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Économie des coûts de transaction - O.E.Williamson

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    Oliver E. Williamson:

    de la thorie des cots

    de transaction la nouvelle

    conomie institutionnelle

    Didier Chabaud, Claude Parthenay et Yannick Perez

  • 99

    ~

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    Williamson, l'un des auteurs les plus cits aujourd'hui en conomie des organisations, apparat la fois comme un auteur prolifique et controvers. Auteur de 5 livres et de plus de 169 articles, il a cherch jeter les bases d'une thorie unifie des organisations autour de la thorie des cots de transaction (TCT).

    S'inscrivant dans la ligne des travaux de Ronald Coase (1937), son point de dpart consiste comprendre pourquoi il peut tre moins coteux d'organiser un change (ou une transaction) l'intrieur d'une organisation plutt que sur un march. Ce faisant, Williamson a dvelopp nombre d'outils analytiques de la TCT (spcificit des actifs, structure de gouvernance, opportunisme, etc.) qui lui ont permis de proposer une analyse d'ensemble des phnomnes organisationnels et interorganisationnels. Williamson depuis prs de trente annes - a ainsi tudi les facteurs qui expliquent la faon dont des individus dots d'une rationalit limite, et plongs dans un environnement incertain, organisent leurs relations contractuelles, voire plus largement organisent leurs transactions. Ce faisant, Williamson btit une analyse pragmatique des transactions et des choix transactionnels, ce qui le conduit mettre au cur de son analyse le choix de structures organisationnelles (qu'il appelle structure de gouvernance) qui encadrent les transactions. Lun des rsultats essentiels de l'apport de Williamson consiste en la proposition d'outils d'analyse qui permettent de nombreuses vrifications et tudes empiriques sur la logique des choix des structures organisationnelles. Plus largement, Williamson s'est pos en contributeur d'une science unifie des organisations, qui prendrait appui sur la TCT et combinerait les points de vue de l'conomie, de la gestion et du droit.

    Dans le mme temps, les travaux de Williamson ont suscit de nombreuses critiques et ractions. Ainsi, Granovetter (1985) et, plus largement, les sociologues (Pfeffer, 1994), les thoriciens des organisations (Perrow (1986), Donaldson (1995), Ghoshal & Moran (1996, les stratges et conomistes industriels (Kogut & Zander, 1992, 1996) vont-ils tour tour attaquer ses conceptions et proposer des schmas alternatifs. Plutt que de faire une prsentation exhaustive de ces critiques (laquelle ncessiterait un chapitre part entire), nous montrerons en quoi, l'originalit thorique de Williamson rside dans la combinaison d'une rationalit limite n'excluant pas l'autonomie de choix et d'une vision du comportement des individus privilgiant l'opportunisme. C'est l l'une des cls permettant de comprendre les complmentarits ou les oppositions par rapport d'autres thories des organisations.

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    Oliver Williamson

    Notre prsentation va s'articuler de la manire suivante: Le lecteur peu familier des analyses williamsoniennes trouvera dans la

    premire partie une dfinition des concepts fondamentaux. Dans la deuxime partie, nous prsenterons les outils analytiques dvelopps par Williamson pour effectuer un choix entre les diffrentes formes de structure de gouvernance. Enfin, dans la troisime partie, aprs avoir synthtis l'heuristique du choix organisationnel propose par Williamson, nous terminerons notre prsentation par la manire dont on peut comprendre l'opposition entre l'approche de Williamson et les approches fondes sur les comptences ou les technologies.

    LES TRANSACTIONS SONT EFFECTUES

    " AU SEIN DE STRUCTURES DE GOUVERNANCE

    Pour Williamson, les changes sur le march et les changes dans les organisations ne sont pas organiss de la mme manire. Ainsi, pour un bien donn, l'artisan changera ce bien par l'intermdiaire d'un march et une transmission de proprit sera ralise. Louvrier pourra transmettre ce bien une autre unit de l'entreprise parce qu'on lui en auta donn l'ordre. Dans les deux cas, l'change aura t effectu mais la manire d'organiser cet change n'est pas la mme. Ds lors, la question conomique de l'efficacit n'est plus exclusivement celle des conditions de l'optimalit d'un change par le march comme dans l'conomie no-classique, mais celle de la meilleure organisation possible d'un change donn compte tenu du fait qu'il peut tre organis de diffrentes manires.

    Ds son ouvrage Market and Hierarchies, Willliamson se fixe comme tche d'approfondir cette question de l'alternative entre les modes d'organisation des changes. Se consacrer une telle tche ncessite de redfinir la notion d'change qui ne sera plus limite aux changes par l'intermdiaire d'un march. Ici, le concept de transaction va permettre d'englober dans une mme analyse toutes les formes d'changes (1.1). Par ailleurs, la transaction est organise, gre, gouverne de manire diffrente selon la structure (march, hirarchie, etc.) dans laquelle elle s'inscrit. C'est le concept de structure de gouvernance qui va tre mobilis pour saisir l'environnement et les modalits de la transaction (1.2).

    1.1. transactIons Williamson donne la dfinition suivante de la transaction: la transac

    tion est l'unit d'analyse micro-analytique de la thorie des cots de

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    transaction. Une transaction apparat quand un bien ou service est transfr travers une interface technologiquement sparable (Williamson, 1996, p. 379). Une telle dfinition signifie que l'change entre deux units oprationnelles voire entre deux postes de travail au sein d'une entreprise relve de la mme catgorie analytique que la vente d'un produit sur un march. robjectif de regrouper tous les changes sous une mme catgorie analytique est d'en comprendre la diversit. En effet, si l'on considre que le march est la forme optimale d'organisation conomique, pourquoi existe-t-il des transactions qui ne s'effectuent pas par l'intermdiaire du march? La rponse de la thorie des cots de transaction cette question est la suivante: les modes de transaction sont divers parce que les transactions sont coteuses, ces cots variant selon les modalits de leur organisation. Il convient ds lors de saisir: 1) les raisons pour lesquelles les transactions sont coteuses et 2) les outils analytiques dvelopps par Williamson pour pouvoir runir sous un mme concept l'ensemble des changes. Pour analyser ces deux points, il nous faut en un premier temps prsenter la spcificit de l'analyse de la rationalit des agents par Williamson (1.1.1), puis mettre en vidence les lments qui permettent de caractriser une transaction (1. 1.2). Nous pourrons ds lors, montrer ce qui rend les transactions plus ou moins coteuses (1.1.3).

    1.1.1. Des transactions ralises par des agents disposant d'une rationalit limite

    Williamson s'inscrit dans la tradition de la rationalit limite\ laquelle dfend l'ide d'hypothses ralistes sur le comportement des individus. Dans cette tradition, l'hypothse irraliste2 d'une rationalit illimite des agents est refuse au motif qu'elle ne permet pas de rendre compte de la manire relle dont les agents prennent leur dcision. Ds lors, les prdictions faites l'aide de cette hypothse ne seront pas exactes. Pour Williamson, les agents se comportent rationnellement mais sont limits par leurs capacits cognitives en raison de leurs capacits limites d'acquisition et de traitement de l'information.

    Deux consquences dcoulent de cette hypothse de rationalit limite : l'existence de cots de transaction et l'opportunisme des agents.

    - Les individus ne peuvent prvoir et anticiper toutes les circonstances dans lesquelles peut se drouler une transaction. Pour une transaction

    1. Voir chapitre 3 sur Herbert Simon. 2. Rappelons ici que l'irralisme des hypothses est revendiqu par l'conomie noclassique avec Friedman (1953).

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    simple, les mcanismes du march et son systme de prix peuvent apparatre comme suffisants pour rvler les comportements de chacun. Cependant, mme dans ce cas, la transaction va tre coteuse puisque l'excution du contrat ncessite, notamment, la prsence d'un systme juridique qui la garantisse. Williamson insiste sur ce caractre coteux de la transaction quelles qu'en soient les modalits juridiques. Ainsi, l'excution d'un contrat de travail, au sein d'une firme, est galement coteuse dans la mesure o l'employeur peut tre confront des comportements opportunistes de ces salaris qui ncessitent la mise en place de systmes de contrle.

    - En effet et c'est sans doute l l'apport le plus spcifique de la rflexion de Williamson sur la rationalit des individus - la limitation de la rationalit, n'empche nullement les individus de chercher effectuer des choix qui satisfassent leur intrt individuel. Comme il l'indique luimme: ,{ il est particulirement important de noter que l'conomie des cots de transaction allie un degr intermdiaire de capacit cognitive (la rationalit limite) un degr lev de motivation (l'opportunisme)>> (Williamson, 1985, p. 73). Ceci veut dire, d'une part, que les individus, mus par la recherche d'efficacit, sont des agents ;{ conomisateurs 3 anticipant les difficults qui peuvent survenir dans leurs transactions avec des tiers. Les agents sont donc prvoyants (farsighted) puisqu'ils envisagent les risques lis leurs choix contractuels. Mais, d'autre part, les agents parce qu'ils s'efforcent de satisfaire au mieux leur intrt individuel, peuvent chercher profiter des opportunits qui peuvent apparatre lors de l'excution d'un contrat, opportunits que les agents ne peuvent pas toujours prvoir ex ante en raison de leur rationalit limite. C'est pour cette raison que, pour Williamson, les individus cherchent satisfaire leur intrt personnel avec ;{ ruse.

    Au total, l'incapacit des individus matriser et connatre l'avenir implique qu'il existe pour toute transaction une part d'incertitude et, en consquence, l'impossibilit de trouver une forme idale de coordination. Cependant, les agents individuels cherchent trouver les meilleures

    3. Nous utilisons le nologisme conomisateur, pour traduire l'expression econtmlizing employe par Williamson. Cette expression renvoie l'ide que dans une transaction l'objectif est de permettre d'cOo nomiser les cots totaux, savoir les cots lis la transaction, mais plus globalement l'ensemble des cots de production et de distribution. C'..e nologisme dsigne les buts des agents (recherche de la diminution des cots) et non les processus cognitilS par lesquels les agents arriveraient conomiser. En ce sens, economizing n'est pas l'quivalent williamsonien du siltisficing simonien. Bien plus, pour Williamson, l'un des lments qui distingue l'conomie des cots de transaction de l'approche de Simon est le rejet du siltisficing en faveur de l'conomisation (Williamson, 1996, p.44).

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    formes possibles d'encadrement des transactions compte tenu du contexte et des alas potentiels.

    1.1.2. La diversit des transactions et leurs attributs Analyser la transaction revient chercher en cerner les caractris

    tiques significatives (ce que Williamson appelle les attributs de la transaction) de fon pouvoir dterminer qu'elle est la meilleure manire de l'organiser. Pour Williamson, les trois variables fondamentales de la transaction - celles qui feront varier les cots de la transaction en fonction de la manire dont elle sera organise - sont la frquence, l'incertitude et la spcificit des actifs.

    - La frquence d'une transaction renvoie l'ide que certaines transactions se rptent de faon rgulire. Par exemple, les changes entre deux postes de travail sur une chane de production pour avoir lieu plusieurs fois par minute. Ici, une frquence leve permet de rpartir les cots lis la constitution d'une organisation spcifique cette transaction sur un volume d'change important. Ainsi, plus le volume des changes est lev, plus l'utilisation d'une structure spcifiquement cre pour cette transaction pourra tre rentabilise (Williamson, 1985, pp. 6061). Cependant, une frquence leve n'implique pas mcaniquement le recours une structure particulire. En effet, la frquence gnre des effets de rputation qui peuvent donner l'avantage la ralisation de la transaction sur un march (Williamson 2002b, p. 175).

    - Cincertitude dsigne les {( perturbations auxquelles sont sujettes les transactions (Williamson 2002b, p. 175). Elle aura des rpercussions principalement sur les cots ex post. Ainsi, l'accroissement de l'incertitude risque d'entraner des cots supplmentaires pour pouvoir maintenir les gains mutuels lis la transaction.

    - La spcificit d'un actif {( se rfre au degr avec lequel un actif peut tre redploy vers des usages alternatifs et des utilisateurs alternatifs sans perte de valeur productive)} (Williamson, 1991b, p. 281). La prsence d'actifs spcifiques dans une transaction entrane l'impossibilit de rompre sans cot la relation contractuelle, en raison des cots de redploiement. Une dpendance bilatrale en dcoule. La dpendance bilatrale donne lieu ce que Williamson appelle une {( transformation fondamentale , savoir que les multiples contractants possibles ex ante se rduisent, ex post, un petit nombre de partenaires possibles du fait des actifs spcifiques dvelopps. Notons que {( de tels investissements ne seraient jamais effectus s'ils ne contribuaient pas des rductions pos

    1 sibles dans les cots de production ou des augmentations de revenu )}i 1

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    (Williamson, 1996, p. 377). Le degr de spcificit d'un actif doit donc tre analys sous deux aspects: les gains induits et les cots de gestion d'une relation complexe en raison des dpendances bilatrales.

    Les sources de la spcificit des actifs sont multiples, Williamson en distingue six:

    1) La spcificit de site, dans laquelle des stades successifs de production sont situs cte cte pour conomiser sur les dpenses de stock et de transport (exemple d'une centrale thermique situe proximit de la mine de charbon qui l'approvisionne). Il s'agit donc ici d'une spcificit gographique.

    2) La spcificit des actifs physiques renvoie l'ide que, dans certains cas, des outils spcialiss sont requis pour produire un composant (comme par exemple des presses d'emboutissage qui seraient conues pour emboutir un seul type de pices).

    3) La spcificit de l'actif humain apparat lorsque la main-d'uvre aura des comptences propres la transaction. Ainsi, en prsence d'apprentissage sur le tas, la comptence acquise par les membres d'une quipe sont des actifs spcifiques humains.

    4) Les actifs ddis sont des investissements physiques ponctuels dans des sites gnralistes effectus la requte d'un client particulier.

    5) Le capital de marque, c'est--dire la possession d'une marque reconnue comme telle par les acheteurs ou, si l'on prfre l'image de marque, constitue un actif spcifique.

    6) La spcificit temporelle peut tre analyse comme une spcificit de site dans laquelle le besoin de rponse en temps rel d'actifs humains sur place est ncessaire. Cette catgorie, dveloppe dans leur tude des chantiers navals par Masten, Meehan, et Snyder (1991), renvoie aux contraintes de logistiques affrentes l'enchanement des oprations de construction des navires. Plus largement, elle dsigne tout besoin de coordination temporelle ou de rponse simultane dans un processus de production.

    Mme s'il existe une multiplicit des sources de la spcificit des actifs, la consquence principale de cette spcificit sera toujours la mme: la dpendance bilatrale des cocontractants ce type de transaction. Williamson insiste particulirement, parmi les attributs de la transaction, sur la spcificit des actifs parce qu'elle pose un problme particulier dans le cadre d'une analyse en termes de cots de transaction. Ainsi, les investissements dans la constitution d'actifs spcifiques entranent l'obtention d'une quasi-rente organisationnelle favorable collectivement aux partenaires. Ces derniers gagnent maintenir leur relation. Mais, simultan

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    ment, cette relation occasionne l'mergence d'opportunisme. run des partenaires peut avoir intrt exproprier la quasi-rente cre lors de la relation etlou les investissements effectus par le co-contractant (Klein, Crawford & Alchian, 1978). En cela, la spcificit s'accompagne d'alas contractuels accrus. Ds lors, risques d'opportunisme et possibilits de gains sont simultanment augments. On voit ici la difficult et l'importance de la rdaction des clauses contractuelles et du cadre dans lequel elles peuvent tre dployes de faon garantir un partage des gains propres l'existence d'actif; spcifiques, tout en prvenant au mieux les ventuels comportements opportunistes, alors mme que les situations d'incertitude empche la rdaction de contrats complets ex ante. Notons que, sur ce dernier point, Williamson parce qu'il pose l'hypothse de rationalit cognitive limite - s'carte de la vision traditionnelle en termes d'agence (thorie normative de l'agence) et de la Nouvelle thorie des droits de proprit (contrats incomplets la Grossman & Hart, 1986) dans la mesure o il est, ses yeux, strictement impossible de dterminer ex ante un contrat optimal.

    Au total, nous avons une ncessaire adaptation des relations contractuelles aux volutions non prvisibles ex ante, parce que, d'une part, les individus sont rationnels mais de faon limite et parce que, d'autre part, les transactions entranent parfois des relations contractuelles complexes en raison de leurs frquences, de l'incertitude qui les entoure et de la prsence d'actifs spcifiques. Rationalit limite et complexit des transactions impliquent donc la prsence de cots inhrents la transaction.

    1.1.3. Les transactions sont coteuses Si l'origine de la prsence de cots de transaction est la rationalit limi

    te des agents, les attributs de la transaction et particulirement la spcificit des actifs, vont faire varier les cots de coordination entre les agents. Les modalits contractuelles de la transaction entre agents doivent permettre la fois que les gains mutuels - sans lesquels il n'y aurait pas de transaction - puissent se raliser, tout en contrlant, autant que faire se peut, les comportements opportunistes qui pourront survenir durant l'excution du contrat. Ainsi, l'analyse de la transaction effectue par Williamson est une combinaison d'une analyse conomique (rflexion sur les cots et les gains potentiels d'une transaction), d'une analyse des comportements des agents (rationalit limite et opportunisme) et d'une analyse juridique des contrats, la relation contractuelle tant plus ou moins coteuse selon la forme juridique du contrat (cf schma 1).

    Oliver E Williamson 105

    Schma 1. Pourquoi la transaction est-elle coteuse?

    Pourquoi la transaction est-elle coiteuse ?

    Les auribulS de la transaction Hypothses

    - frquencecomportementales, - inccntude

    Rationalit limite - spcificit des actifS (site. actifS

    - Opportunisme physiques. actifs humains, actifs ddis

    la transaction, la marque, actilS temporel.) :;>

    La transcation est coteuse ,

    La mesure des COIS de la relation contractuelle, - recherche de - ngociarion du contrat - rdaccion du concr3ct - suivi de son excution - )es ajustemenrs cn fonction de l'voludon des motifs qui one prsid la ralisation du contrat

    Les transactions entre agents sont multiples et la question qu'il convient de rsoudre maintenant est de savoir dans quel cadre intgrer une transaction donne, c'est--dire, pour reprendre la terminologie de Williamson, analyser la structure de gouvernance dans laquelle doit se situer la transaction tudie.

    1 structures de gouvernance La structure de gouvernance va devoir permettre la bonne ralisation

    des transactions - i.e. les gains mutuels l'change en matrisant les possibles risques de comportements opportunistes individuels, et en prvoyant, les modalits de rsolution des conflits qui surviendraient dans l'excution de la transaction. Se rfrant explicitement Commons, Williamson (2002a, p. 54) crit: Il faut que l'ide selon laquelle la transaction est l'unit de base de l'analyse soit associe un but conomique. Le triptyque de Commons requiert le concept de structure de gouvernance o la gouvernance est le moyen par lequel l' ordre est ralis dans une relation dans laquelle le conflit potentiel menace de perturber ou dtruire les opportunits de raliser des gains mutuels. objectifs d'conomisaton qui transcendent la technologie sont ainsi atteints (soulign par l'auteur).

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    La structure de gouvernance est donc prsente comme ayant vertu l'ordre (c'est l'apport d'une vision juridique de l'organisation), ordre qui repose sur l'attnuation des conflits (c'est l'apport d'une thorie de la dcision en rationalit cognitive limite) et la ralisation de gains mutuels (c'est l'apport d'une rflexion conomique, rflexion portant sur l'efficacit d'une structure).

    Une fois les formes de structures de gouvernance prsentes (1.2.1), il nous faudra montrer en quoi leurs efficacits sont diffrentes (1.2.2).

    1.2.1. Les trois formes de structure de gouvernance Dans son ouvrage de 1975, Markets and Hierarchies, Williamson dfi

    nit les premiers jalons pour penser l'arbitrage entre march et hirarchie. Dans le premier cas, le mcanisme essentiel de coordination est le systme de prix. Dans le deuxime cas le mcanisme essentiel est le commandement. Ce commandement ne prend pas exclusivement la forme du contrat de travail mais peut tre aussi, par exemple, un ordre donn par la maison mre l'une de ses filiales. Cependant, ces deux formes stables march et hirarchies - Williamson ajoute, ds 1975, un ensemble de

    formes instables qui regroupe les contrats de long terme. Il faudra attendre le milieu des annes 80 (Williamson, 1985, p. 89), pour que ces relations lies par des contrats de long terme, soient envisages comme des structures de gouvernance part entire et qu'il appelle les formes hybrides . Ainsi Williamson (1996, p. 378) considrera que dans le secteur commercial (activits conomiques) trois formes discrtes de structure de gouvernance sont gnralement distingues: le march classique, la contractualisation hybride et la hirarchie 4.

    Ces trois formes sont discrtes, au sens o il convient analytiquement de les sparer pour en saisir la particularit. Il nous faut donc comprendre et dfinir quels sont les attributs essentiels de chacune de ses formes pour ensuite comprendre comment s'effectueront les choix entre ces trois formes alternatives.

    1.2.2. March, hirarchie, hybride: des efficacits diffrentes Une structure de gouvernance doit permettre, d'une part, de contrler

    les comportements. Les instruments de ce contrle sont soit l'intensit de l'incitation soit le contrle administratif qui permet de donner des ordres

    4. En 1999, Wtlliamson a propos de complter cette typologie en introduisant une Quarrime forme, la bureaucratie publique et prive.

    T, Oliver E. Williamson 1 07 'l; . ~l

    ';~ et d'obtenir des comportements conformes ces ordres. Sur le march, l'incitation est considre comme forte parce que l'agent supporte l'intgralit des consquences de ses choix. A l'inverse, dans une organisation, la prise de dcision et les consquences des choix individuels peuvent tre rparties voire dilues entre les membres de l'organisation. :Lincitation effectuer un choix efficace est donc moins forte que sur le march. Par exemple, les prix proposs par un fournisseur peuvent conduire le client refuser l'achat d'un produit. Le fournisseur a donc une forte incitation systmatiquement proposer les prix les plus bas possibles. Le service approvisionnement dans une firme n'est pas dans la mme situation puisque les prix de cession interne sont ngocis ex ante et font l'objet de ngociation ex post en cas de modification de l'environnement. Cette marge de ngociation n'incite pas la recherche systmatique des cots de production les plus bas possibles au sein des organisations.

    D'autre part, la structure de gouvernance doit permettre d'obtenir de bonnes performances. Or, dans leurs transactions les agents sont confronts des changements continuels de l'environnement (Williamson, 1991, p. 77). Sur le march, le mcanisme des prix, qui ajuste l'offre la demande, peut apparatre comme un moyen efficace d'adaptation entre les agents parce qu'il conomise les cots d'informations. Chaque agent, qu'il soit vendeur ou acheteur, adapte son comportement en fonction des prix proposs sur le march6 Il adapte son comportement de faon autonome sans qu'il y ait de concertation directe avec l'autre partie au contrat. Dans une organisation, inversement, et Williamson s'appuie ici sur Barnard, la manire dont les agents se coordonnent est tablie d'une manire "consciente, dlibre et dtermine" par l'utilisation d'une administration (Williamson,2005, p.9). Cependant l'objectif est le mme que celui d'un change sur le march: permettre l'adaptation du comportement des agents la transaction en fonction des situations auxquelles ils sont confronts.

    Enfin, selon les structures de gouvernance, la rsolution de conflits, ne sera pas faite de la mme manire. Sur le march, les ventuels conflits seront traits par les tribunaux comptents. Leurs rsolutions relvent d'un cadre lgal commun l'ensemble de ce type de transaction. Dans une organisation, l'inverse, le juge ne pourra pas intervenir pour tran

    5. Ici, Williarnson suit Hayek, selon lequel le mcanisme des prix peur tre considr comme "marvel of the market" (Williamson, 2005, p. 9). 6. Pour tre encore plus prcis, dans une transaction sur le march il peut certes y avoir ngociation sur les prix mais cette ngociation reste encadre et dtermine par un prix de march qui existe indpendamment de l'change particulier.

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    cher certains litiges. La contestation d'un choix strateglque ou celle d'ordres donns qui respectent le cadre gnral de la lgislation du travail ne seront pas de la comptence des tribunaux. Les transactions ralises l'intrieur d'une structure hirarchique chappent, pour une part, toute possibilit de contrle du pouvoir judiciaire. Williamson prcise que l'entreprise est ainsi juge en premier et dernier ressort , phnomne pour lequel il utilise le concept de flrbearance. Dans les formes hybrides, les contrats sont trs souvent adapts et spcifiques la transaction. Un contrat adapt une situation est moins susceptible de recours devant le juge que dans le cadre d'une structure de gouvernance de march, parce qu'il a fait l'objet d'une ngociation ex ante qui le rend plus adapt la situation et ses ventuelles volutions. De plus, en cas de conflits d'interprtation, les parties, parce qu'elles sont engages dans une relation contractuelle interpersonnelle, prfereront trs souvent trouver un compromis en raison de leur habitude de ngociations bilatrales plutt que de recourir au juge.

    On peut synthtiser ces attributs williamsoniens l'aide du tableau suivant:

    Tableau 1.

    Les caractristiques des structures de gouvernance

    March Hybride Hirarchie Instruments: Intensit des incitations ++ + 0 Contrle administratifs 0 + ++ Performances Adaptation autonome 0++ + Adaptation consciente 0 +++ Rgime Lgal Contrat Forbearance contractuel relationnel

    Quels sont les traits principaux et la cohrence de chacune de ces structures de gouvernance ?

    - Sur le march, un bien ou un service doit pouvoir tre propos au meilleur rapport qualit/prix, condition sans laquelle le risque de ne pouvoir effectuer la transaction est lev. En ce sens, l'intensit de l'incitation est forte. La manire dont l'adaptation s'effectue ne ncessite ni des relations interpersonnelles (les agents peuvent raliser un change sans se connatre), ni une dfinition pralable de la manire dont va s'effectuer la transaction (la transaction par le march est ralisable ds lors qu'il y

    Oliver E. Wi/liamson 109

    accord sur le prix et la qualit du bien, autrement dit, le contenu de la transaction est le seul lment dfinir, les modalits de la transaction se faisant de faon automatique). Williamson parle ici d'adaptation autonome, au sens o les agents s'adaptent au prix de march et ajustent leurs comportements en fonction de leur intrt individuel. Les contrats signs relvent du droit commun des contrats et les ventuels conflits entre les parties peuvent tre tranchs par les tribunaux. Ce type de structure de gouvernance semble donc convenir dans le cas de transaction simple avec peu d'ambigut. Pour ce type de transaction, un simple contrat de vente apparatra moins coteux que les formes alternatives.

    A l'oppos, la structure hirarchique repose sur des mcanismes de coordination interne qui sont dfinis l'avance et que doivent respecter les agents qui subissent le contrle de leur hirarchie. En ce sens, l'excution de la transaction repose sur le contrle administratif de l'action des agents. Les modalits d'adaptation entre les agents ne relvent pas d'une adaptation spontane comme celle obtenue par les mcanismes du march. C'est une adaptation consciente au sens o, 1) la ralisation des transactions ncessite une dfinition pralable des modalits de sa ralisation (modalits spcifiques la structure hirarchique), 2) les transactions sont effectues lorsque quelqu'un en donne l'ordre ou le commandement et 3) l'adaptation des transactions peut ncessiter des ngociations. Ladaptation est ici assure par coordination et non de faon autonome. La dfinition d'un mode de commandement interne, accepte par les parties, implique que le juge ne pourra intervenir sur les dcisions internes ds lors qu'elles respecteront le cadre lgal. Le dispositif contractuel qui garantit le bon droulement de la transaction est donc un dispositif ad hoc qui convient lorsque la transaction est inobservable par un tiers ou lorsque que les participants la transaction ne peuvent, sans cot lev, tre remplacs.

    - Enfin, les structures de gouvernance hybrides englobent toutes les formes de relation contractuelle qui recourent au mcanisme du march (1'change reposant sur un mcanisme de prix) tout en intgrant dans la relation des mcanismes propres aux structures hirarchiques (les modalits d'adaptation ne reposent pas que sur le mcanisme des prix mais incorporent des lments de la relation administrative) et inscrivent la relation dans le long terme. A titre d'exemples, on peut citer les contrats de long terme, les joint-ventures, les rseaux de franchise (Williamson, 1991a, p. 80). Bien qu'incorporant des lments de la hirarchie et du march, ce type de structure constitue une catgorie part entire, dont la vertu analytique est de pouvoir mettre en vidence que beaucoup de structures de

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    gouvernance ne relvent ni d'une simple adaptation par les prix ni de mcanismes purement administratifs. Ce type de structure de gouvernance permettra de minimiser les cots des transactions lorsque les mcanismes de march n'apparaissent pas tre une forme de garantie suffisante, mais sans que la transaction ne ncessite, pour autant, la mise en place d'une structure hirarchique trop coteuse pour ce type de transaction.

    Au total, dans cette premire partie, nous avons montr comment Williamson dfinit les attributs de la transaction et les structures de gouvernance dans lesquelles elles se ralisent. C'est donc bien une explicitation et une oprationnalisation de l'analyse de Coase que permettent les outils analytiques construits par Williams on. Ces outils analytiques ont pour vocation de comprendre et dterminer le choix entre les diffrentes formes de structures de gouvernance.

    2 LE CHOIX ENTRE DIFFRENTES FORMES DE STRUCTURES DE GOUVERNANCE Comment peut s'effectuer le choix entre les trois formes de structure

    de gouvernance? Autrement dit quels sont les lments qui entourent ou qui sont propres la transaction que l'on doit prendre en considration pour opter pour telle ou telle structure de gouvernance? Dans un premier temps, nous allons poser la manire dont il faut analyser les diffrents lments internes et environnementaux d'une transaction (2.1), pour, ensuite, montrer qu'il existe, aux yeux de Williamson, pour une transaction donne, un critre de choix entre les diffrentes formes de structure de gouvernance, critre appel remdiabilit (2.2).

    2.1. Les diffrents lments de la bote outil analytique

    Dans la premire partie, nous avons expliqu que le choix entre les diverses modalits de ralisation d'une transaction avait un enjeu conomique puisque la variation des cots de transaction est fonction de la structure de gouvernance. La comprhension de cette diversit, comme nous l'avons vu, passe par 1) l'intgration de la rationalit limite des individus dans l'analyse conomique, 2) la prise en compte de la diversit des types de transaction et 3) l'analyse de la manire dont la transaction s'inscrit dans une structure de gouvernance. A ce triptyque, il faut ajouter, les institutions lesquelles dfinissent, notamment, le cadre juridique

    Oliver E. Williamson 111

    et, par-l, la manire dont elles pourront peser sur le cot des relations contractuelles entre les agents.

    Lorsque l'on est confront la question de la comprhension du choix d'une structure de gouvernance et la mesure de son efficacit (i.e. la vrification qelle est bien la modalit d'organiser la transaction la moins coteuse), la grille d'analyse propose par Williamson soulve le problme suivant: les diffrents lments qui psent sur les cots d'une transaction sont interdpendants. Ainsi, choisir une structure de gouvernance sera fonction des attributs de la transaction, mais en retour, le choix de la structure de gouvernance modifiera en partie les attributs de la transaction. De la mme faon, la rationalit limite des agents conduit l'existence d'institutions qui permettent des rgularits de comportement, ces rgularits en retour, parce qu'elles diminuent l'incertitude des agents augmentent leur capacit effectuer des choix rationnels. Il y a donc une interdpendance dynamique entre les diffrents lments de l'analyse. Ainsi, la spcificit des actifs, que Williamson considre comme l'attribut de la transaction le plus important, a, en dynamique, deux aspects: l'augmentation du degr de spcificit peut tre un gain en terme de cot de production mais aussi une source plus grande d'opportunisme des agents par les effets de dpendance qu'elle entrane (2.1.1). A l'inverse, si Williamson insiste moins dans ses analyses sur le rle des institutions, c'est parce qu'elles peuvent tre considres comme une donne en raison de leur relative stabilit lorsqu'il s'agit de choisir une structure de gouvernance (2.1.2). Au total, pour chaque lment de l'analyse d'une transaction, on peut dfinir les caractristiques pertinentes pour l'analyse (2.1.3). Pour Williamson, dfaut d'avoir un critre de choix absolu d'une structure de gouvernance, il est nanmoins possible de penser des formes alternatives ralisables une structure de gouvernance donne.

    2.1.1. La nature de la transaction et l'importance de la spcificit des actifs

    Trs souvent Williamson est prsent comme un thoricien des frontires de la firme, c'est--dire un thoricien qui a construit des outils permettant de choisir entre faire ou faire faire . Ce qualificatif provient de la centralit dans sa rflexion de la spcificit des actifs pour choisir entre diffrentes formes de structure de gouvernance. En effet, l'ide a priori simple que l'augmentation de la spcificit des actifs entrane une augmentation de la dpendance bilatrale des parties l'change et consquemment le recours des structures construites spcifiquement pour la transaction (hybride ou hirarchie) ne dit rien du point de rupture qui

  • 112 LES GRANDS AUTEURS EN ECONOMIE...

    impose un passage d'une forme de structure de gouvernance une autre. Or, l'analyse de ce point de rupture pour une transaction peut tre complexe du fait de la difficult trouver la meilleure manire de garantir la bonne excution de la transaction sans que les cots des mcanismes de garantie ne deviennent prohibitifs en regard des gains lis la transaction. C'est principalement dans son ouvrage The Economic Institutions of Capitalism que Williamson dveloppe les outils de la rflexion sur le choix entre intgration ou externalisation des activits partir de la spcificit des actifs.

    Les points essentiels tudier pour pouvoir effectuer un choix de structure de gouvernance sont de deux ordres: d'une part, les consquences, toute chose gale par ailleurs, de la spcificit des actifs sur les cots de transaction et, d'autre part, les consquences de cette spcificite sur l'ensemble des cots (transaction et production).

    Pour mener bien l'analyse d'un cas concret, il faut tudier la nature de la dpendance lie l'existence d'actifs spcifiques (dpendance fournisseur/ client, dpendance fabricantlrseau de distribution, etc.) Selon les cas, cette dpendance sera plus ou moins forte et plus ou moins bilatrale. Les formes de ralisation de la transaction peuvent tre varies (intgration totale de la transaction, systme d'otage pour garantir la transaction, double systme d'otage, etc.) Minimiser les cots de transaction revient trouver la structure de gouvernance qui permettra, ex ante, de dfinir la relation contractuelle la moins coteuse possible compte tenu de la complexit de la transaction et, ex post, de faire face, autant qu'il est possible de le prvoir, aux possibles comportements opportunistes des participants cette transaction.

    Cette minimisation des cots de transaction ne doit pas se faire au dtriment des cots de production. Ainsi, l'intgration d'un fournisseur peut ventuellement diminuer les cots de transaction lis la fourniture d'un produit mais en augmenter les cots de production si l'entreprise, du fait de son volume d'utilisation du bien plus faible, ne peut bnficier d'conomies d'chelle aussi importante qu'un fournisseur extrieur.

    Enfin, toute structure de gouvernance gnre des cots spcifiques. Il n'est pas possible, par exemple, de considrer que l'intgration d'une activit puisse apparatre comme systmatiquement plus avantageuse dans la mesure o elle permettrait d'avoir la mme efficacit que le march (un systme de prix internes de cession des produits peut fonctionner de faon aussi efficace qu'un prix de march), efficacit laquelle on pourrait ajouter des gains lis la simplicit d'utilisation des droits rsiduels. En effet, pour Williamson, une organisation hirarchique gnre des cots lis la

    l,~___,",,;o;; ,~

    Oliver Wiffiamson 113

    bureaucratie (moindre efficacit du systme d'incitation, cots de ngociation lis la gestion du personnel, cots de gestion lis la mesure des cots et des prix internes).

    Ce premier critre de choix, le degr de spcificit des actifS, est mis en vidence par Williamson l'aide d'un schma (schma 2) simple qui montre que les cots de gouvernance sont fonction du degr de spcificit des actifs. Plus cette spcificit est forte et plus la coordination hirarchique apparatra avantageuse.

    Schma 2. Comparaison des cots de gouvernance

    Comparaison des cotts de gouvernance Cots de gouvernance

    Mao::h

    Hirarchie'

    K, K, '4 11

  • ~

    l

    114 LES GRANDS AUTEURS EN ECONOMIE ...

    Schma 3. Le choix des structures de gouvernance

    Degr lev

    CM~~~lI

    Frquence des

    perturbations

    K, faible forte

    .. Spcificit des actifs ,..

    Source : d'aprs Williamson (I996, p. 117).

    C'est donc l'analyse de la combinaison des attributs de la transaction (incertitude, frquence, spcificit des actifs) qui permettra d'aligner)} la transaction sur une structure de gouvernance de faon obtenir les cots de transaction les plus bas possible. Comme chaque mode de gouvernance ses avantages et ses inconvnients, le dfi est de pouvoir dfinir prcisment les attributs significatifs pour la description des structures de gouvernance et ensuite d'aligner les diffrents types de transaction avec les modes discrets de gouvernance d'une faon qui permette une conomisadon (Williamson, 2002b, p. 175). Ce concept d'alignement est central dans l'uvre de Williamson puisque de cette comparaison des cots de la transaction selon les structures de gouvernance, dcoule l'analyse des frontires de la firme et les choix d'arbitrage entre les structures de gouvernance.

    Enfin, il convient de noter que cette recherche d'une minimisation des cots de transaction, ne doit pas se faire au dtriment des tiers. Ainsi, un systme de concessions exclusives de vente pourrait se faire l'avantage de la concession et du concessionnaire mais au dtriment du consommateur

    Degr fuible

    1 Hybride

    K,

    Olver E. Williamson 115

    final. Autrement dit, une baisse des cots conjoints de transaction et de production pourraient se raliser aux dpens de l'augmentation du surplus du consommateur? Ici, l'existence d'une lgislation (c'est--dire d'institutions) peut s'avrer dcisive pour garantir la possibilit et la fiabilit de ce type de rapport contractuel.

    2.1.2. Les institutions: cadre lgal de la relation contractuelle C'est un peu tardivement que Williamson incorpore cette question du

    contexte institutionnel dans l'analyse des structures de gouvernance. En 1991, il introduit la question des institutions de la faon suivante: comment les distributions d'quilibre des transactions [entre les trois structures de gouvernance] changeront en rponse des perturbations de l'environnement. Les deux parties de la nouvelle conomie institutionnelle l'environnement institutionnel et les institutions de la gouvernance - sont impliques (Williamson, 1991b, 1996, p. 111).

    Pour saisir l'impact de l'environnement institutionnel sur les structures de gouvernance, il faut prendre en compte la manire dont les institutions peuvent avoir des consquences directes sur les structures de gouvernance, mais aussi la manire dont ces mmes institutions peuvent avoir un impact sur les individus dont la modification des comportements se rpercutera en retour sur les structures de gouvernance (cf. schma 4). Schma 4. Williamson : Individu, structure de gouvernance et institution

    Paramtres dc

    changement

    Attributs comportementaux

    Environnement institutionnel

    Stratgie

    Structure de

    manceg3 J

    ...

    Prfrcnces ldognes -+- 1

    1Individu ,,","",-~,,--,

    Source: Williamson 1996, p. 223.

    7. Williamson, cependant, ne critique pas systmatiquement ce type d'organisation d'une transaction. De faon trs cohrente, il insiste sur la prise en compte du caractre qualitatif d'une modalit des transactions et non exclusivement sur les prix qui en dcoulent. Ainsi, en raison de la rationalit limite des agents, un systme de concession peut tre la garantie pour le consommateur d'une rtaine qualit des produits (Williamson, 1985, pp. 222-227).

  • 116 LES GRANDS AUTEURS EN ECONOMIE...

    Il existe, aux yeux de Williamson quatre paramtres de l'environnement institutionnel qui jouent un rle majeur dans le choix d'une structure de gouvernance (1991 b, p. 1) le droit des contrats dfinit l'espace de libert contractuelle pour chacun des types de structure de gouvernance. 2) Les droits de proprit dfinissent, selon les types de contrat, les modalits d'utilisation des biens et services possds et les droits rsiduels affrant la possession d'un actif. 3) Les effets de rputation sont variables selon l'environnement institutionnel et renvoient aux rgles informelles qui peuvent exister. 4) Enfin, l'incertitude, renvoie la fiabilit du cadre institutionnel qui pourra conduire, toute chose gale par ailleurs, les agents privilgier des structures hirarchiques si les garanties lgales apparaissent insuffisantes.

    Le critre distinctif entre institution et rgles de fonctionnement des structures de gouvernance est que leur vitesse d'volution est radicalement diffrente. Ds lors elles relvent d'ordres diffrents d'conomisation )} (Williamson, 2000, p. 597). Williamson, parce qu'il focalise son attention sur les structures de gouvernance, considre que les institutions sont l'une des contraintes qui prside au choix de la bonne structure de gouvernance. C'est ainsi qu'il affirme: Il l'environnement institutionnel est principalement trait comme une donne (Williamson, 1996, p. 5).

    2.1.3. Les facteurs dterminant le choix d'une structure de gouvernance

    Nous pouvons maintenant synthtiser les diffrents lments qui vont peser sur le choix d'une structure de gouvernance :

    Schma 5. Les facteurs dterminants du choix d'une structure de gouvernance Les institutions

    La uaruaruOD

    Les trois types de structu.res de gouvernance et Icur efficacit telathre

    _ insrru:ments de la uansaCTlon (pli" ou admmisrraton) -les O1ooal6: d'adaptaritHl -le rgime contta.:tud.

    Le. individ ...

    Oliver Wi/liamson 117

    Nous avons donc des variables de choix d'organisation d'une transaction donne. En cela, les travaux de Williamson dgagent bien une bote outils pour l' oprationnalisation des hypothses de la Nouvelle Economie Institutionnelle. Cependant, et ce de faon consquente au regard de la rationalit limite des agents qui fait que chaque contrat est incomplet de faon irrductible, il ne peut exister de solution optimale, dans le choix d'une structure de gouvernance, au sens d'une solution qui serait applicable quelque soit le contexte concret dans lequel se droule la transaction. Ds lors, la justification du choix d'une structure ne pourra tre que relative un contexte donn dans lequel n'apparatra pas une autre solution ralisable moindre cot.

    La remdiabilit comme d'efficacit

    Choisir une forme de structure de gouvernance revient donc comparer des formes alternatives de structures de gouvernance, telles qu'elles pourraient exister dans la ralit. Ainsi, le seul point de comparaison possible pour juger de la validit d'une structure de gouvernance est de s'interroger sur la possibilit d'en raliser une autre moindre cot. Cette comparaison entre des formes alternatives ralisables se fait l'aide du critre de remdiabilit, que Williamson dfinit de la manire suivante : l'conomie des cots de transaction met l'accent sur les inefficacits remdiables, c'est--dire, les conditions pour lesquelles une alternative ralisable peut tre dcrite, laquelle, si elle est introduite, pourrait entraner des gains nets (Williamson, 1996, p. 240). Ce critre de remdiabilit est d'une porte trs gnrale et doit tre considr comme une mthode d'analyse qu'il faut systmatiquement respecter: Il le test appropri pour les "dfaillances" de toutes sortes - march, bureaucratie, redistribution - est celui de la remdiabilit }} (Williamson, 1996, p. 195).

    Le concept de remdiabilit va, d'une part, ancrer l'analyse de Williamson dans la ligne des travaux de Coase et de la Nouvelle Economie Institutionnelle puisque c'est le moyen, ses yeux, de penser l'alternative march/hirarchie. D'autre part, il permet de fonder une conomie normative sans qu'il soit besoin pour autant de poser un monde hypothtique dans lequel les hypothses sur le comportement des agents sont irralistes. Enfin, dans la logique d'une approche empiriste, les outils analytiques proposs par Williamson sont l'objet d'une confrontation continuelle avec la ralit conomique.

  • 118 LES GRANDS AUTEURS EN ECONOMIE..=-"____

    La NEI repose sur l'hypothse logique selon laquelle l'existence des firmes ne peut s'expliquer que s'il existe des cots de transaction sur le march. Sans cette condition, il n'y aurait pas de raisons pour que les transactions ne se fassent pas toujours par l'intermdiaire du march. Inversement, de faon tout aussi logique, si le march existe c'est parce qu'il existe des cots d'organisation l'intrieur des organisations. C'est ce que rappelle Coase lorsqu'il s'interroge sur la source des gains qui naissent travers l'existence des firmes: Bien sr, mon point de vue est, qu'ils proviennent, d'une rduction des cots de transaction. Mais l'essentiel des cots qui sont vits sont ceux qui, autrement, auraient t contracts par les transactions ralises sur le march entre les facteurs cooprant maintenant l'intrieur de la firme. C'est la comparaison de ces cots avec ceux qu'il faut contracter pour faire fonctionner une firme qui dterminent si il est profitable de crer une firme (Coase, 1993, p. 59). Ce qu'apportent ici les travaux de Williamson, c'est l'outil de la comparaison des cots grce l'utilisation du concept de remdiabilit.

    Subsquemment, le concept de remdiabilit permet d'chapper une vision normative de l'conomie base sur des hypothses irralistes de comportement (Williamson, 2000, p. 601). En cela, Williamson s'oppose aux rflexions conomiques qui s'appuient sur un modle organisationnel idal (optimal) et en dduisent les formes organisationnelles raliser. Une approche qui partirait d'une situation idale sur un march de concurrence parfaite ou de toute autre approche en termes de second best, ne peut que rater l'objectif d' oprationnalisation dans la mesure o les propositions avances ne pourraient tre en adquation avec la ralit telle qu'elle est. Il faut distinguer ceci [le test de remdiabilit] des gains nets hypothtiques, lorsque l'inefficacit en question est juge par le rapprochement d'une solution possible avec un idal hypothtique (Williamson, 1996, p. 240). Ici, Williamson s'inscrit explicitement dans la ligne des travaux de Simon (Williamson, 2000, p. 600) pour lequel il convient de poser des hypothses ralistes sur le comportement des agents. En dpit de la rationalit limite des agents et de l'impossibilit qui en dcoule de construire des modles conomiques bass sur une axiomatisation du comportement d'agent parfaitement rationnel, les outils de la NEI permettent nanmoins de faire des propositions de politiques conomiques, puisque l'on peut toujours s'interroger, pour toute forme d'organisation de l'conomie, sur la possibilit de mettre en place une solution alternative ralisable moindre cot.

    8. Wliamson fait remonter ce dbat l'opposition entre Robinson (1934. p. 248 et s.) qui s'oppose l'conomie du nirvana prsuppose par Kaldor (1934) pour pouvoir dfinir la firme idale .

    Oliver E. Williamson 119

    Enfin, avec le concept de remdiabilit c'est une approche pragmatique qui est revendique, approche dans laquelle la proposition thorique subit le double test de la confrontation au moins une proposition alternative et la possibilit de son implmentation; approche pour laquelle un mode organisationnel existant peut tre remis en cause ds lors qu'une forme alternative peut tre implmente avec des gains nets ralisables.

    Au terme de cette deuxime partie - au-del de la prsentation et de l'approfondissement des concepts de Williamson - transparat en filigrane son programme de recherche. Si son projet est bien l'oprationnalisation des propositions de Coase, il ne s'agit pas pour autant d'une collection d'tudes empiriques mais bien de la construction de concepts pour permettre la ralisation d'tudes des phnomnes conomiques. En ce sens, Williamson est un thoricien de l'oprationnalisation, le concepteur d'outils de l'oprationnalisation d'un nouveau paradigme, la Nouvelle Economie Institutionnelle. Il convient donc, comme pour tout nouveau paradigme, de s'interroger sur sa capacit expliquer toute la gamme des phnomnes dont il prtend rendre compte et de le confronter avec d'autres paradigmes qui ont le mme type de prtention.

    DE L'HEURISTIQUE WlLLIAMSONIENNE

    111 LA SPCIFICITE DU POSITIONNEMENT

    Sur les questions initiales de la raison pour laquelle les organisations existent et de l'importance de leur analyse pour la comprhension des phnomnes conomiques, le paradigme williamsonien a une forte cohrence dont on peut souligner la logique argumentative (3.1) et la simplicit de l'heuristique de rsolution des problmes (3.2). Cependant, ce paradigme n'est pas l'abri d'un certain nombre de critiques. Ainsi, il est fait trs souvent reproche Williamson de focaliser son analyse sur le problme de l'allocation des ressources et de ngliger l'analyse des phnomnes de production ralise par les organisations, y compris les phnomnes de production de savoir-faire ou de comptences. Sans trancher ce dbat, nous allons montrer en quoi il peut tre clair partir des diffrences en ce qui concerne les hypothses sur la rationalit des agents (3.3).

    ........... Ji... ""' .. ""''''', ..... _L de logique argumentative Le principe williamsonien d'analyse des choix organisationnels repose

    sur une logique de construction dont la prmisse initiale porte sur la nature de la rationalit des agents. Mme si les agents sont dots d'une ratio

  • 120 LES GRANDS AUTEURS EN ECONOMIE...

    nalit limite, ils peuvent agir et agiront pour satisfaire au mieux leur intrt individuel. De cette prmisse dcoule le caractre radicalement incomplet des contrats. Il est strictement impossible pour les agents individuels de prvoir tous les tats futurs de la nature (caractre limit de la rationalit) ou de prvoir ex ante la meilleure manire de grer les alas futurs. Pour Williamson, les agents pourront toujours inventer, en fonction des circonstances, des moyens de contourner ou d'interprter leur avantage exclusif les rgles pralablement tablies (caractre rationnel et opportuniste des individus). De l, dcoule l'ide que toute transaction sera coteuse raliser et qu'il faut trouver la structure d'encadrement de cette transaction qui pourra la rendre la moins coteuse possible tout en sachant qu'il n'existe pas de formes idales d'organisations des transactions et qu'il convient donc de comparer les formes d'organisation qui peuvent tre rellement mises en place.

    On peut reconstruire la logique argumentative du raisonnement de Williamson de la manire suivante:

    Schma 6. Logique argumentative du raisonnement

    3.2. Une heuristique du choix organisationnel des transactions

    A cette logique de raisonnement est associe une heuristique de rsolution des problmes du choix organisationnel fonde sur deux critres: la spcificit des actifs engags dans la transaction (h) et la possibilit de mettre en place des systmes garantissant la bonne excution des contrats, autrement dit la possibilit de mettre en place des clauses de sauvegarde (s) (cf schma 7). Si les actifs ne sont pas spcifiques, le recours au march minimisera les cots de transaction. En prsence d'actifs spcifiques, il faut vrifier s'il y a possibilit de mettre en place des clauses de sauvegarde. En l'absence de cette possibilit, les participants sont face un risque de comportements opportunistes insurmontables (Williamson, 2002a, p. 183,2005, p. 44). L'engagement des participants apparat donc instable (Williamson, 1985, p. 54). Par contre lorsqu'il existe des possibilits de clauses de sauvegarde, les participants une transaction, selon l'environnement juridique et le degr de spcificit des actifs opteront

    Rationalit Iimree (imertil""'" opportunts.n.e)

    Contrat radicalemenr incomplet (th

    Transaction COtelL'ie. Le cot Olt fonction de la ITquem.:e. l'incemttlde er de 1a.,

    Trouver la StrUCture de gouvernance minimisant les COts de tranSrool1 (aligne..."')

    Comparahoo des srroaures de gouvernance

    ral~ble.\ (....

    Oliver E. Williamson 121

    pour la mise en place d'une forme hybride (existence de clauses de sauvegarde tout en conservant une relation de march) ou une forme intgre de la relation. Cette heuristique (cf schma 7) peut tre utilise pour toutes les formes de transaction.

    Schma 7. Heuristique de rsolution des problmes du choix organisationnel A : rerours au march

    B : hasard rotalement insurmomable

    C : engagements crdibles

    D : intgration

    Cette logique de construction et cette heuristique sont-elles mme de rsoudre tous les problmes de choix organisationnels? Pour Williamson, il est par exemple possible de penser le choix stratgique des modalits de financement des entreprises l'aide cet outil (2002b, p. 186), puisqu'on peut ramener ce choix une option entre faire appel un actif externe (endettement) ou intgrer cet actif (augmentation de capital). De la mme faon la relation salariale peut tre aussi pense l'aune de ce schma (Williamson, 2002b, p. 185). Plus largement dans la ligne de Williamson (1999b) certains auteurs se sont inspirs de sa rflexion pour penser les choix de politiques conomiques (Spiller, 1996).

    Cependant, Williamson reconnat que d'autres ({ lentilles d'observation des organisations peuvent apporter des rsultats complmentaires la NEI et ouvre la question de savoir si nous sommes face une thorie qui permettrait de penser toutes les questions conomiques concernant les organisations.

  • 122 LES GRANDS AUTEURS EN ECONOMIE ...

    3.3. La question de la rationalit est au cur des conflits entre les paradigmes

    Deux reproches sont rgulirement faits l'approche de Williamson. D'une part, ne conduit-elle pas minimiser la question traditionnelle en conomie de la recherche de la minimisation des cots de production? D'autre part, nocculte-t-elle pas la question des comptences d'une firme, lesquelles ne seraient pas rductibles un nud de transactions et de contrats parce qu'elles dpasseraient les relations interindividuelles entre les agents au sein d'une firme (Kogut & Zander, 1992, p. 384) ?

    A la premire question Williamson peut rpondre de la manire suivante: les seuls cas o une analyse technologique de la coordination serait suffisante sont les cas de non sparabilit technologique et ne peuvent concerner que les petites quipes (Williamson, 1999, p. 1088).

    Cependant, en raison de l'incertitude, toute transaction ncessite une gestion ex post et ds lors une limitation de l'analyse la seule question des cots de production sera insuffisante.

    Il n'y a donc pas occultation de la question des cots de production, mais ajout de l'existence irrductible de cots de transaction. Autrement dit, la rduction de la firme un problme technologique prsuppose rsolue la question du comportement des agents. C'est par exemple le cas de l'conomie standard lorsqu'elle rduit la firme a une fonction de production grce l'hypothse de rationalit illimite des agents. C'est galement le cas, avec une approche en termes de rationalit limite, lorsque Nelson et Winter (1982) rduisent la firme la question du dveloppement et de l'acquisition de comptences technologiques parce qu'ils posent l'hypothse que les agents agissent dans l'intrt de la firme9 Il ne s'agit donc pas, pour Williamson, d'occulter la question des cots de production, mais plutt de considrer que les cots de production sont le rsultat de la manire d'organiser la transaction. Ainsi, comme il le montre (Williamson, 1991a), la question des cots de production peut tre traite directement l'aide d'une analyse des cots de la bureaucratie.

    9. Cette hypothse est possible parce que Nelson et Winter introduisent l'hypothse d'une trve dans la firme. Face l'incertitude, lie l'issue incertaine d'un ventuel conflit, les membres de l'organisation ont recours la trve, qui doit tre comprise comme une mise entre parenthse volontaire des conflits d'intrts individuels et collectifs: ({ comme une trve entre les nations, la trve entre les membres d'une organisation tend donner naissance une culture symbolique particulire partage par les parties. Une reprise ouverte des hostilits pourrait tre coteuse et pourrait aussi impliquer une brusque lvation de l'incertitude au sujet des positions futures des parties. En consquence, l'tat de trve est considr ordinairement comme valable et une rupture de ses termes ne peut tre prise la (Nelson & Winter 1982, p. 111).

    l_

    Oliver E. Williamson 123

    Pour pouvoir rpondre la question concernant les comptences, il convient de rappeler qu'une telle approche prsuppose l'existence d'un rpertoire de connaissances activ par des routines organisationnelles lesquels permettent aux agents de dvelopper et d'utiliser des comptences dans le sens des intrts de la firme. Ainsi, le dbat entre une approche base sur les comptences et l'approche de Williamson portera sur l'unit d'analyse pertinente: la transaction ou la routine. Sur ce dbat, l'conomie des cots de transaction a dvelopp des arguments. 1) Williamson (1999a) considre que l'unit d'analyse utilise par les tenants d'une approche de la firme base sur les connaissances savoir les routines est beaucoup trop vague pour tre rellement oprationnelle. 2) Par ailleurs, certains travaux montrent que la transaction peut tre l'unit d'analyse pertinente pour comprendre les mcanismes d'acquisition des connaissances (Nickerson & Zenger, 2005). On peut noter que sur cette question des comptences beaucoup de travaux insistent sur la complmentarit des deux approches (Foss, 1996a & b, Williamson, 1999a, Jacobides & Winter, 2004)10.

    Quoiqu'il en soit sur ce dbat, la comprhension de la spcificit de l'approche de l'conomie des cots de transaction par rapport aux autres approches, impose de revenir sur la question de la rationalit. En effet, sur cette question de la rationalit prte aux agents individuels, l'approche de Williamson se trouve sous les feux de critiques croises. D'une part, pour la thorie de l'agence et la thorie des contrats incomplets, l'hypothse de rationalit illimite, si elle se heurte des frictions, n'en reste pas moins une hypothse suffisamment fiable pour pouvoir modliser le comportement des agents (voir chapitre sur Oliver Hart). D'autre part, les dfenseurs de l'hypothse d'une rationalit cognitivement limite reprochent Williamson de conserver une analyse trop exclusivement tourne vers les comportements opportunistes et la recherche de la satisfaction de l'intrt individuel. Cette critique est formule par divers auteurs parmi lesquels: Simon (1991), Ghoshal & Moran (1996), Hodgson (1998), Dosi (2004, p. 218). En rponse cette critique, Williamson reproche aux tenants de cette forme de rationalit limite de considrer que les agents sont extrmement myopes. Il crit par exemple: entre myopie et prvoyance, l'approche en termes de comptence insiste principalement sur la premire (Williamson, 1999a, p. 1094).

    10. WlIiamson lui-mme crit: je vois la relation entre comptences et l'approche par la gouvernance la fois comme rivale et complmentaire

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    Ce qui importe ici pour Williamson, c'est l'impossibilit d'exclure l'hypothse de comportements opportunistes: en l'absence d'opportunisme, tout ce qui suit disparatrait: le hasard moral, la slection adverse, le tirage au flan, les filtrages, la poursuite de sous objectifs non dits, les distorsions et toutes les autres tromperies stratgiques (Williamson, 1999a, p. 1099). Cependant, l'opportunisme n'est ni une vertu en soi ll , ni le seul comportement des individus1z Lopportunisme doit tre pris en considration parce que les problmes organisationnels naissent plus de ce qui peut opposer les individus que de ce qui peut les unir. Ds lors, l'insistance est porte sur les mcanismes organisationnels qui peuvent crer de l'ordre. A l'inverse, Simon, considre que l'organisation est un moyen de crer des procdures rationnelles permettant aux individus de faire face leur rationalit limite. Pour Simon, les individus sont naturellement loyaux et docilesl3 Au fondement de la diffrence entre ces deux approches, c'est bien le maintien par Williamson d'une forte intentionnalit des acteurs capables d'imagination et d'invention qui justifie son approche.

    Cette diffrence essentielle dans l'apprciation de la rationalit se retrouve aussi vis--vis des approches volutionnistes. Les individus, du fait de leur plus forte rationalit dans l'conomie des cots de transaction, continuent jouer un rle central (il ne peut y avoir de comptences que dans la tte des individus et les individus peuvent avoir intrt dissimuler leurs comptences). Ds lors, y compris pour les comptences, la question centrale reste celle de savoir comment se ralisera l'change de comptences (y compris la question du partage de dcouvertes, partage d'apprentissage, etc.) Lunit d'analyse pertinente reste donc la transaction et le degr de spcificit des actifs humains lis leurs comptences et non la routine comme mcanisme de dveloppement de comptences propres une firme. Cependant, l'approche de Williamson n'exclut pas des points de convergence avec celle des volutionnistes ds lors que cette dernire

    Il.. Concder l'opporrunisme n'est pas, toutefois, le clbrer (Williamson, 1999a, p. 1099). 12. Ainsi, Williamson, utilise le concept d'atmosphre pour souligner les comportements qui relvent d'attitudes de coopration. Ce concept d'atmosphre, est prsent par B. Baudry (1999, pp. 64-65) de la faon suivante: s'interrogeant sur les possibilits d'utilisation des fins personnelles du tlphone et du papier de l'universit par les enseignants, Alchian et Demsetz indiquent que ces pratiques pourraient tre limines par le contrle, et simultanment les revenus montaires augmenteraient (1972, p. 779780). Williamson critique ce raisonnement en soulignant la possibilit d'interaction, aux niveaux des attitudes des individus, entre plusieurs types de transaction. Pour lui, le contrle de telles "peccadilles" 0975, p.56), qui est peu coteux, est susceptible d'entraner une diminution de la coopration des individus car il engendrera un "ressentiment" . 13. Simon se rfre la biologie et la psychologie volutionnistes pour rendre compte de cette propension naturelle des individus (Simon, 1983).

    Oliver E. Williamson 125

    intgre dans son analyse des routines, les questions de gouvernance des conflits potentiels (Williamson, 1999a, p. 109614).

    Au total, l'agent individuel, dote d'une rationalit, au sens d'une capacit penser son intrt de faon autonome, est un agent calculateur et la science des organisations, si elle veut faire reposer ses analyses sur des hypothses ralistes doit toujours prendre en compte cette capacit calculatrice. Ainsi Williamson (1996, chapitre 10) reproche l'utilisation de la notion de confiance en conomie des organisations parce que trs souvent les situations de confiance peuvent s'expliquer par un calcul des agents individuels qui considrent qu'ils ont un intrt faire confiance d'autres agents.

    Nous aurions pu montrer, de la mme manire, en quoi le dbat avec les sociologues des organisations peut tre clair l'aide de cette problmatique des hypothses sur la rationalit l ). Cette position singulire de Williamson (combinant une approche de la rationalit base sur la recherche de l'intrt individuel et une approche de la rationalit cognitivement limite) en fait un auteur quelques fois rabattu du ct de la thorie conomique dominante ou d'autres fois un auteur inscrit dans le courant htrodoxe .

    Conclusion Williamson a cherch faire uvre paradigmatique: son uvre, qui

    concilie dveloppements thoriques, empiriques, voire rflexion et parti pris mthodologique, a rellement cherch proposer une lecture d'ensemble des organisations. Par-del (et grce aux) les dbats suscits, il convient de souligner les progrs permis par l'uvre de Williamson : dans la vision des choix de structures de gouvernance, de l'organisation des transactions, de l'articulation de ces choix aux aspects institutionnels, ... Williamson a permis de faire uvre innovante depuis ses premiers articles.

    Cependant, si son heuristique est stimulante - et a permis par les critiques suscites de faire progresser le dbat scientifique - il convient de souligner que Williamson a ouvert d'autres champs de rflexion ou a appel l'ouverture de ces champs sans les approfondir.

    14. En l'espce, il s'agit d'une prsentation des points de vue d rendus par Coriat & Dosi (1998). 15. Voir, par exemple, Granovetter (1985, pp. 85 et s.).

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    Au moins deux sries de rflexion proposes par Williamson concernant la thorie des organisations restent en grande partie mener:

    - La question de la cohrence interne d'une organisation ouvre deux pistes de rflexion. D'une part, la firme est une collection cohrente de transactions. En cela, elle apparat non seulement comme une structure de gouvernance possible pour une transaction donne, mais aussi comme une chane de transaction. D'autre part, la gestion de la coordination des tches l'intrieur des organisations n'est pas l'unique tche du management qui doit galement faire face la question de la coordination des tches de coordination.

    - En 1996, Williamson a propos de dfinir un quatrime type de structure de gouvernance, qu'il appelle la bureaucratie, laquelle correspond aux formes actuelles d'organisation de march avec un agent public rgulateur. S'il a fourni une caractrisation d'ensemble de cette forme, il convient de s'interroger sur sa caractrisation, et sur sa possible articulation avec le cadre existant: ne sommes-nous pas conduits imaginer autant de formes de gouvernance qu'il y a de situations?

    Lapprofondissement de ces questions est un dfi majeur pour la Nouvelle Economie Institutionnelle. En effet, si l'on admet que l'organisation est une chane cohrente de transactions, la possibilit de penser l'alternative march/hirarchie avec comme unit d'analyse la transaction - ide au fondement mme de ce courant pourrait se trouver remise en cause.

    Notice biographique Oliver E. Williamson, n en 1932 dans l'tat de Wisconsin aux tats-Unis, est professeur mrite l'Ecole Edgar F. Kaiser de Management, Economie et Droit de l'Universit de Californie Berkeley. Il est l'un des auteurs les plus cits en management, en conomie et en Droit. Sa notorit repose sur son apport majeur la thorie des cots de transaction, utilise dans ces trois disciplines pour des travaux thoriques aussi bien qu'empiriques. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages et de plus d'une centaine d'articles publis dans les revues les plus prestigieuses, telles que Ameriean Economie Review, Quarterly Journal ofEconomies, Journal ofPolitieal Economy, rle Law Journal Antitrust Law Journal et bien d'autres revues spcialises en sciences conomiques, gestion et administration des affaires et Droit. Le Pr Williamson a t dcor de nombreuses distinctions, et plus rcemment du Prix Claus Rechtenwald en 2004. Parmi ses anciens doctorants, on compte de nombreux professeurs prestigieux tels que David Teece de l'Universit de Californie de Berkeley.

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