66
“Semaine Européenne ATHENS” : MP7 19 au 23 mars 2007 ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES Texte principal du CD-ROM, hors illustrations et annexes Bernard SOULARD [email protected] Direction départementale de l’agriculture et de la forêt du Morbihan

ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

“Semaine Européenne ATHENS” : MP7

19 au 23 mars 2007

ECOLOGIE FONDAMENTALE

EAU ET MILIEUX HUMIDES

Texte principal du CD-ROM, hors illustrations et annexes

Bernard [email protected]

Direction départementale de l’agriculture et de la forêt du Morbihan

Page 2: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

I - ECOLOGIE FONDAMENTALE

II - EAU ET MILIEUX HUMIDES

______________________________________________________

SOMMAIRE

I - ECOLOGIE FONDAMENTALE

1. DOMAINE ET DEFINITIONS2. DYNAMIQUE DES POPULATIONS3. LE BIOTOPE : LES FACTEURS ECOLOGIQUES4. RELATIONS ALIMENTAIRES ET ENERGETIQUES 5. RECYCLAGE DES ELEMENTS ET CYCLES BIOGEOCHIMIQUES6. EVOLUTION DES ECOSYSTEMES, DIVERSITE ET STABILITE7. LES PRINCIPAUX MACROSYSTEMES 8. LA BIOSPHERE- 9. PERTURBATIONS MAJEURES DE LA BIOSPHERE

II - EAU ET MILIEUX AQUATIQUES

1 - LE CYCLE DE L'EAU (11. LE CYCLE HYDROLOGIQUE) 1.2. - LE CYCLE HYDROECOLOGIQUE2 - HYDRO-ECOLOGIE (21 - FAUNE ET FLORE : LES ETRES VIVANTS DANS LES EAUX DOUCES) 22 - ECOLOGIE DES EAUX COURANTES 23 - ECOLOGIE DES EAUX STAGNANTES 24 - ZONES HUMIDES ET ESTUAIRES 3 - POLLUTIONS 31 - POLLUTION ORGANIQUE DES COURS D'EAU 32 - EUTROPHISATIONS 33 - POLLUTIONS AGRICOLES 34 - POLLUTIONS CHIMIQUES ET BIOCONTAMINATION 4 - PROTECTION DE LA NATURE 41 - PROTECTION DES ESPECES 42 - PROTECTION DES MILIEUX(5 - REGLEMENTATION ET GESTION DE L'EAU)

2

Page 3: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

I - ECOLOGIE FONDAMENTALE

1. DOMAINE ET DEFINITIONS

L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel en 1886, est étymologiquement la science de l'habitat, de la "maison", du "ménage". Discipline de la biologie, elle étudie les interactions déterminant la distribution et l'abondance des organismes vivants. C'est la science de la structure et des fonctions de la Nature.

Ses principales orientations sont les suivantes :

* la démoécologie ou dynamique des populations : l'étude des variations dans l'abondance et la structure des populations ;

* l'autoécologie, étude d'une espèce dans ses rapports avec le milieu vivant (facteurs biotiques) ou non vivant (facteurs abiotiques);

* la synécologie, étude des relations fonctionnelles des diverses espèces, prises dans leur ensemble, entre elles et avec leur milieu.

Parmi les sciences de la vie, l'écologie étudie les niveaux d'organisation les plus vastes et dont les règles peuvent sensiblement s'écarter des champs plus restreints. De la cellule vivante à la biosphère dans son ensemble, elle s'intéresse à l'écophysiologie, à la biologie des populations, aux "écosystèmes" et à leur évolution, même globale à l'échelle de la biosphère terrestre.

Aux considérations strictement scientifiques s'ajoutent des préoccupations plus appliquées telles que la contamination de l'environnement et la lutte contre la pollution, la dégradation des milieux, la disparition des espèces, la protection des écosystèmes et la conservation de leur biodiversité, les impacts des aménagements, le développement « durable » des activités humaines, l'avenir général de la biosphère, etc.

Les êtres vivants habitent un milieu avec lequel ils sont en relations obligées. Les êtres vivants, y compris l'homme, et le milieu non-vivant sont inséparables et en interaction réciproque. Un écosystème, ou système écologique, est l'unité fonctionnelle constituée:

- par un milieu donné ou biotope,

- et par les organismes qui l'habitent ou biocénoses.

Une biocénose est un groupement d'êtres vivants rassemblés par l'attraction qu'exercent sur eux les facteurs du milieu. Ce groupement est caractérisé par une composition spécifique que détermine l'existence de phénomènes d'interdépendance, et il occupe un espace appelé le biotope. Par biotope ou "milieu de vie", on entend l'ensemble des facteurs écologiques abiotiques et biotiques qui caractérisent le milieu où vit une biocénose.

On réserve en général le nom d'habitat au milieu de vie d'une ou de quelques espèces. L'habitat se distingue de la niche écologique qui est :

- au sens strict, l'ensemble des caractère fonctionnels permettant à une espèce donnée de s'intégrer à une biocénose. En ce sens, "l'habitat est l'adresse, la niche écologique est la profession";

3

Page 4: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

- au sens large, l'ensemble des caractères fonctionnels mais aussi abiotiques.

Parmi les termes voisins de biocénose, on peut citer :

- les associations : ensemble de populations d'une biocénose appartenant à un même groupe systématique ou trophique (d'ordre alimentaire). Ce terme est surtout utilisé en écologie végétale;

- les biomes : principales biocénoses prises à une échelle très vaste.

2. DYNAMIQUE DES POPULATIONS

2.1. Caractéristiques d'une population

2.1.1. Population et peuplement

Unité fondamentale de toute biocénose, la population est constituée par l'ensemble des individus appartenant à une même espèce dans un biotope donné, c'est-à-dire des individus potentiellement interféconds (survie des chromosomes dans la reproduction sexuée), ou encore "participant du même club de chromosomes".

Le terme de peuplement désigne l'effectif de plusieurs espèces à la fois.

Les populations peuvent rarement être dénombrées de façon exhaustive. On procède généralement par dénombrements partiels à vue ou "à l'oreille", etc. : ainsi par quadrats ou plots, ou par transects (par exemple pour des oiseaux dans une forêt), par prélèvements d'échantillons (notamment invertébrés des sols ou des arbres, plancton pris par des filets), par piégeages, par captures et recaptures (pêche électrique de poissons en rivière par exemple) et par toutes sortes de méthodes basées sur les caractéristiques des espèces (traces, terrieurs, fecès, rejecta, etc...).

Les comptages et les évaluations butent fréquemment sur deux difficultés:

- l'identification de chaque espèces, principalement pour les invertébrés ;

- l'évaluation statistique, qui doit notamment être adaptée à la biologie des populations et en particulier tenir compte de leur occupation de l'espace.

2.1.2. Occupation de l'espace

Une population peut être uniformément distribuée dans un biotope donné. D'autres fois, elle peut être distribuée au hasard, ou encore en groupes, ces groupes se retrouvant eux-mêmes répartis soit au hasard, soit de façon uniforme.

Chaque espèce occupe le territoire de façon propre : espèces avec territoires constants ou temporaires, établis avec certaines caractéristiques par rapport aux points d'eau, en superficie ou disposition etc.; espèces sans territoires, pouvant vivre en groupes diversement structurés ; migrations.

Une même espèce, dans un biotope donné, peut fluctuer avec par exemple des effectifs variables d'individus résidents ou temporaires.

2.1.3. Critères démographiques

4

Page 5: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Comme en démographie de l'espèce humaine, on recense les effectifs d'une espèce par classes d'âge. Ainsi s'établit la pyramide des âges, le sex ratio, les taux de natalité et de mortalité, les espérances de vie, les tableaux et les courbes de survie.

Critères démographiques du Cerf-Mulet

Les courbes de survie sont extrêmement variables. Elles ressortent des divers types selon que la mortalité est assez uniforme avec l'âge, ou bien très forte dans les premiers stades, ce qui est très fréquent, ou encore dans les derniers.

Types de courbes de survie

2.1.4. Loi de croissance d'une population

- Modèle simple de croissance

L'effectif N d'une population peut s'écrire : Nt = Nt-1 + naissances + immigrants - morts - émigrants

Rapporté à l'individu, le taux d'accroissement, R ou r, s'exprime ainsi : R = N/NT

et, si t tend vers 0 : r = dN/Ndt , r est le taux intrinsèque d'accroissement naturel.

Lorsque r est constant (r = rmax ou rm), c'est-à-dire quand les facteurs du milieu ne sont pas limitants, la relation devient :

N = N0e-rm(t-t0), où N0 est l'effectif à l'origine , N = N0e-rmt si on prend t0=0

La population croît alors selon une exponentielle appelée courbe du potentiel biotique ou "courbe en j". En fait, r n'est pas constant. Selon l'hypothèse la plus admise (Verhulst, 1938), R diminue linéairement selon N : R = r [1-(N/K)]

Dans ce cas : N = K /[1 + e-rt(K-N0)/N0] ; dN/dt = rN [(K-N)/K]

L'effectif suit ainsi une courbe en "S" qui tend vers K, "capacité limite du milieu": la population est ici régulée par sa densité. La vitesse de croissance est maximale pour K/2.

Courbes de croissance théoriques d'une population

Le calcul montre que si le système est écarté de sa position d'équilibre K, il tend à y revenir pour r < 2, mais au contraire à s'en écarter par des oscillations de plus en plus grandes (jusqu'à N = 0) pour des taux plus élevés.

Dans d'autres cas, r diminue dans les faibles comme dans les fortes densités. Il peut y avoir aussi un délai entre une densité et son effet sur le taux d'accroissement, ce qui entraîne des fluctuations cycliques, stables ou instables, de la densité. Bien entendu, r est affecté par les changements du milieu (température par exemple) ou par des variations dans la composition génétique, etc.

- Stratégie r et stratégie K

5

Page 6: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Dans un contexte donné, chaque espèce établit une stratégie adaptative, résultante des interactions et contraintes relatives à la morphologie, la physiologie, les comportements, etc. Mais on peut distinguer deux types principaux:

- la stratégie r à caractère "pionnier", expansif et productif, à fort coefficient rm et courbe en J,

- la stratégie K des populations plus stationnaires, avec population dépendante de la densité, favorisant les génotypes les plus efficients, avec courbe en S, souvent dominantes dans les milieux saturés.

Stratégies r et K

2.1.5. Exemples de fluctuations de population

Si certaines populations sont stables, la plupart présentent des fluctuations importantes.

Exemples de fluctuations de populations

Celles-ci peuvent être périodiques, souvent avec un cycle annuel (en particulier pour des invertébrés des eaux ou des sols, des oiseaux), mais aussi pluriannuel (hannetons, lemmings, certaines chenilles défoliatrices, lièvres variables en Amérique du Nord). Si l'influence du milieu est fréquente, les fluctuations peuvent être dues à la compétition : expérimentalement, on a ainsi pu créer un cycle périodique en agissant sur la compétition intraspécifique dans des populations de mouches à viande.

Les fluctuations peuvent aussi être apériodiques et dépendre notamment des conditions du milieu comme l'évolution des conditions climatiques ou, pour les producteurs, de la teneur en sels minéraux.

Un cas particulier est celui des espèces nouvellement introduites dans le milieu. Parmi les nombreux exemples d'espèces en voie d'extension, ou de régression au contraire, il existe des cas fréquents où une espèce nouvellement introduite montre une forte expansion parallèlement à la disparition d'espèces concurrentes ou des hôtes s'il s'agit de parasites.

2.2. Relations entre deux populations

2.2.1. Types de relations

Elles sont extrêmement variées et souvent non dépourvues d'ambiguïtés. Mais on peut classer les principaux types d'interactions :

- Neutralisme : pas d'influence réciproque.

- Compétition interspécifique (par différence avec la compétition intraspécifique, entre les individus à l'intérieur d'une même espèce) : lutte active ou passive pour un même bien tel que la lumière (végétaux surtout), l'alimentation, les abris, etc. Exclusive ou non - une espèce exclut une autre ou non - elle influence la croissance, la physiologie, la forme (arbres), la densité, la répartition des individus dans les divers habitats d'une même aire, la répartition géographique des espèces, l'évolution des biocénoses, etc. Elle modifie les limites de tolérance et souvent réduit la niche écologique (voir 2.4.2).

- Commensalisme : une espèce commensale tire bénéfice d'une autre qui n'en subit ni avantage, ni dommage. Les espèces sont souvent en contact : par exemple, lichens, orchidées et toutes épiphytes sur les arbres, balanes sur les baleines ou autres cas d'épizoaires.

6

Page 7: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

- Symbiose : deux espèces ne peuvent vivre qu'ensemble : par exemple, les lichens (algues et champignons qu'on a séparés toutefois au laboratoire), bactéries ou protozoaires de tubes digestif d'invertébrés ou de vertébrés, bactéries azotofixatrices de plantes souvent pionnières comme l'aulne ou les légumineuses (genêt, trèfle,...), mycorhizes (champignons en symbiose avec les racines des arbres), zooxanthelles (algue endocellulaire) et cnidaires dont l'association augmente la productivité des massifs coralliens, symbioses diverses et souvent très curieuses entre animaux et végétaux (notamment des insectes pollinisateurs parfois très spécialisés).

Exemples de symbioses

- Coopération : association non indispensable de deux espèces, ce cas est souvent difficile à distinguer du précédent. Il s'agit par exemple, des relations entre les plantes et les bactéries au niveau des racines, dans la "rhizosphère".

- Amensalisme : une espèce est inhibée dans sa croissance par une autre, souvent par la sécrétion de substances par des microorganismes (antibiotiques produits par les champignons, par exemple), des algues planctoniques (toxines aux fonctions mal élucidées), des plantes entre elles (noyer par exemple), ou vis à vis d'herbivores et de parasites (par production de terpénoïdes, alcaloïdes, polyphénols comme les tannins, etc.) Ou encore vis à vis de carnassiers.

- Parasitisme : un parasite est un organisme lié à la surface (ectoparasite) ou à l'intérieur (endoparasite) d'un être vivant dont il se nourrit sans le tuer, du moins en principe. Un parasite peut infester de nombreuses espèces, ou quelques-unes voisines, ou une seule, et même parfois d'autres parasites (hyperparasitisme). L'ensemble constitué par une espèce, ses parasites et hyperparasites, est appelé complexe parasitaire. On qualifie aussi de parasites les bactéries, champignons et virus pathogènes. Ceux qui tuent leur hôte sont parfois appelés parasitoïdes. Le cycle biologique des parasites, surtout celui des invertébrés, peut être d'une grande complexité (cf. Ecologie des eaux). Leur dynamique des populations, et donc les effets sur les hôtes, est marquée par de grandes fluctuations.

- Prédation : au sens large, un prédateur est un organisme qui recherche une nourriture vivante, animale ou végétale. Au sens courant, il s'agit d'espèces se nourrissant d'espèces animales. La prédation n'est pas toujours facile à distinguer du parasitisme.

2.2.2. Etude de deux types d'interaction

- La compétition interspécifique

De l'équation logistique dN/dt = rN [(K-N)/K], Lokta et Voltora ont tiré, pour deux espèces en compétition :

dN1/dt = r1N1 [(K1-N1-1N2)/K1] et dN2/dt = r2 N2 [(K2-N2-2N1)/K2]

1 et 2 étant les coefficients de compétition. La survie de l'une ou l'autre, ou des deux espèces, dépend de 1 et 2 vis-à-vis du rapport K1/K2. On constate ainsi que les deux espèces peuvent vivre ensemble, en compétition non exclusive, si la pression de concurrence interspécifique ne dépasse pas la compétition intraspécifique, à l'intérieur de l'espèce elle-même.

Compétition exclusive ou non exclusive

Dans la nature, la survie d'une espèce est donc conditionnée à une différenciation dans l'exploitation du milieu vis à vis des espèces concurrentesdiminuant la compétition interspécifique, et donc à une séparation des niches écologiques.

7

Page 8: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Schéma et exemple de ségrégation de niches écologiques

L'expérimentation au laboratoire a confirmé ces déductions. Elle a montré aussi que la présence de prédateurs, une baisse de compétition en-deça d'une certaine densité, ou une sélection pendant l'expérience, ou enfin une diversification du milieu permettent le maintien de deux espèces.

Dans la nature, les exclusions sont rares, surtout dans les écosystèmes de grande dimension, au contraire des îles. Le partage des ressources s'opère par "ségrégation écologique": des espèces exploitant des niches écologiques semblables ou très voisines lorsqu'elles vivent séparées, se différencient lorsqu'elles vivent ensemble, en déplaçant et réduisant les limites de tolérance (Figure 1.8) et les niches écologiques. Cette différenciation peut d'ailleurs s'accompagner d'une différenciation de la morphologie, par exemple chez les oiseaux. La concurrence permet ainsi d'exploiter au mieux les capacités d'accueil du milieu.

- La relation "mangeur-mangé", prédateur-proie

Largement débattues, les relations entre les populations de prédateurs et celles des proies s'avèrent très variables.

Les modèles de Lotka et Voltora (1925 et 1926), en supposant que le taux d'accroissement des proies diminue proportionnellement à l'effectif des prédateurs et que le taux d'accroissement des prédateurs dépend linéairement de l'effectif des proies, prévoient des oscillations périodiques.

Au laboratoire, la réalisation de cycles d'oscillations nombreuses est assez difficile. Ils ne s'observent que lorsque les proies peuvent avoir des abris et qu'elles ne sont pas limitées seulement par la prédation.

Dans la nature, il arrive souvent que les prédateurs n'éliminent que les individus placés dans des conditions défavorables et en surnombre, s'assurant ainsi une disponibilité continuelle. C'est d'ailleurs la justification des plans de chasse.

Ainsi, les herbivores ne consomment globalement qu'environ 15% de la production primaire nette : "la terre est toujours verte".

L'expérience dans certaines réserves biologiques, a même parfois montré que les prédateurs peuvent être indispensables au maintien, à long terme et à une densité assez élevée, des populations d'herbivores. Car les herbivores en densité excessive peuvent détériorer le milieu et diminuer la production primaire disponible.

Cependant l'introduction de brouteurs, de prédateurs et de parasites a montré souvent que le mangeur peut réduire la population des proies, même de plusieurs ordres de grandeur. Cette observation est d'ailleurs le fondement des méthodes de lutte biologique ou de lutte intégrée contre les ravageurs de récolte.

Populations des prédateurs et des proies

Pour la proie, la relation entre sa densité et celle d'un prédateur dépend de l'importance de la prédation comme facteur de mortalité. Pour le prédateur, elle dépend de la diversité des proies capturées et des possibilités de remplacer par d'autres une proie devenue trop rare.

8

Page 9: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3. LE BIOTOPE : LES FACTEURS ECOLOGIQUES

Les relations des espèces avec leur milieu sont marquées par l'influence de certains paramètres: les facteurs écologiques, limité ici aux facteurs abiotiques (non vivants).

3.1. Mode d'influence des facteurs écologiques

3.1.1 - Facteur limitant

En 1840, Justus Liebig a énoncé le principe de la loi du minimum : la croissance des végétaux est limitée par l'élément dont la concentration est limitée, quelle que soit l'abondance des autres éléments (N, P, K, mais aussi Mo, etc...). Au-delà d'une certaine abondance, ces éléments deviennent toxiques. Un facteur est limitant lorsqu'il se trouve en-deçà d'un seuil minimal, ou bien au-delà d'une limite tolérable. Toutefois, il arrive que ces limites puissent être influencées par d'autres facteurs et certaines compensations peuvent se manifester.

3.1.2 - Limites de tolérance

Tolérance écologique, gradients, zonations

- Vis-à-vis d'un seul facteur abiotique

L'abondance d'une espèce varie en fonction d'un facteur du milieu, d'une façon souvent non symétrique : c'est la loi de tolérance de Shelford (1913).

La valence ou amplitude écologique est la capacité pour un organisme de supporter l'action d'un facteur écologique entre certaines limites.

On distingue les espèces sténoèces, à valence écologique restreinte, et les euryèces, à valence écologique large. Par exemple on distingue pour la température, les sténothermes "froids" ou "chauds", et les eurythermes ; pour l'oxygène dans l'eau, les sténoxybiontes et les euryoxybiontes, etc...

- Tolérances multifactorielles

Chaque espèce réagit à des combinaisons de facteurs. On peut ainsi décrire des "ellipsoïdes" pour deux facteurs conjugués ; ou des "patatoïdes" pour trois dimensions, par exemple dans l'eau : la température, l'oxygène dissous et la salinité ; ou décrire l'action de n facteurs sur la répartition et la croissance des espèces.

- Gradients, zonations, successions

Pour un même facteur, prises isolément, les espèces n'ont pas les mêmes exigences.

Fréquemment, un facteur (ou plusieurs associés) varie de façon continuelle le long d'une certaine direction ou au cours du temps. Il en résulte des zonations et des successions : pour les milieux aquatiques, il s'agit de succession des flores algales, de zonations d'amont vers l'aval dans les cours d'eau, d'évolution en aval d'un rejet de pollution organique, etc.

Zonations de formations végétales

9

Page 10: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Toutefois, les exigences écologiques des espèces prises isolément sont plus larges que celles observées sur le terrain, en raison de la compétition principalement.

- Ecotones

Lorsqu'un ou plusieurs facteurs varient brutalement, les zonations sont très serrées. C'est le cas, entre les écosystèmes, au niveau des écotones. Ceux-ci sont des écosystèmes de transition comme les estuaires, les marais, les lisières, ceintures de végétation sur le bord des lacs ou les étagements sur le littoral. Ils ont souvent une biodiversité et une importance particulières.

La grande variabilité de ces milieux permet l'installation d'un large éventail d'espèces spécialisées, ou le développement d'espèces particulièrement tolérantes. Par ailleurs, les écotones peuvent être un lieu de passage entre deux écosystèmes différents, ou bien servir de milieu de vie à des phases particulières pour les espèces qui vivent dans les milieux adjacents.

3.2. Principaux facteurs écologiques

- La température

Elle a un effet général sur le métabolisme, tout particulièrement sur les poïkilothermes, animaux à température variable - animaux « à sang froid », par différence avec les homéothermes que sont oiseaux et mammifères. Chez les invertébrés, les insectes par exemple, l'influence porte sur le nombre de générations par an, la durée du cycle de vie, la densité de la population. Souvent, c'est la température minimale ou maximale qui est limitante, agissant en particulier sur la répartition géographique des espèces.

On distingue les limites létales ou sublétales. Les premières sont mortelles, les secondes exercent un effet défavorable sur la croissance, la reproduction, la sensibilité aux maladies, les relations avec les autres espèces, la concurrence, etc.

On distingue aussi les sténothermes froids ou chauds et les eurythermes : les variations de température ont aussi une influence par leur amplitude.

-L'éclairement

La lumière est d'abord source d'énergie pour la photosynthèse. Elle est limitante par ses faibles valeurs (énergie) autant que par ses fortes valeurs (photolyse de la chlorophylle par exemple) et même par sa qualité (longueur d'onde, tout particulièrement dans l'eau).

Les variations de la photopériode, durée de la phase lumineuse, constituent un signal qui rythme et règle la biologie des végétaux et des animaux : rythmes circadiens ou nycthéméraux, diapauses d'arthropode, induction des comportements reproducteurs ou territoriaux chez les vertébrés, etc.

- L'eau, l'humidité

Chaque organisme a un "bilan" de l'eau où les fuites sont compensées par les absorptions, souvent sous l'influence de mécanismes physiologiques et comportementaux complexes. Selon leurs besoins en eau et leurs adaptations aux diverses conditions relatives à l'eau, on peut classer les organismes vivants en aquatiques, hydrophiles, mésophiles, xérophiles.

Pour les végétaux, les échanges gazeux nécessaires à la photosynthèse s'accompagnent d'une perte d'eau, essentiellement par les stomates. La photosynthèse avec cycle en C4, et surtout celle de plantes

10

Page 11: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

grasses, est cependant plus économe en eau que les plantes à cycle en C3. Globalement, la production primaire d'écosystèmes continentaux est très souvent limitée par la disponibilité en eau; c'est ainsi que l'on observe la corrélation suivante pour des écosystèmes très divers :

Log10Pn = (1,66G0,27)log10ETR-(1,66G0,07)

Pn = production primaire nette au-dessus du sol en g/m2/an,

ETR : évapotranspiration réelle en mm (exprimant en même temps l'action de l'énergie solaire et la disponibilité en eau) .

Parmi d'autres facteurs d'importance, il faut citer la distribution saisonnière de l'eau, le pouvoir évaporateur de l'air et l'humidité. Humidité et température ont d'ailleurs une influence souvent combinée.

- Le climat en général

Son incidence est souvent décrite par des indices climatiques intégrant divers paramètres du climat comme la pluie, la température, l'ensoleillement, le vent, etc.

Climat et conifères méditerranéens

A diverses échelles, on distingue :

* les macroclimats, à l'échelle d'un pays par exemple; * les mésoclimats, à l'échelle d'un massif montagneux par exemple; * les microclimats : à l'intérieur d'une forêt, dans les herbes, dans les sols, etc., qui sont souvent en relation avec les conditions topographiques comme en montagne avec l'adret et l'ubac ou encore la zonation selon l'altitude.

- Divers facteurs chimiques

Parmi d'autres facteurs d'importance, il faut citer la distribution saisonnière de l'eau, le pouvoir évaporateur de l'air et l'humidité. Humidité et température ont d'ailleurs une influence souvent combinée.

- Le sol

Formation du sol

Les sols sont tout à la fois milieu de vie et facteur écologique. Ils résultent des actions climatiques et biologiques au contact de la roche-mère. Ils sont caractérisés en particulier par leur topographie, la texture et la porosité, l'humidité, leurs horizons, l'abondance des matières humiques, la capacité d'échange et le caractère lessivé... Ils peuvent varier à une échelle très fine, mais de grands types de sols peuvent également être cartographiés à une échelle très vaste.

- Le feu

Le feu dans une lande de Bretagne

11

Page 12: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

C'est un important agent naturel de minéralisation de la matière organique, de sélection des espèces résistances, etc. Son occurence, renforcée par l'homme, peut devenir dégradante et destructrice pour les espèces et les milieux.

4. RELATIONS ALIMENTAIRES ET ENERGETIQUES

Elles sont caractérisées par un flux d'énergie et par la recirculation des éléments que réalisent divers groupes fonctionnels de la biocénose qui vivent de façon solidaire : producteurs, consommateurs et décomposeurs.

4.1. Production primaire

Transformation d'une énergie physique ou chimique en énergie directement utilisable dansles réactions du métabolisme des êtres vivants, elle assure la fourniture d'énergie et l'essentiel de la fabrication de matière organique qui sont nécessaires au monde vivant.

Le flux d'énergie a pour source presqu'unique le rayonnement solaire. Celui-ci est évalué à 2 cal/cm2/mn à l'arrivée sur la planète. La moitié de cette constante solaire est portée par le spectre visible, de 0,4 à 0,8 µm. Après réflexion, réfraction, absorption atmosphérique, etc., 10% environ sont reçus par les plantes vertes qui en convertissent en général 1% en énergie biochimique. Cependant, une partie des radiations solaires qui n'entrent pas dans le processus de la photosynthèse est utile à la biosphère : par le réchauffement jusqu'à une température "vivable", par les mouvements atmosphériques, par le cycle de l'eau sur les terres, par les courants océaniques, etc.

Cette assimilation ou production primaire photosynthétique est effectuée pour l'essentiel par les végétaux chlorophylliens planctoniques (algues) ou terrestres (plantes), selon la réaction d'oxydo-réduction schématique :

CO2 + 2 H20 -> (CH20) + H20 + O2

La réaction de photosynthèse est initiée par les photons de la lumière excitant des pigments et finissant par libérer un électron d'une chlorophylle. Le transport d'électrons aboutit à la production de NADPH + H+ et d'ATP. Ces molécules servent ensuite à synthétiser des glucides en consommant du dioxyde de carbone. Le cycle de synthèse le plus général, découvert par Calvin, utilise des molécules à trois atomes de carbone, d'où le nom de cycle en C3. Dans les régions plus ensoleillées existe un cycle en C4, chez le maïs par exemple, avec plusieurs variantes dont l'une, chez des plantes grasses, est plus adaptée aux régions désertiques. Le cycle en C4 occasionne moins de pertes en eau que le cycle en C3.

La production primaire brute sert d'abord à la respiration de la plante. Le supplément, soit 50 % habituellement mais parfois jusqu'à 90 %, constitue la production primaire nette stockée dans l'accroissement de la biomasse (c'est-à-dire la masse vivante) végétale, à raison souvent de 4 à 5 kcal/g de matière sèche.

La respiration est un terme général exprimant globalement la décomposition oxydative des matières carbonées dans les êtres vivants, laquelle aboutit à l'oxydation du carbone en CO2, terme des décompositions oxydatives le plus général. Mais il existe bien des voies d'évolution du carbone, avec le cycle du méthane tout particulièrement. Par ailleurs, d'autres éléments quantitativement secondaires comme le soufre ou le fer peuvent être oxydés. La respiration transfère l'énergie sur des composés et des liaisons "riches en énergie" utilisés directement dans les réactions biochimiques. La respiration apparaît ainsi comme le pendant, presque symétrique, de la photosynthèse.

La production primaire est exprimée en poids frais ou en poids sec, mais le plus souvent en carbone assimilé ou Kcal. La productivité est le taux de production par unité de surface et de temps.

12

Page 13: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

4.2. Production secondaire

Il s'agit de la production de matière organique vivante à partir de matière vivante ou morte, et non sur la base de réactions chimiques d'éléments minéraux, ni à partir d'énergie lumineuse.

4.2.1. Chaînes et réseaux tropiques (= alimentaires)

Ils assurent dans les biocénoses la circulation de la matière, et donc le transfert d'énergie biochimique. Le producteur primaire est le premier niveau trophique, c'est-à-dire d'ordre alimentaire; puis c'est l'herbivore ; ensuite le carnivore dit de premier ordre, le carnivore de second ordre, et ainsi de suite.

Schéma de l'énergie dans une chaîne alimentaire

Comme exemples de telles chaînes alimentaires, on peut citer :

herbe -> vache (viande, lait) - > homme chêne -> chenille -> mésange -> épervierphytoplancton marin -> zooplancton -> poisson microphage -> poisson macrophage -> oiseau -> ichthyophage végétation terrestre et rivulaire -> feuilles mortes -> gammares -> truites

4.2.2. La production secondaire des consommateurs

De façon schématique, la production nette est en partie mangée par les consommateurs de premier ordre ou herbivores, sauf ce qui tombe en débris, déchets, cadavres ; les herbivores produisent des excrétions et des déchets et respirent ; le reste constitue la production secondaire nette stockée en biomasse ; une partie meurt et donne des cadavres, une autre est dévorée par les consommateurs de second ordre qui sont en même temps les carnivores de premier ordre, et ainsi de suite.

Cette chaîne repose sur la consommation de matière végétale vivante par les herbivores.

4.2.3. La production secondaire des Transformeurs ou Décomposeurs

Le débits, déchets excrétions, cadavres, etc., représentent un stock de matière non-vivante qui sert de nourriture à des consommateurs qualifiés de décomposeurs. Parmi les plus importants, les champignons et les bactéries assurent l'essentiel de la minéralisation des éléments, leur retour sous forme minérale qui permet leur recyclage et leur disponibilité pour la production primaire. Ils assurent une production secondaire à base de décomposition.

Deux types de chaînes selon les productions secondaires

Ces décomposeurs peuvent, eux aussi, être la proie des consommateurs, y compris des herbivores, formant ainsi un second type de chaîne alimentaire plus ou moins croisée avec la précédente.

4.3. Reseau trophique et pyramides écologiques

4.3.1. Réseau trophique d'ensemble

13

Page 14: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Les deux types de production secondaire coexistent dans les écosystèmes sous la forme de chaînes alimentaires complexes, ou plutôt de réseaux alimentaires. D'ailleurs, cette complexité permet un meilleur rendement d'un niveau trophique à l'autre.

5. RECYCLAGE DES ELEMENTS ET CYCLES BIOGEOCHIMIQUES

5.1. Notion de cycle

Le fonctionnement des écosystèmes entraîne des échanges de matière entre le monde vivant et le monde minéral. Des éléments ou des molécules passent de l'un à l'autre souvent avec des étapes intermédiaires (adsorption, matières humiques,...) où ils sont plus ou moins disponibles. Ces allers et retours avec recyclages sont appelés d'une façon globale des cycles biogéochimiques.

Schéma d'un cycle biogéochimique

C'est le cas en particulier:

- des éléments chimiques appelés macronutriments : C, H, O, N, K, Ca, Mg, S et P; - des micronutriments ou oligoéléments : Fe, Cu, Mn, Co, Zn, Na, Cl,...; - d'éléments chimiques apparemment neutres ou au contraire directement toxiques : strontium, mercure ; - de molécules comme l'eau, les pesticides, etc.

La sortie du milieu vivant se fait par sécrétions, excrétions, fèces et surtout par la minéralisation à la mort des organismes, sous l'influence des transformeurs. A noter aussi l'influence du feu, puissant agent de minéralisation.

Le retour au milieu vivant se fait par les bactéries libres ou symbiotiques, par des décomposeurs, etc., et surtout par la production primaire photosynthétique.

Les pertes de matière sont souvent très limitées dans les écosystèmes à l'équilibre, une forêt primaire par exemple. Mais ils peuvent augmenter fortement après perturbation. C'est le cas de la destruction de la forêt tropicale suivie de pertes par ruissellement.

Dans les océans comme dans les lacs, une bonne part des matériaux sont minéralisés au niveau des sédiments et sont peu disponibles pour la production primaire photosynthétique qu'ils limitent. C'est le cas principalement du phosphore, au cycle principalement sédimentaire. Dans les océans, il remonte en particulier grâce aux courants "d'upwelling".

Les sorties du monde vivant sont parfois excédentaires, avec un stockage extérieur à la biomasse. A l'inverse de ce mouvement, certains toxiques tendent à rester et à se concentrer dans les êtres vivants par rapport au milieu : par exemple le lindane ou d'autres organochlorés liposolubles.

Certains éléments changent de degré d'oxydo-réduction au cours de leur cycle et sont à l'origine d'une production "primaire" chimiosynthétique : outre le carbone, c'est le cas du fer, du soufre et de l'azote principalement.

5.2. Cycle du soufre en milieu aquatique

Cycle du soufre en milieu

14

Page 15: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

aquatique

Le soufre est transformé et change de degré d'oxydo-réduction lors des échanges entre le milieu et la biomasse vivant dans l'eau, à l'interface eau-sédiments, et à l'intérieur des sédiments. Ces réactions dépendent des conditions physico-chimiques et sont effectuées en grande partie sous l'influence de divers types de bactéries associées au cycle du soufre :

- les producteurs primaires utilisent le sulfate (SO4) pour leurs synthèses d'acides aminés soufrés, le soufre est libéré par excrétion sous forme de sulfate ou par les décomposeurs sous forme de H2S ;

- diverses bactéries spécialisées transforment H2S en S puis SO4 (bactéries incolores, pourpres ou vertes), ou directement H2S en SO4 (Thiobacillus) ;

- il peut y avoir réduction anaérobie des sulfates en sulfures, lesquels forment des précipités noirs avec le fer.

On remarque en particulier que le fer piège les sulgfures, sous forme de précipités noirs, et que la disponibilité du phosphore est liée à sa liaison avec le fer. A noter aussi que l'oxydation du soufre peut se faire par photosynthèse sous l'action des bactéries vertes qui utilisent H2S au lieu de H2O et excrètent S.

5.3. Cycle du carbone

Le cycle du carbone est gazeux (CO2, CH4, CO), mais aussi liquide et même sédimentaire avec les roches carbonatées. Il est dominé par deux processus inverses, liés à l'oxygène:

- la photosynthèse : CO2 Y C organique + O2 (mais en fait, O2 dégagé vient de l'eau qui est photolysée),

- la respiration : C organique + O2 Y CO2.

Productivité primaire biomasses, cycle du carbone dans divers écosystèmes

Cependant, il existe des voies métaboliques variées, en particulier les fermentations. Elles conduisent au méthane, à l'oxyde de carbone, aux matières humiques, à la tourbe, etc. Il faut signaler également l'immobilisation du CO2 dans les roches carbonatées.

Le stock atmosphérique est celui avec lequel communiquent immédiatement la faune et la flore continentale. La biomasse en contient un tonnage important et le stock dans l'humus lui est au moins équivalent.

La productivité et les stocks de carbone terrestre sont variables selon les biomes. Pour une biomasse globale terrestre entre 400 et 800 GT et une productivité nette estimée à 50 GT, le stock dans les sols est évalués à 700-1500 GT.

En mer, la biomasse est très faible et largement inférieure au carbone contenu dans les matières organiques mortes, et surtout au carbone dissous dans les eaux sous la forme de CO2 , carbonates et bicarbonates.

Enfin, les matières organiques fossilisées constituent des stocks plus ou moins définitifs, constitués au cours de l'histoire de la biosphère : principalement le charbon, avec environ 1013 t de réserves utilisables ultimes, le kérogène et les hydrocarbures; les roches carbonatées, principalement les calcaires.

15

Page 16: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

6. EVOLUTION DES ECOSYSTEMES, DIVERSITE ET STABILITE

6.1. Notion de série et de climax

Si l'on met de l'eau et un peu de sédiments dans un récipient placé à la lumière, on constate une évolution caractérisée par une croissance de la production brute, suivie ensuite de celle de la respiration, les deux finissant par s'équilibrer.

Evolution d'écosystèmes

On peut aussi décrire l'évolution des biocénoses associées à un tronc d'arbre mort, une infusion de foin, un cadavre animal, etc. Un terrain laissé nu par défrichement ou par abandon des cultures, évolue vers la prairie puis, si le climat le permet, vers la forêt :

terrain nu >> végétation pionnière >> prairie >> arbustes >> forêt

On appelle sère ou série l'ensemble de la succession, et "climax" l'état d'équilibre qui apparaît au bout d'un certain temps par une certaine "homéostasie" de l'écosystème. Dans nos régions tempérées, la végétation climacique est généralement la chênaie, la hêtraie, ou la chênaie-hêtraie.

6.2. Ecosystèmes juvéniles et écosystèmes mûrs

Les écosystèmes juvéniles sont caractérisés par une forte production avec des espèces pionnières, dites de type r, pouvant se développer rapidement dans un milieu laissant de grandes possibilités et aux niches écologiques souvent larges. Ce sont des écosystèmes à biomasse en croissance, avec une faible diversité, aux relations simples entre les espèces.

Les écosystèmes mûrs ont une production primaire souvent plus faible, mais plus stable dans le temps. La biomasse est constante, les recyclages sont bien fermés - et peut-être trop ? Ils présentent une diversité très marquée et une grande complexité dans les relations entre espèces, souvent curieuses : mutualisme, parasitisme, symbioses et coopérations, etc. Les espèces sont souvent de type K, à croissance lente, mais avec des réserves importantes, et occupant des niches plus étroites et spécialisées. Elles sont aptes à se maintenir dans un milieu aux ressources très partagées. La production primaire n'est pas maximale, mais l'efficacité semble maximale pour maintenir en vie une biomasse élevée avec une biocénose diverse et stable.

6.3. Diversité et stabilité

La diversité en espèces apparaît comme une dimension écologique essentielle qui peut être appréciée:

- par le nombre d'espèces ou richesse spécifique; - par des indices de diversité découlant de considérations mathématiques et biologiques. Parmi les très nombreux indices de diversité, les deux plus employés sont :

. l'indice de Simpson: D = 3(ni/N)² ; (on utilise souvent 1 - D)

. l'indice de Shannon: H = - 3(ni/N)²log(ni/N)

16

Page 17: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Pour un même nombre d'espèces, H est maximal quand tous les effectifs sont égaux : on dit que l'équitabilité est maximale (Hm). L'équitabilité s'écrit: E = Hm/H

Assez fréquemment, la biomasse est représentée en majorité par quelques espèces comptant un grand nombre d'individus, tandis que de nombreuses espèces n'ont que quelques représentants.

Les courbes de distribution d'abondance des effectifs ont des allures caractéristiques qui font l'objet de divers modèles mathématiques.

La diversité des écosystèmes dépend tout particulièrement de leur surface et de leur isolement géographique : île =/= continent). Elle augmente avec leur ancienneté et la stabilité des conditions : forêt tropicale & récifs coralliens =/= estuaires.

D'une façon générale, les perturbations diminuent la diversité. Toutefois, certains écosystèmes présentent un "subclimax" stabilisé par des changements périodiques : par exemple les estuaires, les rivières, le chapparal.

7. LES PRINCIPAUX MACROSYSTEMES

Seuls quelques traits schématiques peuvent être donnés ici.

7.1. En milieu marin

7.1.1. Caractéristiques générales

La mer est immense (360.106 km2), profonde avec 4000 m de profondeur moyenne (75% à plus de 3000 m), continue et sans frontière, en circulation continuelle par des courants de toutes sortes, agitée par vents et marées, celles-ci ayant une grande importance près des côtes. Les sels en font un milieu physiologiquement particulier, où sont aussi présents des oligoéléments. Sa température est relativement stable.

Les éléments fertilisants sont en quantité limitée, plus particulièrement lorsqu'il y a stratification thermique. Par exemple dans l'Atlantique Nord, à des latitudes moyennes, on distingue une première couche convective superficielle jusqu'à 400 m environ, avec des thermoclines saisonnières; une thermocline stable de 400 à 1200 m de profondeur explique pour partie la faible productivité.

7.1.2. Principaux domaines

Schéma des principaux domaines marins

- Province néritique

Il s'agit du domaine littoral, avec ses étages supralittoral, médiolittoral ou intertidal et infralittoral, puis le plateau continental où l'étage infralittoral est continué par le niveau circalittoral. Il représente environ 10 % de l'océan, avec des fonds inférieurs à 200 m, mais procure 90% des pêches. Dans des eaux de couleur verte, la productivité est forte et la diversité spécifique élevée.

17

Page 18: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Les peuplements du littoral se succèdent en fonction de l'étagement et des conditions hydrodynamiques, avec des espèces très différentes sur une côte rocheuse ou sableuse

- Province océanique

De la surface jusqu'aux grands fonds, le domaine de pleine eau ou pélagique commence par la zone épipélagique, couche éclairée, jusqu'à une profondeur de 50 m, parfois jusqu'à 150 m. La zone mésopélagique est ensuite caractérisée par des changements saisonniers de température, jusqu'à 200 m environ. La zone infrapélagique va jusqu'à 500-600m de profondeur, niveau atteint par les migrations diurnes du plancton et affecté par le brassage thermique. Au-delà s'étend la zone bathypélagique, jusqu'à 2000-2500 m, puis abyssopélagique jusqu'à 6000 m, et enfin les eaux les plus profondes avec le domaine hadopélagique.

Sur le fond, après l'étage bathyal du talus continental, s'étendent les grandes plaines abyssales, de 2000 à 6000 m. Enfin la zone hadale des grands fonds présente divers accidents comme des fosses, des canyons, des rifts, etc.

Des "oasis" écologiques très particuliers ont été observés autour des sources hydrominérales. La production primaire chimiosynthétique y assure une chaîne alimentaire originale.

7.1.3. Productivité et écosystèmes océaniques

La productivité des écosystèmes océaniques, très variable, dépend notamment des teneurs en fertilisants : les vastes "eaux bleues" océaniques sont souvent comparables à des déserts par manque de sels fertilisants. Par contre, les zones dites d'upwelling, les hautes latitudes, de nombreuses zones péricontinentales et les récifs coralliens sont très riches et très productifs. En particulier, le long des côtes du Pérou, région qualifiée parfois de "pisciculture naturelle la plus productive au monde", la production secondaire atteint 300 kcal/m2.

Carte schématique de la productivité de l'océan

La productivité en poissons utilisables par l'homme est évaluée à 200.106 t/an seulement (en poids frais), soit 4 fois environ les prises actuelles. En effet, les chaînes trophiques sont souvent longues et peu efficaces telles que celle-ci :

Production primaire -> Herbivore -> Carnivore I -> Carnivore II -> YCarnivore III phytoplancton -> zooplancton -> zooplancton -> necton (poisson ou céphalopode) -> odontocère

En outre, la biomasse récoltable est souvent faible. Les techniques et l'effort de pêche actuels conduisent depuis plusieurs années à une surpêche qui n'est pas "durable", y compris du strict point de vue économique, et qui devra être profondément modifiée.

7.2. Biomes continentaux

Les principaux biomes ont une répartition géographique étagée de l'équateur aux pôles car ils dépendent des facteurs climatiques, en premier lieu température et précipitations.

Biomes continentaux, pluie et température

18

Page 19: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

- Forêts

C'est le climax notamment de l'Europe de l'Ouest. Les forêts sont en régression générale sous l'effet de l'extension de l'espèce humaine depuis le néolithique jusqu'à la période actuelle. Actuellement, elles occupent 30 à 50. 106 km2 pour 1012 tonnes de biomasse (en matières sèches) et 50. 109 t/an de productivité (en m.s.).

Forêts tropicales : très anciennes, s'étant notamment maintenues pendant les glaciations, elles offrent une étonnante diversité. Il s'y trouve davantage d'espèces dans quelques hectares que dans toutes les forêts d'Europe réunies. La plus forte biomasse, jusqu'à 500 t/an et même 1000 t/an, coïncide avec la plus forte productivité : 20 à 30 t m.s./ha/an. C'est une forêt sempervirente, toujours productive et arrosée par les pluies, avec plusieurs centaines à plusieurs milliers d'espèces d'arbres, et une densité de peuplement importante à tous les niveaux verticaux, sauf en strate herbacée.

Il est important de signaler le faible développement des racines, la maigreur des sols et pratiquement l'absence d'humus en raison de la température élevée et du lessivage. Le recyclage des sels minéraux est très rapide et s'effectue pratiquement au-dessus du sol. Après déforestation, les sols sont très fragiles et la régénération très difficile.

Forêts sèches tropicales : leurs espèces caducifoliées perdent leurs feuilles en saison sèche. Leur superficie est très réduite, en grande partie sous l'influence de l'homme.

Forêts méditerranéennes et formations apparentées : leur diversité se montre assez élevée, mais la biomasse est faible, sauf exception puisqu'on a pu trouver 300 t/ha, et la productivité est réduite par manque d'eau. La forêt climacique à chênes verts de la région méditerranéenne a souvent laissé la place à des peuplements de conifères et à des formes de régression comme le maquis ou la garrigue (chapparal aux USA), sur des sols souvent dégradés. Le feu, qui a des rôles naturels de reminéralisation, a sélectionné certaines espèces dites pyrrophytes et il a pris une importance exagérée sous l'influence humaine, contribuant à la destruction de ces forêts.

Forêts tempérées : ces massifs boisés sont essentiellement caducifoliés, rarement constitués de conifères seulement sauf par suite de l'intervention humaine, et parfois mixtes. On y distingue trois strates : arborée, arbustive, herbacée. La biomasse va jusqu'à 400 t/ha, la productivité est élevée, moins cependant qu'en forêt tropicale. Dans un exemple donné par Duvigneaud (4), pour une chênaie à charmes en Haute-Belgique, la biomasse végétale atteint 260 t/ha (en matières sèches, m.s.), et la production primaire nette de 15 t, dont 2 t dans les racines des arbres. La pédofaune représente 120 kg (m.s.) dont 900 kg de lombrics alors que la biomasse de mammifères n'est que de 7 kg pour les mammifères et de 3 kg pour les oiseaux. En divers pays comme la France, sa surface est en augmentation. Mais il s'agit d'écosystèmes artificiels, peu variés, gérés en fonction d'une exploitation qui rendent ces forêts très différentes de la forêt "primaire". En certains pays, une fraction des forêts est désormais maintenue, voire recréée, dans un état proche des situations originelles.

Flux d'énergie dans une forêt tempéréeTaïga : sur des sols d'origine glaciaire et lessivés, la taïga de conifères se développe dans les climats froids avec une productivité (4 à 20 t/ha, 8 en moyenne) et une diversité spécifique faibles. De l'ordre de 250 t/ha, la biomasse est assez importante.

- Prairies

La végétation est seulement herbacée, avec quelques arbres et arbustes. Elle comprend surtout des graminées présentant un développement de racines important. Sa superficie couvre 30.106 km2, surtout en Amérique du Nord et en Afrique. Parfois, elle n'est pas climacique mais due à l'intervention humaine. La productivité primaire est en général plus faible qu'en forêt, et la biomasse est bien plus réduite. Mais la productivité secondaire est plus intéressante pour l'homme avec les nombreux grands ongulés, au lieu des insectes phyllophages ou saprophages des forêts tempérées. Les arbres

19

Page 20: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

augmentent la productivité et la diversité.

Savane tropicale : elle représente 15.106 km² de prairies avec des arbres et des arbustes plus ou moins fournis. On y trouve une grande variété d'herbivores comme les bovidés, les antilopes, les zèbres, les kangourous, etc., et des carnassiers. Ceci leur donne la biomasse de mammifères la plus importante. L'utilisation de la production primaire est très poussée, plus que dans les pâturages, grâce aux niches écologiques diversifiées. Les incendies saisonniers ont des impacts à la fois positifs et négatifs.

Steppes tempérées : la croissance brève donne une litière qui engendre un humus peu minéralisé, et donc des sols très riches, par exemple les "tchernozem". Les espèces sont vivaces avec un grand développement de racines, ou annuelles. La diversité est également élevée en animaux, principalement les rongeurs terricoles et de grands troupeaux d'ongulés aujourd'hui disparus. Le feu y a un rôle de minéralisation important.

Toundra : au-delà de la taïga, dans les zones subarctiques (Nord pour l'essentiel), c'est une mosaïque de biocénoses limitées par le froid. Le sol est gelé en profondeur (permafrost), souvent humide. La végétation, arbustive au Sud avec surtout des bouleaux, devient ensuite strictement herbacée avec par exemple des graminées, des carex, et des lichens. La biomasse est faible jusqu'à 30 t/ha, et en grande partie enfouie. La productivité primaire annuelle est très modérée, mais vive au printemps. Aux quelques grands mammifères spécialisés comme le rennes se joignent de nombreux petits mammifères, des oiseaux et des insectes très divers.

- Déserts

Ce sont des zones arides où la productivité est limitée par la disponibilité en eau et souvent en relation directe avec les précipitations. La végétation est rare et spécialisée : plantes annuelles à croissance rapide, microflore algale en dormance, végétaux vivaces adaptés comme les espèces succulentes.

- Autres

On peut signaler les marais, les estuaires, les milieux cultivés, les mangroves, les lacs et les eaux courantes, les agglomérations, etc. En particulier, les zones montagneuses constituent des mésoécosystèmes où la zonation en altitude est souvent analogue à la zonation en latitude.

8. LA BIOSPHERE

8.1. Notion de biosphère

Le terme de biosphère a été introduit par Vernadski (1916) et Suess pour englober l'ensemble des écosystèmes naturels sur la terre : c'est la région de la planète qui renferme l'ensemble des êtres vivants, et dans laquelle la vie est possible en permanence.

La notion de biosphère est indispensable : les écosystèmes les plus vastes ne sont pas indépendants, mais en échanges permanents par les fluides et les déplacements des êtres vivants ; à la suite d'une longue histoire commune, ils se maintiennent par des équilibres généraux, et certaines perturbations peuvent agir sur l'ensemble des biomes.

8.2. Histoire générale de la biosphère

Sans développer cette histoire, dont les premièrs stades sont peu connus, il s'agit simplement de rappeler ici que les conditions générales de la biosphère ont beaucoup évolué.

Les premières bactéries connues ont sans doute été anoxybiontes hétérotrophes dans la "soupe primitive". Des dépôts biologiques de fer sont apparus très anciennement. Les organismes photosynthétiques, notamment le phytoplancton à cyanophytes ("algues bleues") ont consommé du

20

Page 21: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

gaz carbonique, dégagé de l'oxygène et formé un écran protecteur d'ozone. Celui-ci a permis l'apparition, il y a 1,5 milliard d'années, d'organismes plus complexes et aérobies. La rapide diversification des métazoaires, puis la colonisation des continents (plantes vasculaires) caractérisent l'époque primaire où l'oxygène dissous a atteint la concentration atmosphérique actuelle, et où l'excédent de production par rapport à la respiration a permis les dépôts de charbon. A l'époque secondaire se sont constituées de puissantes couches biologiques de calcaires, de craie et de gypse. A plusieurs reprises de brutales et gravissimes disparitions d'espèces sont survenues, dans des conditions catastrophiques encore discutées, dont l'une paraît de plus en plus comme due à l'arrivée d'un météorite.

Des glaciations sont connues depuis les premières ères.

Evolution de l'oxygène dans l'atmosphère

Cette brève esquisse sur l'histoire écologique de la biosphère montre qu'en plus des événements géologiques et de l'Evolution des groupes taxonomiques, souvent décrites, les conditions physico-chimiques générales de la biosphère et les grands types d'écosystèmes, avec leurs biotopes et leurs biocénoses, ont beaucoup changé eux-aussi, supportant même de brutales et graves perturbations à diverses reprises.

9. PERTURBATIONS MAJEURES DE LA BIOSPHERE

9.1. Biodiversité : disparition d'espèces et destruction d'écosystèmes, introductions d'espèces étrangères,

L'extermination d'espèces, qui remonte aux origines de l'humanité, s'est poursuivie durant les siècles avec la chasse pour la viande, les fourrures, les plumes... Si elle a contribué à la fragilisation définitive d'espèces et à leur disparition totale (notamment dans les îles), elle a sans doute eu un impact moindre que la transformation et la suppression d'écosystèmes et même de biomes - en particulier les zones humides "valorisées", les savanes mises en culture, et surtout la disparition des forêts tempérées, méditerranéennes et tropicales. Car il est extrêment difficile, sinon impossible en pratique, de faire survivre une espèce en dehors de son écosystème : "la protection des espèces passe par celle de leur milieu, il n'est pas réaliste de sauvegarder des espèces sans sauvegarder les écosystèmes".

La réduction et la disparation des forêts, qui remonte au néolithique, se poursuit actuellement en particulier dans les régions tropicales et équatoriales. La dégradation très rapide des écosystèmes de forêts humides équatoriales s'accompagne d'une perte d'espèces très importantes, car il s'agit de milieux à très grand nombre d'espèces.

L'introduction d 'espèces venues d'écosystèmes éloignés est également un facteur qui contribue à la disparition d'espèces indigènes, en particulier dans les écosystèmes petits, typiquement des îles ou de petits plans d'eau abritant des espèces endémiques. La "mondialisation" biologique est un mouvement inverse de la spéciation par isolation géographique, qui tend à faire disparaître des espèces.

9.2. Réchauffement climatique global, incidence sur la biosphère - cf texte complémentaire

9.3. Pollutions des sols, de l'atmosphère, des eaux, de la chaîne alimentaire

9.4. Nouveaux risques émergents

21

Page 22: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

PERTURBATIONS DU CYCLE DU CARBONE

ET CHANGEMENT CLIMATIQUE GLOBAL

Notamment d’après les données récentes du GIEC (IPPC en anglais), dont son 4ème rapport (2007)

1. Perturbation du cycle du carbone : augmentation du taux de CO 2 atmosphérique

2. L'augmentation de l’effet de serre 3. Le réchauffement prévisible du climat dans la biosphère

4. Conséquences attendues

Retour

1. Perturbation du cycle du carbone : l'augmentation du taux de dioxyde de carbone atmosphérique Mesurée depuis 1950 dans les îles Hawaii, point assez représentatif du globe, la concentration en CO2 montre une nette augmentation qui atteint actuelle la valeur, maximale jamais enregistrée, de 1,9 ppm par an pendant les dix dernières années, soit de 3 GT de C/an pour l'ensemble de l'atmosphère. D’après les analyses des carottes de glaces polaires, la concentration atmosphérique a crû de 280 ppm avant l’ère industrielle, vers 1750, à 390 en 2005, date à laquelle elle s’avère supérieure et de très loin aux valeurs durant les 650 000 dernières années (180 à 300).

Évolution de la concentration en CO2 dans l'atmosphère à l'observatoire de Mauna Loa

(iles Hawaii)

Différentes études isotopiques du carbone (C12, 13 et 14) dans les arbres, les calottes polaires et les eaux océaniques profondes permettent de conclure :

* que la déforestation et les incendies de végétation ont donné un flux net moyen de l’ordre de 1,3 GT/an. Sur la période 1850-1950, la destruction des biomasses végétales a dégagé 120 GT ; * que sur la période 1958-1982, 60% du carbone émis par les combustions est resté dans l'atmosphère.

Dans les années 1980, la consommation de combustibles fossiles et la fabrication de la chaux ont rejeté plus de 6 GT de carbone. Elles représentaient alors 170 GT depuis 1900. Pour la période 2000-2005, la combustion de combustibles fossiles a dégagé 7,2 GtC par an. La différence entre l'émission et l'augmentation atmosphérique s'explique par la dissolution dans l'océan, représentant plusieurs GT/an. L'océan a un effet tampon car il absorbe le CO2 par la photosynthèse et par la formation d'acide carbonique avec ses dissociations. Cependant, les facteurs agissant sur cette capacité sont encore mal appréciés. L'absorption semble plus forte vers les " 40ièmes

Page 23: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

rugissants ", très ventés, alors qu'il y aurait au contraire un dégazage dans le Pacifique Nord et les zones équatoriales par manque de nutriments. L'incertitude majeure quant à la vitesse de dissolution tient surtout au manque de connaissance des échanges entre les eaux superficielles et les eaux profondes, une bonne part de celles-ci provenant des hautes latitudes.

L'absorption de CO2 par l'océan tend à diminuer son pH. Il semblerait d'ailleurs qu'un abaissement de 100 ppm de CO2 atmosphérique, survenu il y a 15.000 ans, ait coïncidé avec une montée du pH par dissolution du carbonate des sédiments. La manque de phosphore dans l'océan aurait ensuite expliqué la remontée du CO2 par baisse de production primaire. Selon le dernier résumé du GIEC de février 2007, le taux de méthane atmosphérique est passé de 0,715 ppm à 1,732 vers 1990 et à 1,774 en 2005. Il est largement au-delà des concentrations observées sur les derniers 650 000 ans (0,320 à 0,790) connues d’après les carottes de glaces polaires. Il est « très vraisemblable » (GIEC) que cette élévation soit due à l’activité humaine, notamment l’agriculture et le dégagement de combustibles fossiles. Cependant les origines du méthane sont encore insuffisamment définies. Quant au protoxyde d’azote, il est passé de 0,27 ppm en valeur préindustrielle à 0,32 en 2005, le tiers étant anthropique, principalement lié à l’agriculture.

2. L'augmentation de l’effet de serre 21. L’effet de serre

On appelle effet de serre le rapport des températures d'émission par la terre avec ou sans atmosphère : le spectre émis par la terre dans les années 80 correspondait à celui d'un corps noir à 286°K alors qu'il serait de 253°K sans atmosphère, soit un effet de serre de 1,13.

Spectre d'émission de la terre mesuré de l'espace par le satellite Nimbus 4. Extrait de Midot S., Les effets du CO2 sur le climat, Pollution atmosphérique, juillet-septembre

1987

Le bilan des échanges énergétiques faisait apparaître la contribution (40%) des gaz atmosphériques dans le rayonnement vers l'espace. L'effet de serre est dû principalement à la vapeur d'eau qui est abondante. Le gaz carbonique y participe par son absorption dans l'infrarouge vers 15 nm. L'ozone, en concentration vers 10-4 à 10-5, joue aussi un rôle. D'autres gaz n'ont qu'une contribution seconde pour l'instant, en raison de leur faible concentration : CH4, oxydes d'azote, fluorocarbones. Les aérosols (éruptions volcaniques, aérosols marins, fumées) et les poussières (érosion éolienne, chantiers et mines) augmentent l'albedo, c'est-à-dire la fraction de l'énergie incidente qui est réfléchie (0 pour un corps noir ; 0,3 pour la terre) ; ceci conduit à un refroidissement. Les nuages ont un rôle ambigu : ils augmentent l'albedo, ce qui tend à refroidir ; mais au contraire ils limitent aussi le rayonnement du sol et de l'atmosphère à basse altitude, d'où une contribution au réchauffement.

Bilan des échanges énergétiques moyens de la terre. Extrait de Midot S., Les effets du CO2

sur le climat, Pollution atmosphérique, juillet-

Page 24: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

septembre 1987

22. Son augmentation par le forçage radiatif L’accroissement du dioxyde de carbone, du méthane et du protoxyde d’azote conduit à un « forçage radiatif » de l’ordre de + 2,30 W/m2, et son taux d’accroissement paraît sans équivalent depuis au moins 10 000 ans. Mais le réchauffement résultant a été atténué par divers forçages négatifs. Divers aérosols dus aux activités humaines (sulfates, poussières, suies,…) entraîneraient un forçage négatif plus incertain, de l’ordre de 0,7, auquel s’ajouterait un albedo des nuages de –0,7. Il existe aussi d’autres effets dus aux changements de couvert végétal, de salissures des surfaces enneigées, de produits comme les halogénures, etc. Enfin le soleil aurait augmenté son rayonnement de + 0,12 depuis 1750.

3. Le réchauffement prévisible du climat dans la biosphère

31 – L’évolution ancienne du climat

Le climat est inconstant. La notion de climat se définit par divers paramètres, en particulier une « certaine » température moyenne annuelle. L’évolution paléoclimatique est connue par l'observation des pollens, les carottages dans les calottes polaires, l'étude des fossiles avec, en particulier, des mesures isotopiques de l'oxygène. Sur les dernières centaines de milliers d’années, le climat est marqué par des périodes de glaciations alternant avec des périodes interglaciaires à climat plus doux.

Il est sous la dépendance d'un grand nombre de facteurs en interaction. A court terme, les variations dépendent plus particulièrement " d'événements aléatoires " comme les éruptions volcaniques ou les fluctuations d'activité solaire. A plus long terme, les examens récents paraissent confirmer le rôle des caractéristiques de l'orbite terrestre, notamment depuis 150.000 ans : la précession des équinoxes (cycle de 25.000 ans), l’inclinaison de l'axe de rotation de la terre sur le plan de sa trajectoire (cycle de 40.000 ans), et l’excentricité de l'orbite (cycle de 100.000 ans) modifient le bilan thermique et seraient responsables des glaciations successives. La dernière glaciation remonte à 10.000 ans et une prochaine pourrait survenir d'ici à 5 000 ans, mais

Page 25: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

certains estiment que l’interglaciaire durerait plutôt 20 00 ans…. 32 – Son évolution récente

Le réchauffement actuel est « sans équivoque » surtout dans les dernières années : la vitesse moyenne est de 0,74 °C sur le dernier siècle, elle est le double sur les 50 dernières années. Beaucoup d’observations confirment le réchauffement : élévation de la température marine, records régulièrement dépassés ces dernières années (par saisons, canicules…), modifications de calendriers agricoles (vendanges par exemple) ou naturels (émergences d’insectes…), fonte des glaciers et diminution de couvertures neigeuses en montagne, fonte du pergelisol (permafrost), diminution considérable de la banquise arctique en épaisseur et en surface (3 % par décennie) surtout en été (7,4 %), fonte et accélération de glaciers au Groënland et dans l’Antarctique, etc. L’origine de cette évolution a longtemps fait débat. Cependant elle est désormais reconnue comme « très vraisemblablement due » (GIEC) à l’augmentation de l’effet de serre. Notamment, l’utilisation de divers modèles simulent correctement l’évolution récente du climat.

33 – Les prévisions du climat futur

Les prévisions de la température dans le futur ne se fondent pas sur les courbes de l’évolution de la température dans les dernières décennies, mais sur de nombreux modèles évaluant les effets de la modification de composition atmosphérique (dioxyde de carbone en premier lieu) et les effets des autres « forçages » climatiques connus, selon des méthodologies relativement variables.

Les incertitudes sont principalement dues :

- - à l’évolution future des émissions de dioxyde de carbone, qui dépendront notamment de la gestion des grands écosystèmes forestiers, de la combustion de charbon ou d’hydrocarbures, des politiques de limitation de dioxyde de carbone qui seront plus moins mises en œuvre par les pays.

- - aux incertitudes sur le cycle du dioxyde de carbone : vitesse de dissolution dans l’océan, importance des rétroactions positives (minéralisations du carbone du sol selon la température, diminution de rétention par l’océan, etc.)

- - à la méconnaissance du cycle du méthanes, notamment quant à l’incidence des modes de culture (ex. riziculture) ou d’élevage (ex. élevage bovin), de l’importance des rétroactions positives possibles par les hydrates de méthane sur les continents (suite au dégel des pergelisols) ou dans les fonds marins.

- - à l’évolution des autres gaz à effet de serre notamment le protoxyde d’azote et les chlorofluorocarbones (CFC)

- - à l’effet d’autres rétroactions, notamment la modification de l’albedo suite à la réduction des surfaces en neige ou en glace (effet renforçant)

- - aux méthodologies des modèles utilisés, aux aléas imprévisibles (volcans par exemple), etc.

Page 26: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Même sans augmentation des gaz à effet de serre, la température devrait s’élever de 0,1°C par décennie dans le proche avenir. Les scénarios du GIEC prévoient 0,2°C pour les toute prochaines décennies. Pour l’horizon 2100, le GIEC a retenu diverses projections dépendant des diverses famille de scénarios retenus, avec une large gamme d’augmentation de la température : de 1,1 à 6,4 °C, avec une prévision centrale de + 1,8°C à 4° C.

Figure du GIEC

Le réchauffement devait être nettement plus prononcé dans les hautes latitudes, le plus faible sans doute dans certaines zones de l’Atlantique nord ou de l’océan Indien sud.

L’horizon de 2100 ne marque pas la limite de la transition climatique due à l’augmentation contemporaine des gaz à effet de serre : les effets devraient se prolonger, plus faiblement, jusqu’en 2200.

4. Conséquences

41 – La hausse du niveau marin

Le niveau marin s’est rehaussé depuis un siècle, d’après les relevés des marégraphes, à une vitesse estimée à 1,7 mm par an. Cette mesure est difficile notamment parce que le marégraphe est soumis aussi aux variations du niveau du quai sur lequel il est implanté ; dans les régions nordiques, le continent se relève depuis la disparition des calottes de glaces qui s’étaient étendues pendant le dernier épisode glaciaire. Les mesures par satellites, disponibles depuis 1992, permettent d’évaluer la hausse du niveau marin à 3,3 mm par an.

Evolution du niveau marin à Brest (en haut à gauche), à Marseille (en bas à droite), et à travers le monde (à droite)

Page 27: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Cette hausse, variable selon les régions du monde, est liée à la dilatation thermique des océans, évaluée par des thermographes et d’autres mesures de température. Le réchauffement marin concerne principalement la couche supérieure à la thermocline (environ 1000 m). Un degré supplémentaire sur 1000 m donne une dilatation de 25 cm.

Dans le passé, le niveau marin a considérablement fluctué sous l’effet des changements climatiques, avec des amplitudes de l’ordre de la centaine de mètres. Son niveau est évalué par les plages fossiles sous-marines ou par des carottages dans les récifs coralliens. Le niveau s’est relevé de l’ordre de 80 m sur les derniers 10 000 ans. Le+s derniers milliers d’années ont été assez stables. Mais certains épisodes ont connu des changements brusques de température ou de niveau marin – notamment avec la rupture brutale d’un lac glaciaire du continent nord-américain. Lors des interglaciaires, le niveau marin est remonté de 4 à 6 m au-dessus du niveau actuel il y a 120 000 ans, voire à une trentaine de mètres au-dessus il y a 300 à 400 000 ans.

Fluctuations du niveau marin depuis les derniers 800 000 ans (en haut). Niveau marin (-130 m) des côtes françaises il y a 20 000 ans (en bas à gauche). Dessin d'artiste du paysage près de Marseille marquant l'entrée de la grotte de Cosquer (cercle rouge), actuellement immergée, il y a 14 000 ans.

Ces amplitudes de variations du niveau marin sont dues à la fonte ou à la glaciation de l’eau sur les terres, principalement dans les calottes polaires - hors banquises, car elles n’influencent pas le niveau de l’océan. Actuellement, le volume des glaces terrestres est évalué à 0,2 millions de km3 pour les montagnes, 2,5 millions pour les glaces du Groënland et 30 millions de km3 pour le continent Antarctiques. En le rapportant à la surface des océans, 360 millions de km2, on calcule la hausse correspondant à leur fonte totale : respectivement 55 cm pour les glaces des montagnes, 7 m pour le Groenland, 90 m pour le tout.

La question est de savoir si le réchauffement climatique va faire fondre ces glaces, plus exactement dans quelle proportion et à quelle vitesse. Les glaces du Groënland et de l’Alaska fondent visiblement et de façon plus rapide qu’évaluée précédemment. Le volume de fonte reste difficile à quantifier. Quelques satellites récents (GRACE), mesurant la gravité, permettent d’évaluer la perte de masse et aussi son éventuel accroissement (neiges sur le continent Antarctique) : selon les premières indications, l’Antarctique aurait perdu 152 km3, soit 1,2 mm de hauteur océanique équivalente, entre 2002 et 2005. L’une des incertitudes porte sur l’accroissement de vitesse des glaciers, peut-être facilitée par l’eau fondue. Et surtout sur les marges d’une partie de la calotte glaciaire antarctique qui pourrait se rompre et glisser brutalement en mer : cette éventualité est discutée, mais elle pourrait faire monter le niveau marin de plusieurs mètres de façon relativement brutale (de l’ordre du siècle ?).

Carte des calottes glaciaires du Groënland et de l’Antarctique

La température de l’Arctique peut se trouver équivalente à celle évaluée lors de l’interglaciaire qui a connu un niveau marin supérieur de 4 à 6 m au niveau actuel (3 à 5° semble-t-il au-dessus de la température du 20ème siècle ?), niveau qui a dû résulter de la fonte de la glace du Groënland et peut-être d’une contribution de l’Antarctique. Logiquement, le niveau marin devrait donc s’élever d’un minimum de plusieurs mètres. La première question est de savoir en combien de temps.

Pour le 21ème siècle, le GIEC évalue la hausse du niveau marin entre 20 et 60 cm, mais sans tenir compte des « changements dynamiques futurs rapides dans l’écoulement de la glace ».

Page 28: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

En fait, les hausses du niveau marin continueront pendant les siècles futurs et sans doute au-delà du millénaire actuel, en raison des inerties du système : - inertie politique : lenteur de décisions de mesure et de leur application ; - inertie du cycle du carbone : l’excès de dioxyde de carbone met du temps à être absorbé par le puits océanique ; - lenteur du réchauffement océanique et de sa dilatation thermique ; - temps nécessaire à la fonte ou à l’écoulement des glaces polaires.

Même si les émissions de gaz à effet de serre sont rapidement limitées et même réduites, l’effet sur le niveau marin devrait perdurer pendant le millénaire.

Les effets sur la civilisation humaine de la hausse du niveau marin sont d’abord discrètes puis considérables, selon les types de côtes, d’activités humaines, et surtout selon l’échelle de temps considérée.

A moyen terme, les côtes basses peuvent être submergées, notamment dans certains deltas comme en Camargue ou en Louisiane, ou encore le delta du Nil, et aussi le long de cordons dunaires fragiles comme en Languedoc. Les marais littoraux peuvent demeurer peu affectés si le bilan sédimentaire est positif. L’érosion sera renforcée sur les falaises, mais elle fera régresser surtout les zones sableuses, par le littoral du sud-ouest français. La plupart des côtes françaises, européennes et même mondiales sont dans une phase de régression actuellement ; leur érosion devrait s’accélérer.

Certaines îles de l’océan Pacifique seront de plus en plus submergées, notamment les îles Tuvalu, dont les habitants commencent à émigrer en Nouvelle-Zélande, après avoir conclu une convention. Les îles Maldives réfléchissent aux moyens de concentrer les populations dans des zones protégées par des digues. Actuellement, 50 millions de personnes vivent dans des terres exposées à une onde de submersion, notamment lors de surcotes liées à des tempêtes. Ce nombre devrait doubler pour une élévation de 0,5 m, il pourrait quadrupler avant 2100. Cela rend nécessaire une organisation internationale pour ces possibles « exilés climatiques ».

Le changement prend une autre dimension dès lors que l’on envisage une hausse de plusieurs mètres même étalée sur plusieurs siècles. L’Union européenne vient de faire simuler les effets d’une élevation « rapide » (2150), de 5 à 6 m, sur le delta du Rhin, l’estuaire de la Tamise et le delta du Rhône (Camargue). Les populations habitant à moins de 5 m au-dessus du niveau marin sont évaluées 320 millions dans le monde, notamment dans certains deltas (Mékong, Bangladesh, fleuves de Chine…). Les zones littorales concentrent une importante partie des activités économiques, notamment de grands ports. L’urbanisation et les activités économiques se développent de plus en plus près du littoral. La protection du littoral et le déplacement des activités comme des populations devrait devenir des problématiques majeures dans un avenir plus ou moins proche…

42 – Modifications du cycle de l’eau

Autant les modèles d’évaluation de la température paraissent robustes, autant les modèles de prévisions des pluies donnent des résultats variables et incertains.

La plupart des modèles, notamment les deux principaux modèles français de l’Institut Paul Simon Laplace et de Météo-France prévoient une augmentation des pluies dans les régions du nord de l’Europe par exemple, et des baisses de pluies dans les régions sub-tropicales ou sur le pourtour de la Méditerranée. Nombre d’entre eux prévoient une élévation globale des pluies, souvent modérée (5 – 10 %), mais ils divergent quant à leur distribution en particulier sur les continents. Les pluies sont en effet très dépendantes de caractéristiques locales, et leur modélisation est pour l’instant insuffisamment avancée (par exemple la mousson).

Page 29: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

L’augmentation des phénomènes extrêmes comme les fortes pluies, les tempêtes et les cyclones, paraît logique dans la mesure où l’énergie accumulée par l’atmosphère augmente avec l’effet de serre, où l’apparition de tempêtes tropicales dépend de la température des eaux de surface, etc. En revanche, les modèles actuels de météorologie ne permettent pas de prévisions fiables pour l’instant concernant des changements qui seraient dus à l’élévation de température. C’est pourquoi les prévisions du GIEC demeurent prudentes.

S’agissant des ressources en eau, notamment des débits des fleuves, il est impossible de faire actuellement des prévisions, même si le risque d’accroissement des sécheresses et des inondations est souvent évoqué. Logiquement les régimes hydrologiques influencés par la fonte des neiges ou des glaciers, notamment en piémont, devraient évoluer. L’évapotranspiration devrait être également renforcée avec l’élévation de température du printemps à l’automne. Cependant peu d’études rigoureuses ont été menées.

Une autre approche est possible avec l’étude statistique comparant les séries des dernières décennies, relativement chaudes, avec les décennies précédentes, aussi bien en pluviométrie qu’en hydrologie. Peu de résultats ont été produits, et les conclusions sont souvent divergentes. En particulier, la plupart des séries de débits fluviaux ne montrent pas d’évolution particulière.

43 – Incidences écologiques

Les incidences des changements climatiques concernent l’ensemble des biocénoses dans la mesure où la température est un facteur écologique de base qui règle la distribution et l’abondance de la plupart des espèces.

Par ailleurs, d’autres effets des émissions carbonées ou des influences indirectes doivent être signalées : - la dissolution du dioxyde de carbone abaisse le pH marin, ce qui modifie sensiblement la formation des coquilles ou des microsquelettes pour de nombreux organismes planctoniques marins. Les conséquences sont pour l’instant difficiles à évaluer. - les changements possibles dans les courants marins, la fonte accélérée des glaces polaires et la dessalure qui en résultera peuvent avoir des incidences sur la physique de l’écosystème marin et notamment la distribution des espèces marines.

Page 30: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Dans le domaine marin, la question de la survie des coraux est évoquée. Les épisodes de blanchiment seraient dus en partie à l’augmentation de température. Ils correspondent à l’expulsion des algues zooxanthelles symbiotiques. Lors de blanchiments importants comme en 1998 dans le Pacifique, des massifs coralliens ont subi de fortes mortalités. Le réchauffement global apporterait de nouvelles menaces à des écosystèmes qui sont très perturbés par ailleurs par les destruction directes, les pollutions, les salissures par des matières en suspension, l’eutrophisation, la surpêche, les destruction chimiques (cyanure), éventuellement l’augmentation des UV due à la diminution de la couche d’ozone, etc.

S’agissant de l’augmentation de température, elle menace directement l’existence d’espèces arctiques comme l’ours blanc. L’élévation de température entraîne un déplacement des espèces vers de plus hautes latitudes. Ce phénomène a déjà été observé pour de très nombreuses espèces animales ou végétales. La végétation continentale à stratégie K comme les forêts devrait être fortement perturbée, ce qui, pour certains auteurs, est déjà en cours. Des projections ont été faites notamment pour diverses espèces végétales en France. Ces évaluations restent cependant difficiles à établir en raison de l’incertitude concernant l’évolution des pluies, facteur écologique important pour les espèces végétales.

L'une des incertitudes concerne l'évolution des parasites, dont les fluctuations de populations sont sujettes à de très grandes amplitudes. C'est le cas par exemple des parasites humains vecteurs de maladies comme la fièvre de la vallée du Rift ou celle de "West Nile» (virus), la leishmaniose viscérale (protozoaire parasite), les formes sévères du paludisme, etc. Cela concerne également les animaux d'élevage et la faune sauvage.,

Les poissons seront également être affectés. En milieu marin, la remontée vers de plus hautes latitudes est une observation courante. Elle est constatée pour diverses espèces, notamment dans l’Atlantique. En revanche des espèces nordiques, la morue par exemple, sont en déclin. Cependant, dans cet exemple, il est difficile d’évaluer la part de la surpêche. En effet, pratiquement toutes les grandes espèces commerciales sont en baisse de population considérable, menaçant peut-être même leur survie. Quant aux poissons d’eau douce, diverses projections ont été entreprises. Les températures des lacs sotn en augmentation sur les dernières décennies, par exmeple au Canada ou en Suisse comme pour le Léman. Dans les cours d'eau en France, l’extension de la truite diminuera surtout en région de plaine ou de pénéplaine, ce poisson d’eau relativement froide étant concurrencé par des cyprinidés. Les évolutions des peuplements de poissons devraient notamment affecter d’autres régions du monde à nombre de poissons plus élevé que l’Europe occidentale, au peuplement très réduit en espèces du fait des glaciations passés. Les risques de disparition d’espèces concernera particulièrement les espèces sténothermes d’eau froide et menacera les espèces endémiques, notamment pour celles qui habitent les plans d’eau, aux possibilités de migration réduites.

L’élévation du niveau marin devrait mettre en péril de vastes de zones humides, écotones fragiles, sans qu’il y ait toujours des possibilités de déplacement vers de nouvelles surfaces. Cela peut être le cas notamment des mangroves.

Les changements des espèces, des biocénoses, des biomes devraient être considérables, mais peu d’études ont encore été produites sur les changements à attendre et les précautions à prendre pour limiter les pertes de biodiversité.

Page 31: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

BIBLIOGRAPHIE

(1) RAMADE, F. : Eléments d'Ecologie Appliquée. McGraw Hill Editeur, Ecologie Fondamentale, 1978, 397 p. (2) DAJOZ, Roger : Précis d'Ecologie. Dunod, Paris, 2000, 615 p. (3) ODUM, E.P. : Ecologie. Doin Editeur, 1975, 254 p. (4) DUVIGNEAUD, P. : La Synthèse Ecologique. Doin Editeur, 2e édition, 1980, 380 p. (5) ODUM , E.P. : Fundamentals of Ecology. W.B. Saunders, 1971, 574 p. (6) MIDOT, S. : Les effets du CO2 sur le climat. Revue Pollution Atmosphérique, Juillet- Septembre, 1987. (7) BARBAULT, R. Ecologie Générale, Masson Editeur, 1983, 224 p. (8) LEVEQUE ²²Christian, Ecologie, De l'écosystème à la biosphère. Dunod, Paris 2001, 502 p.

(9) Anonyme (GIEC - IPPC) : Bilan 2007 des changements climatiques, Résumé à l'intention des décideurs, (traduction non officielle)

22

Page 32: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

II - EAU ET MILIEUX AQUATIQUES1 - LE CYCLE DE L'EAU 2 - HYDRO-ECOLOGIE 3 - POLLUTIONS4 - PROTECTION DE LA NATURE(5 - REGLEMENTATION ET GESTION DE L'EAU)

1 - LE CYCLE DE L'EAU

L'eau est un élément et une ressource économique soumise aux "caprices" du climat. Souvent, elle devient plus rare parce qu'elle est de plus en plus utilisée, et les besoins en eau peuvent même devenir la source de graves conflits. L'hydrologie, c'est la connaissance des débits : "Bien connaître pour bien gérer !"

L'eau est en même temps un facteur de l'écologie et même un milieu naturel.

Le cycle de l'eau est habituellement regardé sous l'angle de la météorologie et de l'hydrogéologie. Il doit aussi être vu du point de vue de la biologie et de l'écologie.

(11. LE CYCLE HYDROLOGIQUE)

Voir sur le CD ROM

1.2. - LE CYCLE HYDROECOLOGIQUE

Le cycle de l'eau a d'autres caractères, vu par le biologiste et l'écologue.

121- Propriétés physico-chimiques de l'eau

La composition de l'eau qui précipite dépend de la proximité marine, qui influence la salinité, des incidences continentales par les poussières des sols, des pollutions atmosphériques anthropiques voire naturelles, et du dioxyde de carbone atmosphérique.

Cependant la minéralisation de l'eau et une partie de sa charge organique "naturelle" augmentent pour l'essentiel au contact du sol et de la roche-mère. Les minéralisations sont excessivement variables dans les eaux souterraines. Pour les eaux de surface, la "dureté" (calcium) varie selon la présence ou l'absence de roches calcaires. La composition dépend également des activités agricoles (nitrates notamment) et des rejets des activités humaines.

&H2O : Chimie& biochimie

23

Page 33: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

122 - Cycle écologique de l'eau

L'eau est " vitale " : elle est le principal composant des êtres vivants, elle intervient dans de multiples réactions biochimiques, les animaux et végétaux maintiennent un bilan équilibré de l'eau : il n'y a pas de vie (observée !) sans eau.

Le cycle de l'eau a une importance primordiale pour la vie sur les terres émergées, où toutes les espèces végétales et animales se sont adaptées face à la problématique de l'eau. La productivité des écosystèmes terrestres dépend directement de la quantité d'eau disponible. Cette dépendance est à l'origine d'un problème majeur de civilisation puisque les besoins en irrigation ont considérablement augmenté récemment afin de nourrir la population humaine - il en résulte d'ailleurs de nombreux conflits d'intérêt entre peuples et de graves perturbations écologiques.

L'eau est essentielle aux écosystèmes humides, milieux particuliers, réduits en surface mais à forte biodiversité.

C'est en eau douce que l'eau devient aussi le support même des êtres vivants, formant des écosystèmes particuliers d'eaux courantes, de lacs, etc. Estuaires et divers milieux "écotones" (lagunes, mangroves, etc.) font transition avec les écosystèmes marins.

y Cycle écologique de

l'eau

2 - HYDRO-ECOLOGIE

L'eau est le support même de la vie dans les milieux aquatiques.L'hydroécologie est l'écologie des milieux aquatiques et l'on y adjoindra celle des milieux humides qui font transition avec des milieux voisins.

De très nombreuses espèces peuplent ces milieux, mais nous n'évoquerons ici que celles des eaux douces.

Les milieux aquatiques sont extrêment divers, mais nous n'aborderons ici que les cours d'eau et les eaux stagnantes (plans d'eau), avec un bref aperçu sur les zones humides, les estuaires et le littoral.

(21 - FAUNE ET FLORE : LES ETRES VIVANTS DANS LES EAUX DOUCES)

Voir sur le CD ROM

22 - ECOLOGIE DES EAUX COURANTES24

Page 34: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

22.1 - LE MILIEU PHYSIQUE : LE BIOTOPE

Le courant est un facteur écologique particulier aux eaux courantes. Sa vitesse varie globalement avec la pente générale, selon l’allure du profil en long. Plus localement, elle varie continuellement : le cours d’eau présente une alternance irrégulière de mouilles ou profonds, de radiers ou seuils (ou maigres), et de rapides. A une échelle encore plus réduite, elle change avec les ruptures de pente, autour des objets immergés ou des blocs pierreux, etc. A une échelle encore plus fine, qui est celle des invertébrés aquatiques, elle varie à proximité des corps solides par l'existence d'une couche-limite, à vitesse très réduite au contact des objets, et les zones de sillage, où le débit est statistiquement nul. Dans le temps, le courant évolue en augmentant quand le débit s'élève et inversement.

La granulométrie est liée au courant car les vitesses de sédimentation, d'érosion et de transport dépendent de la taille des matériaux. Ceux-ci sont transportés par charriage (traction, roulement, saltation) ou, pour les plus fins, par mise en suspension. Globalement, on distingue les fonds érodés et grossiers soumis à un courant fort et les fonds déposés fins, à courant lent. Un méandre engendre une diversité transversale hydraulique et granulométrique - la rive concave étant soumise au courant le plus fort, avec un fond à granulométrie plus grossière. Le couple granulométrie-vitesse de l'eau a une grande incidence sur la flore et plus encore sur la faune et sa diversité.

Le débit joue par son importance - petit ru n'est pas fleuve - et par ses variations. Les crues peuvent rendre les fonds instables, les colmater, mais en contre-partie inonder les milieux riverains et augmenter les échanges entre le cours d’eau et les milieux adjacents. Les étiages sont souvent un véritable ``facteur limitant" pour l'écosystème, tandis que les assecs sont une catastrophe pour divers organismes aquatiques.

La température règle le métabolisme de la majorité des êtres vivants aquatiques et régit la distribution de nombreuses espèces, principalement par les températures maximales. De nombreux invertébrés et certains poissons, comme les salmonidés, sont des ``sténothermes" d'eau froide, tandis que la plupart des cyprins sont ``eurythermes". Le régime thermique et notamment l'amplitude thermique des cours d'eau dépendent du climat, de l'origine des eaux (neige, glace, nappes, pluies), de la distance aux sources et de l'influence éventuelle des plans d'eau (y compris de la profondeur de la prise d'eau relâchée par le plan d'eau).

La lumière pénètre moins bien dans les eaux courantes que dans les eaux stagnantes en raison de la végétation rivulaire et des matières en suspension (MES).

L'oxygène est apporté par échange avec l'atmosphère, échange renforcé par la turbulence dans les petites rivières où la teneur normale est proche de la saturation. Cette teneur à saturation diminue avec la température, la salinité (pour les estuaires), et augmente la pression(cf altitude). Les végétaux fixés et le plancton végétal peuvent contribuer au bilan d'oxygène, surtout dans les fleuves et les rivières lentes, où les fluctuations d'oxygène peuvent également dépendre de la décomposition des dépôts organiques.

Parmi les facteurs chimiques, signalons le calcium qui agit sur la répartition des espèces et la productivité piscicole, les équilibres calco-carboniques, le pH. Les eaux sont "dures" (calcaires) ou "douces" (avec peu de calcium et une couleur habituellement brune). La minéralisation dépend beaucoup de la proximité marine (légère salinité), de la nature géologique du bassin, des rejets d’eaux usées, même après traitement, et des activités agricoles. Elle est évaluée globalement par la mesure de la conductivité électrique.

Enfin, la situation et l'organisation du réseau hydrographique, actuelle et même passée (effets historiques) a des incidences, en particulier s'agissant des poissons.

y Courants dans une rivière

y La couche limite

y Courant et débit

y Courant et granulométriey Température et

croissance

y Régime de température

25

Page 35: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

22.2 - PRINCIPALES BIOCENOSES DANS LES EAUX COURANTES

22.2.1. Végétaux aquatiques

La végétation aquatique est relativement restreinte et souvent peu variée, surtout dans les petits cours d'eau, en raison du couvert végétal qui occulte la lumière dans la plupart des situations naturelles.

Les mousses sont bien adaptées aux milieux un peu ombragés, aux courants, à l'émersion temporaire. Leur biomasse demeure faible, mais elles sont très utiles comme abris pour la faune d'invertébrés.

Des algues benthiques sont souvent particulières aux eaux courantes : algues rouges, certaines diatomées, etc.

Les végétaux supérieurs sont souvent peu variés, surtout dans les amonts. Leur nature et leur abondance dépendent du courant, de la granulométrie, du taux de calcium, de l'éclairement. Dans les eaux acides et les petites rivières, la végétation est moins abondante et moins variée.

Le plancton n'est abondant que dans les eaux lentes. Le phytoplancton des petites rivières est souvent un plancton d'emprunt : algues benthiques arrachées ou encore venant de l'écoulement depuis les mares. Le phytoplancton "vrai", qui se développe réellement dans le cours d'eau, abonde seulement dans les cours d'eau moyens et inférieurs, où les algues ont eu le temps de se développer. Il peut devenir très abondant du fait de l'eutrophisation. Le zooplancton, moins varié que dans les eaux stagnantes, est constitué principalement de rotifères. Comme dans les lacs, le plancton a une évolution saisonnière marquée, avec prédominance des diatomées en hiver.

22.2.2. Invertébrés benthiques ou épiphytiques

La faune d'invertébrés aquatiques sur le fond (benthique) ou sur les végétaux (épiphytique) est étonnamment abondante et variée, remarquablement similaire d'une zone géographique à l'autre, essentielle à la vie piscicole, souvent très sensible aux conditions du milieu et à diverses formes de pollution (pollutions organiques, mécaniques, thermiques et même chimiques).

Il s'agit en particulier de divers groupes de vers, crustacés, et d'innombrables espèces d'insectes - ces derniers étant aquatiques seulement à l'état larvaire, le plus souvent.

Cette (micro)faune est adaptée aux caractéristiques hydrauliques locales et à chaque type de fond. A la ``mosaïque des conditions du milieu" correspond une ``mosaïque des communautés". Plus les conditions d'un biotope sont variées et plus le nombre d'espèces est varié. La faune la plus riche est celle des fonds pierreux au courant vif, aux conditions hydrauliques et granulométriques les plus diversifiées, du moins à l'échelle des invertébrés : un simple bloc crée un ensemble de microbiotopes variés. Les méandres et les irrégularités du profil en long sont facteurs de diversité du milieu et de la faune. La végétation aquatique, quoique rarement source alimentaire directe, sert d'abri et substrat, ce qui en fait un facteur de diversité du milieu enrichissant la faune en diversité et en abondance.

La plupart des espèces ont un cycle de vie annuel et sont dites univoltines. Mais leur cycle peut demander deux années ou plus pour les espèces semivoltines, ou bien se succéder plusieurs fois par an pour les espèces dites plurivoltines. La durée du cycle dépend en particulier du régime de température, car celle-ci ralentit ou accélère le métabolisme, et de façon variable selon les preferendums des espèces.

Les invertébrés sont soumis en permanence au risque d'être entraînés par le courant, contre lequel ils luttent par toutes sortes d'adaptations : épines ou crochets, lests, "colles", etc.

y Invertébrés autour d'un caillou

y Invertébrés dans un méandre

y Oxygène et invertébrés

y Consommation d'oxygène par le

poisson

y Poissons (cf Faune & Flore)

Photo de Pêche électrique

y Cycle de vie de poissons

amphibiotiques

Photos de passes à poissons

y Domaine Hyporhéique

26

Page 36: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

Les invertébrés sont soumis en permanence au risque d'être entraînés par le courant, contre lequel ils luttent par toutes sortes d'adaptations : épines ou crochets, lests, "colles", etc. Ceux qui sont entraînés dans le courant constituent la dérive, ou ``drift". La dérive varie selon les saisons et au cours du nycthémère, étant souvent plus abondante au début de la nuit. Elle augmente lors des crues. Elle participe à l'extension des populations d'invertébrés et à l'alimentation de poissons comme la truite.

22.2.3. Les poissons

Les espèces de poissons d'eau douce seraient au nombre de 8000, mais la faune européenne est relativement faible du fait des glaciations récentes. Il ne s'en trouve guère plus de 75 en france, dont certaines ont été introduites par les pisciculteurs, les aquariophiles et surtout les pêcheurs - les introductions les plus récentes étant celles du sandre et, plus récemment, du silure.

Les peuplements en poissons sont très variables. La diversité est plus faible dans les petits réseaux hydrographique que dans les grands. Elle dépend aussi de l'histoire et de la géographie : en Europe, le nombre d'espèces diminue dans nombre de bassins hydrographiques avec la distance avec la Mer Noire, lieu de refuge de nombreuses espèces au moment des glaciations.

Les populations de poissons sont connues par enquête près des pêcheurs, pièges, compteurs, etc., et, surtout dans les petites rivières, par pêche électrique. Les peuplements de poissons sont fluctuants, de façon pas toujours expliquée (goujon, hotu, etc.). Dans nos régions, on note l'affaiblissement des populations de saumons sous l'influence principale des obstacles aux migrations (en particulier les barrages hydroélectriques), le retour des aloses sur certains axes fluviaux (par la mise en place d'échelles à poissons adaptées), l'extension passée du sandre et l'extension actuelle du silure, la diminution des anguilles (pour des raisons mal élucidées : barrages et vannages, surpêche des civelles, pesticides ...), et enfin la disparition (quasi)totale de l'esturgeon commun.

Les poissons migrateurs, et tout particulièrement les amphibiotiques, qui passent une partie en eau douce et une autre en milieu marin, sont très sensibles aux conditions de migrations. Barrages, vannages et autres ouvrages hydrauliques sont notamment responsables de la baisse des anguilles, du saumon atlantique (les barrages hydrauliques l'ont interdit sur des bassins entiers), des aloses. Les aloses ont récemment repris une extension rapide sur le bassin de la Garonne dès l'implantation de passes adaptées.

22.2.4. Autres vertébrés

Dans les cours d'eau et surtout dans les milieux associés, vit toute une macrofaune semi-aquatique diversifiée même dans nos régions : amphibiens variés, couleuvre, tortues, oiseaux aquatiques, mammifères - rats musqués, ragondins, desman, loutre, etc..

Certains secteurs peuvent faire l'objet d'une protection particulière en raison de la présence d'espèces devenues rares comme la loutre ou des oiseaux aquatiques.En revanche, le développement de certaines espèces piscivores, comme le héron ou surtout le grand cormoran, peut être considéré comme excessif par des pêcheurs.

22.2.5 - Biocénoses des milieux adjacents

La rivière et le fleuve sont associés à divers écosystèmes de transition (écotones).

Sous les berges de la rivière et sous son lit, le domaine hyporhéique, vit une faune souterraine particulière, les `invertébrés du sous-écoulement".

La végétation des rives, notamment forestière - la ripisylve, se développe de façon particulièrement productive, grâce à la disponilité en eau.

y Zonation piscicole

27

Page 37: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

A la vision trop centrée sur l’écosystème aquatique, on préfère de plus en plus présenter le cours d’eau comme formant un ensemble naturel avec des milieux associés que la civilisation a complètement transformés et souvent très réduits : bras morts, zones humides diverses et plus ou moins inondables, forêts alluviales, etc.

Très souvent le réseau hydrographique a été simplifié à l’extrême par élimination des chenaux secondaires et des bras morts, tandis que les zones humides ont été drainées, les méandres souvent recoupés, les forêts alluviales réduites et souvent supprimées, le lit a été "civilisé", parfois dragué ou même canalisé. Il en résulte en particulier une baisse de la diversité.

22.3 - ZONATIONS ET TYPES ECOLOGIQUES DES EAUX COURANTES

22.3.1 - Zonations piscicoles

De l'amont vers l'aval, parallèlement aux changements des conditions du milieu, les peuplements de poissons évoluent sous l'influence principale de la pente, des dimensions du lit, de la température.

Typiquement en Europe occidentale tempérée, on distingue le domaine salmonicole et le domaine cyprinicole :

1 - Domaine salmonicole, rivières à peuplement de Salmonidés prédominant :- Zone à truite, où la truite domine, accompagnée du vairon, de la loche, du chabot, etc.- Zone à ombre, avec truite, ombre, cyprinidés d'eau vive comme la vandoise, le chevaine, etc.2 - Domaine cyprinicole, à peuplement dominé par les Cyprinidés :- Zone à barbeau, où ce poisson est accompagné d'autres cyprinidés d'eau vive comme le chevaine, la vandoise, le goujon, etc., et de cyprins d'eau lente comme la carpe ou la brème, ainsi que de carnassiers comme la perche.- Zone à brême, où ce poisson est accompagné de cyprinidés et de prédateurs comme le brochet, le sandre ou la perche.

Typiquement, ces zones se succèdent d'amont en aval, en fonction principalement de la pente et de la largeur du lit (diagramme de Huet), et sous l'effet de la température.

A noter que certains poissons sont relativement "euryèces", par exemple le gardon et surtout l'anguille, qui occupe l'ensemble du réseau hydrographique - du moins si elle y a accès.

Plus en aval, on trouve une zone à flets, poissons qui remontent de l'estuaire.

Dans la réalité, la zonation piscicole est graduelle et imprécise, avec des espèces régionalement différentes, influencée par les plans d'eau (effet thermique surtout), de la proximité de la mer (anguilles, mulets,etc. ), du profil en long, des introductions de poissons et de la gestion piscicole, des migrations (principalement anguilles, saumons, truites de mer, aloses), et enfin des pollutions.

2232 - Typologie générale

28

Page 38: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

A l'évolution longitudinale des caractéristiques du milieu correspond une succession de biocénoses et il est possible de distinguer des zonations pour d'autres groupes que les poissons - en particulier pour divers ordres d'insectes et même les oiseaux.

Selon la typologie la plus habituelle fondée sur des critères morphodynamiques et physico-chimiques, on distingue :

- le crénon ou zone des sources,- le rhithron (la rivière), - le potamon (le fleuve).

Ces trois zones ont elle-mêmes été subdivisées en unités plus restreintes : épipotamon, etc.

22.4 - FONCTIONNEMENT DE L'ECOSYSTEME "EAUX COURANTES"

22.4.1. Relations trophiques

Les cours d’eau sont des écosystèmes à chaîne de décomposition prédominante : "les truites sont alimentées - indirectement - par les feuilles mortes".

Les apports terrestres et rivulaires prédominent très généralement vis-à-vis de la production primaire proprement aquatique. Même la production végétale aquatique est souvent plutôt mangée à l'état de débris que ``broutée". La décomposition de la matière végétale par les transformeurs, champignons d'abord, puis bactéries et invertébrés, est essentielle.

Les matières transportées par le courant alimentent des filtreurs.

La production en invertébrés dans le rhithron peut atteindre plusieurs dizaines de g/an/m2

en poids sec. Les productions piscicoles y atteignent souvent 10 à 20 g/an/m2. Le fonctionnement écologique et la production du potamon sont moins bien quantifiés. Le rôle des mollusques filtreurs, vivant dans le sédiment mais filtrant l'eau, y est plus important qu'en amont.

Entre les amonts et l'aval, les cours d’eau intermédiaires peuvent avoir une production primaire plus importante : dans les rivières moyennes, un peu dégagées de la végétation rivulaire mais pas encore trop turbides, le périphyton et la végétation aquatique peuvent se développer mieux qu'en amont ou qu'en aval.

Dans les canaux, les rivières lentes et les fleuves, la production primaire planctonique peut devenir très importante sous l'influence des fertilisants ' azote et surtout phosphore) : cette eutrophisation se caractérise par une forte densité de plancton et un taux élevé de chlorophylle - par exemple dans le cours aval de la Loire, où l'on observe aussi une multiplication de mollusques filtreurs récemment arrivés. D’autres formes d’eutrophisation, en rivière même rapide, se manifestent par un développement massif d’algues filamenteuses fixées sur le fond ou de grands végétaux.

On note que les poissons sont omnivores et le plus souvent à prédominance carnivore. Ils se placent principalement ``en haut" de la pyramide alimentaire, même si celle-ci possède moins de niveaux qu'en milieu marin.

y Réseau trophique en eau

courante

y Fonctionnement du rhithron

y Fonctionnement du potamon

y Fonctionnement "en hélice"

29

Page 39: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

22.4.2. Continuum amont-aval et recyclages

Les éléments nutritifs sont stockés dans les organismes de la chaîne alimentaire, et libérés plus en aval : il existe un « continuum » des éléments de l’amont vers l’aval. Les recyclages ne se font pas au même rythme : celui des arbres est plus lent que celui des algues.

Les éléments descendent avec le fleuve. Le flux d’éléments recyclés sont comparés à une spirale dont les spires se déroulent de l’amont vers l’aval. Les spires sont très resserrées dans les milieux adjacents comme les plaines d’inondations et les bras morts, qui retardent les éléments dans leur descente vers l’aval.

30

Page 40: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

23 - ECOLOGIE DES EAUX STAGNANTES

Un lac est une masse d'eau stagnante stockée dans une cuvette profonde et de grande étendue. Etangs et mares ont de plus faibles dimensions, les flaques sont de minuscules plans d'eau temporaires.

23.1. CARACTERISTIQUES DU BIOTOPE

23.1.1 - Lumière

Le rayonnement solaire, lumière et chaleur, qui n’est pas réfléchi à la surface pénètre et il est absorbé par l'eau. Dans l'eau pure, son intensité Iz = I0e-ηz, où z est la profondeur et η le coefficient d'extinction. Celui-ci varie avec la longueur d'onde - les plus courtes pénétrant généralement le plus profondément - et avec les substances dissoutes ou en suspension, notamment la biomasse d'algues avec ses pigments et les matières humiques.

La couleur et le climat optique varient selon les lacs : en simplifiant, les eaux sont bleues, vertes (eutrophes) ou brunes (peu calcaires, avec matières humiques).

Les végétaux se développent grâce à la photosynthèse dans la zone éclairée, épaisse de quelques mètres ou dizaines de mètres, appelée "zone euphotique". Les eaux plus profondes forment la "zone dysphotique", mal éclairée, qui commence lorsque l'intensité lumineuse devient inférieure à 1% de la lumière qui a pénétré dans l'eau.

La zone euphotique est qualifiée aussi "trophogène", i. e. qui engendre de la nourriture. La zone dysphotique est dite "tropholytique", qui ne fait que décomposer la nourriture.

La limite peut s'évaluer de façon simple par le "disque de Secchi" : un disque blanc marqué d'une croix noire est descendu dans l'eau, on note la profondeur à laquelle il devient invisible. Le double de cette profondeur permet d'évaluer simplement la limite de la zone euphotique.

23.1.2 - Température

Un lac se refroidit et s'échauffe par le haut, en excluant l'effet des débits qui entrent et qui sortent.

La température a une incidence générale sur le métabolisme. Mais dans les lacs, le régime thermique a en plus une influence primordiale sur les échanges de masses d'eau, leur évolution physico-chimique et biologique.

La densité de l'eau est maximale à 4°C.

Dans un lac typique de nos régions, assez profond et assez abrité, le régime thermique induit une succession de stratifications et de mélanges :

- Au printemps, les eaux sont de température et donc de densité homogène, elles se mélangent bien : c'est la circulation printanière. Elles tendent ensuite à être chaudes en surface, ce qui les rend plus légères et tend à les maintenir en surface. - En été, typiquement, les eaux superficielles forment l’épilimnion, "le lac du dessus", souvent d’une dizaine de mètres d’épaisseur. Mais elles restent fraiches en profondeur, dans l’hypolimnion, "le lac du dessous". Entre ces deux couches superposées existe une zone à fort gradient

thermique (1°C /m) ou saut thermique ou encore thermocline : cette

zone est appelée le métalimnion. La stratification thermique estivale, stable si le

y Stratification estivale

y Températures d'un lac

dimictique

y Températures dans le Léman

y Oxygénation d'un lac

américain

y Oxygénation dans le Lac

Léman

31

Page 41: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

23.2. - LES BIOCENOSES

23.2.1 - Bordures de végétation

Les ceintures végétales ou rhizomenon font progressivement transition avec le milieu terrestre, depuis la végétation palustre, puis semi-aquatique (roselière, typhaie), jusqu'à la végétation aquatique flottante, fixée ou nageante, et enfin immergée (prairie aquatique). Elles sont plus ou moins étendues selon les conditions topographique et la nature des sédiments. Elles ont aussi une évolution dans le temps, une histoire. Les végétaux servent également de support au périphyton, ensemble des végétaux, algues pour l’essentiel, et des petits animaux qui vivent sur la végétation aquatique ou autour d’elle.

Les ceintures de végétation ont un rôle de producteur primaire, de support et d'abri pour une flore microscopique (algues, etc.) et des invertébrés. Vis à vis des poissons, elles servent aussi d'alimentation, d'habitat et d'abri, de lieu de reproduction et de vie pour les formes juvéniles de nombreuses espèces, notamment cyprinidés et carnassiers. Habitat priviligié de nombreux amphibiens, oiseaux, mammifères, elles sont donc un élément majeur de la biodiversité du lac.

23.2.2 - Plancton

Le plancton est constitué par tous les organismes de petite taille qui vivent en pleine eau et en suivent les mouvements :

- phytoplancton ou plancton végétal : composé de cyanobactéries (ce sont des bactéries, mais on a gardé l'habitude de les inclure dans le terme de phytoplancton), d'algues brunes et d'algues vertes ;- zooplancton formé de petits animaux comme les protozoaires, rotifères, crustacés (Cladocères herbivores et détritivores, parfois prédateurs, et Copépodes), larves d'insectes en particulier les Chaoborus;- bactérioplancton.

Dans un lac, le phytoplancton forme le groupe de producteurs primaires le plus important. Son abondance définit le ``caractère trophique" qui dépend surtout de l'apport en N et P.

Le plancton évolue extrêmement dans sa composition et son abondance, selon les conditions du milieu et les concurrences entre les espèces, selon aussi des "aléas divers". Fréquemment, le plancton est dominé en hiver par les Diatomées. Celles-ci s'accroissent aux premiers beaux jours, souvent "broutées" par le zooplancton qui éclaircit les eaux. Les Diatomées sont souvent suivies par les Chlorophycées, tandis que les Cyanophytes apparaissent en été, certaines attendant l'automne pour avoir leur plein développement. Cependant ce schéma général est sujet à d'extrêmes variations selon le climat de l'année, la température et l'exposition du lac aux vents, le statut trophique, etc.

23.2.3 - Necton

Le necton, animaux qui nagent activement et peuvent ne pas suivre les mouvements de l'eau, est formé essentiellement des poissons.

Le peuplement en poissons varie :

- avec la température et le caractère trophique : les salmonidés vivent dans les lacs aux eaux fraîches et oxygénées ;- selon la position dans le réseau hydrographique, en particulier selon les échanges avec les cours d'eau ou avec la mer (ex. pour les lagunes ou étangs littoraux méditerranéens : mulets et athérines) ; - en fonction de la pêche de loisir ou commerciale : introductions d'espèces, repeuplements, captures - notamment pour les corégones, truites, sandres, silures, etc. ) ;

y Végétation en bordure du

Léman

32

Page 42: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

23.3. FONCTIONNEMENT DE L'ECOSYSTEME LACUSTRE

L'écosystème lacustre repose sur leur propre production primaire, contrairement à celui des eaux courantes, à base de décomposition de la production primaire extérieure.

La production primaire est la première production de biomasse à partir d'une énergie non vivante, ici la lumière solaire.

Les producteurs primaires assimilent une partie (≅1%) de l'énergie solaire grâce à leurs pigments : c'est la production brute. Cette production brute est en partie consommée par le métabolisme (respiration) et la croissance. Il reste la production primaire nette.

Elle est réalisée par les ceintures de végétation et surtout par le phytoplancton.

Elle peut se mesurer in situ, par exemple en disposant à plusieurs niveaux de la zone éclairée des flacons clairs où se déroulent la photosynthèse et la respiration du plancton, et des flacons sombres où se déroule seulement la respiration. En fin de journée, on filtre le plancton et on dose le carbone radioactif qui sert à évaluer le carbone retenu par photosynthèse. La production primaire est le plus souvent maximale à quelques décimètres de profondeur. En intégrant les valeurs trouvées aux différentes profondeurs, on évalue la production primaire par m2, en poids de carbone ou - connaissant l'énergie chimique correspondante - en énergie absorbée (Kcal/m2).

Une partie de la production primaire (≅1/3, 1/2) est broutée par les herbivores, principalement le zooplancton, dont la production nette (production brute diminuée de la respiration et des diverses excrétions ou déchets) alimente partiellement les carnivores. Les carnivores eux-mêmes forment divers niveaux selon leur position dans cette chaîne alimentaire : les carnivores de premier ordre servent eux-mêmes de proies pour les carnivores de deuxième ordre, etc. Cette chaîne alimentaire est dite "à base de broutage".

Les producteurs primaires non broutés, à leur mort, sont décomposés par divers organismes, en particulier dans les premiers mètres de profondeur, où l'activité biologique est très vive, et au niveau du fond où ils finissent par tomber. Les organismes décomposeurs peuvent eux-mêmes être servir de proies par des herbivores et des carnivores. Ils sont donc à l'origine d'une seconde chaîne alimentaire, "à base de décomposition" et plus ou moins croisée avec la précédente. Beaucoup de poissons par exemple ont un régime omnivore, dévorant de la végétation fraîche, des débris végétaux, des vers ou des arthropodes (crustacés et larves d'insectes). Les décomposeurs sont aussi appelés aussi transformeurs ou recycleurs car ils participent directement au recyclage des éléments constitutifs des êtres vivants comme le carbone, l'azote, le phosphore, etc. Il s'aagit principalement des bactéries appartenant à divers groupes fonctionnels.

L'ensemble des herbivores, carnivores et décomposeurs constitue la production secondaire.

Production et biomasse sont en proportion variable car la durée de vie des divers organismes est très dissemblable : le plancton a une forte productivité et une très faible biomasse en comparaison avec les poissons par exemple. Production et biomasse diminuent quand on passe d'un niveau trophique à l'autre en raison des pertes dues à la respiration, aux cadavres, aux rejecta, aux débris, et dues aux pertes thermodynamiques dans les rendements : d’où la pyramide alimentaire ou pyramide écologique, où l'énergie mise en oeuvre diminue sensiblement d'un facteur 10 d'un niveau au suivant.

Ce schéma est une simplification. En particulier les régimes alimentaires sont complexes et variés. Il existe de nombreux omnivores. Les rôles des bactéries les assimilent souvent à des producteurs primaires chimiotrophes ou organotrophes. Il ne faut pas oublier les parasites avec leurs cycles de développement souvent compliqués. Il existe des échanges avec les écosystèmes terrestres et humides ou avec le réseau hydrographique.

y Dessin schématique du fonctionnement trophique d'un

plan d'eau

y Schéma de l'énergie dans un

lac

33

Page 43: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

L'énergie solaire assimilée s'épuise progressivement par pertes de rendement lors des réactions biochimiques, ou bien elle est fossilisée au fond du lac.

L'ensemble du lac fonctionne comme une unité vivante où les espèces occupent une niche écologique utile au fonctionnement de l'ensemble et en dépendent.

34

Page 44: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

24 - ZONES HUMIDES ET ESTUAIRES

24.1. Les milieux humides

- Ce sont des milieux variés à forte humidité ou temporairement aquatiques, fréquemment en bordures des eaux. Ce sont des écotones, écosystèmes de transition entre les milieux franchement aquatiques et les écosystèmes terrestres, qui sont variés (cf typologie) : en particulier landes et prairies humides, forêts alluviales, ripisylves, marais, tourbières, étangs, bordures de lacs, annexes fluviales (bras morts), schorre et slickke, prés salés, marais saumâtres, mangroves, etc.

- Cependant, compte tenu de leur position "de transition", leur définition est très variable. La convention de Ramsar concernalt la protection des oiseaux inclut par exemple les plans d'eau. Pour la loi sur l'eau de 1992, les zones humides sont des milieux temporairement humides avec une flore à dominante palustre.

- Ils présentent une forte biodiversité, subissant une "forte pression chromosomiques", due : 1 - au gradient des conditions physiques, d'où une grande diversité de situations et donc l'installation de nombreuses espèces adaptées chacune à des conditions précises ; 2 - à des espèces particulières, adaptées à ce milieu et à son éventail de situations, à son instabilité fréquente ; 3 - à ses rôles vis à vis des espèces des milieux adjacents terrestres ou aquatiques : habitat parfois temporaire seulement, lieu de reproduction ou de croissance de juvéniles pour les poissons, etc.

Parmi les espèces particulières, il faut citer la flore palustre, de nombreux amphibiens, reptiles, oiseaux, mammifères.

- La productivité est forte, notamment parce que l'eau y assure une bonne productivité primaire végétale, sans être limitée en eau saisonnièrement comme dans les milieux terrestres, ni en éclairement ou en nutriments comme dans le milieu franchement aquatique.

- Ce sont des milieux fragiles : - naturellement car les limites sont souvent réduites à une "frange" qui de plus est instable, changeante en fonction des crues, des précipitations, des variations de niveau (des terres, de l'eau douce ou du niveau marin, du climat, etc.), - par l'intervention de l'homme qui y a réalisé de grands aménagements, y opère des comblement et des destructions, les utilise comme dépotoirs, etc.

- Les relations avec les civilisation humaines, actuelles ou passées,sont très diverses : cf le sud-est asiatique (culture du riz), le drainage des bas-fonds pour diverses agricultures intensives (prairies, cultures vivrières ou du coton, etc.), les grandes zones irriguées, l'assainissement ou la "bonification" pour raison sanitaire (malaria), etc.

- Sans exagérer les rôles (notamment "anti-crues" ou de "soutien d'étiages" souvent surestimés), ils méritent une protection vigilante particulière et souvent une "renaturation" pour leur intérêt écologique majeur.

y Typologie des zones

humides en France

y Coupe des formations végétales d'estuaire

y Succession végétale dans

un marais fluvial

y Profil des êtres vivants dans un étang

35

Page 45: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

24.2. - Les estuaires

- Ce sont des écotones de transition entre les eaux courantes et les eaux marines, à côté d'autres écotones "eau continentale - terres - mer"comme la mangrove, les marais littoraux, deltas, lagunes, etc.

- Selon les conditions hydrodynamiques, il sont très divers (cf typologies).

- Le passage de l'eau douce à l'eau salée comporte des changements majeurs : 1 - physiques et chimiques, en particulier avec la différence de densité ralentissant le mélange (eau douce s'étalant sur l'eau salée, eau marine remontant en coin salé en-dessous de l'eau douce), la floculation des argiles et les bouchons vaseux, la formation de la "slicke" et du "schorre", etc. 2 - biologiques : les conditions de salinité et d'osmorégulation évoluent, le plancton d'eau douce meurt ; seules y vivent les espèces suppportant des variations de salinité.

- Les conditions du milieu changent en permanence aussi bien à court terme (marées, crue), qu'à moyen ou long terme (évolution des marées, régime des débits, changements des sédiments).

- Ecologiquement, c'est un milieu "stressant" pour beaucoup d'espèces car en perpétuel changement de salinité.

- La productivité est forte comparée à celle du milieu marin, en raison des nutriments venus du bassin versant, en revanche la biodiversité est faible en raison du "stress".

- L'estuaire est un lieu de passage obligé des poissons amphibiotiques, notamment les grands migrateurs comme l'anguille, le saumon, l'esturgeon; c'est aussi une zone de reproduction ou de nursery pour des espèces de poissons marins.

- La pollution y est souvent importante. A la pollution venue de tout le bassin versant s'ajoutent celle des activités économiques car ce souvent des zones d'urbanisation, de trafic fluvial et maritime, d'activités industrielles : par exemple les estuaires bretons urbanisés, ou les grands estuaires français industrialisés et très artificialisés.

243 - Le littoral marin

- Le domaine littoral est divisé habituellement en divers domaines selon l'immersion et l'émersion, ou la profondeur.- Il s'agit d'écotones à grande variété de conditions entraînant une grande diversité d'espèces, principalement : 1 - selon l'étagement ; 2 - selon le mode battu ou non, c'est-à-dire selon les conditions hydrodynamiques. - Le littoral a une place particulière vis à vis du milieu marin : c'est un milieu de forte productivité (d'où pêche), une zone de reproduction et de vie des juvéniles pour beaucoup d'espèces de poissons, un milieu particulier pour les oiseaux y compris ceux qui y passent lors de leurs migrations et ceux qui s'y reproduisent (notamment;les oiseaux marins ou semi-marins).- C'est une zone sensible à la pollution : les activités humaines y exercent une forte pression (pêche, pisciculture,conchyliculture, loisirs variés comme la baignade et toutes sortes d'activités nautiques, aquaculture…), les eaux peuvent y subir divers types de pollutions y compris des contaminations bactériennes et des eutrophisations.- La pression des activités rend la protection difficile, à l'image de celle des zones littorales terrestres.

y Etagement sur le littoral

36

Page 46: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3 - POLLUTIONS

Les pollutions de l'eau sont des modifications de sa composition ou de son état (température) qui perturbent l'écologie aquatique ou nuisent aux usages de l'eau. Elles sont de nature très variées, en particulier organiques, chimiques, eutrophisations, micropollutions, etc..Leurs origines sont également diverses : urbaine, industrielles, agricoles notament.S'agissant des micropollutions et de l'écotoxicologie, tout particulièrement de l'écotoxicologie "humaine", les pollutions de l'eau ne peuvent pas être nettement séparées des autres contaminations comme celles de l'air, des sols ou de la chaîne alimentaire.

31 - POLLUTION ORGANIQUE DES COURS D'EAU

Anciennes car elles remontent aux premières cités, les pollutions organiques sont en recul dans divers pays, grâce à l'épuration des rejets d'eaux usées. Mais elles resteront encore longtemps excessives dans de nombreuses régions du monde où continuent à croître la population et les mégalopoles.

y Avenir de l'épuration

urbaine

311 - Description

Les matières organiques rejetées avec les eaux usées domestiques, industrielles et parfois agricoles consomment l'oxygène en étant décomposées de multiples bactéries. Le taux d'oxygène diminue, puis finit par réaugmenter quand réoxygénation l'emporte sur la consommation d'oxygène.

La désoxygénation, l'apport et la production d'azote ammoniacal - dont la toxicité augmente avec le pH et la température - ainsi que de divers composés de dégradation, surtout près du fond, perturbent le peuplement en invertébrés aquatiques et en poissons. La salissure mécanique et les colmatage des fonds modifient aussi les biocénoses.

Les espèces exigeantes en oxygène, ou demandant des fonds propres, ou sensibles à l'azote ammoniacal comme à d'autres toxiques, disparaissent. Certaines espèces prolifèrent. Globalement, il y a diminution de la diversité faunistique.

Par épisodes, surtout à l'étiage et en période de fortes chaleurs, la chute de l'oxygène dissous et/ou la toxicité ammoniacale peuvent entraîner des mortalités brutales des poissons.

Chez les poissons de nos régions, les salmonides sont les plus atteints.

Les effets de la pollution organique se conjuguent souvent avec ceux de l'eutrophisation des cours d'eau. Celle-ci se prolonge plus en aval avec des algues filamenteuses fixées pour les eaux plus vives, et un plancton très abondant dans les eaux lentes.

y Modifications en aval d'un rejet

de pollution organique

y Tableau de la solubilité de l'oxygène

y Dissociation de l'azote

ammoniacal

y Azote ammoniacal en

aval d'agglomération

37

Page 47: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.1.2 - Critères d'evaluation & contrôle

Divers paramètres permettent d'évaluer la pollution par les matières organiques, principalement :

- le taux d'oxygène dissous et son pourcentage par rapport à la saturation normale en oxygène ; - la Demande Biochimique en Oxygène Dissous, consommation d'oxygène en 5 jours dans des conditions standard, ou DBO5, permet d'évaluer globalement la fraction organique rapidement biodégradable ; - la Demande Chimique en Oxygène, ou DCO, permet d'évaluer la quantité globale d'oxygène consommable, même sur le long terme ; elle est plutôt adaptée aux cas de rejets industriels peu biodégradables ; - l'azote ammoniacal, et notamment l'azote ammoniacal non ionisé qui est calculé d'après la température et le pH ; - les phosphates, bon indicateur de rejets d'eaux usées.

Ces paramètres sont comparés aux valeurs données par des grilles normatives, ce qui permet d'estimer la gravité de la situation. Des figurations et cartes avec des couleurs standard permet de visualiser la situation du réseau hydrographique.

Cette évaluation est toujours rendue difficile par les grandes variations de concentrations, sous l'effet du climat, des fluctuations des rejets et surtout de celles du débit dans le milieu récepteur.

La sensibilité de la faune d'invertébrés aquatiques permet d'apprécier la gravité des pollutions organiques par des méthodes biologiques. Quoique cette approche soit moins quantitative, elle a l'intérêt d'être moins sensible aux fluctuations et elle permet d'estimer l'effet sur les biocénoses elles-mêmes. Basés sur la nature des invertébrés et sur leur diversité, l'indice biotique et, plus récemment, l'indice de biologique générale normalisé (IBGN), sont intéressantes surtout pour les petites et les moyennes rivières.

y Profil d'indices biotiques

&Note sur l'IBGN

38

Page 48: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.1.3 - Lutte contre les pollutions organiques & urbaines

3131 - L'épuration des eaux usées urbaines

La réduction des pollutions urbaines devrait commencer "à la source" par des économies sur les consommations d'eau, ou sur des produits comme les phosphates, mais...

Elle commence habituellement par l'assainissement, collecte des eaux usées par un réseau de canalisations qui les amène à un système d'épuration.

Le type d'épuration actuellement le plus fréquent est l'épuration par des boues activées. Cette chaîne de traitement commence par des systèmes physiques comme le dégrillage, la décantation, la flottation. Le coeur du traitement est la décomposition biologique des matières organiques par des bactéries recyclées (boues secondaires) et recevant une abondante fourniture d'oxygène. Puis les bactéries sont séparées de l'eau épurée par une décantation finale. Le traitement peut être complétée par la déphosphatation (cf Eutrophisations) qui est biologique ou chimique, par une dénitrification biologique, par une filtration et/ou une décontamination terminales.

Il existe d'autres types de traitement, comme le lagunage naturel, les anciens lits bactériens, les nouvelles cultures fixées ou filtration biologique, les procédés purement chimiques, les séparations physiques, l'épandage et la réutilisation pour l'irrigation, etc.

Pratiquement tous les systèmes récupèrent et produisent des déchets, les boues. Celles-ci doivent elles aussi être traitées, séchées notamment. Elles doivent ensuite être éliminées par épandage et recyclage en agriculture, par épandage intensif et contrôlé, ou par incinération puis stockage des cendres.

Les techniques d'épuration et d'élimination des boues sont en constante évolution technique.

3132 - Les autres pollutions urbaines ...

Les agglomérations polluent aussi par les eaux pluviales, c'est-à-dire par les eaux de pluies contaminées.

Les eaux pluviales sont polluée par des matières organiques (salissures des voies, mauvais branchements), des résidus d'hydrocarbures, des particules émises par les voitures (issues de la combustion incomplète des carburants, ou de l'usure des pneus), des herbicides (entretien des espaces verts et de la voierie), des rejets intempestifs (zones artisanales et industrielles), et par toutes sortes de déchets.

Mais le traitement de ces eaux pluviales est pour l'instant rarement pratiqué.

Par ailleurs, les réseaux unitaires - qui évacuent les eaux usées mais également les eaux pluviales - reçoivent des débits gonflés par les orages. Ces débits peuvent submerger les stations d'épuration, ce qui oblige à "by-passer" la station de traitement - c'est-à-dire à rejeter directement dans le milieu récepteur.

3133 - L'épuration des rejets industriels

Les eaux rejetées par diverses industries et notamment par les industries agro-alimentaires sont souvent très comparables aux eaux usées urbaines. Elles sont chargées de matières organiques, d'azote ammoniacal, de phosphates, etc. issus des matières premières ou du process industriel lui-même. L'épuration est alors effectuée selon des techniques très voisines. Les autres industries font appel à des précédés extrêment variables, parmi lesquels les techniques membranaires sont de plus en plus utilisées.

y Schéma de station d'épuration à boues activées

&Annexe sur l'épuration

39

Page 49: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

32 – EUTROPHISATIONS

A travers le monde entier, les lacs deviennent, dans leur grande majorité, de plus en plus eutrophes, presque toujours sous l'influence des rejets de phosphore. L'eutrophisation perturbe leur situation naturelle et gêne de nombreux usages. Au fil des décennies, la situation s'aggrave presque partout, atteignant même des régions que l'on croyait reculées et protégées. L'excès de production primaire s'étend aussi dans d'autres milieux aquatiques, principalement les grands fleuves mais aussi quelques domaines marins.

3.2.1 - Eutrophisation des lacs

* 3.2.1.1 - Niveau trophique et définition de l'eutrophie

L'intensité de la production primaire par les végétaux aquatiques, principalement les algues planctoniques, est déterminante pour l'écologie lacustre. Les "limnologues" classent, à la suite de Thinemann vers 1930, les lacs selon leur productivité et leur "climat" physico-chimique qui l'accompagne :

- oligotrophes, à faible production primaire ; - eutrophes, à "bonne" au sens de forte production primaire ; - mésotrophes, à productivité intermédiaire ;- dystrophes, à productivité entravée par des conditions difficiles comme l'excès d'acidité ou de matières en suspension.

Vollenweider, vers 1980, à la suite d'une étude internationale dans plusieurs centaines de lacs de l'OCDE, a complété cette distinction par les lacs hypereutrophes, à eutrophisation très excessive pour l'équilibre du milieu et pour ses usages.

L'évolution naturelle de nombreux lacs les fait passer souvent de l'oligotrophie à l'eutrophie. Cette évolution est favorisée par le piégeage des éléments fertilisants qui contrôlent leur production primaire, et par leur comblement progressif. Cette évolution n'est cependant pas générale.

En revanche, la plupart des lacs deviennent eutrophes sous l'influence aux activités humaines, ils peuvent même être hypereutrophes dès leur création.

Le terme et le concept d'eutrophisation a été étendu à d'autres écosystèmes aquatiques, en particulier les leuves et canaux, les lagunes littorales, parfois certaines étendues marines.

* 3.2.1.2 - Description d'un lac eutrophe

Le plancton, principal producteur primaire dans la biocénose lacustre, se développe plus fortement dans un lac eutrophe que dans un lac oligotrophe ou mésotrophe, et il se concentre dans des eaux plus superficielles.

A la belle saison, les algues se multiplient très activement, principalement certaines Diatomées (Algues Brunes), des Chlorophytes (Algues vertes) et surtout les Cyanobactéries (Algues bleues).

Près de la surface, les teneurs en oxygène et le pH deviennent très fluctuantes, surtout au cours du nycthémère. Les eaux deviennent sursaturées et alcalines au cours des après-midis ensoleillés, surtout si elles sont pauvres en calcium.

En profondeur, l'oxygène est consommé par la décomposition de la matière organique produite. Surtout en cas de tendance à la stratification des eaux et formation d'un hypolimnion, le milieu y devient anoxique. Depuis le fond, où les conditions d'anaérobiose sont plus marquées au-dessus du sédiment, diffusent l'azote ammoniacal car la nitrification

IHypereutrophes ou

dystrophes ?

Photos de lacs eutrophes

y Un lac modérément

eutrophe

y Un lac Hypereutrophe

&Microcystines et

autres cyanotoxines 40

Page 50: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.2.2 - Eutrophisation d'autres milieux dulçaquicoles

La situation des étangs s'apparente à celle des lacs. La situation y est plus variable d'un étang à l'autre (petits écosystèmes), et très fluctuante avec le temps (faible inertie). Il arrive que certains soient recouverts entièrement par des algues vertes comme Hydrodictyon.

Les grands fleuves, les canaux, et même les petites rivières lentes peuvent eux-aussi être affectés par une tendance eutrophe.

L'eutrophisation y est cependant différente car le développement des algues - du plancton surtout - est habituellement limité par le courant, par l'âge de l'eau dans les rivières (les algues se développent moins rapidement que les bactéries), par le taux élevé de matières en suspension. Souvent, lorsqu'il y a du courant, ce sont des macroalgues périphytiques telles que des Chlorophytes filamenteuses (par ex. des Cladophores) qui se développent à la belle saison et/ou en étiage. Dans certains cours d'eau, il peut y avoir aussi un recouvrement général des supports par un feutrage de diverses algues, éventuellement associées à des bactéries si l'eutrophisation accompagne ou plutôt suit une pollution organique. Curieusement, dans certaines rivières à fond calcaire, le lit s'exhausse par précipitation des carbonates sous l'effet de l'eutrophisation.

Les taux de chlorophylle a peuvent atteindre plusieurs centaines de µg/l. Les fluctuations d'oxygène peuvent être notables avec parfois une baisse en profondeur et apparitions d'azote ammoniacal à proximité du fond - quand le débit est très lent et les eaux assez profondes. Il peut aussi y avoir quelques déficits en oxygène à la reprise des débits qui emporte les algues.

En eau douce, les phosphates sont souvent le facteur limitant, même si l'on connaît des développements d'algues vertes qui ont besoin d'azote - en général, le taux de nitrates diminue en été/étiage, parfois même s'annule en partie par l'effet de cette consommation.

La lutte contre l'eutrophisation ne peut être que préventive. Elle exige la déphosphatation des effluents ET la limitation ou la suppression des phosphates dans les lessives, sur de vastes bassins versants fluviaux, y compris dans leurs amonts épargés par l'eutrophisation. En cas de développement d'algues vertes, on pourra compléter par la dénitrification des eaux usées et par la lutte contre les nitrates d'origine agricole.

Photos de rivières eutrophes

y Evolution du plancton en cours d'eau eutrophes

y Zones classées sensibles en France

41

Page 51: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.2.3 - Eutrophisation en milieux saumâtres ou marins

L'eutrophisation perturbe également divers types de milieux marins ou saumâtres, en général côtiers, et aussi, de plus en plus, des étendues marines.

L'eutrophisation des eaux saumâtres est particulièrement dangereuse car ces milieux sont fragilisée par les stratifications salines, qui augmentent le risque de désoxygénation en profondeur. En outre, dans les estuaires, la mort du plancton apporté avec les eaux douces et la floculation des matières en solution ou en pseudo-solution, peut renforcer la désoxygénation et leurs conséquences sur les poissons. Dans le cas mortalité de poissons en baie de Vilaine (juin 1982), l'arrivée des crues à la belle saison a entraîné un apport massif d'eaux douces créant une stratification temporaire.

Les "malaïgues" (mauvaises eaux) des lagunes littorales méditerranéennes sont des crises d'eutrophisation rendues particulières par les modifications successives dans les conditions physico-chimiques et les peuplements d'algues et de bactéries du cycle du soufre. Elles se traduisent par des changements de couleurs de l'eau et par des mortalités de la faune.

Certaines mers soumises à des dessalures importantes peuvent être régulièrement désoxygénées, avec même apparition d'hydrogène sulfuré toxique, comme cela est observé dans la mer Baltique et le golfe de Gutland. La Mer Noire apparaît comme un cas extrême, où la désoxygénation permet d'ailleurs le développement massif de bactéries du cycle du méthane.

Les "marées vertes" littorales sont des développements massifs de grandes algues, souvent des algues vertes du genre Ulva ou de genres voisins. Il en résulte notamment des accumulations importantes d'algues en décomposition et malodorantes. Les baies à faible renouvellement hydrologique et aux estrans étendus sont plus favorables aux marées vertes. Le phosphore étant généralement assez abondant et disponible dans les sédiments de ces milieux peu profonds, le facteur limitant s'avère être l'azote, dû à l'agriculture intensive des bassins versants dans la plupart des situations.

Dans d'autres situations, l'eutrophisation se manifeste par des "eaux colorées", équivalent marin des "blooms" ou "fleurs d'eau", particulièrement nombreuses et intenses. Les désoxygénations qui en résultent peuvent entraîner des mortalités de poissons et d'invertébrés. De vastes zones de la Mer du Nord par exemple, ou du golfe du Mexique en face du Mississipi, sont régulièrement atteintes. Le facteur limitant peut-être l'azote et/ou le phosphore. Les facteurs limitants de la productivité marine peuvent évoluer avec la saison ou selon les lieux, notamment pour le phosphore, l'azote, la silice, le fer, etc.

L'eutrophisation n'affecte pas (encore) les vastes étendues océaniques. La productivité primaire y est plus faible et développée dans une épaisseur d'eau considérable. Elle est généralement limitée par le phosphore, "point faible" fondamental de la productivité marine, mais aussi par le fer, qui est un élément limitant de l'azotofixation - laquelle permet aux algues (cyanobactéries) d'utiliser l'azote atmosphérique dissous en mer.

La lutte contre l'eutrophisation exige une connaissance suffisante des facteurs limitants ou que l'on peut rendre limitants.

Photos de "marées vertes"

y Eutrophisation en Baltique et dans le golfe de Gotland

IQuestions sur

l'eutrophisation

42

Page 52: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

33 - POLLUTIONS AGRICOLES

3.3.1 - Modes

* Les pollutions agricoles sont diverses :

- selon les activités agricoles : cultures (grandes cultures, cultures maraîchères, vergers, vignes, etc.) et élevages (prairies, cultures fourragères, bâtiments d'élevage, etc.) - selon les conditions d'implantation : montagne, substrat géologique, etc. - selon les cibles touchées : sols, eau et atmosphère, chaîne alimentaire - selon la nature des agents de pollution : produits organiques, germes bactériens, phosphates, azote ammoniacal, substances pesticides minérales ou organiques, ...

* Dans le cas des cours d'eau sur socle, on doit distinguer plusieurs modes de pollution de l'eau en polyculture-élevage

Les pollutions agricoles sont mises en évidence par des analyses physico-chimiques dans les eaux : oxygène dissous, azote ammoniacal et nitrique, phosphates, ....

Les bâtiments d’élevage émettent des pollutions par les matières organiques, l'azote ammoniacal, les phosphates et les germes bactériens emportés par les fuites d'effluents et par les entrainements avec les eaux pluviales. Sur les champs, des pollutions sans doute de même nature sont dus à certains épandages de déjections animales, qui peuvent même atteindre les eaux souterraines dans un contexte karstique.

Les phosphates ont trois origines qui sont superficielles : bâtiments d'élevage, certains épandages, entraînement des particules fines de surface (érosion dénudante de surface).

En revanche, les pollutions par les nitrates proviennent de la percolation des nitrates à travers les sols (lixiviation) : les nitrates dépendent de la fertilisation des terres.

* Dans ce cas précis, il faut ajouter les pollutions de l'atmosphère, en particulier les nuisances de proximité : les odeurs liées à l'élevage, ses stockages, ses épandages.

* Il faut aussi ajouter les pollutions agricoles par les pesticides, par exemple celles de l'eau par les produits utilisés sur les cultures ou le long des chemins.

* Les pollutions de l'agriculture sont variées, tout comme ses autres incidences écologiques, mais il faut identifier les plus graves pour retenir des priorités d'action.

y Analyse de pollution agricole (sauf pesticides)

y Modes de pollution agricole (sauf pesticides)

3.3.2 - Pollutions organique, ammoniacale et bactérienne

3321 - Conséquences sur les milieux aquatiques et leurs usages

Les matières organiques et l'azote ammoniacal perturbent l’écologie des ruisseaux et gênent la production d'eau potable, comme le font sur des cours d'eau, généralement plus importants, les rejets des agglomérations et de certaines industries comme les industries agro-alimentaires :

- baisse d'oxygénation, voire déoxygénations totales ; - toxicité de l'azote ammoniacal non ionisé et d'autres composés de

43

Page 53: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

dégradation ; - perturbation de la faune d'invertébrés aquatique ; - gêne aux poissons salmonidés, parfois mortalités accidentelles ; - gêne aux usages de l'eau, en premier lieu l'alimentation en eau sensible à l'azote ammoniacal.

La présence de germes bactériens venant des élevages peut contaminer les coquillages littoraux, parfois aussi les prises d'eau potable, notamment par les cryptosporidies.

Ces altérations, souvent le fait des élevages bovins dont les déjections et les eaux pluviales sont moins maîtrisables, sont dispersées et généralement d'importance seconde par rapport aux rejets des agglomérations et des industries. Cependant les contaminations microbiennes de coquillages d’origine agricole sont quelquefois discutées.

3322 - Remèdes possibles

Il s'agit de maîtriser les écoulements d'effluents d'élevage et d'eaux pluviales contaminées :

- en augmentant les capacités de stockage des effluents liquides ; - en évacuant les eaux pluviales séparément (ex. gouttières) ; - en couvrant les fumières ou les aires d'exercices ; etc.

Coûteux, ces travaux ont un impact sur les pollutions autres que celle des nitrates, notamment sur les phosphates.

44

Page 54: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.3.3 - Phosphates agricoles et eutrophisation

3331 - Origine des apports de phosphore d'origine agricole

Les pertes de phosphates agricoles sont diverses.

Les élevages peuvent perdre du phosphore entraîné par défaut de stockage des "jus" divers, jus d'ensilage, eaux de lavage des salles de traite, "eaux vertes" des élevages de bovins, et surtout déjections animales liquides (lisiers, purin) mal stockées.

Les phosphates peuvent aussi provenir des cultures. Le phosphore est "énergiquement" retenu par le sol. C'est, en pratique, avec le sol que partent les phosphates des cultures, c'est-à-dire avec les fines entraînées par l'érosion dénudante de surface, qui deviennent des "matières en suspension" dans l'eau ou décantent plus ou moins provisoirement sur le chemin de l'eau. Dans l'eau, ce phosphore particulaire est en équilibre dynamique avec le phosphore dissous. Le phosphore apatitique provenant de l'érosion des roches naturelles est considéré comme non disponible pour la production primaire en eau douce, et va sédimenter sans passer en solution. Le phosphore des sols agricoles reste en partie stockée avec les sédiments et demeure donc moins accessible que le phosphore soluble, en particulier celui "des villes".

3332 - Quantification du phosphore d'origine agricole

Dans de nombreux bassins versants, l'agriculture est - de loin - l'activité qui utilise le plus de phosphore. En revanche, les fuites sont minimes habituellement, paraissant même insignifiantes du seul point de vue de l'agronome ou de l'éleveur. Les pertes sont de l'ordre du Kg de P et par ha.

La quantification du phosphore agricole est très malaisée, car le phosphore avance avec les matières en suspension, par saltation, par épisodes de crues avec des "pointes" de concentration ou de flux très fugaces. Les rivières transportent alors non seulement le phosphore venu des cultures, mais aussi le phosphore d'origine urbaine qui a sédimenté et repart avec la reprise des débits. Il règne donc une large marge d'incertitudes dans les appréciations du phosphore agricole pour les divers bassins versants.

En région de polyculture comme la Bretagne, le phosphore des sièges d’élevage est rarement quantifié. Pourtant les mesures le révèlent nettement prédominant sur le phosphore d’érosion, contrairement à certaines idées reçues.

3333 - Prévention des pertes de phosphore agricole

Les pertes de phosphore agricole peuvent être diminuées de diverses façons :

- d’abord réduction des pertes aux sièges d’exploitation, principalement les élevages bovins.

- réduction des consommations du cheptel, récupération et traitement des effluents. C'est surtout le cas dans les régions spécialisées dans l'élevage intensif, la Bretagne par exemple - rappelons que le phosphore des déjections animales est principalement produit par l'élevage bovin . L'effort alimentaire s'est traduit par une meilleure disgestibilité des fournitures ; il implique aussi l'incorporation, dans l'alimentation, d'enzymes particulières (des phosphatases, précisément des phytases) qui rendent assimilable l'inositol-phosphate (phytine) et permettent de diminuer la complémentation en phosphates minéraux nécessaires ; certains pays réfléchissent à des porcs OGM disposant de ces enzymes. Les traitements de déjections animales dans les zones en excédent ne peuvent que viser l'exportation du phosphore récupéré vers d'autres zones agricoles. A noter que peu de données sont

y Bilan du P dans une région.

y Statistiques nationales sur le P

agricole.

&Note sur l'agriculture

et l'eutrophisation

45

Page 55: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

disponibles sur les tonnages de produits phosphatés employés dans la litière, le lavage des salles de traite, etc.

- diminutions de l'érosion dénudante de surface dans les cultures. Cependant, si l'on met à part des zones où cette action a fait l'objet de promotions vigoureuses pour diminuer les entraînements de pesticides comme l'atrazine (dont l'emploi va désormais cesser), les agriculteurs ne paraissent guère motivés ! La création de bandes enherbées le long des cours d'eau pour diminuer les départs de produits phytosanitaires et le maintien d'un couvert végétal en hiver pour diminuer la percolation des nitrates, l'encouragement des prairies au détriment des cultures, vont "dans le sens" d'une réduction de l'érosion et donc d'une diminution des entraînements de phosphore érosif.

- diminution des apports aux cultures. Depuis quelques décennies, la commercialisation des engrais phosphatés a diminué, pour se stabiliser vers 20 kg/ha de P (environ le double en P205). Les méthodes d'analyses permettent assez facilement de faire le point sur l'abondance du phosphore dans le sol et sur sa disponibilité. Mais beaucoup d'agriculteurs ont gardé l'habitude de pourvoir les sols à l'excès, y compris par des engrais "starters". A noter que les méthodes d'analyse habituellement pratiquées ne portent pas sur le stock total du phosphore dans le sol, mais sur sa fraction "grossièrement" disponible.

La logique voudrait que l’on fonde les priorités d’action sur une hiérarchisation des apports et le coût des mesures à mettre en œuvre…

46

Page 56: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.3.4 - Nitrates

3341 - Situation dans les eaux

Les nitrates dans les eaux de surface ont fortement augmenté depuis plusieurs décennies, avec l’intensification de la fertilisation des cultures avec des engrais minéraux ou des « engrais de ferme ».

En Bretagne par exemple, région de polyculture-élevage sur la plus grande partie de la sole agricole, les concentrations ont en général augmenté de près de 1 mg/l par an (exprimé en NO3) pour la moyenne, et davantage pour les concentrations maximales, jusque vers 1993 et parfois jusqu’en 2000. Modulées par les conditions climatiques, elles sont aussi très irrégulières dans les bassins schisteux, plus constantes en domaine granitique, aussi bien en fluctuations rapides qu’en évolution saisonnière ou d’une année sur l’autre. La comparaison des bassins versants révèle des taux minimums dans les bassins d'agriculture peu intensive (landes et forêts, Belle-Île), et des taux maximums en secteurs légumiers (dépassant 100 mg/l dans la « ceinture dorée » du Finistère Nord).

Les quantités perdues annuellement, très fluctuantes selon les conditions climatiques, sont actuellement de l'ordre de 100 000 tonnes comptées en azote nitrique (N-NO3). Les concentrations « globales » annuelles, le flux divisé par le volume écoulé, s’avèrent moins sensibles aux variations de débit.

Les taux de nitrates augmentent dès lors qu’il y a intensification de la fertilisation azotée.

3342 - Conséquences sur les milieux aquatiques et leurs usages

* Les nitrates perturbent la production d’eau potable par le dépassement de la norme de 50 mg/l.

Cette limite, établie par les mêmes méthodes que pour les autres normes associées à de faibles risques, est motivée par le risque de méthéméglobinémie du nourrisson et d'une possible cancérogénicité. Le risque cancérogène, dû à la formation de composés N-Nitrosés, reste discuté.

* Les nitrates perturbent l'écologie du littoral et ses activités touristiques.

Les nitrates sont le premier facteur dont dépend l'intensité des « marées vertes » littorales, développement exagéré de grandes algues vertes, principalement Ulva armoricana. Les «marées vertes » se manifestent dans des conditions hydrodynamiques favorables (faible dispersion), dans les grands estrans, avec des eaux peu turbides – c’est le cas des deux principaux sites (baies de Lannion et de St Brieuc).

* Dans certains cas, les nitrates ont un effet sur l'eutrophisation des rivières et des plans d'eau. Ce rôle est très secondaire par rapport à celui du phosphore, "le" facteur limitant de l'eutrophisation en eau douce.

3343 - Mécanismes généraux

Les nitrates, solubles dans l'eau et non retenus par le sol, sont entraînés par percolation (lixiviation) à travers le sol. Elle s'effectue principalement après la nitrification automnale, l'excédent hydrique lessivant les nitrates que ne consomment pratiquement pas les cultures.

L'entraînement des nitrates ne se fait donc pas par les eaux qui ruissellent à la surface du sol, les ruissellements ne pouvant avoir qu'une incidence anecdotique.

y Chiffres de Nitrates en Bretagne

y Bilan de l'azote en Bretagne

y Nitrates dans la Petite traconne

y Nitrates dans le Morbihan

y Fertilisation par ha en France

&Note sur la nocivité

des nitrates

&Communication : risque toxique des

nitrates (Pignatelli B)

y Zones vulnérables en France

y Profil de Nitrates en Vilaine

47

Page 57: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.3.5 - Pesticides

* Leur histoire est récente mais les problèmes de toxicité ont été importants :

Les premiers pesticides utilisés après la seconde guerre mondiale, des insecticides organochlorés, ont fini par être interdits dans la plupart des cas en raison de leur toxicité pour l'environnement due en particulier à leur mauvaise biodégradabilité et à leur bioaccumulation, malgré leur efficacité en particulier vis à vis du paludisme.

Les nouvelles molécules ont reçu une "homologation"qui exclut les plus toxiques.

Très nombreuses, elles servent à des usages variés et désormais banalisés.

* La contamination, de l'eau en particulier, est fréquente sinon générale :

Dans les eaux superficielles, des traces de molécules très diverses sont trouvés au moins à certaines périodes de l'année ou par moments : atrazine, isoproturon, diuron, etc., et produits de substitution. On peut déceler parfois plusieurs dizaines de molécules, totalisant plusieurs dizaines de µg/l, surtout au printemps.

Les eaux souterraines sont habituellement moins contaminées.

* Les conséquences sur les milieux aquatiques et leurs usages sont discutées :

Les molécules qui restaient les plus dangereuses pour les poissons - lindane et dinoterbe entraînaient des mortalités accidentelles - ont été récemment interdites. Aux doses trouvées de façon chronique, les conséquences sur les milieux sont discrètes.

En revanche, les normes sur l'eau potable sont dépassées par moments. Ceci pose une grave interrogation pour la santé publique, compte tenu des risques sanitaires des travces de pesticides à long terme sur les populations : risques cancérogènes, effets pseudo-hormonaux notamment.

En particulier la norme de l'UE pour les eaux potables, 0,1 µg/l, est fréquemment dépassée, pour l'atrazine par exemple. Les recommandations de l'OMS, établies pour plusieurs molécules, le sont parfois aussi. L'élimination des traces de produits au cours du traitement de l'eau potable est dans de nombreux cas très insuffisantes actuellement.

Dans un but curatif, les prises d'eau améliorent les chaînes de traitement par l'utilisation de charbon actif, en attendant sans doute l'utilisation de membranes de nannofiltration.

Dans un but préventif, la surveillance et les actions prioritaies portent sur les molécules les plus à risque pour la production d'eau potable, àpartir d'eaux superficielles ou souterraines, et vis à vis de l'environnement. L'évaluation des molécules les plus à risque se fait avec des méthodes "Siris" qui cumulent divers facteurs : quantités utilisées, solubilité (Koc), toxicité.

* Le transfert vers l'eau est le plus souvent superficiel :

Le cheminement des diverses molécules de pesticides dépend de leur utilisation, de leurs propriétés chimiques (solubilité, volatilité, biodégradabilité surtout), de la nature des sols, des conditions hydrologiques.

Les transferts se font en partie par l'atmosphère et par les pluies, en particulier en raison du mode d'application, mais aussi de la volatilité des produits.

Schéma de la circulation des

pesticides

y Pesticides dans la Vilaine (aval)

Pesticides dans le Fromeur (Bretagne)

y Bioamplification du Lindane dans une

rivière

48

Page 58: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

34 - POLLUTIONS CHIMIQUES ET BIOCONTAMINATION

3.4.1 - Notions : toxicité et écotoxicité Les pollutions agissent en allant au-delà des limites de tolérance des espèces, mais elles peuvent aussi introduire des substances qui perturbent à faible dose les mécanismes biologiques : des poisons ou toxiques.

La toxicité aiguë est celle qui se manifeste imédiatement, pour une dose relativement importante. Dans l'eau, elle est généralement évaluée par des tests sur des organismes vivants, invertébrés et poissons. La toxicité dépend autant de la durée d'exposition que de la dose, contrairement à l'adage médical selon lequel "la dose fait le poison". Pour les organismes aquatiques, elle est généralement exprimée :

- par la DL50 (durée létale), durée au bout de laquelle 50 % des sujets expérimentés meurent, pour une concentration donnée ; - par la CL 50 (concentration létale), concentration pour laquelle 50 % de sujets expérimentés meurent au bout d'un temps donné d'expérience, généralement un à 4 jours.

Les courbes de survie de poissons soumis à des toxiques comme les sels métalliques montre l'action du couple concentration-durée et permettent de comparer les toxiques.

La toxicité chronique est celle qui dépend d'une exposition longue à faible dose. Elle généralement moins connue, voire ignorée, en particulier parce qu'elle est difficile à établir ou à caractériser. Elle peut être différente, comme par exemple pour l'arsenic chez l'homme, pour lequel les faibles doses ont un effet cancérogène à la longue.

La toxicité d'un élément chimique est souvent dépendante d'autres conditions physico-chimiques du milieu, comme la température, le pH, la salinité, la dureté. Elle peut aussi dépendre d'autres substances qui sont dites antagonistes si elles limitent l'effet toxique, ou au contraire synergiques lorsqu'elles le renforcent. Les synergies entre polluants sont sans doute importantes mais elles demeurent rarement connues.

La toxicité induite, ou "par bioaccumulation" ou dite encore "par biomagnification", "bioamplification", est due à l'accroissement des concentrations d'un toxique le long de la chaîne alimentaire. Elle a ses effets maximaux chez les organismes qui sont en haut de la chaîne alimentaire (prédateurs de rang élevé) et/ou une vie longue - en particulier chez l'homme. Tous les polluants chimiques ne sont pas bioaccumulés. Il s'agit principalement de ceux qui sont absorbés sélectivement, des produits liposolubles, peu excrétés ou mal métabolisés. Par ailleurs certains toxiques naturels peuvent être concentrés par des animaux, des mollusques par exemple, ou bioamplifiés le long de la chaîne alimentaire - notamment dans le cas de la "ciguaterra", due à la consommation de poissons conntaminés par des toxines planctoniques.

La notion d'écotoxicité a une double acceptation :

1 - l'effet des toxiques répandus dans l'environnement vis à vis de l'espèce humaine, écotoxicité humaine ou relations santé-environnement ; 2 - l'effet des toxiques sur un ou plusieurs espèces du milieu, ou sur l'écosystème dans son ensemble, écotoxicité environnementale.

S'agissant de l'écotoxicité humaine, les normes pour l'eau potable servent de référence pour limiter le risque à long terme vis à vis de la santé humaine. Dans ses

y Circulation des toxiques dans le

poisson

y Réactions du poisson à un toxique

y Courbes de toxicité pour les

poissons

y Antagonisme et synergie

y Schéma de la contamination du DDD dans un lac

Bioamplification du Lindane dans une

rivière

y "La mort à la pompe"

49

Page 59: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

recommandations, l'OMS cherche à limiter le risque de surmortalité à 1/100 000 et pour une durée consommation de 70 ans, cela par substance individualisée. Ces recommandations servent souvent de base aux normes nationales ou européennes. Cependant certaines d'entre elles restent très difficiles à établir et peuvent être l'objet de vifs débats. Elles sont loin de concerner tous les produits trouvés dans l'eau potable. Elles ne tiennent habituellement pas compte des synergies ou des antagonismes, et il est difficile de tenir compte de la variabilité des expositions des individus - exposition alimentaire, professionnelle, différences interindividuelles y compris d'origine génétique, différences de pratiques sociales, etc. De nombreuses substances peuvent être a toxicité chronique peut

Très souvent la toxicité vis à vis des écosystèmes aquatiques, écotoxicité pour l'environnement, est à mettre en parallèle avec celle observée dans d'autres écosystèmes. Car les substances sont émises dans divers milieux ou passent de l'un à l'autre. Elles peuvent aussi concerner des espèces qui changent de milieux. Par ailleurs, les toxiques ont des effets sur les individus, mais également sur les populations et sur leurs relations.

L'impact des molécules doit donc souvent être appréhendé très globalement, bien au-delà du premier effet toxique dans le milieu récepteur.

50

Page 60: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

3.4.2 - Cas de pollutions chimiques

Il existe toutes sortes de pollutions d'origine chimique, aiguës (et souvent accidentelles) ou chroniques.

Dans l'eau, les pollutions métalliques peuvent notamment être globalement évaluées par la contamination des mousses.

A titre d'exemple de pollution chimique de grande ampleur, on peut citer les pluies acides. Il s'agit d'une pollution de l'eau atmosphérique par acidification due principalement aux émanations soufrées dans l'atmosphère issues essentiellement de la combustion de charbon et de lignite à teneur élevée en soufre et sans rétention du dioxyde de soufre. Leur impact peut avoir lieu très loin des lieux d'émission par suite des courants atmosphériques, notamment en direction de l'Arctique. A la suite des efforts de réduction à la source, l'acidification des cours d'eau et des plans d'eau des régions nordiques qui en résultait ont considérablement diminué aussi bien en Europe qu'en Amérique. A cette occasion, et aussi pour des pollutions urbaines (oxydes d'azote etc.) ont été mis au point notamment des indices biologiques pour évaluer la gravité de la situation, basés sur les lichens qui poussent sur les arbres.

&Mousses :

bioindicateurs de pollutions par

métaux

&Lichens,

bioindicateurs de la qualité de l'air

&Pluies acides et

pollutions atmosphériques

distantes

3.4.3 - Cas de micropollutions

Les micropollutions, c'est-à-dire par des substances agissant à très faibles doses, sont encore plus diverses.

Il peut s'agit de métaux " lourds " ou de métalloïdes comme le mercure, le plomb, le cadmium, l'arsenic, etc.

Le plomb ne représente pas généralement d'incidences écologiques majeures, mais il s'agit d'un problème de santé publique multi-séculaire (important en particulier à l'époque romaine) qui n'appartient pas encore complètement au passé dans nos régions (malgré son abandon dans l'essence) du fait des contaminations infantiles principalement dues aux habitats vétustes et en raison des canalisations en plomb.

La pollution par le mercure a permis de découvrir, comme avec le DDT et autres organochlorés, les chaînes de bioaccumulation par l'accident de Minamata. Il s'agit d'une pollution encore importante dans tous les milieux, aux origines pas toujours bien cernées. La contamination en Guyane par les chercheurs d'or entraîne actuellement une atteinte de l'environnement et un grave problème de santé publique pour les populations locales - problèmes qui ne sont pas résolus.

>>> Pour les pesticides, voir " pollutions agricoles "

La contamination générale de l'environnement par les PCB, leur bio-accumulation et leurs propriétés toxiques n'ont été découvertes que par hasard, en recherchant des insecticides organochlorés. Omniprésents dans l'environnement, leurs utilisations ont été restreintes puis pratiquement interdites au moins dans les pays de l'OCDE. Ils devraient l'être désormais dans tous les pays à plus ou moins brève échéance puisqu'ils font partie, comme divers organochlorés notamment, des Polluants organiques persistants, les POP, dont l'utilisation sera bannie. Cependant, la découverte d'une contamination de l'environnement et des êtres humains par la PBDE, substances analogues où le chlore laisse la place au brome, suscite à nouveau une nouvelle série d'interrogations et d'actions.

Les dioxines ont été reconnues comme des polluants majeurs à la suite d'un accident industriel à Sévéso. Ils ont été largement dispersés pendant la guerre du Viet-Nam, certaines sociétés américaines ayant été récemment condamné pour avoir fourni des herbicides défoliants contaminés au-delà des normes. Leurs effets et surtout leur mécanisme d'action ne sont pas pleinement identifiés, mais leur toxicité survient à des

&Plomb

&Mercure&

PCB et dioxines

&Polluants organiques

persistants - POPs&

Substances prioritaires DCE

&Système REACH

51

Page 61: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

doses " invraisemblablement " faibles. Produits lors de toute combustion, ils ne sont donc pas complètement nouveaux pour l'environnement. Actuellement, ils sont générés en quantité notables lors de l'incinération des déchets (quelques centaines de grammes en France par exemple). C'est pourquoi les incinérateurs sont équipés de systèmes pour réduire considérablement leur production et leur émission dans l'atmosphère.

En Europe, la directive cadre sur l'eau a présenté une liste d'une trentaine de substances comme prioritaires. Pour les plus dangereuses, les émissions, les rejets et les pertes devront être supprimés d'ici 20 ans dans l'Union européenne. D'autres sont en cours d'examen. Enfin certaines devront simplement faire l'objet de mesures et d'étiquetage approprié.

Cependant les molécule susceptibles de nuire à l'eau et à l'environnement en général, ou à la santé publique, sont excessivement nombreuses. Malgré la réalisation et la publication de nombreux tests de toxicité, les évaluations demeurent largement insuffisantes. Pour ce qui concerne l'Union européenne, un système d'enregistrement, d'évaluation et de réglementation est en discussion : le système REACH. A la charge de l'industrie chimique, sous l'autorité d'une Agence européenne des produits chimiques, il devrait concerner 30 000 substances en commençant par les plus importantes dès 2008. Il s'agit d'un "énorme" chantier...

4 - PROTECTION DE LA NATURELa protection de la nature dans les milieux aquatiques et humides reste difficile compte tenu de l'importante utilisation de la ressource en eau et de l'exploitation directe de certaines espèces. Elle commence par la protection des espèces menacées, en particulier celles qui sont emblématiques. Mais la protection de la biodiversité nécessite aussi celle des écosystèmes eux-mêmes, ce qui n'est pas aisément compatible avec l'irrigation depuis l'eau des fleuves, la santé publique dans les zones humides, la lutte contre les inondations, etc.

41 - PROTECTION DES ESPECES

411 - Circulation des poissons et protection des frayères

La plupart des poissons se déplacent plus ou moins, et nombre d'entre eux font des migrations vers des zones de reproduction - souvent distinctes des milieux de croissance. Les migrations sont de grande ampleur pour les poisons amphibiotiques, en premier lieu l'anguille, la lamproie marine, les aloses, divers salmonidés comme le saumon atlantique, etc. Beaucoup d'espèces de poissons reviennent sur leurs frayères originelles, comme par exemple qui revient sur les zones où il est devenu "smolt". En revanche, le revour des civelles ne se fait sans doute pas vers les zones de croissance des parents.

Vannes, barrages, et divers autres aménagements hydrauliques peuvent rendre difficile ou impossible les migrations des poissons. Pour diverses espèces, en particulier les amphibiotiques, ces obstacles empêchent le bouclage du cycle vital et l'espèce périclite. Les peuplements peuvent ainsi disparaître sur de vastes bassins hydrographiques. Une succession de plusieurs ouvrages peu faciles à franchir peut suffire à faire diminuer fortement le nombre de reproducteurs.

Par ailleurs, les exigences pour la montaison - saison, conditions hydraulique, capacité de nage, taille des individus etc. - peuvent être très différentes de celles de l'avalaison : une espèce doit pouvoir atteindre les zones de fraie, mais les juvéniles doivent eux aussi gagner les zones de croissance.

Les ouvrages doivent être équipés de " passes à poissons " adaptées aux diverses espèces, à leur comportement, à leur stade de développement : passes à bassins pour le saumon, rampes pour les

52

Page 62: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

anguilles à la remontée, ascenseurs, écluses, tuyaux d'aspiration, etc.

De plus en plus souvent, les barrages et les grands ouvrages hydrauliques suscitent méfiance et opposition, notamment en raison des obstacles qu'ils constituent pour les déplacements des espèces, parfois aussi parce qu'ils noient des écosystèmes de grande valeur. C'est essentiellement aux grands ouvrages hydroélectriques que l'on attribue la décroissance des populations de saumon atlantique, d'aloses, et, pour partie, la diminution générale des populations d'anguilles.

Le repeuplement, après réouverture des migrations, peut être très rapides comme pour l'alose sur la Garonne par exemple. il s'agit d'une espèce à grande " résilience ", capacité d'une espèce à maintenir ou à retrouver une population importante.

Lorsque les zones de fraie sont très réduites, il peut être nécessaire de les protéger vis à vis des destructions. C'est le cas, par l'interdiction des prélèvements de sables et de graviers, pour l'esturgeon européen (également appelé autrefois " esturgeon commun "), en grand danger de disparaître complètement, sinon disparu dans son milieu naturel.

412 - Protection vis à vis de la pêche et de la chasse

Diverses espèces se sont raréfiées et ont même disparu du fait de la pêche et surtout de la chasse, bien que ces extinctions soient plus rares pour les habitants des eaux ou des milieux humides, moins accessibles. Dans nos régions, pêche et chasse sont devenues des activités de loisirs sans doute moins " prédatrices ", malgré l'efficacité des techniques modernes, que les pêches et les chasses " vivrières " ou pour le commerce.

Cependant des risques demeurent vis à vis de divers oiseaux aquatiques, ou de quelques poissons de grande valeur économique comme les esturgeons. L'importance de la pêche et de la chasse doit être considérée au regard de leur importance parmi les autres facteurs de mortalité, et de la résilience des espèces.

L'effort à faire porte généralement sur la réglementation des activités (dates, lieux, techniques), lesquelles doivent être acceptées et respectées par les pêcheurs et les chasseurs - ce qui n'est pas toujours le cas notamment en France pour des oiseaux d'eau. Concernant la chasse, mentionnons aussi la question des projectiles, encore en plomb dans divers pays tels que la France.

53

Page 63: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

413 - Risques écologiques et économiques des introductions d'espèces

4131 - Un problème général

Les introductions d'espèces étrangères aux milieux est un risque écologique majeur vis à vis de la biodiversité, dans les milieux aquatiques et les milieux humides comme dans les milieux terrestres.

Les espèces dans les milieux de petite dimension et isolés depuis longtemps, typiquement les îles ou les plans d'eau écartés, sont plus fragiles et plus susceptibles de disparaître.

Selon la " règle des 10 ", on estime globalement que sur 10 espèces introduites, une seule arrive à s'acclimater, et que sur 10 espèces qui se maintiennent, l'une prolifère et devient invasive.

La " fondation " d'une espèce est son arrivée naturelle dans un milieu où elle n'était pas encore présente. Dans le cas des poissons d'eau douce, les migrations d'espèces d'un bassin hydrographique à un autre peuvent être lents, parfois ils doivent attendre la modification du réseau hydrographique par des captures. Il arrive même que des espèces soient des " relictes " isolées dans des lacs de montagne, souterrains, de régions désertiques, etc.

En revanche, les introductions artificielles d'espèces étrangères se font à un rythme hors de proportion avec les fondations naturelles, et elles apportent un déséquilibre par rapport aux spéciations favorisées par les isolements naturels. Quelques espèces étrangères finissent par être considérées comme faisant partie du " patrimoine naturel ", par exemple la carpe dans nos régions. Il existe donc quelques " bons " exemples d'introductions réussies. Mais les espèces invasives peuvent apporter des perturbations majeures aux peuplements autochtones, avec des risques de disparition d'espèces endémiques, et même aux milieux.

Comme il est en pratique impossible de les éliminer et qu'elles vont se maintenir dans les décennies ou les siècles à venir, la prévention est une priorité - ce dont peu de pays ont pour l'instant réellement pris conscience.

4132 - Introduction de poissons

Très nombreuses, les introductions de poissons ont été souvent volontaires, par les pêcheurs ou les pisciculteurs, mais d'autres voies sont possibles, telles que l'aquariophilie.

En France, c'est le cas de plusieurs dizaines de poissons : carpe (pour la carpiculture), salmonidés nord-américains (repeuplements des cours d'eau et salmoniculture), sandre et silure plus récemment, etc. Certaines espèces ne se sont pas maintenues ou très difficilement, par exemple la truite arc-en-ciel, le black-bass, le saumon du Danube. L'implantation de certains poissons comme le sandre ou le silure a été décriée mais, finalement, elle fait le bonheur des pêcheurs sans inconvénient durable et majeur. Celle d'autres espèces comme la perche-soleil ou le poisson chat, est regrettée par les pêcheurs ou parfois les écologistes (salmonidés dans des lacs d'altitude, au détriment des batraciens naturels). Cependant, il ne semble pas y avoir eu de régression importante ni de disparition d'espèces autochtones liées à ces introductions, sans doute en raison de la pauvreté du peuplement originel. En revanche, les truites de repeuplement halieutique peuvent réduire des sous-espèces locales, tout comme d'ailleurs le fait la dérivation d'un cours d'eau tributaire de la Loire vers le Rhône, pour une usine hydroélectrique.

En Europe, les carpes chinoises se multiplient dans le bassin du Danube.

Salmo trutta a été introduite dans divers régions du monde à des fins halieutiques, faisant souvent régresser des espèces autochtones. Les salmonidés ont été introduits dans l'hémisphère sud à des fins halieutiques et surtout aquacoles, mais les effets ne sont pas évalués. Dans les régions nordiques, le grand développement de l'élevage du saumon amène des maladies dans les populations naturelles et représente un risque de dérive génétique - puisque les peuplements sauvages sont de plus en plus constitués d'individus échappés des

54

Page 64: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

42 - PROTECTION DES MILIEUX

421 - Maintien des débits fluviaux

4211 - Alimentation en eau des populations et des industries

Les consommations d'eau par habitant ont augmenté et, en de nombreuses régions, elle est de l'ordre de 100 l/habitant/jour pour les seuls besoins domestiques. Il s'y ajoute des besoins industriels et agricoles.

L'augmentation des besoins et l'urbanisation a entraîné le recours à des ressources en eau de plus en plus importantes, souterraines ou de surface. Paris puise la moitié de son eau à des sources captées à une centaine de km de distance. L'autre moitié est prélevée en amont dans la Seine et son affluent la Marne, dont les débits sont soutenus par des barrages servant de réserves et de régulation. Mexico pompe la quasi-totalité de sa consommation dans la nappe souterraine située sous la capitale. Le toit de la nappe descend rapidement, et les sols se déforment au-dessus. A Venise aussi, le prélèvement dans la nappe sous-jacente est responsable, pour une bonne part, de l'enfoncement de la cité des Doges. Caracas va chercher son eau dans un cours d'eau situé à 130 m d'altitude pour la remonter à plus de 1000 mètres. En fond d'estuaire, Buenos Aires prélève presque toute sa consommation dans le Rio de la Plata. Sur la rive opposée, mais trop loin dans l'embouchure, Montevideo doit recourir à des forages et à un barrage sur un cours d'eau…

Chaque ville, chaque région recourt à des ressources qu'il est nécessaire d'aménager.

La création de barrages de retenue, pour pallier le manque de ressources, est devenu un objet fréquent de contestation. Les impacts écologiques et économiques de ces ouvrages sont multiples. Divers exemples d'effets négatifs abondent : vis à vis de la faune des espaces engloutis, des populations locales, des migrations de poissons, de l'assèchement des lacs qui servent d'émissaire dans les continents, de la modification de l'écologie marine régionale, etc. Il n'est plus possible de les réaliser sans un bilan des effets éventuels le plus complet possible.

Ces utilisations sont suivies d'un rejet d'eaux usées plus ou moins épurées.

4212 - L'épuisement des débits par l'irrigation

L'essentiel des consommations nettes est le fait de l'agriculture. Pour irriguer, l'eau n'est pas rejetée mais évaporée, soustraite ainsi aux nappes souterraines, aux milieux aquatiques et humides. La quantité d'eau pour produire 1 kg d'aliment a fait l'objet de diverses évaluations : il faudrait en moyenne 1400 l pour le maïs, 1900 l pour le riz, 2000 l pour le soja, 900 l pour le blé et 500 l pour les pommes de terre.

Dans un grand pays agricole sous climat tempéré comme la France, 1,6 millions d'ha sont irrigués, représentant 5 % de la surface agricole. Le maïs en représente plus de la moitié, souvent à raison de 2500 m3/ha, fournis surtout de la mi-juin à la fin août. Ces prélèvements sont responsables de l'assèchement de nombreux cours d'eau dans le sud-ouest du pays. L'irrigation du blé peut abaisser notablement le niveau de la nappe de la Beauce.

Pour assurer la production alimentaire mondiale, les consommations pour l'irrigation deviennent gigantesques, mettant à mal les débits des ressources, même des plus importantes comme les principaux fleuves. Il en résulte des perturbations écologiques majeures et, par ailleurs, de graves conflits entre les diverses utilisations de la ressource. A titre d'exemple, le Nil amenait 150 milliards de m3 en Méditerranée, il n'apporte actuellement que quelques milliards de m3 d'eau saumâtres : selon Pierre Hubert, " il ne se jette plus dans la Méditerranée, mais dans l'atmosphère ". Au niveau mondial, les surfaces irriguées doivent être de l'ordre de 400 millions d'ha. A raison de 5000 m3 par an par ha, ce qui doit représenter 2 000 milliards de m3, soit environ 5 % des écoulements mondiaux, 40

55

Page 65: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

000 milliards de m3 selon Margat .

Ce pourcentage apparaît modeste, mais l'utilisation se concentre sur certains bassins, où la situation devient tendue. Une progression sensible de la " pauvreté en eau " apparaît inéluctable en particulier dans de nombreuses régions africaines, le Moyen-Orient, et l'Asie Méridionale. "

Aux conflits d'usages locaux peuvent aussi s'ajouter des conflits de partage, par exemple entre plusieurs pays riverains d'une même ressource devenue indispensable aux productions agricoles et à l'alimentation des populations. Les prélèvements importants ont des impacts écologiques importants.

4213 - Nécessité des débits réservés

Il est important de prévoir des " débits réservés ", c'est-à-dire de limiter l'ampleur des prélèvements à certaines périodes de l'année ou de façon permanente.

La notion de débit minimum réservé est également utile pour la gestion des ouvrages hydrauliques tels que les barrages électriques, le maintien de divers usages locvaux, le maintien d'une capacité de dilution des rejets en aval, les apports dans diverses zones littorales, le maintien du niveau des lacs o u "mers" à l'intérieur des terres et uniquement alimentés par des fleuves.

L'instauration de ces débits réservés, qui garantissent les usages vitaux des riverains ou les équilibres écologiques s'avère délicate. En particulier, la référence à un principe de 10 % du débit moyen annuel, comme en France, s'avère inappliqué parce qu'inapplicable.

422 - Maintien de l'intégrité physique des milieux humides

En de nombreuses régions, les milieux humides occupent des zones de moindre intérêt économique. Durant des décennies, elle sont été drainées par l'agriculture, assainies pour limiter les problèmes sanitaires, en particulier contre le paludisme, et bonifiées pour des raisons socio-économiques.

Compte tenu de leurs rôles divers et de leur valeur écologique désormais mieux reconnue, les zones humides sont de plus en plus préservées, voire remises en état. Certains usages sont tombés en désétuétude, et elles sont souvent devenues sans exploitants, ni même de propriétaires. Il est souvent devenu difficile de les maintenir en l'état. D'où une hésitation : faut-il les abandonner et les laisser évoluer, ou bien faut-il les entretenir et les maintenir dans un "bon" état - mais comment le définir, et surtout à quel coût, et payé par qui ?

Les situations sont très variées : entretien des canaux, régulation des niveaux, agricultures extensives ou sous contrats provoyant la protection de la nature, etc.

En certaines régions du monde, l'exploitation des milieux humides pour la culture, du riz principalement, est la problématique majeure.

Certaines zones humides sont très recherchés. C'est le cas d'espaces gagnés par la pisciculture, de la crevette en particulier. Ou bien pour des espaces littoraux convoités à la fois par la conchyliculture, la pêche, la plaisance, diverses activités nautiques, les marais salants, la chasse, le tourisme de masse, la construction de résidences, etc. Les bordures des fleuves, des lacs, des estuaires et de la mer, sont également des espaces très utilisés pour l'urbanisation, les communications (ports, aéroports), les espaces industriels. Le maintien de la biodiversité des espèces y est plus difficile. Lorsque la conservation des espaces n'est pas possible dans la totalité, il est nécessaire de ménager des "réserves" et des corridors biologiques.

56

Page 66: ECOLOGIE FONDAMENTALE EAU ET MILIEUX HUMIDES · 2014. 12. 28. · I - ECOLOGIE FONDAMENTALE 1. DOMAINE ET DEFINITIONS L'écologie, terme proposé par Reiter en 1885 puis par Hackel

La lutte contre les moustiques ou les moucherons (simulies), et contre les maladies qu'ils peuvent inoculer, est un enjeu majeur dans de nombreuses régions. La lutte entièrement chimique a montré ses limites avec l'apparition de souches résistantes, des effets biologiques collatéraux, et la contamination des chaînes alimentaires par les organochlorés. L'utilisation du DDT et d'autres organochlorés n'est pratiquement plus de mise. La démoustication utilise fréquemment le Bacturium thurigensis, associé à des mesures préventives parfois draconniennes. L'effort de recherche devrait faire évoluer la situation.

423 - Préservation des écosystèmes des fleuves et renaturations

De nombreux linéaires de fleuves ont été artificialisés pour faciliter les communications, lutter contre les inondations, maîtriser finement les débits, les canaliser, etc. Souvent, les bras secondaires et les écosystèmes associés, les forêts alluviales par exemple, ont disparu.

Des stratégies de renaturation peuvent être envisagées sur des secteurs de fleuves. Pour limiter les coûts, les opérations de renaturation peuvent être effectuées à l'occasion d'aménagements comme la réfection des digues, de voies routières ou de canaux. La "décanalisation" de voies navigables, devenues sans valeur économique ni patrimoniale notables, peut même être prévue. De telles stratégies pour les linéaires très artificialisés doivent être envisagées sur le très long terme.

L'entretien des ripisylves du chevelu hydrographique est réalisé par les pêcheurs depuis plusieurs décennies, prenant le relai de l'exploitation multiséculaire du bois produit par la végétation riveraine. L'intérêt halieutique est évident et la protection contre les embâcles est ponctuellement utile. En revanche, il n'est pas établi que le "jardinage" généralisé des cours d'eau soit positive pour la biodiversité des cours d'eau.

Faut-il ménager un "espace de liberté " pour les fleuves, afin que les inondations demeurent possibles sur de vastes surfaces ? Les inondations remplissent divers rôles écologiques, vis à vis de certains poissons - brochet en Europe, de très nombreuses espèces dans des régions tropicales - et du maintien des écosystèmes annexes aux fleuves. L'inondations de vastes surfaces en amont est également une protection de secteurs prioritaires en aval. Mais il existe clairement une antinomie entre les inondations et les impératifs socio-économiques. Le "compromis" devra être trouvé au cas par cas.

5 - REGLEMENTATION ET GESTION DE L'EAU

Voir sur le CD ROM

57