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Masters in International Development / PSIA Finances Publiques dans les Pays en Développement Name : Edwin Johan Santana Gaarder Student number : 100047222 Page 1 of 11 La modernisation de l’infrastructure portuaire au Pérou : le port de Callao Le Pérou est un pays émergent en pleine croissance confronté à un déficit formidable d’infrastructure La croissance économique du Pérou continue depuis une décennie, avec une variation du PIB de +5% en 2013 qui ne représente qu’une petite diminution par rapport à la moyenne d’environ +7% pour les années 2006-2012. Les projections du World Economic Outlook (IMF, 2014) comptent avec une variation de +5,5% pour l’année en cours, un taux de croissance qui en toute probabilité sera maintenu jusqu’à 2019. Le rapport de compétitivité internationale le plus récent du Forum Économique Mondial confirme cet optimisme (WEF, 2013) en soulignant une forte performance macroéconomique et une consolidation des gains de compétitivité des vingt dernières années. Cette croissance a été fortement poussée par une libéralisation progressive du commerce international avec des partenaires tels que les Etats-Unis, la Chine, la Corée du Sud et les autres membres de l’Alliance Pacifique (Chile, Colombie, Mexique). Le Pérou dépend surtout de ses exportations de matières premières (notamment les minéraux), la valeur desquelles représentait presque 41% du PIB national en 2010 (World Bank, 2010), mais la richesse accrue de ses citoyens a également stimulé les importations des biens de consommation. Il s’avère, donc, que le commerce international joue un rôle décisif dans le développement du pays, et par extension, on peut constater que les infrastructures de transport international sont encore plus essentielles au Pérou que dans d’autres pays de l’Amérique Latine, moins ouverts ou avec un marché interne plus important. Le manque d’infrastructure de transport international (les routes, les ports et les aéroports) est un des seuls échecs du Pérou en ce qui concerne la compétitivité économique. Cette étude se concentre sur l’infrastructure portuaire en particulier, étant donné que la majorité du commerce extérieur du pays se réalise à travers le transport maritime. Il est encore plus important de reconnaître l’importance d’un seul port, celui de Callao, dans l’ensemble du réseau portuaire du pays. En 2008, 86% (1,2m TEUs) des imports/exports de conteneurs au Pérou se réalisaient à travers le port de Callao, ainsi que 80% (19,2m) des imports/exports de cargaisons vrac (Ibid., p. 42). En 2012, les chiffres avaient augmenté à 90% (1,8m TEUs) des imports/exports de conteneurs et 76% (29,7m) des imports/exports de cargaisons vrac. Sixième port en volume dans le classement de la Commission Économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (Aguilar et al., 2007), le port de Callao a pourtant été placé en dernière place par une étude réalisée par l’université polytechnique de Valence en ce qui concerne l’efficacité, la dépendabilité et la sécurité des ports de la région (World Bank,

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La modernisation de l’infrastructure portuaire au Pérou : le port de Callao

Le Pérou est un pays émergent en pleine croissance confronté à un déficit formidable

d’infrastructure

La croissance économique du Pérou continue depuis une décennie, avec une variation du

PIB de +5% en 2013 qui ne représente qu’une petite diminution par rapport à la moyenne

d’environ +7% pour les années 2006-2012. Les projections du World Economic Outlook

(IMF, 2014) comptent avec une variation de +5,5% pour l’année en cours, un taux de

croissance qui en toute probabilité sera maintenu jusqu’à 2019. Le rapport de compétitivité

internationale le plus récent du Forum Économique Mondial confirme cet optimisme (WEF,

2013) en soulignant une forte performance macroéconomique et une consolidation des

gains de compétitivité des vingt dernières années. Cette croissance a été fortement poussée

par une libéralisation progressive du commerce international avec des partenaires tels que

les Etats-Unis, la Chine, la Corée du Sud et les autres membres de l’Alliance Pacifique

(Chile, Colombie, Mexique). Le Pérou dépend surtout de ses exportations de matières

premières (notamment les minéraux), la valeur desquelles représentait presque 41% du PIB

national en 2010 (World Bank, 2010), mais la richesse accrue de ses citoyens a également

stimulé les importations des biens de consommation. Il s’avère, donc, que le commerce

international joue un rôle décisif dans le développement du pays, et par extension, on peut

constater que les infrastructures de transport international sont encore plus essentielles au

Pérou que dans d’autres pays de l’Amérique Latine, moins ouverts ou avec un marché

interne plus important.

Le manque d’infrastructure de transport international (les routes, les ports et les aéroports) est

un des seuls échecs du Pérou en ce qui concerne la compétitivité économique. Cette étude

se concentre sur l’infrastructure portuaire en particulier, étant donné que la majorité du

commerce extérieur du pays se réalise à travers le transport maritime. Il est encore plus

important de reconnaître l’importance d’un seul port, celui de Callao, dans l’ensemble du

réseau portuaire du pays. En 2008, 86% (1,2m TEUs) des imports/exports de conteneurs au

Pérou se réalisaient à travers le port de Callao, ainsi que 80% (19,2m) des imports/exports

de cargaisons vrac (Ibid., p. 42). En 2012, les chiffres avaient augmenté à 90% (1,8m TEUs)

des imports/exports de conteneurs et 76% (29,7m) des imports/exports de cargaisons vrac.

Sixième port en volume dans le classement de la Commission Économique pour l’Amérique

Latine et les Caraïbes (Aguilar et al., 2007), le port de Callao a pourtant été placé en

dernière place par une étude réalisée par l’université polytechnique de Valence en ce qui

concerne l’efficacité, la dépendabilité et la sécurité des ports de la région (World Bank,

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2010, p.6) . Une autre étude avait estimé la valeur des surcoûts de Callao à $218 millions (le

double de ses revenus annuels (Ibid., p. 9). Les problèmes principaux cités étaient les

suivants : (1) la mauvaise qualité des services de transport, (2) le manque de fiabilité, et (3)

les surcoûts qui se traduisaient en prix plus chers pour les consommateurs finaux, qu’il

s’agisse des consommateurs étrangers des exportations péruviennes ou les consommateurs

nationaux des produits importés.

Il convient ici de présenter quelques chiffres pour mettre en avant l’ampleur du problème,

issus d’un rapport de la Banque Mondiale de 2010 sur le développement de l’infrastructure

au Pérou. Il s’est avéré, par exemple, que les frais de transport, de 20% à 35% plus élevés

que les frais équivalents au Chile (p. 9), expliquaient environ 32% de la valeur finale des

biens produits par les entreprises péruviennes (p. 17). Il est compréhensible, alors, que 50%

des entrepreneurs ont estimé que le manque d’infrastructure, le faible niveau d’intégration

des marchés et les surcoûts du transport étaient les obstacles majeurs confrontés par leurs

entreprises (p. 7). Dans le même rapport, la Banque Mondiale prévoyait qu’une amélioration

de l’infrastructure pourrait baisser les coûts unitaires des entreprises privées en 20% (p. 18).

La condition préalable, évidemment, était le besoin d’investir davantage dans le secteur.

Ayant investi une moyenne de 1,5% du PIB dans le secteur d’infrastructure entre 1980-2010

(p. 21), le Pérou se trouvait avec une note de 3,3 points dans le classement de compétitivité

infrastructurelle du WEF en 2010, ce qui se compare avec une note moyenne de 4,3 points

pour le reste du monde (p.6). Le Pérou s’inscrivait ainsi dans une tendance Sud-Américaine

de sous-investissement dans le secteur (2% du PIB pour la région Amérique Latine et

Caraïbes). Cela se compare avec un besoin d’investissement énorme dans le secteur au

niveau mondial, estimé par McKinsey à 3,5% du PIB mondial (MGI, p. 3), et avec l’acteur

de référence, la Chine, qui a investi 9% de son PIB dans les infrastructures dans une seule

année, 2007 (World Bank, 2010, p. 3). Le cœur de ce problème, bien sûr, est le dilemme de

l’allocation des finances publiques

dans un pays en voie de

développement avec des énormes

besoins dans tous les secteurs. En

ce sens, il semble que

l’investissement privé dans le

secteur de transport, où les

opportunités lucratives sont Source: World Bank, 2010, p.25

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multiples et les externalités négatives sont prévisibles et évitables, peut apporter de

nombreux avantages aux décisionnaires, en libérant des ressources publiques pour des

projets d’infrastructure sociale proprement dit (hôpitaux, écoles) et en évitant les problèmes

de mauvaise gestion et de l’inefficacité du secteur publique. Le Chile est un exemple en cet

égard, ayant mobilisé beaucoup plus de ressources que les autres pays d’Amérique Latine

(World Bank, 2010, p. 25).

La mise en concession du port de Callao a été un moyen d’attirer de l’investissement du

secteur privé, a amélioré la qualité des services et a diminué les coûts pour l’usager

Le modèle qui a été choisi pour la mise en concession des ports au Pérou est connu comme

le modèle Landlord Port. Dans ce modèle, le gouvernement est toujours propriétaire du port,

mais le droit d’utilisation du terrain et de l’infrastructure est attribué à un opérateur privé

pour une période déterminée, normalement de 30 ans. En échange, l’opérateur privé est

responsable de l’amélioration et la modernisation de l’infrastructure à base de critères

spécifiques, préétablis dans le contrat de concession. Il jouit d’un monopole d’exploitation

pendant la période concernée et reçoit sa rémunération à travers la prestation de services

aux usagers de l’infrastructure. Les tarifs que reçoit l’opérateur, eux aussi, sont souvent

prédéterminés dans le contrat de concession. L’emploi des travailleurs et l’achat des

équipements demeurent la seule responsabilité de l’opérateur privé. Ce modèle, qui fait

partie d’une catégorie plus large des partenariats public-privés (PPP) connu sous l’acronyme

DBOT (Design, Build, Operate, Transfer) est spécialement adapté au cas péruvien pour

plusieurs raisons. Sans avoir recours à la privatisation totale, qui pourrait provoquer des

Source: World Bank, PPIAF and IFC, PPP in Infrastructure Resource Centre, http://ppp.worldbank.org/public-private-partnership/sector/transportation/ports

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réactions populaires et des mouvements sociaux ingérables dans une région (l’Amérique

Latine) historiquement opposée à la privatisation des biens publics, la concession permet

quand-même de garantir à l’opérateur privé que le droit de tarification sera entièrement le

sien, l’incitant ainsi, en faisant appel aux possibles retours sur son investissement, à réaliser

les travaux. Au même temps, à la fin de la période de la concession, l’infrastructure (un actif)

est rendu à l’État en meilleure condition, sans les dettes et les obligations envers les

travailleurs (pensions de retraite et autres passifs) qui découlent normalement d’un projet

public.

La mise en concession du port de Callao a commencé en 2006, suite à un appel d’offres,

avec la signature d’un contrat de concession du Muelle Sur (terminal sud) avec DP World,

société émiratie spécialisé en conception de terminaux, manutention et opérations

portuaires. DP World s’est engagé à investir $617,11 millions et de compléter les travaux

dans un délai de 36 mois, et ensuite d’atteindre certains objectifs dans la prestation des

services, y compris une productivité minimum de 25 conteneurs par heure et un délai de

départ de 20 minutes maximum (OSITRAN, 2011). Le tarif est fixé depuis cette date à

$90/$135 par conteneur plein 20”/40”. À l’occasion, l’investissement a été de presque $700

millions et les travaux ont été complété dans un délai de 29 mois (7 mois moins que prévu)

montrant que la motivation commerciale du partenaire privé peut souvent stimuler de

l’efficacité dans les travaux sans nécessairement réduire la qualité de l’investissement. Le

Muelle Sur de 650m peut désormais accueillir deux navires de type Super Post-Panamax

(calaisons de 16m), qui transportent des quantités plus grandes et profitent ainsi des

économies d’échelle et des coûts moins élevés. Les opérations, d’autre part, sont facilitées

par un espace de travail optimisé avec des portiques modernes sur le quai (6) et dans le parc

à conteneurs (18). L’opérateur

n’est presque jamais au-dessous

de la productivité minimum

stipulé par le contrat et sa

conformité aux critères de

sécurité et protection de

l’environnement est contrôlée

par des agences qui délivrent

des certificats internationalement

reconnus (DP World Callao, 2013). Source: DP World Callao, 2013

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Il n’y a aucune doute que la qualité des opérations et de l’infrastructure dans le Muelle Sur

s’est améliorée depuis la mise en concession, mais les coûts pour les usagers de

l’infrastructure sont-ils toujours les mêmes, ou ont-ils augmenté / diminué ? Il est difficile de

trouver la réponse à cette question à cause de l’opacité des coûts qui prévalaient avant la

mise en concession. Le manque d'espace de stockage, le déplacement fréquent de

conteneurs et les retards généraient des coûts additionnels qui n’étaient pas prévisibles ou

mesurables. Cependant, Martín Sgut a fait une tentative d’estimer les coûts encourus pour un

conteneur standard 20” dans le port de Callao avant las mise en concession et ses résultats

son présentés dans le tableau qui suit :

On voit ici que le coût des opérations (estimé à $152,43 par rapport au tarif actuel de $90) a

diminué de manière considérable. En outre, il faut constater qu’une source de DP World –

certes moins objective – considère que les gains ont été beaucoup plus importants que ne le

suggère ce tableau, ayant passé de $312 à $90 par conteneur 20” si on tient compte de tous

les coûts accessoires de l’opération conventionnelle (Negocios Internationales, entretien

avec Maciek Kwiatkowski).

En 2010, l’administration a repris la mise en concession avec l’initiation d’un nouvel appel

d’offres pour le Muelle Norte (terminal nord). L’entreprise gagnante – APM Terminals, filiale

du groupe Møller-Maersk qui détient la plus grande flotte de porte-conteneurs du monde –

s’est engagé à faire des investissements comparables dans l’autre moitié du port, consacrant

environ $750 millions pour les travaux d’amélioration de l’infrastructure. Cette fois-ci,

l’investissement n’est pas une somme stipulée à l’avance, mais sera déterminé par le niveau

de demande attendu, pouvant atteindre plus de $1 milliard avant 2022 (OSITRAN, 2012).

Les améliorations prévues consisteraient de portiques sur le quai (4) et dans le parc à

conteneurs (12), nouveaux bâtiments administratifs, dragage (16 m) jusqu’à fin 2014, ainsi

que la construction d’un terminal spécialisé de grains et l’achat d’une grue mobile et d’une

Source: Sgut, 2005

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machine de type CSU (Continuous Ship Unloader) jusqu’à fin 2015 (APM Terminals,

brochure). Les tarifs fixés sont les mêmes pour les deux opérateurs, et tous les deux doivent

verser 3% des revenus provenant des activités liées à la concession directement à l’État. En

plus, APM Terminals s’est engagé à embaucher une portion des travailleurs de l’entreprise

étatique ENAPU, qui était responsable des opérations avant la mise en concession, ainsi que

ses obligations envers les travailleurs en ce qui concerne la retraite (APN, Información Sobre

Propuesta De Iniciativa Privada Para La Concesión Del Muelle Norte).

Un partenariat public-privé mal-conçu peut engendrer des disputes entre le gouvernement

et la société privée

En juillet de 2011 DP World, le concessionnaire du Muelle Sur, a déposé une plainte au

CIRDI alléguant que son exclusion de l’appel d’offre pour la concession du Muelle Norte

était sans fondement et que son offre initiale pour le Muelle Sur était basée sur une

éventuelle participation dans la concession de l’autre terminal. Le gouvernement péruvien

insiste que l’exclusion de DP World avait toujours été prévue, pour ne pas créer de situation

de monopole dans le port et pour générer une tension compétitive entre les

concessionnaires (El Diario De Economía Y Negocios De Perú, 2011). Ce point est

absolument fondamental, car le plan d’affaires d’une concession de 30 ans doit se fonder sur

des prévisions de demande qui sont fortement influencés par l’existence (ou non) d’un

concurrent. Le tarif de $90 est-il toujours rentable étant donné le fait que le trafic de

conteneurs se partage désormais entre les deux concessionnaires ?

Toutefois, les inquiétudes de l’administration semblent être raisonnables, car le but de la

mise en concession était d’augmenter la qualité de l’infrastructure sans compromettre la

réduction des coûts. Un opérateur privé en situation de monopole, dans ce cas, n’est pas

incité à améliorer la qualité de ses services au-dessus des limites stipulées dans le contrat de

concession, surtout parce que ses prix ne peuvent pas être augmentés en parallèle. En

d’autres termes, l’augmentation des coûts qui découle d’une amélioration de la qualité des

services n’est pas accompagnée des recettes complémentaires, car le prix et la demande,

demeurent les mêmes. Dans une situation de tension concurrentielle, par contre, les deux

opérateurs courent le risque de perdre des clients au profit de leur concurrent si la qualité de

leurs services est relativement pire. Face aux mêmes prix, la demande de la part des usagers

devient une fonction de la qualité relative des services offerts par les opérateurs, c’est à dire,

la concurrence entraîne la qualité vers le haut.

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De plus, il semble que les conditions stipulées dans les deux contrats de concession soient

relativement équitables. APM Terminals n’est pas contraint par les mêmes critères de qualité

de service, mais compte tenu de ce qui précède, on peut supposer que la concurrence avec

DP World suffise pour garantir un minimum d’efficacité et de qualité dans le service. D’autre

part, pour la première concession, on observe un engagement de la part de l’État de garantir

un niveau minimum de demande (300.000 TEUs d’import/export + 100.000 TEUs de

déplacement par an), ce qui implique un risque de charges inattendues et importantes pour

les finances publiques, dans le cas d’une conjoncture économique imprévue ou de facteurs

externes hors du contrôle de l’État (p. ex. l’ouverture d’un autre port dans la région jouissant

d’avantages comparatifs). Au final, le concessionnaire n’a jamais eu l’occasion de faire

appel à cette garantie, grâce à la croissance persistante du commerce international et la

demande pour l’infrastructure et les services portuaires, mais il est néanmoins préférable que

ces garanties ne soient pas répliquées dans la deuxième concession. Il se peut que des telles

garanties aient été nécessaires pour attirer des soumissionnaires pour la première

concession, mais qu’elles aient pu être abandonnées lors de la deuxième, dans le contexte

d’une ambiance de confiance accrue et d’optimisme répandu parmi les acteurs du secteur

privé.

L’avenir de l’entreprise étatique ENAPU est en jeu, celle-ci ayant perdu la plupart de ses revenus suite à la mise en concession du port de Callao

ENAPU, l’entreprise étatique responsable de l’administration et de l’entretien du port ainsi

que des opérations avant la mise en concession, avait dégagé des bénéfices pour l’État

pendant toute la période 2004-2010 : S/. 5,313 millions en 2005, S/. 10,717 millions en

2006, S/. 20,095 millions en 2007, S/. 97,651 millions en 2008 et S/. 81,227 millions en

2009 (Punto de Vista y Propuesta, 2012).1 En 2010, année d’achèvement des travaux du

Muelle Sur, une réduction des bénéfices à S/. 29,721 millions a été provoquée par une

hausse de dépenses liées aux pensions de retraite des travailleurs. Dans les années qui ont

suivi, une chute encore plus importante dans les produits d’exploitation (résultat d’une fuite

des clients envers les opérateurs privés) a provoqué pour la première fois une perte dans le

compte de résultat finale de l’entreprise. La perte en 2012 a été moins importante qu’elle

n’aurait pu l’être grâce à la dévestiture des engagements de retraite dans le cadre de la

concession du Muelle Norte, mais cela n’empêche que l’entreprise n’ait plus les moyens de

s’autofinancer et que la couverture médiatique commence à aborder la possibilité d’une

privatisation ou d’une liquidation de l’entreprise. Il est clair que cet échec est la preuve,

                                                                                                               1  USD  1  =  PEN  2,80  (janvier  2010)  

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dans une certaine mesure, de la réussite relative des deux concessionnaires en ce qui

concerne la qualité et l’efficacité des opérations portuaires. On peut pourtant se demander si

la faillite de l’entreprise étatique, d’une telle importance pour la communauté de travailleurs

portuaires à Callao et dans les autres ports du pays, était inévitable ou s’il aurait été possible

de réaliser la modernisation du port de Callao d’une manière inclusive, sans marginaliser

l’opérateur national. En d’autres termes, les concessions ont-elles cédé trop de souveraineté

et contrôle à des entreprises étrangères qui ne sont pas concernées par le bien-être de la

communauté des travailleurs portuaires du Pérou et de leurs familles ? Une question liée

concerne le coût-opportunité des concessions. Les revenus provenant des concessions, sont-

ils plus importants que les dividendes versés auparavant par ENAPU ? La différence (si elle

est positive), justifie-t-elle la cession d’un bien public d’une telle importance que le port de

Callao ?

Ces questions seront abordées dans la prochaine partie de l’étude. D’abord, il convient de

noter que les concessions ont été faites dans le contexte d’une situation financière

insoutenable pour ENAPU. En 2007, avec des passifs à court terme (surtout liés au pensions

de retraite) qui dépassaient la valeur des actifs à court-terme, l’entreprise décide de

restructurer : la plupart les pensions sont recatégorisées comme des passifs à long-terme.

Cependant, ses obligations continuent à accroitre et dépassent la valeur des actifs à long-

terme en 2010-2011, d’où la décision de transmettre une partie des obligations de retraite

au nouveau concessionnaire APM Terminals. Ainsi, en 2012, l’entreprise retrouve une

situation d’équilibre mais n’arrive toujours pas à dégager un bénéfice. La théorie qui a

inspiré la mise en concession du port de Callao avait comme élément central

l’insoutenabilité de la situation financière de ENAPU, mais la concession en soi n’a pas

réussi à la rendre rentable. Cet échec et les dépenses à venir (en sauvetages, etc.) doivent

être pris en compte lors d’une évaluation de la réussite de la mise en concession du port de

Callao afin de déterminer si ses objectifs (de modernisation, rationalisation et épargne) ont

été atteints. Les pertes possibles qui auraient pu découler des obligations insoutenables de

ENAPU doivent, elles aussi, être tenue en compte.

Quel est l’impact de la mise en concession sur les finances publiques ?

Si on met de côté toutes les considérations présentées ci-dessus, on peut essayer d’évaluer

l’impact purement monétaire sur les finances publiques. Il faut reconnaître, dans ce

contexte, qu’il y a une quantité énorme d’effets indirects qui n’est pas incluse dans cette

évaluation, y compris l’augmentation de l’activité des entreprises et les recettes fiscales qui

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en résultent, les recettes douanières plus élevées grâce à l’augmentation du trafic de

cargaison dans le port, et le fait d’éviter le risque de dépenses extraordinaires (réparations,

accidents, etc.) en les transmettant à l’opérateur privé. Au niveau du taux de 3% de revenu

de l’opérateur, il s’avère qu’un montant de $2,794 millions (environ S/. 7,823 millions) a été

versé directement à l’agence nationale des ports (APN) par l’opérateur DP World en 2011.

S’ajoute à cela $0,931 millions (S/. 2,607 millions) versés à OSITRAN, l’agence régulatrice,

et $7,269 million (S/. 10,430 millions) d’impôts sur les revenus. Le total de S/. 30,783

millions est tout à fait respectable par rapport à la moyenne de S/. 28,015 de bénéfices

dégagés par ENAPU dans les années 2004-2009, et même si on le compare aux bénéfices

dégagés par ENAPU en 2008 (record de S/. 97, 651) vu qu’il s’agit d’un seul terminal

(Muelle Sur) et que c’était la première année complète d’activités du concessionnaire DP

World Callao. Il est facile d’imaginer que les montants qui seront versés à l’État par APM

Terminals dans les années à venir permettront les montants totaux à dépasser même le

record de 2008. Pour résumer, on peut espérer que, dans les années qui viennent, l’État ira

recevoir des deux concessionnaires un montant (impôts + 3% taux de concession + frais de

l’agence régulatrice) plus élevé que ce qu’elle recevait auparavant de ENAPU en forme de

dividendes. Pourvu que l’avenir de l’entreprise étatique soit réglé et que le risque des pertes

soit éliminé, l’État pourra non seulement profiter des paiements directs de la part des

concessionnaires mais aussi des avantages corollaires provenant de la meilleure qualité de

l’infrastructure portuaires, la réduction globale des coûts et l’amélioration des services en

termes d’efficacité.

Conclusion

Le cas de la mise en concession du port de Callao en deux phases (2006, 2011) a démontré

qu’un pays en voie de développement, avec des forts besoins d’investissement dans

l’infrastructure portuaire, peut bénéficier d’investissements privés sans recourir à la

privatisation totale et sans être obligé à dépenser de grandes sommes ou de s’endetter pour

réaliser les amélioration nécessaires. Le modèle Landlord Port a été utilisé pour exploiter le

savoir-faire et l’efficacité du secteur privé dans le projet de modernisation de l’infrastructure

et l’amélioration des services. La concession a également conduit à des coûts moins élevés

que ceux qui prévalaient avant la mise en concession, bien qu’il soit difficile de trouver des

chiffres qui expriment de manière plus précise cette réduction. La dispute entre DP World et

l’État péruvien est une tache noire dans l’histoire de la concession, et elle n’est toujours pas

résolue, ce qui met en évidence l’importance de planifier au long terme. Pourtant, il est

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indéniable que l’encouragement de concurrence entre les deux concessionnaires permet

d’améliorer la qualité des services disponibles.

Il n’est pas encore possible de dire sans équivoque que les concessions ont amélioré les

finances publiques du pays. L’entreprise étatique ENAPU a pu éviter l’accumulation des

obligations de retraite insoutenables, et a même pu se débarrasser d’une certaine quantité de

celles-ci grâce à la concession, mais elle subit encore des pertes et constitue un danger pour

les finances publiques. Les montants versés par DP World sont respectables mais

n’atteignent pas encore le niveau des bénéfices générés par ENAPU avant la mise en

concession. Il est possible que le bénéfice réel de la mise en concession ne soit pas connu

avant que le deuxième concessionnaire commence a travailler et a verser ses obligations

envers l’État.

Sources

Aguilar, J.C., et al, 2007, ‘La Concesión Del Muelle Sur Del Puerto Del Callao: ���Una Buena Propuesta’, Coyuntura : Análisis Económico y Social de Actualidad, Año 3, No 12.

APM Terminals, brochure, Puerto del Callao : El Corazón de Pacífico Sur, viewed online at

http://www.apmterminals.com/uploadedFiles/latin-america/callao_es-

PE/newsandpress/Brochure_APMTCallao.pdf

APN (Agência Portuaria Nacional), Información Sobre Propuesta De Iniciativa Privada Para

La Concesión Del Muelle Norte En El Terminal Portuario Del Callao, viewed online at

http://www.apn.gob.pe/c/document_library/get_file?p_l_id=28267&folderId=46192&name=

DLFE-3007.pdf

DP World Callao, 2013, Plan de Negocios 2013 : Global Ports Connecting Global Markets,

viewed online at

http://www.ositran.gob.pe/RepositorioAPS/0/0/par/PLANDENEGOCIOS2012DPWC/DPWC

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