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Neohelicon XXVIII/2, pp. 147157 03244652/2001/$5.00 AkadØmiai Kiadó, Budapest ' AkadØmiai Kiadó Kluwer Academic Publishers, Dordrecht YVES CLAVARON EAUX ET FOR˚TS : POUR UNE POÉTIQUE DE LESPACE ASIATIQUE DANS LUVRE DE MARGUERITE DURAS Asia constitutes a favourite territory for Duras imaginative world, either native Indochina or India of embassies, realm of her mythical character, A. M. Stretter and her lovers court. Though disrupting realism, M. Duras outlines in her novels a space with a recognizable topography. If Asian geography and topography come close to being a fantasy, Duras fascination for Asian wilderness, mainly for tropical forest, concurs with whose of other Western writers. Then Duras sketchs out a nature poetics which fits into an utterly polymorphous art of writing. The purpose of this work is to demonstrate how, from the forest and the tree motifs, Duras space poetics opens onto an ideological speech, concealing a specific fantasized world. Claude de GrLve dØfinit lespace littØraire comme une « transposition du sensible ou dun « ailleurs imaginaire » 1 à partir dun rØel dØconstruit et reconstruit » et cest bien de cette maniLre que lAsie constitue un territoire de prØdilection de limagi- naire durassien, quil sagisse de lIndochine natale ou de lInde des ambassades, domaine de la mythique A. M. Stretter et de sa cour damants. MŒme si le rØalisme est largement subverti, M. Duras esquisse dans ces romans un espace dont la topogra- phie est repØrable. On peut ainsi distinguer lunivers urbain de la ville coloniale type quest Saigon, lîlot protØgØ et clos de lambassade de France à Calcutta ou de lhôtel Prince of Wales dans le delta du Gange et enfin lespace sauvage, qui entoure le bungalow et la concession dans la plaine de Kam. Certes lAsie de Duras est recons- truite et, comme elle le dit à propos dIndia Song, « les rØfØrences à la gØographie physique, humaine, politique [] sont fausses » 2 . LAsie est avant tout un fait dØcri- ture et le continent se rØsume parfois à la musique dun mot : « Et puis la pointe de Camau, lextrŒme fin du continent Asie. De ce mot, Asia » 3 . Si la gØographie et la 1 C. de GrLve: ÉlØments de littØrature comparØe, « ThLme, mythe et espace », Paris: Hachette, 1995, pp. 102107. 2 India Song, Paris: Gallimard, 1973, p. 9. 3 LAmant de la Chine du nord, Paris: Gallimard, 1991, p. 219. Yves Clavaron, UniversitØ de Saint-Etienne, 42100 Saint-Etienne, France. E-mail: [email protected]

Eaux et forêts : pour une poétique de l'espace asiatiquedans l'oeuvre de Marguerite Duras

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Neohelicon XXVIII/2, pp. 147�157

0324�4652/2001/$5.00 Akadémiai Kiadó, Budapest© Akadémiai Kiadó Kluwer Academic Publishers, Dordrecht

YVES CLAVARON

EAUX ET FORÊTS : POUR UNE POÉTIQUEDE L�ESPACE ASIATIQUE DANS L��UVREDE MARGUERITE DURAS

Asia constitutes a favourite territory for Duras� imaginative world, either native Indochinaor India of embassies, realm of her mythical character, A. M. Stretter and her lovers�court. Though disrupting realism, M. Duras outlines in her novels a space with arecognizable topography. If Asian geography and topography come close to being a fantasy,Duras� fascination for Asian wilderness, mainly for tropical forest, concurs with whose ofother Western writers. Then Duras sketchs out a nature poetics which fits into an utterlypolymorphous art of writing. The purpose of this work is to demonstrate how, from theforest and the tree motifs, Duras� space poetics opens onto an ideological speech, concealinga specific fantasized world.

Claude de Grève définit l�espace littéraire comme une « transposition du sensible oud�un « ailleurs imaginaire »1 à partir d�un réel déconstruit et reconstruit » et c�estbien de cette manière que l�Asie constitue un territoire de prédilection de l�imagi-naire durassien, qu�il s�agisse de l�Indochine natale ou de l�Inde des ambassades,domaine de la mythique A. M. Stretter et de sa cour d�amants. Même si le réalismeest largement subverti, M. Duras esquisse dans ces romans un espace dont la topogra-phie est repérable. On peut ainsi distinguer l�univers urbain de la ville coloniale typequ�est Saigon, l�îlot protégé et clos de l�ambassade de France à Calcutta ou de l�hôtelPrince of Wales dans le delta du Gange et enfin l�espace sauvage, qui entoure lebungalow et la concession dans la plaine de Kam. Certes l�Asie de Duras est recons-truite et, comme elle le dit à propos d�India Song, « les références à la géographiephysique, humaine, politique [�] sont fausses »2. L�Asie est avant tout un fait d�écri-ture et le continent se résume parfois à la musique d�un mot : « Et puis la pointe deCamau, l�extrême fin du continent Asie. De ce mot, Asia »3. Si la géographie et la

1 C. de Grève: Éléments de littérature comparée, « Thème, mythe et espace », Paris: Hachette,1995, pp. 102�107.

2 India Song, Paris: Gallimard, 1973, p. 9.3 L�Amant de la Chine du nord, Paris: Gallimard, 1991, p. 219.

Yves Clavaron, Université de Saint-Etienne, 42100 Saint-Etienne, France.E-mail: [email protected]

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topographie de l�Asie relèvent à l�évidence du fantasme, la perception durassiennede l�Asie sauvage, principalement de la forêt tropicale, rejoint la fascination d�autresauteurs occidentaux. C�est, sans doute, pour paraphraser Thoreau dans Walden quecette nature vierge, ce « wilderness » se prolonge jusque dans « les Indochines del�âme »4. La forêt tropicale est une énigme sur laquelle bute l�Européen car elle obéità d�autres lois de fonctionnement, décrites par H. Daguerches :

Quelquefois j�ai peur et haine de la forêt, de cette forêt dont j�ignore les lois et les caprices,dont le rythme des sèves m�échappe, dont le vert perpétuel se corrompt ou s�exalte pour descauses que je ne sais préciser, de cette forêt qui amalgame les fleurs et les graines, qui n�a pasde saisons, pas de sommeil hivernal, pas d�éveil tendre et printanier ... rien qu�une pousséebarbare de vie, rien que ce soulèvement gonflé de corps d�esclave sous la caresse du sultansolaire !5

M. Duras n�est jamais aussi explicite mais s�esquisse chez elle une poétique de lanature, qui s�inscrit dans une écriture romanesque véritablement polymorphe. Nouspourrons voir comment, à partir du motif de la forêt et de l�arbre, la poétique de lanature débouche dans son �uvre sur un discours de type idéologique tout en recou-vrant un univers fantasmatique bien identifiable. Ce sera une autre voie d�approchede cette « Durasie » dont a parlé Claude Roy.

TOPOGRAPHIE D�UN ESPACE IMAGINAIRE

L�espace asiatique, tel qu�il apparaît dans les �uvres de Duras sur l�Asie, se caracté-rise par sa bipolarité, à la fois univers aquatique et forêt inextricable. Mais la forêtelle-même devient océan, grand abîme des eaux, espace diluvien. D�ailleurs, Mar-guerite Duras a recours à une métaphore aquatique pour exprimer l�impression pro-duite par cette forêt-océan transformée en « masse compacte aussi inviolable et étouf-fante qu�une profondeur marine » (Barrage, 157). La concession où elle vit est en-tourée d�eau, se situe dans la plaine marécageuse de Kam, cernée par la Mer deChine et la chaîne de l�Éléphant, montagne qui « se noyait et réapparaissait en unemultitude d�îles de plus en plus petites, mais toutes pareillement gonflées de la mêmeforêt tropicale » (Barrage, 32�33). Cette prééminence de l�univers aquatique s�af-firme aussi par la présence de deux fleuves, l�un connu, l�autre rêvé : le Mékong et leGange. Le Gange, fleuve qui est mis en scène dans le cycle indien, apparaît commeun frère du Mékong, avec son immense delta rempli de rizières à l�infini � « paysd�eau, à la frontière entre les eaux et les eaux, douces, salées, noires, qui dans la baiese mélangent déjà avec la glace verte de l�océan. »6 La plaine et la forêt se confon-

4 H. Thoreau: Walden, cité par K. White: Le Plateau de l�albatros, Introduction à la géopoétique,Paris: Grasset, 1994, p. 194.

5 H. Daguerches: Le Kilomètre 83, (1913), Paris: Kailash Éditions, 1993, pp. 36�37.6 Le Vice-consul, Paris: Gallimard, L�Imaginaire, 1965, p. 176.

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dent dans des « espaces liquides et sans fin », lieu essentiellement maternel commel�est d�ailleurs la concession (Barrage, 122). Cet océan d�arbres et d�eau constitue unvéritable paysage mental pour Duras car on le retrouve même en Europe. Ainsi dansEmily L, les collines qui bordent l�estuaire de la Risle sont recouvertes d�une forêttrès dense, plus tropicale que normande, et la Seine se met à ressembler au Mékong7.L�irruption de Coréens confirme d�ailleurs cette inspiration asiatique. On constateune même fusion de l�Orient et l�Occident dans L�Eté 80 où la « baie de Seine »résonne des « rires et des appels des pêcheurs du Gange »8.

Si cette forêt tropicale peut être assimilée à un espace matriciel, matière primor-diale du mystère, on peut difficilement suivre G. Durand et dire qu�elle est « centred�intimité »9. D�ailleurs, l�horizon liquide à l�intérieur duquel l��il se perd ne peuts�intégrer dans un espace clos. Transformée en mer profonde, la forêt constitue certesune « substance mère » mais elle se rapproche bien davantage de « l�eau lourde », decette « eau superlative » dont parle Bachelard à propos de l�imaginaire de Poe10. Lieude l�universelle liquéfaction, la forêt est l�espace où les corps de décomposent commeles proies des fauves qui se faisandent au soleil (Barrage, 158), les cadavres desprédateurs étant eux-mêmes charriés par le rac jusqu�à l�embouchure. Une exceptionse trouve cependant lors la scène de défloration de Suzanne, où la forêt devient cham-bre d�amour, refuge inquiétant mais sþr � « gouffre d�une sombre verdure entouré defutaies épaisses et hautes » (Barrage, 338). De même, lors de leur escapade à deux,Joseph et Suzanne sont happés par le « tunnel au-dessus duquel la forêt se refermait,dense, sombre » (Barrage, 157). Ainsi, l�immensité se met au service de l�intimité etde l�intensité, tout comme l�univers baudelairien « vaste comme la nuit et comme laclarté » tend vers une ténébreuse et profonde unité. C�est l�analyse que fait Bache-lard : « L�immensité du côté de l�intime est une intensité, une intensité d�être, l�inten-sité d�un être qui se développe dans une vaste perspective d�immensité intime »11.L�espace démesuré de la forêt isole du monde deux couples, le couple fraternel et lecouple amoureux. Absorbés et rendus à eux-mêmes par la forêt, les amants accueillentl�immensité du monde et la transforment en une intensité de leur être intime � incon-testable accroissement de leur moi �, notamment Suzanne, dont l�initiation à l�amourconstitue une étape indispensable à son départ de la concession.

Océan et jungle, mer aquatique et végétale, forment donc les dominantes du pay-sage asiatique qualifié de « Flandres tropicales » par la romancière. La terre de laconcession, saturée de sel, est une véritable terre gaste au sein de laquelle le cristal nemþrit pas en diamant. Tout ce que l�on peut en extraire est un diamant à l�eau impure,une pierre inféconde, un « crapaud » sans valeur. A quelque distance de la zone cô-tière lavée par les vagues du Pacifique, la conjonction de l�intensité de la chaleur et

7 Emily L, Paris: Éditions de Minuit, 1987, p. 25.8 L�Eté 80, Paris: Éditions de Minuit, 1980, p. 35.9 G. Durand: Les Structures anthropologiques de l�imaginaire, (1969), Paris: Dunod, 1992,

p. 281.10 G. Bachelard: L�Eau et les rêves, Paris: José Corti, 1942, p. 64.11 G. Bachelard: La Poétique de l�espace, (1957), Paris: Quadrige, PUF, 1998, p. 176.

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de l�omniprésence de l�eau donne naissance à une nature exubérante et inquiétante,mettant aux prises les forces de vie et de mort dans une dialectique constante de l�unet du multiple, de l�infini et de l�intime. Une description du zoo dans « Le Boa »résume le fonctionnement de cette effrayante nature où Eros et Thanatos exprimentune monstrueuse libido et se conjuguent dans une glorieuse immoralité : « une sortede très grand jardin botanique où [�] s�accomplissaient d�innombrables échangescharnels sous la forme de dévorations, de digestions, d�accouplements à la fois orgia-ques et tranquilles »12. C�est le règne de l�universelle dévoration, le monde cruel del�absorption en chaîne13. La forêt tropicale, située de l�autre côté de la piste et dumonde habité, apparaît comme un repaire de la mort, entretenant une atmosphère depourrissement, de dévoration et d�agressivité animale, et assurant la propagation dela malaria, dans la « terrible nuit paludéenne » : « De toute la forêt montait l�énormebruissement des moustiques mêlé au pépiement incessant des oiseaux » (Barrage,158). Le pullulement animal est, par exemple, celui des crabes nains qui rongent lesbarrages de la mère et participent à leur destruction ou encore ces vers qui dévorent latoiture de chaume du bungalow (Barrage, 286). Malraux parle de « l�universelle dé-sagrégation des choses »14 et, à propos des insectes ou autres animaux du mondeinférieur, exprime toute l�horreur de l�Occidental face au contact visqueux de cescréatures issues des profondeurs ténébreuses. Le bois coupé pour être mis au servicede l�homme conserve quelque chose de sa vitalité originelle : les planches du bunga-low sont disjointes car le « bois avait été travaillé trop vert » (Barrage, 161) tandisque les planches du pont sont déclouées par la chaleur humide, sans parler du passagede l�imposante Morris-Léon Bollée (Barrage, 299). Les arbres d�Asie n�ont rien du« figuier nutritif [�] porteur de fruits et suggérant par son suc le liquide nourricierprimordial » qu�évoque G. Durand15 mais se rapprochent davantage du figuier mau-dit des Évangiles. Certes, ils ne sont nullement desséchés en raison d�une quelconqueparole de Dieu, grand absent de ce lieu, mais produisent du poison comme le man-guier, dont le fruit « donne le choléra » (Barrage, 118). Ailleurs, ce danger insidieuxprend une forme encore plus inquiétante :

Pour elle, les mangues, certaines mangues � trop vertes � étaient mortelles : dans le grosnoyau plat, parfois, logeait une bête noire qu�on pouvait avaler et qui, avalée, s�installait etrongeait l�intérieur du ventre.16

La forêt d�Asie, assemblage composite d�une inépuisable fécondité, est largementassociée à un réseau d�images tératologiques. Même dans les romans du cycle indien

12 Des Journées entières dans les arbres, « Le Boa », (1954), Paris: Biblos Gallimard, 1990, p.1000.

13 P. Schoendoerfer perçoit la forêt de Bornéo de la même manière et parle de « la vie originellequi engendre la mort, l�ovulation, la fécondation, l�éclosion, la fermentation perpétuelles ». L�Adieuau Roi, Paris: Grasset, 1969, p. 184.

14 A. Malraux: La Voie royale, (1930), Paris: Livre de Poche, 1992, p. 73.15 G. Durand: op. cit., p. 196.16 Outside, « Les Enfants maigres et jaunes », Paris: P.O.L. 1984, p. 277.

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comme Le Vice-consul, où la nature semble domestiquée, telle cette palmeraie situéeprès de l�hôtel Prince of Wales, les arbres connaissent d�inquiétantes métamorphosesqui en font des monstres thériomorphes : « Entre les palmes, dans les manguiers, lesoiseaux piaillaient. Il y en a tant que les branches ploient sous leur poids, les man-guiers sont devenus des arbres de chair et de plumes »17. L�arbre devient une sorte deserpent à plumes, être hybride par excellence. Malraux utilise une image voisine enévoquant de « monstrueuses frondaisons [�] hérissées çà et là de palmes, [�] noiresdans l�étendue sans couleur »18. Pour décrire le site d�Angkor-Vat, Dorgelès trans-forme l�arbre en monstre destructeur, impitoyable combattant: « Les arbres commeles bêtes ont appris à combattre. Le banian, aux racines aériennes, ne renverse pas lesruines, il les enveloppe, les étreint tandis que le fromager, plus brutal, fait éclater lesmurs, par une lente poussée de son tronc grandissant »19. Chez Duras, la métaphorereste parfois implicite mais désigne assez nettement la pieuvre, un animal tentacu-laire enserrant la totalité de l�espace et, cette fois, ce sont les arbres qui sont pris dansles bras du monstre :

Les lianes et les orchidées en un envahissement monstrueux, surnaturel, enserraient toute laforêt [...]. Des lianes de plusieurs centaines de mètres de long amarraient les arbres entre eux,et à leurs cimes, dans l�épanouissement le plus libre qui se puisse imaginer, d�immenses « bas-sins » d�orchidées, face au ciel éjectaient de somptueuses floraisons [...]. (Barrage, 157)

Cette métaphore situe la forêt tropicale du côté des forces infernales mais selon K.White, l�image de le pieuvre est associée par les Grecs aux figures de Mêtis, grandedéesse primordiale, aquatique et polymorphe, et de Thétis, déesse marine, c�est-à-dire aux origines du monde, à ce chaos originel dont la forêt tropicale semble consti-tuer une représentation et une réminiscence20. Dès lors, rien d�étonnant que la forêtsoit le lieu de l�interdit absolu : « Toute petite, enfant, j�ai habité des terres près de laforêt vierge, en Indochine, et la forêt était interdite, parce que dangereuse, à cause desserpents, des insectes, des tigres, et tout ça »21. Cet espace de la démesure et de l�in-humain constitue le terrain de brèves incursions, d�une véritable aventure et non d�ex-cursions ou de romantiques promenades. Seul le frère chasseur dans Un Barragecontre le Pacifique peut pénétrer un tel domaine, où la pratique cynégétique équivautà l�exploit guerrier voire au combat mythique. C�est ainsi après une terrible lutte queJoseph terrasse la redoutable panthère noire, dont il avait tué le mâle (Barrage, 342).

La forêt tropicale trouve un écho privilégié dans l�imaginaire durassien car cetunivers liquide remonte aux origines, du côté de la mère, dont elle constitue un desterritoires de prédilection, tout près de la concession, espace matriciel de l�écriture.Cet univers grouillant et humide, générateur d�une décomposition et d�une putréfac-tion permanentes, met aux prises les forces antagonistes de la vie et de la mort, dans

17 Le Vice-consul, p. 186.18 A. Malraux: op. cit., p. 38.19 R. Dorgelès: Sur la route mandarine, (1925), Paris: Kailash Éditions, 1995, pp. 253�254.20 K. White: op. cit., pp. 45�46.21 M. Duras, M. Porte: Les Lieux de Marguerite Duras, Paris: Ed. Minuit, 1977, p. 26.

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un combat perpétuel. Espace redoutable mais fascinant, la forêt suscite la séductioninfinie de ce qui est amoral, tout en générant une répugnance primitive pour ce quiserpente, rampe, fourmille ou pullule, archétype de l�informe et du chaos22.

L�ESPACE DURASSIEN ENTRE IDÉOLOGIE ET IMAGINAIRE

Germe de la vie et miroir de la mort, la forêt est le non-moi mais aussi « un avant-moi, un avant-nous », comme l�explique Bachelard pour qui « la forêt règne dansl�antécédent ». Il n�y a pas dans l�imaginaire de « jeune forêt »23 en Asie moinsqu�ailleurs, semble-t-il : « Et déjà le parfum du monde sortait de la terre, de toutes lesfleurs, de toutes les espèces, des tigres assassins et de leurs proies innocentes auxchairs mþries par le soleil, unis dans une indifférenciation de commencement dumonde » (Barrage, 158�159). Ces énormes forces naturelles libérées, l�affrontementpermanent de la vie et de la mort, l�omniprésence du monde inférieur qui interfèrecontinuellement avec l�univers humain renvoient à une sorte de chaos originel, d�étatpremier du cosmos, à une période d�avant l�histoire. Malraux rejoint Duras et ex-prime la même idée dans La Voie royale en évoquant des « bois fumants de commen-cement du monde ». Cet état d�indifférenciation suggère d�ailleurs une harmoniemonstrueuse, qui met en déroute toute postulation éthique et décourage toute velléitéesthétique. L�espace asiatique, domestiqué ou sauvage, est souvent associé par Durasau chaos puisque dans Le vice-consul, Lahore et les jardins de Shalimar, incarnationde la faute de Jean-Marc de H., représentent le lieu des forces obscures et de l�absur-dité d�un monde, où l�homme se désintègre sous la lumière incandescente de l�Orient24.

Du coup, on ne peut que s�interroger sur la place dérisoire de l�être humain dansun tel univers : « Quel acte humain, ici, avait un sens ? Quelle volonté conservait saforce ? Tout se ramifiait, s�amollissait, s�efforçait de s�accorder à ce monde ignobleet attirant à la fois [...] »25. Comme illustration de l�impuissance humaine, on peutencore songer à la tournure prise par le site de Banteaï-Srey, appartenant au presti-gieux ensemble d�Angkor-Vat, sous l�influence du milieu tropical : « La forêt tropi-cale a tout recouvert, tout effacé, [...] fabuleux enchevêtrement de lianes et de pierres.Confusion féerique : les arbres se dressent sur des socles de grès et les colonnes ontdes branches ... »26. Arbres-statues et colonnes-arbres marquent la colonisation etl�anéantissement d�une civilisation, transforment en caricature les aspirations divi-nes et le désir d�absolu de l�homme, dont la grandeur est ainsi niée. Forster fait lemême constat en Inde, où l�homme voit sans cesse sa volonté de puissance contra-riée :

22 « Cette répugnance primitive devant l�agitation se rationalise dans la variante du schème del�animation que constitue l�archétype du chaos. » G. Durand: op. cit., p. 77.

23 G. Bachelard: La Poétique de l�espace, p. 172.24 Voir J. Huré: « Le lieu oriental chez A. Robbe-Grillet et M. Duras », Littérales n° 5, Univer-

sité de Paris X-Nanterre, 1989.25 A. Malraux: op. cit., pp. 66�67.26 R. Dorgelès: op. cit., p. 255.

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A la majorité des êtres vivants importe si peu ce que désire ou ce que décide cette minorité quis�intitule humaine ! [...] Sous les tropiques l�indifférence est plus apparente, le monde infé-rieur est plus proche et plus prêt à reprendre le dessus à la moindre fatigue de l�homme.27

Dans la nature asiatique, l�homme n�occupe pas une place privilégiée, il est placédans un continuum d�existence qui le met au rang des singes, des chacals ou desmouches. La vue de l�incommensurable fait éprouver à l�homme le sentiment de safinitude mais ne débouche sur aucun sentiment du sublime. Le vertige de l�illimité etde l�infini qui s�empare du spectateur européen contemplant la « forêt océan », paraîtincompatible avec une quelconque esthétisation de l�émotion28. Seul subsiste l�effroiface à l�informe.

Néanmoins en dépit de la toute-puissance de la nature tropicale, le personnage dela mère dans Un Barrage contre le Pacifique lutte contre ces forces qui l�écrasent,dérisoire héroïne tragique. Pour ne pas être renvoyée à son néant après le retentissantéchec des barrages, il faut qu�elle « plante quelque chose, n�importe quoi qui pousseet qui donne du bois ou des fruits ou des feuilles, ou rien, qui pousse simplement »(Barrage, 115). Ainsi, elle se livre à des plantations de bananiers, sans aucune ren-tabilité économique, puisque, comme le dit M. Jo, « on les donne aux cochons ».Cette entreprise insensée peut se comprendre comme une volonté d�inverser la spi-rale de l�échec mais aussi comme un moyen de vaincre le temps, de lutter contrel�inéluctable décrépitude : « Ça me fait durer un peu », affirme-t-elle (Barrage, 79).C�est-à-dire que l�arbre est à la fois « arbre de vie », arbre d�une vie qui ne veut pass�éteindre, mais aussi, peut-être, un moyen de retrouver une transcendance à traverscette verticalité reconquise. La décision maternelle de planter un guau, qui met « centans » à devenir adulte est un geste de désespoir que Joseph annule en arrachant l�ar-bre, dont la lenteur de croissance l�exaspère (Barrage, 115). En déracinant le guau,Joseph répète le sort des troncs de palétuviers, inutilement sacrifiés pour étayer lesbarrages, enfermant la mère dans son irrémédiable impuissance.

Toutefois l�arbre, par-delà les épreuves temporelles et les drames du destin, cons-titue un emblème du retour, associé qu�il est à la conception cyclique et progressivedu temps. Dans Un Barrage contre le Pacifique, l�hévéa, personnifié et même sacra-lisé, s�élabore en une image christique, figure de l�oblation mais aussi de l�aliéna-tion:

C�était la grande époque. Des centaines de milliers de travailleurs indigènes saignaient lesarbres des cent mille hectares de terres rouges, se saignaient à ouvrir les arbres des cent millehectares de terres qui par hasard s�appelaient déjà rouges avant d�être la possession de quel-ques centaines de planteurs blancs aux colossales fortunes. Le latex coulait. Le sang aussi.Mais le latex seul était précieux, recueilli, et, recueilli, payait. Le sang se perdait. On évitait

27 « It matters so little to the majority of living beings what the minority, that calls itself human,desires or decides. (...) In the tropic the indifference is more prominent, the inarticulate world iscloser at hand and readier to resume control as soon as men are tired. » E. M. Forster: A Passage toIndia, (1924), Harmondsworth: Penguin, 1989, p. 126.

28 On songe ici à Edmund Burke et à sa théorie du sublime exprimée dans A PhilosophicalEnquiry into the Origin of our Ideas of the Sublime and Beautiful (1757).

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encore d�imaginer qu�il s�en trouverait un grand nombre pour venir un jour en demander leprix. (Barrage, 169).

Mais l�image religieuse s�approfondit d�une dimension messianique qui viendrait,non d�un épanouissement des frondaisons, mais d�une forme de crucifixion à traversla saignée des troncs, qui laissent s�écouler le précieux sang. C�est dans la tensionentre l�archétype ascensionnel que représente traditionnellement l�arbre, et le mou-vement descendant de la sève recueillie, que réside l�annonce des révolutions futu-res. On peut tout d�abord rapporter ce messianisme à ce que G. Durand appelle le« complexe de Jessé », promesse d�efflorescence et d�expansion. A partir de la tra-duction latine des prophéties d�Isaïe : « Un rameau sortira du tronc de Jessé, et desracines un rejeton poussera » (11,1), les commentateurs ont vu dans le « rameau »,virga en latin, l�image de la Vierge Marie (Virgo), dont le surgeon serait bien sþr leChrist. De cette interprétation, qui intègre la mère de Jésus dans la descendance deDavid, est né le thème de l�arbre généalogique du Christ, dit « arbre de Jessé ». De-leuze et Guattari montrent combien l�arbre a dominé la pensée occidentale en tantque « système arborescent », « producteur de systèmes hiérarchiques », qui donnesens et cohérence au monde29. Ce que Duras annonce ici, à travers la parabole del�arbre ensanglanté, c�est la révolution à venir des Indochinois saignés par le capita-lisme européen, la généalogie d�une décolonisation annoncée dans le contexte trou-blé des années d�après-guerre. Une promesse se lève à travers cette « hypotyposefuture » de l�hévéa exsangue, pour reprendre une autre formule de G. Durand30, etl�arbre est associé à ici à une mythologie de la révolution, traduisant une volontéd�accélérer l�histoire et le temps, qui désormais vont dans un sens qu�il est impossi-ble d�inverser. L�exaltation épique de Duras tend vers une perfection de l�histoire etun anéantissement de la fatalité du malheur. La parole durassienne se fait prophétiqueici au sens que Blanchot donne à ce terme : « [�] ce n�est pas l�avenir qui est donné,c�est le présent qui est retiré et toute possibilité d�une présence, ferme, stable et dura-ble »31.

Si Duras se situe à ce point de rupture entre un présent impossible et un avenirencore virtuel, dans l�attente du moment imminent où les foules asiatiques vont selever, c�est que la colonisation n�a plus aucun sens. Sans pour autant se réclamer du« White Man�s Burden » de Kipling, la mère, véritable sainte laïque de l�éducation, aéchoué comme tous les autres. Le don quasi christique de sa personne � « comme sije vous apportais mon propre corps en sacrifice », écrira-t-elle au cadastre (Barrage,290) � ne fera fleurir nul avenir de bonheur pour qui que ce soit. Mais, et c�est là quese fonde toute l�ambiguïté de Duras face à la figure maternelle qui hante ses romans,la mère du Barrage entre en équivalence avec cette nature monstrueuse qui signe sonéchec. En effet, la mère est présentée comme un « monstre dévastateur », « monstreau charme puissant », que les enfants doivent vaincre au risque de se faire dévorer par

29 G. Deleuze, F. Guattari: Mille Plateaux, Paris: Minuit, 1980, p. 25.30 G. Durand: op. cit., p. 408.31 M. Blanchot: Le Livre à venir, Paris: Gallimard, Folio Essais, 1959, p. 110.

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ce nouveau Minotaure (Barrage, 183�184). Selon Carmen, elle est dangereuse carelle a « saccagé la paix de centaines de paysans de la plaine », remis en cause l�ordreimmuable d�un monde situé jusque-là hors de l�Histoire (183). Les Indochinois doi-vent à l�évidence entrer dans l�Histoire mais c�est en devenant les instigateurs de leurlibération et non les suiveurs d�une quelconque figure messianique, aussi bienveillantesoit-elle.

Les structures anthropologiques de l�imaginaire chez M. Duras ne sont pas indif-férentes à la durée comme pourraient le laisser supposer les analyses de G. Durandmais certains aspects du paysage durassien, surtout dans Un Barrage contre le Paci-fique, fonctionnent à partir d�éléments datables et ancrés dans l�histoire du « grandvampirisme colonial ». A l�imaginaire personnel s�ajoute un imaginaire social, iden-tifiable dans un temps déterminé, celui de la décolonisation commençante après 1945.Le paysage suscite des images qui permettent le passage du conscient à l�inconscientmais les symboles repérables sont tout autant des productions du moi que d�une so-ciété et d�une époque32. En ce qui concerne le Barrage, on peut donc parler de l�im-portance du « champ littéraire » � notion définie par Pierre Bourdieu � qui renvoie àl�espace social dans lequel sont situés ceux qui produisent les �uvres, mais la dimen-sion sociologique est médiatisée par le système symbolique mis en place par l�imagi-naire durassien.

La forêt asiatique, par sa prodigieuse diversité et par la toute-puissance des forcesnaturelles qui l�animent, apparaît à la fois comme une image de la nécessité et de lacontingence. En effet, l�espace asiatique génère une puissance et une énergie dont ledynamisme semble inévitable et purement aléatoire dans ses conditions d�apparition.Ainsi, l�Asie constitue une métaphore de l�univers, qui montre que l�homme n�y oc-cupe pas une place privilégiée et la nature asiatique reflète la complexité du mondeauquel il faut essayer de donner un sens. La jungle, c�est la confrontation de la vieélémentaire, collective, larvaire avec la conscience de l�individu solitaire. Sa faune etsa flore deviennent « la menace dont on fait les Dieux ». La défaite de l�Occidentalface à la nature des Tropiques constitue la métaphore d�un échec plus général, celuide sa mission colonisatrice. Si l�on revient aux structures anthropologiques de l�ima-ginaire étudiées par G. Durand, Duras compose des variations sur certains schémasréputés éternels ou partagés par tout Occidental confronté à l�Asie, mais en crée aussid�inédits, adaptés à ses fantasmes les plus intimes � la relation à la mère, par exemple� et à sa vision du monde, imprégnée de marxisme, qui prévaut au début des années1950. Un Barrage contre le Pacifique répond aux critères du genre romanesque, mêmesi l�on distingue une dimension idéologique nettement marquée, prenant appui surune poétique fondatrice de la « Durasie ». Cependant, au fur et à mesure que l��uvre

32 Voir A. Corbin: Le Territoire du vide. L�Occident et le désir du rivage, Paris: Aubier, 1988,p. 322.

33 « C�est-à-dire l�ensemble des catégories générales, ou transcendantes � types de discours,modes d�énonciation, genres littéraires, etc. � dont relève chaque texte singulier. » G. Genette: Pa-limpsestes, Paris: Seuil, 1982, p. 7.

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progresse, l�écriture se libère et rompt avec les formes canoniques du roman. Dèslors, l�architexte33 s�abolit au profit de l�intertexte, du paratexte et du métatexte inter-nes à une �uvre hétérogène mais constituant finalement un système littéraire à elle-seule34 . L��uvre durassienne évolue globalement vers la notion transversale de texte,l�aspect discursif et idéologique s�atténue insensiblement pour laisser place à la miseen scène des fantasmes durassiens, à une véritable poétique de l�imaginaire. La di-mension poétique de ses textes tend donc à effacer et à nier la généricité dont ilssemblent relever a priori, le roman. L�Orient subsiste, de plus en plus abstrait � une« idée » de l�Asie �, mais un Orient intériorisé pressenti comme patrie de l�âme etsource de toute écriture. Pour Duras, sans doute comme pour Blanchot, « l�essencede la littérature, c�est d�échapper à toute détermination essentielle, à toute affirma-tion qui la stabilise ou même la réalise [�] »35 . Seul importe le livre, tel qu�il est,quel qu�il soit ...

SÉLECTION BIBLIOGRAPHIQUE

�uvres romanesques de M. DurasUn Barrage contre le Pacifique, Paris: Gallimard, Folio, 1950.Des Journées entières dans les arbres, « Le Boa », (1954) ; Paris: Biblos Gallimard, 1990.Le Vice-consul, Paris: Gallimard, L�Imaginaire, 1965.India Song, Paris: Gallimard, 1973.L�Eté 80, Paris: Éditions de Minuit, 1980.Outside, « Les enfants maigres et jaunes », Paris: P.O.L 1984.Emily L, Paris: Éditions de Minuit, 1987.L�Amant de la Chine du nord, Paris: Gallimard, 1991.

Autres �uvres romanesquesDaguerches (H.): Le Kilomètre 83, (1913) Paris: Kailash Éditions, 1993.Dorgelès (R.): Sur la route mandarine, (1925), Paris: Kailash Éditions, 1995.Forster (E. M.): A Passage to India, (1924), Harmondsworth: Penguin, 1989.Malraux (A.): La Voie royale, (1930), Paris: Livre de Poche, 1992.Schoendoerfer (P.): L�Adieu au Roi, Paris: Grasset, 1969.

�uvres critiquesBachelard (G.): L�Eau et les rêves, Paris: José Corti, 1942 ; La Poétique de l�espace, (1957), Paris:

Quadrige, PUF, 1998.Blanchot (M.): Le Livre à venir, Paris: Gallimard, Folio Essais, 1959.Corbin (A.): Le Territoire du vide. L�Occident et le désir du rivage, Paris: Aubier, 1988.

34 On pourrait presque parler de polysystème en s�appuyant sur les analyses de D. H. Pageauxreprenant les travaux des formalistes russes. Le polysystème se compose de trois types de textes : lestextes littéraires, les textes critiques (métatextes, paratextes) et les textes potentiels ou modèles. Lalittérature générale et comparée, Paris: A. Colin, 1994, p. 136.

35 M. Blanchot, op. cit., p. 273.

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De Grève (C.): Éléments de littérature comparée, « Thème, mythe et espace », Paris: Hachette,1995.

Deleuze (G.), Guattari (F.): Mille Plateaux, Paris: Minuit, 1980.Durand (G.): Les Structures anthropologiques de l�imaginaire, (1969), Paris: Dunod, 1992.Genette (G.): Palimpsestes, Paris: Seuil, 1982.Huré (J.): « Le lieu oriental chez A. Robbe-Grillet et M. Duras », Littérales n° 5, Université de Paris

X-Nanterre, 1989.Pageaux (D. H.): La Littérature générale et comparée, Paris: A. Colin, 1994.White (K.): Le Plateau de l�albatros, Introduction à la géopoétique, Paris: Grasset, 1994.

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