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DYNAMIQUES RURALES FRANÇAISES ET RE-TERRITORIALISATION DE L'AGRICULTURE Laurent Rieutort Armand Colin | L'Information géographique 2009/1 - Vol. 73 pages 30 à 48 ISSN 0020-0093 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2009-1-page-30.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Rieutort Laurent, « Dynamiques rurales françaises et re-territorialisation de l'agriculture », L'Information géographique , 2009/1 Vol. 73, p. 30-48. DOI : 10.3917/lig.731.0030 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin. © Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 04/11/2013 15h02. © Armand Colin Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 93.180.53.211 - 04/11/2013 15h02. © Armand Colin

Dynamiques rurales françaises et re-territorialisation de l'agriculture

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DYNAMIQUES RURALES FRANÇAISES ETRE-TERRITORIALISATION DE L'AGRICULTURE Laurent Rieutort Armand Colin | L'Information géographique 2009/1 - Vol. 73pages 30 à 48

ISSN 0020-0093

Article disponible en ligne à l'adresse:

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2009-1-page-30.htm

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Pour citer cet article :

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Rieutort Laurent, « Dynamiques rurales françaises et re-territorialisation de l'agriculture »,

L'Information géographique , 2009/1 Vol. 73, p. 30-48. DOI : 10.3917/lig.731.0030

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Distribution électronique Cairn.info pour Armand Colin.

© Armand Colin. Tous droits réservés pour tous pays.

La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites desconditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votreétablissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière quece soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur enFrance. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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L’information géographique n° 1 - 2009

Dynamiques rurales françaises

et re-territorialisation

de l’agriculture

par Laurent Rieutort

Laurent Rieutort

est professeur de géographie, CERAMAC - Université Blaise-Pascal Clermont II.

Face aux profondes mutations des campagnes et alors que les recherchesdes géographes se sont partiellement détournées de la composante agrairepuis agricole (voir les analyses de Berger, Gillette, Robic, 1975 ; Chapuis,1995, puis Plet, 2003), il peut sembler utile de « revisiter » la place – éco-nomique, mais aussi sociale ou culturelle – de l’agriculture. Dans unouvrage récent (2008) qui reflète les fortes pressions sur les prix et le« défi alimentaire », Jean-Paul Charvet s’interroge : « la situation actuelleautorise-t-elle véritablement à ne considérer la production de denrées ali-mentaires que comme une fonction parmi d’autres de l’agriculture ou doit-elle être à nouveau clairement mise en avant ? Les analyses portant sur laproduction agricole elle-même ne doivent-elles pas à nouveau être privilé-giées ? ». Dans les pays développés, comment les géographes peuvent-ilsalors étudier « l’agriculture de territoire » associée à des campagnes deve-nues « multifonctionnelles » et étroitement intégrées aux dynamiquesurbaines ? Peut-on parler de dé-territorialisation ou de re-territorialisationde l’agriculture ?

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Quelle geographie contemporaine de l’agriculture ?

Question agricole et dynamiques rurales :le chassé-croisé des géographes modernes

Rappelons qu’à partir des années 1950 et jusqu’au début des années 1980,les géographes ont tenté la synthèse des grandes questions de « l’économierurale », jusque-là distinctement explorées. Travaux et publications sontalors parallèles au développement soutenu des productions, dans un contextedominé par l’industrialisation et l’urbanisation. En France, le bilan est peufavorable par rapport à l’Europe du Nord, mais l’heure est à la modernisa-

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tion alors que les techniques s’améliorent et que la consommation s’envole.Il en résulte de nouvelles problématiques pour la recherche, associant laquestion de l’inégale adaptation des systèmes agricoles et celle de la diffu-sion des innovations, notamment à propos de l’industrialisation de l’élevage.On s’interroge également sur les crises paysannes face à des mutations quimodifient à la fois les paysages, les vieux genres de vie ou les circuits éco-nomiques (voir Fel, 1962, à propos des hautes terres du Massif central). À lasuite des analyses de N. Mathieu (1996), on doit reconnaître différents cou-rants dans toute cette période, certains se recoupant partiellement.

• La propension à rendre compte de l’originalité des cas régionaux et àreprendre les questionnements et méthodes vidaliennes se maintient. Si larégion « polarisée » s’impose pour les espaces dotés d’un pôle urbain, lesespaces agricoles sont encore vus comme des régions « homogènes » ou des« régions-paysage » (Sautter, 1986). Les aspects techniques des systèmes deproduction et les faits de structure (types d’exploitation, modes de faire-valoir, paysages concrets…) sont surtout privilégiés.

• La multiplication des efforts pour un renouveau de la géographieaboutit à un projet structuré autour des notions d’espace économique, defilière et d’organisation spatiale. Différents courants, différentes approchesmarquées, entre autres, par l’influence de la pensée systémique s’affirmentalors, tandis que les bouleversements scientifiques, mais aussi économiqueset sociaux entraînent une réactivation des problématiques sur le devenir desagricultures et des sociétés rurales, de leurs liens avec un monde de plus enplus urbanisé. On retrouve au centre de l’analyse le concept de systèmed’exploitation agricole, de système de culture ou d’élevage, ainsi que lesrapports techniques ou fonciers des agriculteurs, les notions de bassin deproduction, de région agricole et de types d’agriculture (Bonnamour, 1993).Très vite, on saisit les nécessaires changements d’échelle et tout l’intérêt desanalyses de grands marchés mondiaux et des industries agroalimentaires.G. Sautter (1986) évoque ainsi cette mutation : « un géographe insisteradavantage, mais finalement de façon convergente, sur les effets de la “verti-calisation” économique : des producteurs de moins en moins auto-consom-mateurs, moins fondamentalement liés qu’avant aux villes les plus proches,mais de plus en plus intégrés au marché national ou européen par l’intermé-diaire de filières spécialisées, remontantes (les productions) ou descendante(les connaissances techniques, les intrants) ». La question sociale, celle desnouveaux rapports qui s’établissent entre producteurs et firmes situées àl’amont ou à l’aval de la filière, n’est pas toujours posée. Mais, la rupture esttelle que les travaux sur ces questions se multiplient (Diry, 1985 ; Charvet,1985). Industries et services qui disposent du pouvoir de décision ne vont-ilspas commander la production alors que l’on observe déjà un processus puis-sant de spécialisation-concentration des exploitations ? Les industriels ne

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vont-ils pas sélectionner les producteurs – souvent liés par contrat – selondes critères d’efficacité économique ?

• L’entrée « spatialiste » est également renouvelée par l’introductionde méthodes quantitatives et de la modélisation (Calmés, Durand-Dastès

et

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, 1978). L’espace est vu comme un ensemble de ressources localisées,avec des flux de biens et d’informations, qui expliquent son organisation.Celle-ci permet d’envisager l’influence des réseaux urbains ou l’existencede formes rurales (axes, pôles, foyers) à partir desquels se diffusent cer-taines innovations. Dans ces approches, c’est le croisement des « varia-bles » qui crée un système régional. L’ensemble se combine parfois avecun courant culturaliste, qui a recours à des analyses statistiques pourdégager des différences dans les modes de vie et de culture, entre espacesruraux et urbains.

• Pourtant, progressivement, à la fin de la période, les géographes sedétournent de l’agriculture elle-même et de sa modernisation, pour seconsacrer de plus en plus au monde rural. Pour J.-L. Chaléard et J.-P. Charvet (2004), « De fait, dans les pays riches, les agriculteurs nereprésentent plus désormais qu’une minorité dans des espaces ruraux deplus en plus multifonctionnels : la géographie rurale actuelle s’affirme deplus en plus comme une géographie globale des espaces ruraux traitantaussi bien de questions d’organisation de l’espace et d’environnement qued’aménagement ».

Les nouvelles approches territoriales

Depuis les années 1990, la territorialisation des pratiques socio-spatiales asso-ciées ou non à l’agriculture est mise en avant. Il faut dire que les travaux destropicalistes (Gallais, 1979 ; Retaillé, 1989 ; Boutrais, 1994) ou d’Armand Fré-mont (thèse sur l’élevage en Normandie en 1967) avaient largement préparéscette nouvelle approche. Dans le monde occidental, ces points de vue sontrelayés par une double interrogation sur la crise et sur la « renaissance » dumonde rural. On met l’accent sur les paysanneries « dominées », sur la ques-tion alimentaire, sur les disparités foncières et sociales, la mainmise capitaliste,les dégradations environnementales. La demande sociale dépasse alors lesquestionnements des « nouvelles géographies ». Une approche « critique » sedévoile, dénonçant la reproduction des inégalités sociales et économiques,ainsi que les jeux de pouvoir. Elle se double d’une interrogation délibérée surle renversement de paradigme (l’espace et ses dynamiques succédant aux rap-ports sociétés/milieux) qui contribue à la remise en cause de la distinctionrural/urbain (Mathieu, 2006). Il faut dire que parallèlement, les paradigmeschangent pour la recherche agronomique et le développement agricole : lemodèle productiviste et l’intensification constante de l’utilisation du travail etde la terre sont remis en cause, ainsi que le recours croissant aux intrants, ou

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l’artificialisation du milieu. La compétitivité ne passe plus uniquement par unecroissance en volume de la production, mais aussi par la qualité, l’origine géo-graphique ou l’originalité des produits mis sur le marché. La crise del’encéphalopathie spongiforme bovine et les débats autour des OGM ont, enparticulier, entraîné une revendication de « traçabilité » et de « sécurité » desproduits alimentaires. De nouvelles attentes s’expriment également en termede gestion durable des ressources naturelles ou de « nouvelles fonctions » del’agriculture.

Parmi les géographes, les changements conceptuels prennent des voiesvariées. Pour F. Plet (1994), « l’idée de filière fait fondamentalement partiede ce qui est souvent appelé, “l’idéologie productiviste” » et il convient de« déconstruire » ces discours, en montrant l’inégale réalité de ce « décou-page vertical » et la fréquence de « systèmes partiels ». Pour d’autresauteurs, notamment les courants critiques ou environnementaux, le thème dela réappropriation de l’espace rural, de ses paysages et de son patrimoine,avec la volonté de mieux le gérer, s’impose. En lien avec de nouvellesapproches plus systémiques ou sensibles du paysage (Bertrand, 1991 ;Luginbülh, 1989), les géographes associés à d’autres disciplines renouentainsi avec l’analyse du milieu naturel ou plutôt de l’environnement. Lesquestions économiques sont également renouvelées : la production comme lademande en produits agroalimentaires, changent avec les cultures, les lieuxet les moments ; c’est une construction culturelle complexe comme le mon-trent les travaux de J.-R. Pitte (1991) ou de G. Fumey et O. Etcheverria(2004). Les produits dits de terroirs, bénéficiant de protections juridiques,suscitent ainsi de multiples analyses critiques montrant comment leur mobi-lisation varie selon les lieux et les jeux d’acteurs (Hinnewinkel, 2001 ;Ricard, 2002 ; Delfosse, 2003).

Fig. 1 : Le système des territoires de l’agriculture

Système agroalimentaire

Territoire

Système agricole

Nouveaux territoiresde l’agriculture

Dynamiques rurales

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L’agriculture est particulièrement propice à des réflexions sur les imagi-naires, les « espaces vécus » et les « représentations ». On peut ainsiaboutir à « déconstruire » les discours, des géographes ou des non-géogra-phes, et à proposer des vues critiques sur les motivations cachées : unecertaine approche culturelle est ainsi liée à la vague « post-moderne », àsa vision critique sur la façon dont les sciences sociales avaient étéconçues et mobilisées. Les sentiments identitaires, d’appartenance etd’appropriation sont davantage étudiés, contribuant à une meilleure ana-lyse des mouvements de « retour au local

»,

illustrée par plusieurs travauxsur des sociétés rurales dans lesquelles les agriculteurs tiennent unegrande place. Sur les rudes plateaux karstiques des Grands Causses, cettedifficile ré-appropriation est étudiée par N. Mathieu (1989) pour leMéjean ou par A. Saussol (1987) sur le Causse Noir. Plus récemment,G. Di Méo (2004) a montré que les paysages agraires participent, aumême titre que les valeurs économiques ou patrimoniales, à la création deterritorialités résolument identitaires même si « les représentations dépen-dent étroitement de l’expérience tant sociale que spatiale, de chacun ».Les analyses des pratiques dites « vernaculaires » ou « ordinaires » mobi-lisées dans toutes les sociétés, qu’elles soient « proches » ou « loin-taines », se marquent aussi dans cette approche de la territorialité. Lesconnaissances traditionnelles des sociétés rurales vis-à-vis des milieuxqu’elles utilisent, autrefois dénigrées et considérées comme entachéesd’irrationalité, sont valorisées, notamment grâce aux travaux des sciencessociales qui ont montré que ces connaissances recèlent des informationspertinentes et complexes, pour gérer les ressources et mieux appréhenderla « multifonctionnalité » grâce à des approches participatives (Petit,Fleury, 2006). Les publications du « géoagronome » J.-P. Deffontaines(1998), apportent ainsi des éclairages sur les pratiques des bergers et surleur rôle dans le façonnement d’un paysage.

Par-delà la diversité des regards, la géographie contemporaine de l’agri-culture tente de mobiliser des concepts comme ceux de « systèmes »,« territoires » ou de « multifonctionnalité », permettant de se positionnerd’un point de vue épistémologique et méthodologique au sein dessciences sociales. La recherche sur les dynamiques rurales et les nou-veaux « territoires de l’agriculture » peut alors s’organiser autour d’unsystème (fig. 1) qui met en interrelation les trois pôles « Territoire »,« Système agricole » et « Système agroalimentaire » (autour des produitset des filières ou marchés via les modèles agro-industriels et agro-ter-tiaires) (Rastoin, Ghersi, 2000). Un questionnement géographique s’inté-ressera notamment aux liaisons que peuvent entretenir les systèmesagricoles avec les lieux, les valeurs et les références culturelles desociétés de plus en plus urbanisées.

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Agriculture et mutations des territoires ruraux

Depuis 1950, crises et mutations s’enchaînent dans des campagnes de moinsen moins agricoles. En première analyse, les métiers de la terre semblentdonc jouer un rôle mineur dans la décomposition/recomposition des espacesruraux.

Des sociétés rurales « recomposées »

Rappelons simplement que ce « grand chambardement de la France pay-sanne » évoqué par l’historien F. Braudel, a concerné un pays encore très(trop) agricole au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et déjàfrappé par un dépeuplement séculaire aboutissant à de faibles densitéshumaines. C’est dans ce cadre qu’intervient schématiquement un doublemouvement de reprise (ou « renaissance ») démographique par étalementet diffusion des villes (périurbanisation) et de diversification des activités.À partir des années 1950-1960 autour des grandes métropoles puis defaçon globale au début des années 1970, le mouvement de reconquêteapparaît quel que soit le découpage statistique retenu. Dans les espacesdéfinis comme « à dominante rurale » par l’INSEE, le gain est de450 000 personnes entre 1975 et 1999, ce qui permet de retrouver à cettedate le chiffre de population atteint en 1962. Depuis la fin des années1990, les résultats des premières enquêtes du nouveau recensementconfirme le repeuplement avec des taux d’accroissement annuels supé-rieurs à + 0,7 %, contre + 0,5 % entre 1990 et 1999. Ce phénomène ren-voie surtout à une nouvelle attractivité des campagnes, parfois qualifiéed’« exode urbain » car les villes au contraire enregistrent davantage dedéparts que d’arrivées. De « nouveaux habitants » s’installent donc à lacampagne, soit pour travailler sur place, soit pour profiter d’un cadre devie et continuer à se rendre dans une agglomération urbaine plus ou moinslointaine pour y exercer leur profession. La contribution négative du soldenaturel (- 0,2 %/an depuis 1999) est largement compensée par les excé-dents migratoires (+ 0,8 %/an), notamment dans les aires périurbaines. Lechangement est donc profond, touchant 60 à 80 % de l’espace rural fran-çais avec des gains remarquables dans cette ancienne France paysanne etmigrante (Ouest, Sud-Ouest, Sud-Est, centre-sud du Massif central,Alsace). Finalement les campagnes où la crise démographique se poursuitsont de plus en plus limitées spatialement, notamment aux secteurs depetites communes du « rural isolé » et aux régions du Centre et du Nord/Nord-Est. On en vient même à pronostiquer la fin de la « diagonale duvide » ou tout au moins son interruption au sud de l’Auvergne.

Un tel bouleversement des modèles démographiques a des conséquencesde grande ampleur sur les sociétés locales. Les arrivées sont multiples

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(retraités, travailleurs citadins « pendulaires », nouveaux actifs, margi-naux) et « le rural se remplit d’urbains » (A. Fel). De nombreuses campa-gnes se sont muées en « espace retraite » et en « espace résidentiel » bienéloignés de l’« espace agraire » d’autrefois. Comme le dit J.-P. Diry(2000) : « L’équation agriculture = rural appartient au passé ». On devineégalement une grande diversité des modes de vie, une multilocalisationdes individus entre villes et nouvelles campagnes et au final, le dévelop-pement d’une multi-appartenance territoriale. Le bilan de l’emploi estcomplexe, l’analyse du système productif totalement renouvelée. Deuxdynamiques contradictoires se croisent. D’un côté, celle de l’emploi agri-cole soumis à une forte concentration même s’il faut compter avec ledéveloppement de la pluriactivité au sein des ménages et surtout avec desfilières agroalimentaires pourvoyeuses en travail. Mais d’un autre côté, ladonne est perturbée par le maintien, l’apparition ou à la diffusion de nou-velles fonctions (Perrier-Cornet, 2002) à tel point que l’agriculture nereprésente plus qu’un emploi sur dix dans l’espace à dominante rurale.L’installation de populations semble notamment encourager une « éco-nomie résidentielle » ou « présentielle », c’est-à-dire des activités écono-miques, moins soumises à la concurrence extérieure et destinées àsatisfaire les besoins des populations résidant sur un territoire ou pré-sentes temporairement (services à la personne, commerce, petit artisanat).D’après l’INSEE, dans 60 % des bassins de vie, l’économie résidentiellefournit la majorité des emplois et le nombre de ces territoires est en cons-tante progression (Davezies, 2008).

Une dé-territorialisation de l’agriculture ?

Pour introduire le propos, il convient de rappeler l’ampleur des mutationsde l’agriculture française après 1950. Dans un nouveau contexte d’ouver-ture et de recherche de la productivité, une triple révolution s’impose peuà peu. Elle concerne à la fois les plans technique (mécanisation et motori-sation, progrès agronomiques et scientifiques), politique (à l’échelle natio-nale puis européenne avec la Politique Agricole Commune) et économique(généralisation de l’agriculture commerciale et mise en place des filièresagroalimentaires). Les conséquences sont naturellement multiples et, outreune concentration forcenée des exploitations, de réelles modifications dansles paysages ruraux et une croissance généralisée des rendements, onretiendra une tendance à la spécialisation des systèmes de production. Lespolycultures traditionnelles sont progressivement abandonnées et unesélection s’opère dans les combinaisons agricoles en fonction des produitsles plus rémunérateurs. Les « campagnes paysannes » sont remplacées pardes

«

bassins de production

»,

espaces spécialisés dans un petit nombre despéculations et polarisés par les industries d’amont et d’aval, les services,le grand commerce… Le Recensement agricole de 2000 confirmait de la

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sorte la concentration spatiale de l’agriculture. Ainsi, la moitié des produc-teurs laitiers se situe en Normandie, Bretagne et Pays de la Loire. Les éle-vages hors sol atteignent le même pourcentage, mais uniquement pour lesdeux dernières régions avec un record de 77 % pour le cheptel porcin. Lessystèmes allaitants s’inscrivent aussi peu à peu dans cette logiquepuisqu’un tiers des bovins-viande est désormais installé dans le Massifcentral. Près du tiers des unités spécialisées en grande culture est égale-ment localisé dans le Centre, la Picardie, l’Île-de-France et la Champagne-Ardenne, et un peu moins d’un quart en Aquitaine et en Midi-Pyrénées.Deux tiers des exploitations spécialisées en viticulture d’appellation sontsitués dans quatre régions (Champagne-Ardenne, Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Provence-Alpes-Côte d’Azur) et 60 % des autres vigneronssont implantés dans le seul Languedoc-Roussillon (Scees, 2001, 2002). Or,face à la diffusion des grands modèles agricoles (Charvet, 1997 ; Canevet,1992), tout se passe comme si les spécificités des « terroirs » et des« petites régions » traditionnelles ne comptaient plus guère…

De même, le modèle alimentaire « artisanal » qui combinait la production dematières premières agricoles, leur transformation en produits consommableset leur commercialisation, disparaît. Il est remplacé par un système agro-industriel qui se caractérise par une industrialisation de l’agriculture et parune consommation de masse, en partie hors foyer. Cette étape conduit à unallongement extraordinaire de la filière agroalimentaire, par un changementd’échelle (internationalisation) et par une très forte réduction du tempsconsacré à la préparation et à la prise des repas. De même, les techniques detransformation, de conditionnement et de conservation autorisent une« industrialisation de l’art culinaire ». Pour J.-L Rastoin (2000, 2005), cemodèle intensif, spécialisé, concentré, financiarisé est en voie de globalisa-tion. À ce stade, c’est le maillon agro-industriel qui récupère la majeurepartie du prix final payé par le consommateur (40 %) contre 30 % chacunpour les agriculteurs et les services. Dans tous les cas, les facteurs d’enraci-nement dans les territoires paraissent ténus, les sentiments d’appartenance etd’appropriation des acteurs ruraux – de plus en plus diversifiés – s’affaiblis-sent et l’on peut parler de « dé-territorialisation » pour une agriculture pro-ductiviste peu soucieuse des terroirs paysans d’autrefois, insérée dans lesfilières agro-industrielles et bassins de production spécialisés (fig. 2).

¢

Une « re-territorialisation » de l’agriculture

En réalité, ce processus de « dé-territorialisation » n’est pertinent qu’à petiteéchelle et sur « l’espace global ». Il cache de fortes dynamiques sociales« enracinées » sur lesquelles nous voudrions insister.

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La mise en évidence de nouvelles relations entre territoires ruraux et agriculture

Nous émettons l’hypothèse que l’agriculture s’inscrit de plus en plus fortementdans les territoires ruraux (Rieutort, 2006). Les rapports d’appartenance etd’appropriation – individuels ou collectifs – sont renforcés avec des « valeursculturelles et sociales, mémorielles et symboliques » (Di Méo, 1998). La terri-torialisation reflète ainsi un sentiment identitaire tout en créant de la sociabilitéet de la solidarité. Pour les acteurs du développement, elle désigne à la fois lastructuration organisée d’une petite région, de ses acteurs et de ses projets,selon des formes variables, et la manière dont les politiques publiques sont enmesure de s’adapter à ce processus. Pour certains auteurs, par rapport à lapériode d’application du modèle d’agriculture productiviste, on peut mêmeparler de « re-territorialisation ». Mais, « le préfixe “re” ne désigne pas pourautant un processus de retour à un territoire passé, idéal et idéalisé. Il exprimela construction d’un mouvement de retour de l’agriculture vers le territoire en

Fig. 2 : Les systèmes de l’agriculture paysanne et dé-territorialisée

Modèle agro-industriel,filières agroalimentaires

Internationalisationdes échanges

Bassin de production

Modèle productiviste

DéterritorialisationEspaces ruraux

en mutation(diversification)

Système agro-artisanal

Région-paysage

Modèle paysan« genre de vie »

Territorialisation

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insistant sur la nouveauté de la relation : des nouveaux référentiels de produc-tion, de nouveaux objectifs et un nouveau lien au territoire. Comme l’est le ter-ritoire, cette reterritorialisation supposée est multidimensionnelle. Il s’agitavant tout de la reconstruction du lien au territoire dans sa dimension maté-rielle. Mais le territoire de l’agriculture possède également des dimensionsculturelles, sociales et idéologiques » (Bouzillé-Pouplard, 2002). Érigé enidéologie spatiale, au sens que lui donne Anne Gilbert (1986), le territoiredevient « l’expression […] de la conscience qu’a le groupe de son espace, deson identification à certains lieux. Et cette idéologie spatiale qu’ils partagent avaleur de solidarité pour les membres du groupe ». Dans sa thèse sur la ques-tion pastorale en Ariège, C. Eychenne (2006) a ainsi montré comment la mon-tagne des bergers était « magnifiée » et s’insérait dans cette « idéologieterritoriale ». La référence au territoire semble alors parallèle à l’impuissancedes éleveurs face à « l’emprise croissante des résidents non agricoles dansl’espace villageois, mais aussi, sur les terrains domaniaux, la privatisation dela chasse […] et le développement d’activités récréatives, pour l’instant gra-tuites, qui s’ajoutent à la sempiternelle concurrence entre forêt et pâturage ».Ce contexte explique également une « instrumentalisation du passé » alors queles traditions ne sont guère invoquées pour ce qui relève de la conduite tech-nique des troupeaux.

Finalement les enjeux sont doubles. D’une part comme on l’a vu plus haut,l’agriculture et les filières agroalimentaires comme secteur de l’économie, par-ticipent à l’essor d’une « sphère agricole » multiforme. On peut ainsi estimerqu’un million d’emplois relève de la production agricole proprement dite (4 %de la population active française), auquel il faut ajouter 300 000 actifs dansl’agrofourniture et 600 000 dans l’industrie agroalimentaire (11 000 entre-prises ; second employeur industriel) ; une grande partie de ces emplois se

Fig. 3 : Le système de l’agriculture re-territorialisée

Modèle agro-tertiaireSystème agroalimentaire

local versus mondialisation

Territoire, terroirs,« campagnes de la ville »

Patrimonialisation

Agriculture durable

ReterritorialisationD

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localisant en zone rurale ou périurbaine tandis que l’on pourrait égalementtrouver 1 200 000 postes dans la distribution, 600 000 dans la restauration horsfoyers et 300 000 dans d’autres activités liées (y compris recherche et ensei-gnement). On aboutit à environ 3,5 à 4 millions d’emplois se rattachant à cettesphère agricole et alimentaire (soit plus de 12 % de la population active) et ilfaudrait aussi tenir compte des flux financiers qui irriguent les territoires (ycompris les aides directes aux exploitants) et des équipements ou services deproximité destinés à tous ces acteurs ruraux. Dans les campagnes, les défis entermes d’emplois, d’animation de la vie locale et de cohésion sociale sont doncévidents, en particulier dans les espaces fragiles ou d’agriculture productive.Par exemple, dans ces bastions de l’élevage que sont l’Ouest et le Massif cen-tral, les populations de la sphère agricole sont encore majoritaires (Mathieu,1995). Partout, les agriculteurs demeurent très investis (activités associativesou électives même si la proportion des agriculteurs parmi les maires est passéede près de 40 % en 1977 à 18 % en 2001).

D’autre part, une nouvelle tendance « idéelle » voit le jour. L’agriculture etses acteurs, traditionnellement discrets, sont intégrés dans un systèmed’images, de valeurs et de mythes qui contribue à les resituer dans l’espace.Dans les campagnes fragiles, A. Guillaumin

et alii

(1999) ont bien montréque les perceptions des acteurs, notamment des élus, sont orientées vers cettefonction sociale et économique, vers la recherche d’une attractivité inéditedu territoire, en insistant sur le rôle de l’agriculture comme garant de sesaménités et du lien social (vente directe sur les marchés ou à la ferme ; créa-tion d’Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne qui mettenten relation consommateurs urbains et producteurs). Dans les campagnes« pleines » ou « vivantes », les enquêtes révèlent que la qualité de l’occupa-tion du milieu et les atteintes à l’environnement (par exemple la pollutiondes eaux) sont davantage mises en avant. On sait également que les repré-sentations positives de l’activité agricole peuvent avoir des retombées surd’autres secteurs tandis que bon nombre d’exploitants jouent un rôle dansl’accueil (enfants, touristes, personnes âgés ou malades, exclus), soit enhébergeant directement des urbains dans l’exploitation soit en organisant desvisites ou des prestations de service (Lescureux, 2000 ; Le Caro, 2007).

Les principaux leviers : durabilité, origine des produits et patrimonialisation

Ce changement de perspective se fonde sur différents éléments qui sontenchaînés les uns aux autres et « font système » (fig. 3).

• La recherche de la durabilité agricole s’est peu à peu imposée dans les dis-cours, sinon dans les pratiques. Concrètement, de nouveaux services envi-ronnementaux sont demandés aux agriculteurs, y compris en passant par descontrats à l’échelle locale (mesures agri-environnementales, Défense des

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Forêts Contre l’Incendie, réseau Natura 2000 qui couvre près de 12 % du ter-ritoire national). Ce mouvement de fond, même lorsqu’il suscite de vivesréactions d’opposition, contribue à ancrer davantage l’agriculture dans sesterritoires tandis que la gestion quotidienne de l’espace pose des problèmesnés de son utilisation par d’autres acteurs du monde rural (résidents secon-daires, randonneurs divers, chasseurs, pêcheurs…). Les démarches de conci-liation, de médiation se multiplient, mais dans de nombreux cas, ces conflitsd’usage ne font que renforcer chez les producteurs le sentiment de posses-sion ou de dépossession d’un territoire. Notons par ailleurs que de nom-breuses mesures agri-environnementales élaborées à l’échelle des parcellesou de terroirs entérinent l’idée d’une conception spatialisée, sinon territoria-lisée, des pratiques agricoles. Les zonages, qui s’accompagnent ou nond’une démarche de contractualisation avec les agriculteurs, constituent doncbel et bien un outil de la territorialisation, favorisant la délimitation, la carac-térisation, l’appropriation voire la reconnaissance symbolique des espaces. Al’échelle moyenne, la mise en place des réseaux sociaux entre agriculteurssoucieux de durabilité, qu’ils soient de voisinage, souvent amicaux ou fami-liaux (type «

bonding

» des auteurs anglo-saxons) ou plus complexes avecdes acteurs éloignés géographiquement (type «

bridging

» en fonction d’inté-rêts communs ou type «

linking

» en fonction de hiérarchies d’autorité ou depouvoir, par exemple institutionnels), renforce l’appropriation de l’espace etson incorporation dans une identité collective (Mailfert, 2008).

• L’apparition d’un nouveau système alimentaire agro-tertiaire de plus enplus mondialisé, va de pair avec d’autres schémas alternatifs, basé sur lesproduits dont l’origine et la qualité sont identifiées, sur des circuits courts etdes entreprises « artisanales ». Ce souci récurrent pour la qualité des produitspasse par les Signes Officiels d’Identification de la Qualité et de l’Origineterritoriale (de type AOC, IGP, Label rouge). Ceux-ci ont en commun uneforte référence aux territoires de production, voire aux terroirs localisés(Durbiano, Moustier, 2007). L’assise locale de l’agriculture est ainsiappuyée sur les délimitations spatiales qui résultent des démarches de label-lisation ou sur les réflexions concernant la typicité et l’authenticité des pro-duits. Cette reconnaissance par la société globale, via des signes officiels etdes marchés économiques, passe aussi par tout un travail d’innovations, decoordinations, de négociations afin de profiter de nouvelles dynamiques,notamment identitaires et patrimoniales. À l’écoute des consommateurs, lesgrandes firmes de l’agroalimentaire et de la distribution, ont égalementchoisi d’intégrer ces nouveaux segments même s’ils restent fidèles aux pro-duits de masse standardisés et fortement marquetés dont les taux de crois-sance sont désormais réduits. Elles adoptent alors une nouvelle stratégie-produit fondée sur le concept de terroir, avec marques « géographiques » (ycompris de distributeur, par exemple

Reflets de France

du groupe Carrefour)mais aussi sur un marketing offensif sur les signes officiels (Fumey, 2008).

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Parallèlement, la problématique des systèmes productifs locaux et de l’éco-nomie de proximité, s’est élargie au secteur agroalimentaire, débouchant surle concept de « Systèmes Agroalimentaires Localisés » (SYAL). Ces der-niers peuvent être définis comme des concentrations spatiales au sein desbassins de production, d’entreprises de transformation agroalimentaire, sou-vent de taille moyenne ou petite et organiquement liées entre elles. Ces dis-positifs, dont la Bretagne offre un exemple marquant, peuvent parfoisprendre une autre dimension lorsque les entreprises sont orientées vers desfilières de qualité ou sont basées sur des « actifs spécifiques » (savoir-faireou processus particulier de transformation d’un produit). L’image positive del’environnement rural et de son patrimoine constitue un support déterminantde la valorisation, d’autant que les ventes sur les marchés locaux, la proxi-mité du consommateur par rapport au produit consommé, permettentd’arrimer davantage les biens et services, parfois organisés et vendus en« paniers », à leur territoire (théorie de la rente de qualité territoriale) (Pec-queur, 2001). Cl. Durbiano (2000) a ainsi montré les différentes dimensionssymboliques et économiques de la renaissance de l’oléiculture en Provence.On doit là encore compter sur le rôle intercesseur du tourisme (qui contribueà la mise en scène de la liaison entre les produits et le territoire) et sur lesliens que les clients maintiennent, au moins au niveau symbolique, avec lestraits culturels et régionaux de l’alimentation (Boulanger, Legouy, 2008).

• Justement, cette reterritorialisation profite également d’une curiosité « patri-moniale » croissante et de nouvelles démarches identitaires, spontanées oufabriquées. Celles-ci confèrent à l’agriculture une place « revisitée » dans lescampagnes comme en témoigne un grand nombre d’événements culturels(fêtes de la transhumance ou de l’inalpage par exemple) et même d’équipe-ments (écomusées, salles d’expositions) ou de « produits » agritouristiques. Enoutre, le paysage agraire devient un « paysage mémoire », lieu de l’enracine-ment territorial et de l’identité. Bref, alors qu’elle subit une crise sociale etidentitaire, l’agriculture est un élément de la culture traditionnelle d’un« pays » qu’il faut préserver. En retour, elle participe à la promotion desespaces ruraux, à l’attractivité des territoires et à leur image. Cette « mise enpatrimoine » repose sur des stratégies d’acteurs de plus en plus centrées sur lesterritoires locaux. En Savoie, M. Faure (1998) insiste sur les éléments média-teurs, « des lieux spécifiques véhiculent des messages culturels et favorisentles rencontres. En partant des lieux-supports tels que l’exploitation, le chaletd’alpage, la coopérative, c’est-à-dire des lieux où sont proposés des visites etdes expositions à destination des touristes, les producteurs et les consomma-teurs échangent : c’est au cours de ce jeu que se construit la patrimonialité ».Nous ne reviendrons pas sur ces démarches qui ne sont jamais neutres, avecles risques soulignés par J.-C. Mermet (2002) à propos du massif du Mézenc :la mise sous cloche de la culture locale, la « folklorisation » ou bien encorel’appropriation, notamment institutionnelle, des traditions et objets patrimo-

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niaux. Dans le Sud-Ouest, étudiant la renaissance de la race bovine Bazadaise,H. Guicheney (2001) a ainsi distingué le patrimoine « figé par les experts » etsouvent inaccessible aux locaux, le patrimoine « objet commercial » et doncmobilisé à des seules fins de promotion et le patrimoine « identitaire exclusif »dissimulant un certain conservatisme avec son cortège de discours d’exclusionou de discordes. Car, comme le souligne V. Veschambre (2008), la patrimo-nialisation comme processus de construction d’une ressource est fréquemmentassociée à des enjeux d’appropriation (identitaire ou symbolique) et à desformes de conflictualité.

Les processus entre jeux d’échelle et de réseaux

Les facteurs de la re-territorialisation ont été largement étudiés par les socio-logues et popularisés par les ouvrages de B. Hervieu (2001). Les nouvellesrelations entre la ville et la campagne constituent un premier élément déter-minant. L’espace rural est « désiré » comme le montrent, les uns après lesautres, les sondages sur les conditions de vie et les aspirations des Français.Deuxièmement, la redistribution des fonctions de l’espace rural joue aussi unrôle en associant aux classiques activités productives, de nouvelles fonctionsrésidentielle, récréative et touristique mais aussi « de nature » en lien avec laprotection des ressources naturelles, le maintien de la biodiversité, la protec-tion contre les risques et le maintien des aménités et du cadre de vie. La ter-ritorialisation des politiques de développement passe aussi par le mouvementde recomposition spatiale et de révision des découpages administratifs. Or, lamise en place de nouvelles intercommunalités, de « territoires de projets »(de type « pays » ou Parc Naturel Régional) révèle de multiples initiativesdans le domaine agricole qui participent d’une logique de territorialisation,en créant des espaces pertinents d’action et d’aménagement et en bousculantparfois traditions et réseaux de pouvoir. De nouveaux acteurs s’affirmentdans la gouvernance locale (associations de résidents, d’environnementa-listes) sans que les agriculteurs soient marginalisés, y compris parce quel’éclosion de conflits ou de divergences tisse de nouvelles alliances. Cesévolutions sont porteuses de configurations sociales inédites et concourent àl’émergence de nouvelles territorialités, à l’image des processus à l’œuvredans le cadre des SCoT (Bacconier-Baylet, 2007).

Enfin, la redéfinition de l’agriculture renforce ces dynamiques, et notam-ment ce que l’on appelle justement une « agriculture de territoire », multi-fonctionnelle, génératrice de valeur ajoutée en valorisant des productionssous signe de qualité et en étant rémunérée pour ses fonctions non mar-chandes et sa participation à la vie collective. Nous avons tenté de recenseret de décrire ces différents processus de territorialisation, en distinguant àquelle échelle ils s’appliquent (du « terroir » au territoire) et quels sont lesacteurs concernés (individus ou groupe).

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Quelques remarques ressortent de la figure 4. D’une part, on note la diver-sité des processus à toutes les échelles sur des thématiques environnemen-tales, patrimoniales ou plus économiques. D’autre part, cetteterritorialisation peut relever de dynamiques réellement collectivesqu’elles soient « voulues » (projets agricoles associés à des intercommuna-lités, mise en place de filière de qualité) ou davantage subies (conflitsd’usage, réaction face aux grands prédateurs comme l’ours ou le loup…).Parfois des réseaux élargis se mettent en place afin de porter dans unepetite région, de nouvelles pratiques agricoles (agriculture durable, agricul-ture biologique) ou des circuits courts (type AMAP). À l’opposé, d’autresactions à forte dimension territoriale (renaissance de races ou variétésvégétales locales, fêtes ou produits agritouristique, reconquête paysagère)s’appuient sur des petits noyaux d’exploitants et peinent à se diffuser dansl’ensemble de la profession. Enfin, dernière remarque : les échelles sontvariables. Ainsi, alors que l’on perçoit bien l’entité d’échelle moyennedans une action de type reconnaissance d’une AOC ou élaboration de lacharte d’un « pays » ou d’un parc régional, les actions environnementalesou certaines « niches commerciales » fonctionnent davantage au niveauscalaire des terroirs, voire d’un finage. Dans ces cas, la notion de territo-rialisation mérite d’être nuancée et tout l’enjeu est bien justement de« changer d’échelle », c’est-à-dire de passer d’un ensemble de parcelles àun territoire.

Fig. 4 : Schéma synthétique des types de processus de territorialisation de l’agriculture

Échelle locale Échelle moyenne

Dynamique individuelle

Dynamique collective, réseau

Races locales

AOC, IGP, labels

Intercommunalité, « pays »PNR

Prédateurs, conflits d’usage

Politique de communicationMarketing territorial

Agriculture biologique, agriculture raisonnée

ou durable

Vente directeMulti-usage

Fêtes locales

Agri-tourismeReconquêtepaysagère Transformation

à la ferme

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Il subsiste, en France et dans d’autres pays européens, de fortes interrelationsentre l’agriculture et l’organisation territoriale, le secteur agricole constituantun indicateur et un révélateur pertinents des dynamiques socio-spatiales descampagnes, même si ces dernières se sont complexifiées. Le géographeopposera ainsi :

— des campagnes « sensibles » associées à des systèmes agricolesextensifs et/ou productifs, paradoxalement bien insérés dans les filièreset bassins de production, mais pour lesquelles les perspectives demeu-rent inégales : renforcement de la valorisation économique des produits(y compris forestiers), actions culturelles ou environnementales, diver-sification des emplois industriels ou tertiaires (espaces de « respira-tion » destinés aux loisirs et au tourisme), dynamique présentielle(arrivée de nouvelles populations) et rénovation du maillage territorial.En réalité, ce type d’espace reste parfaitement intégré aux systèmesmétropolitains (mobilité et multi-appartenance des populations) avecdes acteurs qui sont capables de développer un fort attachement au ter-ritoire local, notamment par la valorisation des ressources « enraci-nées » (Le Caro et

alii

, 2007) ;— des campagnes « vivantes » (Croix, 2000), résidentielles et produc-tives, en lien avec une intensification de l’agriculture, une main-d’œuvreplus nombreuse, des filières agro-industrielles ou agro-tertiaires à l’ori-gine d’emplois induits… Dans un contexte rural de plus fortes densités,subsistent un maillage de bourgs et petites villes et une imbrication avecles réseaux urbains, des systèmes d’activités complexes et parfois dessentiments d’appartenance locale. Pourtant, les perspectives demeurentincertaines sur les plans économiques ou environnementaux, sauf si ledéveloppement durable passe par le choix de la qualité liée aux terri-toires, la valorisation des produits, la gouvernance élargie autour de pro-jets et une diversification des ressources rurales ;— et enfin des campagnes périurbaines (Poulot, 2008), où se dessinent deslogiques « multifonctionnelles », avec le soutien inégal des règlements fon-ciers, des politiques publiques de planification et surtout de la demandesociale (gestion paysagère et patrimoniale, loisirs, circuits courts). La frag-mentation des usages et fonctions explique la juxtaposition de zones bâties,de corridors écologiques et d’interstices dévolus à l’agriculture agro-indus-trielle (Pierre, 2004) ou périurbaine (produits frais pour les consommateurscitadins). Partout, un nouveau modèle de développement rural et agricole,de forme hybride, se met en place ; il combine selon les types de cam-pagne, les représentations et les comportements, des apparences modernes(basées sur la mondialisation, voire la globalisation) et post-modernes (fon-dées sur l’ancrage territorial).

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