Ecoutes téléphoniques : Big Brother version mauricienne (1)

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  • 7/28/2019 Ecoutes tlphoniques : Big Brother version mauricienne (1)

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    Dossier

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    No 112 24 MARS 2012

    ATTAQU SON DOMICILE

    Trois inconnus ont fait irruption dans la maison dun responsable de chantier, habitant Quatre Bornes et ont vol la

    somme de Rs 6 000, trois cartes bancaires, plusieurs appareils lectroniques, des parfums, des sacsmain et quelques

    vtements dune valeur totale de Rs 60 000, le mardi 20 mars 19h30. La victime qui tait seule son domicile, fut agress

    puis ligot par les voleurs avant de commettre leur mfait. La victime est en clinique et son tat nest pas srieux.

    Pa kapav koz lor telephone.Combien de fois avez-vousentendu cette phrase, ou

    lavez-vous peut-tre prononce vous-

    mme ? Cette perception selon laquelleles tlphones seraient sur coute estencore plus forte en priodedincertitude politique, si lon en jugepar les commentaires rcents sur lesradios prives, notamment. Cette peurdes coutes est-elle justifie ?

    Lgalement, il est interdit de mettrequelquun sur coute sans autorisationpralable dun juge. Pourtant, la lgalitne semble pas peser bien lourd face auxralits technologiques et surtout laraison dEtat. Me AshokRadhakissoon, ancien prsident delInformation and CommunicationTechnology Authority (ICTA),

    confirme que la Constitution de notrepays, section 12, vient dire que nous avonsdroit la protection de notre vie prive et

    par extension, la protection de noscommunications, mais il rappelle quecette mme section 12 dit aussi quil est

    permis dans un Etat dmocratique defaire certaines drogations la protectiondes liberts fondamentales.

    A cet gard, le Premier ministre,Navin Ramgoolam devait reconnatre,dans sa rponse une interpellationparlementaire de Rajesh Bhagwan, le

    20 octobre 2009, que () lcoutetlphonique constitue une violationclaire des droits fondamentaux la libertdexpression, except sous certainesconditions spcifiques. Dans cesconditions spcifiques, donc, lescoutes tlphoniques sont autorisespar la loi Maurice, et ce dans lintrtde la souverainet de lEtat, de la scuritnationale et de lordre public et selondes paramtres spcifiques, prcisait lePM en rponse une autre questionparlementaire du dput Adil AmeerMeea, le 18 octobre 2011.

    COUTES NON OFFICIELLES

    Autorises sous certaines conditions,oui, et encore, pas pour nimporte quelleaffaire, prcise Me AshokRadhakissoon, seulement pour lesaffaires criminelles dune certaineimportance, relevant par exemple duterrorisme, du trafic de drogue ou de la

    grande criminalit. Et ces paramtresspcifiques dont parle le PM, cest lancessit pour la police qui veutprocder une coute, dobtenirlautorisation dun juge en chambre.Me Ashok Radhakissoon affirme enoutre que, pour cela, les policiersdoivent prouver quils nont pas dautremoyen davoir accs ces informations

    pour faire avancer leur enqute. Lapolice communique ensuite lademande du juge loprateur, qui estalors tenu de communiquer le numrode tlphone et le relev dtaill descommunications sur un an de lapersonne concerne.

    Lgalement, la police mauriciennena pas accs au contenu desconversations Except sous lePrevention Of Terrorism Act 2002et delICT Act 2001. Dans sa rponse la

    question parlementaire dAdil AmeerMeea du 18 octobre 2011, le PM estvenu confirmer que jusqu prsent,lICTA navait encore jamais eu recours

    cette procdure.Mais ct de ces coutes dites judiciaires (autorises par un juge), ilexisterait aussi un autre type dcoutes.On les appelle pudiquement coutesadministratives , parce quelles nepassent pas par le circuit de demandedautorisation lgale. Ces coutesadministratives lisez : non officielles sont supposes permettre de dceler lesdangers potentiels constitus par desdlinquants, terroristes, opposantspolitiques... Cet autre type dcoutesexiste, on nen connat pas exactement lescontours, mais on constate que cest l,observe Me Ashok Radhakissoon.

    Dans un Etat, la pratique existe dunefaon occulte, il y a certaines instancesEt ce nest pas qu Maurice, cest danstous les pays, mme les plusdmocratiques.

    Dautant que lvolutiontechnologique a considrablementsimplifi les procds dcoute etpermet mme la surveillance de masse.Dsormais, il ne sagit plus seulementdcouter vos conversationstlphoniques. Il est devenu galementpossible de vous golocaliser cest--dire de suivre vos dplacements, etmme dcouter dans la pice o voustes tout a partir de votre propre

    tlphone portable (voir hors texte).Lors des Printemps arabes, quand lescitoyens ont renvers les dictatures enEgypte et en Lybie, ils ont dcouvertdes chambres dcoute o desquipements de surveillancesophistiqus suivaient leurs moindresmouvements, rapporte Wikileaks.

    Dans sa base de donnes Spyfiles,Wikileaks rpertorie les entreprisesprives qui dans le monde entier,dveloppent cette vaste industrie du

    renseignement (voir hors texte).LONG britannique PrivacyInternational, qui dfend le droit aurespect de la vie prive, place dans son

    Top 10 des pays o les citoyens sont leplus surveills : la Malaisie, la Chine, lesUSA, la Thalande, Isral, la Grande-Bretagne, Singapour et la Russie(classement 2007).

    Maurice napparat pas dans leclassement, mais les Mauriciens nensont pas moins largement convaincusque les tlphones sont sur coute dansle pays. Navin Ramgoolam, lui-mme,avouait lors dune rponse la questionparlementaire de Rajesh Bhagwandemandant des garanties que lesopposants politiques ntaient pas surcoute, que moi-mme, mme en tantque Premier ministre, je fais trs

    attention. () Je ne parle presque jamaisau tlphone parce quil y a cetteraction.

    Dans un rapport datant de 1983, lechef-juge sir Maurice Rault relevait djla tendance qui, selon lui, ne passait pasle test de la rationalit, selon laquellebeaucoup de citoyens ordinaires, que

    personne ne rverait de mettre sur coute,sont convaincus davoir des signes quilssont sur coute. Il mettait en videnceles mcanismes de cette fabrique de lacroyance, quil rattache aux expressionsdu noubanisme. (voir hors texte).

    Dans ses rponses aux questionsparlementaires, le Premier ministre na

    pas donn de garantie que lesopposants politiques ntaient pas surcoute. En revanche, il a spcifi que lematriel tait trop coteux poursurveiller la population mauriciennetoute entire. Il faudra sy faire : seulsquelques heureux lus sont couts, etencore, pas ncessairement ceux quipensent ltre. Mais comme observaitHarish Boodhoo, la perception peuttre encore plus dangereuse que laralit.

    Big Brother versionmauricienne

    ECOUTES TLPHONIQUES :

    Les coutes tlphoniques existent dans tous les pays du monde, mme ceux dits dmocratiques, surtout depuis le dveloppementdes technologies de surveillance de masse. A Maurice, la pratique des coutes, dont on ne connat pas les contours exacts, estrelaye par le frisson collectif de se croire surveills.

    C.B.