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LES ANNONCES DE LA SEINE J OURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Jeudi 26 septembre 2013 - Numéro 54 - 1,15 Euro - 94 e année A près Jacques Chirac le 16 juillet 1999, François Hollande s’est rendu à Oradour- sur-Glane ce mercredi 4 septembre 2013, cette fois-ci la visite du Chef de l’Etat en limousin marquait une page de l’histoire franco- allemande. En effet, le Président de la République française avait invité Joachim Gauck, Président de la République Fédérale d’Allemagne à rendre hommage aux victimes de la barbarie du 10 juin 1944. Ce samedi matin là, 642 martyrs (dont 247 enfants) avaient été massacrés (brûlés ou fusillés) par une unité de la Waffen SS de la Division « Das Reich » qui avait reçu l’ordre, alors qu’elle remontait vers la Normandie, de répondre au harcèlement des maquisards par des représailles sur la population française. 69 ans plus tard, de nombreux visages frappés par la stupeur entouraient les deux survivants de ce « crime contre l’humanité » : Robert Hébras et Jean-Marcel Darthout. Ces deux « miraculés » se trouvaient aux côtés des Chefs d’Etat mais également des personnalités locales : notamment le Maire d’Oradour-sur-Glane Raymond Frugier, Claude Milord Président de l’Association Nationale des Familles des Martyrs d’Oradour-sur-Glane, la Présidente et le Directeur du Centre de la Mémoire Annick Morizio et Richard Jezierski, ainsi que le Préfet de la Région Limousin Michel Jau. On a pu également relever la présence de Fritz Körber, Roland Dumas, Raymond Poulidor et Thierry Breton. Les méthodes sanglantes et les atrocités commises au siècle dernier ont marqué à jamais tous les esprits. La cérémonie du 4 septembre 2013, entre reconnaissance et humilité, revêt une dimension historique : c’est un exemple pour les livres d’histoire du monde entier car elle ordonne de refuser l’inacceptable et consacre un legs de paix pour les générations futures. Jean-René Tancrède Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35 Oradour-sur-Glane - Mercredi 4 septembre 2013 François Hollande et Joachim Gauck SOCIÉTÉ Village martyr d’Oradour-sur-Glane - Surmonter le passé pour partager l’avenir par François Hollande ............................................................ 2 - Culpabilité et réconciliation par Joachim Gauck .......................... 3 - Samedi 10 juin 1944 par Robert Hebras ..................................... 5 Les « malgré-nous » .................................................................. 7 Procès de Dortmund ........................................................................... 7 VIE DU DROIT Le Conseil National des Barreaux ....................................................... 8 Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du Barreau par Bertrand Debosque ......................................... 9 ENTRETIEN Monaco, Etat souverain par François-Henri Briard ................. 12 JURISPRUDENCE La souveraineté monégasque s’oppose aux recours des communes françaises limitrophes ..................... 14 ANNONCES LÉGALES....................................... 15 PALMARÈS Commissaires-priseurs : remise des diplômes de la promotion 2012 ........................... 32

Edition du jeudi 26 septembre 2013

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Page 1: Edition du jeudi 26 septembre 2013

LES ANNONCES DE LA SEINE

JOURNAL OFFICIEL D’ANNONCES LÉGALES - INFORMATIONS GÉNÉRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

Jeu di 26 septembre 2013 - Numéro 54 - 1,15 Euro - 94e année

Après Jacques Chirac le 16 juillet 1999,François Hollande s’est rendu à Oradour-sur-Glane ce mercredi 4 septembre 2013,cette fois-ci la visite du Chef de l’Etat en

limousin marquait une page de l’histoire franco-allemande. En effet, le Président de la République françaiseavait invité Joachim Gauck, Président de laRépublique Fédérale d’Allemagne à rendrehommage aux victimes de la barbarie du 10 juin 1944.Ce samedi matin là, 642 martyrs (dont 247 enfants)avaient été massacrés (brûlés ou fusillés) par uneunité de la Waffen SS de la Division « Das Reich »qui avait reçu l’ordre, alors qu’elle remontait versla Normandie, de répondre au harcèlement desmaquisards par des représailles sur la populationfrançaise.69 ans plus tard, de nombreux visages frappés parla stupeur entouraient les deux survivants de ce« crime contre l’humanité » : Robert Hébras etJean-Marcel Darthout.

Ces deux « miraculés » se trouvaient aux côtés desChefs d’Etat mais également des personnalitéslocales : notamment le Maire d’Oradour-sur-GlaneRaymond Frugier, Claude Milord Président del’Association Nationale des Familles des Martyrsd’Oradour-sur-Glane, la Présidente et le Directeurdu Centre de la Mémoire Annick Morizio etRichard Jezierski, ainsi que le Préfet de la RégionLimousin Michel Jau. On a pu également relever la présence de FritzKörber, Roland Dumas, Raymond Poulidor etThierry Breton.Les méthodes sanglantes et les atrocités commisesau siècle dernier ont marqué à jamais tous les esprits. La cérémonie du 4 septembre 2013, entrereconnaissance et humilité, revêt une dimensionhistorique : c’est un exemple pour les livresd’histoire du monde entier car elle ordonne derefuser l’inacceptable et consacre un legs de paixpour les générations futures.

Jean-René Tancrède

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Oradour-sur-Glane - Mercredi 4 septembre 2013

François Hollande et Joachim Gauck

SOCIÉTÉ● Village martyr d’Oradour-sur-Glane- Surmonter le passé pour partager l’avenirpar François Hollande ............................................................ 2

- Culpabilité et réconciliation par Joachim Gauck.......................... 3- Samedi 10 juin 1944 par Robert Hebras ..................................... 5● Les « malgré-nous » .................................................................. 7● Procès de Dortmund ........................................................................... 7

VIE DU DROITLe Conseil National des Barreaux ....................................................... 8Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du Barreau par Bertrand Debosque ......................................... 9

ENTRETIENMonaco, Etat souverain par François-Henri Briard ................. 12

JURISPRUDENCELa souveraineté monégasque s’oppose aux recours des communes françaises limitrophes ..................... 14

ANNONCES LÉGALES....................................... 15

PALMARÈSCommissaires-priseurs : remise des diplômes de la promotion 2012 ........................... 32

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2 Les Annonces de la Seine - jeudi 26 septembre 2013 - numéro 54

Société

Surmonter le passé pour partager l’avenirpar François Hollande

Silence » : ce mot, ce mot seul, s’inscrit surle panneau qui se dresse devant chaquevisiteur à l’entrée du village d’Oradour-sur-Glane. Il fallait un événement exceptionnel

pour rompre ce silence. Cet événementexceptionnel, Monsieur le Président, c’est votrevenue ici dans ce lieu où l’horreur fut commise etoù la mémoire est scrupuleusement gardée. Je mesure la signification de votre présence. Vous êtes la dignité de l’Allemagne d’aujourd’hui,capable de regarder en face la barbarie nazie d’hier. Car ici même s’est produit un crime, le pire descrimes, un crime contre l’humanité. C’était il y a 69 ans, au mois de juin 1944. La divisionDas Reich traverse le Limousin pour rejoindre laNormandie. Sa chevauchée funeste commence àTulle, où 99 jeunes hommes sont sacrifiés parpendaison. 141 autres seront envoyés en camp deconcentration, 101 ne reviendront jamais. Chaque année, le 9 juin, dans cette ville, cette villede Tulle dont je fus le maire, une marche,silencieuse aussi, est organisée. Elle rappelle lemartyre. Aux balcons des maisons, la populationaccroche des guirlandes, à l’endroit même où sebalançaient les corps sans vie le 9 juin. Le lendemain à Oradour-sur-Glane, la plupartdes habitants sont dehors, sur la place de la mairie,

sur la halle du marché, sur le parvis de l’église. Les enfants sont à l’école. La vie est là, encore là,insouciante. Elle va brutalement s’arrêter. Peu après 14 heures, la division Das Reich pénètredans le village. Elle demande que des otages luisoient remis. Elle rassemble la population. Le docteur Desourteaux, qui remplit la fonctionde maire, refuse d’en désigner et s’offre lui-mêmeen sacrifice pour l’ensemble de la population. Envain. Les 190 hommes et garçons âgés de plus de 14 ans sont alors arrêtés, parqués dans des grangeset fauchés à la mitrailleuse. Les 245 femmes, les207 enfants sont rassemblés dans l’église, où ilssont brûlés vifs. Partout, dans chaque rue, danschaque maison, les survivants sont traqués,assassinés un à un, pour qu’aucun ne puissetémoigner de cette abomination. Oradour estentièrement livré aux flammes. Pour qu’il ne resterien. C’était l’intention des barbares. Il a fallu des jours et des jours pour déblayer lesruines, et pour donner aux rares corps qui restaient,à ces corps suppliciés, un âge, une identité, un nom.Il a fallu des mois pour imposer que tout soit figé,pour que tout demeure. Et que rien ne s’efface.Oradour devenait ainsi monument historique.Nous aurions dû dire à l’époque : Monument del’histoire. Il a fallu ensuite des années pour établir la vérité,connaître les coupables. Des années encore pourtenter d’obtenir leur condamnation et l’extraditiondes chefs SS, sans jamais y parvenir. Il a fallu des décennies enfin, pour que les famillesdes victimes d’Oradour disposent d’un monumentqui puisse transmettre - c’était l’intention du Conseilgénéral - aux générations suivantes, le récit de cedrame. C’est le centre de la Mémoire. Il fût lancépar François Mitterrand, c’était en 1994, et inaugurépar le président Jacques Chirac cinq ans plus tard.Il a fallu des décennies, toujours, pour que soit aussireconnu le drame des incorporés de force et que leLimousin et l’Alsace fassent la paix des mémoires.Comme l’ont proclamé courageusement le Maired’Oradour, Raymond Frugier et celui de Strasbourg,Roland Ries. Car seule, je dis bien seule, la vérité fonde laréconciliation. Monsieur le Président, au lendemain de la guerre,nos deux pays ont décidé avec courage, et je penseà Konrad Adenauer et à Charles de Gaulle, departager leur avenir en surmontant le passé. Desimages nous viennent à l’esprit. La visite duchancelier Adenauer à Colombey-les-deux-Eglises, c’était en 1958. La visite aussi du général

LES ANNONCES DE LA SEINESiège social :

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Directeur de la publication et de la rédaction :Jean-René Tancrède

Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet BernardsFrançois-Henri Briard, Avocat au Conseil d’EtatAgnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droitAndré Damien, Membre de l’InstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon SorbonneBertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens,ancien Bâtonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRégis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassationChloé Grenadou, Juriste d’entrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasFrançoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasChristian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagniesd’Experts de JusticeNoëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-AssasJean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPLYves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisRené Ricol, Ancien Président de l’IFACFrancis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

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Commission paritaire : n° 0718 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 206 exemplairesPériodicité : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de l’Atlas - 75019 PARIS

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Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur officiel pourla période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets :de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-de-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; duVal-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescritespar le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerceet les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contratset des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

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35 € avec suppléments culturels95 € avec suppléments judiciaires et culturels

COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, filets, paragraphes, alinéasTitres : chacune des lignes constituant le titre principal de l’annonce sera composée en capitales (oumajuscules grasses) ; elle sera l’équivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm.Les blancs d’interlignes séparant les lignes de titres n’excéderont pas l’équivalent d’une ligne de corps6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de l’annonce sera composée en bas-de-casse(minuscules grasses) ; elle sera l’équivalent d’une ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Lesblancs d’interlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un filet 1/4 gras. L’espace blanccompris entre le filet et le début de l’annonce sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot soit2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de l’annonce et le filet séparatif.L’ensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de l’annonce par des filets maigres centrés. Leblanc placé avant et après le filet sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afin de marquer le début d’un paragraphe où d’unalinéa sera l’équivalent d’une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces définitions typographiquesont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans l’éventualité où l’éditeurretiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Le centre de la mémoire d’Oradour-sur-GlaneSa créationLe projet d’un équipement culturelvisant à informer les visiteurs est initiépar Jean-Claude Peyronnet, présidentdu Conseil général de la Haute-Vienne,en accord avec l’ANFMOG et lamunicipalité d’Oradour. Il est présenté à François Mitterrand en 1989. Engagé en 1992 par le Conseil général,ce projet reçoit le soutien financier du ministère de la Culture, du ministèredes Anciens Combattants, de la régionLimousin et de l’Union Européenne. Le plan soumis par Yves DEVRAINE (scénographe), Jean-Louis MARTY etAntonio CARRILERO (architectes) etBernard Lassus (paysagiste) remporte leconcours international de maîtrised’œuvre.Le 16 juillet 1999, le Centre de lamémoire est inauguré par JacquesChirac, Président de la République.

Dans son discours, le chef de l’Etatrappelle que le massacre d’Oradours’inscrit dans la longue liste desatrocités commises par les hommesdans l’Histoire. Si l’objectif est deconserver le souvenir du 10 juin 1944, il est aussi de faire d’Oradour lesymbole des villages martyrs de toutesles guerres (Seconde guerre mondiale,Yougoslavie, Kosovo, Rwanda...).

Ses activitésSous la responsabilité de son directeur, Richard Jezierski, une équipeprofessionnelle de 30 personnesaccueille 130 000 visiteurs par an et réalise des activités spécifiques :expositions, actualisation de larecherche et de la documentation,éditions, rencontres et débats.Le Centre accueille ainsi chaque annéeprès de 60 000 scolaires, en provenance

de toute la France et de pays étrangers,pour des visites d’une journée. Il assure également la formation des enseignants du second degré dans le cadre des « plans académiques de formation » qui leur permettentd’actualiser leurs connaissances.Le Centre gère aussi un important fondsdocumentaire constitué d’archives,d’ouvrages, de photos et films relatifs à Oradour-sur-Glane, la Seconde Guerre mondiale, les massacrescontemporains et l’importance de la mémoire. Ce fonds sera bientôtaccessible en ligne. En tant questructure internationale, le Centreparticipe aux grandes rencontreseuropéennes de jeunes étudiantsengagés dans des actions civiques. En 2008/2009, il a également cogéréavec l’OFAJ une rencontre dédiée aux lieux de mémoire difficiles.

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de Gaulle, son discours à la jeunesse allemande, àLudwigsburg, c’était en 1962. Nous avons aussidans nos souvenirs, Helmut Kohl et FrançoisMitterrand, main dans la main, à Verdun, c’étaiten 1984.Aujourd’hui, votre visite, Joachim Gauck, à Oradour-sur-Glane confirme que l’amitié entrenos deux pays est un défi à l’Histoire, mais aussi unexemple pour le monde entier. Sa force s’illustre encet instant même, ici à Oradour-sur-Glane. Cette amitié, elle nous dépasse, elle nous oblige.Cette amitié, elle fonde le projet européen. Deux fois au cours du dernier siècle, notre continents’est embrasé. Parce qu’alors, toujours l’emportaientles désirs de revanche. Et puis un jour, en s’éveillantdu pire, du pire massacre de l’Histoire et dontl’holocauste fut le stade ultime, des Européens ontjugé qu’il fallait arrêter, une fois pour toutes, lamachine infernale. Et qu’il ne fallait plus envoyer aufront la génération suivante. Ils ont bâti une bellemaison, une maison accueillante : l’Europe. Ils nousont fait le plus beau legs qui soit, celui que nousdevons entretenir : la paix. Mais la paix, comme la démocratie, ne sont pas desacquis. Car pour les peuples comme pour lesindividus, tout se conquiert et se reconquiert àchaque génération. C’est pourquoi notre présence,Monsieur le Président, est bien plus qu’un symbole,c’est l’affirmation d’une promesse. Promesse d’honorer, partout et toujours, lesprincipes qui sont bafoués par les bourreaux d’hiermais aussi d’aujourd’hui. Promesse de défendre les droits de l’Hommechaque fois qu’ils sont violés. Près de chez nous ouloin d’ici. Promesse de refuser l’inacceptable partout où il seproduit. Cette vigilance, cette intransigeance, nous les devonsaux suppliciés du 10 juin 1944. Ils nous rappellentà nos devoirs. Ils parlent à nos consciences, ils sontles témoins qui brisent l’indifférence quand elledevient lâcheté. En septembre 1944, le poète Jean Tardieu écrivaitun texte en hommage aux morts d’Oradour-sur-Glane : « Oradour n’a plus de femmes, Oradour n’aplus d’hommes, Oradour n’a plus de feuilles, Oradourn’a plus de pierres, Oradour n’a plus d’église, Oradourn’a plus d’enfants. Oradour n’est plus qu’un cri ».Et bien ce cri, Monsieur le Président, je l’entendsencore et je l’entendrai toujours quand il y aurad’autres massacres de par le monde. J’entends aussi les paroles des survivants et je lessalue, Robert Hebras, Jean-Marcel Darthout, ilssont ici aujourd’hui. Je veux leur exprimer le respectde la Nation toute entière, celle que je représente,mais aussi saluer leur grandeur d’âme. Il en fallaitaujourd’hui pour faire ce geste d’hospitalité.

Mesdames, Messieurs, Dans tout lieu de malheur, il y a une fleur quiparvient à éclore. Ici, parmi les ruines d’Oradour, il y a un chênerobuste et majestueux. C’est l’arbre de la liberté. Il avait été planté pendant la Révolution de 1848pour consacrer ce qu’était à l’époque le suffrageuniversel, celui des hommes. Mais aussi pour abolirenfin l’esclavage. Alors, ici, des hommes et des femmes avaient vouluplanter cet arbre pour saluer ce moment. Eh bien, cet arbre-là est sorti indemne au milieu descendres le 10 juin 1944. Il a survécu comme pour illustrer qu’au-delà desépreuves, au-delà des générations, le combat pourl’humanité continue.

Monsieur le Président, C’est cette confiance dans la liberté, cette espérancedans la démocratie, cet attachement à la paix quenous sommes venus ici ensemble, Président de laFrance, Président de l’Allemagne, exprimer doncaujourd’hui à Oradour. C’est le message d’Oradour. Il vivra. Il vivra perpétuellement.

Culpabilité et réconciliationpar Joachim Gauck

Oradour vit. Il existe un nouvel Oradour,un nouveau lieu où des hommes viventensemble. Néanmoins, le souvenir del’ancien Oradour demeure ici

indélébile.Ce lieu et ses habitants ont été anéantis par uncrime d’une barbarie sans nom. Seules quelquespersonnes ont survécu.Le massacre d’Oradour a été exécuté par dessoldats obéissant à des ordres allemands. C’est pourquoi venir en ce lieu est une lourdedémarche pour tout Allemand, quel que soit letemps écoulé depuis. Pour la première fois, le plus haut représentant del’Allemagne a été invité à se rendre à Oradour-sur-

Glane et à prendre la parole ici devant vous. En ma qualité de Président de la Républiquefédérale d’Allemagne, je pressens, et en tantqu’homme, je ressens ce que cette décision signifiepour la France et les Français, mais surtout pourtous ceux qui ont survécu au massacre et pour lesmembres des familles de ceux qui ont étécruellement assassinés.Je sais en effet que votre invitation au PrésidentAllemand est un geste de bienvenue, de bonnevolonté, un geste de réconciliation, un geste quel’on ne saurait réclamer mais que l’on ne peut querecevoir en cadeau. Et c’est avec gratitude que jereçois ce cadeau. Je vous regarde, Monsieur le Président FrançoisHollande, je vous regarde, Monsieur Hébras etMonsieur Darthout, et je vous regarde, les famillesdes victimes assassinées. Je voudrais tous vousremercier au nom de tous les Allemands de venirau-devant de nous avec cette volonté deréconciliation. Je ne l’oublierai jamais. Comme citoyen Allemand, je me suis réjoui de lasuccession d’actes et de symboles de réconciliationqui ont commencé très tôt. Et aujourd’hui, en tantque Président Allemand, je me réjouis tout autantde pouvoir vous rencontrer, vous, les survivants etles familles des victimes.Nul ne peut mesurer ce que, pour vous qui avezété des témoins directs, cela signifie vraiment devous remémorer sans cesse ce qui s’est passé àOradour, ce que cela signifie pour vouspersonnellement, mais aussi lorsque vous relatezles événements à ceux qui sont nés après vous.Votre témoignage, que je viens de vivre, parle plusque tout pour la nécessité du travail de mémoire,mais aussi pour l’esprit de réconciliation qui vousemplit.Aussi généreux que soit ce geste de réconciliation,il ne peut pas pour autant me libérer de l’effroiprofond que je ressens à l’égard de l’immenseculpabilité assumée par les Allemands ici-même.Avant moi, beaucoup d’autres représentants etcitoyens de l’Allemagne ont déjà reconnu cetteculpabilité, comme l’ensemble des crimes del’Allemagne nazie. Et moi aussi, je m’inscrisaujourd’hui dans cette tradition et je vous le dis:Oradour et les autres lieux de barbarie et d’atrocitésen Europe, nous ne les oublierons pas.Je pense au Limousin, à Tulle, à Lidice, à Sant’Annadi Stazzema, à Kalavrita, théâtres tous de crimesatroces et d’une terrible brutalité dont les victimes

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Société

ont été des femmes et des hommes, des vieillards etdes enfants, des malades et des bien portants. C’estavec peine que, aujourd’hui, nous arrivons àcomprendre que des « hommes ordinaires » aientpu devenir des meurtriers sans conscience. Et pourtant, cela s’est produit, au cœur de l’Europe,ici à Oradour et en beaucoup d’autres lieux en Europe.En 1946, dans son ouvrage intitulé « DieSchuldfrage » (« La culpabilité Allemande »), quiévoque et distingue plusieurs niveaux deculpabilité, le philosophe Allemand Karl Jaspersformule sa thèse d’une culpabilité morale collectivedes Allemands pour les événements de 1933-1945.Il écrit: « Les conditions spirituelles de vie enAllemagne étaient telles qu’elles ont permisl’avènement d’un régime pareil ; de cela, tousensemble, nous sommes coupables. »Son idée était claire : tous les membres de la sociétéde l’époque partageaient la responsabilité de ces« conditions spirituelles de vie en Allemagne »,c’est-à-dire qu’ils étaient également coupables desactes qui ont été la conséquence de cet état d’esprit.C’est une thèse controversée qui a suscité desdébats difficiles.Demeure à ce jour encore la question de laculpabilité individuelle des exécuteurs dans deslieux comme Oradour. Ces exécuteurs venaientdu milieu de notre peuple; ils avaient un nom etun visage. Ils ne sont pas anonymes. Il incombeaux tribunaux de juger au pénal de leur culpabilitéindividuelle. Le traitement judiciaire des crimesperpétrés par des Allemands ou des unitésobéissant à des ordres Allemands n’est pas achevé,pas non plus en ce qui concerne Oradour puisquedes enquêtes ont été récemment rouvertes contredes personnes qui auraient pris part au massacre.Je ne veux en rien préjuger des résultats de l’enquêtedu parquet de Dortmund.Par le passé, certains exécuteurs n’ont pas eu àrendre des comptes. Je sais également qu’un intensedébat a eu lieu en France sur la question desAlsaciens enrôlés de force et qui ont pris part aumassacre.Force est de constater que la justice ne peut êtregarantie intégralement dans la façon de traiter lescrimes de guerre et cela même dans l’État de droit.À l’époque, ce n’est qu’à contre cœur et avec unecertaine lenteur que l’État de droit a commencé àtraiter les crimes et assassinats atroces du national-socialisme. Cela s’explique aussi par le fait qu’aprèsla guerre, la société allemande a, dans un premiertemps, souvent refoulé la culpabilité et l’a minimisée.

Puis la jeune génération s’est lancée dans unprocessus difficile et a commencé à poser desquestions avec obstination.Les jeunes ont voulu discuter avec les anciens. Ilsont interrogé, ils ont débattu, ils ont accusé, à la foisleurs parents, leurs grands-parents et leur pays. Ils ont essayé de comprendre l’état d’esprit quirégnait à cette époque et ont voulu savoir pourquoileurs parents et leurs proches invoquaient leurinnocence personnelle.Moi aussi, j’ai interrogé mes parents pour savoircomment ils avaient vécu sous la dictature nazieet pendant la guerre.L’insatisfaction de la jeune génération devant letraitement incomplet de la culpabilité de ses pèreset de ses mères est l’une des expériences les plusfortes de l’histoire de l’après-guerre, en Allemagnede l’Ouest du moins, et cela a été l’un des moteursde son développement.Les enfants et les petits-enfants des coupablesétaient à la recherche de moyens pour les aider àappréhender leur propre histoire et la culpabilitédes générations précédentes. Non seulement desvoies juridiques, mais aussi des voies politiques etculturelles, on pourrait même dire des voieshumaines. Non pas en se disant que l’on pourraitatteindre la justice eu égard à l’envergure des crimesdu passé. Mais en exprimant la volonté de redéfinir

ce que Karl Jaspers appelait « les conditionsspirituelles de la vie en Allemagne », de façon à ceque, plus jamais, notre pays ne soit le berceau dela xénophobie idéologique, de l’hystérie raciste, ducrime, du meurtre et de la guerre et qu’il devienneun «peuple de bons voisins », une partie fécondede l’Europe et de la communauté des nations, unedémocratie stable et une force de paix. C’était leur façon de répondre non seulement auxatrocités et à la guerre mais aussi au processus detraitement tardif, aux crimes impunis, aurefoulement et même tout simplement à l’ignorance.Si je regarde aujourd’hui, ici à Oradour, dans lesyeux de ceux qui portent l’empreinte de ce crime,je peux vous dire ceci : je partage votre amertumedevant le fait que les assassins n’ont pas eu à rendredes comptes et que les crimes les plus graves sontrestés impunis.Cette amertume, je la fais mienne. Je l’emporteavec moi en Allemagne, j’en parlerai et je neresterai pas muet. Toutefois, c’est dans laconfrontation sérieuse avec cette histoire si amèreque les Allemands ont puisé l’énergie nécessairepour faire de mon pays natal un bon pays, un paysqui refuse d’être «supérieur ou inférieur à d’autres»,qui veut construire l’Europe et non pas la dominer.Mesdames, Messieurs, j’aimerais que vouspuissiez partager, ou même faire vôtre, la joieque je ressens en constatant que ce phénomènebénéfique nous porte aujourd’hui encore, nousdonne de la force et nous réunit.En cette occasion, je voudrais dire combien je suisheureux de l’engagement que Monsieur Frugier,le maire d’Oradour, déploie depuis denombreuses années en faveur de la réconciliationavec l’Allemagne mais aussi avec ses compatriotesalsaciens. Le maire de Strasbourg est parmi nousaujourd’hui, tout comme le maire de Dachau ainsiqu’une délégation de Moyenne-Franconie. Ils sontà nos côtés aujourd’hui. Ils veulent vous exprimerleur solidarité et être proches de vous. Je voudraiségalement parler des jeunes Allemands qui, dansle cadre de l’Action Signe de Réconciliation,travaillent à titre bénévole ici au Centre de lamémoire ou sur d’autres sites en France, qui ontparticipé à des camps d’été ou contribuent d’uneautre manière à l’entente et à la réconciliation.L’année prochaine, d’autres jeunes Allemandsviendront travailler ici pour aider à maintenirvivante la mémoire des crimes d’Oradour.

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François Hollande et Joachim Gauck

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Dans les années qui ont suivi la guerre, la visionselon laquelle l’Allemagne et la France pourraientun jour de nouveau envisager l’avenir ensemble,un avenir commun, pacifique et voué aupartenariat devait apparaître comme un miracle.Non, cela n’a pas été un miracle, cela a été uneœuvre forgée par l’homme, le résultat du travaild’hommes courageux, clairvoyants et prêts à laréconciliation.Je tiens à rappeler ici que la volonté deréconciliation a été présente très tôt du côtéfrançais. J’évoquerai Albert Camus et ses« Lettres à un ami allemand » dans lesquelles ilfait la distinction entre les Allemands et les nazistout en soulignant expressément que ce quiimporte chez l’homme, c’est l’état d’esprit et nonpas la nationalité ou l’origine. Et nous, Françaiset Allemands, avons bien compris la mise engarde d’Albert Camus dans son romanallégorique « La Peste » selon laquelle le « bacillede la peste », de l’horreur ou de la guerre, peutressurgir à tout moment tant qu’il se tient caché.Cette mise en garde, nos deux peuples l’ont priseà cœur au moment de faire les premiers pas surla voie de l’amitié franco-allemande. Nous l’avonsprise à cœur au moment de commencer àconstruire l’Europe. Et nous continuons de laprendre à cœur aujourd’hui en effectuant notretravail de mémoire dans un esprit de vérité etde véracité et en maintenant le souvenir vivantmême si le nombre de témoins de cette époquene cesse ne diminuer. Et nous prenons cette miseen garde à cœur en restant fidèles à cette Europeet en poursuivant sa construction car elle neflorira que si elle est assise sur la liberté, la dignitéde l’homme, la justice et la solidarité.

Samedi 10 juin 1944par Robert Hebras

Je me trouve devant chez moi, le samedi10 juin 1944, avec un ami, lorsque deuxvéhicules chenilliés allemands passent devantnous avec des soldats à bord. Il est 2 heures

de l'après midi à ma montre. Mon ami n'est pasrassuré. Je lui dis : « ils ne vont pas nous manger ».Moi, je n'ai pas peur, parce que travaillant àLimoges, je vois les troupes d'occupation tous lesjours. Mon ami part en direction de son domicile.Sur l'ordre d'un soldat, je rejoins la place du champde foire avec ma mère et ma soeur aînée. Ma petite soeur est à l'école communale et monpère est au travail à l'extérieur du village. Tout levillage se trouve maintenant sur la place.

Aucune crainte n'est encore perceptible.Apercevant ma petite sœur qui a, avec sescamarades et son institutrice, rejoint la place duchamp de foire, je m'approche pour l'embrasseret la rassurer. J'entends alors le pâtissier s'inquiéterpour ses gâteaux qui cuisent dans le four, et laréponse, du soldat, en bon français, avec un accentprononcé : « Ne t'inquiètes pas, on s'occupera detes gâteaux ! ». Quelques soldats nous séparent :les hommes d'un côté, les femmes et les enfantsde l'autre. On nous donne l'ordre de nous mettresur le trottoir, face aux murs et j'entends lesfemmes et les enfants partir.Nous nous retournons. Les femmes et les enfantssont partis. Un soldat demande en français aumaire de se présenter (je dis un soldat car tousavaient la même tenue, sans distinction de grades)et ils prennent tous les deux la direction de lamairie. Ils reviennent peu de temps après. Et c'està ce moment-là, qu'on lui demande de désignerdes otages. Le maire se propose. Rapidement, onnous demande si nous avons des armes. Sans réponse, on nous dit « nous allons les chercheret les personnes non concernées seront relâchées ».Je suis soulagé, je sais qu'aucune arme n'est cachéechez moi.Un soldat forme cinq ou six groupes inégaux.Celui dont je fais partie doit compter environ unesoixantaine d'hommes. Mon groupe est conduità la grange « Laudy », sans brutalité, par cinqsoldats armés de mitrailleuses. Arrivé dans lagrange, je m'assois avec mes camarades au fond,dans le foin. Sans précipitation, les soldats balaientl'entrée de la grange et installent leurs armes.Un soldat fait le tour du groupe et nous fait signede nous lever. Je me lève et dès que ce soldat a

Les Annonces de la Seine - jeudi 26 septembre 2013 - numéro 54 5

Société

Biographie de Robert HebrasRobert Hebras est né le 29 juin 1925 àOradour-sur-Glane. A l'âge de quinze ans,en 1940, il est engagécomme apprentimécanicien dans

un garage situé à Oradour-sur-Glane,puis de 1941 à juin 1944, il occupe un poste d'ouvrier mécanicien dans un garage de Limoges. Sa vie bascule le 10 juin 1944 lorsqu'il échappe au massacre de la population d'Oradour-surGlane.Il est l'un des cinq survivants du groupe d'hommes fusillés et brulés dans la grange Laudy. Atteint par balles à la tête et à diverses parties du corps, il est

caché afin de soigner ses blessures. Peu après il s'engage dans la Résistance.Il rejoint le maquis de Cieux le17 juillet 1944 et s'engage ensuite dans l'Armée française de la Libération.Il participe aux combats dans la région de Lorient et est démobilisé le 14 septembre 1945 après seize mois de services. Il est titulaire de la croix du combattant.En 1950, il est le premier garagiste à s'installer à Oradour-sur-Glane, ville reconstruite après le drame.Parallèlement à sa vie professionnelle, il adhère, dès sa création en 1945, à l'Association Nationale des Famillesdes Martyrs d'Oradour-sur-Glane(ANFMOG) et en assume la présidence de 1987 à 1991.

C'est sous son mandat qu'a été décidée la construction d'une structuremuséographique destinée à informer età faire réfléchir les jeunes générations. Sans son travail acharné, le Centre de la mémoire n'aurait sans doute pas été réalisé.Depuis 2006, Monsieur Robert Hebras estVice-Président du Conseil départementalde l'ONAC présidé par le Préfet.Décoré des insignes d'Officier de la Légion d'Honneur en 2010, il a reçu, en septembre 2012, la CroixFédérale du Mérite, des mains du Consul général d'Allemagne à Bordeaux, au nom de Monsieur Joachim Gauck, Président de la République fédérale d'Allemagne.

Agenda

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ORDRE DES EXPERTS-COMPTABLES

8e Congrès « Les compétences auservice de la performance» Colloque les 2, 3 et 4 octobre 2013Parc des Expositions Centre Clémenceau3, boulevard de Champagne21000 DIJON Renseignements : 01 47 63 81 00 www.experts-comptables.fr 2013-661

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (AMF)

6e Colloque de la commission des santionsLe 3 octobre 2013Palais BrongniartPlace de la Bourse 75002 PARIS Renseignements : 01 53 45 60 24 [email protected] 2013-662

BARREAU DE PARIS - MAIRIE DE PARIS

2e Edition de l’Avocat dans la CitéDu 5 au 13 octobre 2013Dans les Mairies, les Maisons desEntreprises et dans le Bus « Barreau de PARIS Solidarité »Place de la République : les 7 et 10 octobre Place Saint Eustache : les 8 et 11 octobreSur les Berges au niveau du Muséed’Orsay : le 9 octobre Renseignements : 01 44 32 48 14 [email protected] 2013-663

ASSOCIATION OLGA SPITZER

90 ans d’action pour l’enfance Commémoration le 9 octobre 2013 Salons de l’Hôtel de Ville12, rue du Parc Royal75004 PARIS Renseignements : 01 43 46 76 23 [email protected]

2013-664

AVOCATS CONSEILS D’ENTREPRISES (ACE)

Les entretiens de la fiscalité 2ème Edition du 10 octobre 2013Maison du Barreau2, rue de Harlay75001 PARIS Renseignements : 01 47 66 30 07 [email protected] 2013-665

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rejoint les hommes en position de tir devant lagrange, j'entends une explosion qui à mon avisvient de la place du champ de foire. A ce signal,c'est la fusillade. Nous tombons les uns sur lesautres. Je ne réalise pas immédiatement ce qui sepasse. Tout se déroule très vite et lorsque lesmitrailleuses se taisent, des plaintes, des cris etdes gémissements montent de l'amas de corpsbrisés. J'ai plusieurs hommes sur moi. Je ne sais même pas si je suis blessé. Je ne sais passi je suis vivant ou mort.J'entends des pas, ce sont ceux des soldats quimontent sur les corps pour achever les survivants.A quand mon tour ? Je sens un pied sur mon dos,je ne bouge pas. Une balle destinée à achever uncamarade me blesse légèrement à la cuisse. On nous couvre de foin, de paille, de fagots etj'entends les soldats partir. Quelques personnes seplaignent. Peu de temps après, je réentends le bruitdes bottes et les soldats mettent le feu. Laprogression de l'incendie est rapide et lorsque lefeu m'atteint, je me dégage avec difficulté du brasier.Persuadé que je vais mourir sous les balles, jem'aperçois que les soldats ne sont plus là.Je me dirige vers une porte au fond de la grange.Elle donne sur une courette sans issue. Je reviensdans la grange et ouvre la porte de l'étable oùj'aperçois une ombre. J'ai peur et me cache dans uneétable à cochon. J'entends parler français et à traversla porte de l'étable, j'aperçois quatre camarades.

Je les rejoins avec soulagement. Je ne suis plus seul.Trois d'entre nous se réfugient dans le grenier d'unegrange voisine. Je me cache avec l'un de mescamarades au sommet d'un tas de fagots. Soudain,deux soldats entrent dans la grange ; l'un deux metle feu à la paille, sur « le fenil ». Les soldats sortentde la grange et tirent dans le toit qui s'enflamme.Chassé par les flammes, nous nous réfugions dansdes clapiers donnant sur la place. Deux de mes

camarades s'en vont, je ne sais pas où ; un autrepart en direction du cimetière. Je reste dans ledernier clapier avec l'un de mes camarades où,tenaillés par la soif, nous buvons l'eau des volailles.Les flammes atteignent le dernier clapier, je metourne vers mon camarade qui est blessé auxjambes et lui demande ce que je peux faire pourlui. Il me répond : « rien, pars ». Je traverse laplace, en haut du champ de foire, je m'arrête, jelui fais signe que la voie est libre, qu'il peut passer.Je traverse l'enclos de la ferme « Laudy » endirection de l'entrée du cimetière que je traverseégalement. Il est un peu plus de 7 heures du soir.Je pars dans la campagne, la peur au ventre ;je marche sans savoir où je vais, en m'arrêtantpour boire dans les rigoles. Je marche longtemps,la nuit tombe lorsque j'aperçois des maisons. Je reconnais le hameau. Méfiant, j'en fais le tour.Je vois une fenêtre éclairée. Ayant peur de la nuit,je frappe à la porte. On m'ouvre et j'ai la surprisede retrouver deux camarades de mon âge avecleur petit frère, qui ont pu quitter le village dansl'après-midi. Je leur dis qu'ils ont tué tous leshommes, sans réaliser que leur père fait partiedes victimes. J'essaie de les consoler en leur disantqu'on va retrouver nos mamans demain...

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Biographie de Jean-Marcel DarthoutJean-Marcel Darthoutest né le 12 avril 1924 à Saint Victurnien (87).Le 10 juin 1944, lors du massacre de la populationd’Oradour-sur-Glane,

il fut avec Robert Hébras, parmi les cinq survivants d’un groupe d’hommesfusillés et brulés vifs dans la grangeLaudy. Ayant perdu sa mère et son épouse dans le drame, il adhéra dès sa création en 1945 à l’Association des Familles des Victimes d’Oradour-sur-Glane et se dévoua à cette cause, en devenantrapidement l’un des membres les plus actifs du conseil d’administration.De 1946 à 1984, sa carrière

professionnelle l’amena à quitter le Limousin pour Paris. Malgrél’éloignement, il contribua de maintesmanières à porter témoignage des évènements du 10 juin 1944 et à faire en sorte que le souvenir de ces atrocités empêche à jamais leur récidive. Il a participé depuistoujours et de façon active à lapréparation des cérémoniescommémoratives et aide les familles à obtenir le titre d’internés politiques en leur qualité d’ayant cause.En 1984, il revient vivre dans son village natal, où il assumera dès 1985la vice-présidence de l’association. En 1989, il a collaboré à la réalisation du film intitulé « Oradour les voix de la douleur » réalisé par

Michel Follin et Marc Wilmart.Président de l’Association des Famillesde Martyrs d’Oradour-sur-Glane entre1992 et 2000, M. Darthout fut l’un de ceux qui contribuèrent activement à la construction du « Centre de laMémoire », destiné à faire connaître aux générations actuelles et futures le drame du 10 juin 1944.Officier de la Légion d’Honneur depuis le 13 juillet 2009, il fut l’un des instigateurs de l’opération « je t’écris pour la vie » à destination d’enfants et d’adolescents et a également témoigné dans ledocumentaire de 2008 « Oradour, les voix intérieures », réalisé parMarc Desouter et LaurentRamamonjiarisoa.

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Bain de foule pour les Chefs d’Etat, à droite le Préfet de Région Michel Jau

Depuis quarante ans, desjournées franco-allemandessont organisées par la Sociétéde législation comparée et la

Gesellschaft für Rechtsvergleichung,deux associations de dimensioninternationale par leurs membres,leurs méthodes de travail et leursobjectifs : favoriser la connaissance desdroits étrangers et le développementde la méthode comparative. Ces onzièmes journées qui se sontdéroulées pendant le jubilé du Traitéd’amitié franco-allemand (Traité de

l’Élysée) ont eu pour thème la confiance.La confiance est un moteur essentieldu couple franco-allemand.C’est aussi une condition nécessaire àla construction et au fonctionnementde l’Union européenne. Le droitallemand, le droit de l’Union et le droitfrançais ont développé le principe deprotection de la confiance légitime etl’ont inscrit dans le cadre plus généraldu principe de sécurité juridique.Cet ouvrage explore les mécanismesjuridiques par lesquels droits françaiset allemand assurent la confiance en

droit civil, administratif, fiscal,constitutionnel, pénal et en matière deprocédure civile.La dernière partie ouvre desperspectives européennes.Ont contribué à cet ouvrage : Ivo Appel,Uwe Blaurock, Marc Cagniart, SylviaCalmes-Brunet, Marc Desens, IsabelleDesprés, Jean-Louis Dewost, BertrandFages, Bénédicte Fauvarque-Cosson,Dorothée Gallois-Cochet, Peter Jung,Götz Schulze, Jur̈gen Schwarze, Valery Turcey, Julien Walther. 2013-666

216 pages - 25 € - Editions de La Société de législation comparée

La confiance11e Journées bilatérales franco-allemandes - Paris, 22 et 23 novembre 2012

Au fil des pagesD.R.

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Les Annonces de la Seine - jeudi 26 septembre 2013 - numéro 54 7

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En octobre 2010, Andreas Brendel, procureurspécial du parquet de Dortmund, a décidéde rouvrir une enquête, suite à la découvertede documents de l’ex-RDA. Sa démarche

vise sept anciens SS encore en vie. Agés de moinsde 20 ans à l’époque des faits, six habitentactuellement en Allemagne et un en Autriche.Dans les archives de la Stasi, les enquêteurs ontégalement découvert la déposition d’un hommeattestant que le massacre était prévu dès l’origine.La phrase « le sang doit couler »ayant été prononcéepar un officier SS avant le départ pour Oradour.Fin 2011, la police allemande a entendu les différentssuspects et fouillé leur domicile. Aucune preuve deleur implication n’a alors été trouvée. S’il est bien établi qu’ils faisaient partie des SSmobilisés à Oradour, ils ont pu être affectés auxmissions de surveillance aux alentours du village.En janvier 2013, l’adjoint d’Andreas Brendel s’estrendu sur le site du village martyr, dans le cadred’une entraide pénale internationale. Il étaitaccompagné de la chef du pôle « Crimes contrel’humanité » du parquet de Paris et d’enquêteursde la section « Recherche » de la gendarmerie.Son objectif était de « faire des constatations surplace » et « en particulier de voir à Oradour oùétaient déployées les différentes unités etd’écouter de nouveaux témoins ».

Entre mars et mai 2013, de nombreux témoinsont pu être entendus par les enquêteurs françaiset allemands, sur le fondement d'une nouvelledemande d'entraide des autorités allemandes.Une rencontre avec l'ANFMOG (l'Associationnationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane) a également été organisée pour lui expliquer la démarche des autoritésallemandes. Cette initiative a été reçuepositivement par les rescapés du massacre.Plusieurs des suspects ne peuvent plus êtrepoursuivis en raison de leur état de santé. Si laperspective d’un procès semble difficile àenvisager, Andreas Brendel espère qu’unedécision sur son organisation éventuelle seraprise avant la fin 2013. Les enquêteursallemands analysent actuellement lesvolumineuses archives judiciaires et militairesrelatives au massacre. Un point sera dressé, dansles prochaines semaines, entre le parquet deDortmund et le pôle français « Crimes contrel'humanité » pour savoir si les autoritésallemandes souhaitent solliciter d'autres actessur le territoire français. Depuis le début de laprocédure, la rapidité d'exécution des demandesallemandes a été rendue possible grâce àl'existence de ce pôle spécialisé, à compétencenationale. 2013-668

« Procès de Dortmund » - Action ouverte en 2010

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Tombeau des 642 victimes du massacre d’Oradour-sur-Glane

Bien que le terme « malgré-nous » apparaissedéjà en 1920, après la Première guerremondiale, lorsque des associationsd'anciens combattants alsaciens et

lorrains de la Grande Guerre employèrent cetteformule pour mettre en avant le fait qu'ils avaientdû se battre « malgré eux » dans l'armée allemandecontre la France, les premiers véritables « malgré-nous » ont été incorporés de force par l'arméeallemande à partir d'octobre 1942.La division de Waffen-SS Das Reich, responsablede la destruction du village et du massacre deshabitants d'Oradour-sur-Glane, comptait dansses rangs treize incorporés de force, obligés de servir le Troisième Reich sous peine dereprésailles et un engagé volontaire.Lorsque le procès d’Oradour s'est ouvert, le12 janvier 1953 devant le tribunal militaire desforces armées de Bordeaux, seuls vingt-et-unaccusés sur soixante-cinq comparurent, septallemands (dont un seul sous-officier) et quatorzeFrançais, tous alsaciens (un sergent volontaire ettreize incorporés de force). Neuf d’entre euxavaient 18 ans en 1944. La présence d’une majorité d’accusés alsaciensdéconcerta l’opinion et fût le point de départ d’unegrave cassure entre l’Alsace-Lorraine et le Limousin. Pour essayer de répondre à ce drame de la mémoireet aux passions déchaînées, l’Assemblée nationale

et le Conseil de la République votèrent, le 29 janvier1953, un texte modifiant la loi du 15 septembre1948 créant la notion de responsabilité collectivepour les membres d’associations criminelles (dontla S.S.). Les accusés alsaciens n'étaient ainsi paspoursuivis comme criminels de guerre maiscomme criminels de droit commun. Le tribunal rendit son verdict le 12 février 1953.Parmi les accusés français, seul le sergent volontairefut condamné à la peine de mort. Neuf soldats furentcondamnés à des peines de travaux forcés et quatreà la prison, aucune des peines n’excédant 8 ans. Les réactions furent vives. Certains jugèrent lechâtiment insuffisant, d’autres - et notammentles alsaciens - estimèrent au contraire qu’il étaitde leur devoir de défendre les victimes del’incorporation de force.

Saisi d’une demande d’amnistie, le Gouvernementla fit passer en urgence et le texte fut voté par lesdeux Assemblées, le 20 février 1953. La loi n° 53-112 du 20 février 1953 portant amnistie enfaveur des Français incorporés de force dans lesformations militaires ennemies disposa alors enson article premier : « Amnistie pleine et entièreest accordée aux français incorporés de forcedans l'armée allemande, pour tout fait qualifiécrime ou délit commis au cours d'une actioncriminelle accomplie par l'unité dans laquelleils avaient été versés. » Depuis 1945, les Alsaciens et Mosellans incorporésde force dans l'armée allemande bénéficient desmêmes droits que les combattants ayant servi dansles formations de l'armée française, durant laSeconde guerre mondiale. 2013-667

Les « malgré-nous »Le terme « malgré-nous » désigne les Alsaciens et Mosellans enrôlés de force dans l'armée allemande durant la seconde guerremondiale, que ce soit dans la Wehrmacht, l'armée régulière allemande, dans la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande, dansla Kriegsmarine, la marine allemande, ou encore dans la Waffen-SS, la branche militaire de la SS.

Une décision de la Cour de cassation attendue pour le 16 octobre 2013Dans le livre de Robert Hebras paru en 1992 « Oradour-sur-Glane, le drame heure par heure », l'auteurécrivait que, « parmi les hommes de main, il y avait quelques Alsaciensenrôlés soi-disant de force dans lesunités SS », phrase modifiée lors de la réédition de son livre en 2004« dans un souci de réconciliation avecl’Alsace ». Mais en 2008, un nouveautirage, dont il ne serait pas à l'origine,

reprit la première version, d’où la plainte de deux associations de « Malgré-nous » alsaciens.Débouté en première instance àStrasbourg en 2010, Robert Hébras a été condamné par la Cour d'appel de Colmar le 14 septembre 2012 à verser un euro symbolique dedommages et intérêts et 10 000 € au titre des frais de justice pour avoir contesté une « vérité

historiquement et judiciairementétablie ». Il s'est pourvu en cassation.La Cour suprême devrait statuer surcette affaire le 16 octobre prochain.L'avocat général s'est déjà prononcéen faveur de la cassation de cettecondamnation, estimant que l'article 10 de la Conventioneuropéenne des droits de l'Homme,sur la liberté d'expression, a été violé.

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8 Les Annonces de la Seine - jeudi 26 septembre 2013 - numéro 54

Vie du droit

En janvier 2013, Monsieur le BâtonnierChristian Charrière-Bournazel, Président duConseil national des barreaux, et Monsieurle Bâtonnier Bertrand Debosque, Président

de la Commission des affaires européennes etinternationales du Conseil national des barreaux,avaient reçu, dans les locaux du Conseil national desbarreaux, David Jandieri, Premier Vice-ministre dela justice de Géorgie, de passage à Paris. Ils avaientéchangé sur les besoins et les attentes de la professionen Géorgie et le support que le Conseil national desbarreaux serait susceptible d’y apporter. David Jandieri avait notamment relayé une demandede l’Association des avocats de Géorgie ayant trait àla formation et avait fait part de son souhait d’organiseren Géorgie une formation dispensée par desreprésentants du Conseil national des barreaux àl’attention des avocats géorgiens et en partenariatavec l’Association des avocats de Géorgie, représentéepar son Président Zaza Kahatiachivili. Tous les avocats exerçant en Géorgie sont membresde l’Association des avocats de Géorgie qui est unepersonne morale de droit public. La profession estrégie par la loi sur la profession d’avocat, adoptée en2001 et modifiée en 2004 et 2010, qui proclamel’indépendance de la profession et l’obligation de seconformer aux règles déontologiques. C’est sur ce thème que Bertrand Debosque estintervenu. Après avoir ouvert le colloque aux côtésdu Premier Vice-ministre de la justice et du Présidentde l’association des avocats, ce qui fut l’occasion deprésenter la profession d’avocat en France, son histoire,son organisation et ses principes, Bertrand Debosqueest revenu sur l’indépendance de l’avocat. S’étant vu confier le soin d’intervenir sur la table rondedédiée aux principes de base des Nations Unis relatifsau rôle du barreau adoptés en septembre 1990,Bertrand Debosque a rappelé que l’indépendance del’avocat par rapport aux autorités étatiques et lareconnaissance d’un pouvoir d’autorégulation de laprofession sont fondamentales et inhérentes àl’exercice de la profession dans un Etat de droit. Il a,dans ce cadre, également fait référence à laRecommandation 2000/21 du Conseil de l’Europesur la liberté d’exercice de la profession d’avocat ouencore aux arrêts de la Cour de justice de l’Unioneuropéenne et de la Cour européenne des droits del’homme. Il a insisté sur le fait que l’indépendancen’est pas une récompense mais une responsabilité.Elle induit des devoirs, pour l’avocat comme pour la profession dans son ensemble, notamment en termes de compétence et de déontologie.Bertrand Debosque a à cette occasion, mis en exergue l’arrêt Wouters dans lequel la Cour de justice de l’Union européenne soulignait que

«L’indépendance constitue une garantie essentielle pourle justiciable et le pouvoir judiciaire, de sorte que l’avocata l’obligation de ne pas s’engager dans des affaires oudes collaborations qui risquent de le compromettre »(CJUE 19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99).Florence Legrand, avocate au barreau du Val d’Oiseet membre de la Commission des affaireseuropéennes et internationales du Conseil nationaldes barreaux, s’était pour sa part vu confier le soinde présenter les conditions d’accès à la professionet la formation des avocats français. Elle a, à cetégard, rappelé le devoir de compétence qui s’imposeà la profession et l’importance de la formation quiest un enjeu crucial dont dépend la performance,la compétitivité et le rayonnement de la profession,et plus généralement la qualité du conseil juridique.Nicolas Papiachvili, avocat au barreau de Lilled’origine géorgienne, est quant à lui intervenu surl’accès au droit et l’accès à un avocat, ainsi que surle nécessaire respect des droits de la défense dansla procédure de comparution sur reconnaissancepréalable de culpabilité. La procédure surreconnaissance préalable de culpabilité a étérécemment initiée en Géorgie. Les avocatsgéorgiens se plaignent d’un déséquilibre entrel’organe de poursuite et la défense, qui rencontrenotamment de grandes difficultés pour accéder audossier. Il a insisté sur le fait que, dans le systèmefrançais, lors de l'audience de proposition de la peinepar le procureur, l'avocat de la personne poursuiviedoit être présent. Les déclarations de la personnequi reconnaît les faits, de même que la propositionde la peine faite par le procureur, doivent êtreeffectuées en présence de l'avocat choisi parl'intéressé ou, à sa demande, désigné par lebâtonnier. Il n'est pas possible de renoncer à ce droitd’assistance par un avocat et ce dernier peut

consulter le dossier sur-le-champ. La personne quienvisage de reconnaître sa culpabilité peut aupréalable s'entretenir librement avec son avocat,hors la présence du procureur.A l’issue des deux jours de formation ayant donnélieu à des échanges fructueux, les avocats géorgiens,par la voix de leur Président Zaza Kahatiachivili,ont vivement remercié les représentants du Conseilnational des barreaux d’avoir partagé avec eux leurexpérience et leurs connaissances. Il a, à cetteoccasion, remercié le Conseil national des barreauxpour le soutien constant apporté aux avocatsgéorgiens en prise avec le gouvernement sousl’ancienne équipe gouvernementale et a rappelé, àtitre d’illustration, la forte mobilisation du barreaufrançais dans l’affaire concernant MarianaIvelaschivili, jeune avocate inscrite au Barreaugéorgien qui avait été condamnée à une peined’emprisonnement de plus de 5 ans pour « défautde diligences » dans un dossier. Le PrésidentKahatiachivili a rendu hommage à Marc Jobert,Vice-président de la Commission des affaireseuropéennes et internationales, avec lequel il avaitréussi à mobiliser la communauté internationaleet à obtenir la libération de Mariana Ivelaschivilien 2011, après 3 ans d’emprisonnement. Il a précisé que cette jeune consœur a enfin obtenul’autorisation de se réinscrire au barreau.Le Premier Vice-Ministre de la Justice, qui entendinscrire l’action de son ministère dans une nouvelleère, a remercié à son tour les intervenants et lesparticipants, insistant sur l’importance d’une tellecoopération internationale entre les avocats quipermet de renforcer l’efficacité des avocats géorgienset leur capacité à pleinement jouer leur rôle dans lasociété et qui contribue ainsi au nécessaire équilibredes pouvoirs dans le domaine judiciaire.

Le Conseil national des barreauxBatoumi, Géorgie - 26 et 27 juillet 2013

A l’invitation conjointe du Ministère de la justice géorgien et de l’Association des avocats de Géorgie, le Conseil national des barreaux a participé à un séminaire organisé à Batoumi les 26 et 27 juillet derniers. Il a également, à cette occasion, été reçu par le Président de la Cour constitutionnelle géorgienne. Les principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du Barreau,adoptés en septembre 1990, entendent guider les Etats pour que l’avocat, « agent essentiel à l’administration de la justice », puisse remplirsa mission en toute indépendance. Cette indépendance, fondamentale dans une démocratie et dans un Etat de droit, n’est pourtant pasune récompense mais une responsabilité de la profession qui doit répondre du principe d’autorégulation. C’est sous cet éclairage queBertrand Debosque a présenté, lors de son déplacement en Géorgie, les principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du Barreau,en illustrant ses propos d’exemples concrets tirés de l’expérience française. Jean-René Tancrède

De gauche à droite, Zaza Kahatiachivili, Max Bessis, Bertrand Debosque,David Jandieri, Florence Legrand et Nicolas Papiachvili

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Principes de base desNations Unies relatifs au rôle du Barreaupar Bertrand Debosque

Les principes de base relatifs au rôle dubarreau ont été adoptés lors du huitièmeCongrès des Nations Unies pour laprévention du crime et le traitement des

délinquants qui s’est tenu à La Havane du 27 aoûtau 7 septembre 1990. Ces principes ont vocation à guider les Etatsmembres afin que l’avocat, « agent essentiel àl’administration de la justice » (principe 12), puisseremplir sa mission en toute indépendance. Sur le plan européen, ces principes ont été transposéset approfondis par la Recommandation 2000/21 duConseil de l’Europe sur la liberté d’exercice de laprofession d’avocat, adoptée par le Comité desMinistres du Conseil de l’Europe le 25octobre 2000. L’accès effectif à un avocat indépendant est placéau cœur du dispositif : « Attendu que la protectionadéquate des libertés fondamentales et des droits del’homme, qu’ils soient économiques, sociaux etculturels ou civils et politiques, dont toute personnedoit pouvoir jouir exige que chacun ait effectivementaccès à des services juridiques fournis par des avocatsindépendants » (Attendu n°9).Cette indépendance est fondamentale dans unedémocratie et dans un Etat de droit. Pour croireen l’administration de la justice, le citoyen doit avoirconfiance en la capacité des avocats à représentereffectivement le justiciable.Le 19 février 2002, la Cour de justice de l’Unioneuropéenne soulignait, dans l’arrêt Wouters que« L’indépendance constitue une garantie essentiellepour le justiciable et le pouvoir judiciaire » (CJUE19 février 2002, Wouters, aff. C-309/99).Le 6 septembre 2012, la Cour de justice de l’Unioneuropéenne rappelait, dans un arrêt PUKE, que« la conception du rôle de l’avocat dans l’ordrejuridique de l’Union est celle d’un collaborateur dela justice appelé à fournir, en toute indépendance etdans l’intérêt supérieur de celle-ci, l’assistance légaledont le client a besoin » (CJUE, 6 sept. 2012, C-422/11 P et C-423/11 P). En effet, le premier des principes généraux énoncéspar le code de déontologie des avocats européenssouligne que « La multiplicité des devoirs incombantà l’avocat lui impose une indépendance absolueexempte de toute pression, notamment de cellerésultant de ses propres intérêts ou d’influencesextérieures. Cette indépendance est aussi nécessairepour la confiance en la Justice que l’impartialité dujuge. L’avocat doit donc éviter toute atteinte à sonindépendance et veiller à ne pas négliger l’éthiqueprofessionnelle pour plaire à son client, au juge ou àdes tiers » (article 2.1). De la même manière, la Cour de justice de l’Unioneuropéenne mettait en avant, dans l’arrêt Wouters,que – parce que « L’indépendance constitue unegarantie essentielle pour le justiciable et le pouvoirjudiciaire » - « l’avocat a l’obligation de ne pas s’engagerdans des affaires ou des collaborations qui risquentde le compromettre » et qu’une réglementationprofessionnelle qui, dans le but de garantirl’indépendance des avocats, n’autorise pas les avocatsà constituer des cabinets intégrés avec des expertscomptables « a pu être raisonnablement considéréecomme nécessaire au bon exercice de la professionsd’avocat telle qu’organisée dans le pays concerné »(CJUE Wouters, 19 février 2002, C309/99).

Car l’indépendance n’est pas une récompense, c’estune responsabilité. S’il est essentiel de garantirl’accès effectif à un avocat (I) et l’indépendance del’avocat (II), la profession se voit confier une forteresponsabilité, notamment en termes decompétence et de déontologie (III).

I. L’ACCÈS À UN AVOCAT

Les principes 1 à 8 des Nations Unies consacrentle droit de toute personne à pouvoir faire appel àun avocat de son choix pour protéger et faire valoirses droits et pour la défendre à tous les stades dela procédure, notamment en matière pénale(principe 1).

L’accès à un avocat pour tous Les principes de base des Nations Unies relatifsau rôle du barreau s’attachent dans un premiertemps à donner corps au droit pour toutepersonne de pouvoir recourir aux services d’unavocat : égalité d’accès aux services d’un avocat(principe 2), aide juridictionnelle (principe 3), accèsau droit (voir principe 4). Cette responsabilité estconfiée aux pouvoirs publics qui doivent agir avecle soutien des organisations professionnelles (voirprincipes 3, 4 et 25).Il est en effet essentiel que les pouvoirs publicsmettent en œuvre tous leurs efforts pour permettrel’accès au droit et la défense des plus démunis etque la profession y apporte son concours. En France, l’Etat s’attache à venir en aide aux plusdémunis en leur offrant la possibilité de recevoirdes conseils par le biais de consultations gratuitesou de se défendre grâce à l’aide juridictionnelle.Cette intervention est néanmoins jugéeinsuffisante. Pour cette raison, le Conseil nationaldes barreaux et l’ensemble des barreaux locauxmènent un grand nombre d’actions dans cedomaine essentiel, dans l’intérêt des avocats quidoivent pouvoir être décemment indemnisés dansl’intérêt du justiciable qui doit pouvoir bénéficierd’une défense de qualité. Dans ce cadre, ont par exemple été mis en placedes « groupes de défense pénale », dits protocoles« article 91 ». L’article 91 de la loi du 10 juillet 1991permet aux ordres qui signent une conventionavec le Tribunal de grande instance et laChancellerie de bénéficier d’une dotation d’aidejuridictionnelle supplémentaire pouvant allerjusqu’à 20% : l’ordre et le tribunal définissent les

modalités d’organisation de la défense pour unemise en œuvre optimale de la procédure pénale etle barreau s’engage à assurer une défense de qualité(organisations de permanences, formationsspécifiques des avocats appartenant au groupe dedéfense..). Aujourd’hui, le Conseil national desbarreaux réfléchit à étendre à d'autres champsd'activité la pratique des protocoles « article 91 »et à mettre en place des structures conventionnéesqui réuniraient à plein temps ou à temps partiel unnombre réduit d'avocats qui se verraient confierdes missions d'aide juridictionnelle en contrepartied’une rémunération forfaitaire. Le systèmereposerait sur des exigences de qualité et deformation des avocats appartenant à ces groupesde défense de manière à ouvrir le droit à un avocatspécialiste, sans aucunement remettre en cause laliberté de choix de l’avocat car le client pourraittoujours faire choix d’un avocat hors structure quisera rétribué à l’acte au titre de l’aide juridictionnelle.

L’accès à un avocat en matière pénale Les principes 5 à 8 prévoient un ensemble degaranties relatives à l’accès à l’avocat en matièrepénale au regard du rôle crucial que jouent lesavocats quant à la protection des libertésfondamentales et des droits de l’homme (droitd’être informé dans les meilleurs délais de son droit d’être assisté d’un avocat de son choix, droit à l’assistance gratuite d’un avocat commis d’office, droit de communiquer avec un avocatpromptement, principe de la confidentialité descommunications). Les réformes récentes intervenues en France enmatière de garde à vue ont enfin permis de seconformer aux exigences de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme et ont témoignédu rôle central de l’avocat dans la procédure pénalecomme garant des droits et libertés fondamentales. Si le principe 7 impose de permettre à toutepersonne arrêtée ou détenue de pouvoir« communiquer promptement avec un avocat et entout cas dans un délai de 48 heures à compter deson arrestation ou de sa mise en détention », la Coureuropéenne des droits de l'Homme a estimé, dansplusieurs décisions historiques, que l’article 6 § 3 c)(droit à l’assistance d’un avocat) combiné avecl’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de laConvention européenne des droits de l’hommeexigent que l'accès à un avocat, au besoin commisd'office, soit consenti dès le premier interrogatoired'un suspect par la police (voir CEDH, Salduzc. Turquie du 27 novembre 2008 ; CEDH Dayananc. Turquie du 13 octobre 2009). Un accusé doit,dès qu’il est privé de liberté, pouvoir bénéficier del’assistance d’un avocat. L’absence d’avocat lors dela garde à vue viole le droit de tout accusé à êtredéfendu par un avocat. C’est ainsi qu’en France, depuis la loi n°2011-392du 14 avril 2011, la place de l’avocat est reconnueau stade de l’enquête de police et à tous les stadesde l’instruction d’une affaire par le juge d’instructionpuis du jugement de cette affaire. Les atteintes audroit de la défense sont sanctionnées par la nullitédes actes de procédure et des décisions judiciaires. Ces mesures font aujourd’hui échos à la propositionde directive de la Commission européenne relative« au droit d’accès à un avocat dans les procédurespénales et au droit de communiquer aprèsl’arrestation », qui est en passe d’être définitivementadoptée par le Parlement européen et le Conseil. Cette directive tend à harmoniser dans les Etatsmembres de l’Union européennes les principesposés par la CEDH et repris par la Charte des droits

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fondamentaux de l’Union européenne enprévoyant que les personnes soupçonnées oupoursuives, où qu'elles soient dans l'Unioneuropéenne, seraient autorisées à avoir accès à unavocat avant le début de tout interrogatoire depolice et tout au long de la procédure pénale. Cettedirective comportera également des dispositionsrelatives à la nécessaire confidentialité descommunications entre l’avocat et son client. Une proposition de directive sur l’aidejuridictionnelle devrait également être présentéecet automne afin de rendre pleinement effectifsles droits suscités par cette nouvelle directive. Or, comme le mettent en évidence les principes desNations Unies qui font également référence auxpersonnes détenues ou emprisonnées, il est essentielque les mêmes garanties, notamment d’accès effectifà un avocat et de respect de la confidentialité descommunications, fondamentales dans un Etat dedroit, existent aussi à l’égard des personnes placéesdans les lieux de détention.

II. LES DROITS ET GARANTIES LIÉS À L’EXERCICE DE LA PROFESSION D’AVOCAT

Les droits et garanties permettantl’exercice effectif d’une professionindépendante Les principes 16 à 22 détaillent les « Garanties liéesà l’exercice de la profession d’avocat » tandis que leprincipe 23 pose celui de la liberté d’expression etd’association de l’avocat. Ces principes, qu’il s’agisse de la possibilité des’acquitter de sa mission sans entrave ni ingérenceni poursuites ou menaces indues (principe 16),de la liberté d’aller et venir (principe 16), du droità la sécurité lorsque l’avocat est menacé dansl’exercice de ses fonctions (principe 17), du droitde comparaitre devant une juridiction pour yreprésenter son client (principe 19), del’immunité de plaidoirie (principe 20), du droitd’accès au dossier (principe 21) ou encore de laconfidentialité des communications entreavocats et avec le client (principe 22), sont desgaranties nécessaires à l’exercice effectif laprofession en toute indépendance. Leur respect requiert une vigilance sans faillecomme le montre le principe n°18 (« Les avocatsne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à lacause de leurs clients du fait de l'exercice de leursfonctions ») au regard de la difficulté rencontréeactuellement par de nombreux avocats turcs. Le principe 23 précise que l’avocat doit jouir de laliberté d’expression, de croyance, d’association et deréunion, «sans subir de restrictions professionnelles»de ce fait. L’avocat est en effet celui qui doit pouvoir intervenirpubliquement afin que toute personne présentepuisse vérifier et témoigner du respect des principesde la justice civile et pénale et des droitsfondamentaux reconnus aux personnes jugées.Pour ce faire, il est reconnu à l’avocat une libertéde parole à l’audience et en dehors de l’audience,même si cette liberté d'expression ne saurait êtreabsolue car sujette à des restrictions qu'impliquent,notamment, la protection de la réputation ou desdroits d'autrui, le respect du secret professionnelou la garantie de l'autorité et de l'impartialité dupouvoir judiciaire. Cela étant, comme l’a rappelé la Cour européennedes droits de l’homme dans l’arrêt MOR encondamnant la France (CEDH MOR c. France(Requête no 28198/09) du 15 décembre 2011),si la

liberté d’expression de l’avocat peut être limitée parle respect du secret professionnel et le secret del’instruction ainsi que par la garantie de l’autorité etde l’impartialité du pouvoir judiciaire, l’atteintedisproportionnée à la liberté de l’avocat doit êtresanctionné : on ne peut que très exceptionnellementporter atteinte à la liberté d’expression d’un avocatqui peut se prononcer publiquement sur lefonctionnement de la justice, les procéduresjudiciaires et prendre part à un débat d’intérêt général,ce qui préserve le droit du public à l’information. Le respect du secret professionnel et de laconfidentialité (principe 22 – confidentialité) sonttout autant essentiels en ce qu’ils participent de larelation de confiance de l’avocat avec son client etde sa capacité à donner des conseils objectifs. LaCour européenne des droits de l’homme, dans unarrêt du 24 juillet 2008 (affaire André & Autres c/ France - Requête n° 18603/03 § 41), définit lesecret professionnel comme « la base de la relationde confiance qui existe entre l’avocat et son client ».Le secret professionnel constitue un desfondements de la sécurité juridique dans un Étatde droit. Au niveau européen, il est notammentprotégé par les articles 6 (procès équitable) et8 (respect de la vie privée). C’est ainsi que lajurisprudence de la Cour européenne des droitsde l’homme a eu l’occasion, à de nombreusesreprises, de rappeler que le secret professionnelde l’avocat est une norme supérieure à laquelle ilne peut être porté atteinte que de manièreextrêmement limitée et pour des motifs tout à faitencadrés.

Le droit de constituer des associationsprofessionnelles autonomes etindépendantes Il ressort clairement de ce qui précède quel’indépendance de l’avocat s’oppose radicalementà ce que l’avocat soit soumis au pouvoir politiqueet contrôlé par ce dernier ou par une quelconquepersonne ou autorité, hormis celle de son Bâtonnier. L’indépendance de l’avocat par rapport aux autoritésétatiques et la reconnaissance d’un pouvoird’autorégulation de la profession sont inhérents àl’exercice de la profession dans un Etat de droit. C’est sur cette voie que s’engagent les principesde base des Nations Unies relatifs au rôle dubarreau qui prévoient que « les avocats peuventconstituer des associations professionnellesautonomes, ou adhérer à de telles associations ayantpour objet de représenter leurs intérêts, depromouvoir leur éducation et leur formationcontinues et de protéger leur intégritéprofessionnelle. Les membres de ces associationsélisent leur organe directeur, lequel exerce sesfonctions sans ingérence extérieure » (principe 24). Les avocats doivent pouvoir se regrouper au seind’organes autonomes et indépendants des autoritéset du public. Ces organes doivent assurer lareprésentation de leurs membres auprès despouvoirs publics et assurer la défense de laprofession à l’égard de toute restriction ou ingérenceinjustifiée. Ces organes doivent avoir la maitriseeffective de l’accès à la profession et de la sortie dela profession. Ils doivent être les garants du respectde la déontologie et de la sanction des tousmanquements aux règles déontologies : ils doiventnon seulement disposer du pouvoir d’édiction dela norme déontologique mais encore être lesresponsables de son application en exerçant sesprérogatives au plan disciplinaire. L’autorégulation de la profession est indispensablepour effectuer un contrôle et vérifier le haut degré

de compétences et le respect des standards morauxauxquels ses membres doivent répondre, dansl’objectif d’assurer la protection du public, desusagers ainsi que l’efficacité de la justice et un hautniveau de confiance, indispensable à la bonneadministration de la justice. C’est ainsi que le Conseil des barreaux européens,qui a consacré l’autorégulation comme principeessentiel de l’avocat, a pris soin de souligner que leprincipe d’autorégulation est une garantied’indépendance, fondamentale pour la professiond’avocat. La réglementation exclusive par l’Etat, sansque la profession ait un rôle prépondérant dansl’établissement et l’application des normes deconduite et de prestations de services estincompatible avec une profession d’avocatindépendante. De surcroit, les avantages de laréglementation de la profession d’avocat lorsquecelle-ci dispose d’un rôle prépondérant dans sonétablissement et son application sont nombreux :expertise dans la réglementation des questions liéesà la profession, niveau élevé d’acceptation desnormes établies, efficacité, moindre coût.La Cour de justice de l’Union européenne a elle-même jugé qu’une réglementation professionnellequi, dans le but de garantir l’indépendance desavocats, n’autorise pas les avocats à constituer des cabinets intégrés avec des experts comptables« a pu être raisonnablement considérée commenécessaire au bon exercice de la professions d’avocat telle qu’organisée dans le pays concerné »(CJCE Wouters, 19 février 2002, C-309/99). Les structures professionnelles regroupant lesavocats permettent de les protéger contre lesatteintes extérieures, non pas d’un point de vue oudans une perspective corporatiste, mais dansl’intérêt du fonctionnement démocratique de lasociété et de leurs clients.A cet égard, la Recommandation du Comité desMinistres du Conseil de l’Europe sur « la libertéd’exercice de la profession d’avocat » (Rec. (200021))adoptée le 25 octobre 2000 insiste sur le rôle desorganisations représentatives de la professiond’avocat quant à « la défense du rôle des avocatsdans la société et le respect de leur honneur, de leurdignité et de leur intégrité »et quant à « la promotion,pour les avocats, d’un niveau de compétence le plusélevé possible ainsi que du respect de la déontologieet de la discipline ». Les ordres d’avocats, en France, sont maîtres deleur tableau. 161 ordres d’avocats y ont édicté eux-mêmes les règles déontologiques régissant laprofession. Depuis vingt ans, dans un souci d’unité,cette fonction a été dévolue au Conseil national desbarreaux, composé exclusivement d’avocats éluspar leurs pairs. Les ordres conservent la faculté dedécliner, dans le respect de la règle nationale, desrèglementations subsidiaires qui ne la contredisentpas. De même les conseils de discipline, un parressort des cours d’appel, sont constituésexclusivement d’avocats, délégués par les avocatsdes barreaux du ressort de la cour. Ainsi, l’indépendance de l’avocat est-elle garantiepar cette double autonomie dans la définition de larègle et l’autorégulation, avec cette limite que la règleédictée par les barreaux doit être homologuée parun décret du ministre de la justice pour revêtir forceobligatoire. Or déontologie et discipline sont deux maîtres motscar l’indépendance n’est pas une récompense, c’estune responsabilité. L’avocat doit disposer du niveaude compétence le plus élevé et se soumettre, souspeine de sanction, au respect des règlesdéontologique.

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III. LE COROLLAIRE DE L’INDÉPENDANCE :UNE RESPONSABILITÉ FORTE DE LA PROFESSION

Le principe 9 est dédié aux « aptitudes » et à laformation des avocats tandis que les principes12 à 15 consacrent les « Devoirs et responsabilitésde l’avocat » et que les principes 26 à 29 portentsur les « procédures disciplinaires ».

Le devoir de compétence – la formationdes avocats Le principe 9 est énoncé de la manière suivante :« Les pouvoirs publics, les associationsprofessionnelles d'avocats et les établissementsd'enseignement veillent à ce que les avocatsreçoivent un enseignement et une formationappropriés et aient connaissance des idéaux et dela déontologie de leur profession, ainsi que des droitsde l'homme et des libertés fondamentales reconnuspar le droit national et international ».La Charte des principes essentiels de l’avocateuropéen, adoptée lors de la session plénière duCCBE du 25 novembre 2006, compte parmi ses10 principes essentiels « la compétenceprofessionnelle ». La formation est ainsi un enjeu crucial, car c’estd’abord d’elle que dépend la performance, lacompétitivité et le rayonnement de la profession,et plus généralement la qualité du conseiljuridique. Elle est d’ailleurs l’une des principalesmissions dévolues par la loi au Conseil nationaldes barreaux qui est chargé d'organiser laformation professionnelle initiale et continue desavocats.C’est ainsi que le Conseil national des barreauxdéfinit les principes d’organisation de laformation professionnelle des avocats et enharmonise les programmes, qu’il définit lesmodalités selon lesquelles la formation continues’accomplit, qu’il coordonne les différentesactions des centres régionaux de formationprofessionnelle et qu’il détermine les conditionsgénérales d'obtention des mentions despécialisation et en propose la liste. En ce qui concerne la formation initiale : voirintervention Florence Legrand (Panel III). En ce qui concerne la formation continue, enFrance, elle est obligatoire. Chaque avocat est tenude suivre 20 heures de formation chaque année.Les barreaux sont chargés du contrôle de cetteobligation et peuvent prendre des mesuresdisciplinaires à l’encontre des avocats défaillants.

Les devoirs et responsabilités de l’avocat et la discipline Les principes 12 (honneur et dignité) et15 (loyauté envers le client) renvoient auxprincipes essentiels qui doivent guider lecomportement de l’avocat en toutescirconstances.Le principe 13 précise les devoirs des avocatsenvers leurs clients. Ils doivent : a) Les conseiller quant à leurs droits et obligationsjuridiques et quant au fonctionnement dusystème juridique, dans la mesure où cela a desincidences sur lesdits droits et obligationsjuridiques; b) Les assister par tous les moyens appropriés etprendre les mesures juridiques voulues pourpréserver leurs intérêts; c) Les assister devant les tribunaux ou autoritésadministratives, le cas échéant.Le principe 14 ajoute qu’ « en protégeant les droits

de leurs clients et en promouvant la cause de lajustice, les avocats doivent chercher à faire respecterles droits de l'homme et les libertés fondamentalesreconnus par le droit national et international etagissent à tout moment librement et avec diligence,conformément à la loi et aux normes reconnues et à la déontologie de la profession d'avocat ».Ces deux principes se retrouvent à l’article 1.1 duCode de déontologie des avocats européens du Conseil des barreaux européens (CCBE) :« Dans une société fondée sur le respect de lajustice, l’avocat remplit un rôle éminent. Sa missionne se limite pas à l’exécution fidèle d’un mandatdans le cadre de la loi. L’avocat doit veiller aurespect de l’Etat de droit et aux intérêts de ceuxdont il défend les droits et libertés. Il est du devoirde l'avocat non seulement de plaider la cause deson client mais aussi d'être son conseil ». Cet article est d’ailleurs placé en préambule de laCharte des principes essentiels de l’avocateuropéen, adoptée lors de la session plénière duCCBE du 25 novembre 2006 et que les barreaux,les tribunaux, les législateurs et gouvernementdoivent faire respecter et protéger, qui sont :1. L’indépendance et la liberté d’assurer la défensede son client ; 2. Le respect du secret professionnel et de laconfidentialité des affaires dont il a la charge ;3. La prévention des conflits d’intérêts que ce soitentre plusieurs clients ou entre le client et lui-même ;4. La dignité, l’honneur et la probité ;5. La loyauté à l’égard de son client ; 6. La délicatesse en matière d’honoraires ;7. La compétence professionnelle ;8. Le respect de la confraternité ; 9. Le respect de l’Etat de droit et la contributionà une bonne administration de la justice, 10. L’autorégulation de sa profession.

En France, les principes essentiels de la professionsont énoncés par l’article 1 du Règlement intérieurnational édicté par le Conseil national desbarreaux. En application du principed’autorégulation, le législateur a confié le soin auConseil national des barreaux d’unifier par voiede dispositions générales les règles et usages dela profession d’avocat. Dans le respect desdispositions législatives et réglementaires envigueur, cette unification se fait par voie dedécisions à caractère normatif publiées au JournalOfficiel et directement applicables aux avocats.A cet égard, le principe 26 énonce que « Descodes de conduite professionnelle des avocatssont établis par les organes appropriés de l'ordredes avocats ou par la loi, conformément au droitet à la coutume nationaux et aux normesinternationales reconnues » tandis que lesprincipes 27 à 29 ont traits aux « procéduresdisciplinaires ». Au regard du rôle clé de l’avocat pour assurer laconfiance du public dans l’action des tribunaux,en l’administration de la justice, il est en effetessentiel que l’avocat, celui qui est appelé pourparler pour l’autre, exerce sa profession dans lecadre de règles éthiques et professionnelles denature à garantir la confiance que le citoyen placeen lui. C’est l’application de règles professionnellesaux avocats, notamment les règles d’organisation,de qualification, de déontologie, de contrôle etde responsabilité, qui procure la nécessairegarantie d’indépendance, d’intégrité et decompétence, socle de cette confiance. Il importe de définir les règles et, en cas de

manquement, de prendre les mesuresappropriées, y compris l’engagement depoursuites disciplinaires. Comme le soulignerégulièrement la jurisprudence européenne, c’est« l’application de règles professionnelles auxavocats, notamment les règles d’organisation, dequalification, de déontologie, de contrôle et deresponsabilité, (qui) procure la nécessaire garantied’intégrité et d’expérience aux consommateursfinaux des services juridiques et à la bonneadministration de la justice » (voir CJUE12 décembre 1996, Reisebüro Broede contreGerd Sandker, Affaire C-3/95).C'est dans ce contexte qu'a été élaboré en Francele Règlement Intérieur National (RIN) quinormalise les principes de la profession (respectdu client, conflit d'intérêts, confidentialité,secret...), les activités de l’avocat (champd'activité, publicité...), l'exercice de la profession(collaboration, salariat, structures, réseaux), lacollaboration interprofessionnelle ou encore lesrapports entre avocats appartenant à desbarreaux différents (...).Le non-respect de ces obligations déontologiques(ex : violation du secret professionnel, qui est aussisanctionnée pénalement) et professionnelles (ex. maniement des fonds des clients ou qui leursont destinés) est susceptible d'entraîner, en plusde la responsabilité pénale, des sanctionsdisciplinaires allant de l’avertissement à laradiation en passant par l’interdiction temporaired’exercerLe principe 28 souligne que « Les procéduresdisciplinaires engagées contre des avocats sontportées devant une instance disciplinaireimpartiale constituée par l'ordre des avocats,devant une autorité statutaire indépendante oudevant un tribunal et elles doivent être susceptiblesde recours devant un organe judiciaireindépendant ». Cette procédure doit en effetrespecter les garanties du procès équitable, ycompris le droit d’être assisté d’un avocat(principe 27 : « Tout avocat a droit à ce que sacause soit entendue équitablement et peut êtreassisté par un avocat de son choix »).En France, l’autorité de poursuite est le Bâtonnierde l'ordre qui reçoit les plaintes et les instruit,éventuellement en menant une enquêtedéontologique sur les faits imputés, ou leProcureur Général près la Cour d’appel. L’autoritéde poursuite peut procéder au classement dudossier ou à une admonestation paternelle ou, siles faits sont avérés, peut directement ou aprèsl’enquête déontologique transmettre le dossierau conseil de discipline qui connaît en premierressort des infractions commises par les avocatsappartenant aux barreaux qui y sont établis. Envue d’assurer une stricte séparation des autoritésde poursuites, d’instruction et de jugement et degarantir l’impartialité du juge disciplinaire, leconseil de discipline qui siège dans le ressort dechaque Cour d’appel, composé d’avocats duressort, s’est vu conférer les compétences quiétaient jusqu’à présent dévolues aux conseils del’Ordre, sauf pour le conseil de l’Ordre des avocatsdu barreau de Paris qui a conservé toute sacompétence disciplinaire. Bien entendu, lebâtonnier qui renvoie un avocat devant le conseilde discipline ne préside pas ce dernier. Lesfonctions de procureur et de juge sontindépendantes. Les décisions du conseil dediscipline peuvent être déférées à la Cour d’appelcomposée, elle, exclusivement de jugesprofessionnels. 2013-669

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Entretien

Dans quelles circonstances cetarrêt du Tribunal suprême est-il

intervenu ? xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxFrançois-Henri Briard. Le 11 octobre

2011, Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II,Prince souverain de Monaco, a signé uneOrdonnance portant délimitation, plans decoordination et règlement particulier d'urbanisme,de construction et de voirie du quartierordonnancé de Saint-Roman. Cette Ordonnanceétait le fruit d'un long travail de réflexion conduitavec les instances monégasques compétentes surl'évolution urbanistique de ce quartier, notammentpour ce qui concerne l'implantation desconstructions par rapport aux emprises publiqueset aux limites séparatives ainsi que l'indice deconstruction (volumétrie des immeubles). S'estimant directement concernée par lesconséquences de ces choix d'urbanisme,notamment en raison de certains projetsimmobiliers qu'ils rendent désormais possibles, laCommune de Beausoleil, commune françaiselimitrophe, a attaqué ladite Ordonnance devant leTribunal suprême de Monaco, présidé par leProfesseur Didier Unotie. La Commune deBeausoleil, dont le recours gracieux avait étépréalablement rejeté par S.E.M le Ministre d'Etat,faisait valoir divers moyens tirés de l'absence d'étuded'impact préalable, de l'absence de consultation desautorités françaises au titre de l'urbanismetransfrontalier, de la violation du principe d'égalité,de la méconnaissance des principes généraux dudroit international public ainsi que des échangesde lettres intervenus entre Monaco et la Franceentre 1963 et 1970, et de l'incohérence des règlesde construction. Le Tribunal a rendu sa décisionle 29 mai 2013, au rapport du Professeur JoséSavoye, membre titulaire dudit Tribunal. Quellesolution le Tribunal suprême a-t-il retenue ? Le Tribunal n'a pas statué au fond. Il n'est pas alléau-delà de la fin de non-recevoir soulevée par leMinistre d'Etat, qu'il a estimé fondée. La motivationde la décision est limpide et particulièrement forte :« Considérant que dès lors que le territoire est unélément constitutif de l'Etat son libre aménagementest l'un des attributs de sa souveraineté ; qu'ainsi, s'ilest possible à une personne étrangère, sur lefondement de l'article 32 de la Constitution, deréclamer l'annulation par la voie du recours pourexcès de pouvoir d'un acte administratif nonrèglementaire pris dans le domaine del'aménagement du territoire et de l'urbanisme, enrevanche un tel recours dirigé contre un acterèglementaire pris dans le même domaine n'est pasrecevable ». En statuant ainsi, le Tribunal suprêmea éludé tout débat au fond et évité une discussionsur des moyens qui auraient pu être sérieusementconsidérés ; il a clairement choisi la voiesouverainiste, en interdisant à une collectivitéterritoriale française de remettre en cause un acterèglementaire monégasque mais en réservant lapossibilité offerte aux riverains de Beausoleild'attaquer le cas échéant les autorisationsindividuelles d'urbanisme à venir (permis de

construire notamment), confirmant ainsi unejurisprudence assez récente intervenue à l'occasiondes actions engagées par des habitants deBeausoleil contre le permis de construire de la TourOdéon(1) remarquable programme du GroupeMarzocco, actuellement en cours d'achèvement.

Qu'est-ce que la souveraineté? F-H. B. Ainsi, ainsi que le soulignait voici quelquetemps l'Honorable Anthony Kennedy, membre dela Cour suprême des Etats-Unis, la souveraineté estla première des libertés politiques. Même si depuisl'Antiquité les Etats ont toujours été attachés à leurindépendance et à la protection de leurs intérêts,le concept de souveraineté n'est véritablementapparu que dans La République du penseur françaisJean Bodin(1576). Cette notion a d'abord été utiliséeà propos du fonctionnement interne de l'Etat, pourjustifier le renforcement du pouvoir royal. Elle estdevenue par la suite indissociable du pouvoirétatique. Le concept a été consacré au niveauinternational par les traités de Westphalie (1648),reconnaissant aux Etats allemands une autonomieà l'égard du Saint-Empire romain germanique. Il aalors été utilisé comme fondement d'un nouveaumodèle de société internationale, prenant ainsi lerelai du système médiéval fondé sur la chrétienté.

L'affaiblissement progressif de l'autorité du Pape etde l'Empereur a plus tard permis aux Etats des'émanciper et de s'affirmer comme entitéssouveraines. C’est ainsi qu'est né l'Etat moderne, constitué d'unterritoire et d'une population sur lesquels il exercesa souveraineté. On a longtemps attribué uncaractère absolu et indivisible à ce concept. Maisl'autonomie absolue de l'Etat est impossible puisquela compétence des Etats est nécessairement limitéepar celle des autres. Un sujet de droit internationalne peut fixer seul l'étendue de ses compétences.Une conception plus souple et relative du conceptde souveraineté a ainsi vu le jour. Elle a marqué larédaction de la Charte des Nations Unies dontl'article 2 §1 proclame que « l'organisation est fondéesur le principe de l'égalité souveraine de tous sesmembres ». Par ailleurs, on admet à présent que lasouveraineté puisse faire l'objet de limitationsconsenties permettant le développement de lasociété internationale. Ainsi, le concept a beaucoupévolué. Au départ conçue comme la summapotestas du Prince, puis appliquée à l'Etatnationaliste du XIXème siècle, la souveraineté estaujourd'hui revisitée à l'aune des mutationspolitiques des Etats et des relations internationales.Les pays de l'Union européenne savent bien quelles

Monaco, Etat souverainUne décision récente du Tribunal Suprême de Monaco, passée à peu près inaperçue, a réaffirmé avec force la souverainetémonégasque. Cet arrêt important rendu en formation d'assemblée plénière, nous a conduits à solliciter les commentaires deMaître François-Henri Briard, Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.* Jean-René Tancrède

Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II

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sont les conséquences, notamment juridiques, desabandons de souveraineté qu'ils ont librementconsentis. La souveraineté n'a pas disparu pourautant. Les restrictions apportées à la souveraineténe l'entament pas dès lors que ces limitations sontconsenties par les Etats et sont donc lamanifestation même de leur pouvoir de traiterentre eux. Paradoxalement, le droit internationalsemble actuellement offrir à la souveraineté uneseconde jeunesse. En effet, la notion de droit d'ingérence a fait l'objetd'un l'Assemblée générale de l'ONU, qui a proclaméen 2005 la responsabilité de protéger pesant sur lesEtats. L'idée est d'aider les Etats en difficulté à gagneren souveraineté pour les rendre capables deprotéger leur territoire et leur population. Cemouvement a pour mot d'ordre : « closing thesovereignty gap ». Ainsi, que l'a souligné le PrésidentBruno Cotte, «L'Etat est toujours souverain, mais ilne l'est plus de la même manière », Monaco obéità ces règles ; il est un Etat ni plus ni moins souverainque les autres acteurs du concert des nations. Sa souveraineté est proclamée par l'article 1er de sa Constitution, qui dispose que Monaco « est unEtat souverain et indépendant dans le cadre desprincipes généraux du droit international et desconventions particulières avec la France ».

Quel lien l'aménagement d'un territoireentretient-il avec la souveraineté ? F-H. B. Dans l'ordre international, la souverainetéest un attribut essentiel de l'Etat, qui n'est soumis àaucune puissance extérieure, qui n'est obligé oudéterminé que par sa propre volonté, dans lerespect des règles qu'il a librement acceptées. Dansl'ordre interne, cette souveraineté s'exerce dans unespace physique précis, sur un territoire déterminé.Avec l'existence d'une population permanente etun gouvernement qui jouit de la capacité d'entreren relation directe avec les autres Etats, le territoireest en effet l'une des trois composantes essentiellesde la souveraineté, telle que définie par laConvention de Montevidéo du 26décembre 1933,et mise en œuvre par la doctrine internationalisteclassique. La souveraineté implique pour l'Etat la compétencede régir tout ce qui se trouve sur son territoire. Cettecompétence s'exerce sur toutes les personnes,physiques ou morales, nationaux ou étrangers, quirésident sur le territoire, ainsi que sur tous les biensqui y sont situés. Il est à peine besoin de rappelerque la nature et l'étendue de cette souveraineté sontstrictement indépendantes de la consistance de ceterritoire : qu'un Etat dispose d'un territoire de deuxkm2 comme Monaco ou de dix-sept millions dekm2 comme la Russie, cette souveraineté est lamême. L'Etat, en tant qu'entité souveraine, jouit dela compétence de principe et l'exerce sur sonterritoire de manière totalement discrétionnaire,ce qui a pour conséquence d'exclure la compétencede toute autre autorité étatique. Les décisionsétatiques appliquées sur son territoire sontprésumées valides. Dans la sentence arbitrale ditedu « Lac Lanoux » (16 novembre 1957, Espagne c/ France), le tribunal arbitral constitué ad hoc aposé que « la souveraineté territoriale joue à lamanière d'une présomption ; elle doit fléchir devanttoutes les obligations internationales, quelles qu'ensoient les sources, mais ne fléchir que devant elles ». Ainsi, le territoire constitue l'assise géographiquede l'Etat et se trouve au cœur des compétencesétatiques. L'Etat y jouit d'un plein pouvoir, entier etexclusif. L'aménagement du territoire d'un Etatrelève de ce point de vue de la compétence

nationale. La souveraineté territoriale permet auxEtats de se voir attribuer une compétence exclusiveen la matière. Réciproquement, l'Etat peut s'opposerà toute activité concurrente d'un autre Etat ou deses démembrements sur son propre territoire.Cette prérogative trouve son fondement dansl'article 2 § 7 de la Charte des Nations Unies.Chaque Etat a droit de jouir de sa proprecompétence, ce qui implique que nulle autre entitéétatique ne peut intervenir dans le domaine decompétence d'un autre Etat sur son propreterritoire. Cette prohibition vaut pour tous les Etatstiers dès lors qu'entrent en jeu des considérationsde compétence nationale. Un Etat ne peut pas êtrecontraint par un autre Etat dans le domaine de sesaffaires intérieures, hors l'ingérence humanitaire.La souveraineté comporte deux sortes de limitesgénérales. La première est géographique. L'autoritéde la puissance publique s'arrête aux limitesterritoriales de l'Etat. Un Etat ne peut exercer lamoindre compétence d'exécution des normes qu'ilédicte sur un sol étranger. La seconde est matérielle :l'Etat ne peut pas tout faire, il doit respecter lesdroits des Etats tiers et les contraintes imposéespar l'organisation de la vie internationale. Toutd'abord, les composantes de la souverainetéconstituent ses propres limites : les Etats doiventrespecter l'intégrité territoriale des Etats tiers.L'utilisation qu'un Etat fait de son territoire ne doitpas porter atteinte à la situation d'un territoireétranger(2). Une obligation générale de bonvoisinage pèse sur les Etats : aucune activité sur lesol d'un Etat ne doit troubler la consistance, lesconditions géographiques et humaines du territoired'un tiers. La sentence arbitrale dite « de la fonderiedu Trail »(3) reconnaît même aux Etats un droit àla protection de l'environnement. Ensuite, les Etatsdoivent respecter le droit des étrangers présentssur leur sol. C’est à la lumière de ces principes qu'ilfaut lire et comprendre la décision du Tribunalsuprême de Monaco.

Quels enseignements pour Monaco, Etat souverain, peut-on tirer de cettedécision du Tribunal suprême, notamment vis-à-vis de la France et de ses collectivités territoriales? F-H. B. S'agissant de Monaco, la souveraineté dece pays a été clairement posée dès 1861 par leTraité signé avec la France ; elle a été réaffirméepar les traités de 1918 et 2002. Même si la Franceet Monaco partagent selon les termes de cedernier traité une « communauté de destin »,Monaco possède une indépendance et unesouveraineté absolues. Il n'est plus question aujourd'hui de conformité decette souveraineté aux intérêts politiques,militaires, navals et économiques de la France.C’est désormais la concertation bilatérale qui estla règle. Certes, Monaco doit s'assurer que sesrelations internationales sont en convergence aveccelles de la France, dans le cadre des relationsprivilégiées entretenues par ces deux Etats depuisplusieurs siècles. Mais Monaco est seul maître deson destin. Son territoire est inaliénable ; et si laFrance en garantit l'intégrité, ce n'est pas pourautant que Monaco n'en a pas la maîtrise totale,notamment pour ce qui concerne sonaménagement. Monaco n'est pas de ce point devue un appendice de la France, qui pourraitimposer ses vues, directement ou à travers descollectivités territoriales voisines. Etat moderneet respectueux de l'environnement, Monacoaménage son territoire comme il l’entend, quandil le veut et comme il le veut.

Le Tribunal suprême de Monaco a-t-ilainsi marqué sa différence par rapport auConseil d'Etat français ? F-H. B. Relevant par essence de la catégorie desactes administratifs réglementaires faisant grief,les plans locaux d'urbanisme peuvent êtreattaqués par la voie du recours pour excès de

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Jurisprudence

Recours en annulation de l'Ordonnance Souveraine numéro 3.485 du11octobre 2011, ensemble la décision de rejet opposée le 9 mars 2012par S.E. M. le Ministre d'Etat au recours gracieux formé le 21 décembre2011 par la commune de Beausoleil (France) agissant par son Maire.

En la cause de : - La commune de Beausoleil , agissant par son Maire en exercice, autorisépar délibération du Conseil municipal en date du 14 juin 2011, domiciliéen cette qualité en l'Hôtel de Ville. Boulevard de la République à 06240Beausoleil (France), (...)Contre :- S.E. M. le Ministre d'Etat de la Principauté de Monaco, ayant pour avocat-défenseur Maître Christophe Sosso et plaidant par la SCP Piwnica-Molinie,avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation de France.Le Tribunal Suprême,Siégeant et délibérant en assemblée plénière,Vu la requête de la commune de Beausoleil, (...)Ce faire :Attendu que le 11 mai 2012, la commune de Beausoleil, agissant par sonmaire, faisait enregistrer au Greffe Général du Tribunal Suprême de laPrincipauté de Monaco une requête aux fins d'annulation de l'OrdonnanceSouveraine n° 3.485 portant délimitation, plans de coordination et règlementparticulier d’urbanisme, de construction et de voirie, publiée au Journal deMonaco le 21 octobre 2011, modifiant les règles d'urbarnisme préalablementapplicables au quartier de Saint-Roman régi jusque là par l'OrdonnanceSouveraine n° 831 du 14 décembre 2006, en instaurant de nouvellesdispositions particulières d'urbarnisme, notamment en ses articles : - 3 relatif à l'implantation des constructions par rapport aux emprises publiques,

- 4 relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives, - 5 relatif à l'emprise des constructions et - 7 relatif à l'indice de construction.Attendu qu'ainsi l'Ordonnance litigieuse permet l'édification sur le territoiremonégasque, en limite avec le territoire de la requérante, de bâtimentsimposants qui auront des conséquences préjudiciables sur l'urbanisationdu territoire communal. (...)Après en avoir délibéré : Considérant que dès lors que le territoire est un élément constitutif del'Etat son libre aménagement est l'un des attributs de sa souveraineté; qu'ainsi,s'il est possible à une personne étrangère, sur le fondement de l'article 32de la Constitution de réclamer l'annulation par la voie du recours pourexcès de pouvoir d'un acte administratif non réglementaire pris dans lesdomaines de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, en revancheun tel recours dirigé contre un acte réglementaire pris dans les mêmesdomaines n'est pas recevable ; que par voie de conséquence, la communede Beausoleil n'est pas recevable à réclamer l'annulation de l'OrdonnanceSouveraine n° 3.485 du 11 octobre 2011, modifiant l'OrdonnanceSouveraine n° 831 du 14 décembre 2006 portant délimitation, plans decoordination et règlement particulier d'urbanisme, de construction et devoirie du quartier ordonnancé de Saint-Roman ;Décide :Article 1 : La requête est rejetée. Article 2 : Les dépens sont mis à la charge de la commune de Beausoleil.Article 3 : Expédition de la présente décision sera transmise à S.E le Ministre d'Etat et à Monsieur le Maire de la la commune de Beausoleil.

2013-671

La souveraineté monégasque s’oppose auxrecours des communes françaises limitrophesTribunal Supême de Monaco, Commune de Beausoleil contre Etat de Monaco29 mai 2013 - décision TS 2012-09

pouvoir devant la juridiction administrative, enFrance comme à Monaco. A cet égard, le Conseil d'Etat français a développéune jurisprudence libérale, en acceptantnotamment qu'une commune limitrophe puisseêtre recevable à attaquer le plan local d'urbanismed'une commune voisine(4). Dans la même ligne, lerecours des étrangers - collectivités publiques etassociations - est largement reconnu. Ainsi, à proposde décisions de déversements dans le Rhin, laProvince du Nord de la Hollande, la Villed'Amsterdam, les organismes spécialisésnéerlandais, ainsi qu'une association de défense del'environnement, tous concernés ou exploitant leseaux du Rhin, justifient d'un intérêt leur donnantqualité pour agir devant le tribunal administratif deStrasbourg, pour déférer les arrêtés préfectorauxrelatifs aux déversements effectués par la sociétédes Mines de potasses d'Alsace(5), De la même manière, une commune étrangère, a-t-elle été déclarée recevable à intervenir sur lerecours d'une commune française en raison de sonintérêt à agir en vue de l'annulation d'un décretdéclarant d'utilité publique les travaux deconstruction d'une centrale nucléaire(6), Le Conseild'État français a aussi admis la recevabilité de la villede Genève et d'un certain nombre d'associationsde droit suisse contre un décret autorisant la

modification du fonctionnement d'une centralenucléaire(7). Dès lors, même si le Conseil d'Etat n'aencore jamais eu à se prononcer sur la recevabilitéd'une commune étrangère à attaquer un plan locald'urbanisme adopté par une collectivité territorialefrançaise, il semble néanmoins probable qu'un telrecours, en application de la jurisprudenceconstante en matière d'intérêt à agir, ne serait pasjugé, par principe, irrecevable, en dépit du caractèresouverain de la compétence d'aménagement duterritoire.Il en va différemment à Monaco, qui ne saurait voirles actes règlementaires du Souverain mis en causepar des collectivités étrangères, notamment enmatière d’urbanisme.

Quelle est votre conclusion? F-H. B. Il convient de rendre hommage au Tribunalsuprême pour la clarté et la force de sa décision, quise démarque de la jurisprudence française précitée.Cet arrêt tombe à point nommé à une époque oùMonaco conçoit de grands projets d'aménagement.Elle rappelle aussi opportunément l'existence de lasouveraineté monégasque à certaines organisationseuropéennes qui harcèlent Monaco enm’éconnaissant la spécificité de son organisationpolitique et institutionnelle. Comme en matièreterritoriale, la souveraineté pourrait être une

réponse à cet acharnement. De ce point de vue, cesorganisations feraient bien de ne pas oublier qu'unEtat souverain n'est obligé ou déterminé que par sapropre volonté, notamment en ce qui concerne lestraités : il peut les signer, ou les dénoncer.Monaco n'est ni une République, ni une monarchieparlementaire. Monaco est un Etat de droit mais aussi unemonarchie héréditaire et constitutionnelle. C’est le Prince qui représente la Principauté dansses relations avec les puissances étrangères ; c'est luiqui signe et ratifie les traités et les accordsinternationaux. Entre sa souveraineté, le chaosinternational et les revendications des Etats voisinsainsi que de ses collectivités, Monaco choisiratoujours la voie de la souveraineté. 2013-670

*Francois-Henri Briard est Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassationen France et Capitaine de Frégate (R) de la Marine nationale. Président del'Institut Vergennes, il est membre de la Société historique de la CourSuprême des Etats-Unis et observateur attentif de la jurisprudence duTribunal suprême de Monaco.

1) T.S 17 mai 2010, Dame DP et Dame EG. 2) CIJ, 27 juin 1986, affaire des activités militaires et paramilitaires auNicaragua. 3) Tribunal arbitral, 11 mars 1941, États-Unis c. Canada.4) CE, 19 mars 1993, Commune de Saint-Egrève, req. n° 119147, Rec. CE1993, Tables p. 941. 5) CE, sect., 18 avril 1986, Mines de potasses d’Alsace, req. n° 53934, Rec.CE 1986, p. 116. 6) CE, 23 décembre 1981, Commune de Thionville, req. n° 15309, Rec. CE1981, p. 484. 7) CE, 27 mai 1991, Ville de Genève, AJDA 1991, p. 733 ; CJEG 1991, p. 317, concl. M. Legal et note H. Cardon.

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Rectificatif à l’article 2013/656 du 19 septembre 2013 page 11, lire “L’avocat du diable admiré par les uns” (et non par les cons). 2013-673

Union des Avocats Européens Evolution du droit de la preuve en Europe

Conférence internationale le vendredi 11 octobre 2013

Audience Solennelle au Tribunal de Commerce, rue Emile Pollak - 13 006 MARSEILLE

Renseignements : Gérard Abitbol Téléphone : 04 91 33 40 50 [email protected]

20ème COLLOQUE

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Palmarès

C'est à l’occasion d’une cérémonie aumusée du Conservatoire National desArts et Métiers lundi 23 septembre, enprésence de Serge Chambaud,

directeur du musée, Alain Turpin, Président dela Chambre Nationale des Commissaires-PriseursJudiciaires, Catherine Chadelat, Présidente duConseil des Ventes Volontaires et Pierre Cornettede Saint-Cyr, Commissaire-Priseur, que le diplômede commissaire-priseur volontaire a été délivréaux élèves de la promotion 2012.Les 23 diplômés (sur 30 candidats) ont suivi lamême formation de deux ans, alternant stageset cours, assurée conjointement par le Conseil

des Ventes volontaires et la ChambreNationale des Commissaires-Priseurs Judiciaires.Chaque année, le Conseil desVentes Volontaires commande à un plasticienune œuvre remise en guise de diplôme. AprèsAntoine et Manuel, Mathieu Mercier, PierreSoulages, et Bernar Venet, l’année dernière, c’estBen qui a décoré les lauréats de la promotion2012 de palmes très contemporaines.La Présidente a ainsi souligné, concernant leplasticien Ben, son habileté à explorer sans cessede nouveaux territoires artistiques et à interpellerle public. Dans ses vœux de réussite adressés aux

nouveaux diplômés, la présidente du Conseil desVentes Volontaires a notamment souligné qu’ilsdébutent leur activité professionnelle dans ununivers ouvert où l’avenir n’est pas écrit. Cette capacité des diplômés à appréhender de nouveaux univers et à réinventer enpermanence le métier, restent déterminantes.C’est par la qualité du service offert à la clientèleet la valorisation de l’offre renouvelée de biensproposés à la vente que les commissaires-priseurs conforteront leur positionnement.Nous présentons nos chaleureuses félicitationsaux jeunes diplômés. Jean-René Tancrède

2013-672

Elèves commissaires-priseurs promotion 2012Anne-Laure AnglezioAntoine BriscadieuMaguelonne ChazallonMarie-amélie ChotardSébastien ChalotRomain Clertan

Anne-Laure DeburauxCharles-Edouard delettrezXavier DominiqueClaire DourouxLouise FlobertDelphine Foissey

Anne-Caroline GermaineIngrid GirardotChristelle GouirandEmmanuelle HubertAurore IllyBérangèreJanik

Elodie PasquinetFrank PuauxJulien RemautHugues TaquetPhilomène Wolf

Commissaires-priseursRemise des diplômes de la promotion 2012 Musée des Arts et Métiers, Paris - 23 septembre 2013

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Lauréats de la promotion 2012 avec Serge Chambaud, Alain Turpin, Catherine Chadelat, Pierre Cornette de Saint-Cyr et Ben, parrain de la promotion, dans l’église Saint Martin des Champs du Musée des Arts et Métiers