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Economie de proximité : réapprendre le développement local Rapport-avis du 24 novembre 2015 Rapporteurs : Sébastien HOREMANS Yann JOSEAU

Economie de proximité : réapprendre le développement local · de proximité mettent en mouvement les acteurs, tissent les liens nécessaires à la coopération, créent des habitudes

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Economie de proximité : réapprendre le développement local

Rapport-avis du24 novembre 2015

Rapporteurs : Sébastien HOREMANS Yann JOSEAU

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Le Conseil Economique, Social et Environnemental de Picardie, réuni en séance plénière le mardi 24 novembre 2015 à Amiens, sous la présidence de M. Serge CAMINE, Président,

En présence de : Marie-Françoise AUTRAN, Laurent BARBELET, Michèle BARRERE, Jean-Marie BERTELLI, Alain BETHFORT, Céline BOLLÉ, Jean-Michel BONDU, Yves BONNARD, Denise BOULINGUEZ, Jean-François BOURDON, Céline BRIDOUX, Yves BUTEL, Nathalie CAGNY, Jean-Yves CANNESSON, Dominique CARPENTIER, Nathalie CHAPITRE, Roger DEAUBONNE, Marie DELEFORTRIE, Véronique DESCAMPS, Stéphanie DEPRAETERE, Bernard DÉSÉRABLE, Stéphanie DOLIGEZ, Dany DOUDOUX-BERZIN, Etienne DUVAL, Gérald FROMAGER, Jacques GAVOIS, Laurent GAVORY, Robert GUERLIN, Sébastien HOREMANS, Yann JOSEAU, Lucien KLEIN, Elodie KOHL, Guy LACHEREZ, Yannick LAUDEN, Sylvie LEFEBVRE, Zéphyrin LEGENDRE, Gérard LEROY, Michel LEROY, Jean-Paul LESCOUTRE, Paul L'HÔTE, Thierry MARBACH, Philippe MARILLAUD, Alain MELCUS, Loris MONTACLAIR, Jean-Claude OLEKSY, Daniel PIPART, Myriam POIDEVIN, Roger POTAU, Laurent REGNIER, Hugues ROBITAILLE, Violette ROUÉ, Geneviève SABBE, Alex SEGHERS, Alain STORCK, Bernard THUILLIER, Gonzague TOULEMONDE, Denis VAL, Eric van STEENKISTE-DELESPIERRE, Philippe VAVASSEUR, Jacques VEZIER, Jacques VINCENT, Sibille WALLOIS

Ayant donné pouvoir : Bernard DÉSÉRABLE à Serge CAMINE Jean-Yves CANNESSON à Thierry MARBACH Stéphanie DOLIGEZ à Hugues ROBITAILLE Jacques VINCENT à Jean-Claude OLEKSY Jacques VEZIER à Robert GUERLIN Michèle BARRERE à Daniel PIPART Paul L’HÔTE à Gérard LEROY Denise BOULINGUEZ à Jacques GAVOIS Dany DOUDOUX-BERZIN à Roger POTAU Céline BOLLÉ à Jean-François BOURDON Jean-Michel BONDU à Yann JOSEAU Philippe VAVASSEUR à Loris MONTACLAIR Sylvie LEFEBVRE à Myriam POIDEVIN Michel LEROY à Jean-Paul LESCOUTRE Roger DEAUBONNE à Bernard THUILLIER Alain BETHFORT à Stéphanie DEPRAETERE Nathalie CHAPITRE à Lucien KLEIN Marie DELEFORTERIE à Yves BONNARD Denis VAL à Laurent REGNIER Yannick LAUDEN à Céline BRIDOUX Geneviève SABBE à Sébastien HOREMANS

Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions,

Vu la loi la loi n° 86-16 du 16 janvier 1986 relative à l’organisation des régions,

Vu la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République,

Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, Vu l’article 250 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (loi Grenelle 2),

Vu le projet de Rapport-avis élaboré par la Commission « Développement économique et emploi », Après avoir entendu MM. Sébastien HOREMANS et Yann JOSEAU, Rapporteurs, Après en avoir délibéré, ADOPTE le présent avis à l’unanimité des suffrages exprimés et 6 abstentions (Céline BRIDOUX, Véronique DESCAMPS, Yannick LAUDEN, Laurent REGNIER, Denis VAL représentant la CGT ; Lucien KLEIN représentant la FSU).

Le Président du Conseil Economique, Social et Environnemental Régional de Picardie

Serge CAMINE

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ........................................................................... 3

INTRODUCTION .............................................................................. 4

I. Economie de proximité : Contours et enjeux ................................. 5

1. La proximité : une attente de plus en plus prégnante de la société ............................. 5

1.1. Les différentes dimensions de la proximité : une notion polysémique ........................ 5

1.2. Un regain d’intérêt pour la proximité ........................................................................ 6

2. Les contours de l’économie de proximité ................................................................... 7

1.1. Propos liminaires ..................................................................................................... 7

1.2. Eléments de définition et de cadrage ........................................................................ 7

1.3. L’intérêt d’agir en faveur de l’économie de proximité ................................................ 8

3. La nécessité de replacer l’économie de proximité dans le cadre d’une vision plurielle

de l’économie ............................................................................................................... 9

II. Economie de proximité : un levier de développement pour la

Picardie ........................................................................................ 12

1. Développement local : quelques éléments de repères .......................................... 12

2. Les nouvelles tendances économiques : des répercussions positives sur l’économie

de proximité ............................................................................................................... 13

3. Des initiatives intéressantes menées en région .................................................... 17

4. Le développement d’outils de financement spécifique ......................................... 25

5. Le rôle des acteurs locaux dans la mise en place de cette dynamique ................... 26

III. Réinventer un modèle d’organisation au service du

développement local .................................................................... 29

1. La raison d’une telle proposition .............................................................................. 29

2. Vers la mise en place d’un nouveau modèle d’organisation ...................................... 31

IV – L’économie de proximité au service du développement local :

les préconisations du CESER .......................................................... 37

BIBLIOGRAPHIE ............................................................................ 44

ANNEXE ....................................................................................... 45

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REMERCIEMENTS Le CESER remercie les personnes auditionnées et celles qui ont collaboré à l’élaboration de ce rapport-avis :

- M. Alain BAHUCHET, Chargé de mission « Terroirs de Picardie » au sein du Comité

de promotion des produits de Picardie

- M. Jean-Yves BOURGOIS, Secrétaire Général de la Chambre Régionale de Métiers et de l’Artisanat

- Mme Carole CHANTRAINE, Animatrice du Réseau des Entreprises de Thiérache et de la Serre à la Maison des Entreprises de Thiérache et de la Serre

- M. Rachid CHERFAOUI, Président de la Maison d'économie solidaire du Pays de Bray

- M. Nicolas CHOCHOY, Docteur en Economie et Directeur de l'Institut Jean-Baptiste Godin

- M. Sébastien DOTTIN, Directeur Général de la BGE Picardie

- Mme Aline DOYEN, Présidente du PHMA, Pôle Industriel d’Albert

- M. Pascal FRADCOURT, Vice-Président en charge du Développement économique à Amiens Métropole

- Mme Marie GUILBERT, Responsable de l'équipe Filières Courtes et Chef de projet régional « Filières de proximité et Valeur ajoutée » à la Chambre d'Agriculture de la Somme

- Mme Claudine JACOB-TERNISIEN, Directrice d’Initiative Somme

- M. Jean-Paul LAROZE, Directeur de l’Agence de développement économique Aisne Développement

- M. Pierre MARTIN, Membre du CESE et rapporteur de l’étude intitulée « L’économie de proximité, une réponse aux défis majeurs de la société française »

- M. Gilles PICHERAN, Directeur de l'Agence de développement économique Sud Oise développement (SODA)

- M. Johan WARET, Responsable Réseau Artisans BTP à la Maison des Entreprises

de Thiérache et de la Serre Le CESER remercie également l’ensemble des personnes nous ayant renseigné tout au long de cette étude.

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INTRODUCTION

Dans un contexte de crise économique persistante, l’économie de proximité apparaît comme un des leviers de développement pour un territoire. Le concept de proximité semble d’ailleurs répondre de plus en plus aux aspirations des citoyens, souvent bousculés par une mondialisation de plus en plus présente.

L’activité économique de proximité peut s’avérer porteuse à la fois de croissance et de lien social, rendant son développement et sa valorisation d’autant plus importante. Il peut être opportun qu’elle soit davantage mise en valeur dans la mesure où elle constitue un vivier d’emplois existants et potentiels.

Elle est aussi, en réduisant le transport de la production, une réponse pertinente à l'enjeu environnemental important qu'est la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’économie de proximité – qui ne répond pas à une définition précise – recoupe des pans d’activité tournés essentiellement vers la satisfaction des besoins des populations et des entreprises présentes sur le territoire (artisanat, commerces, services, tourisme notamment), gérés à la fois par des entités issues de l’économie traditionnelle et des structures issues de l’économie sociale et solidaire (ESS).

L’économie de proximité revêt donc des caractères et des enjeux stratégiques et diversifiés (attractivité du territoire, développement de l’emploi, émergence et la valorisation des filières locales, circuits courts) qu’il semble intéressant d’examiner en région.

Si essentielle soit-elle, elle n’a pas pour autant vocation à remplacer les autres systèmes économiques. Economie de proximité et économie mondialisée ne s’opposent pas. Dans le monde ouvert qui est le nôtre, où la circulation des personnes, des biens, des services et des informations ne connaît pas de frontière, ces deux systèmes sont parfaitement complémentaires.

Il ne s’agit donc pas d’aboutir à une société locale vivant en autarcie. Il s’agit de souligner le rôle important que l’économie de proximité a à jouer pour préserver et développer l’emploi d’une part et pour dynamiser le territoire d’autre part.

LES OBJECTIFS DE L’AUTOSAISINE Le CESER a souhaité se concentrer sur ce pan essentiel de l’économie que constitue l’économie de proximité en travaillant notamment autour des questions suivantes :

- Comment créer et développer de nouvelles activités économiques durables qui mettent en valeur les ressources de nos territoires ?

- Comment développer l’économie de proximité en créant des entreprises qui répondent au plus près des besoins et attentes des picards ?

- Comment faire en sorte que les entreprises apprennent à travailler les unes avec les autres sur le territoire ?

- Comment dynamiser les logiques d’émergence de projets économiques ?

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I. Economie de proximité : Contours et enjeux

Le CESER s’est appuyé dans le cadre de cette autosaisine, et en particulier dans la première partie du document, sur le rapport du Conseil Economique, Social et Environnemental National de 2010, intitulé « L’économie de proximité : une réponse aux défis majeurs de la société française ». Il a d’ailleurs auditionné M. Pierre MARTIN, Rapporteur de cette étude. Il a décidé de s’approprier la définition des concepts tels que présentés dans ce rapport, afin de pouvoir se concentrer sur les préconisations à formuler au niveau régional.

1. La proximité : une attente de plus en plus prégnante de la société Pour bien comprendre ce qu’il faut entendre par économie de proximité, il convient avant toute chose de revenir brièvement sur la notion même de proximité, qui s’avère être une notion polysémique et relativement complexe dans la mesure où il n’existe non pas une, mais des proximités.

1.1. Les différentes dimensions de la proximité : une notion polysémique

Trois types de proximité peuvent être retenus :

- La proximité géographique : le territoire réunit, sur un périmètre déterminé, un certain nombre de personnes. Cette proximité physique peut favoriser les échanges et générer du potentiel. Pour autant, l’espace n’est pas en soi générateur de coordination. Pour que cette proximité géographique soit fructueuse, il faut que s’y adjoignent d’autres types de proximité.

- La proximité de coordination (ou organisée selon les auteurs) : elle est fondée sur la capacité des acteurs d’un territoire à se coordonner grâce à ce qu’ils ont en commun. Elle s’appuie sur l’existence de réseaux de toutes natures qui permettent de faire interagir les acteurs entre eux.

- La proximité institutionnelle : elle fait référence à des liens identitaires et à des valeurs. Elle fait que des individus, des entreprises, des collectifs peuvent se sentir complètement partie-prenante d’un territoire.

Le territoire, dans son aspect géographique, constitue un « récipient ». Les autres formes de proximité mettent en mouvement les acteurs, tissent les liens nécessaires à la coopération, créent des habitudes de travail et des relations personnelles entre les individus. C’est grâce à la combinaison de ces trois dimensions de la proximité que pourra exister un territoire en dynamique.

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1.2. Un regain d’intérêt pour la proximité Comme le souligne le CESE, la proximité est une valeur qui correspond de plus en plus aux attentes de la société. Ce regain d’intérêt constitue notamment une réponse aux changements de paradigmes et aux évolutions de la société. Pour J-L GUIGOU, cinq raisons majeures expliquent le retour du local : « la mobilité qui caractérise l’économie mondiale suscite, en retour, le

besoin de sédentarité ; l’éphémère engendre le besoin de repérer ; l’homogène entraîne

le besoin de différences ; la perte d’identité nationale suscite la montée en puissance des

régionalismes ; la mondialisation des marchés redonne une valeur accrue aux produits

locaux. »1

D’autres signes renforcent le besoin de proximité et les valeurs qui en découlent :

- L’évolution de la perception du travail, l’avènement d’une société de loisirs, la gestion du temps libre viennent contribuer aux changements des mentalités et posent de nouveaux enjeux : le bien vivre et le vivre ensemble.

- Les crises alimentaires que nous avons connues ont entraîné un besoin accru de

confiance et de traçabilité.

- La peur de l’économie mondialisée et de ses soubresauts renforce le besoin d’activités en dehors des marchés financiers :

• pour protéger les emplois de la délocalisation ; • pour mieux résister aux fluctuations financières.

- Une sensibilisation accrue de la population vis-à-vis de l'état de l'environnement

l'amène à réagir en raisonnant sa consommation, notamment en portant son choix sur des biens ou des prestations moins polluantes et moins « énergivores ».

Sur ce dernier point, on observe ainsi l’émergence d’une demande de proximité dans la commercialisation alimentaire. En effet, les habitudes de consommation des citoyens ont évolué ces dernières années. Beaucoup cherchent à allier une plus grande proximité (géographique mais aussi relationnelle) à une alimentation de qualité, favorisant ainsi le développement de réseaux de distribution de proximité. Cela se traduit de différents formes : points de vente collectifs (y compris sur les lieux de passage), réseau des AMAP2, marchés, vente directe à la ferme, boutiques dédiées – qui peuvent être gérées par des groupements de producteurs ou encore les plateformes de vente en ligne.

1 Guigou J-L, 1997, « Le paradoxe : Mondialisation-Territorialisation » Ed. L’Harmattan 2 Association pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne

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2. Les contours de l’économie de proximité Le CESER énonce ci-dessous la définition qu’il a retenue de l’économie de proximité mais n’est pas entré dans l’analyse de données chiffrées, tant ce travail est complexe en raison :

- de la variété des secteurs entrant dans le champ de l’économie de proximité ; - du fait que les secteurs concernés ne peuvent être intégrés dans leur ensemble

comme faisant partie de l’économie de proximité ; - de la référence à certains concepts économiques en émergence, non stabilisées et

difficilement quantifiables (voir plus bas).

1.1. Propos liminaires

Pour mener une réflexion sur l’économie de proximité, il faut la mettre en lien avec les travaux de recherche conduits par l’économiste Laurent DAVEZIES, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM) et titulaire de la chaire « Économie et développement des territoires ». Ses recherches ont contribué à montrer que le poids des activités de proximité dans l’ensemble de l’économie était loin d’être négligeable et que la création de richesses exportables ne constituait qu’un des mécanismes participant au développement de l’économie de proximité. Les travaux de Laurent DAVEZIES tendent ainsi à montrer qu’à l’échelle locale, la dynamique d’un territoire se développe en deux temps :

- Dans un premier temps, en fonction de sa capacité à capter de la richesse (revenu) à l'extérieur de ses « frontières » (il ne s’agit donc pas seulement pour le territoire d’en produire (PIB)) ;

- Puis, dans un second temps, en fonction de sa capacité à redistribuer ces revenus sous la forme de dépenses de consommation courante dans son économie locale pour stimuler ce que Laurent DAVEZIES qualifie de secteur d'activité domestique et que l’INSEE qualifie d’économie présentielle.

1.2. Eléments de définition et de cadrage

Le rapport du CESE définit l’économie de proximité comme un mode d’organisation de l’économie autour de la relation directe : relations des entreprises avec les consommateurs, relations entre entreprises dans un territoire. Elle accroît la valeur en contribuant au développement durable du territoire par les acteurs qui l’habitent. Elle se définit ensuite par son rapport au développement local. Elle regroupe sur un territoire des acteurs économiques qui coordonnent leurs activités, elle crée les conditions qui facilitent l’action collective. Elle est également source d’emplois induits et renforce la vitalité du territoire.

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Mais si les petites entreprises indépendantes font majoritairement partie de l’économie de proximité, elles ne sont pas les seules. Dès lors qu’elles ont un ancrage fort, de grandes entreprises peuvent aussi contribuer au développement territorial. Nous retiendrons ici l’approche du CESE qui scinde l’économie de proximité en deux grands pans :

- L’économie présentielle3 d’un côté : les activités centrées sur la satisfaction des besoins vitaux des populations locales et des touristes. Elle se compose des métiers qui se développent grâce à des populations consommatrices : artisanat de l’alimentation, volet circuits courts de l’agriculture, marchés, commerce de proximité, services à la personne, services à la santé, entretien de l’habitat, hôtellerie-restauration, etc.

- Une économie à dominante productive d’un autre côté, fondée sur la

rencontre entre activités économiques : l’installation de plusieurs entités sur un même site permet ainsi des effets de synergie et une mutualisation des moyens qui sont sources d’une compétitivité accrue. Ce pan est plutôt tourné vers les activités de service et de conseils aux entreprises, l’économie sociale et solidaire, l’artisanat de pointe.

1.3. L’intérêt d’agir en faveur de l’économie de proximité

L’économie de proximité est à mettre en lien avec le développement local. Il s’agit de se baser sur un territoire et de prendre en compte à la fois les besoins de sa population et d’agir en fonction des ressources du territoire et de ses singularités. Elle œuvre au développement local dans ses dimensions, économique, sociale et culturelle et constitue une réponse au défi de l’enjeu environnemental. L’intérêt de l’économie de proximité est souvent mis en avant pour le caractère non délocalisable de sa production et de ses emplois. Cela permet d’atténuer « les soubresauts de la vie économique », mais aussi de développer de l’emploi accessible au plus grand nombre, de renforcer la cohésion sociale, de réduire l’empreinte écologique des activités et de développer de meilleures réponses aux besoins des populations. Elle peut également constituer un facteur d’attractivité et de compétitivité des territoires. Elle permet le maintien de savoir-faire locaux indispensables. La présence sur un territoire d’un tissu d’entreprises artisanales, de commerces et de services aux entreprises, mais également de services (marchands et non marchands) pour l’entrepreneur, le salarié et leurs familles, est par ailleurs un critère déterminant dans les choix de localisation des entreprises.

3 L'économie présentielle (emplois et activités liés aux populations) est définie par l'INSEE comme les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes sur un territoire, qu'elles soient résidentes et touristes. Ces activités concernent notamment le commerce de détail, les services aux particuliers, le bâtiment, les soins personnels, l'éducation, la santé, l'action sociale, etc.

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En tout état de cause et quelle que soit l’activité, l’économie de proximité doit prendre en compte les nouvelles modalités de consommation, notamment les achats dématérialisés, ce qui implique qu’elle soit en permanence concurrentielle. Sous cette réserve, l’économie de proximité constitue une réponse à valoriser

face aux enjeux de développement des territoires.

Il est important ici d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’opposer économie de proximité et économie mondialisée, les deux étant complémentaires, comme nous l’avons vu précédemment.

3. La nécessité de replacer l’économie de proximité dans le cadre

d’une vision plurielle de l’économie

En complément de la production du CESE sur la question, il nous semble aussi nécessaire, pour élargir notre approche, de faire référence à des concepts économiques compatibles avec une approche diversifiée de l’économie de proximité.

En effet, pour le CESER, l’économie de proximité doit très largement dépasser le cadre de l’économie classique (c’est-à-dire le sens formel de l’économie qui tend à réduire l’économie aux mécanismes de marché) et prendre en compte les deux autres piliers sur lesquels repose l’économie : la réciprocité et la redistribution.

Nous nous réfèrerons ici à l’audition de M. Nicolas CHOCHOY, Docteur en économie et Directeur de l'Institut Jean-Baptiste Godin. Pour lui et le mouvement de pensée auquel il se réfère4, trois mécanismes existent, sans hiérarchie entre eux. Ces modèles vont être utilisés en fonction du contexte :

- L’échange - le marché : cela repose sur la rencontre d’une offre et d’une demande dans le cadre d’un système de marchés créateur de prix. C’est un mécanisme important de notre organisation sociale. Pour autant, la question de l’auto-régulation de ce marché se pose, se confrontant aux nécessaires mécanismes d’encadrement de ces derniers.

- La redistribution : se définit par des ressources qui convergent vers un centre pour ensuite être réparties par celui-ci. Les mutuelles, par exemple, se sont construites sur ce modèle, de même que certaines coopératives, notamment agricoles. Dans le cadre de ce système, on n’achète pas mais on cotise. Il existe beaucoup de systèmes publics ou privés redistributifs comme les fondations, la plateforme Tellement Prêt, etc. On est dans un mécanisme non-marchand mais monétaire.

4 L’économie substantiviste ou plus récemment nommée l’économie plurielle

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- La réciprocité - la symétrie : correspond aux actions qui ne prennent sens que dans la constitution d’un lien social entre les parties prenantes. Elle repose sur le triple mouvement de donner, recevoir, rendre. « Je donne car je sais qu’un jour je pourrais recevoir ». Les fondements de la réciprocité ne sont pas monétaires mais souvent, cela amène à structurer ces mêmes échanges monétaires.

Force est de constater que l’on utilise quotidiennement l’un ou l’autre de ces modèles. Coordonner ces mécanismes, ou simplement prendre conscience de leur interaction permet d’appréhender l’économie de façon plus globale, et d’ouvrir le champ des possibles en matière de développement économique. Il n’y a pas un mécanisme plus performant qu’un autre : certains sont plus ou moins bien adaptés aux situations rencontrées. C’est, schématiquement, ce que l’on appelle l’économie plurielle. Il convient en particulier de relever l’importance de la jonction entre ces différents modèles que l’on appelle l’hybridation économique (cf. schéma ci-dessous).

Echange, redistribution et réciprocité sont à la fois : - des ressources économiques ; - des mécanismes de circulation des biens et services ; - des mécanismes de diffusion de l’innovation (notamment l’innovation sociale).

Si la redistribution et la réciprocité sont également des mécanismes économiques importants aux côtés des marchés, elles demeurent difficiles à intégrer et à faire entrer dans les mentalités du fait en particulier des difficultés d’évaluation et de quantification (si l’on compare à la valeur monétaire qui reste facile à quantifier). Au regard de ces éléments, le CESER insiste sur le fait que l’économie de

proximité ne doit pas être abordée au travers du seul marché. Développer

l’économie de proximité, c’est à la fois développer localement les conditions de

marché, mais c’est aussi actionner les leviers de la réciprocité et de la

redistribution.

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Ces mécanismes tiers interviennent d’ailleurs de plus en plus dans les solutions mises en œuvre pour maintenir un commerce ou une activité de proximité, notamment lorsque le modèle traditionnel (un magasin développant sur sa seule activité de marché les marges nécessaire pour financer un poste de travail complet) n’est plus suffisant.

Dans ces cas en particulier, les pouvoirs publics doivent tenir une place importante au sein de cette économie plurielle.

Le CESER met en lumière, à travers ce triptyque, que de nombreux acteurs ont une place dans les schémas de développement économique de proximité, sans pour autant en avoir d’emblée pleinement conscience (certaines associations ou des pouvoirs publics en particulier). Elus, associations, producteurs, etc. ont dès lors en commun la responsabilité d'une information et d'une pédagogie efficace sur les outils et mécanismes existants. Par ailleurs, il importe de donner aux personnes qui le souhaitent le goût et les moyens de prendre des initiatives ou de se rattacher à un projet local plus pertinent. Cette problématique sera abordée de manière plus détaillée dans la quatrième partie de ce rapport.

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II. Economie de proximité : un levier de développement

pour la Picardie

1. Développement local : quelques éléments de repères

L'émergence du concept C'est vers la fin des années 50 que prend forme la théorie du développement endogène, développée par John FRIEDMANN et Walter STÖHR. Il s’agit d’une approche volontariste, axée sur un territoire restreint, qui conçoit le développement comme une démarche partant du bas, privilégiant les ressources endogènes. Elle fait appel aux traditions industrielles locales et insiste particulièrement sur la prise en compte des valeurs culturelles et sur le recours à des modalités coopératives. Le développement local possède une référence politique et économique qui prend son essor avec les politiques de décentralisation des années 1980, lorsqu’il a été donné aux collectivités territoriales la possibilité d’intervenir en la matière. Le développement local repose sur la capacité des acteurs locaux à s'organiser autour d'un projet, c'est-à-dire se fédérer autour d'un objectif de développement commun en mobilisant les potentialités et les ressources existant sur un territoire. Les différents intervenants d’un périmètre restreint vont agir et influer sur la vie économique de proximité. La nature même du développement local est d’accompagner les initiatives et adaptations locales au sein d’un « espace vécu ». L’économie de proximité est étroitement liée au développement local. C’en est une des composantes. Parce qu'elle s'enracine dans le local, l'économie de proximité participe au développement des territoires. L'action exemplaire et pionnière de la Picardie en matière de développement local. L'engagement de la Région Picardie dans une approche originale du développement local doit beaucoup à l'action pionnière de Pierre GUYARD. Maire de Saint Martin aux bois, celui qui deviendra Directeur adjoint des services de la Région a commencé son action en 1983 comme un élu local. Il souhaitait alors apporter à ses concitoyens les aides et accompagnements qu'ils étaient en droit de demander, mais qu’une commune de la taille de celle qu’il dirigeait ne pouvait pas assumer seule. Il chercha alors à se rapprocher de communes voisines pouvant apporter leur concours. De cette démarche, s'ensuivit une action plus ambitieuse qui, de la création du district du Plateau Picard à celle par le Conseil régional d'une quarantaine de « territoires » puis de 15 aires de coopération interterritoriale (avant même l’apparition des Pays de la Loi Voynet de 1999), fit de la Picardie un laboratoire national pour l'aide au développement local de régions à forte caractéristique rurale.

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Ce maillage des territoires favorisa les coopérations intercommunales. Le but était de les inciter à créer un projet commun de développement global, économique, social et culturel « par le terrain et pour le terrain ».

Le Conseil régional anticipera de manière précoce les politiques nationales d’aménagement du territoire. La législation n’a souvent fait que consacrer ce qui existait déjà, conforter les démarches préalablement engagées. La loi ATR de 1992 procurera des moyens financiers et humains aux structures intercommunales. A partir de 1987, le Conseil régional mettra en place le FDL (Fonds de Développement Local), un outil financier incitatif, afin de favoriser l’émergence de la coopération territoriale, et mettra à disposition des structures des chargés de mission territoire. En outre, la nécessité pour les territoires d’atteindre une taille critique et la volonté de créer des dynamiques entre urbain et rural seront déjà revendiquées. La LOADT de 1995 imposera l’élaboration d’un projet de développement. Dès 1992, le Conseil régional favorisera le passage à une territorialité de projet.

**** A noter également l’expérimentation intéressante réalisée par le Conseil régional en 1994, expérience visant à mettre à la disposition de structures communales des chargés de mission « prospecteurs de gisements locaux d'emplois » (PROGISELE). Leur rôle était de mettre en évidence des possibilités locales d'emplois et de mobiliser des acteurs dans leur secteur, afin de déterminer avec eux des créneaux d'activités. Les investigations des PROGISELE ont surtout concernées trois axes : aide à la mise en œuvre de gisements déjà identifiés ; réflexion sur des réponses à donner à des demandes exprimées localement ; mise en évidence de nouveaux gisements d’emplois.

Nous n’intervenons donc pas sur un terrain vierge de toute initiative et nous constatons que ces initiatives, parfois exemplaires à l’époque, n’ont été que peu consolidées sur la durée. Quelles qu’en soient les explications, il semble nécessaire de se pencher de nouveau sur cette problématique, l’environnement économique en mutation étant aujourd’hui particulièrement propice, à notre avis, à une réappropriation du concept. Analysons certaines de ces tendances.

2. Les nouvelles tendances économiques : des répercussions

positives sur l’économie de proximité Le CESER constate depuis ces dernières années un foisonnement de nouveaux concepts économiques qui apparaissent de manière plus ou moins spontanée, qui ne sont pas forcément structurés et qui, il faut le souligner, n’ont peut-être pas tous vocation à durer dans le temps.

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Bien souvent, ces nouveaux concepts apparaissent pour qualifier les modèles émergents qui suivent les mutations actuelles de nos modes de consommation. Ils tentent ainsi d’apporter des réponses aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux auxquels la société est (ou sera) confrontée. Ces nouveaux concepts constituent des enjeux importants pour le

développement local, car ils peuvent être de puissants leviers pour le

déploiement de l’économie proximité.

Parmi ces nouvelles tendances, le CESER a retenu celles qui lui paraissent les plus pertinentes dans le cadre de notre étude :

- l’économie circulaire ; - l’économie verte ; - l’économie collaborative ou économie de partage ; - la silver économie.

Il est important d’apporter quelques informations sur ce que recouvrent ces nouveaux concepts :

L’économie circulaire

L’économie circulaire propose un modèle économique basé sur la création de boucles de valeur positives à chaque (ré)utilisation du produit, avant sa destruction finale. Il s’agit de prendre le contre-pied du circuit de vie jusque-là linéaire du produit (fabrication – utilisation – destruction). Concrètement, selon François-Michel Lambert, Président de l’Institut de l’économie circulaire en France, l’économie circulaire consiste à « transformer les déchets en

matières premières réutilisées pour la conception de produits ou pour d’autres

utilisations. En d’autres termes, ne plus créer de résidus que les systèmes industriel et

naturel ne puissent absorber ». Les enjeux de l’économie circulaire sont les suivants :

- Optimiser l’utilisation des flux de matière et d’énergie / Repenser le cycle de vie de l’objet / Appréhender la question du réemploi5 ;

- S’interroger sur le modèle de vente avant de produire / Appréhender l’Eco-conception et l’Economie de la fonctionnalité6 ;

- Réfléchir et mettre en place une logique de coopération sur les territoires.

L’économie circulaire vise à repenser les modes de conception, de production et de consommation autour d’une logique territoriale.

5 Réemploi : Remise sur le circuit économique d’un produit ne correspondant plus aux besoins du premier consommateur 6 Economie de la fonctionnalité ou économie de l’usage : consiste en la vente de l’usage d’un bien ou de services associés, plutôt que la vente du produit lui-même, tout en intégrant les exigences environnementales et sociales des consommateurs

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A noter que la transition vers l’économie circulaire se concrétise en région avec le lancement du Réseau Economie Circulaire picard en juin 2015 et la mise en place d’actions et d’initiatives de plus en plus nombreuses.

L’économie verte L’économie verte évoque des modes de production respectueux de l’environnement, qui utiliseraient moins ou mieux les ressources naturelles et exerceraient moins d’impacts négatifs sur l’environnement. Le périmètre statistique retenu par la France pour l’économie verte recouvre le « noyau dur » des éco-activités et y adjoint les activités produisant des biens et services dits favorables à la protection de l’environnement qui, même s’ils n’ont pas pour finalité la protection de l’environnement, sont plus respectueux que les autres produits rendant le même service.7 La valorisation de la biomasse du territoire en est une illustration et permet de produire, à partir de ressources renouvelables (exemple : bois) et déchets organiques, des matériaux biodégradables (palettes, emballages, matériaux pour le bâtiment, etc.) et des énergies durables (bois-énergie, biogaz, etc.) tout en favorisant l’économie locale (filières bois, biogaz, agricoles, agro-alimentaires, chaufferies, etc.).

L’économie collaborative ou l’économie de partage

Facilitée par la culture numérique et la crise, l’économie collaborative, appelée également « économie du partage », se définit comme une activité qui permet à un individu de partager, gratuitement ou contre rémunération, l’usage d’un bien ou d’un service, cette personne pouvant à tout moment être le producteur ou le consommateur du bien ou du service. L’économie collaborative est basée avant tout sur une communauté de personnes, un groupement de citoyens cherchant à s’organiser en réseau. Elle se manifeste dans des domaines très variés, allant de la production (par exemple, via des fablabs), à la consommation (partage de voitures, échanges d’appartements, alimentation en circuit-court, etc.) en passant par le financement (financement participatif) et les savoirs ouverts (Wiki, etc.). Ce phénomène nouveau prend de plus en plus d’ampleur : « Revente, don, troc, location

de court terme, emprunt : tous ces modèles – monétarisés ou non, entre particuliers ou

par l’intermédiaire d’entreprises ou d’associations – peuvent permettre d’augmenter la

durée d’usage de biens consommateurs de ressources. Ils construisent une véritable

économie du partage qui se renouvelle sous l’essor des technologies numériques. »8

7 Cf. Dossier INSEE, « Définir et quantifier l’économie verte », L’économie française, édition 2012 8 Cf. « Économie du partage : enjeux et opportunités pour la transition écologique », Damien Demailly (Iddri), Anne-Sophie Novel (journaliste et auteure), IDDRI STUDY, N°03/2014, Juillet 2014

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Les exemples de ces pratiques sont nombreux, comme l’illustre le schéma ci-dessous.

Infographie, réalisée par Ask Media pour La Tribune, sur le développement de la consommation collaborative, selon une étude réalisée par TNS-Sofres en novembre 20139

Apparentée au départ à un mode d’organisation « en réponse à la crise » ou de « débrouille », l’économie collaborative se développe de plus en plus. Elle permet de réduire la consommation des ménages en mutualisant certains biens de consommation, diminue leur empreinte énergétique et favorise une consommation plus responsable (circuit-court, recyclage, etc.). Ce nouveau concept révolutionne l’échange de services.

La silver économie La Silver économie est l’économie au service des personnes âgées. Il s’agit de permettre et d’encourager les innovations qui vont accompagner l’avancée en âge et faire reculer la perte d’autonomie. Comme son nom l’indique la Silver économie n’est pas un « marché » mais une « économie » transversale qui trouve des déclinaisons dans de nombreux marchés. Ainsi, à l’instar de l’économie verte, le vieillissement de la population est une véritable « lame de fond » qui va impacter tous les secteurs : loisirs, transport, alimentation, sécurité, santé, domicile, habitat collectif, assurance, assistance téléphonie, internet, sport, etc. Tous ces marchés sont déjà en train de s’adapter ou de se décliner sur des segments liés au vieillissement de la population et au bien-vieillir.

9 Cf. http://blog.covivo.eu/infographie-la-consommation-collaborative-nest-plus-marginale/#ixzz3pJIc26Vz

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La Silver économie est souvent caractérisée par les outils technologiques au service de l’autonomie. Elle est également à mettre en lien étroit avec les services à la personne. Les emplois qui en découlent entrent le champ de l’économie de proximité et sont non délocalisables. L’enjeu est double : il s’agit de répondre aux besoins des personnes âgées tout en favorisant la création d’activités locales et donc le développement local. Les Régions ont un rôle important à jouer en matière. Les enjeux de la Silver économie nécessitent la création d’une filière qu’il faut organiser et structurer, de manière à regrouper et fédérer toutes les entreprises agissant pour ou avec les personnes âgées.

Comme nous pouvons le constater, ces quatre exemples de concepts novateurs

sont des opportunités de développement d’activités de service au local, pour

peu de les avoir en perspective et d’appréhender leur développement.

Ces nouvelles tendances économiques invitent en effet à une coopération entre

les acteurs sur les territoires, contribuent à redynamiser le développement

économique local avec à la clé des créations potentielles d’emplois.

Il conviendra d’être vigilant à ce que les emplois ainsi créés ne soient pas des

emplois précaires assis sur des activités sans viabilité économique réelle.

3. Des initiatives intéressantes menées en région

Nous avons identifié certaines actions menées en région qui participent au développement de l’économie de proximité. Citons quelques exemples :

Le développement de réseaux de distribution de proximité

La Picardie a souhaité promouvoir la consommation locale, en saisissant notamment l’opportunité que constitue l’émergence d’une demande de proximité dans la commercialisation alimentaire. Cela passe par la promotion des produits locaux et par la mise en place et le développement de réseaux de distribution de proximité. Les circuits courts10 et de proximité11 sont bien présents en région et il importe de les promouvoir dans la durée. Ils ouvrent de nouveaux débouchés aux producteurs agricoles.

10 Circuit court : commercialisation d’un produit par son producteur avec un intermédiaire maximum 11 Circuit de proximité : correspond à une filière de commercialisation de produits locaux (en circuit court ou non)

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Ils contribuent ainsi à maintenir ou diversifier une activité agricole (en apportant notamment une sécurisation économique) mais aussi à améliorer la qualité de vie des habitants et à renforcer l’identité du territoire. Un circuit court est un espace d’échange, de lien social. Ces circuits sont importants en termes de développement du territoire et permettent le maintien d’une vie rurale ou péri-urbaine. Afin de renforcer la notoriété des produits, la marque régionale « Terroirs de

Picardie »12, a été redynamisée. Elle est financée par le Conseil régional, les Chambres d’agriculture de Picardie et les producteurs. L’origine locale et professionnelle des produits est mise en avant à travers cette dynamique qui s’appuie sur :

- une communication globale au service de l’ensemble des produits et des producteurs de produits régionaux,

- une visibilité accrue pour tous et pour chacun autour d’une marque régionale.

Il importe également de savoir où et comment trouver les produits de cette marque régionale. Une synergie de lieux de vente s’est progressivement mise en place en place à travers des boutiques (Relais Terroirs de Picardie), des marchés ou encore des distributeurs agréés.

Les atouts des circuits courts et de proximité résident dans une grande diversité de produits, une répartition géographique des producteurs sur les trois départements, et par la présence de producteurs imaginatifs et innovants.

Les faiblesses des circuits courts et de proximité résident dans le faible nombre d’entreprises intermédiaires spécialisées (découpe de viande, transformation de légumes, conserves, etc.) ou encore l’absence de bassin de production spécialisé (les productions étant souvent éparpillées).

Il importe également de lever les a priori existants autour des productions locales, celles-ci étant souvent considérées comme plus chères, ce qui n’est pas systématique. � Citons également au titre des initiatives intéressantes la plateforme de

distribution de produits de Picardie mise en place en 2006. Cette association est

un outil logistique ayant pour objectif de promouvoir et commercialiser les produits alimentaires d’exploitations agricoles et artisanales de Picardie13 de façon à maintenir le maximum de valeur ajoutée dans les entreprises en aidant les producteurs à distribuer leurs produits. Véritable outil collectif, cette plateforme de distribution a pour clients des magasins de sites touristiques, des magasins de producteurs, des magasins de détails ou des grandes et moyennes surfaces.

12 602 produits sont référencés, issus de 92 producteurs ; près de 23,5 millions d’unités de vente consommateurs 13 Elle comprend 22 agriculteurs et 16 artisans de Picardie. Chiffres 2014 : Près de 230 clients, 198.500 articles vendus, 624 livraisons, 653 palettes

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� Faciliter l’accès aux produits locaux via une plateforme Internet : la

plateforme transactionnelle « somme-produitslocaux.fr » peut également être

citée.

Destinée à sécuriser l'activité des petits producteurs agricoles et aussi de permettre aux acheteurs locaux d'accéder à des produits de qualité, cette plateforme met en relation producteurs et acheteurs et leur permet de passer des commandes directes sur internet. Cette initiative constitue une première en France, en ce qu’elle est portée par les acteurs publics locaux. Lancée initialement dans la Somme, elle a ensuite été régionalisée (avec un outil de gestion de commande commun pour les 3 départements), ce qui constitue un véritable atout pour la Picardie. Inauguré en 2012, ce site permet à des producteurs travaillant en vente directe de proposer en temps réel leurs produits à des restaurants et des cantines de collèges. Progressivement, cette plateforme s’est développée et un site Internet pour les particuliers a ainsi été mis en place.

� Une autre illustration de ces alternatives de vente directe : la mise en place et

le développement des Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne

(AMAP). Les AMAP consistent en un partenariat qui s’établit entre un groupe de consommateurs et un producteur. Les consommateurs s’engagent sur une saison complète et paient la récolte à l’avance à un prix considéré comme rémunérateur pour l’agriculteur. Cet engagement se poursuit dans l’animation de l’association avec notamment une permanence de distribution. La solidarité est posée comme un principe de base.

Les AMAP contribuent à pérenniser l’agriculture picarde : - En encourageant un circuit court et écologique (moins dépendant de source

énergétique pour le transport, maintenant l’environnement sain pour les générations futures dans les pratiques agricoles encouragées, comme le bio), elles ouvrent la possibilité à certains agriculteurs d’avoir une plus grande autonomie économique.

- Elles ouvrent le chemin à de nouvelles pratiques de consommation, plus responsables, plus attentives à la qualité et à l’origine des produits.

- Elles favorisent une installation de jeunes agriculteurs, notamment par leur soutien effectif en avance en trésorerie.

Remarque

A noter que la loi sur l’Economie Sociale et Solidaire du 31 juillet 2014 a élargi la définition du commerce équitable en étendant son champ d’application aux échanges avec les producteurs au Nord, notamment en France. L’article 94 de la loi autorise désormais les entreprises à utiliser la mention « commerce équitable » sur les produits français. Dès lors, les entreprises mettant sur le marché des produits équitables (qu’ils soient Sud-Nord ou Nord-Nord) devront être en capacité d’apporter la preuve du respect des principes en lien avec le commerce équitable).

Cette extension va générer de nouvelles opportunités. En effet, cette évolution réglementaire va permettre de démultiplier le potentiel du commerce équitable, dont les principes et outils ont vocation à irriguer l’ensemble des pratiques économiques. Elle répond par ailleurs à une réelle demande sociétale en faveur d’un changement des modes de production et de consommation et fait écho à un large mouvement d’expérimentation sur les territoires (AMAP, épiceries solidaires, etc.).

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La coopération comme outil de développement : l’exemple du Pôle Industriel

d'Albert (PHMA)

Les pôles et clusters sont des lieux d’échanges entre les entreprises pour partager les connaissances métiers, les opportunités commerciales et les bonnes pratiques pour mener à bien des projets communs. L’audition de Mme Aline DOYEN, Présidente du PHMA, a permis de mettre en avant le pôle comme un facteur de développement économique de proximité.

Un des objectifs du PHMA est d’encourager le travail et les synergies inter-entreprises. Cela a des répercussions positives à l’échelle du Bassin d’Albert dans la mesure où la plupart les entreprises adhérentes au pôle voient leur chiffre d’affaire se développer, ce qui joue en parallèle sur le développement de l’économie de proximité. Elles dynamisent par ce biais le territoire ainsi que ses commerces, ses écoles, ses médecins, etc. Ce type de groupement est bénéfique pour un territoire. A noter que seules les entreprises installées physiquement sur le territoire d’Albert peuvent participer au PHMA. L’influence du PHMA se retrouve dans la vie locale :

- Au niveau des établissements scolaires : Présence au sein des Conseils d’Administrations du Collège Pierre et marie Curie et du Lycée Lamarck ;

- Au niveau des achats groupés qui sont opérés : Préférence locale dans le choix des partenaires économiques extérieurs ;

- Au niveau du développement du commerce de proximité : Sorties et frais de bouches réalisés sur le territoire.

De manière plus générale, l’influence du PHMA dans la vie économique locale peut se traduire de la manière suivante :

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Initiatives visant à répondre aux besoins des entreprises

La Maison des Entreprises de Thiérache et de la Serre (METS) La METS est une association de développement économique local créée en 1998, sous l’impulsion des élus et des chefs d’entreprise. Sa situation géographique particulière explique en partie le pourquoi et la nécessité de cette association, son originalité et son fonctionnement. Ses missions sont les suivantes :

- Accompagnement des publics fragilisés ; - Accompagnement au développement économique ; - Attractivité du territoire.

Cette structure n’a pas d’équivalent en région et fait le métier de plusieurs acteurs : chambres consulaires, Initiative Aisne (dont elle est le référent). Cette Maison des Entreprises a été mise en place pour combler l’absence de ces acteurs sur le territoire (elle couvre 200 communes, 6 communautés de communes et intervient sur un territoire vaste et assez rural). Les deux personnes auditionnées ont présenté la METS comme « un médecin généraliste », c'est-à-dire qu’ils sont une première porte d’entrée pour les entreprises, l’objectif étant ensuite de les rediriger vers le bon interlocuteur et de tenter de les aider. Le but premier de la METS est de travailler pour les entreprises du territoire : elle part toujours des besoins de ces dernières pour mener ses actions. L’existence d’un tel relai permet aux entreprises de travailler ensemble, d’échanger, de mutualiser certaines actions. Cela participe au maintien d’une activité économique de proximité. Des initiatives menées pour faire interagir les entreprises entre elles Nous citerons l’exemple de la CGPME Picardie qui a initié en 2015, avec la DIRECCTE, un projet lié à la transition écologique. Le choix a été fait de développer ce projet dans l’Aisne pour tenir compte des difficultés économiques rencontrées par ce département. Ce projet est décliné en deux modules :

1. Développement de l’économie de proximité

La CGPME Picardie a rencontré plus de 143 entrepreneurs locaux pour savoir s’ils étaient intéressés pour participer à un projet de développement de l’économie de proximité visant à relocaliser leurs achats non stratégiques. Plus de 90 entrepreneurs se sont montrés intéressés. La CGPME a échangé avec ces acheteurs potentiels pour connaître leurs besoins et centres d’intérêts. Il s’est avéré dans le cadre de cette étude que l’une des raisons essentielles du non achat local était la méconnaissance du tissu économique local. Suite à ces échanges, il a été décidé de créer une application (compatible avec la majorité des Smartphones du marché) et un site web pour permettre aux acheteurs d’identifier non seulement un fournisseur local, mais éventuellement les promotions du moment. Toute TPE, PME locale pourra se référencer gratuitement sur cette application.

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2. Innovation au service du développement durable

La CGPME Picardie a constaté que l’innovation n’était pas suffisamment développée au sein des TPE-PME. Pour développer l’économie de proximité au service du développement local elle a contacté un ensemble d’entreprises du Saint-Quentinois pour leur proposer d’innover ensemble sur un projet. Un certain nombre d’entreprises a répondu favorablement et travaille désormais sur un projet à destination des festivals et grandes manifestations publics. Cette innovation devrait permettre la création d’emplois dans les 5 ans et a permis de développer des collaborations locales entre les entrepreneurs du territoire, notamment un projet très ambitieux concernant les fourches de vélo et moto. L’ensemble de ces expérimentations pourrait être généralisé afin de développer l’économie circulaire, l’innovation locale et l’emploi.

Commerce de proximité : des initiatives menées pour allier numérique et économie de proximité En lien avec la numérisation grandissante de la société, certains exemples soulignent qu’il est possible pour les commerces de proximité de tirer bénéfice de cette réalité numérique. Or, allier numérisation et proximité constitue un défi dans lequel il faut avoir le courage de se lancer. Au titre des initiatives existantes, nous pouvons citer mon-cityguide.fr dont l’objectif est de créer un lien entre les commerçants et leurs clients via un service utile qui renseigne, facilite la vie et qui rapproche. Site vitrine de plus de 6.000 commerces et services sur la Somme, mon-cityguide.fr est un site gratuit à la disposition des consommateurs et des commerçants. Il se veut le moteur de recherche de référence des internautes du département. Pour les professionnels, la présence sur ce site permet d’être repérés facilement par les internautes et d’être visible sur la toile. Ce site permet aux clients potentiels de trouver un commerce, un service ou un restaurant en fonction par exemple des jours d’ouverture, horaires d’ouverture, accessibilité, service de livraison à domicile, etc. Il est par ailleurs doté de trois fonctionnalités supplémentaires :

- Une rubrique « Actualités », mise à jour quotidiennement, permet de se tenir au courant de l’actualité commerciale locale ;

- Une rubrique « Nouveaux commerces » met en avant les ouvertures des nouveaux commerces ou leur transformation ;

- Une rubrique dédiée aux offres promotionnelles en ligne et aux bons de réduction. Deux newsletters complètent le site. Envoyées chaque semaine, la première est à destination des commerçants et la seconde des habitués du site qui sont informés des évènements à venir et offres en cours. Des potentialités pertinentes pour l’économie de proximité peuvent découler de telles démarches.

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L’exemple de l’Hôtel d’entreprises de la Communauté de Communes du Val de Noye La Communauté de Communes du Val de Noye, analysant un manque d’entreprises artisanales sur son territoire a décidé de créer un hôtel d’entreprises14 afin d’encourager des artisans à s’installer (création d’activité ou réponse à un besoin de développement) sur son territoire. A cet effet, dans la ZAC récemment créée, elle a lancé un projet de 5 blocs de 200 m² destinés à des activités artisanales, avec également 250 m² de bureaux à des tarifs très bas (42€HT/m²/an pour les bureaux, 30€ HT/m²/an pour les ateliers). Cette démarche volontaire est un « pari » soutenu par les pouvoirs publics, démontrant la volonté de la Communauté de commune de développer l’économie locale. En effet, en cas de non location des bâtiments, cet investissement représenterait une charge pour cet EPCI. Cette démarche va permettre la création d’emplois à Ailly Sur Noye, mais également le développement de l’attractivité du territoire. Les EPCI sont probablement les structures les plus adaptées pour initier ce type de projet et participer ainsi au développement de l’économie de proximité.

Initiatives visant à faire remonter les besoins du territoire

Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE) du Pays de Bray : Coopérer dans les territoires pour innover et changer d’échelle « Un Pôle Territorial de Coopération Economique (PTCE) est un regroupement, sur un territoire donné, d’initiatives, d’entreprises et de réseaux de l’Economie Sociale et Solidaire associé à des PME socialement responsables, des collectivités locales, des centres de recherche et organisme de formation, qui met en œuvre une stratégie commune et continue de coopération et de mutualisation au service de projets économiques innovants de développement local durable. » (Le LABO de l’ESS, 2010) En Picardie, le PTCE « Maison des solidarités du pays de Bray », entend réunir les conditions nécessaires au développement de l’activité sur un territoire rural par la mise en mouvement d’une économie solidaire. Pour cela, ses membres ont décidé d’opérer une mise en commun et une intégration des structures et de leur organisation afin de développer l’activité économique sur le bassin d’emploi et de la rendre accessible aux publics prioritaires. Structurée autour d’un projet territorial de développement intitulé « Demain, le Pays de Bray », la Maison de l’économie solidaire, constituée sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), a fait le choix d’optimiser le suivi des parcours des personnes éloignées de l’emploi. Cette dynamique est complétée par un fort investissement mutualisé des membres de la SCIC en faveur de la formation professionnelle autour de deux principaux axes : les éco-activités et les services de proximité.

14 http://parc-activites-80.jimdo.com/nos-offres/hotel-d-entreprises/

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Aujourd’hui, le PTCE représente 145 ETP (équivalents temps plein) : - une association intermédiaire ; - une SARL espaces verts ; - un organisme de formation ; - une association de services à la personne ; - une association de gestion des déchets ; - une association d’éco-construction.

Plusieurs axes stratégiques ont été identifiés : tourisme et métiers verts, services à la personne, développement de l’artisanat, émergence d’une zone d’activité commerciale. La réussite de cette expérience s’explique notamment par le territoire sur lequel elle s’est développée, territoire particulièrement rural et peu propice, de prime abord, à ce type de développement. Le caractère permanent de cette aventure humaine, qui s’étend sur plus de 20 ans, constitue aussi une singularité particulière. La Fabrique à initiatives La Fabrique à initiatives, concept porté par l’Avise15 au niveau national, est un outil original favorisant l’émergence de projets porteurs d’emplois. Elle permet sur un territoire donné et en associant différentes parties prenantes du développement économique, de partir des besoins sociaux identifiés sur ce territoire, pour construire des réponses entrepreneuriales, créatrices d’emplois et relevant de l’Economie Sociale et Solidaire (il s’agit d’une logique ascendante, participative et ouverte, à l’opposé des démarches classiques). Cette démarche a été lancée en Picardie sur 5 territoires expérimentaux (Communauté d’Agglomération d’Amiens Métropole, Communauté d’Agglomération du Beauvaisis, Ville de Nogent sur Oise, Union des Communauté de Communes du Sud de l’Aisne, Communauté de Communes du Vermandois) en 2013. Pour les épauler dans la mise en place de cette expérimentation, quatre structures de terrain ont été retenues pour constituer des binômes sur les territoires : le Groupement Régional de l’Insertion par l’Economique de Picardie (GRIEP), la BGE Picardie, la Maison de l’Emploi et de la Formation du St Quentinois, et Grands Ensemble. Le Conseil régional, l’Etat, la CRESS (Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire), la Caisse des Dépôts ainsi que la fondation MACIF ont été les principaux pilotes de l’expérimentation. L’objectif était de renforcer et de déployer le soutien à l’émergence de projets d’entreprenariat durable afin de répondre aux besoins des territoires et identifier des potentiels d’activités :

- animation territoriale pour faire émerger des besoins non satisfaits et des opportunités d’activités économiques sur les territoires.

15 Agence d’ingénierie et centre de ressources, l’Avise agit pour le développement de l’Économie sociale et solidaire (ESS) en accompagnant l’émergence, la consolidation et le changement d’échelle des structures d’utilité sociale, créatrices d’activités innovantes et d’emplois de qualité.

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- construction de dynamiques territoriales d’entreprenariat durable pour structurer des regroupements d’acteurs, autour d’un projet collectif de développement d’une filière ou d’un secteur d’activité.

Une évaluation de cette initiative a été menée à l’issue de la période d’expérimentation (2014). Sans remettre en cause l’intérêt et l’utilité du dispositif, l’organisation de celui-ci sera revisitée pour optimiser son fonctionnement. Un nouvel appel à projet est en cours de publication par le Conseil régional.

4. Le développement d’outils de financement spécifique

Au même titre que se développent de nouveaux concepts économiques venant bouleverser les habitudes de consommations, de nouveaux outils de financement se déploient et ont vocation, par leur approche, à financer, dans des logiques de « circuits courts financiers », des projets concrets entrant dans le champ du développement de l’économie de proximité. A côté des réseaux de financements traditionnels, on tirerait profit à mobiliser ces nouveaux modes de financements au service du développement local.

Les financements alternatifs – une épargne régionale et de proximité

S’appuyer sur les financements alternatifs (micro-crédit, épargne locale, financement participatif) constitue de nouvelles façons de mobiliser une capacité d’agir sur un territoire le plus souvent dans un sens social et de création d’emploi du fait d’un réinvestissement local immédiat. Ces financements de proximité constituent de nouvelles solutions de financement en émergence. Nous citerons notamment :

- Le « crowdfunding » ou levée de fonds participatifs sur Internet réside dans la possibilité pour l’épargnant de sélectionner la destination finale de son épargne, c’est-à-dire le projet ou l’entreprise qui recevra cette épargne. Elle porte des enjeux majeurs dans la mesure où elle permet de financer des projets parfois délaissés par la finance classique. « Le financement participatif ou crowdfunding, est un mécanisme de financement

qui permet de récolter des fonds auprès d’un large public en vue de financer un

projet créatif ou entrepreneurial qui fonctionne le plus souvent via Internet. Il

existe trois grandes catégories de plateformes de financement selon que celles-ci

sont basées sur des dons, des prêts ou des investissements en fonds propres. Afin

de faire émerger en France un leader mondial de ce mode de financement, le

Gouvernement s'attache à créer un cadre réglementaire propice à son

développement. »16

16 Le Portail de l’économie et des finances - http://www.economie.gouv.fr/facileco/finance-participative-ou-crowdfunding

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En région, il est à noter que « Tellement Prêt », la plateforme Internet de financement participatif sous forme de prêt, portée par Initiative Somme, fonctionne particulièrement bien.

- Les Fonds d'Investissement de Proximité (FIP) : ils sont destinés à collecter l'épargne publique régionale et à l'investir sous la forme de prises de participations minoritaires dans des PME appartenant au même bassin régional.

Force est de constater que ces nouveaux types de financements, s’ils n’ont pas vocation à remplacer les financements traditionnels, peuvent permettre d’aller lever des fonds en encourageant des financements de proximité fléchés sur des projets identifiés, portés par les habitants du territoire.

5. Le rôle des acteurs locaux dans la mise en place de cette

dynamique

De manière générale :

Nous l’avons vu, le maintien ou le développement d’activité au local ne peut s’appuyer sur les seules logiques de marché. En ce sens, la mobilisation des acteurs au sens le plus large du terme est un processus qu’il convient d’encourager afin que les apports de chacun contribuent au développement économique local pour le bien du territoire dans son ensemble. Malgré cela, nous constatons bien souvent que les acteurs potentiellement intéressés à ces dynamiques :

- ont des habitudes de travail essentiellement cloisonnées (les Elus avec les Elus, les entreprises avec les entreprises etc.) ;

- ne sont souvent pas identifiés comme des acteurs du développement économique local à part entière (comme les associations en particulier, sachant que bien souvent ces dernières ne s’identifient elles-mêmes pas comme tel) ;

- ne sont pas légitimées comme acteur à part entière du développement économique (c’est souvent le cas des collectivités).

Or, l’esprit même du développement économique local réside dans l’hybridation des approches, des compétences, des savoir-faire et des réseaux. C’est grâce à une large concertation sur la question du développement économique d’un territoire donné que la pluralité des approches permettra de développer l’économie. Car, bien souvent, chacun dispose d’une partie du problème, ou de la solution. Côté pouvoirs publics, il est avant tout nécessaire qu’une volonté politique soit affirmée et que des moyens spécifiques de coordination soient débloqués. Les élus de proximité, en contact direct avec les habitants et les entreprises locales, sont potentiellement une ressource très précieuse d’identification des besoins sociaux. Ils peuvent aussi contribuer à mobiliser les énergies autour de projets structurants, tout en veillant à ce que des réponses entrepreneuriales ne se substituent pas à ce qui est assuré par l'action publique, avec un niveau de qualité satisfaisant, notamment pour tout

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ce qui concerne l'économie présentielle, en particulier la santé, la prise en charge de la dépendance, l'action sociale et l'éducation. Côté entreprise, l’intérêt de contribuer à la vie du territoire d’implantation rencontre un certain nombre de freins qu’il importe de lever. Si les entrepreneurs souhaitent très majoritairement contribuer au développement de leur territoire, ils disposent généralement de peu de temps, et d’une connaissance parfois insuffisante de leur environnement socio-économique. D’une façon ou d’une autre, une entreprise est en interaction avec son territoire et a, en cela, une responsabilité sociétale importante. Elle doit avoir l’occasion d’apporter sa contribution au « mieux vivre localement » et saisir ces occasions pour participer à l’effort collectif, car elle y a son intérêt. Côté vie associative, il est important que les associations qui sont en prise réelle avec les problématiques des territoires, prennent conscience qu’elles sont aussi des acteurs précieux du développement économique local et que leur contribution à l’animation du territoire est très importante. Et de manière générale, les habitants des territoires sont aussi des ressources privilégiées dans le développement local ; il convient donc qu’ils soient conviés, d’une façon ou d’une autre, à participer de ces dynamiques collectives. Mais la seule prise de conscience ne suffit pas. Afin de s’assurer de l’émergence d’une fertilisation croisée au service du développement économique local, il faut impérativement qu’un acteur anime un collectif composé de l’ensemble de ces parties prenantes. Que cet acteur créé les conditions de la rencontre, de la réflexion collective, de l’analyse des besoins et de la recherche des solutions. Bref, il convient de mettre en mouvement de façon intentionnelle un collectif d’acteurs motivé par l’enjeu du développement local. Le Conseil régional pourrait parfaitement être un acteur influent en ce sens.

La Loi NOTRe : une nouvelle organisation pour le développement économique

Outre les acteurs naturels du développement économique, le CESER porte une attention particulière aux possibilités données par la loi aux élus locaux de contribuer aux logiques d’émergence de projets économiques. En effet, la loi NOTRe rebat quelque peu les cartes en la matière en donnant la primauté de la compétence à la Région, notamment par le SRDE2I17 et en attribuant un champ spécifique au niveau communal et intercommunal.

17 Schéma Régional de Développement Economique, d'innovation et d'Internationalisation

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Le renforcement des responsabilités régionales se traduit par l’affirmation de la compétence de la région en matière économique ; le renforcement de son rôle en matière de transports, l’affirmation de sa compétence en matière de tourisme avec la notion de chef de file et la responsabilité de la mise en place de plans régionaux de gestion des déchets et d’aménagement / gestion durable du territoire. Cela constitue autant « d’outils » utiles à stimuler et à soutenir l’économie et le développement de proximité. Ainsi, l’article 2 de la loi permet à l’avenir à la Région de définir ses orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’internationalisation, d’aides à l’investissement immobilier et à l’innovation des entreprises, autant de champs d’interventions qui peuvent être déclinés au niveau local. Une capacité encore renforcée à soutenir le développement de l’économie sociale et solidaire. Il doit résulter de ce champ de compétence, réaffirmé et renforcé, une action régionale ouvrant la voie de la complémentarité avec les actions menées par les collectivités territoriales et leurs groupements. Cette dynamique est d’autant plus facilitée que la loi y pourvoit en prévoyant que la mise en œuvre du SRDE2I est susceptible de conventions entre la région et les EPCI à fiscalité propre dont les décisions doivent être compatibles avec le schéma en matière d’aides aux entreprises. Des EPCI dont l’article 65 de la loi prévoit que leur champ d’intervention économique est élargi18 à la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion de zones d’activité industrielle, commerciale, tertiaire, artisanale, touristique, portuaire ou aéroportuaire ; à la politique locale du commerce et soutien aux activités commerciales d’intérêt communautaire ; à la promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme. Les Conseils de développement devront, dans le cadre de cette loi, jouer un rôle de relai important, notamment par rapport aux initiatives et à la mobilisation de la société civile. Ce contexte législatif rénové ouvre des perspectives au développement économique local, outre la conception et l’installation de filières courtes viables et le soutien aux initiatives micro-économiques et de leur essor, il doit être mis à profit pour concevoir, tester et développer de nouvelles façons d’entreprendre. Il apparait en effet que des marchés potentiels existent localement, qu’ils sont pourvus par des acteurs extérieurs au territoire et qu’il est possible, sous réserve d’innover dans la façon d’entreprendre, de développer une économie de proximité viable pour pourvoir des besoins locaux avérés. Le préalable indiscutable d’une telle perspective est l’implication active de tous les acteurs institutionnels concernés, comme nous l’avons démontré précédemment.

18 Article L. 4251-16 CGCT

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III. Réinventer un modèle d’organisation au service du

développement local

Comme cela a été indiqué précédemment, « la clé du développement local se situe

essentiellement dans la mise en valeur des ressources propres d’un territoire

par ceux qui en connaissent toutes les richesses.» (CESE) Il importe pour ce faire d’adopter une vision endogène du développement local : le territoire fournit à l’entreprise, des infrastructures, une force de travail, un cadre de vie ; l’entreprise offre de l’activité, de l’emploi, de la consommation. La gouvernance territoriale devrait s’attacher à favoriser une attractivité qui soit le produit du territoire lui-même, notamment en encourageant les acteurs déjà présents à développer des activités en lien direct avec ce territoire.

1. La raison d’une telle proposition Il est ressorti des auditions menées le constat que de multiples acteurs intervenaient en matière de développement économique avec souvent comme prismes quasi systématiques :

- l’aide et l’accompagnement des créateurs d’entreprise ; - les actions ciblées pour attirer de nouvelles entreprises sur un territoire donné.

Les interventions de chacun s’organisent d’ailleurs souvent sans aucune harmonisation entre elles, et parfois même de façon redondante ou concurrentielle. Si les outils de développement économique mis en place sur les territoires fonctionnent plutôt selon des démarches descendantes (top-down), le CESER estime que l’intervention selon des démarches ascendantes (bottom-up) qui viseraient à

travailler à partir des besoins des territoires, constituerait une approche

complémentaire du développement économique traditionnel. Car identifier ces besoins et travailler à y apporter des réponses économiques adaptées enrichirait considérablement l’existant et permettrait vraisemblablement de faire émerger des capacités économiques dormantes. Le développement local fonctionne autour de cette approche ascendante. L’exemple du PHMA d’Albert montre bien l’intérêt d’une démarche collective et en quoi la coopération entre acteurs économiques d’un même territoire peut sécuriser un business territorial. Ces espaces de partage ont aussi permis d’identifier quelques points de blocage ou de limite de ce territoire (difficultés à fixer une main d’œuvre adaptée, provenant du territoire lui-même ou en mobilité professionnelle). Pourtant, des solutions existent pour répondre à ces problématiques de « services périphériques », essentiels pour fixer des populations par exemple. Il faut pour cela analyser et connaître le territoire, mais aussi travailler à l’émergence

de réponses adaptées à ces problématiques, réponses qui sont parfois

complexes et/ou longues à mettre en place (offre de services, culture, services de garderie, etc.). Or, comme cela n’est pas le métier des entreprises membres du PHMA, personne ne travaille réellement à leur mise en place.

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Il apparaît en effet que personne ne fait plus réellement ce métier d’animateur de dynamique locale au service du développement économique dans une logique ascendante de réponse aux besoins de ces territoires. Pour le CESER, cela constitue un véritable manque. S’il existe des organisations au service du développement local de proximité, leurs modes opératoires sont bien souvent calqués sur ceux des acteurs économiques comme les consulaires ou les syndicats. C’est en particulier le cas des agences de développement qui, malgré leur présence au plus proche du terrain, n’ont pas de modes opératoires réellement différenciés. Nos auditions ont montré que d’autres acteurs pouvaient être mis à contribution dans l’animation des dynamiques locales (par exemple les acteurs intervenant dans l’expérimentation de la Fabrique à Initiatives ou du PTCE). Dans le même esprit, les services de développement économique portés par les collectivités locales sont aussi des animateurs potentiels de telles dynamiques. En mobilisant ces acteurs, en identifiant les ressources de développement économique du local au national, en identifiant l’offre de services déjà existante et en mettant en synergie tout cela, nous considérons qu’il serait possible, pour le Conseil régional, d’optimiser les systèmes existants, d’utiliser les ressources en place19 et de différencier les approches afin que tout le monde ne fasse plus la même chose et que certains s’attachent à faire ce que d’autres ne font pas. D’où la volonté du CESER de formuler une préconisation visant à repenser le système d’appui au développement local. L’idée est de mobiliser l’ensemble des acteurs potentiellement intéressés par le développement local à l’échelle de territoires définis (les EPCI notamment) et de compléter leurs approches traditionnelles du développement économique par une approche partant non plus des besoins des porteurs de projet, mais des besoins du territoire. Il est effectivement pertinent de partir des attentes du terrain (population, salariés, consommateurs, etc.) et de développer une approche « sur mesure ». D’ailleurs, la grande disparité des territoires s’oppose de plus en plus avec la diffusion de modèles standardisés et applicables uniformément. En effet, aucun territoire ne se ressemble et n’a la même problématique. Aucune solution n’est adaptable de manière identique à un territoire. Dès lors, si l’on veut apporter les bonnes solutions, il faut sonder les personnes vivant sur le territoire (Quels besoins ? Quelles difficultés ?). Cette proposition est développée ci-dessous.

19 Les Ressources régionales : consulaires, syndicats, réseaux, structures d’accompagnement comme « Initiative Somme », etc.

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2. Vers la mise en place d’un nouveau modèle d’organisation

Le CESER propose que le Conseil régional travaille au développement d’un nouveau modèle d’organisation qui partirait spécifiquement des besoins des territoires. Il s’agirait pour cela de repenser et de redévelopper le métier de « développeur local », en parallèle du métier de développeur économique « traditionnel » (qui concentre son énergie sur l’accompagnement de l’entrepreneur lui-même). D’une certaine manière, la redéfinition de ce métier (qui existait déjà mais qui a peu à peu cédé la place en région à des métiers d’accompagnateur) est, pour le CESER, une manière de « réapprendre le développement local » et de jouer de manière favorable sur l’économie de proximité.

Le dispositif en schémas commentés :

Comme le montre le schéma ci-dessus, la quasi-intégralité des dispositifs de

développement économique centre leurs actions sur la réponse aux besoins des

créateurs/entrepreneurs.

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Une extension possible consisterait à se concentrer sur les besoins sociétaux

(économiques au sens large).

Ce nouveau schéma permettrait de fluidifier et d’enrichir considérablement l’existant en

termes d’action de développement économique.

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Quelques compléments d’informations :

Dans le cadre de notre proposition, le Conseil régional aurait ainsi à charge d’animer un réseau d’acteurs de développement local et d’intégrer cette dimension dans ses politiques économiques, d’autant que le futur SRADDET intègre la notion d’égalité des territoires qu’il faudra traduire de manière concrète. En revanche, il ne s’agit pas ici pour la Région d’agir elle-même directement sur les territoires, mais bien de cofinancer et d’animer un réseau d’acteurs de terrain. Ce sont ces derniers qui auraient cette fonction (au premier rang desquels, par exemple, les agences de développement).

Les points clés du « nouveau développeur local » :

Cette activité consistera à identifier les besoins, les projets du territoire, les initiatives économiques qui ne peuvent pas déboucher seules, et en particulier les projets complexes où il y a besoin d’un temps long avec des acteurs connaissant à la fois les ressources existantes à tous les niveaux et connaissant parfaitement le territoire. Il sera important de développer les coopérations locales et de décloisonner les approches entre les acteurs de ces territoires. Les points clés de cette approche renouvelée du développement local peuvent se résumer ainsi :

- Appréhender le développement local en se concentrant sur la logique de

circuits courts, services de proximité, économie du partage, économie circulaire, services aux personnes, aux entreprises, etc.

- Identifier les acteurs institutionnels ainsi que les acteurs potentiels et

créer les conditions de leur décloisonnement, et en particulier : • les élus locaux ; • les entreprises ; • les associations ; • les acteurs du développement local de manière générale.

- Mettre en place des espaces de coopération au service du développement

économique du territoire travaillant : • à l’émergence des besoins sociétaux spécifiques du territoire ; • à analyser, à confronter des solutions en terme de réponse économique et

à identifier des scénarios ; • à identifier des acteurs économiques du territoire en mesure de mettre en

place de façon concrète les actions identifiées ou, le cas échéant, identifier à l’extérieur du territoire des porteurs ou créateurs à mobiliser.

- Réaliser des pré-études de marché, des études de faisabilité PUIS aider

au démarrage de l’action elle-même.

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Les compétences recherchées pour mener cette approche renouvelée du

développement local :

- Des compétences en terme de « maïeutique » (capacité à faire « accoucher ») et à créer un réseau associant les acteurs d’un même territoire ;

- Des compétences en accompagnement à l’émergence et en gestion de

projets, et en particulier en suivi de projets complexes (sur du temps long) ;

- Une parfaite connaissance des « ressources » en terme de développement économique (du local au régional) ;

- Une certaine capacité à faire émerger le « bon sens » collectif et partagé.

Quel serait le rôle spécifique du Conseil régional ?

Le Conseil régional serait :

- « L’animateur » régional du processus, en veillant à un développement diversifié et équilibré des territoires (entre économie productive et économie présentielle) ;

- Il aurait en charge la « publicité » sur le processus, et en particulier auprès des collectivités territoriales partenaires à mobiliser ;

- Il contractualiserait avec les territoires (EPCI) pour la mise en place spécifique de cette fonction ;

- Il cofinancerait la démarche (sur la base, par exemple, de 50% des ressources humaines affectées au travail de terrain, en cofinancement de ressources locales) ;

- Il mettrait en place et animerait un pilotage partagé avec les structures régionales et départementales partenaires (Consulaires et assimilés, syndicats, partenaires financeurs, autres collectivités territoriales mobilisées) ;

- Concernant spécifiquement le métier : • Il assurerait un benchmarking national des méthodes existantes ; • Il assurerait la formation initiale et continue des développeurs locaux ; • Il animerait la mise en relation des développeurs dans des logiques d’auto-

formation collective ; • Il aiderait à la mobilisation des « ressources », du régional au local.

- Il assurerait l’évaluation permanente du dispositif, de manière à la fois

quantitative (sous forme de création d’emplois) et qualitative (sous une forme qui sera à définir a posteriori).

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Les résultats qui pourraient être attendus de cette nouvelle organisation en

grandes masses

Nous avons voulu vérifier, de façon macroéconomique, ce que pourrait produire un tel dispositif (entre une phase d’émergence de 2 ans et une phase de maturation ensuite). Cet exercice n’a pas d’autre vocation que de vérifier les impacts possibles en grandes masses et de vérifier la pertinence générale du dispositif.

� La base des territoires visés : les EPCI en région (a priori, ces territoires seront demain au nombre de 50 à 60) � Nous partirons, dans notre exemple, sur à minima ½ ETP sur la fonction de

développeur local sur chaque territoire � Ce qui correspond à minima au financement de 30 ETP (50 K€ en moyenne par ETP chargé x 30 plein temps – base un mi-temps sur chacun des 60 EPCI) ; � Financement de la moitié par le Conseil régional (la moitié restante étant à la charge des EPCI par exemple), soit 30 ETP x 50 K€… ce qui revient à une prise en charge

financière par le Conseil régional d’un montant global de 750 K€ par an

� Objectifs en termes de création d’emploi : - Les 2 premières années : 3 puis 7 emplois (ETP) créés

� Pour le Conseil régional : 60 EPCI x 3+7 ETP créés Soit un total de 600 ETP sur 2 ans Soit un ratio de 2,5 K€ par ETP créé

- Les années suivantes : 10 emplois (ETP) créés � Pour le Conseil régional : 600 ETP par an Soit un total de 600 ETP par an Soit un ratio de 1,25 K€ par ETP créé

Soit sur 6 ans (un mandat) 3.000 ETP pour 4,5 M€ pour un ratio global de 1,5 K€ /

ETP Si l’on étend le calcul sur la future grande région (base Picardie x 3), nous serions potentiellement en grande région sur la création de 9.000 emplois à minima

� La proposition formulée ci-dessus apparaît d’autant plus pertinente au regard de l’évolution du contexte actuel et de l’avenir des agences de développement économique. En effet, la loi Notre ne donne pas d'indication spécifique sur le devenir de ces agences. Concernant les agences départementales, une période transitoire est toutefois prévue par la loi. Les conseils départementaux peuvent maintenir les financements accordés aux organismes qu'ils ont créés antérieurement ou auxquels ils participent pour concourir au développement économique de leur territoire jusqu'au 31 décembre 2016.

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Le texte de loi précise que « pendant cette période transitoire, la région organise, en conférence territoriale d'action publique, un débat sur l'évolution de ces organismes avec les conseils départementaux concernés, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale qui y participent dans la perspective d'achever la réorganisation de ces organismes ». Il revient donc à chaque région de définir l’organisation qui lui convient le mieux. Il importe pour cela de ne pas supprimer ce qui existe et de continuer à s'organiser avec les acteurs présents et à bénéficier de leur expertise et de leur valeur ajoutée qui est la connaissance du territoire, quitte à les réorganiser administrativement, les agences étant pour cela des structures relativement souples.

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IV – L’économie de proximité au service du développement

local : les préconisations du CESER Le CESER préconise la mise en place du nouveau dispositif énoncé précédemment. Au regard du travail mené, le CESER formule également les propositions énoncées ci-dessous.

���� Promouvoir les productions locales

� Il s’agit de voir comment promouvoir davantage la consommation locale, en saisissant notamment l’opportunité que constitue l’émergence d’une demande de proximité dans la commercialisation alimentaire. Il importe de favoriser davantage les produits locaux et leur promotion. De même, le développement des circuits courts et de proximité doit être poursuivi. La création de valeur ajoutée et/ou sa réappropriation au niveau local participe en effet au maintien de structures agricoles viables et ouvertes sur leur territoire. Cela permet également de valoriser au mieux la production des agriculteurs et de répondre à une forte demande des consommateurs. Par ailleurs, le CESER souligne la nécessité d’outils d’abattage dimensionnés à ce débouché, de manière à favoriser ces circuits. Il préconise que ces petits outils soient accompagnés dans une logique d’aménagement du territoire (il faut les subventionner, comme cela se fait dans les territoires de montagne par exemple. Ils ne peuvent en effet survivre selon une seule logique économique. Il s’agit plus globalement d’une question d’aménagement du territoire et d’économie locale que d’un problème uniquement agricole). � Il importe également de développer les perspectives pour la plateforme Internet d’accès aux produits locaux, abordée précédemment. Il convient notamment :

- de rechercher de nouveaux acheteurs pour permettre un développement de l’approvisionnement ;

- de proposer d’étendre cette plateforme à l’approvisionnement des lycées de Picardie (un test a été réalisé en 2015 sur 5 lycées tests) puis aux collèges et lycées de la future grande région ;

- de mettre en place un logiciel commun afin d’éviter la création d’outils parallèles lorsqu’un EPCI souhaite par exemple lancer sa propre plateforme. Il conviendrait donc d’imaginer une déclinaison de l’outil : Offre de service à établir pour que ce soit déclinable par une communauté de communes par exemple (via la mise en place de filtre).

Cette dernière proposition se justifie dans la mesure où en NPDC, de nombreuses communautés de communes veulent développer leur propre plateforme. Le CESER insiste sur le fait qu’il s’agit d’un véritable atout de disposer en Picardie d’une plateforme régionalisée.

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� Vers la création d’une marque régionale comme facteur d’identité de la

nouvelle grande région

La promotion des produits locaux pourra passer par la création d’une marque à l’échelle de la nouvelle région avec les objectifs suivants :

- une marque promouvant les savoir-faire des territoires ; - une marque encourageant le sentiment d’appartenance à une région ; - une marque facilement identifiable par le consommateur et constituant le reflet de

l’excellence agricole et agroalimentaire de la nouvelle région ; - une marque qui doit s’imposer comme le signe fort de la nouvelle identité

régionale et ce, dès que possible. Il s’agit d’aboutir à une structure unique qui déclinerait une seule marque avec deux axes, visant à distinguer ce qui vient du secteur agricole, de ce qui a été transformé dans la grande région. Le pilotage et la gouvernance doivent être uniques (avec la possibilité de variantes au sein de la marque).

���� Développer les synergies entre les entreprises du territoire

� Un des pans de l’économie de proximité est fondé sur la rencontre entre activités économiques. Il convient de développer les synergies afin d’aboutir à une compétitivité accrue des entreprises présentes sur le territoire. Les entreprises doivent se rencontrer, se connaître et voir que pour un certain nombre de choses, il leur est possible d’agir collectivement. Cela peut prendre différentes formes : mise en place de services mutualisés, de groupements d’achats partagés, de groupements d’intérêt professionnels (GIP), de clubs d’entreprises, etc. Une illustration concrète peut être la mise en place de clubs d’innovation. � Développer des clubs d’innovation locaux sur les territoires

Principalement dans les zones d’activités, des PME se côtoient mais ne se connaissent pas ou peu. A l’instar de la démarche qui a été initiée dans le Saint-Quentinois (cf. supra), il est tout à fait possible d’envisager de réunir sur la base du volontariat des PME de services, industrielles, afin de les faire travailler ensemble sur un projet commun d’innovation.

Les conditions sont bien sûr que cette innovation ait des retombées locales, soit en termes de R&D, soit en termes de production, soit en termes d’emplois locaux.

Le CESER considère qu’il serait opportun de pouvoir réunir une équipe d’experts (via par exemple les syndicats interprofessionnels ou encore les chambres consulaires) qui serait chargée de rencontrer et d’animer des groupes de TPE/PME dédiés à l’innovation.

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���� Inciter les consommateurs à utiliser les commerces et services de proximité

� La mise en place d’annuaires électroniques locaux (applications pour smartphone, site web) pourrait permettre de développer l’économie de proximité en faisant connaître les commerces et services locaux, leurs spécificités. � La mise en place de drive d’artisans et de commerçants de proximité pourrait également constituer des projets intéressants. En effet, il s’agirait de promouvoir l’économie et les services de proximité en facilitant l’acte d’achat avec, par exemple, la mise en place d’un site Internet et la possibilité de commander en ligne, puis d’être livré à domicile ou de retirer la commande en magasin. Plusieurs entreprises (artisans, commerçants) peuvent se regrouper pour répondre aux attentes de la population et de la clientèle et développer ainsi leur activité. De telles initiatives pourraient être soutenues par la collectivité régionale.

���� Développer les conciergeries d’entreprises

Les conciergeries mettent à disposition des salariés d’entreprises des produits et des services « clé en main », destinés à faciliter leur vie quotidienne. A la différence des drives précédemment cités, qui s’adressent principalement à la population, la conciergerie est au service des salariés d’entreprises. En se regroupant ou en intégrant une conciergerie existante, les entreprises de proximité apportent une réelle valeur ajoutée. Le secteur des services (pressing, cordonnerie, etc.) ou encore le secteur alimentaire (boulangerie, etc.) ont en effet toute leur place dans ce type de projet. Le service au client peut être adapté de différentes manières, celui-ci peut commander en ligne et être livré, ou retirer directement les produits sur place. Les horaires d’ouverture peuvent aussi être adaptés aux besoins des clients (dépôt et récupération des courses). De telles initiatives pourraient être soutenues par la collectivité régionale.

���� Mobiliser l’épargne locale pour financer l’économie de proximité

Le CESER est intéressé par un autre aspect de l’économie de proximité : la mobilisation de l’épargne citoyenne pour financer des projets locaux. La diffusion à l’échelle régionale de cette approche et de ces outils méthodologiques peut constituer un pas en avant pour envisager un autre regard sur le développement économique local. L’implication de l’épargnant ou de l’investisseur local permet de créer du lien sur un territoire et de participer au développement de son territoire. Il faut laisser la place au citoyen. Les experts ne sont plus les seuls à être mobilisés. Des expériences de crowdfunding ont d’ores et déjà été menées par Initiative France en Picardie. Sous l’instigation de la grande région Nord-Pas-de-Calais Picardie, un fonds de

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financement régional de l’économie de proximité, éventuellement abondé par le conseil régional, pourrait être mis en œuvre sans coût important (marque blanche avec un prestataire existant), avec une marque rappelant la grande région.

���� Structurer la filière de la Silver Economie

La particularité de la Silver économie est d’être, pour une part significative, une économie de proximité. C’est une réelle opportunité pour le développement d’un emploi non délocalisable et à haute valeur ajoutée. Le CESER considère que le Conseil régional de Picardie pourrait initier le développement d’une filière de proximité dédiée à la Silver économie. Pour ce faire, il faudrait accompagner les entrepreneurs (dans le cadre de l’entreprise ou de l’ESS) en termes de financement, de formation et de coordination. Cette implication serait en accord avec les nouvelles compétences décidées par la loi NOTRe. La structuration de cette filière constituerait un véritable atout pour le territoire et pourrait attirer une certaine population.

���� Répondre à la problématique de désert médical

Le CESER considère que la création de maisons de santé intégrant plusieurs disciplines et permettant aux praticiens de ne pas être isolés est un moyen de développer l’attractivité des territoires, mais aussi de développer l’économie de proximité. En effet, la plupart de ces professionnels, en zone de désert médical, sont susceptibles d’alimenter les autres activités du territoire. Par ailleurs, il est opportun d’utiliser ces lieux de passage de la population locale comme moyen d’informer sur les services, commerces et autres éléments de l’économie de proximité. Dans les espaces plus ruraux, une telle problématique trouvera une réponse dans la qualité d’aménagement du territoire. Le déploiement rapide et complet du très haut débit sera un facteur déterminant, pour le secteur de la santé comme pour tous les autres secteurs d’activités économiques.

���� Se fonder sur les expériences menées par d’autres régions dans le cadre du

développement de l’économie de proximité

� S’inspirer de la démarche menée en Rhône-Alpes Le Conseil régional Rhône-Alpes a adopté en décembre 2012 une délibération pour développer l’économie de proximité et encourager les acteurs à porter un autre regard sur le développement économique local. Cette démarche vise à favoriser les échanges entre acteurs et territoires afin d’avancer ensemble sur le développement de cette économie de proximité.

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Le programme s’appuie sur une démarche innovante d’accompagnement d’acteurs économiques appelée « Institut de Management des Pratiques Locales » (IMPL) développée et mise en œuvre par Aradel. Cinq nouveaux territoires se sont engagés dans la démarche IMPL « Agir sur les leviers de l’économie de proximité » en 2013. En parallèle de cette démarche IMPL, des actions de sensibilisation sont menées sur le sujet au travers notamment de l’organisation annuelle des « rencontres régionales de l’économie de proximité », mais aussi de la diffusion d’une newsletter mensuelle dédiée. Enfin, publié en avril 2013, les « cahiers de l’économie de proximité » élaboré en lien avec ses partenaires et incluant leurs témoignages, doit permettre d’aider les territoires rhônalpins à appréhender ces enjeux dans la préparation d’un diagnostic et d’un programme d’action, et vise à partager largement avec l’ensemble des acteurs intéressés. Le Conseil régional Rhône-Alpes apparaît particulièrement volontaire dans la politique qu’il mène en faveur de l’économie de proximité.

Cela pourrait servir de référence pour le développement d’une politique plus globale en faveur de l’économie de proximité qui serait à mener en région. � Mettre en place un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) « Economie de proximité »

La Région Champagne-Ardenne a lancé un Appel à Manifestation d’Intérêt « Economie de proximité » pour le développement des services utiles à la population et pour le renforcement des filières économiques locales.

Les champs d’intervention de l’Appel à Manifestation d’Intérêt étaient les suivants : Ont été étudiés les projets/services créateurs d’emploi(s) favorisant :

- l’organisation innovante de services permettant l’accueil de nouvelles populations ou l’amélioration des conditions de vie de la population ;

- l’amélioration des conditions de vie et/ou d’accueil des personnes âgées dans le cadre de la Silver Economie (intégration de nouvelles technologies pour un meilleur accompagnement, coordination soin et santé, activités touristiques packagées « seniors », habitat adapté, etc.) ;

- le développement de systèmes alimentaires territorialisés ; - la valorisation d’un patrimoine naturel dans une logique de transmission des

savoir-faire locaux et/ou d’éducation à l’environnement ; - la structuration de filières locales (recyclage, économie circulaire), dès lors qu’elle

mobilise un collectif d’acteurs publics, privés, associatifs actifs dans le projet.

Les projets/services développés devaient : - Satisfaire un besoin peu ou mal couvert localement ou répondre à une évolution

du besoin de la population ; - Allier la création d’activités et d’emploi(s) à l’innovation (sociale, technologique,

organisationnelle…) ; - Proposer une (des) création(s) d’emploi(s) à court terme ; - Mettre au cœur de l’organisation productive les spécificités territoriales ; - Développer les partenariats locaux dans une logique collaborative ; - Présenter un caractère réaliste tant dans le montage technique que financier.

Une telle action pourrait être envisagée et déclinée en région.

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���� Valoriser les initiatives qui permettent d’introduire de nouvelles pratiques et de nouveaux liens entre les entreprises et des modèles d’innovation attractifs sur nos territoires (PTCE, pôles de compétitivité, etc.). Le CESER insiste par ailleurs sur une des évolutions possibles de nos modes de vie qui nous emmènera vers le télétravail, du moins partiellement. Les salariés concernés pourront avoir recours plus fréquemment aux commerces locaux, aux centrales rurales d’approvisionnement et ainsi encouragerons l’activité économique résidentielle locale. De manière plus générale, André Torre souligne dans un article intitulé « La réforme des régions, une chance pour le développement local ? », que « les nouvelles macro-

régions pourraient bien laisser la part belle aux processus de développement

territorial et à l’intense inventivité qui se manifeste au niveau des territoires. En

d’autres termes, constituer un appel d’air pour la démocratie participative et

ses innovations, pour les projets et les innovations favorables à la vie et à la

résilience des territoires. »

Une telle perspective ne se concrétisera que par une implication forte et constante des acteurs des territoires. Les dispositions de la loi NOTRe apparaissent comme autant d’opportunité dans ce domaine, dès lors que motivation et implication sont de mise.

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CONCLUSION Comme nous l’avons vu, l’économie de proximité est une stratégie vertueuse du développement économique. En effet, cette économie a le double attrait d’une part de créer de l’emploi durable et non délocalisable, et d’autre part de développer l’attractivité d’un territoire. A un moment où les dispositifs publics de développement économique vont être fortement bousculés par la mise en place de Loi NOTRe et la fusion des régions, nous considérons que ré-appréhender l’économie en se concentrant sur la proximité afin de répondre mieux aux besoins des territoires est une véritable opportunité. De plus, si le dispositif présenté dans ce rapport est mis en œuvre en grande région, l’estimation (en grandes masses) du coût budgétaire public par emploi créé est raisonnable et le nombre d’emploi créé est significatif (9.000 emploi). Pour le CESER, la politique du futur Conseil régional en matière économique devrait aussi développer un pan d’actions significatives sur le développement local. L’implication des EPCI, des élus locaux et de la population dans ces projets peut avoir un impact non négligeable sur l’image de la région auprès de ses habitants. C’est une source d’espoir et de motivation pour chacun. Nous souhaitons que cette problématique puisse être reversée dans le cadre de la prochaine région, et donc du prochain CESER.

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXE

Contribution de Pierre-Marie THOBOIS, Membre associé du CESER

Quelques repères historiques concernant le développement local et les

métiers de développeurs Le métier de « développeur local » a pris au cours du temps des formes très différentes selon l'environnement institutionnel et politique de la France. Après la guerre le redémarrage du pays nécessitait un rôle fort de reconstruction et d'aménagement du territoire français que seul l'Etat central pouvait jouer. Tout se décidait à Paris soit sous l'impulsion du Commissariat au plan, soit, par la suite sous l'impulsion de la DATAR qui donnait au gouvernement et aux parlementaires les clefs de l'action publique pour les grands. Les politiques d'aménagement ont eu, au cours de ces années 1950 / 1960 un rôle d'impulsion extraordinaire pour l'émergence de nouvelles réalités nationales et régionales (en Bretagne, Rhône Alpes; pour les énergies hydrauliques et nucléaires; pour les ports et aéroports; la conversion des charbonnages etc.). Ce rôle omniprésent de l'action « descendante » de l'Etat va progressivement être contre battue par le souhait des collectivités locales de jouer un rôle plus reconnu dans la prise de décision des actions qui les concernaient. Après l'échec du référendum de 1967, la « régionalisation » de 1982 donnera un cadre nouveau au développement régional et local. L'Etat déconcentre son action, tandis que les élus régionaux et locaux cherchent les voies d'une plus grande décentralisation. Dans ce contexte historique général, les années 1980 marquent donc une étape politique en rupture avec la prééminence de l'Etat central. Certains l'ont même appelée « révolution copernicienne » : démarrent alors un foisonnement d'expériences qui vont favoriser un développement local durable et pertinent. Toutefois, l'Etat voudra souvent y rester un acteur clé et ce, face aux Régions, fortes de leurs nouvelles compétences et aux initiatives et aux propositions des acteurs locaux. Quels ont été les instruments diversifiés de ce nouvel élan de développement local ? Pour schématiser, on peut repérer au moins quatre grands cadres d'action de développement territorial sur tout le territoire français et souligner quel a été l'engagement exceptionnel du Conseil régional de Picardie en faveur des actions territorialisées, toutes majorités confondues depuis cette époque.

- autour des bassins d'emploi et des pôles de conversion - autour des grands chantiers - par des initiatives diverses de l'Etat - au cœur des territoires ruraux

1. Autour des bassins d'emploi

Institués en 1983, les 348 bassins d'emploi sont, au départ, une tentative de l'Etat de créer une plus grande interaction des acteurs économiques locaux, par la création d'un « dialogue social territorial ». C'est une révolution en cohérence avec l'effort de déconcentration des actions de l'Etat qui accompagne la création de 22 régions par les lois Defferre en 1982. Les comités de bassin d'emploi (CBE) réunissent élus, chefs d'entreprise, salariés, techniciens des chambres consulaires et des organismes de

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formation, pour permettre par leurs échanges, le développement d'actions économiques et sociales sur le bassin d'emploi. Au service de ces comités, une équipe de permanents (personnes détachées souvent) travaillé à l'élaboration de cartes, d'études démographiques, d'analyse du tissu productif et des dispositifs de formation, etc. Ils contribuent à faire émerger des actions nouvelles et adaptées. Un comité national de liaison permet aux techniciens et politiques de ces CBE de faire circuler les bonnes pratiques. Mais, avec le temps, le rôle des CBE devient de moins en moins essentiel malgré les réformes de 1994 et 2011 ; les partenaires locaux perdent peu à peu leur esprit d'initiative. La loi Borloo les fera disparaître en les intégrant au sein des Maisons de l'emploi. Les animateurs de ces CBE ont acquis une dimension nouvelle au-delà de leurs compétences initiales liées à leurs structures initiales; leur rôle essentiel variait souvent selon les « disponibilités » des responsables politiques de leur structure (rôle de bureau d'études, de secrétariat technique ou de médiateurs).

2. Autour des pôles de conversion Certains bassins d'emploi, plus que d'autres, ont subi des mutations profondes (sidérurgie, textile, charbonnages etc.). Il convenait que l'Etat y dégage des moyens spécifiques massifs pour les aider. Après les zones de conversion de 1967, l'Etat en 1984 cibla 14 pôles de conversion – il y en eut 3 pour le seul Nord-Pas-de-Calais : Lens, Maubeuge, Dunkerque. Sur ces pôles, la dimension des problèmes n'était pas la suppression de quelques emplois : il s'agissait de la disparition de pans entiers de secteurs industriels ou de leur transformation radicale. Les plans sociaux se cumulaient, des familles entières perdaient leurs ressources, des dizaines de milliers d'emploi étaient en jeu ; la reconversion des personnes était un enjeu social et économique considérable. Comment développer de nouvelles activités quand on manquait cruellement des qualifications neuves et supérieures indispensables ? L'Etat réunit autour de ses sous-préfets tous les acteurs de l'économie et de l'emploi ainsi que les structures de formations pour créer des passerelles entre les différents secteurs professionnels ; les financements étaient à la hauteur des besoins : on créa pour cela le FNE (fonds national pour l'emploi) qui permettait de financer les formations (prix coûtant) aux qualifications nouvelles adaptées (surtout automatisation et maintenance industrielle). On fit évoluer l'approche des métiers en recherchant la mobilité des personnes non seulement par la valorisation de leur qualification mais aussi en valorisant leurs compétences. On créa aussi de grandes unités industrielles nouvelles (Renault Douai, Usinor Dunkerque, etc.) Ce type particulier de développement fut souvent porté par l'Afpa au sein du SPE20. Elle détacha auprès des sous-préfets des ingénieurs de formation pour coordonner l'action des partenaires locaux, mais aussi pour promouvoir des plans de formation intra entreprises adaptés aux mutations nécessaires. Ces actions furent déterminantes non seulement pour qualifier les salariés d'entreprises pour qu'ils puissent s'adapter aussi aux nouveaux emplois, mais elles permirent aussi de faire évoluer plus rapidement des formations qualifiantes pour adapter plus rapidement les organismes de formation eux-mêmes face aux évolutions inéluctables de l'industrie. Ce fut le début des diplômes par « unités capitalisables », la création de modules, la prise en compte et la valorisation de l'expérience « ouvrière » (préfiguration de la VAE). On créa même des « mentions

20 Service public de l'emploi qui rassemblait la Direction du travail et de l'emploi DRTE et de la formation DRFP ainsi que l'ANPE et l'AFPA

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complémentaires » aux titres et aux diplômes nationaux pour permettre à certains besoins industriels locaux de trouver des salariés compétents. La reconversion de la sidérurgie Lorraine et l'école des mines de Nancy jouèrent un rôle pilote dans la manière de gérer les populations locales en reconversion vers l'emploi.

3. Autour des grands projets La procédure de « grands chantiers » a été créée par le Ministère de l'Industrie après la construction de la centrale nucléaire de Chinon en 1957. Chantier considérable réalisé par des équipes de travaux publics salariés itinérants de grandes entreprises nationales et internationales. Un nombre considérable de caravanes envahirent la région, des métiers divers se développèrent le temps du chantier, beaucoup de commerces notamment étaient ainsi artificiellement dopés ; mais tout au long des travaux nombreux furent les riverains qui se plaignirent de nuisances diverses, et, bien sûr, quand le chantier terminé, beaucoup d'espoir de voir durer ce boom extraordinaire s'envolèrent avec le départ de ces travailleurs « nomades ». Désormais quand un grand projet de construction voit le jour, les élus du territoire peuvent demander à l'Etat de mettre en place cette procédure de grand chantier dont les principes sont les suivants : Appel est fait au mieux à la main d'œuvre locale ; pour cela le maître d'œuvre des travaux communique à l'équipe de pilotage du grand chantier choisie par le Ministère et le Préfet, l'ensemble du calendrier des étapes de réalisation. Ce calendrier détaille qui et combien de personnes feront quoi, avec quelles qualifications et pour quelles durées. Fort de ce planning extrêmement rigoureux, l'équipe de pilotage recrute et/ ou forme les personnes des environs volontaires pour collaborer au chantier. A l'équipe de pilotage de respecter le cahier de charge du maître d'œuvre pour mettre à disposition les jours J les personnes compétentes. Tous les moyens dont disposent les pouvoirs publics sont mobilisés à cet effet pour tenir les délais en faisant appel au maximum aux ressources locales. Ainsi cela fut fait pour le tunnel sous la manche, Euralille et, d'une certaine façon pour le chantier Center parc au lac d'Ailette dans l'Aisne. L'originalité de cette procédure est que le rôle de l'équipe de pilotage ne s'arrête pas à trouver des personnes qualifiées pour la durée des travaux. L'équipe travaille au reclassement et/ou à la reconversion des personnes du chantier une fois leur contribution au chantier terminée. Cette étape gérée en liaison étroite avec le maître d'œuvre demande une bonne connaissance du tissu local des entreprises et un travail de suivi important avec elles, qu'elles aient ou non travaillé sur le chantier. Si après le tunnel sous la manche, nombreux ne purent bénéficier d'une reconversion réussie, pour Euralille tous ont été reclassés.

4. Le développement rural Dès l'après-guerre, la dynamique des acteurs ruraux français a été exceptionnelle : depuis la création de la MSA en 1947 (sécurité sociale agricole), en passant par le grand remembrement de 1964, l'agriculture française forte de son esprit mutualiste et coopératif, a su mieux que quiconque en Europe, faire de la PAC européenne créée en 1962, un formidable outil de développement économique et territorial. Cet esprit de solidarité s'est trouvé renforcé par la mutualisation des modernisations indispensables liées aux techniques et aux matériels (création des CUMA) mais face à la diminution considérable du nombre d'agriculteurs pour tenter de maintenir au pays des populations fortement attirées par la ville. S'organiser pour réussir le développement local rural était essentiel.

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Dans de nombreux territoires ruraux le maintien et le développement d'activités locales justifiaient la mise en place de dispositifs d'animation efficaces. Ce fut le succès en France de l'initiative européenne Leader (1991) et de son animation par les GAL (groupements d'action locale). Dès le lancement, cela concerna plus de 217 territoires. Très vite des structures fortes à rayonnement national accompagnèrent ces actions : le CELAVAR, l'UNADEL, le CRIDEL, l'ANDLP dès 1992-93 pour développer sur tout le territoire des actions de formation et d'échanges pour faciliter les coopérations et préparer les acteurs aux enjeux économiques, financiers et sociaux. Les GAL furent le prototype des Conseils de développement qu'allait instaurer dans les Pays la LOADT de Madame Voynet. Les autres programmations Leaders firent passer les territoires concernés à 1.000 puis 950. En 1999, la PAC créait un second pilier de son action pour promouvoir partout des plans de développement rural. La France encadrait cette démarche en créant un PDRN décliné dans chaque région. Les animateurs des GAL furent longtemps brocardés (« fromage de chèvre et pataugas ») souvent issus du milieu associatifs, ils apportèrent au métier « d'agent de développement local » la première forme de professionnalisation. Leur réussite et la poursuite des actions de développement rural permit de transformer cet emploi conjoncturel et précaire en emploi permanent (avec sa fiche emploi) et son inscription au concours des collectivités territoriales (bac + 3 concours externe, concours interne) dans le cadre de l'emploi public. La méthode employée est globale. Les acteurs doivent être aptes à dialoguer pour construire collectivement, par la négociation et la transaction un « pacte » et un projet d'intérêt commun. Cela veut dire:

- élaborer et mettre en œuvre un plan d'action local - ce plan concerne tous les secteurs d'activité - l'équipe technique anime le partenariat et rassemble tous les acteurs publics et

prives. - gère une enveloppe financière composée de financements croises européens et

nationaux, régionaux, et locaux.

5. Les initiatives de l'Etat

Dans les dispositifs de développement local créés par l'Etat on pourrait aussi rappeler:

5.1- les missions locales Mentionnées des 1981 dans le rapport Schwartz, elles furent créés en 1982 (427) pour permettre de mieux comprendre et accompagner les jeunes d'un territoire qui avaient quitté sans débouché le système éducatif. L'hypothèse de Bertrand Schwartz était la suivante : leurs difficultés ne devaient pas être abordées seulement sous l'angle scolaire habituel, mais globalement dans leur démarche personnelle mais aussi dans leur environnement. De cette approche globale, en lien avec les PAIO21, sont nés les différents métiers des Missions locales qui pour certains demandent une grande capacité à connaître le tissu productif et les forces et faiblesses de l'environnement. Certaines missions locales, présidées par le Maire ou le Président de l'intercommunalité, ont joué un rôle politique clef dans la relation entre les entreprises et leur environnement éducatif et social.

21 Permanences d'Accueil, d'Information et d'Orientation

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5.2 - Entreprises Territoires et Développement Créé en 1996 par la DATAR, ETD avait pour mission de rassemblait tous les acteurs du développement pour permettre au niveau national la formation continue des développeurs de terrain en les formant par l'échange et l'écoute des expériences de terrain. S'y rencontraient :

- les animateurs et responsables des pays, - les opérateurs ayant facilité de façon conjoncturelle ou durable les liens

nécessaires au développement économique entre les entreprises, les universités et l'Education nationale,

- les opérateurs de Leader. Étaient réfléchis et approfondis par les participants aux rencontres toutes les problématiques qui font les territoires (énergie, environnement, urbanisme, logement, mobilité, santé, gouvernance territoriale, pays, développement durable, ingénierie de projet, etc.). L'idée clé d'ETD était que la formation de base des développeurs peut être très diversifiée, mais qu'il faut surtout compter sur la formation continue, indispensable pour accélérer les évolutions et inspirer les politiques des collectivités et de l'Etat de l'expérience foisonnante des acteurs de terrain.

5.3 - Les 100 cadres pour l'emploi En 1994, l'Etat voulut tenter une expérience de transformation des réflexes de son administration face aux réalités du développement économique local. Les chefs d'entreprises ont une expérience de la vie économique que ne partagent pas souvent les fonctionnaires, surtout ceux du Ministère du travail. Telle était la conviction de Madame Couderc, Secrétaire d'Etat à l'emploi auprès de son Ministre Jacques Barrot (Gouvernement Juppé). Pour combler ce qui lui semblait une faiblesse de ses services (DRTEFP et DDTEFP), elle décida d'intégrer dans chaque direction départementale du travail, des chefs d'entreprise, devenus chômeurs, afin qu'ils apportent leur expérience dans les actions de développement et de suivi de l'activité économique menées par les préfets dans les départements. On recruta 100 anciens chefs d'entreprise qui, après une formation sur les rouages de l'Etat et les actions publiques et économiques des collectivités territoriales, assistèrent préfet et direction du travail. Des évaluations régulières montraient l'intérêt réciproque de la démarche : la surprise de ces cadres sur l'étendue et l’impact des actions menées par l'Etat, trouvait son pendant dans la découverte par ces cadres de l'abîme qui sépare l'approche administrative de l'approche entrepreneuriale. Cette expérience intéressante s'arrêta lors du changement de gouvernement (Jospin).

5.4 - les coordonnateurs emploi / formation Les emplois de cadres pour l'emploi vinrent renforcer la création par Martine Aubry de près de 400 coordonnateurs emploi / formation. Leur rôle était de créer un service public de l'emploi local rassemblant à minima l'ANPE, L'AFPA et petit à petit toutes les structures en mesure de faire face aux besoins du territoire qui leur était assignés. Les réunions régulières permettaient de suivre l'actualité des entreprises et de voir quelles actions pouvaient être envisagées, quels moyens pourraient être dégagés pour y faire face. Le rôle de veille et la réunion des acteurs clef du territoire donnèrent à cette façon de procéder une bonne efficacité. Des coopérations purent s'engager qui n'auraient pas vu le jour sans cette instance.

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6. L'action exemplaire et pionnière de la Picardie pour le développement local L'engagement de la Région Picardie dans une approche originale du développement local doit beaucoup à l'action pionnière de Pierre Guyard. Maire de Saint Martin aux bois, celui qui deviendra Directeur adjoint des services de la Région a commencé son action en 1983 comme un élu ayant à apporter à ses concitoyens les aides et accompagnements qu'ils étaient en droit de demander aux élus. Dans sa commune, les capacités de réponses étant insuffisantes, il chercha à se rapprocher de communes voisines pouvant apporter leur concours. De cette démarche s'ensuivit toute une aventure qui, de la création du district du Plateau Picard à celle par la Région d'une quarantaine de pays, fit de la Picardie un laboratoire national pour l'aide au développement local de régions à forte caractéristique rurale. Ce maillage des territoires réunissant souvent deux cantons et 20.000 habitants favorisa les coopérations intercommunales. Le but était de les inciter à créer un projet commun de développement global, économique, social et culturel « par le terrain et pour le terrain ». Le Conseil Régional cofinançait le projet. Chaque pays avait son animateur. L'expérience a montré la difficulté de ce métier. Après un démarrage souvent bien accueilli, il n'était pas toujours facile à l'animateur de trouver sa vraie place. Il n'était pas élu (l'élu ayant la légitimité des choix politiques), il n'était pas chef d'entreprise (pouvait-il comprendre les contraintes de ceux-ci ?). En 1990, on éloigna la loupe pour ne garder que les bassins de vie et d'emploi. Il n'y eut plus que 18 puis 14 pays. Les communes s'y associaient par un projet développé par une charte. Les pays étaient soutenus par un fonds, la Région finançant les projets significatifs de coopération à hauteur d'une dotation annuelle.

7. Aujourd'hui le développement local s'inscrit dans le cadre d'une nouvelle loi la loi NOTRe du 7 août 2015 portant sur une nouvelle organisation territoriale de la République.

Mais il n'était pas négligeable de voir dans quelle ligne d'évolution elle s'inscrit.

- déjà en 1971 la loi Marcelin cadrait des coopérations intercommunales. - 1982, les lois Déferre changent définitivement le rôle et la place de l'Etat vis à vis

des régions, - le 6 février 1995, la loi Pasqua crée les pays, les EPCI à fiscalité propre et propose

qu'une charte associe les acteurs du pays dans un cadre commun solennel. Le pays y est défini comme l'espace territorial ou chaque habitant pourra trouver tout ce dont il a besoin.

- 1992, création par le sous-préfet de Bayonne du conseil de développement du Pays Basque ayant un projet de prospective à horizon 2010.

- 25/06/1999, la loi LOADT (Loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, dite loi Voynet) crée les Pays de projet (démarche volontaire et fédéraliste des communes ou communautés de communes) ; création des conseils de développement et maintien de la Charte comme document d'engagement solennel dans la durée.

- 12/07/1999, la loi de simplification et de modernisation du territoire, dite loi Chevènement qui crée juridiquement les communautés de communes et communautés d'agglomération, permettant aux partenaires de mettre en commun ressources et compétences (de leur choix).

- 13/12/2000, la loi SRU qui définit les aires urbaines, créé le SCOT, schéma de cohérence territorial englobant urbanisme, logement et déplacements.

Toutes ces lois ont fortement impacté la nature des métiers au service du développement. Comme nous l'avons vu, certains métiers sont désormais intégrés dans la diversité des métiers de la fonction publique. Certains s'exercent de façon plus ou moins permanente dans les associations, institutions ou agences au service du développement territorial. Ce survol des actions menées au cours des 40 dernières années montre le foisonnement de ces initiatives.

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Toutefois on y voit évoluer très sensiblement le rôle de l'Etat, celui des Régions et désormais celui des Collectivités. Quid des entreprises ? On aurait pu montrer la dynamique des technopoles qui implique bien plus collectivités et entreprises ; montrer le rôle des chambres et des Opca dans la création des groupements et des SPL, etc. L'exemple Picard et le rôle de Pierre Guyard doit attirer notre attention sur la place de l'élu. La Picardie aurait-elle su convaincre les acteurs de terrain si Pierre Guyard n'avait pas été l'un d'eux ? En tout état de cause, il importe de garder à l'esprit cette réflexion : « Rien ne se créé sans les hommes, rien ne dure sans les institutions. »

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