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Ecriture de plateau
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Ecriture de plateau et théâtre post-dramatique
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La peur et le pain
actuelles.
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« Ils se sont réveillés aujourd’hui, se sont levés. Ils semblent encore épuisés. Traînent leurs
carcasses sur les pavés. Ils marchent dispersés parmi la foule des autres. Ensemble éparpillé.
Si on pouvait s’élever au-dessus de la rue on apercevrait le banc de poissons disséminé qu’ils
forment. Cela ne tient pas seulement à leurs airs hagards-similaires-maigrichons et à leurs
longs paletots. Cela tient surtout au rythme lent de leurs pas et à leurs regards qui passent à
travers vous comme à travers tout. Ils marchent dans la ville mais ils ne sont pas dans la
ville. »
La peur et le pain (extrait)
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La peur et le pain (extrait)
Source : L’eau du Bain
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« L’acteur n’est pas un bout de pâte à modeler qui "se glisse dans la peau de personnages ".
« C’est un acteur qui écrit. »
La langue de Sacha Guitry est une langue du trop, de l’excès, jonchée d’une multitude de signes derrière laquelle apparaît une extrême connaissance du plateau : c’est un acteur qui écrit. C’est un auteur qui
pratique le plateau et qui manie avec virtuosité les rythmes, les ruptures… le dialogue. C’est une langue vive, bavarde et luxuriante, omniprésente, qui file à toute allure et ne s’arrête que très rarement,
offrant à chacun des silences une épaisseur propre à la laisser résonner de toute sa densité. Car lorsqu’on se penche sur elle, quand on cherche à écarter les modèles coriaces et la «musique» qu’elle peut engendrer, on
accède à sa profondeur de sens, bien loin de l’apparente légèreté dont on l’affuble.
Thomas Jolly (sur TÔA)
Dans Deburau, Sacha Guitry donne une « leçon de théâtre » et quand on lui demande quel est son secret il répond : «Pense tout simplement, la
chose est bien facile ! Ce n’est ni malin ni subtil ! ». Voilà justement le secret : la pensée. Et voilà justement en quoi son écriture reste à découvrir, car piégeuse, elle mène d’un premier abord l’acteur vers « le malin et le subtil », l’acteur cherchant alors à tout prix à faire rire et
prenant le pas sur la langue. La langue de Guitry se suffit à elle-même, elle fait rire, et l’acteur a pour seul travail, comme toujours, de penser. Et donc de faire entendre la pensée de Guitry, la pensée d’un homme,
d’un homme de théâtre, d’un artiste, praticien et théoricien de son art. Je cite Pasolini qui disait que le charme de l’acteur ne doit pas prévaloir sur le sens de ce qu’il dit. Et c’est tout l’enjeu de mon travail sur cette
pièce : faire entendre la pensée avant de chercher à produire l’effet voulu, ou pire, ce qu’on croit être l’effet voulu. L’acteur, « porte parole » de cette langue la laissera créer d’elle-même ses effets,
comiques ou non.
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Car derrière l’auteur à succès il y a l’homme, il y a l’artiste, et c’est sur
lui que Sacha Guitry dirige son regard… et le nôtre… et le mien. C’est sur
ce point sans doute que Sacha Guitry est fascinant. Il a fait l’expérience
d’aller au bout d’une définition résolument moderne (peut-être même en
est-il l’inventeur ?) : l’acteur n’est pas un bout de pâte à modeler qui «se
glisse dans la peau de personnages ». L’acteur c’est un être. Avec une
histoire, une sensibilité, un corps, une pensée, une voix… L’acteur est son
propre outil de travail. L’acteur travaille avec lui. Part de lui. A partir de
lui. En lui. Pour lui. Il s’utilise. Il use de lui. Sacha Guitry s’est injecté
dans tout le processus théâtral : écriture, mise en scène, jeu, ses épouses
jouaient ses épouses, son père jouait son père… et jusqu’à reproduire sur
scène sa propre demeure. Il s’est utilisé en entier. Mêlant sa vie privée
avec sa vie publique, faisant du spectaculaire avec son intime.
Quelle est la limite entre la personne et le personnage ? Entre l’acteur et
l’homme ? La scène peut-elle être l’endroit du privé ? C’est donc bien le théâtre qui est un des personnages centraux de cette pièce, on passe du salon à la scène qui elle-même représente le salon…
L’autre personnage, dans l’ombre du premier, c’est le réel. Le réel et sa perception. Le réel et sa transformation. Le réel et sa confrontation avec
le théâtre. Et Sacha Guitry mène là à un questionnement essentiel : le théâtre est-il un endroit de réel ? de vérité ? Bien évidemment les réponses évoluent au fil de l’histoire, mais en 2007, à l’heure où le théâtre ne peut plus conserver son caractère illusionniste face au cinéma
ou à la télévision qui le dépassent de loin et qui disposent de moyens inégalables, ne doit-il pas être ou devenir un endroit de résistance au mensonge ou de survivance de la vérité ? C’est une question. Et ne vient-
on pas au théâtre pour voir des gens vrais, qui parlent et respirent et pensent et vivent en vrai devant nous ? Ne vient-on pas au théâtre pour retrouver dans l’œil ou dans l’oreille une vérité ? Pour se purger du
mensonge créé autour de nous et de celui que nous produisons nous-mêmes ? Une catharsis moderne ? Faire le noir sur le faux et éclairer le vrai. Ne plus jouer, arrêter de jouer.
Thomas Jolly (sur TÔA)
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Ecriture de plateau, performance, narration, fiction
Depuis une dizaine d’années se dessinent sur les scènes européennes
deux grandes orientations qui peuvent être perçues comme l’héritage du théâtre postdramatique. D’une part, l’« écriture de plateau », telle
que la définit le philosophe et critique de théâtre Bruno Tackels
(Tackels, 2001), replace la notion d’écriture (non exclusivement textuelle) au centre du processus de création ; ce type d’écriture use de
matrices qui peuvent être plastiques, chorégraphiques ou
transdiciplinaires. L’écriture, et éventuellement la narration, y sont assumées par la mise en scène au sens large, c’est-à-dire par
l’ensemble des médias constituant le spectacle. D’autre part, la notion
de « théâtre néo-dramatique » désigne une théâtralité où un texte, des personnages et une fiction restent à la base du travail scénique, et ce
même si le texte est déstructuré, les personnages disloqués, la fiction
mise en doute. Les textes de Falk Richter et Anja Hilling, par exemple, relèvent de ces catégories (Richter, 2008 ; Hilling, 2009).
Dans le théâtre néo-dramatique, l’action existe, mais n’est pas
reproduite ou imitée telle quelle. On constate même le
développement d’un théâtre-récit qui est à l’œuvre dans les textes de
Anja Hilling, dans Electronic City de Richter (Richter, 2008), ou dans
Privatleben d’Ulrike Syha (Syha, 2008). Dans ce dernier texte, ER
(LUI) et SIE (ELLE) racontent leur histoire, de leur rencontre dans un
train à leurs improbables retrouvailles de nuit, dans un jardin obscur
où ER (LUI) manque de se faire tuer. L’écriture alterne entre le récit
direct des personnages au public, et des scènes choisies qui ont lieu
sur scène. Comme la voix off, le récit permet une conduite de
l’action par association d’idées, avec des flash-backs, des ellipses,
des changements de lieu et de temps. Ce texte est un exemple
typique de théâtre néo-dramatique, où il existe malgré tout une action,
même si elle est donnée par bribes, portée par des personnages ou des
figures, ou encore même si la forme joue sur l’ambiguïté entre
personnage et acteur.
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Après la notion de mimésis, ces formes héritières du postdramatique remettent en cause de façon radicale la représentation et la croyance
du spectateur en l’existence d’un monde parallèle et extérieur au nôtre. On pourrait résumer cette remise en cause du « pacte conventionnel
théâtral » par la question : en tant qu’acteur, suis-je je ou il ?
L’imitation pure ne peut plus fonctionner dans les nouvelles formes,
où l’on ne croit plus au pacte classique théâtral. Peut-être ceci explique-t-il pourquoi il est difficile, pour le spectateur de théâtre
contemporain, de faire abstraction de l’acteur comme personne,
comme je et, ainsi, de l’oublier au profit du il attribué au
personnage.
Comme une réponse à un monde de plus en plus fictionnalisé et
dramatisé, les formes de théâtre contemporain repensent la question
du réel et du fictionnel, laissant libre champ au spectateur de concevoir le drame qui n’a pas lieu sur le plateau. Fréquemment, ce
sont précisément des actes isolés qui sont présentés au public – c’est
du reste le principe de la performance ou de la dramaturgie
visuelle.
Anne Monfort, « Après le postdramatique : narration et fiction entre
écriture de plateau et théâtre néo-dramatique »
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Geste et musique
« Le spectateur reçoit différemment la musique lorsqu’elle procède d’un
mouvement : il voit le mouvement et entend la musique qui en est la
conséquence dans le même temps. Il visualise donc soudain cette dernière. Ce
qui n’est pas forcément évident lors d’un concert. Pour que la musique prenne
corps, il faut déployer et amplifier des mouvements qu’on ne discerne
généralement pas. Par exemple, on éloigne le musicien de son instrument,
comme le batteur de sa batterie. Alors, les mouvements nécessaires à la
production du son apparaissent au spectateur… Avant tout, il y a le mouvement
pour aller vers l’instrument. » (Pierre Rigal)
« Mon arme, c’est le mouvement, la précision du geste. J’ai donc décidé
d’accomplir mon rêve à ma façon : être musicien par le corps et ses
mouvements. » (Pierre Rigal)
« Car, je le répète, la musique se voit. Un œil expérimenté suit et juge, parfois à
son insu, le moindre geste de l’exécutant. De ce point de vue on peut concevoir le
procès de l’exécution comme une création de valeurs nouvelles qui postulent la
solution de questions analogues à celles qui se posent dans le domaine de la
chorégraphie ; ici et là nous sommes attentifs à la régulation du geste. Le
danseur est un orateur qui parle un langage muet. L’instrumentiste est un orateur
qui parle un langage inarticulé. A l’un comme à l’autre, la musique impose une
stricte tenue. Car la musique ne se meut pas dans l’abstrait. Sa traduction
plastique exige de l’exactitude et de la beauté ; les cabotins ne le comprennent
que trop bien.
Cette belle présentation, qui fait correspondre l’harmonie d’un spectacle à la
perfection du jeu sonore, ne réclame pas seulement de l’exécutant une bonne
instruction musicale, mais une extrême familiarité de cet exécutant, qu’il soit
chanteur, instrumentiste ou chef d’orchestre, avec le style des œuvres qui lui
sont confiées. Un goût très sur des valeurs expressives et de leurs limites, un
sens certain de ce qui va sans dire ; en un mot, une éducation, non seulement de
l’oreille, mais de l’esprit. »
Igor Stravinsky, Poétique musicale
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Dans le cadre de notre partenariat avec Mains d’Œuvres
Stage de théâtre performatif avec Anne-Marie Ouellet
Conception des ateliers : Anne-Marie Ouellet, Vanessa Foray, Laure Laborde Animation des ateliers : Anne-Marie Ouellet, Laure Laborde, Assia Kharif
Les objectifs :
- Découverte du plateau : définir l’espace de jeu, marche neutre,
prise de conscience de son corps et de celui des autres, le
proche et le lointain
- Le plateau et le tableau : la scène comme lieu d’apparition
d’images
- Comprendre comment le sens émerge d’actions posées : la scène
comme qualité d’actions qui apparaissent
- Découverte de « l’écriture de plateau »
- Utilisation des technologies de captation et de traitement de
données en temps réel : manipuler l’environnement sonore par
des pressions, des manipulations d’objets, des déplacements
dans l’espace et des sons émis, donner vie à l’environnement
abstrait qu’est le son et créer une présence non visible grâce
aux nouvelles technologies
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LUNDI 24 OCTOBRE 2011 de 9h30 à 13h00
Descriptif de l’activité : - Echauffement en musique : réveiller toutes les parties du corps
- Exercice du « raisin sec »
- Le jeu des défis
- Création de tableaux scéniques figés ou animés (gestes clairs et
répétitifs)
- Ecriture d’un texte pour le plateau à partir de contraintes
MARDI 25 OCTOBRE 2011 de 9h30 à 13h00
Descriptif de l’activité :
- Echauffement corps / voix
- Formulation des découvertes et des acquisitions de la première
séance : découverte du plateau et de l’écriture de plateau
- Jeu des défis : répondre de façon précise, porter la voix
- Lecture à pleine voix des textes rédigés lors de la première
séance
- Réalisation de tableaux vivants à partir d’un thème : rendre le
tableau plus intéressant, plus complexe
- Travail sur les expressions du visage
- Ecriture d’un texte pour le plateau à partir de contraintes
- Improvisation à partir des textes rédigés : éviter les
décrochages, faire changer l’histoire de direction
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MERCREDI 26 OCTOBRE 2011 de 9h30 à 13h00
Descriptif de l’activité : - Verbalisation des découvertes, des acquisitions et des
préférences
- Travail sur la voix, sur le chœur
- Faire vivre une partie de ballon prisonnier en utilisant les
technologies de captation et de traitement de données en
temps réel
- Travail sur l’expression du visage
- Travail texte / tableau : interpréter autre chose qu’un être
humain / éviter les décrochages
Laure Laborde