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  • TUDES DU CENTRE DE DVELOPPEMENT

    L'CONOMIECHINOISE

    Une perspectivehistorique

    PARANGUS MADDISON

  • ETUDES DU CENTRE DE D EVELOPPEMENT

    L' ECONOMIE CHINOISE

    Une perspective historique

    ParAngus Maddison

    CENTRE DE D EVELOPPEMENTDE L'ORGANISATION DE COOP ERATION ET DE D EVELOPPEMENT ECONOMIQUES

  • ORGANISATION DE COOP ERATIONET DE D EVELOPPEMENT ECONOMIQUES

    En vertu de larticle 1er de la Convention signee le 14 decembre 1960, a` Paris, et entree en vigueur le30 septembre 1961, lOrganisation de Cooperation et de Developpement Economiques (OCDE) a pour objectif depromouvoir des politiques visant :

    a` realiser la plus forte expansion de leconomie et de lemploi et une progression du niveau de vie dans lespays Membres, tout en maintenant la stabilite financie`re, et a` contribuer ainsi au developpement deleconomie mondiale ;

    a` contribuer a` une saine expansion economique dans les pays Membres, ainsi que les pays non membres,en voie de developpement economique ;

    a` contribuer a` lexpansion du commerce mondial sur une base multilaterale et non discriminatoireconformement aux obligations internationales.

    Les pays Membres originaires de lOCDE sont : lAllemagne, lAutriche, la Belgique, le Canada, leDanemark, lEspagne, les Etats-Unis, la France, la Gre`ce, lIrlande, lIslande, lItalie, le Luxembourg, laNorve`ge, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Sue`de, la Suisse et la Turquie. Les pays suivants sontulterieurement devenus Membres par adhesion aux dates indiquees ci-apre`s : le Japon (28 avril 1964), la Finlande(28 janvier 1969), lAustralie (7 juin 1971), la Nouvelle-Zelande (29 mai 1973), le Mexique (18 mai 1994), laRepublique tche`que (21 decembre 1995), la Hongrie (7 mai 1996), la Pologne (22 novembre 1996) et la Coree(12 decembre 1996). La Commission des Communautes europeennes participe aux travaux de lOCDE (article 13de la Convention de lOCDE).

    Le Centre de Developpement de lOrganisation de Cooperation et de Developpement Economiques a etecree par decision du Conseil de lOCDE, en date du 23 octobre 1962, et regroupe vingt-trois des pays Membresde lOCDE : lAllemagne, lAutriche, la Belgique, le Canada, la Coree, le Danemark, la Finlande, lEspagne, laFrance, la Gre`ce, lIslande, lIrlande, lItalie, le Japon, le Luxembourg, le Mexique, la Norve`ge, les Pays-Bas, laPologne, le Portugal, la Republique tche`que, la Sue`de et la Suisse, ainsi que lArgentine et le Bresil depuis mars1994. La Commission des Communautes europeennes participe egalement a` la Commission Consultative duCentre.

    Il a pour objet de rassembler les connaissances et donnees dexperiences disponibles dans les paysMembres, tant en matie`re de developpement economique quen ce qui concerne lelaboration et la mise en uvrede politiques economiques generales ; dadapter ces connaissances et ces donnees dexperiences aux besoinsconcrets des pays et regions en developpement et de les mettre a` la disposition des pays interesses, par desmoyens appropries.

    Le Centre occupe, au sein de lOCDE, une situation particulie`re et autonome qui lui assure son indepen-dance scientifique dans lexecution de ses taches. Il beneficie pleinement, neanmoins, de lexperience et desconnaissances deja` acquises par lOCDE dans le domaine du developpement.

    Also available in English under the title:CHINESE ECONOMIC PERFORMANCE IN THE LONG RUN

    LES ID EES EXPRIM EES ET LES ARGUMENTS AVANC ES DANS CETTE PUBLICATION SONT CEUX DE LAUTEURET NE REFL `ETENT PAS N ECESSAIREMENT CEUX DE LOCDE OU DES GOUVERNEMENTS DE SES PAYS MEMBRES.

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    OCDE 1998Les permissions de reproduction partielle a` usage non commercial ou destinee a` une formation doivent etre adressees auCentre francais dexploitation du droit de copie (CFC), 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, France,Tel. (33-1) 44 07 47 70, Fax (33-1) 46 34 67 19, pour tous les pays a` lexception des Etats-Unis. Aux Etats-Unis,lautorisation doit etre obtenue du Copyright Clearance Center, Service Client, (508)750-8400, 222 Rosewood Drive,Danvers, MA 01923 USA, or CCC Online: http://www.copyright.com/. Toute autre demande dautorisation de reproductionou de traduction totale ou partielle de cette publication doit etre adressee aux Editions de lOCDE, 2, rue Andre-Pascal,75775 Paris Cedex 16, France.

  • 3Avantpropos

    Cette tude a t mene dans le cadre du programme de recherche 199698 du Centre de Dveloppementsur le thme Rforme et croissance dans les grands pays en dveloppement . Elle fait suite aux travaux dumme auteur conduits lors de programmes antrieurs et publis par le Centre de Dveloppement :Lconomie mondiale au 20e sicle (1989) et Lconomie mondiale 18201992. Analyse et statistiques (1995).

  • 5Table des matires

    Remerciements ........................................................................................................................................................... 10Prface ........................................................................................................................................................... 11Rsum et conclusion ................................................................................................................................................. 13Chapitre 1 Croissance intensive et extensive lpoque de la Chine impriale ................................................ 21Chapitre 2 Le dclin conomique et lhumiliation extrieure, 18201949 ........................................................ 43Chapitre 3 La dynamique du dveloppement dans la Chine nouvelle ................................................................ 61Chapitre 4 Les perspectives dvolution de la Chine et de lconomie mondiale, 19952015 ......................... 107Annexe A Performances de lagriculture, de la pche, de la sylviculture, et des activits agricoles dappoint,

    Chine 193395 .................................................................................................................................. 113Annexe B La performance du secteur industriel, Chine 191395 ..................................................................... 153Annexe C Taux de croissance et niveau du produit intrieur brut chinois ........................................................ 163Annexe D Population et emploi .......................................................................................................................... 181Annexe E changes extrieurs ........................................................................................................................... 191Annexe F Noms de personnes et de lieux en pinyin et selon la transcription ancienne .................................... 197Cartes ........................................................................................................................................................... 200Bibliographie ........................................................................................................................................................... 203

  • 6Liste des tableaux, figures et encadr des chapitres

    Tableau 1.1 Les dynasties impriales chinoises et les capitales ........................................................................... 22Tableau 1.2 Estimations comparatives approximatives de la population de la Chine, de lEurope, de lInde,

    du Japon et du monde entre 50 et 1995 aprs J.C. ......................................................................... 22Tableau 1.3 Niveau estimatif trs approximatif du PIB par habitant de la Chine et de lEurope,

    501700 aprs J.C. .......................................................................................................................... 28Tableau 1.4 Utilisation des terres et population en Chine et dans dautres rgions du monde, 1993 .................. 31Tableau 1.5a Travaux dirrigation dats par dynastie ............................................................................................. 33Tableau 1.5b Superficies cultives, 14001995 ...................................................................................................... 33Tableau 1.6 Principales grandeurs de lagriculture chinoise, 14001952 ............................................................ 36Tableau 1.7 Ratios urbains de Rozman pour la Chine entre la priode Tang et la fin de la priode Ching ...... 38Tableau 1.8 Estimations de De Vries concernant la population urbaine en Europe entre lan 1000

    et 1800 aprs J.C. ............................................................................................................................ 40

    Tableau 2.1 Comparaison des niveaux de performance conomique de la Chine et dautres grandesrgions de lconomie mondiale, 17001995 ................................................................................... 44

    Tableau 2.2a Part du PIB mondial, 17001995 ...................................................................................................... 44Tableau 2.2b Taux de croissance du PIB mondial, 17001995 .............................................................................. 44Tableau 2.2c Taux de croissance du PIB mondial par habitant, 17001995 .......................................................... 45Tableau 2.3 Population par province, Chine 18191953 ...................................................................................... 52Tableau 2.4 Exportations par habitant, Chine, Inde, Japon, 18501995 .............................................................. 54Tableau 2.5 Structure du PIB chinois aux prix de 1933, 18901952 ................................................................... 54Tableau 2.6 Longueur du rseau ferr en service, 18701995 ............................................................................. 56Tableau 2.7 Stock dinvestissements directs trangers, 19021936 ..................................................................... 57Tableau 2.8 Principaux produits dexportation et dimportation de la Chine, 1937 ............................................ 57

    Tableau 3.1 Croissance du PIB chinois par secteur, prix constants, 18901995 ............................................... 62Tableau 3.2 Structure du PIB chinois, 18901995 ............................................................................................... 62Tableau 3.3 Poids gopolitique de la Chine, 18201995 ..................................................................................... 62Tableau 3.4 Comparaison des taux de croissance de 24 pays, 191395 .............................................................. 66Tableau 3.5 Comparaison des niveaux de performance conomique de 24 pays, 199495 ................................ 67Tableau 3.6 Statistiques dmographiques, pyramide des ges et volution du facteur travail et du niveau

    dinstruction en Chine, 195295 ....................................................................................................... 68Tableau 3.7 Effectifs inscrits par niveau denseignement en Chine, des annes 30 1995 ................................. 69Tableau 3.8 Nombre dannes de scolarit par personne de 15 64 ans pour dix pays, 195092 ...................... 70Tableau 3.9 Ratios dinvestissement en prix courants, neuf pays, 195294 ........................................................ 71Tableau 3.10 Comptes de croissance agrgs pour la Chine, le Japon, la Core et les tatsUnis, 195295 ....... 73Tableau 3.11a Indicateurs de croissance sectoriels en Chine, 195295 ................................................................... 75Tableau 3.11b Changements dans la structure de lconomie chinoise, 195295 ................................................... 76Tableau 3.12 Degr de participation dans diffrentes formes de lagriculture socialiste, 195058 ....................... 79Tableau 3.13 Caractristiques de lagriculture chinoise, 193395 ......................................................................... 80Tableau 3.14 Taux de variation de la production agricole, des intrants et de la productivit totale des facteurs

    au cours des quatre phases de la politique agricole en Chine, 195294 ........................................... 83Tableau 3.15 Taux de variation de la production agricole, des intrants de la productivit totale des facteurs

    au cours de trois phases de la politique agricole en Chine, 195287 ............................................... 83Tableau 3.16 Comparaison des niveaux de performance agricole entre la Chine, le Japon, lUnion sovitique

    et les tatsUnis, 193394 ................................................................................................................ 84Tableau 3.17 Rpartition de la population et de lemploi entre zones rurales et urbaines en Chine, 195295 ..... 85

  • 7Tableau 3.18 Caractristiques des petites entreprises en fonction du type de proprit, Chine 197896 .............. 87Tableau 3.19 Rpartition sectorielle des petites entreprises, Chine 1995............................................................... 87Tableau 3.20 Performance des secteurs de lindustrie et de la construction, Chine 195295 ................................ 88Tableau 3.21 Caractristiques des entreprises industrielles selon le type de proprit, Chine 195296 ............... 90Tableau 3.22 Comparaison des niveaux de performance du secteur manufacturier en Chine, au Japon,

    en URSS/Russie et aux tatsUnis, 195294 ................................................................................... 92Tableau 3.23 Poids de lemploi public par secteur, en fin danne 1996 ............................................................... 94Tableau 3.24 Commerce de gros, commerce de dtail et industrie de la restauration en Chine, 195296 ............ 95Tableau 3.25a Exportations de marchandises en volume pour neuf pays et le monde, 192995 ............................ 96Tableau 3.25b Exportations de marchandises prix constants, neuf pays et le monde, 192995 ........................... 96Tableau 3.26 volution des exportations de la Chine, 18901996 ........................................................................ 100Tableau 3.27 Rpartition gographique des importations et des exportations de marchandises

    de la Chine, 195296 ......................................................................................................................... 101Tableau 3.28 Principaux produits imports et exports par la Chine, 1996 ........................................................... 101Tableau 3.29 Montant et composition des recettes et des dpenses publiques de la Chine, 195295 ................... 102Tableau 4.1 Performance conomique et potentiel de croissance pour 217 pays, 195295 ................................ 109Tableau 4.2 Niveau de performance et potentiel conomique pour 217 pays, 1995 et 2015 ............................... 109Tableau 4.3 Comptes de croissance de Young pour HongKong, Singapour, la Core et Tawan,

    196690 ............................................................................................................................................. 112

    Figure 1.1 La population de la Chine entre 50 et 1996 aprs J.C. ................................................................... 29Figure 3.1 Niveaux comparatifs du PIB de la Chine et de quatre autres grands pays, 195295 ....................... 63Figure 3.2 Comparaison des estimations officielles et des estimations de Maddison pour le PIB, 195295 .... 65Figure 3.3 Valeur ajoute brute et productivit du travail dans lagriculture chinoise, 195295 ...................... 81Figure 3.4 Valeur ajoute brute et productivit du travail dans les secteurs de lindustrie

    et de la construction, Chine 195295 ................................................................................................ 93

    Encadr 3.1 Principaux vnements politiques intervenus pendant la priode disolement internationalde la Chine, 194980 ......................................................................................................................... 98

  • 8Tableaux des annexes, figure et cartes

    Tableau A.1 Caractristiques des intrants et de la production agricole, Estimations officielles, Chine 1987 ...... 117Tableau A.2 Mesures officielles de la performance globale de lagriculture, Chine 195295 ............................. 118Tableau A.3 Mesure de la performance de lagriculture chinoise par Maddison, Annes

    de rfrence, 193394 ....................................................................................................................... 119Tableau A.4 Niveaux estims de la production brute, des intrants et de la valeur ajoute dans lagriculture

    chinoise, Annes de rfrence, 193394 ........................................................................................... 119Tableau A.5 Niveaux estims de la production brute et de la valeur ajoute brute de la pche en Chine,

    Annes de rfrence, 193394 .......................................................................................................... 120Tableau A.6 Niveaux estims de la production brute et de la valeur ajoute brute de la sylviculture en Chine,

    Annes de rfrence, 193394 .......................................................................................................... 120Tableau A.7 Niveaux estims de la production brute et de la valeur ajoute brute des activits agricoles

    dappoint en Chine, Annes de rfrence, 193394 .......................................................................... 121Tableau A.8 Quelques intrants traditionnels et modernes de lagriculture chinoise,

    Annes de rfrence, 193395 .......................................................................................................... 122Tableau A.9 Cheptel (en fin danne) et production de viande en Chine, Annes de rfrence, 193395 ........... 122Tableau A.10 Superficies utilises pour lagriculture en Chine, Annes de rfrence, 193395 ........................... 123Tableau A.11 Comparaison de la production agricole et du pouvoir dachat de la Chine

    et des tatsUnis, 1987. Rsultats rcapitulatifs .............................................................................. 124Tableau A.12 Rpartition de la production et des intrants dans lagriculture, la sylviculture, la pche

    et les activits dappoint en Chine, 1987 .......................................................................................... 125Tableau A.13 Rpartition de la production et des intrants dans lagriculture, la sylviculture,

    la pche et les services agricoles aux tatsUnis, 1987 ................................................................... 125Tableau A.14 Niveaux comparatifs de la valeur ajoute et de la productivit du travail, Chine/tatsUnis,

    Annes de rfrence, 193394 .......................................................................................................... 126Tableau A.15 Comparaison des rsultats de lagriculture dans treize pays en 1975 ............................................... 126Tableau A.16 Intensit de la consommation dengrais dans huit pays, 199394 .................................................... 127Tableau A.17 Chine 1994 : Comptes dtaills concernant les quantits, les prix et la valeur de la production

    agricole .............................................................................................................................................. 128Tableau A.18 Chine 1987 : Comptes dtaills concernant les quantits, les prix et la valeur de la production

    agricole .............................................................................................................................................. 133Tableau A.19 Chine 1975 : Comptes dtaills concernant les quantits, les prix et la valeur de la production

    agricole .............................................................................................................................................. 138Tableau A.20 Chine 195278 : Calcul dtaill de la valeur brute de la production agricole .................................. 143Tableau A.21 Chine 193375 : Calcul dtaill de la valeur brute de la production agricole .................................. 144Tableau A.22a Chine 1987 : Prix des produits agricoles, a) prix du march, DNS ; b) prix pays par ltat, DNS ;

    c) prix la production, FAO .............................................................................................................. 145Tableau A.22b Chine 1987 : Prix des produits agricoles, a) prix de dtail moyens composites , DNS ;

    b) prix la production, FAO ............................................................................................................. 145Tableau A.22c Structure des prix agricoles chinois et cloisonnement du march, 1987 .......................................... 145Tableau A.23 tatsUnis 1987 : Comptes dtaills des quantits, des prix et de la valeur de la production

    agricole .............................................................................................................................................. 146Tableau A.24 Appariement dtaill des produits agricoles, Chine/tatsUnis, 1987, donnes de la FAO ............ 149Tableau A.25 Personnes employes dans lagriculture, la sylviculture, la pche et les services agricoles,

    Annes de rfrence, 193394 .......................................................................................................... 152Tableau A.26 Valeur ajoute brute de lagriculture amricaine, Annes de rfrence, 193392

    aux prix de 1987 ................................................................................................................................ 152

    Tableau B.1 Mesures officielles de la production industrielle en prix courants, Chine 195296 ........................ 156Tableau B.2 Autres indices du volume de la production industrielle fonds sur des dflateurs officiels

    diffrents, Chine 195295 ................................................................................................................. 157

  • 9Tableau B.3 Cinq dflateurs officiels pour lindustrie chinoise, 195295 ............................................................ 158Tableau B.4 Valeur ajoute brute dans le secteur manufacturier, les mines et les services publics,

    Estimations de Wu, Chine 195294 .................................................................................................. 159Tableau B.5 Taux de croissance et part des branches dactivits dans la valeur ajoute, 195294,

    Estimations de Wu ............................................................................................................................. 160Tableau B.6 Estimations de la valeur ajoute brute de lindustrie chinoise, 193357,

    Estimations de Liu et Yeh .................................................................................................................. 160Tableau B.7 Caractristiques de la production et des moyens de production de lindustrie chinoise, 1987 ........ 161

    Tableau C.1 Produit intrieur brut par secteur dorigine, Chine, Annes de rfrence, 18901952 .................... 170Tableau C.2 Produit intrieur brut par secteur dorigine, Chine, Annes de rfrence, 195294 ......................... 171Tableau C.3 Estimations du produit intrieur brut par secteur, Chine 195295 ................................................... 172Tableau C.4 Taux de croissance et niveau du PIB, population et PIB par habitant, Chine,

    Annes de rfrence, 18201995 ..................................................................................................... 173Tableau C.5 Produit intrieur brut et PIB par habitant de la Chine et de HongKong, 195295 ......................... 174Tableau C.6 Comparaison des estimations de Maddison et des mesures officielles de la variation du PIB,

    195295 ............................................................................................................................................. 175Tableau C.7 Comparaison des mesures officielles et des mesures de Maddison de la croissance

    conomique, Chine 195295 ............................................................................................................. 175Tableau C.8 Indice du PIB officiel en volume, en numraire de 1987, Chine 195295 ....................................... 176Tableau C.9 Estimations officielles des diverses branches des services non productifs en prix de 1987,

    Chine 195295 .................................................................................................................................. 177Tableau C.10 Estimations officielles du PIB par secteurs dactivits aux prix de 1987, Chine 195295 .............. 178Tableau C.11 Estimations officielles et ajustes de linvestissement et du PIB en prix courants,

    Chine 195296 .................................................................................................................................. 179Tableau C.12 Estimations officielles et ajustes de linvestissement et du PIB en prix constants,

    Chine 195295 .................................................................................................................................. 180Figure C.1 Estimations officielles du PIB, pondrations segmentes et pondrations

    de 1987, et estimations de Maddison, 195295 ................................................................................ 166

    Tableau D.1 Population de la Chine, 501996 aprs J.C. ................................................................................... 184Tableau D.2 Population de Macao, de HongKong et de Tawan, 18501995 ..................................................... 185Tableau D.3 Emploi par secteur, ancienne classification, Chine 195295 ............................................................ 186Tableau D.4a Nombre demplois par secteurs, nouvelle classification, Chine 197896 ........................................ 187Tableau D.4b Nombre demplois publics par secteurs, nouvelle classification, Chine 197896 ........................... 187Tableau D.5 Nombre demplois par secteurs, Estimations de Liu et Yeh, 193357 ............................................. 188Tableau D.6 Lemploi en Chine, 195257. Comparaison des donnes de la DNS et des estimations

    ajustes de Liu et Yeh ........................................................................................................................ 189

    Tableau E.1 Valeur des changes chinois de marchandises, 18501938 .............................................................. 191Tableau E.2 Valeur des changes chinois de marchandises, Chine, Tawan et HongKong, 195096 ................ 192Tableau E.3 Taux de change, 18701996 .............................................................................................................. 193Tableau E.4 Exportations chinoises en volume, 18671995 ................................................................................ 194Tableau E.5 Importations et exportations de crales, Chine 195095 ................................................................ 195

    Tableau F.1 Souverains et dirigeants chinois, 13681997 .................................................................................... 198Tableau F.2 Caractristiques des 30 provinces de Chine en 1995 ........................................................................ 199

    Carte 1. Villes et provinces chinoises (transcription pinyin) ..................................................................................... 200Carte 2. Villes et provinces chinoises (transcription ancienne) ................................................................................. 201

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    Remerciements

    Je voudrais exprimer toute ma reconnaissance Jean Bonvin, qui ma invit crire ce livre pour leCentre de Dveloppement de lOCDE et qui a patiemment attendu le terme de ce travail. Jai la grandechance davoir des amis chinois Gai Jianling, Meng Xin, Ren Ruoen, Wang Ziaolu, Harry X. Hu et YangQiumei qui mont prt assistance en mindiquant le contenu des documents en chinois. Je tiens galement remercier Michle FleuryBrousse, Remco Kouwenhoven, Boon Lee, Peter van Mullingen, Aparana Raoet Ly Na Tang, pour leur aide dans lexploitation des statistiques, ainsi que Loretta Ravera qui a assur lamise en page de ce manuscrit difficile avec patience et comptence. LOrganisation des Nations unies pourlalimentation et lagriculture a bien voulu me laisser compulser ses fichiers de donnes sur la productionagricole chinoise. Graeme Snooks et Prasada Rao ont pris le temps de faire la critique de cet ouvrage etmont gnreusement accord leur hospitalit lorsque je me suis rendu dans leurs universits respectives.Des commentaires trs prcieux mont t fournis par Derek Blades, Pierre van der Eng, David Henderson,Peter Nolan, Eddy Szirmai, Victor Urquidi, Donald Wagner ainsi que par dautres participants des sminairesorganiss par lUniversit nationale australienne, le CEPII, la Griffith University, lUniversit de science etde technologie de HongKong, la Melbourne Business School, lUniversit de NouvelleAngleterre,lUniversit de Pkin, la Reserve Bank dAustralie, lcole des tudes orientales et africaines, le Centredtudes chinoises dOxford, la runion de lEuropean Historical Economics Montecatini Terme, un atelierrunissant la Direction chinoise des statistiques et lOCDE sur les comptes nationaux et un sminaire Pkin organis par le Centre de Dveloppement et lInstitut de lindustrie et de la technologie de la Commissiondu Plan de la Chine. Mais jai en particulier une norme dette envers Penelope Maddison, mon pouse, quima encourag tout au long de mon travail et ma apport un soutien moral et matriel sans faille.

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    Prface

    Cette tude du professeur Angus Maddison, historien renomm de lconomie, couvre 2000 ans delhistoire conomique chinoise. Du fait de limportance de la Chine pour la rgion Asie et pour le monde, ilest en effet fondamental dvaluer sur la longue dure la robustesse du succs conomique actuel de ce pays.

    Lauteur traite dans son ouvrage des diverses dimensions de lconomie chinoise, dont la synthsepermet de dresser un tableau complet des variations passes, prsentes et futures de la croissance conomiquede la Chine, de la fin du Xe sicle la fin du XXe. Outre quil analyse en profondeur les donnes historiques,lauteur se place galement dans une perspective comparative, resituant la Chine dans le choeur des nationset tudiant ses interactions avec les autres acteurs de lconomie mondiale, que ce soit en matire detechnologie, dchanges, dinvestissement et de statut gopolitique. Le cadre danalyse adopt est quantitatif.Lauteur examine avec minutie les statistiques officielles chinoises et utilise paralllement les mthodes demesure en vigueur dans les pays Membres de lOCDE ; il propose ainsi une nouvelle valuation de lacroissance de la Chine et des rsultats des diffrents secteurs de son conomie. Le dernier chapitre estconsacr aux perspectives de la Chine et de lconomie mondiale pour les deux prochaines dcennies. Il enressort que la Chine devrait retrouver dici 2015 le rang de premire conomie mondiale qui tait le sienjusquen 1890.

    Cette tude sinscrit dans la longue ligne de travaux de recherche et de publications consacrs laChine par le Centre de Dveloppement. Dans ce cadre, le Centre a travaill en troite collaboration avec desinstituts de recherche chinois, accumulant ainsi un avantage comparatif dans les travaux actuellement ralisssur ce pays. Cette tude prsente un intrt inestimable pour tous ceux qui pour des motifs conomiques,politiques ou commerciaux cherchent approfondir leur connaissance de la Chine et de son volution.

    Jean BonvinPrsident

    Centre de Dveloppement de lOCDE

    August 1998

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    Rsum et conclusion

    Cette tude sintresse principalement la politique conomique de la Chine et lvolution de sonconomie au cours de la seconde moiti du XXe sicle. Ces cinq dcennies ont t marques par des rformesinstitutionnelles denvergure et une forte acclration du taux de croissance chinois. En cette fin du XXesicle, la Chine joue un rle bien plus important dans lconomie mondiale, et elle est sans doute appele peser davantage encore. Dans cet ouvrage, nous tenterons de dterminer les causes et les modalits dunetelle acclration et dapprhender plus clairement le potentiel futur de la Chine. Nous avons galementfait tout notre possible pour ajuster les estimations relatives la croissance du PIB chinois en fonctiondes normes internationales.

    Pour comprendre la Chine contemporaine, il est utile de se placer dans une perspective comparative delong terme. La Chine constitue bien des gards un cas part. Elle a toujours t une entit politique plusgrande que toute autre au monde. Au Xe sicle dj, ctait la premire conomie mondiale en termes derevenu par habitant, et elle a conserv une place de premier plan jusquau XVe sicle. Elle surpassait lEuropepar son niveau technologique et lintensit avec laquelle elle utilisait ses ressources naturelles ainsi que parsa capacit administrer un immense empire national. Au cours des trois sicles suivants, lEurope aprogressivement rattrap la Chine, tant en termes de revenu rel que sur les plans technologique et scientifique.Au XIXe sicle et dans la premire moiti du XXe sicle, lconomie chinoise sest en fait affaiblie dans unmonde o les progrs conomiques connaissaient une acclration prodigieuse.

    Lanalyse comparative de la performance chinoise peut ouvrir de nouvelles perspectives sur la natureet les causes de la croissance conomique. Elle peut aider comprendre lvolution intervenue dans les paysoccidentaux comme en Chine. Dans le pass, lanalyse du progrs conomique et de ses dterminants taitlargement teinte deurocentrisme. Lvaluation du bilan historique de la Chine est fortement sinocentrique.Un point de vue plus intgr permet de mettre en lumire lexceptionnel et le normal, et de mieux comprendreles raisons de lessor et du dclin des nations.

    Ladoption dhorizons plus longs permet de clarifier les processus causaux. Lanalyse de la croissancesest focalise sur les deux derniers sicles du dveloppement capitaliste, caractriss par un progrs techniquerapide, des transformations structurelles et laccroissement des revenus par habitant. On nglige habituellementles priodes antrieures, pendant lesquelles le revenu par habitant est rest relativement stable car on prsumequil ny a pas eu de progrs technique. Mais la croissance extensive qui consiste maintenir le niveau durevenu alors que la population saccrot considrablement peut aussi ncessiter des changements importantsdans lorganisation de la production. Les avances technologiques doivent tre interprtes dans un senstrs large. Il ne faut pas les circonscrire aux progrs du machinisme ; il faut aussi tenir compte des innovationsdans ladministration, lorganisation et les pratiques agricoles.

    Une approche de long terme peut galement nous permettre de comprendre les politiques et lesinstitutions contemporaines de la Chine. Les chos du pass sont encore importants aujourdhui.

    La Chine a fait uvre de pionnier en matire de modle bureaucratique de gestion des affaires publiques.Au Xe sicle, elle recrutait dj des fonctionnaires qualifis sur la base du mrite. La machine administrativetait le principal instrument utilis pour imposer lordre social et politique dans un tat unitaire qui couvraitdes superficies immenses.

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    La bureaucratie a eu un impact conomique trs positif sur lagriculture, principal secteur dactivitdo elle pouvait dgager un surplus sous forme de taxes et de prlvements obligatoires. Ladministrationchinoise a soutenu lagriculture par des travaux hydrauliques. Le dveloppement prcoce de limprimerielui a permis de vulgariser les techniques les plus efficaces grce la diffusion gnralise de manuelsagricoles. Elle a install des paysans dans de nouvelles rgions prometteuses. Elle a mis en place un rseaude greniers publics pour lutter contre les famines. Elle a favoris linnovation en introduisant des semences maturation prcoce, qui ont permis de doubler ou de tripler les rcoltes. Elle a promu lintroduction denouvelles cultures le th au temps des Tang, le coton au temps des Song, le sorgho au temps des Yuan, etdes cultures du nouveau monde telles que le mas, la pomme de terre, les patates douces, larachide et letabac au temps des Ming.

    Les pratiques agricoles permettaient de remdier la pnurie des terres grce lutilisation intensivede la mainduvre, de lirrigation et des engrais naturels. La terre tait cultive longueur danne, sanspriode de jachre. Les besoins en cultures fourragres et en pturages taient minimes. Le btail se rduisaitaux animaux peu exigeants (porcs et volailles). La consommation de buf, de lait et de laine tait rare. Lapratique gnralise de llevage de poissons petite chelle permettait daccrotre loffre de protines.

    Lagriculture fonctionnait dans un ordre institutionnel qui assurait une allocation efficace des ressourceset qui permettait de faire face aux pressions dmographiques en augmentant la productivit de la terre. Lespropritaires fonciers taient pour la plupart des rentiers qui ne soccupaient pas de gestion. Les dcisionsconcernant la production et la gestion taient prises par les fermiers et les paysans propritaires, qui pouvaientacheter et vendre la terre librement et couler leurs produits sur les marchs locaux.

    Entre le VIIIe et le XIIIe sicle, le centre de gravit de lconomie chinoise sest notablement dplac.Au VIIIe sicle, les trois quarts de la population vivaient dans le nord du pays, o les principales culturestaient le bl et le millet. A la fin du XIIIe sicle, les trois quarts des habitants vivaient au sud du fleuveYangts Kiang, o ils produisaient du riz. Cette rgion tait auparavant marcageuse et peu peuple, mais,avec lirrigation et les varits htives, elle se prtait parfaitement au dveloppement massif de la riziculture.

    Lamlioration de la productivit de la terre autorisait des peuplements plus denses et rduisait le cotdes transports. Elle permettait aussi daccrotre la proportion de la production agricole qui pouvait trecommercialise et de librer des bras pour dvelopper lartisanat, en particulier pour le filage et le tissage ducoton, qui fournissait des vtements plus confortables, plus faciles laver et plus sains.

    Si tout le monde reconnat que les changements intervenus dans les lieux de production et la gammedes produits ont permis damliorer le niveau de vie des Chinois, personne na jusqu prsent valu lampleurde cette amlioration. Il semblerait quelle ait t relativement modeste une augmentation dun tiersenviron du revenu par habitant. La hausse du revenu sest accompagne dune utilisation plus intensive de lamainduvre, de sorte que la productivit du travail na vraisemblablement pas augment autant que lerevenu par habitant.

    Les progrs conomiques de la Chine sous la dynastie des Song sappuyaient essentiellement surlexploitation dune opportunit, qui ne portait pas en soi dautres changements, savoir ladoption de laculture intensive du riz, et aucun lment convaincant ne permettait de penser que la Chine tait sur le pointde dvelopper une industrie mcanise.

    Entre le XIIIe et le XVIIIe sicle, le nombre des habitants a quadrupl mais la Chine a pu maintenir lerevenu par habitant un niveau plus ou moins stable sur le long terme. Toutefois, la croissance fut loin dtresans coups. Au XIVe et au XVIIe sicles, la Chine a perdu plus de 30 millions dhabitants. Ces crisestaient en grande partie lies aux destructions qui accompagnaient les changements de rgime et aux pidmies(peste bubonique et variole). Laccroissement dmographique a t particulirement fort au XVIIIe sicle,priode au cours de laquelle la croissance extensive de la Chine a t la plus impressionnante.

    En dehors de lagriculture, le systme bureaucratique a empch lmergence dune bourgeoisiecommerciale et industrielle indpendante comme ce fut le cas en Europe. La recherche de rentes taitloccupation principale des fonctionnaires et de la petite noblesse de la Chine impriale. Leurs privilgeslgaux et coutumiers dfinissaient leur statut social, leur style de vie et leur comportement. Ctait le groupe

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    social qui dominait la vie urbaine. Ils avaient tendance tout rglementer. Lactivit entrepreneuriale taitprcaire dans un cadre o la protection de lactivit prive tait si mal assure. Toute activit qui promettaitdtre lucrative tait pressure par ladministration. Parmi les grandes entreprises, il ny avait que desmonopoles publics ou des monopoles agrs par ltat. Les marchands, les banquiers et les ngociants nebnficiaient pas des chartes et de la protection juridique qui taient accordes aux marchands des villeseuropennes. Les changes et les contacts intellectuels avec ltranger taient extrmement restreints. Cetisolement volontaire constituait aussi un obstacle pour la croissance.

    Entre le XVIe et le XVIIIe sicle, la Chine a perdu son hgmonie conomique au profit de lEuropede lOuest. Cette perte dhgmonie ntait pas due une situation particulirement dfavorable en Chine,mais aux circonstances exceptionnelles qui prvalaient en Europe. Pour diffrentes raisons, lEurope taitmieux place pour favoriser la naissance du capitalisme moderne.

    Llmnt le plus fondamental tait la reconnaissance du fait que lhomme pouvait transformer lesforces de la nature par ltude rationnelle et lexprience. Avec la Renaissance et le sicle des Lumires, leslites occidentales ont progressivement abandonn les superstitions, la magie et la soumission lautoritreligieuse. La tradition scientifique occidentale qui soustend lattitude de lhomme moderne lgard duprogrs technique et de linnovation remonte clairement au XVIIe sicle, o elle a commenc imprgner lesystme ducatif. En Chine, le systme denseignement tait imprgn par les classiques anciens et lorthodoxiebureaucratique. Ce systme a t incapable de jeter les bases fondamentales de la science moderne.

    LEurope reposait sur un systme dtatsnations qui avaient de grandes affinits. Ces nations taienttournes vers lextrieur, elles entretenaient des liens commerciaux importants et les changes intellectuelstaient relativement faciles. Tout cela stimulait la concurrence et linnovation.

    Entre 1820 et 1952, lconomie mondiale a fait un norme bond en avant dans tous les domaines. Laproduction mondiale a t multiplie par huit, et le revenu mondial par habitant a t multipli par 2.6. Lerevenu par habitant a t multipli par huit aux tatsUnis, par quatre en Europe et par trois au Japon. Dansles autres pays dAsie, sauf au Japon, la croissance conomique a t trs modeste, mais, en Chine, leproduit par habitant a en fait diminu. La part de la Chine dans le PIB mondial a chut dun tiers unvingtime. La plupart des pays dAsie taient confronts des problmes identiques ceux de la Chine, savoir des institutions locales qui faisaient obstacle la modernisation, et lintrusion coloniale trangre.Mais ces problmes se posaient avec une acuit particulire en Chine et ils expliquent en partie ses rsultatsparticulirement dcevants.

    La Chine tait en proie des dsordres internes qui prlevrent un lourd tribut sur la population et lebientre conomique. La rvolte des Taiping (18501864) affecta plus de la moiti des provinces chinoises,provoquant des dgts importants dans les rgions les plus riches du pays. Les musulmans se soulevrent auShenhsi, au Kansu et au Sinkiang. Pendant lpoque rpublicaine, il y eut trente annes de guerre civile.

    Les intrusions coloniales se traduisirent par loctroi de droits et privilges extraterritoriaux 19 puissances trangres dans un amas denclaves coloniales. Il y eut trois guerres contre le Japon et deuxcontre la France et le RoyaumeUni. La rvolte des Boxers impliqua une lutte arme contre toutes lespuissances trangres la fois. Dans les annes 1850, la Russie annexa dix pour cent du territoire chinoisdans ce qui est aujourdhui la Sibrie orientale et, pendant les premires annes de la Rpublique de Chine,elle aida la Mongolie extrieure se dtacher de la Chine. Aprs toutes ces guerres, les puissances victorieusesajoutrent lhumiliation de la Chine en lui extorquant dimportantes indemnits financires.

    Le rgime imprial ne fut pas en mesure dapporter une rponse crative ces problmes. Il ne putrelever de faon positive ou effective le dfi technique occidental. tant ellesmmes mandchoues et nonchinoises, les autorits Ching ne pouvaient avoir une raction nationaliste. Aprs la chute des Ching, lesrgimes des seigneurs de la guerre poursuivirent des objectifs rgionaux plutt que nationaux. Le Kuomintang se rvla incapable de faire prvaloir les intrts nationaux. Il ne fit pratiquement rien pour permettre la Chine de recouvrer son intgrit territoriale et ne sut pas ragir efficacement lagression japonaise.Disposant de peu de moyens financiers, les Ching et le Kuomintang ne purent mobiliser les ressourcesncessaires pour assurer de faon efficace la dfense et le dveloppement du pays.

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    La cration de la Rpublique populaire en 1949 marquait une profonde rupture avec le pass. Elle miten place un nouveau mode de gestion publique, favorisa lapparition dune nouvelle lite et permit uneamlioration notable de la performance conomique. Ctait lquivalent chinois de la rvolution Meiji de1868 au Japon. Toutefois, la Chine entreprit de crer une conomie socialiste planification centrale, calqueen grande partie sur le modle sovitique, le Japon adoptant quant lui une variante dirigiste des institutionscapitalistes. Les deux pays mirent en uvre leur stratgie de dveloppement sans avoir lintention de donnerun rle quelconque aux intrts capitalistes trangers.

    Le nouveau rgime chinois russit l o les Ching et le Kuomintang avaient chou. Il mit un termeaux dsordres internes, appliqua une idologie fonde sur le nationalisme actif et russit mobiliser desressources pour la dfense et le dveloppement. Lattachement lidologie communiste et aux techniquesde gestion de lappareil de ltat tait en grande partie li lhistoire particulire de la Chine. Lintrusioncoloniale avait fait intervenir tous les grands pays capitalistes, et limpossibilit de mettre fin cette intrusionaprs le trait de Versailles en 1919 donna au nationalisme chinois une forte teinture antioccidentale. Dansles annes 20, lURSS apporta un soutien militaire et organisationnel au Kuomintang et, aprs la SecondeGuerre mondiale, elle aida les forces communistes prendre le contrle militaire et politique de laMandchourie. En 1950, le commencement de la guerre de Core plongea la Chine dans un isolementconomique et politique inhabituel par rapport au reste de la communaut internationale, de sorte que lURSSrestait pour elle lunique source dassistance technique et financire.

    Si lattachement idologique une conomie de type socialiste et le rejet du capitalisme taient trsmarqus en Chine, lalliance avec lURSS procdait en bonne partie de lopportunisme. La Russie avait tlun des grands envahisseurs du pays dans le pass. A certaines poques, lURSS avait soutenu le Kuomintang contre les intrts du parti communiste chinois. Aprs la Seconde Guerre mondiale, elle avait trait lespays dEurope de lEst comme des tats fantoches. La situation de la Chine tait trs diffrente. Le nouveaugouvernement ntait pas cr en tant que dpendance sovitique. Aprs vingt ans de lutte arme, il avaitacquis une forte autonomie intellectuelle et politique.

    Le nouveau rgime stait fix trois grands objectifs : a) changer lordre sociopolitique ; b) acclrerla croissance conomique ; c) accrotre le poids gopolitique du pays et restaurer sa dignit nationale.

    Depuis la cration de la Rpublique populaire, on peut distinguer deux phases trs distinctes sur leplan de la politique et de la performance conomique du pays. La premire la phase maoste a durjusquen 1978, date partir de laquelle sest ouverte une priode de rformes.

    Entre 1952 et 1978, la Chine a connu une acclration importante de son rythme de croissance, le PIBtant multipli par trois et le revenu par habitant augmentant de 80 pour cent. La structure conomique dupays a t transforme. La part de lindustrie dans le PIB est passe de 10 35 pour cent. Lacclration dela croissance tait lie une augmentation massive des apports en capital physique et humain. Le stock decapital a progress de 7.6 pour cent par an, et lutilisation du facteur travail a augment plus rapidement quela population. Les progrs significatifs dans les domaines de lducation et de la sant ont permis damliorerles ressources humaines. Mais la productivit ntait pas brillante. De nombreuses rgions du mondeconnaissaient alors une priode de forte expansion. Malgr lacclration de sa croissance, la Chine restaitquelque peu la trane de lconomie mondiale dans son ensemble. Diverses raisons expliquent ces rsultatsdcevants.

    Le dveloppement conomique du pays a t interrompu par dimportants remous politiques. Il y eutles rformes du droit de proprit, la guerre de Core, les perturbations provoques par la rupture sinosovitique, les blessures que la Chine sest ellemme inflige avec le Grand bond en avant et la Rvolutionculturelle, autant dvnements qui ont eu un impact ngatif sur lefficacit et la productivit en rendant lesentier de croissance instable.

    Les units de production taient dune taille trop importante. Ctait particulirement vident dans lesecteur de lagriculture. Les 130 millions dexploitations familiales qui existaient en 1957 ont t transformesen 1958 en 26 000 communes populaires employant en moyenne 6 700 travailleurs. Ce fut une mesuredsastreuse. Les autorits revinrent sur cette dcision trois ans plus tard, confiant la gestion des exploitations

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    six millions dquipes de production dune trentaine de travailleurs en moyenne. Dans lindustrie et lesservices, les grosses entits occupaient aussi une place trop importante. En 1978, lentreprise industriellemoyenne en Chine employait onze fois plus demploys que son homologue japonaise.

    La Chine tait relativement isole de lconomie mondiale, qui tait en plein essor. Sa part dans leschanges mondiaux diminua et les investisseurs trangers la dsertrent. Les ressources taient allouesconformment aux directives des autorits et la rglementation. Les forces du march jouaient un rlengligeable. Il en rsultait des inefficacits dans le processus de production (comme le montrent lesinvestissements massifs dans les stocks), et le bientre du consommateur tait nglig.

    Dans la priode de rformes qui sest ouverte depuis 1978, les importants changements dorientationse sont traduits par une progression nettement plus rapide du revenu par habitant. Le stock de capital a peuaugment ; lamlioration enregistre tait essentiellement attribuable la meilleure utilisation des ressourceset la forte augmentation de la productivit globale des facteurs.

    Un certain nombre dlments ont contribu amliorer lefficacit et la productivit de lconomiechinoise.

    Les paysans ont remis la haute main sur lutilisation et la gestion de leurs terres. Lunit de productionmoyenne est devenue lexploitation familiale employant 1.4 personne sur moins dun demihectare. Lesprix la production ont t relevs, et les possibilits daccs aux marchs, largies. Tout cela a fortementstimul lardeur et la productivit des paysans.

    Les petites industries ont connu une trs forte expansion, en particulier dans les rgions rurales. Lataille moyenne des entreprises dtat na pas chang, mais celle des autres entreprises a grandement diminu,leurs effectifs moyens passant de 112 8 salaris, de sorte que la moyenne globale est tombe de 175 14 employs par unit. Les gains de productivit ont t bien plus rapides dans le secteur priv, dont lescots de la mainduvre taient moindres et les charges sociales pratiquement inexistantes, et qui fonctionnaitavec beaucoup moins de capital quil utilisait aussi de faon plus efficace.

    Le monopole rigide du commerce extrieur et la politique dautosuffisance autarcique ont t abandonnsaprs 1978. Les dcisions concernant les importations et les exportations ont t dcentralises. Entre 1980et 1997, le yuan a t dvalu cinq fois. Des zones industrielles spciales ont t cres. Sous limpulsionfournie par le jeu plus libre des forces du march, la concurrence sest dveloppe, lallocation des ressourcessest amliore et la satisfaction des consommateurs sest accrue. Le volume des changes avec lextrieura augment de 13.5 pour cent par an, et la part de la Chine dans le commerce mondial est passe de 0.8 3 pour cent. Le pays a bnfici dimportantes entres de capitaux sous forme dinvestissements directstrangers, dont le flux a encore augment aprs 1992.

    La politique adopte pendant la priode des rformes a t couronne de succs : le revenu par habitanta progress de 6 pour cent par an, soit un rythme plus soutenu que dans tous les autres pays dAsie, lexception de la Core, et trs suprieur au 1.5 pour cent par an des tatsUnis et du groupe des payscapitalistes avancs. Ce taux est aussi six fois plus lev que la moyenne mondiale. Le PIB par habitant estpass dun quart la moiti du niveau mondial. La Chine, dont la part dans le PIB mondial est passe de 5 10 pour cent, est devenue la deuxime conomie du monde, aprs les tatsUnis. La question est de savoircombien de temps ce processus de rattrapage peut durer et jusquo il peut aller.

    En cette fin du XXe sicle, la Chine reste un pays relativement pauvre. En 1955, son revenu parhabitant ne reprsentait que 11 pour cent de celui des tatsUnis, 13 pour cent de celui du Japon, 20 pourcent de celui de Tawan et 22 pour cent de celui de la Core. Les pays qui se trouvent dans cette situation deretard relatif et dloignement de la frontire technologique peuvent se dvelopper rapidement sils mobilisentet allouent de manire efficace le capital physique et humain du pays, adaptent la technologie trangre enfonction des dotations en facteurs et exploitent les possibilits de spcialisation quoffre lintgration lconomie mondiale. La Chine a montr quelle tait capable de le faire pendant la priode des rformes, etrien ne permet de penser que cette aptitude svanouira. On entend parfois dire que la Chine est un pays sigrand quil est difficile de lui faire une place dans lconomie mondiale. Mais, en 1996, ses exportations nereprsentaient que 3 pour cent des exportations mondiales. Elles taient moins importantes que celles de la

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    Belgique ou des PaysBas et ne reprsentaient que 11 pour cent de celles de lensemble des pays dAsie.Quoi quil en soit, laugmentation de la part de la Chine dans les exportations mondiales entranera unaccroissement correspondant de ses importations.

    Dans ce domaine comme dans dautres aspects de lanalyse comparative de la croissance, il est utile deprsenter des donnes chiffres. En nous projetant en 2015, et en nous fondant sur des prvisions prudentes,lon pourrait se trouver devant le scnario suivant.

    Lutilisation du facteur travail ne progressera sans doute pas plus vite que la population dans la mesureo la proportion de la population en ge de travailler naugmentera plus et o les possibilits daccroissementde la participation fminine se rduisent. Le taux daugmentation du niveau dinstruction sera moins rapidepuisquil a dj t multipli par cinq depuis 1952. Le stock de capital par travailleur ne saccrotra sansdoute pas de plus de 5 pour cent par an sans que les rendements ne dcroissent. Il est fort possible que laprogression de la productivit globale des facteurs soit plus lente que pendant la priode des rformes, qui at marque par des mesures qui ne sont pas appeles se reproduire dans le secteur agricole.

    Pour ces diverses raisons, la croissance du PIB devrait se ralentir pour passer de 7.5 5.5 pour cent paran, et le taux de croissance du PIB par habitant devrait se situer autour de 4.5 pour cent. A la lumire delexprience passe, cela parat du domaine du possible. Cest en fait un taux de croissance nettement infrieur celui quont connu HongKong, le Japon, la Core, Singapour et Tawan pendant les vingt annes aprslesquelles ils ont atteint le niveau de revenu par habitant que la Chine a enregistr en 1995 (respectivement5.0, 7.2, 6.8, 7.2 et 7.0 pour cent).

    Sur ces bases, la Chine atteindra sans doute les niveaux du PIB amricain dici 2015, elle reprsenteraprs de 17 pour cent du PIB mondial, et son revenu par habitant sera proche de la moyenne mondiale. Avecun PIB par habitant gal un cinquime de celui des tatsUnis, elle restera nanmoins un pays relativementpauvre, mais son rle dans lconomie mondiale et son poids gopolitique seront sans aucun doute bien plusimportants.

    Il est vident que, pour que ce scnario se ralise, la Chine devra rsoudre certains problmes importants.

    Un problme fondamental, dont les autorits chinoises ont maintenant clairement conscience, a trait la fermeture dune importante proportion des entreprises industrielles du secteur public. On en comptait114 000 en 1994, qui employaient prs de 43 millions de salaris. Une grande partie dentre elles accusaientdes pertes substantielles. Elles ont continu fonctionner grce aux subventions de ltat et au fait quellesne remboursaient pas les prts que les banques publiques taient contraintes de leur accorder. A lpoque,elles entraient pour une proportion importante dans les 270 milliards de dollars estims des actifs non productifsdu systme bancaire public.

    La situation des entreprises publiques sest dgrade pendant la priode des rformes en raison de laconcurrence accrue des importations et des entreprises prives, et du mauvais usage que faisaient les dirigeantsdentreprises de leur plus grande libert daction en matire de gestion. Ces entreprises disposent duncapital bien plus important que celles du secteur priv, mais la productivit de leur mainduvre est plusfaible. Elles ont des stocks normes de marchandises invendables. Leurs salaris bnficient davantagessociaux logement, retraite, scurit de lemploi et prestations de sant et dducation que nont pasleurs homologues des entreprises prives.

    Pendant la priode des rformes, presque rien na t fait pour traiter ces problmes, bien quelimportance relative du secteur manufacturier public ait diminu du fait que lexpansion du secteur privtait bien plus rapide. Dans le secteur minier et les services publics, 90 pour cent de lactivit environ restedans les mains de ltat, alors que cette proportion nest que dun tiers dans le secteur manufacturier.

    Jusquici, des personnages puissants de la hirarchie politique militaient en faveur des entreprisespubliques. Ils ont perdu une partie de leur pouvoir, mais ils sont encore capables dopposer une forte rsistancepolitique la rduction rapide des activits des entreprises publiques. Cellesci sont concentres dans leszones urbaines, et des fermetures massives entraneraient une dgradation srieuse des conditions de viedune grande partie des citadins, qui ont joui jusqu prsent dune situation relativement privilgie et quisont bien placs pour manifester leur mcontentement.

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    Le systme financier pose un autre problme. La priode des rformes a t marque par unaccroissement exponentiel de lpargne des mnages, ainsi que par une montisation rapide de lconomie.Lpargne a t draine par le systme bancaire public et le processus de montisation a procur ltat desgains de seigneuriage importants. Ces nouvelles ressources compensent la disparition de lexcdentdexploitation des entreprises publiques et la baisse des recettes fiscales.

    Certes, ces dveloppements ont grandement aid les autorits maintenir la stabilit financire, maisil est manifestement risqu de continuer dtourner lpargne prive pour soutenir des entreprises publiquesqui, quel que soit le critre adopt, doivent tre considres comme en faillite. Jusqu prsent, limportancedes actifs non performants na pas conduit le public sinterroger sur la scurit des dpts, et les pargnantsnont pas beaucoup dautres possibilits dinvestissement sur le territoire chinois. Les mesures de contrledes changes et des mouvements de capitaux interdisent aux petits investisseurs de placer leurs fonds ltranger. La Chine na pas de dettes importantes court terme lgard de cranciers trangers. Pourtant,la forte proportion dactifs improductifs dtenus par les banques et les institutions financires a t unlment important de la crise financire de 1997 dans dautres pays asiatiques. La similarit de cet aspect dela crise avec la situation de la Chine devrait inciter les autorits chinoises rformer leur systme bancairepour le dbarrasser de actifs improductifs, laisser les banques fonder leurs dcisions de prt sur des critrescommerciaux, et stopper la croissance des actifs improductifs en supprimant les subventions aux entreprises publiques.

    Un troisime problme, qui est li au prcdent, a trait la prcarit de la situation financire deladministration centrale. Les recettes de ltat sont tombes dun tiers du PIB en 1978 11 pour cent en1996. La base dimposition a t srieusement rode par le large ventail dallgements fiscaux accordspar les administrations provinciales et locales, ainsi que par la chute spectaculaire des recettes issues desentreprises publiques. Les collectivits locales tirent des revenus extrabudgtaires importants des activitsdes entreprises prives dans lesquelles elles ont une participation. Il est ncessaire de diminuer et de normaliserces allgements fiscaux afin de rduire les distorsions dans lallocation des ressources. Ladministrationcentrale devra se procurer des recettes supplmentaires dans la mesure o elle devra largir la gamme desprestations sociales si les entreprises publiques sont dcharges de leurs responsabilits dans ce domaine.Elle devra aussi accrotre la part des ressources quelle destine aux infrastructures de sant et dducationdans les rgions les plus pauvres du pays, o elles ont diminu.

    Si la Chine a t rattrape par lOccident, cest en particulier parce quelle est reste lcart descourants commerciaux mondiaux. Pendant la priode des rformes, elle a fait un effort important pourchanger les choses. Elle sest mieux intgre lconomie mondiale en dveloppant ses importations et sesexportations et en montrant, dans les annes 90, quelle tait capable dattirer des flux importants de capitauxtrangers. Elle sest heureusement montre bien plus prudente que plusieurs autres pays dAsie lgard desmouvements dstabilisants de capitaux court terme, maintenant des contrles sur le march des changes etles mouvements de capitaux. Elle a galement conserv dimportantes rserves de change et elle a russi dgager de confortables excdents commerciaux. Son taux de change est rest comptitif grce une fortedvaluation de sa monnaie entre 1978 et 1994, ce qui lui a permis de rsister beaucoup mieux que les autrespays dAsie la crise financire. A plus long terme, sa comptitivit peut souffrir dans une certaine mesuredes dvaluations opres par les pays voisins, et sa libert daction sur le front des changes est dsormaiscontrainte par la ncessit dviter les rpercussions sur HongKong.

    Louverture de la Chine sur lextrieur est gnralement exagre lorsque lon value limportance deson commerce extrieur au regard du PIB sur la base des taux de change en vigueur. Si on ajuste lestimationdu PIB en fonction de la parit du pouvoir dachat du yuan, on constate que sa dpendance commerciale esten fait trs modeste, les exportations reprsentant moins de 5 pour cent du PIB ajust en fonction de la paritde pouvoir dachat (PPA). Les restrictions qui psent sur les importations sont encore importantes, maiselles vont probablement diminuer sensiblement si la Chine est admise lOrganisation mondiale du commerce.La protection des entreprises publiques est lune des questions les plus litigieuses que suscite sa demandedadhsion. Des rformes dans ce domaine hteraient son intgration lconomie mondiale.

    La priode des rformes a t marque par des transformations extrmement importantes danslconomie du pays, avec la diminution du rle de ltat, un recours plus important aux forces du march etles nouvelles possibilits ouvertes linitiative individuelle et lentrepreneuriat. Toutefois, le systme de

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    base des droits de proprit est ambigu. Les paysans sont matres de leur lopin de terre et ils ont le droit dele louer, mais ils ne peuvent ni lacheter ni le vendre. Au niveau local, les autorits sont engages la foisdans ladministration des affaires publiques et au niveau de lentreprise. Le systme juridique et les droits deproprit sont bien plus flous que dans les pays occidentaux. Cette situation est invitable dans la mesure ole processus de rformes a t lgitim comme une entreprise visant modifier le socialisme plutt quembrasser le capitalisme. Toutefois, si cette situation devait se prolonger, elle pserait sur la performance delconomie. Sous le rgime imprial, lconomie chinoise a t distance par lOccident, en bonne partieparce que lOccident a mis en place un systme juridique et des structures institutionnelles dans le cadredesquels le capitalisme pouvait se dvelopper, et o la recherche du profit et non pas la recherche de rentesjouait un rle plus important quen Chine.

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    Chapitre 1

    Croissance intensive et extensive lpoque de la Chine impriale

    Lanalyse de la croissance conomique est gnralement centre sur le XIXe et le XXe sicles, qui ontt marqus par des progrs conomiques sans prcdent. Les poques antrieures ont t beaucoup moinstudies car les progrs conomiques taient tout au mieux trs lents, et quil est difficile, voire impossiblede les quantifier.

    Pourtant, dans le cas de la Chine, il est minemment souhaitable de considrer des horizons distants.Entre le VIIIe et le XIIIe sicle, lconomie chinoise a connu une transformation radicale, avec un dplacementde son centre de gravit vers le sud. Au VIIIe sicle, les trois quarts de la population vivaient dans le nord dupays, o les principales cultures taient le bl et le millet. A la fin du XIIIe sicle, les trois quarts deshabitants vivaient au sud du fleuve Yangts Kiang, o ils produisaient du riz. Cette rgion tait auparavantmarcageuse et peu peuple, mais, avec lirrigation et lapparition des varits prcoces, elle offrait unterrain idal pour le dveloppement massif de la riziculture.

    Lamlioration de la productivit de la terre autorisait des peuplements plus denses et rduisait le cotdes transports. Elle permettait aussi daccrotre la proportion de la production agricole qui pouvait trecommercialise et de librer des bras pour dvelopper lartisanat, en particulier le filage et le tissage ducoton, qui fournissait des vtements plus confortables, plus faciles laver et plus sains. Les analystessaccordent penser que les changements intervenus dans les lieux de production et la gamme des produitsont permis damliorer le niveau de vie des Chinois. Cest aussi grce ces changements que la populationa pu doubler.

    Les progrs conomiques de la Chine lpoque de la dynastie des Song sappuyaient essentiellementsur lexploitation dune opportunit qui ne se retrouverait pas, savoir ladoption de la culture intensive duriz. Certains analystes ont exagr lampleur des progrs conomiques, estimant que la Chine tait sur lepoint de se doter dune industrie mcanise, mais aucun lment convaincant ne permet de le penser.

    Entre le XIIIe et le XVIIIe sicle, les lments dapprciation disponibles sur lagriculture et limportancerelative de la population urbaine suggrent que le revenu par habitant na pas sensiblement augment.Toutefois, la population a pu quadrupler alors que le revenu moyen par habitant demeurait un niveau plusou moins stable sur le long terme. Pourtant, la croissance fut loin dtre sans coups. Au XIVe et au XVIIesicles, la Chine a perdu plus de 30 millions dhabitants. Ces crises taient en grande partie lies auxdestructions qui accompagnaient les changements de rgime et aux pidmies (peste bubonique et variole).Au XVIIIe sicle, la progression dmographique a t particulirement importante. Cest cette poque quela capacit de la Chine traditionnelle en matire de croissance extensive a t dmontre avec le plus dclat.

    Ce chapitre examine les donnes qui permettent de penser que la priode Song fut une priode decroissance intensive et que les cinq sicles suivants ont t, en dehors de quelques interruptions, caractrisspar une croissance extensive. Le secteur de lagriculture illustre les processus dadaptation technique quiont t ncessaires pour soutenir une croissance extensive.

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    La premire partie analyse le systme de gouvernement de la Chine impriale et les caractristiques dela bureaucratie qui ont favoris les progrs agricoles, mais brid lvolution dans dautres pans de lconomieen maintenant un cadre institutionnel qui interdisait le dveloppement de lentreprise capitaliste et restreignaitles possibilits de commerce international et dchanges dides. La deuxime partie examine de faon plusdtaille les donnes sur la croissance intensive lpoque des Song. La troisime analyse les caractristiquesinstitutionnelles et techniques de lagriculture chinoise et montre comment le pays a pu absorber de fortespousses dmographiques. La quatrime partie traite des activits non agricoles des mnages ruraux, et lacinquime est consacre lvolution du secteur urbain.

    Tableau 1.2. Estimations comparatives approximatives de la population de la Chine, de lEurope, de lInde, du Japon et du monde entre 50 et 1995 aprs J.C.

    (en millions)

    50 960 1280 1500 1700 1820 1995Chine 40 55 100 103 138 381 1 205Europea 34 40 68 72 96 167 502Indeb 70 n.d. n.d. 110 153 209 1 163Japon n.d. n.d. n.d. n.d. 27 31 126Monde 250 300 380 425 592 1 049 5 678

    a. lexception de la Turquie et de lexURSS.b. Inde + Bangladesh + Pakistan.

    Sources : pour la Chine, voir annexe D ; pour lEurope (Turquie et territoire couvert par lexURSS non compris), entre 50 et 1280 on a utilis desvaleurs interpoles sur la base des donnes de Clark (1967, p. 64) avec un ajustement la baisse de son chiffre pour lItalie du Ier sicle ; leniveau de 1400 et le mouvement de 14001500 sont des moyennes des estimations de Bennett (1954) et dUrlanis (1941, p. 214) ; lemouvement 15001800 est tir de Vries (1984, p. 36) li Maddison (1995a) par la suite. Inde : les chiffres pour le Ier sicle sont tirs deClark (1967, p. 64) ; pour 1500 et 1700, les chiffres sont tirs de Maddison (1971) ; partir de 1820, les chiffres proviennent de Maddison(1995a) mis jour. Pour le Japon, les chiffres de 1700 sont tirs de Hayami (1986, p. 20) ; partir de 1820, les chiffres sont tirs deMaddison (1995a) mis jour. Pour la population mondiale, les chiffres sont tirs de Clark (1967) et de Bennett (1954), puis ajusts enfonction des divergences dans les estimations concernant les zones indiques plus haut.

    Tableau 1.1. Les dynasties impriales chinoises et les capitales

    Dates Dynastie Capitale 221206 av. J.C. Chin Hsienyang 206 av. J.C. 8 av. J.C., 23220 ap. J.C.

    Han antrieurs, et Han postrieurs Changan/Loyang

    220589 Empire dsintgr 589617 Sui Changan 618906 Tang Changan 906960 Empire dsintgr 9601127 Song Kaifeng11271234 Jurchet (Chin) dans le Nord Pkin12341279 Mongol (Yan) dans le Nord Karakorum11271279 Song du Sud Hangtchou12791368 Yan (Mongol) Pkin13681644 Ming Nankin/Pkin16441911 Ching (Mandchou) Pkin

    Sources : Reischauer et Fairbank (1958), Hucker (1985), et Cambridge History of China.

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    Le mode de gouvernement bureaucratique et ses consquences conomiques

    Pendant les treize derniers sicles de lEmpire, les souverains chinois ont confi ladministration dupays une puissante bureaucratie. Cette lite instruite, nourrie par les classiques confucens, tait le principalinstrument de lordre social et politique dans un tat unitaire qui couvrait une superficie deux fois plusgrande que celle de lEurope.

    En Occident, ce nest que plus de mille ans plus tard que le recrutement de fonctionnaires qualifis surla base du mrite fut instaur par Napolon, mais les bureaucrates europens ne jouirent jamais du statutsocial et du pouvoir des lettrs chinois. A lintrieur de tous les pays occidentaux, le pouvoir tait fragmentpar un systme complexe de poids et de contrepoids.

    Ds le dbut, les empereurs chinois ont souhait engager des fonctionnaires mritants plutt que desfeudataires. A lpoque des Han, ces fonctionnaires taient recruts sur recommandation, pour complter lesserviteurs issus de larme et de laristocratie. Il y eut ensuite un retour des rgimes essentiellement fodauxdans une administration pluritatique qui dura prs de 370 ans. Le recrutement des fonctionnaires par voiedexamen fut instaur au dbut du VIIe sicle. Le rle de la bureaucratie saccrut sous les Tang, lorsque lepouvoir politique de laristocratie hrditaire fut progressivement dmantel (Ho, 1962). Sous les Song, lesprocdures dexamen furent affines afin dassurer lanonymat des candidats. Lors des examens, le nom descandidats ntait plus communiqu aux examinateurs, et des commis de bureau copiaient les rponses afindviter que lon reconnaisse la calligraphie. Lextension de lenseignement public permit dlargir la slectionfonde sur le mrite. Le nombre des diplms augmenta sensiblement. Les critres de recrutement,davancement et dvaluation furent clarifis. Tous les fonctionnaires importants tait recruts en fonctionde leurs rsultats universitaires.

    La suprmatie de la bureaucratie connut une clipse au XIIIe sicle avec loccupation militaire mongole.Mais les Mongols reconnurent lutilit dun mcanisme bureaucratique pour la collecte de limpt et ilsrtablirent le recrutement des fonctionnaires en 1315.

    Aprs leffondrement de lempire mongol en 1368, la bureaucratie recrute au mrite redevint le principalinstrument du pouvoir imprial. Les Ming et les Ching sefforcrent de contenir les ambitions de la noblessetitre, ne leur laissant pas de fief ni de territoire militaire ou politique indpendant. Trs tt, le systme desuccession fond sur la primogniture fut aboli. Laristocratie devint donc un fossile coteux, qui tiraitlessentiel de ses revenus des sincures impriales et perdait du rang chaque gnration. Laristocratieterrienne nexistait dj plus en tant que force politique significative lpoque des Song. Les eunuques etles esclaves de la maison impriale influaient sur la politique, mais ils ne constituaient pas une menace rellepour le pouvoir bureaucratique.

    Llite bureaucratique a toujours t peu importante au regard de la taille du pays. Au XVIe sicle etpendant la premire moiti du XVIIe sicle, lempire tout entier ne comptait que quinze mille fonctionnaires(Gernet, 1982). Ils occupaient des postes au sein du Grand conseil et du Secrtariat, des six ministres et desdpartements spcialiss de Pkin, et ils servaient les administrations des provinces, des prfectures et desdistricts. A lchelon le plus bas (le district ou hsien), le magistrat percevait les impts, jugeait, tenait lesregistres, administrait les travaux publics et assistait rgulirement aux clbrations crmonielles, auxsacrifices en lhonneur du Ciel, dautres forces surnaturelles et des dieux du temple locaux. Compte tenu dela taille du pays, une bonne partie de ladministration tait ncessairement laisse la discrtion des autoritslocales. De Canton Pkin, le service normal du courrier ( pied) demandait, dans chaque sens, 56 jours, lecourrier urgent, 18 jours, et le courrier extrmement urgent, 9 ou 10 jours. Au niveau du district, le magistratdirigeait les services centraux (yamen) avec le concours de commis, de policiers, de gardiens de prison et degardes recruts sur place. Il levait les impts et faisait rgner la loi et lordre sur une population qui passadenviron 80 000 habitants sous la dynastie des Song 300 000 sous la dynastie des Ching. Audessous dudistrict, le pouvoir tait exerc par drogation et par dlgation. La noblesse locale jouait un rle importanten rglant les diffrends et en servant dagents informels de ladministration. Les associations de quartiertaient collectivement responsables du maintien de lordre et de la collecte des impts au niveau local. Deschefs de famille slectionns parmi les roturiers assuraient tour tour gratuitement la fonction dadministrateurconscrit pour sassurer que les impts taient pays.

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    Les bureaucrates constituaient llite du corps social. Avec leur famille, ils chappaient de nombreuximpts, chtiments et obligations auxquels taient soumis les roturiers. Ils avaient le droit de porter desrobes, des boutons, des ceintures et dautres signes vestimentaires reprsentatifs dun rang social lev. Cesavantages avaient tant dattraits que de trs nombreux aspirants, qui navaient pu devenir fonctionnaires,avaient tout de mme des diplmes. Beaucoup des privilges accords aux fonctionnaires taient tendus ces diplms et leur famille. Ils formaient la deuxime couche de llite sociale (souvent appele la petitenoblesse ). Les titulaires de diplmes tiraient des revenus considrables des terres qui leur appartenaient, etdactivits lies au commerce et lenseignement. Ils bnficiaient dun traitement fiscal privilgi, et seprocuraient aussi des revenus en se faisant les interprtes des roturiers auprs de ladministration. Le processusde recrutement sur concours des fonctionnaires avait donc deux retombes importantes : i) il dterminait lanature et le contenu de lenseignement ; ii) il augmentait grandement le prestige attach aux diplmes et ileut une profonde influence sur les comportements sociaux et la structure de la socit. Parmi le groupe despropritaires terriens, seule la petite noblesse titre avait facilement accs aux fonctions administratives.

    Aprs la confiscation des importantes proprits bouddhistes au IXe sicle, il nexistait pas de hirarchiereligieuse ou de doctrine susceptible de faire contrepoids la puissance de ladministration. Les autoritschinoises firent toujours preuve de tolrance lgard de multiples pratiques religieuses, notamment lebouddhisme, le taosme, lislam pratiqu dans les pays limitrophes de lAsie centrale, et le bouddhismelamaste du Tibet et de la Mongolie. Mais lidologie officielle tait essentiellement sculaire fonde surun ensemble de prescriptions pragmatiques quant la faon de se comporter en ce monde, sur lindiffrenceconfucenne lgard des problmes de limmortalit, de lme, de la vie dans laudel ou de Dieu. Ellemettait laccent sur la vertu, la biensance, la discipline sociale, le raffinement courtois. Il ny avait pas detexte sacr, le concept de pch ou de salut tait inconnu, et les castes sociales nexistaient pas. Lidologieinculquait la foi en lharmonie providentielle, elle promouvait lorthodoxie et lobissance ltat, et elleattachait peu dimportance la libert ou au salut de la personne humaine. Elle ntait servie par aucunclerg distinctif. Ctait un culte dtat dont les temples locaux taient entretenus et les rituels excuts parla bureaucratie, avec un comportement accommodant plutt quhostile lgard dautres systmes decroyances.

    Il ny avait pratiquement pas davocats et pratiquement pas de litiges, et les possibilits de contesterles dcisions de ladministration taient plus que restreintes. Les citoyens taient censs tre protgs par lesvertus confucennes de ladministration. Afin de dissuader toute vellit de corruption, les fonctionnaires nepouvaient tre nomms dans leur rgion dorigine, et ils taient frquemment muts pour viter quils nesidentifient de faon trop troite avec les intrts locaux.

    Sauf lors des crises dynastiques, les militaires taient en gnral sous la coupe des autorits civiles. Alpoque des Ming et des Ching, la plupart des soldats taient issus de familles militaires par hrdit. Lesexamens requis pour larme taient moins difficiles et moins priss que les certificats des administrateurscivils. Les ministres qui soccupaient des affaires de larme taient gnralement des civils.

    La bourgeoisie urbaine (cestdire les ngociants, les banquiers, les dtaillants, les courtiers enmarchandises et affrteurs, les chefs dentreprises dans les secteurs tels que les textiles, lhabillement ou latransformation des denres alimentaires) tait pleine de dfrence lgard de ladministration et de la petitenoblesse, et elle tait soumise leur bon vouloir. Elle avait des guildes et dautres associations pour promouvoirses intrts, mais ne bnficiait pas des chartes et de la protection juridique qui taient accordes aux marchandsdes villes europennes (voir Cooke Johnson, 1995, pour une description de lactivit commerciale Shanghaientre le XIe et le XIXe sicle).

    Les bureaucrates avaient besoin dune longue formation littraire pour sassurer que la grande massedes documents administratifs soit dun style lgant et dune calligraphie agrable regarder. Les candidats des postes de la fonction publique devaient apprendre par cur les classiques confucens. Dans Legge(1960), ces classiques, avec leur traduction en anglais et des notes dexgse, couvrent prs de 2 800 grandespages, soit un total de plus de 430 000 caractres mmoriser (Miyazaki, 1976). Les textes qui avaient leplus dimportance taient ceux qui taient dj vieux de 1500 ans lpoque des Song. Ce systme avaitpour effet de renforcer le pouvoir de la tradition et de lorthodoxie, de sorte que lautorit intellectuelle dellite officielle tait difficilement contestable.

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    Les institutions dune bureaucratie aussi tentaculaire, responsable devant lautorit centrale et contrlepar elle, auraient t impensables si le papier et limpression navaient pas connu un dveloppement prcoce.Le papier fut officiellement adopt par la cour au dbut du IIe sicle pour remplacer la soie et le bambou (ilsemble toutefois que le premier papier chinois ait t disponible 400 ans plus tt). Le premier livre entierimprim tait une sotra bouddhiste datant de 868, et les techniques dimpression taient au point lpoquede la dynastie des Song. Le papier et limpression facilitrent le fonctionnement de ladministration, permirentdaccrotre dans de trs fortes proportions les supports de lecture bon march pour le systme denseignementet contriburent diffuser le savoirfaire technique. Les ditions des classiques confucens, les encyclopdies,les dictionnaires, les ouvrages dhistoire et de mdecine et de pharmacie, les livres sur lagriculture etlarithmtique bnficiaient du patronage de ltat. Des entreprises prives et des libraires sattachrentgalement favoriser la diffusion du savoir (Tsien, 1985).

    Le systme bureaucratique tait llment fondamental qui maintenait la Chine en tant qutat unitaire.Ladministration tait un instrument docile entre les mains de lEmpereur (dans la mesure o il nenfreignaitpas le mandat du ciel), mais elle exerait un pouvoir autocratique sur la population, pouvoir qui ntaitcontest ni par laristocratie terrienne, ni par une glise tablie, ni par un systme judiciaire, ni par desintellectuels dissidents, ni par les militaires ou la bourgeoisie urbaine. Elle utilisait un langage crit commun toute la Chine, et lidologie confucenne officielle tait profondment ancre dans le systme ducatif.Ce systme tait relativement efficace et peu coteux grer par rapport aux modes de gouvernement multiples strates de lEurope et du Japon prmodernes. Il facilitait un contrle centralis en maintenant unrseau de communication efficace et des flux dinformation qui permettaient au pouvoir imprial de suivreles vnements et de ragir en consquence. Il permettait de maintenir lordre sans ncessiter un recoursmassif aux forces armes. Il crait la logistique (le Grand Canal) ncessaire lapprovisionnement dunegrande capitale impriale situe aux marches de lEmpire. Il soccupait de collecter limpt pour entretenirune maison impriale fastueuse et llite militaire. Il entretenait la Grande Muraille, vritable glacis dfensifcontre les envahisseurs barbares. Le maintien dune zone conomique unique ne signifiait pas un marchnational unique de marchandises cause du cot lev des transports, mais il avait un impact important ence quil facilitait la diffusion des techniques les plus performantes. Les nouvelles techniques que la bureaucratieparrainait ou favorisait pouvaient facilement tre diffuses grce aux documents imprims. Ainsi, lcartentre les pratiques les plus performantes et les pratiques courantes tait probablement moins important quilne ltait dans le systme polycentrique dtats en Europe.

    Limpact conomique de la bureaucratie fut gnralement trs positif dans le secteur agricole. Toutcomme les physiocrates franais du XVIIIe sicle, lEmpereur et ladministration pensaient que lagriculturetait le principal secteur dactivit o ils pouvaient dgager un surplus sous forme de taxes et de prlvementsobligatoires. Ils entreprirent des travaux hydrauliques pour soutenir lagriculture. Ils contriburent dvelopperet vulgariser de nouvelles semences et de nouvelles cultures en fournissant des conseils techniques auxagriculteurs. Ils installrent des paysans dans de nouvelles rgions prometteuses. Ils mirent en place unrseau de greniers publics pour assurer lapprovisionnement en denres impriales et lutter contre les famines.Ils firent raliser et distribuer des manuels dagriculture, des calendriers, etc.

    En dehors du secteur agricole, le systme bureaucratique a eu des effets ngatifs. Les fonctionnaires etla petite noblesse de la Chine impriale occupaient lessentiel de leur temps rechercher des rentes. Leursprivilges lgaux et coutumiers dfinissaient leur statut social, leur style de vie et leur comportement. Ctaitle groupe social qui dominait la vie urbaine. Ils ont empch la naissance dune bourgeoisie commerciale etindustrielle indpendante comme cela sest produit en Europe. Lactivit entrepreneuriale tait prcaire dansun cadre o la protection de lactivit prive tait si mal assure. Toute activit qui promettait dtre lucrativetait pressure par ladministration. Les grandes entreprises ne comprenaient que des monopoles publicsou des monopoles agrs par ltat. Les activits qui pouvaient tre rentables grce louverture sur lextrieuren exploitant lavance de la Chine en matire de construction navale et de navigation taient tout simplementinterdites.

    Il est une autre caractristique de cette civilisation bureaucratique qui a influ durablement sur ledveloppement conomique du pays : cest lidologie et le systme dducation confucens. Par rapport la situation dans les pays dEurope au Moyen ge, son orientation pragmatique lui confrait un avantage.Cest probablement pendant la dynastie des Song que lorthodoxie officielle a t la plus souple. Les

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    possibilits dinstruction ont t largies grce aux coles publiques, qui dispensaient un enseignement plusdiversifi que les coles bureaucratiques des dynasties suivantes. Le taosme et le bouddhisme perdaient duterrain. La pense noconfucianiste connaissait un renouveau et, lpoque, elle ntait pas marque par ledogmatisme dont elle sera empreinte les sicles suivants (voir Kracke, 1953, et Miyazaki, 1976).

    Needham (1969) estime que la bureaucratie chinoise relevait du despotisme clair et quelle tait plusrationnelle que la chrtient europenne ; avec une concentration des esprits les plus cultivs dans les postesde responsabilit, elle tait plus solidement ancre sur le mrite et donc plus favorable au progrs du savoirnaturel que le systme europen, qui se fondait sur le pouvoir militaire aristocratique. Aprs la Renaissanceet le dveloppement des sciences galilennes et newtoniennes en Europe, lavantage changea de camp. PourNeedham, la Chine na jamais t capable de dvelopper les bases fondamentales de la science moderne,telles que lapplication des hypothses mathmatiques la Nature, la parfaite matrise et lutilisation de lamthode exprimentale, la distinction entre les qualits primaires et secondaires, et laccumulationsystmatique de donnes scientifiques ouvertement publies (Needham, 1981, p. 9). Il ajoute cependantque lavance europenne tait due aux conditions sociales, intellectuelles et conomiques particulires quiprvalaient en Europe lpoque de la Renaissance, et quelle ne saurait tre explique par une dficiencequelconque de lesprit chinois ou de la tradition intellectuelle et philosophique de la Chine .

    La Chine na pas su relever de faon approprie le dfi occidental avant le milieu du XXe sicle,essentiellement parce que lidologie, la mentalit et le systme de formation de la bureaucratie favorisaientune optique ethnocentrique, indiffrente ce qui se passait lextrieur de la Chine. Il y eut des ruditsjsuites Pkin pendant prs de deux sicles. Certains, comme Ricci, Schall et Verbiest, entretenaient desrelations troites avec la classe dirigeante, mais llite chinoise tait peu curieuse de lvolution de la penseintellectuelle ou scientifique en Occident. A lpoque des dynasties Ming et Ching, la Chine se fermapratiquement aux changes extrieurs. En 179293, Lord Macartney passa toute une anne transporter600 caisses de prsents offerts par George III. Elles contenaient entre autres un plantarium, des globes, desinstruments mathmatiques, des chronomtres, un tlescope, des instruments de mesure, des instrumentschimiques, du verre glaces, des pices de dinanderie et dautres objets (Hs, 1975). Aprs quil eut prsentces cadeaux lEmpereur Chienlung Jehol, la rponse officielle vint en ces termes : nous ne manquonsde rien ... Nous attachons peu de prix aux objets bizarres ou ingnieux, et nous navons pas besoin non plusdautres objets fabriqus dans votre pays (Teng, Fairbank et al., 1954). Cette mentalit profondmentancre contribua empcher la Chine de sengager dans la voie du dveloppement protocapitaliste empruntepar lOccident de 1500 1800, et de participer par la suite des processus de croi