudmann-Poincaré

La singularité des effets de la rotation apparaît lorsqu’on examine les conséquences des accélérations de Coriolis lorsque celles-ci dominent tout un écoulement. Prenons l’axe Oz parallèle à Ω.

Avec le potentiel φ qui inclut les termes de gravité et centrifuge via 3.1.11, les équations du mouvement s’écrivent dans ce repère:

!

"2#$v = "%p%x

" $%&%x

(a)

+2#$u = "%p%y

" $%&%y

(b)

0 = "%p%z

" $%&%z

(c)

%u%x

+%v%y

+%w%z

= 0 (d)

'

(

) ) ) )

*

) ) ) )

3.4.1

Supposons maintenant que la masse volumique soit constante (ou que ses variations soient négligeables). On peut alors éliminer p et φ entre 3.5.1 (a) et (b) en prenant les dérivées croisées pour obtenir :

0yv

xu2 =!!

"

#$$%

&

''

+''

( 3.4.2

De même en éliminant p et φ entre 3.4.1 (a) ou 3.4.1 (b) et 3.4.1 (c) on obtient :

!

2"#u#z

= 2"#v#z

= 0 3.4.3

Et si finalement on combine 3.4.2 et 3.4.1(d), on trouve :

0zw2 =!!

" 3.4.4

zT

zB

z

y x

Ω

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Ainsi 3.4.3 et 3.4.4 nous disent-ils que ∂V/∂z = 0 et que donc la vitesse V est invariante le long de l’axe de rotation Ω . Ce résultat constitue le théorème de Taylor-Proudman-Poincaré (TPP). Rien ne dit qu’un tel écoulement puisse exister puisque les conditions aux limites en particulier n’ont pas été considérées mais force est de constater que le résultat est assez surprenant. Il vient du fait que l’accélération de Coriolis 2Ω × V est forcée par un gradient. En effet les forces qui apparaissent dans 3.4.1 peuvent-elles être réécrites comme : - ∇(p + ρ φ)

L’opération d’élimination des termes p et φ revient à prendre le rotationnel des équations du mouvement et on sait que le rotationnel d’un gradient est nul. Les forces qui s’écrivent ainsi sont appellées conservatives et les forces de pression, de gravité et centrifuge sont conservatives. Il n’y a aucune force pour mettre de la vorticité dans le fluide. Evidemment les forces liées à la viscosité du fluide sont non conservatives. De façon plus significative encore, on verra que lorsque la masse volumique varie spatialement, les forces de gravité ne sont plus conservatives. Ces deux forces induiront de la vorticité. Par contre si on prend le rotationnel du terme de Coriolis on trouve :

∇x(2Ω × V) = (2Ω ⋅∇) V 3.4.5

Ce terme (2Ω ⋅∇) V est nul si les forces sont conservatives et signifie que V ne varie pas le long du vecteur Ω en accord avec 3.4.3 et 3.4.4. Vouloir insister sur le fait que les accélérations de Coriolis dérivent d’un potentiel conduit à cette conséquence très particulière. Pour voir si un tel flot est possible, il faut considérer maintenant les conditions aux limites dans la direction Oz. On va prendre un fluide contenu entre deux surfaces d’équation z = zT(x,y) et z = zB(x,y). La condition de vitesse normale nulle sur ces deux surfaces implique :

!"#

$%=

$%=

BBB

TTT

zwzw

uu

3.4.6

où uT et uB sont les vitesses dans le plan Oxy perpendiculaire à Ω . Si on insiste pour satisfaire 3.4.3 et 3.4.4 partout sur la colonne entre z = zT et z = zB, on voit avoir :

!

u " #h = 0 3.4.7

où u la vitesse au point x,y est indépendante de z et h est la hauteur du fluide h = zT – zB, mesurée non pas dans la direction de la gravité mais dans la direction Ω . La gravité dans ce problème n’a plus aucune influence sous l’écoulement. Celui-ci est sous le contrôle total de la rotation. Y-a-il des écoulements possibles satisfaisant 3.4.7 ? Oui il suffit que h ne varie pas sur une ligne de courant dans le plan perpendiculaire à Ω . En d’autres termes, le flot est astreint à suivre les contours d’égale épaisseur, épaisseur mesurée dans la direction de Ω .

Les vitesses sont permises mais à cause de 3.4.2 le flot est non divergent dans le plan perpendiculaire à Ω et donc les vitesses verticales doivent être les mêmes le long de Ω . On peut introduire une fonction courant :

u = - ∂yψ

v = ∂xψ

et en reportant dans 3.4.7 on obtient :

J(ψ,h) = 0 3.4.8

où le jacobien J (ψ,h) = ∂x ψ ∂yh - ∂yψ ∂xh.

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Pour que ce jacobien soit nul, il faut que ψ et h soient reliés fonctionnellement ψ = F(h) ce qui est une autre façon de dire que lignes de courant (ψ = cste) et épaisseur topographique (h = cste) sont confondues. Si la circulation océanique obéissait à 3.4.8, il suffirait de visualiser les cartes d’égale épaisseur pour connaître la direction de la circulation mais son intensité resterait indéterminée. Il existe de nombreuses raisons qui invalident les applications directes de 3.4.8 à la circulation océanique. Listons en quelques unes :

(i) Le nombre de Rossby ε est certes petit mais pas zéro.

(ii) Pour un fluide visqueux, la vitesse tangentielle est nulle aux parois zT ou zB.

(iii) L’océan est stratifié en densité et donc l’accélération de Coriolis n’est pas un gradient.

(iv) Les contours h = cste peuvent intersecter des murs puisque l’océan est contenu dans un bocal (à la différence de l’atmosphère).

Une grande partie de ce cours est dévolu à la relaxation de ces hypothèses. L’abandon de (i) conduira à la théorie quasi-géostrophique, (ii) aux forçages et à la dissipation par la théorie d’Ekman, (iii) nous conduira à la reconstitution de la circulation océanique à partir des données observées de température et salinité (et donc de ρ) et (iv) à l’intensification à l’Ouest de la circulation océanique.

Le succès populaire du théorème TPP et de sa conséquence 3.4.7 (ou 3.4.8) vient de l’expérience de Taylor. Après avoir amené un bocal d’eau en rotation solide à la vitesse angulaire Ω, Taylor eut l’idée de tirer doucement un obstacle sur le fond du bocal. Si l’obstacle est une demi-sphère, l’échelle de longueur L est son rayon il faut choisir U et Ω tel que U/2ΩL << 1. La figure ci-dessous montre le résultat. En vue de dessus le fluide incident refuse de monter sur l’obstacle et tourne autour. En vue de côté le fluide se déplace sous forme de colonnes alignées le long de Ω. Ces deux résultats montrent que le sillage est bidimensionnel et ne varie que dans le plan perpendiculaire à Ω . Evidemment le flot sur une demi-sphère en régime laminaire (ou turbulent) lorsque Ω = 0 n’a que peu de choses à voir avec le résultat de l’expérience de Taylor. Celle ci a donné l’idée essentielle que la rotation rapide d’un écoulement rigidifie le fluide dans la direction Ω et donc de fait supprime une dimension. On parle de bi-dimensionalisation par la rotation. L’expérience de Taylor illustre particulièrement le fait que des fluides « épais » dans la direction Ω peuvent être di-dimensionnels.

Un flot qui obéit aux équations 3.4.1 est appelée géostrophique ou encore balancé (balanced). Il se trouve que dans le contexte océan-atmosphère aux latitudes moyennes avec une stratification en densité, les écoulements de grande échelle sont effectivement balancés car le nombre de Rossby est suffisamment petit. Cette situation remarquable est la pierre angulaire qui a permis le démarrage de la dynamique océanique et atmosphérique. On verra plus loin comment les équations 3.4.1 permettent d’inférer le champ de vitesse à partir d’observations de pression et de masse volumique dans l’océan ou l’atmosphère.

5. Approximations et équations du mouvement sur la sphère

La géostrophie a été utilisée en Météorologie dès le XIXème siècle pour déduire le vent de la pression barométrique au sol et en océanographie au début du XXème siècle lors des premières expéditions du METEOR dans l’Atlantique. Les observations utilisent l’axe de la verticale locale pour « sonder » l’atmosphère ou l’océan car lorsqu’on descend un instrument, celui emporté par son poids suit cette verticale, et on obtient des profils verticaux de p, T, etc… en fonction de la profondeur. C’est évidemment la même chose avec un ballon sonde.

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Plutôt que le repère précédent on est ainsi amené à choisir les coordonnées sphériques avec un axe radial vertical vers le haut et la latitude θ et longitude φ :

La position d’un point P est déterminée par le triplet (φ, θ, r) où l’angle φ (longitude) est mesuré positivement vers l’est par rapport au méridien de Greenwich (G sur la figure) et la latitude θ est l’angle entre OH et OP où H est la projection de P sur le plan équatorial. Les vitesses respectivement zonales, méridiennes et verticales du point P sont définies par :

u = r cos θ !&

v = r !&

w = r&

Dans cette représentation, la direction verticale est la verticale locale du fil à plomb c'est-à-dire la gravité effective du paragraphe 2. On sait maintenant que la terre n’est pas une

sphère mais l’ellipticité (

!

rayon équatorial - rayon polairerayon moyen

) est très petite et on supposera une

terre sphérique. Traduire l’équilibre géostrophique dans ce repère sphérique revient à trouver les composantes de :

2Ω × ρv = -∇p + ρg 3.5.1.

Compte tenu des applications pratiques à développer, on va permettre la variation de ρ et en explorer les conséquences. En projetant 3.5.1 sur les vecteurs unitaires I, J, K dirigés respectivement vers l’est, le nord et le haut, on obtient :

!

"2#sin$v + 2#cos$w = "1

%r cos$&'p (a)

+2#sin$u = "1%(&$p (b)

"2#cos$u = "1%&rp (c)

3.5.2

Les équations 3.5.2 semblent plus compliquées que les équations 3.4.1 mais pourtant elles traduisent exactement la même physique ! Seuls les axes sont différents.

Pour progresser dans la détermination des vitesses à partir de distributions observées de ρ en fonction de p, il est nécessaire d’opérer une approximation et une transformation dans 3.5.2.

(i) L’approximation traditionnelle L’ approximation couramment faite dans la plupart des modèles de circulation

générale atmosphérique ou océanique consiste à négliger les termes de Coriolis en 2Ωcosθ

G

Ω r

θ

φ

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qui apparaissent 3.5.2 (a) et (c). L’origine de l’approximation procède de la reconnaissance que océan et atmosphère sont des couches minces de très faible profondeur quand on les compare à l’échelle horizontale des mouvements qui nous intéressent. De plus les dimensions du domaine occupé sont typiquement de l’ordre du rayon de la terre a. La profondeur h pour l’océan (atmosphère) est de 4 (10 km) est telle que le rapport d’aspect des containers h/a << 1. Pour les mouvements d’échelle horizontale L dont le rapport d’aspect h/L reste aussi << 1, l’équation de continuité suggère que les vitesses horizontales U et les vitesses verticales W obéissent à : WL = Uh

impliquant W/U = h/L << 1 On s’attend donc à ce que pour les mouvements de grande échelle, les vitesses verticales soient très faibles par rapport aux vitesses horizontales6. Dans ce cas, le terme de Coriolis en 2 Ω cos θ dans 3.5.2(a) est négligeable si :

W/U << tan θ

soit donc h/L << tan θ

Aux latitudes dites moyennes pour lesquelles tan θ est O(1) l’exigence ci-dessus est donc remplie. Un problème peut éventuellement se poser au voisinage de l’équateur lorsque tan θ << 1. Si on exclut cette zone équatoriale, l’approximation de couches minces permet donc de négliger le terme en 2Ωcosθ w dans 3.5.2(a). Si on ne fait que cela, on s’aperçoit qu’un travail va être associé à la force de Coriolis et qu’une source d’énergie cinétique va apparaître. Pour préserver la conservation de l’énergie (un des principes fondateurs de toute la physique), il faut donc aussi négliger le terme 2Ωcosθ u dans 3.5.2(c). Ces deux approximations reviennent de fait à négliger l’effet de la composante horizontale Ωcosθ du vecteur rotation Ω . Seule la composante verticale Ωsinθ, projection de Ω sur g reste significative. La géostrophie traditionnelle consiste ainsi à réécrire 3.5.2 sous la forme :

!

"fv = "1

#acos$%&p (a)

fu = "1#a%&p (b)

0 = "1#%zp " g (c)

3.5.3

Le paramètre f = 2Ωsinθ est appelé paramètre de Coriolis. Une approximation supplémentaire a été faite dans 3.5.3. La coordonnée radiale r a d’abord été écrite : r = a + z où a est le rayon moyen de la terre. Mais comme l’échelle verticale h << a on peut remplacer r par la constante a dans 3.5.3 (a) et (b). C’est un fait remarquable que les mouvements énergétiques de grande échelle dans l’océan et l’atmosphère soient très proches de cet équilibre géostrophique et hydrostatique. L’équilibre n’est pas satisfait exactement car sinon aucune évolution temporelle ne serait possible mais il est satisfait à une approximation suffisamment bonne pour dire des choses sur les vitesses à partir des observations de pression

6 Les marées océaniques par exemple satisfont à ce critère : elles ont des longueurs d’onde immenses imposées par le forçage gravitationnel mais la surface libre bouge très peu, quelques cm en plein océan, quelques m dans les régions côtières.

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et de densité. On verra plus loin qu’il existe des mécanismes dynamiques très efficaces pour ramener un système déséquilibré vers cet équilibre.

(ii) Sphère, plan f, et plan β

La discussion précédente montre l’importance pour les fluides minces de la composante verticale de la rotation Ω sin (latitude). Sous l’approximation traditionnelle, les équations du mouvement en coordonnées sphériques s’écrivent :

!

Dtu +uvtan"a

# fv = #1$a%&p (a)

Dtv +u2

atan"+

vwa

+ fu = #1$a%"p (b)

Dtw #(u2 + v2)

a= #

1$%zp # g (c)

1acos"

%&u +1

acos"%"(vcos") +%zw = 0 (d)

3.5.4

avec l’opérateur dérivée matérielle :

ztt wav

cosauD !+!+!"

+!= "# (e)

On s’aperçoit de l’apparition d’un certain nombre de termes quadratiques dans l’expression de l’accélération. Ce sont des termes dits métriques qui apparaissent car le repère local I, J, K varie dans l’espace lorsqu’on est sur la sphère7. Comparons deux termes dans

3.5.4(a) à savoir !"

"uav et

atanuv ! . Le rapport du deuxième au premier est O(tan θ L/a) si u

et v ont la même échelle U et L est l’échelle spatiale de l’écoulement. On peut faire la même chose pour tous les termes de 3.5.4 (a), (b) et (c) pour conclure que les termes métriques sont O (L/a) par rapport aux termes d’advection présents dans la dérivée matérielle de V. Pour des flots de petite échelle par rapport au rayon de la terre, on pourra donc les négliger. Ceci a conduit à introduire le plan tangent à la sphère dit plan β pour étudier des écoulements d’échelle « suffisamment petite » par rapport au rayon de la terre.

7 Ces termes sont très familiers en mécanique classique : quand on cherche l’accélération normale à la trajectoire d’une particule, celle-ci s’exprime comme u2 /r où u est la vitesse le long de la trajectoire et r le rayon de courbure.

y (Nord)

x (Est) O

θ0

z

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A la latitude θ0, les mouvements sont analysés sur le plan tangent à la sphère. Le repère est maintenant cartésien avec Ox vers l’Est, Oy vers le Nord et Oz vers le haut. Les coordonnées cartésiennes sont liées aux coordonnées sphériques par :

x = a cos θ0 (φ - φ0) y = a (θ - θ0)

Dans ce repère cartésien les équations 3.5.4 deviennent :

!

Dtu " fv = "1#$xp (a)

Dtv + fu = "1#$yp (b)

Dtw = "1#$zp " g (c)

$xu + $yv + $zw = 0 (d)

3.5.5

Il reste le paramètre de Coriolis f qui est la seule réminiscence de la sphère dans les

équations 3.5.5. Pour exprimer f en fonction de y on écrit : sin θ = sin (θ0 + δθ) = sin θ0 cos δθ + cos θ0 sin δθ 3.5.6

où δθ est relié à y sur le plan tangent par :

y = a tan δθ

Mais le régime choisi est justement celui où les échelles spatiales sont très petites par rapport à a. Donc δθ est lui aussi O(L/a) et donc :

δθ ≈ y/a

En faisant le développement limité de 3.5.6, au premier ordre en δθ, le paramètre de Coriolis devient :

f ≈ f0 + βy 3.5.7

où f0 = 2Ω sin θ0 et β = acos2 0!" .

L’expression 3.5.7 vient compléter l’approximation du plan tangent dans les équations cartésiennes 3.5.5. Lorsque 3.5.7 est utilisé, on dit que l’on travaille sur un plan β. Si les excursions méridiennes sont telles que βL/f0 = L/a tan θ0 est négligeable, le paramètre de Coriolis est constant et on dit que l’on travaille sur un plan f. Toute référence à « la forme quasi-sphérique de la terre » est alors perdue.

6. Applications pratiques de la géostrophie

(i) La coordonnée pression

Si l’équilibre hydrostatique prévaut, la pression augmente de façon monotone avec z car ρ augmente de façon monotone avec z. La variable pression pourrait donc être utilisée à la place de z pour reperer la position sur la verticale. Puisque g dénote maintenant la gravité effective dirigée selon Oz , le géopotentiel φ s’écrit:

dφ = g dz 3.6.1

On peut éliminer z au profit de φ dans l’hydrostatique 3.5.3(c) :

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dφ = - !dp 3.6.2

Si on possède un profil de ρ en fonction de la pression8, on peut intégrer 3.6.2 entre deux pressions p1 et p2 :

! "=#$#

2

1

p

p21

dp)p()p( 3.6.3

On utilise souvent par commodité la hauteur géopotentielle ou hauteur dynamique la quantité : D = φ/g0

où g0 = 9.80665 est la gravité moyenne à la surface de la terre. Compte tenu des variations de g qui sont faibles, D est par construction proche de la hauteur géométrique z. Supposons que l’isobare p2 soit horizontal. Dans une zone chaude, 1/ρ va être grand et donc la hauteur de l’isobare p1 va être élevée. C’est le contraire dans une zone froide.

Un volume de fluide contenu entre deux surfaces isobares données est ainsi d’autant plus grand (petit) que le fluide est chaud (froid).

Si on maintenant connaît la hauteur d’une surface isobare, comment en déduire les vitesses via 3.5.3(a) et (b) qui dépendent de ∇Hp/ρ. ie. dérivées de p par rapport à z ? Pour simplifier la présentation, on va se placer sur un plan β et utiliser les coordonnées cartésiennes x et y définies précédemment. La surface isobare est défini par p(x,y,z) = cste. Pour des déplacements infinitésimaux δx, δz on peut écrire :

δp = ∂xp δx + ∂z p δz

Mais par définition δp = 0 sur la surface. Ceci permet d’écrire que la pente de la surface dans la direction x est :

!

"z"x#

$ % p

= &"xp "zp

Ceci peut se réécrire avec l’aide de l’hydrostatique 3.5.3c :

!

"g#z#x$

% &

'

( ) p

= +#xp

ou après usage de 3.6.1 : pz

x xp1

!"!

=!#

8 Les mesures fournissent généralement la température et la pression p qui est beaucoup plus facile à mesurer qu’une hauteur dans l’océan. Ainsi raisonner avec la pression parait beaucoup plus approprié.

chaud froid

φ(p1)

φ(p2)

φ(p1)

φ(p2)

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et avec l’expression analogue en y. Ainsi si on connaît la position φ des surface isobares, le terme de droite dans 3.5.3 (a) et (b) est-il connu et donc les vitesses u et v, dites vitesses géostrophiques :

!

"fv = "#$#x p

(a)

+fu = "#$#y p

(b)

#$#p

= "1%

(c)

3.6.4

Les équations 3.6.4 fournissent un cadre théorique pour reconstruire les vitesses dans l’océan et l’atmosphère. Mais il y a une différence pratique très importante pourtant car la pression est directement observée dans l’atmosphère alors que c’est quasiment impossible dans l’océan. On reconstruit le profil vertical de ρ en fonction de la pression à partir des observations de T et S en profondeur et on calcule le terme de droite de 3.6.4 (c) , puis on intègre en fonction de p :

!

"(p2) = "(p1) +dp#p1

p2$ 3.6.5

mais pour connaître φ partout on a besoin de connaître φ(p1) quelque part dans la colonne d’eau. C’est très difficile de mesurer la pression dynamique p au fond de l’océan car on cherche un signal équivalent en hauteur d’eau qui est O(1 cm) avec 4000 m d’eau au-dessus soit une précision 2.5 10-6. On pourrait se dire que la surface libre est connue mais non : le géopotentiel φ de la surface libre n’est pas déterminé. Un altimètre embarqué sur un satellite fait une mesure de distance entre le satellite et la surface libre alors qu’on cherche une pression cad une force par unité de surface. Le baromètre est en usage courant depuis 2 siècles pour mesurer la pression au sol et la relation 3.6.5 ci dessus permet de déterminer à partir du géopotentiel au sol, le géopotentiel en altitude si la distribution verticale de température est connue. Les cartes de géopotentiel dans l’atmosphère fournissent alors directement les vitesses géostrophiques.

Illustration

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(ii) Le vent thermique

Le fait que l’ équation 3.6.5 ne détermine pas la circulation géostrophique de l’océan peut être vue d’une autre façon. Lorsqu’on dérive 3.6.4 (a) et (b) par rapport à p et que l’on utilise 3.6.4 (c) pour éliminer φ, on obtient:

!

"f#v#p

=#$"1

#xp

(a)

"f #u#p

=#$"1

#yp

(b)

3.6.6

L’équation 3.6.6 appelée équation du vent thermique montre clairement que l’observation des gradients de densité dans l’océan ne peut fournir que les cisaillements verticaux ∂u/∂p. Pour connaître u, il faut intégrer les équations du vent thermique à partir d’un niveau de référence où u est connu.

Le cas atmosphérique L’équation d’état du gaz parfait permet de faire apparaître les gradients de

température dans 3.6.6. Comme p/ρ = RT :

!

""x#$1

p=Rp"T"x p

et

!

"f#v#lnp

= R#xT p (a)

+f #u#lnp

= R#yT p (b) 3.6.7

On voit clairement apparaître sous cette forme que les gradients de température sont associés géostrophiquement à un cisaillement du vent sur la verticale. Pour relier le vent à une pression p1 à celui à une pression p2, on intègre par exemple 3.6.7b :

[ ] npdTy

R)p(u)p(uf2

1

p

p12 l!"

"=#

Définissons la valeur moyenne de < T > sur la verticale comme:

!

< T > =

Tp1

p2" d lnp

Tp1

p2" d ln p2

p1

Ainsi :

!

u(p2) = u(p1) "Rfln p1p2#y < T > 3.6.8

C’est au dernier terme de 3.6.8 que l’on doit le nom de vent thermique que l’on peut définir :

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45

!

uth = "Rflnp1p2#y < T >

vth = +Rfln p1p2#x < T >

3.6.9

Si p1 est par exemple la pression au sol et p2 la pression en altitude (p1 > p2), 3.6.9 montre que le vent thermique suit les isothermes < T > en gardant l’air chaud sur sa droite dans l’hémisphère Nord (f > 0). Sur la figure ci-dessus, le vent en altitude u(p2) est la somme vectorielle du vent au sol u(p1) et du vent thermique uth⋅ Si la distribution du géopotentiel (isobare) est connue au sol, alors elle est aussi connue en altitude :

Ainsi lorsqu’il existe des gradients horizontaux de température, le vent en altitude diffère beaucoup du vent au sol. Dans l’exemple choisi, le vent au sol advecte de l’air froid, alors qu’en altitude il advecte de l’air chaud.

Le cas océanique Dans ce cas, 3.6.6 peut se simplifier un peu car comme on l’a déjà vu les variations

relatives de masse volumique sont très faibles O (10-3). Du coup on garde les variations de ρ dans l’hydrostatique 3.5.3(c) puisque le terme de gravité est fondamental mais on les néglige dans les équations horizontales 3.5.3 (a) et (b). On appelle cela l’approximation de Boussinesq. En dérivant 3.5.3 (a) par rapport à z et en éliminant p avec 3.5.3 (c) on trouve (en utilisant le repère cartésien local) :

Froid

Chaud

O ΔT 2ΔT

uth u(p2)

u(p1)

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!

"f #v#z

=g$0

#$#x z

(a)

+f#u#z

= "g$0

#$#y z

(b)

3.6.10

Les équations 3.6.10 sont à comparer aux équations exactes 3.6.5. Si on utilise l’hydrostatique pour relier pression et altitude z à densité constante ρ0, on a dp = - ρ0 g dz. On peut alors réécrire le cisaillement dans 3.6.8 :

pv!

! ∼ zv

g1

0 !

!

"# 3.6.11

Evidemment les surfaces isobares ont des pentes très faibles dans l’océan, les variations de la surface libre sont de l’ordre du mètre et diminuent en général avec la profondeur. On conçoit donc que dériver ρ par rapport à x à p constant ou à z constant n’ait pas beaucoup de conséquences. Faisant cette identification et introduisant 3.6.11 dans 3.6.6 (a) redonne 3.6.10 (a). C’est juste que l’on peut faire cette approximation supplémentaire car les pentes des isobares sont faibles. Il ne faut pas évidemment conclure que les surfaces isobares sont horizontales car si c’était le cas il n’y aurait pas de courant géostrophique !

Illustration

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7. Rôle des termes inertiels

(i) Mouvements inertiels Imaginons maintenant que l’on lance un objet sur une surface horizontale sur la terre

en rotation. Comme on l’a vu, le plan horizontal est défini comme le plan perpendiculaire à la gravité effective et donc les forces sur l’objet au repos dans le référentiel en rotation sont en équilibre, la réaction du plan étant égale et opposée au poids. En l’absence de frottement les équations horizontales du mouvement obéissent à :

!

dudt

+ f k " u = 0 3.7.1

où k est un vecteur unitaire vertical vers le haut. La composante horizontale de la rotation n’intervient plus puisque l’on regarde justement le mouvement dans ce plan horizontal. Le mouvement est particulièrement simple puisque la seule force agissante Coriolis est à droite de la vitesse u.

La trajectoire est celle d’un cercle de rayon R. Il est déterminé par l’accélération centripète induite par la force de Coriolis Fc :

!

u2

R= fu soit

fuR =

Il n’y a qu’un sens de rotation possible (sens trigonométrique négatif) puisque la force de Coriolis doit toujours pointer vers le centre du cercle. Le temps mis pour effectuer le cercle complet est :

!

T =2"Ru

=2"f

=12hr

sin(lat)

Quelques remarques :

1) On a supposé f constant dans la dérivation précédente et le rayon doit être suffisamment petit pour permettre cela. La prise en compte de la variation spatiale de f est en particulier nécessaire au voisinage de l’équateur où f = 0.

2) La trajectoire circulaire trouvée ici est différente de la spirale de la particule libre calculée en introduction de ce chapitre. Ici on force la particule à rester sur un plan perpendiculaire à la gravité effective ge. Du coup la trajectoire n’est plus celle d’une particule libre.

3) Pendule de Foucault (a faire)

Evidemment on peut se demander si ces mouvements sont observés. Comme il a déjà été dit, l’essentiel des mouvements océaniques ou atmosphériques sont balancés, c'est-à-dire proches d’un équilibre hydrostatique et géostrophique. Lors de coups de vent, il est observé assez couramment dans l’océan que les bouées de surface exécutent des boucles inertielles. Le vent crée de la quantité de mouvement de façon impulsive et les gradients de pression ne sont pas encore construits pour équilibrer les accélérations de Coriolis. Avec U = 1 ms-1 les propriétés du cercle inertiel sont :

u Fc

R

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Lat. 15° 30° 45° 60° 75° 90o

R (km) 26 14 10 8 7 6.9 T (h) 46 24 17 14 12,5 12

(ii) Vent du gradient La relation géostrophique, une balance entre forces de pression et force de Coriolis

s’applique à des écoulements de grande échelle pour lesquels le nombre de Rossby est << 1. Aux très petites échelles, les vortex générés par une rame dans l’eau suivent l’équilibre dit cyclostrophique où les forces de pression sont responsables de l’accélération centripète. On peut evidemment se poser la question de savoir ce qui se passe entre ces deux échelles. Pour discuter de ce problème on va utiliser les équations du mouvement projetées dans un repère local lié à la trajectoire d’une particule fluide.

Dans le plan horizontal, t est le vecteur unitaire tangent dans la direction de la vitesse, k est le vecteur unitaire vertical vers le haut et n normal est sur la gauche de t. Le repère (t, n, k) est direct. La vitesse V s’écrit :

V = Vt avec V > 0

et l’accélération : DtDV

DtDV

DtD ttV

+=

Le 2ème terme à droite provient du fait que t n’est pas un vecteur fixe mais lié à la trajectoire. Ceci a déjà été rencontré lors de la dérivation d’un vecteur tournant avec le résultat que :

ntRV

DtD

=

R le rayon de courbure est > 0 (ou < 0) selon que le centre de courbure est (ou pas) dans la direction n.

Les composantes tangentielles et normales des équations s’écrivent :

!

DtV = "#s$ (a)V2

R+ fV = "#n$ (b)

3.7.2

Pour simplifier la discussion, supposons que le géopotentiel ne varie pas le long de la trajectoire et que

!

"n# soit constant sur la trajectoire. Alors 3.7.2 indique que V et R sont constants. Considérons les différentes dynamiques possibles selon le nombre de Rossby V/fR :

k t

n

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(a) Flot cyclostrophique (V/fR >>1)

V = 2/1

nR !!

"

#$$%

&

'

(')

Les basses pressions sont au centre et le sens de rotation peut être positif ou négatif [R > 0,

!

"n# < 0] ou [R < 0,

!

"n# > 0].

(b) Flot géostrophique V/fR << 1

En pratique donc R doit être grand par rapport au rayon du cercle d’inertie V/f et alors :

fV = - n!"!

!

"n# < 0

!

"n# < 0

A droite (gauche) l’écoulement de sens trigonométrique direct (indirect) est dit cyclonique (anticyclonique). Dans l’hémisphère Sud, f est négatif et donc le sens de rotation autour d’une basse (haute) pression est inversé par rapport au cas f > 0 ci-dessus. Les adjectifs cycloniques (anticycloniques) sont associés à un sens de rotation comme (ou opposés à) à celui de la terre. Evidemment la terre tourne toujours dans le même sens mais un observateur debout au pôle nord la voit tourner dans le sens direct alors qu’au pôle sud, l’observateur toujours debout la regarde par-dessous et la voit tourner dans l’autre sens. Ceci vient de ce que la composante de la rotation qui intervient dans les équations est la projection de Ω sur g mais g toujours radial change de sens entre les deux hémisphères.

(c) vent du gradient V/fR =O(1) Comme le nombre de Rossby n’est évidemment pas forcément petit, le cas général

3.7.2b est à considérer. La solution de l’équation donne :

!

V = "fR2

±f 2R2

4"R#n$

%

& '

(

) *

1/2

Il y a quatre cas à considérer selon les signes respectifs de R et ∂nφ. Si on se borne à regarder les corrections au flot géostrophique précédent alors ∂φ/∂n < 0 . Pour un cyclone R > 0 et on voit que le terme sous la racine est toujours positif. Il n’y a donc pas de limite à la vitesse et un cyclone peut se creuser sous l’effet du gradient de pression jusqu’à atteindre l’équilibre cyclostrophique. Pour un anticyclone c’est différent, R < 0, et pour que V reste réelle, il faut que :

!

"n# <R f2

4

n

BP n

HP

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Ainsi lorsque | R | →0, le gradient de pression tend il vers 0 et on s’attend donc à avoir des vitesses faibles au centre (à la différence du cyclone). En remplaçant - ∂nφ par f Vg, l’équation 3.7.2b se réécrit :

fRV1

VVg +=

Ainsi dans le cas du cyclone (R > 0), la géostrophie surestime-t-elle la vitesse alors que c’est l’inverse dans le cas anticyclonique (R < 0). La situation est la suivante :

Fpression FCoriolis

Fcentrifuge

FCoriolis

Fcentrifuge

Cyclone Anticyclone

BP

HP Fpression