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© IStock/Getty Images DANS L’ACTU P.2 • CONFÉRENCE NATIONALE DES TERRITOIRES : LE GOUVERNEMENT JOUE L’APAISEMENT FOCUS P.4 • L’ESSOR DES PLU INTERCOMMUNAUX DROIT P.18 • ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES ET PAYSAGE SYNDICAL : GUIDE D’UN JARDIN À LA FRANÇAISE TERRITOIRES P.19 • DES COMMERCES À L’ESSAI POUR REDYNAMISER LES CENTRES-VILLES DOSSIER P.9 Économie circulaire : prenons le tournant ! Janvier 2018 • N° 226 Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org 5,50 E

Économie circulaire : prenons le tournant - adcf.org · ou de l’eau, dynamiser les circuits courts en matière alimentaire, recycler locale-ment les matériaux du bâtiment, réutili-ser

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DANS L’ACTU P.2• CONFÉRENCE NATIONALE DES TERRITOIRES :

LE GOUVERNEMENT JOUE L’APAISEMENT

FOCUS P.4• L’ESSOR DES PLU INTERCOMMUNAUX

DROIT P.18• ÉVOLUTION DES COMPÉTENCES ET PAYSAGE

SYNDICAL : GUIDE D’UN JARDIN À LA FRANÇAISE

TERRITOIRES P.19• DES COMMERCES À L’ESSAI

POUR REDYNAMISER LES CENTRES-VILLES

DOSSIER P.9

Économie circulaire : prenons le tournant !

Janvier 2018 • N° 226 • Mensuel édité par l’AdCF - www.adcf.org • 5,50 E

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Les promesses de l’économie circulaireAu moment où l’AdCF s’apprête à publier une nouvelle étude sur les projets d’économie circulaire dans les territoires, Intercommunalités consacre son dossier du mois à ce chantier émergent qui cherche encore son « modèle économique » mais offre d’importantes potentialités de relocalisation de l’emploi et de la valeur ajoutée.

L ’économie circulaire est-elle un simple phénomène de mode ou la promesse d’une transformation profonde des

modes de production et de consommation ? Les lois NOTRe et de transition énergétique de 2015 lui ont donné un socle juridique, invitant les acteurs publics à développer leurs stratégies d’économie circulaire dans les plans de prévention des déchets ou dans leur commande publique. Plus récemment, d’importantes assises pilo-tées par les ministres Nicolas Hulot et Sébastien Lecornu en ont fait un axe central de la feuille de route de notre transition écologique.L’économie circulaire va cependant plus loin que la seule prise de conscience écologique ou l’acte militant. Elle invite à penser autrement toute notre écono-mie, fait espérer une reloca-lisation de la valeur ajoutée, séduit par son potentiel de création d’emplois. Des études de France Stratégie comme des rapports de divers think tanks les évaluent à plusieurs centaines de milliers en France sur les prochaines années. Beaucoup font miroiter les richesses qui sommeillent au fond de

nos poubelles ou de nos déchèteries. Des réf lexions sont en cours pour encou-rager plus fortement le réemploi des matériaux et lutter contre l ’obsoles-cence programmée des produits via la réglementation ou la fiscalité.

Être ambitieuxEn raison de leur capacité à croiser leurs compétences en matière de déchets et de développement économique, mais aussi de planification énergétique et de gestion du cycle de l’eau, les intercommunalités sont des acteurs attendus de cette révolu-tion. D’ores et déjà, nombre d’entre elles s’essaient à structurer de nouvelles filières de réemploi, à relocaliser la production via des circuits courts, à organiser des boucles vertueuses d’écologie industrielle au sein

de leur territoire. Une étude réalisée par l’AdCF en partenariat avec Veolia, en cours de publication, met en évidence ce bouil-lonnement d’initiatives.

L’économie circulaire doit être prise au sérieux. Il convient d’être ambitieux avec ce nouveau concept et ne pas le réduire à un retour aux pratiques de bon sens qui prévalaient avant l’ère de la consomma-tion de masse. Les innovations technolo-giques contemporaines ouvrent notamment de nouvelles fron-tières pour le réemploi.Une erreur serait de limiter le périmètre de l’économie circulaire aux seuls déchets municipaux et à nos objectifs de recyclage. C’est en effet sur l’ensemble des flux de matière, de l’énergie à l’eau, des matériaux du bâti-ment aux déchets agricoles, qu’il faut agir, le gisement des poubelles domestiques n’en représentant qu’une très faible part (de 3 % à 5 % selon la manière de compter). Les collectivités doivent, de fait, veiller à ce que les futures réglementations sur l’économie circulaire ne se focalisent pas sur les seuls déchets municipaux, en leur imposant des nouvelles performances de tri, en hissant à nouveau la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur l’incinération ou en instaurant sans nuance la tarification incitative.

Des certificats d’économie de matière ?Pour être une vraie transformation, l’éco-nomie circulaire doit impliquer l’ensemble des acteurs et des activités : industriels, agriculteurs, professionnels du bâtiment…

Elle doit passer par une écoconception des produits, ce qui invite à renforcer le financement de l’élimination/reprise par l’amont (via l’élargissement des filières de responsabilité élargie des producteurs). Elle doit surtout inciter à une juste tarification des externalités négatives qui résultent des consommations de ressources. Sur le modèle des certificats d’économie d’énergie qui entament leur montée en puissance, pourquoi ne pas réfléchir à des certificats d’économie de matière ? Ce dossier d’Inter-communalités illustre les nombreuses ini-tiatives dans les territoires. Espérons qu’il y en aura beaucoup d’autres.

Nicolas Portier

Il convient d’être ambitieux avec ce nouveau concept

Cette transformation doit impliquer l’ensemble des acteurs et des activités

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Économie circulaire, les habits neufs du développement durable ?La notion d’économie circulaire détrône celle de développement durable qui s’imposait progressivement depuis les années 1990. Changement de modèle ou exercice de style ?

A lliant des aspects économiques, écologiques et sociaux, la notion de développement durable implique un

ajustement de nos besoins aux ressources naturelles disponibles, dans un souci de préservation de ces dernières pour les générations futures. L’économie circulaire conjugue les mêmes préoccupations mais place l’économie au cœur du modèle. Par opposition à l’économie linéaire, qui repose sur la chaîne « extraction de matières - production d’un bien - consommation du bien - production de déchets », l’écono-mie circulaire vise à optimiser l’efficacité des ressources pour générer de la valeur économique à chaque étape de leur utilisa-tion, limitant ainsi l’extraction de matières premières. L’ensemble du cycle de vie d’un produit est pris en compte par le biais de l’écoconception (intégration des impacts

environnementaux dès la conception), de l’allongement de la durée d’usage (réemploi, réutilisation et réparation) mais aussi par la gestion des flux (matières ou énergies) devenus déchets et leur réintégration dans le cycle de production.

Sensibiliser davantageProduire de l’énergie à partir des déchets ou de l’eau, dynamiser les circuits courts en matière alimentaire, recycler locale-ment les matériaux du bâtiment, réutili-ser les déchets des entreprises voisines… Certaines actions placées sous la bannière

de l’économie circulaire sont déjà déployées dans les territoires depuis longtemps, tels le réemploi ou le recyclage des déchets ménagers, du BTP... L’enjeu est d’accroître les volumes, de sensibiliser davantage pour systématiser des gestes de bon sens.

D’autres initiatives cherchent encore leur modèle écono-mique et n’existe-raient probablement pas sans un fort volontarisme et un

soutien financier des acteurs publics.Les communautés et métropoles exercent plusieurs compétences (développement économique, gestion des déchets, de l'eau et de l'énergie, aménagement…) et dis-posent d’outils opérationnels pour élabo-rer une stratégie locale et contribuer au

développement de modèles économiques robustes. Elles peuvent commencer par agir pour leur propre organisation, par exemple via la commande publique. En direction des habitants, les principaux leviers ont trait à la prévention et au tri des déchets. Les entreprises, quant à elles, doivent être convaincues de l’intérêt économique de changer leur système de production pour agir. Les communautés ont un rôle à jouer, avec les chambres consulaires, pour dif-fuser les expériences d’optimisation des process dans les entreprises, les mobiliser pour qu’elles identifient leurs complémen-tarités et se forment à l’écoconception. La mise sur le marché de produits recyclables ou générant moins de déchets est en effet indispensable pour limiter les rebuts sans exutoires à la charge du contribuable local.

Camille Allé

L’écologie industrielle pour un développement territorial durablePour Blandine Laperche, maître de conférences à l’université du Littoral-Côte d’Opale et vice-présidente du Réseau de recherche sur l’innovation, les territoires doivent envisager l’écologie industrielle comme un vecteur de diversification et de renouvellement économiques, susceptible de contribuer à leur attractivité.

L ’écologie industrielle correspond à l’utilisation des déchets – dont l'eau et l'énergie – comme matière première

d’une autre industrie (flux de substitution). Elle comprend aussi la mutualisation de la

fourniture des intrants productifs et celle des déchets pour favoriser leur recyclage (f lux de mutualisation). Elle est un des piliers de l’économie circulaire.S’appuyant sur une proximité géographique entre acteurs, l’écologie industrielle se déve-loppe sur un territoire donné – une ville ou une agglomération –, souvent industriel car les échanges de flux y sont potentielle-ment nombreux. C’est le cas à Kalundborg au Danemark ainsi qu’à Dunkerque,

pionnière en France. À l’heure où ces territoires cherchent de nouvelles voies de diversification, l’écologie industrielle peut être un outil dans le renouvellement du tissu économique. Sa mise en œuvre

peut faire émerger des milieux innovateurs, c’est-à-dire des espaces géographiques carac-térisés par des rela-tions étroites entre

acteurs économiques autour d’un objectif commun et générant des activités nouvelles (création d’entreprises, nouveaux biens et services, nouvelles filières).La coopération entre entreprises (par l’échange et la mutualisation de déchets) permet de réduire les coûts d’approvision-nement et de traitement des déchets ; elle engendre le développement en commun d’infrastructures et de compétences spé-cifiques. L’agglomération des activités

encourage les entreprises à se maintenir et se développer localement, en puisant avantageusement dans ce stock commun de ressources. L’attractivité du territoire est ainsi renforcée, certaines entreprises s’installant pour bénéficier d’un accès plus aisé ou moins coûteux à une matière première. La diversification économique peut émerger des filières existantes ou de la création de nouvelles (filières de traitement de réutilisation de déchets).

Une gouvernance adaptéePourtant, ce schéma vertueux se heurte à de nombreuses difficultés techniques (déchets complexes, non réguliers, insuffisants), économiques (coûts d’investissement), informationnelles (coordination, diffu-sion, confidentialité), organisationnelles (manque d’expérience), réglementaires (peu d’incitation), infrastructurelles (peu d’infrastructures support), humaines (manque de compétences)… La coopéra-tion ne se décrète pas !Les activités de services marchands (socié-tés privées d’ingénierie et de conseil) ou non marchands (administration territoriale, associations) peuvent permettre de réduire ces difficultés. Elles facilitent le recueil, la coordination et la diffusion des informa-tions et construisent des liens systémiques entre acteurs concernés. Elles favorisent l’acquisition ou le maintien de capacités par les agents, par la formation, l’éducation et l’aide à la décision. Elles mobilisent les com-pétences spécifiques relatives aux procédés, aux matières résiduelles et aux différentes façons de les valoriser. Elles accompagnent l’émergence de nouvelles pratiques et de

nouveaux business-models, comme celui de l’économie de la fonctionnalité.Le développement de l’écologie industrielle doit enfin s’appuyer sur une gouvernance adaptée. Principalement orientée vers la création des synergies, celle-ci doit égale-ment envisager les phases successives de construction d’un milieu innovateur. Pour cela, la coordination et le partage d’une vision commune autour d’un développe-ment territorial durable fondé sur l’écologie industrielle sont les maîtres mots.

Blandine Laperche, maître de conférences à l’université

du Littoral-Côte d’Opale

L'économie circulaire vise à optimiser l'efficacité des ressources pour générer de la valeur économique

L’écologie industrielle peut faire émerger des milieux innovateurs

L’écologie industrielle et la construction de milieux innovateurs

1. Écologie industrielle : flux de substitution et flux de mutualisation2. Dynamique de proximité - Effets d'agglomération3. Stabilisation des activités économiques - Création d'activités nouvelles4. Renforcement de l'attractivité locale5. Vers la construction de « milieux innovateurs » : innovation et diversification des activités

Gallaud D., Laperche B., Économie circulaire et développement durable :

écologie industrielle et circuits courts, Iste Éditions, Londres, 2016.

www.adcf.org • N° 226 • JANVIER 2018

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« La région apportera des outils aux intercommunalités »

Les régions ont un rôle de planification des flux de ressources, de mise en réseau, d’observation et de diffusion des pratiques en matière d’économie circulaire. Le point de vue de Jean-Michel Buf, vice-président en charge de ce sujet en Pays de la Loire.

Le projet de plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) est bien engagé. Quelles en sont les orientations en matière d’économie circulaire ?L’élaboration du plan a débuté en mars 2017 par une large conférence des acteurs puis a continué tout au long de l’année avec des groupes de travail thématiques très suivis, avec plus de 400 participants. Les grands principes ont été adoptés le 1er décembre ; suivront des réu-nions départementales, avant l’adoption du projet de plan par la région en juin 2018, puis la procédure administrative.Le plan d’actions Économie circulaire est évidemment intégré au plan Déchets et se donne trois objectifs : réussir la transition vers l’économie circulaire, accompagner les acteurs des territoires dans les démarches pionnières, développer l’économie circulaire dans les filières à haut potentiel, grâce à l’écologie industrielle par exemple. Bien sûr, la région prendra sa part dans son fonctionnement et ses compé-tences, comme la construction des lycées.

Comment la stratégie régionale pour l’économie circulaire s’intègre-t-elle au PRPGD ?La région s’est engagée au travers d’une convention avec l’Ademe à élaborer et mettre en œuvre un plan d’actions qui intègre l’offre des acteurs économiques ainsi que la demande et le comportement des consommateurs au sens large. Nous avons fait ce choix ambitieux car il nous semble logique d’agir le plus en amont pos-

sible. En effet, l’économie circulaire est un changement de regard sur notre société qui nous interroge sur notre consommation et sur l’offre.Les acteurs que sont les intercommunalités, les départements, les chambres consu-laires, l’économie sociale et solidaire, les réseaux d’entreprises ou encore les éco-organismes se sont fortement mobilisés car ils y voient une véritable opportunité

de développement économique dans les territoires. Deux attentes principales s’expriment : accélérer la mise en réseau des acteurs et les accompagner dans les démarches pionnières par des outils tech-niques et financiers, notamment des dispo-sitifs d’accompagnement des entreprises à tous les stades de vie des projets, des appels à projets pour susciter la mobilisation et faire connaître les initiatives…

Comment envisagez-vous l’articulation du plan Économie circulaire avec les actions conduites par d’autres acteurs, notamment les intercommunalités ?Le plan d’actions a pour principale voca-tion d’accompagner les territoires dans la mise en œuvre opérationnelle des démarches. Les intercommunalités sont en relation directe avec les entreprises, les administrés, les associations et les communes de leurs territoires. Ce sont elles qui connaissent le mieux tous ces acteurs et qui sont en capacité d’identifier des liens de coopération, de mutualisation possibles entre ces structures, pour autant

qu’elles abordent les démarches de manière transversale.

Pour l’heure, le mode opératoire n’est pas arrêté mais la région apportera des outils aux intercommunalités. Elle facilitera la mise en réseau des acteurs aux différentes échelles de territoire, contribuera à mettre en valeur et à partager les démarches engagées, mobilisera les partenaires dans les chambres consulaires notamment et communiquera sur les dispositifs d’ac-compagnement financier. Elle missionnera aussi les développeurs économiques de son agence régionale pour aider les services des communautés et métropoles à mettre en place leurs actions.

Propos recueillis par Camille Allé

Jean-Michel Buf, Vice-président Économie circulaire de la région Pays de la Loire view

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L’enjeu : amener les acteurs vers cette approche globale de la gestion des ressources

Il nous semble logique d’agir le plus en amont possible

L’écologie industrielle et territoriale, un enjeu fort pour les collectivitésLe modèle de l’économie circulaire peut s’appliquer aux territoires, notamment en travaillant sur l’optimisation des flux de matières et d’énergie qui transitent localement. C’est l’écologie industrielle et territoriale (EIT), dont la mise en œuvre doit respecter certains impératifs méthodologiques, comme l’explique dans cet article l’association Orée.

S ’inspirant des écosystèmes naturels où « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme », l’écologie indus-

trielle et territoriale (EIT) fait en sorte que les déchets et coproduits des entreprises deviennent des ressources pour d’autres

activités. Cette démarche opérationnelle s’appuie sur des dynamiques de partena-riat entre les acteurs locaux afin de mettre en œuvre des synergies de mutualisation (ressources, équipements, services…) et de substitution (vapeur, coproduits, déchets…) et ainsi engendrer des bénéfices écono-miques, environnementaux et sociaux à la fois pour les territoires et les entreprises.L’EIT est donc un moyen de renforcer l’attractivité d'un territoire, notamment en créant ou en maintenant des emplois locaux non délocalisables et en attirant de nouvelles activités. L’EIT encourage également la relocalisation de certains flux, ce qui limite la dépendance à l’importa-tion de matière et d’énergie et augmente

la résilience des territoires. Les entre-prises aussi y trouvent un intérêt, car la démarche permet de réduire les impacts environnementaux et de générer des gains économiques.

L'intercommunalité, acteur légitimeUn certain nombre d’éléments méthodo-logiques sont propres à la mise en œuvre de l’EIT. En amont, il convient de désigner qui en sera l’animateur. Ce rôle peut être assuré par une intercommunalité, acteur légitime au vu de ses compétences en termes de développement économique et de gestion des zones d’activités. Par la

suite, il convient de mobiliser les acteurs économiques et d’associer des compétences complémentaires présentes sur le territoire et nécessaires au succès de la démarche.Cette étape est essentielle pour procéder à la collecte des données, qui consiste à interroger les entreprises sur leurs f lux entrants et sortants de matières et d’éner-gie. Ces données sont analysées afin de repérer les synergies potentielles entre acteurs économiques. Ces opportunités de mutualisation ou d’échange doivent être étudiées au regard de leur faisabilité technique, économique ou réglementaire ainsi que de leur intérêt environnemental.

L’animateur doit ensuite accompagner les entreprises dans la mise en œuvre des synergies qui auront été jugées pertinentes.

Une démarche réussieAujourd’hui, on compte plus de 70 démarches en France et ce nombre continue de croître. Parmi elles, la Green Valley à Épinal existe depuis 2009. À l’origine, la communauté d’agglomération souhaitait développer une grappe d’entreprises sur la thématique des écomatériaux, notamment autour de la société Norske Skog. L’activité de ce fleuron de l’industrie papetière en Europe de l’Ouest rendait possibles des synergies avec les entreprises susceptibles de s’installer à proximité. C’est dans cette optique que le fabriquant de panneaux isolants en laine de bois Pavatex s’est implanté ici, bénéfi-ciant de l’achat mutualisé de la ressource en bois, de services mutualisés comme les infrastructures routières ou le gardiennage, et du partage d’énergie. Grâce à la chaleur fournie par la chaudière biomasse de son voisin Norske Skog, Pavatex a divisé par 5 ses besoins en énergie. Une démarche réussie grâce à la proximité et la confiance existant entre les industriels et la collectivité.

Stevan Vellet, association Orée

Les entreprises aussi y trouvent un intérêt

À Épinal, l'entreprise Pavatex bénéficie d'un partage d'énergie avec son voisin Norske Skog. / © Green Valley

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12 DOSSIER ÉCONOMIE CIRCULAIRE

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Le paquet Économie circulaire : où en est-on ?Depuis plusieurs années, la Commission européenne promeut un modèle alternatif au modèle linéaire centré d’abord sur les déchets et l’eau et, dans une moindre mesure, sur les achats publics et l’énergie. Dernier en date, le paquet Économie circulaire 2014-2019.

E n décembre 2015, la Commission européenne a présenté le paquet Économie circulaire pour 2014-

2019, un plan d’actions en plusieurs volets : production consommation, gestion des déchets, marché des matières premières secondaires, mesures sectorielles, innova-tion et investissement. Encore très orienté « déchets », il comprend quatre proposi-tions législatives visant à amender les direc-tives en vigueur : la directive-cadre relative aux déchets, la directive Mise en décharge des déchets, la directive Emballages et les directives relatives aux véhicules hors

d’usage, aux piles, accumulateurs ainsi que déchets d’équipements électriques et électroniques.Certaines de ces propositions relèvent d’obligations légales de réexamen des objectifs de gestion des déchets. Elles en fixent de nouveaux, communs aux États membres (recyclage de 65 % des déchets municipaux et de 75 % des déchets d’em-ballage d’ici à 2030…), et avancent des mesures concrètes, par exemple pour encourager les synergies industrielles ou inciter les entreprises à créer des produits plus écologiques.

En tant que colégislateur avec le Conseil de l’Union européenne, le Parlement a débattu du paquet Économie circulaire au sein de sa commission dédiée (Envi) et proposé des objectifs plus ambitieux. Sa position a été adoptée en séance plénière en mars 2017, à une large majorité. Le dialogue avec la Commission et le Conseil a débuté en mai 2017 sous la présidence maltaise. Par ailleurs, une plate-forme en ligne vise à faciliter le dialogue entre les acteurs des différents secteurs économiques.

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Quels financements ? Quelle rentabilité ?L’économie circulaire doit s’inscrire progressivement dans l’économie de marché et ne pas en demeurer à des initiatives militantes. Les acteurs publics disposent néanmoins de différents ressorts pour appuyer l’amorçage des projets, co-investir aux côtés d’acteurs privés ou redonner des avantages compétitifs à l’économie circulaire par les règles fiscales.

P our passer d’une démarche militante ou expérimentale à une approche résolument économique, marquée

par une attente de retour sur investissement des parties prenantes, une stratégie d’éco-nomie circulaire devra reposer sur une vision claire des projets opéra-tionnels, de leur rentabilité envi-sagée (immédiate ou future), du rôle attendu des acteurs publics (donneur d’ordres, politique d’achat, co-investisseur, tiers de confiance…), de leur capa-cité à fédérer des entreprises (qui, combien ?), et de mettre en œuvre des modèles économiques innovants.

À leur propre serviceNombre d’expériences prometteuses, portées par les prix élevés des matériaux et de l’éner-gie, ont perdu leur rentabilité au lendemain de la crise de 2008. Dix ans après, la reprise économique mondiale et la remontée des cours, de même que la compétition générale qui s’organise sur l’accès aux ressources, seront sans doute les principaux accéléra-teurs de la transformation qui s’annonce. L’économie circulaire va offrir de nouvelles opportunités pour le développement local et régional. La priorité sera de faire progres-ser la connaissance des flux « entrants » et « sortants » des territoires, de rapprocher les acteurs et d’imaginer de nouvelles formes de valorisation. Que ce soit à l’intérieur des parcs d’activités ou à l’échelle de leur bassin d’emploi, les intercommunalités ont un rôle d’impulsion à jouer pour fédérer, faciliter les échanges d’information, soutenir les expé-rimentations, développer des coopérations public-privé. Elles devront aider les entre-prises à créer de la valeur et des emplois. Mais aussi veiller à mettre l’économie cir-culaire à leur propre service, en optimisant leurs consommations de ressources et en valorisant leurs propres productions (boues d’épuration, méthanisation…).

À moyen et long termes, il est donc rationnel de faire le pari d’un véritable retour sur investissement pour les projets publics et privés d’économie circulaire. Pour autant, les initiatives de marché tardent à se manifester, faute de visibilité

des acteurs économiques et de capacité à prendre des risques. Les collectivités et institutions publiques peuvent se posi-tionner comme « tiers de confiance », voire investisseurs de long terme dans ce vaste chantier. En phase d’amorçage, elles peuvent mobiliser des aides de l’Ademe (exemple des Codec) ou du programme Horizon 2020 pour financer l’ingénierie amont ou le démarrage du projet. Mais ces appuis initiaux ne s’inscrivent pas dans la durée, pas plus que les prêts à taux bonifiés, les mécanismes de tiers-financement ou les avances rembour-sables. Le projet d’économie circulaire devra trouver sa rentabilité intrinsèque, même en cas d’apport en fonds propres.

Une créativité financièreDans une démarche militante, le crowd-funding ou financement participatif per-mettra d’accéder à des capitaux, mais il sera nécessaire de distinguer les soutiens apportés dans une logique de don (équi-valent-subvention) ou une démarche d’investissement (achat d’action). Même une société coopérative d’intérêt collec-tif (SCIC), aux bénéfices impartageables, doit trouver à terme son business-model. L’économie circulaire doit s’inscrire réso-lument dans l’économie de marché pour ne pas demeurer marginale. L’ensemble des

formes juridiques d’entreprise doit pouvoir soutenir les dynamiques nouvelles d’écolo-gie industrielle et de réemploi. De ce point de vue, de fortes demandes s’expriment en matière de fiscalité.

Les tables rondes sur l’économie circulaire organisées par le ministère de la Transition écologique ont à nouveau recensé les pistes possibles pour renforcer l’avantage com-pétitif du matériau recyclé. Pour certains, le signal-prix doit être situé en aval via la majoration de la TGAP sur les produits en fin de vie (incinération, enfouissement…).

D’autres, à l ’image des associations de collectivités (AdCF, Amorce…) plaident davantage pour des signaux-prix fixés en amont, à savoir des écocontributions ren-forcées des metteurs sur le marché. Enfin, nombre d’acteurs militent pour une modu-lation des taux de TVA, afin de favoriser le réemploi. Cette créativité financière, certes utile, ne doit pas faire oublier que les niches fiscales sont aussi des formes d’aides publiques, assimilables à des sub-ventions. Il sera nécessaire d’être assuré de leur pérennité pour bâtir des modèles éco-nomiques solides. Le changement de règles du jeu dans les prix de rachat des énergies renouvelables avait, en 2009, déstabilisé bien des filières industrielles naissantes. Tâchons de ne pas recommencer les mêmes erreurs au titre de l’économie circulaire.

Nicolas Portier

Le pari d’un véritable retour sur investissement à moyen et long termes

De fortes demandes de « signaux-prix » s’expriment

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13DOSSIER

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RETOUR D’EXPÉRIENCE : SMICTOM D’ILLE-ET-RANCE ET DES FORÊTS (ILLE-ET-VILAINE)

Ambition zéro déchetCouvrant cinq communautés de communes, un projet porté conjointement par deux syndicats de collecte et de traitement des déchets s’inscrit dans une démarche exemplaire d’économie circulaire.

L es syndicats mixtes de collecte et de traitement des ordures ménagères (Smictom) d’Ille-et-Rance et des

Forêts, en Ille-et-Vilaine, sont co-lauréats de l’appel à projets Territoire zéro déchet, zéro gaspillage. Ils ont lancé un ensemble de marchés pour la réalisation d’un écopôle et la réhabilitation de cinq des sept déchèteries du territoire. Cet écopôle regrouperait une déchèterie, un centre de préparation des matières et une maison du zéro déchet.Dans le cadre d’un appel d’offres ouvert, la sélection a été opérée sur trois critères classiques : la valeur technique (55 %), le prix (40 %) et les délais (5 %). La valeur technique du projet était évaluée suivant des sous-critères pondérés. 10 % de la note globale était ainsi affectée à « l’excellence environnementale du projet ». Une atten-tion particulière a été portée sur la com-préhension des enjeux environnementaux, l’éco-exemplarité de la structure et enfin la cohérence de la méthodologie proposée entre le modèle économique et les perfor-mances environnementales envisagées. Les pratiques de recyclage et de mobilité douce figuraient notamment parmi les éléments d’appréciation des offres des agences d’architecture candidates. Celle retenue anime par ailleurs un écosystème

d’acteurs économiques engagés sur des prestations écologiques.

Un « magasin inversé »Les prestations techniques attendues témoignent également d’une ambition écologique forte. La déchèterie de l’éco-pôle devra obtenir la labellisation Ademe 3. Outre certains équipements (bacs de dépôt

des gravats et des déchets verts, espaces de dépose-récupération…), elle devra être dotée d’un « magasin inversé » : comme dans un magasin de bricolage, mais à contresens, l’usager pourra utiliser un chariot pour dépla-cer ce qu’il apporte, puis être dirigé et/ou aidé par un agent spécialisé afin de valoriser – par réparation ou récupération – un maximum de déchets ménagers. Le cahier des clauses

techniques particulières demande égale-ment une sensibilisation du public par des consignes claires et un espace de démons-tration de la valorisation des déchets.Le centre de préparation des matières devra quant à lui permettre de réceptionner les matières issues des déchèteries, de les transformer et de les préparer en vue de leur valorisation. Il revient au prestataire d’étudier les différentes filières de déchets (gravats, polystyrènes, huisseries, huiles alimentaires…) pour proposer un modèle économique complet de valorisation. Les coûts de collecte, de transformation de la matière, les investissements nécessaires, les coûts évités, le coût humain, les recettes ainsi que les autres aspects techniques, humains et organisationnels devront être présentés.L’enjeu de ce marché de trois ans est la réalisation de l’écopôle. Avec cet obstacle : l’absence, dans certains cas, de référentiels normatifs pour les matériaux issus de la récu-pération. Ainsi, les murs en terre recyclée qui étaient initialement prévus pour construire l’écopôle et les déchèteries pourraient être remplacés par des techniques traditionnelles en cas de rejet par le contrôleur technique. La récupération se limiterait alors aux élé-ments non structurels (bardage, habillage…).

PHS

L’intégration d'objectifs d’économie circulaire demande une réflexion hors silos

Commande publique et économie circulaire : l’un au service de l’autreLa commande publique peut avoir d’autres buts que l’achat économiquement le plus avantageux, comme son inscription dans une démarche d’économie circulaire.

E n plus des impératifs de liberté d’accès et d’égalité de traitement des candidats ainsi que de transpa-

rence de la procédure, la recherche d’un achat économiquement le plus avantageux implique, pour la commande publique, une réflexion à l’échelle du cycle de vie de l ’achat. En cela elle est commune à l ’économie circulaire, qui prend en compte l ’ensemble du cycle de vie des

produits utilisés depuis leur fabrication jusqu’à leur destruction, en passant par des étapes intermédiaires de réparation et/ou de valorisation.Cette dynamique similaire intéresse à double titre les acheteurs publics que sont les communes et les communautés. Tout d’abord car ce sont les plus importants acheteurs de la sphère publique. Ensuite, car les compétences obligatoires et optionnelles des communautés et métropoles en font les fers de lance des politiques publiques envi-ronnementales : qu’il s’agisse de déchets, d’eau, d’assainissement ou encore de

mobilité, un objectif implicite d’exemplarité environnementale se fait jour.

La carotte et le bâtonLa commande publique peut s’avérer être un outil efficace à cet égard, à la double condition de bénéficier d’un portage poli-tique et d’une spécialisation des acheteurs publics. En imposant des obligations à ses prestataires tout en les « récompensant »

par l’attribution du marché (et son paiement), elle peut être à la fois la carotte et le bâton d’une politique volontaire d’économie circulaire.La phase de détermination du besoin, inévitable, doit intégrer des objectifs d’économie circulaire. Elle

demande ainsi une réflexion hors silos, pour identifier les besoins à long terme : des four-nitures ou des travaux peuvent être utilisés par des services différents à des périodes distinctes de leur cycle de vie. Les objectifs d’économie circulaire sont également servis par la phase de sélection des candidats : l’uti-lisation de critères techniques (et d’éven-tuels sous-critères) cadre les offres déposées dans une perspective d’éco-exemplarité. Les acheteurs publics doivent en revanche veiller à ce que ces critères et/ou sous- critères soient suffisamment précis, pour éviter de voir leur procédure censurée par le juge.

Des solutions vertesLa rédaction du cahier des clauses techniques particulières participe également de ce « ver-dissement » de l’achat public… à la condition que les solutions envisagées soient conformes à la réglementation et compatibles avec l’en-veloppe financière définie. Le développement d’offres écologiquement responsables rend de plus en plus envisageables des solutions vertes, tant en matière de fournitures que de travaux. À cet égard, l’animation d’un écosys-tème de fournisseurs et leur sensibilisation à l’économie circulaire par le service de la commande publique constitueront un atout,

y compris dans une optique de dynamisation du tissu économique local.De manière plus générale, et pour éviter une approche au coup par coup, le schéma de promotion des achats publics sociale-ment responsables, obligatoire pour les pouvoirs adjudicateurs dont les achats annuels dépassent les 100 millions d’euros, ou bien une charte des achats durables et responsables, se présentent comme des outils de structuration de la réflexion non contraignants. Ils font le lien entre les ambi-tions politiques et les pratiques concrètes.

Pablo Hurlin-Sanchez

Le projet d'écopôle entend mettre en cohérence modèle économique et performances environnementales. / © IStock/Getty Images

JANVIER 2018 • N° 226 • www.adcf.org

14 DOSSIER ÉCONOMIE CIRCULAIRE

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RETOUR D’EXPÉRIENCE : COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION GRAND LAC (SAVOIE)

Un centre aquatique chauffé par les eaux uséesDepuis deux ans, la communauté d’agglomération Grand Lac valorise ses eaux usées comme source de chaleur pour son centre aquatique, couvrant ainsi 80 % de ses besoins en chauffage pour ses bassins.

À Aix-les-Bains, la valorisation des eaux usées a pris sa source en 2012. « Un habitant nous a parlé d’un ami

suisse qui récupérait les calories des eaux usées pour chauffer un lotissement, indique Christophe Touzeau, responsable de l’eau et de l’assainissement à la communauté d’agglomération. Nous avons trouvé l’idée intéressante et nous nous sommes déplacés en Suisse, où existe une logique globale de valorisation. »L’équipement le plus énergivore du territoire rhônalpin s’avère être le centre aquatique qui dispose, entre autres, d’un bassin olympique non couvert, exploité toute l’année. « C’est charmant de se baigner dans une eau à 27 °C dans les fumerolles. Mais c’est énergi-vore : 3 300 mégawatts contre 650 mégawatts pour un bassin couvert. La facture de chauf-fage au gaz s’élevait à 300 000 euros par an ! »

Les performances attenduesLa communauté d’agglomération est tout à la fois le producteur, l’abonné et le consom-mateur d’énergie, ce qui a facilité, sur le plan administratif, l ’avancée du projet. Lequel était en outre aisé à mettre en œuvre sur le plan technique. Une canalisation de 8 kilomètres fait transiter les effluents traités depuis la station d’épuration située le long du lac du Bourget jusqu’au Rhône, en passant à proximité du centre aquatique. « Il n’y avait pas d’intérêt économique à installer une centaine de mètres linéaires de tuyaux. »

Un bureau d’études a d’abord analysé le principe de retraitement des eaux usées à déployer. Puis, à l’issue d’un appel d’offres, l’entreprise retenue, Veolia, a mis en place une boucle de dérivation et un repiquage pour récupérer l’eau traitée dans un process de pompe à chaleur à plusieurs étages, « entrée au chausse-pied » dans le local tech-

nique. L’eau usée retraitée arrive à 11-12 °C et permet de chauffer les bassins à 27 °C. « C’est un système automatisé et robuste, qui atteint les performances attendues quelle que soit la maintenance de la pompe à chaleur », précise Philippe Carrio, directeur du centre régional Arc Alpin Jura de Veolia.

Les eaux froides du lacL’investissement de 890 000 euros sera amorti au terme de la cinquième année d’exploitation, en 2020. Il a bénéficié des subventions cumulées de l’Ademe (225 000 euros sur le fonds Chaleur) et de l’agence de l’eau (260 000 euros via l’appel à projets Valorisation de l’eau). « Le système permet une économie de 80 000 euros par an et couvre 80 % des besoins, souligne Christophe Touzeau. Pas 100 % parce que les deux vidanges annuelles de 2 500 m3

d’eau nécessitent une grosse capacité de chauffage qui mobilise les pompes à chaleur et les chaudières. »Le centre régional Arc Alpin Jura utilise également ce principe de chauffage pour des bâtiments de stations d’épuration, à La Plagne et Courchevel notamment. « Nous développons le produit Énergid’o dans le cadre des contrats d’exploitation en

cours », ajoute Philippe Carrio. Deux études sont par ailleurs en cours à la communauté d’agglomération Grand Lac, l’une sur la valorisation des eaux thermales, l’autre sur l’exploitation des eaux froides du lac du Bourget, par exemple « pour refroidir des centres de serveurs informatiques », suggère Christophe Touzeau.

Anne-Sophie Blanchard

RETOUR D’EXPÉRIENCE : PÔLE ÉCO-INDUSTRIES DE NOUVELLE-AQUITAINE

Accompagner vers la performance « ressources »Le Pôle éco-industries accompagne les entreprises et territoires de Nouvelle-Aquitaine qui souhaitent réinterroger leur fonctionnement dans une approche d’économie circulaire et de transition énergétique. Zoom sur ses missions et ses résultats.

C réé en 2005, le Pôle éco-industries vise à favoriser les économies de ressources à l ’échelle des terri-

toires et des entreprises. Pour ce faire, il anime un réseau dédié à la promotion et au développement de la filière éco- industrielle (collectivités locales, syndicats, entreprises, associations, réseaux profes-sionnels, écoles et instituts de formation, universités, centres techniques…) et déploie

sur le territoire de Nouvelle-Aquitaine un centre de ressources en économie circu-laire. Financé par la région, l’Ademe et la Dreal, celui-ci a pour objectif de sensibi-liser, informer et animer, notamment via le réseau Recita, les acteurs économiques régionaux autour de l’économie circulaire. Le Pôle éco-industries propose également ses capacités d’expertise sur différentes thématiques en lien avec la transition éner-gétique et l’économie circulaire : efficacité matière, efficacité énergétique, écocon-ception, déchets, écologie industrielle et territoriale.

Monter en compétencesQue l’on parle d’énergie, de matière, d’eau ou de déchets, le Pôle invite les entreprises à réinterroger leurs procédés pour iden-tifier des pistes d’amélioration et mettre en œuvre des actions opérationnelles permettant des économies de ressources. L’accompagnement est généralement col-lectif, avec des groupes de 8 à 20 entreprises, en partenariat avec des communautés de communes ou d’agglomération. Pendant environ dix-huit mois, les participants

bénéficient de l’expertise du Pôle éco-indus-tries afin de monter en compétences sur le management de la ressource en entreprise, définir un plan d’action opérationnel et mettre en œuvre leur démarche (coaching, expertise et identification de solutions de financement). Ce dispositif permet d’initier une dynamique de groupe et d’apprentis-sage collectif, de favoriser les synergies interentreprises mais aussi de mutualiser

les coûts de formation. « Pour amener les entreprises à travailler sur la réduction de leur consommation de ressources, il faut leur faire prendre conscience de l’intérêt économique que cela représente, que l’on ne travaille pas uniquement sur la façon de produire moins de déchets ou de consommer moins d’énergie, mais aussi sur l’optimisa-tion de leurs process et sur des notions de

coût complet », explique Alexandre Dain, coordinateur technique du Pôle.

Des économies à la cléComment optimiser ses achats, diminuer ses pertes, favoriser le réemploi, maxi-miser la valorisation ou même repenser les produits pour réduire leur impact sur l’ensemble de leur cycle de vie… Des réponses sont apportées au cas par cas.

Une centaine d’entreprises ont été accompagnées sur des programmes de prévention des déchets, une cin-quantaine sur l’efficacité énergé-tique. « Pour les quatorze dernières entreprises accompagnées dans les Deux-Sèvres sur la prévention des déchets, ce sont 390 tonnes

qui ont été évitées en un an, pour plus de 180 000 euros d’économies ; côté énergie, pour vingt-cinq entreprises, on observe des économies de 510 000 euros par an, pour une réduction de 3,7 GWh par an, précise Alexandre Dain. Ces résultats facilitent la démonstration par l’exemple et l’adhésion de nouvelles entreprises. »

Camille Allé

L’agglomération est à la fois le producteur, l’abonné et le consommateur d’énergie

Apporter la preuve par l’exemple permet de convaincre les entreprises

Non couvert et exploité toute l'année, le bassin olympique du centre aquatique bénéficie aujourd'hui d'une source de chaleur plus économique et à l'impact environnemental réduit. / © C. Baudot

www.adcf.org • N° 226 • JANVIER 2018

15DOSSIER

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« Impliquer toutes les parties prenantes »Animé par l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement (Aura-EE), le réseau Rredd met en

relation les acteurs de la commande publique et diffuse les pratiques socialement et environnementalement responsables. À la veille d’une réorganisation structurelle prévue en 2018, coup de projecteur sur ces experts au service d’une commande publique plus durable.

Le réseau régional d’experts en matière de commande publique durable existe depuis 2002. Quel est son rôle ?Nous avons développé ce réseau au sein de l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement suite à la demande de trois collectivités – seulement – qui sou-haitaient être accompagnées pour intégrer des critères de développement durable dans leurs marchés publics. Aujourd’hui, Rredd compte environ 500 personnes et plus de 350 structures parmi les trois fonctions publiques, les bailleurs sociaux, les centres hospitaliers…Nous animons le réseau des acheteurs publics, d’abord par des rencontres thé-matiques et des conférences plénières qui sont autant d’occasions de coproduire avec nos membres, l ’objectif étant de mobiliser leurs connaissances et de dif-fuser leurs expériences. Nous proposons également des formations. Enfin, nous accompagnons – et c’est sans doute le

point le plus apprécié – les structures sur la nature même de leur commande publique, soit directement en les aidant à rédiger un cahier des charges responsable, soit dans l’organisation de leur commande publique, en amont du marché lui-même. L’un des aspects essentiels est d’impliquer toutes les parties prenantes, les services concernés et les entreprises. Sans cela, même un marché techniquement parfait a de grandes chances de ne pas être pertinent ou correctement mis en œuvre.Au delà des acteurs publics, nous cher-chons aujourd’hui à intégrer les entreprises

dans notre réseau, pour faire du développe-ment durable un levier de développement

économique local via les marchés publics. Nous insistons sur l’importance primor-diale, pour les entreprises, de se regrouper pour être à même d’élaborer des offres adaptées aux exigences de la commande publique, innovantes et imprégnées de développement durable.

Dans quels domaines les intercommunalités recourent-elles le plus aux outils d’une commande publique durable ?Ces dernières années, avec la fin des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz et la

soumission de ces marchés au droit commun de la com-mande publique, les intercommunalités ont dû notamment travailler sur la façon d’intégrer de nou-

velles clauses dans leurs marchés éner-gétiques. La garantie d’origine (GO), par

exemple, certifie que l’énergie a bien été pro-duite par telle ou telle source renouvelable, ce qui est le minimum éligible. On peut aussi privilégier les énergies renouvelables avec l’impact le plus réduit sur l’environnement. Les collectivités ont également la possi-bilité de demander une « additionnalité des modes de production », c’est-à-dire de choisir une installation de production neuve afin de soutenir le développement d’une filière, (ce qui peut s’accompagner d’un coût d’acquisition plus élevé). Début 2015, l’agglomération de Bourg-en-Bresse, par exemple, a opté pour l’achat de biométhane.Le réseau Rredd a produit par ailleurs des études ainsi que des guides techniques et juridiques pour préciser comment ces marchés peuvent intégrer des clauses et/ou des critères visant à développer des offres d’électricité ou de gaz d’origine renouvelable, voire d’autres exigences environnementales.

Propos recueillis par Camille Allé et Cécile Lacoste

Laurent Cogérino,Chargé de mission auprès du réseau régional sur l’écoresponsabilité et le développement durable (Rredd) au sein de l’agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes Énergie Environnement (Aura-EE)

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Nous accompagnons les structures sur la nature même de leur commande publique

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RETOUR D’EXPÉRIENCE : COMMUNAUTÉ DE COMMUNES ROUSSILLON-CONFLENT (PYRÉNÉES-ORIENTALES)

Local et bio dans les crèches ? C’est possible !Manger local et bio pour les jeunes enfants : l’idée, portée par les directrices et directeurs de crèche et les élus de la communauté de communes Roussillon-Conflent, se concrétise avec les producteurs locaux.

D eux crèches de la communauté de communes de Roussillon-Conflent se sont organisées avec les produc-

teurs locaux pour fournir des produits bio issus des circuits courts pour les goûters, desserts et collations des jeunes enfants de 3 mois à 3 ans. Les résultats sont là : des produits de meilleure qualité à un prix égal, voire moindre.L’idée d’améliorer la qualité des goûters servis émerge des directrices et directeur des crèches de la communauté. Courant 2012, ils rencontrent le comité dépar-temental d’éducation pour la santé des Pyrénées-Orientales et plusieurs associa-tions telles que Slow Food, Civam Bio, le Jardin École, Nature et Progrès, visant à lutter contre l’obésité en améliorant l’ali-mentation et à encourager la production locale. La démarche et les liens avec ces partenaires aident la communauté à repen-ser le programme alimentaire des jeunes enfants. « À l’occasion de la renégociation du marché des collations/goûters, les crèches de la communauté ont entrepris d’améliorer la qualité des produits servis, sans aug-mentation significative du budget global », explique Nadine Le Troadec, directrice du multi-accueil La Farandole.Ce projet ne concerne, pour l’heure, que les goûters, les desserts et les collations, qui représentent plus de la moitié des apports alimentaires des jeunes enfants accueillis. En équipe, les crèches ont

précisé leurs besoins (redéfinition des menus, des volumes, des modes de livrai-son, etc.) et se sont mises en relation avec les petits producteurs, en s’appuyant sur les associations locales pour les infor-mer de la démarche et connaître leur intérêt à fournir des volumes restants modestes. « Avant la réglementation de 2015, la procédure des marchés publics était souvent jugée trop lourde par les

producteurs locaux, surtout pour les petits volumes en jeu », précise Jean-Baptiste Labau, en charge des marchés publics de la communauté. Depuis cette date, un devis est établi avec les fournisseurs locaux, déterminant le volume et le prix annuels. « Cela simplifie les démarches pour les producteurs tout en respectant les principes fondamentaux de la commande publique. »

Éducation et santé publiqueLes services et les élus s’attendaient à un surcoût pour cet approvisionnement bio local. Mais grâce aux circuits courts, à la maîtrise des commandes et à la connais-

sance des fournisseurs, les dépenses sont au contraire maîtrisées, avec une réelle baisse des coûts. La qualité gustative et nutritionnelle des goûters et collations s’est nettement améliorée. Les enfants acquièrent des habitudes alimentaires plus saines, avec un double enjeu éducatif et de santé publique. Quant aux produc-teurs, en approvisionnant les crèches, ils s’offrent des débouchés locaux et se font connaître.L’extension de cette démarche aux déjeu-ners reste toutefois plus compliquée. Des produits frais, bio et/ou locaux peuvent certes être introduits dans les menus, mais le bio ne peut être généralisé à tout un menu du fait des contraintes réglementaires qui s’imposeraient au prestataire (cuisiner séparément le bio du non bio, etc.).

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On a gagné en qualité de produits servis aux enfants, avec une légère baisse des coûts

Les crèches proposent des goûters cuisinés à partir de produits bio issus du territoire, à un coût maîtrisé. / © Roussillon Conflent

JANVIER 2018 • N° 226 • www.adcf.org

16 DOSSIER ÉCONOMIE CIRCULAIRE