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LES ANNONCES DE LA SEINE J OURNAL OFFICIEL DʼANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Lundi 9 décembre 2013 - Numéro 70 - 1,15 Euro - 94 e année L es plus hautes autorités françaises et étrangères du monde du droit ont assisté vendredi dernier, au théâtre du Châtelet, à la Rentrée Solennelle du Barreau de Paris et de la Conférence du Stage. Alexandre Vermynck et Constance Debré, respectivement, Premier et Deuxième Secrétaires de la Conférence du Stage 2013, ont eu le privilège de se livrer à la traditionnelle joute oratoire devant cette prestigieuse assemblée en faisant successivement les éloges de Jacques Vergès et de François Mitterrand. En raison du décès de Nelson Mandela, la Garde des Sceaux Christiane Taubira n’a pas pu honorer de sa présence cette manifestation annuelle incontournable du Barreau de Paris, elle a été remplacée par sa Directrice de Cabinet Christine Mauguë. Rappelant l’ambition portée par la Ministre de la Justice de « garantir une justice de qualité disponible pour tous selon ses besoins », Christine Mauguë a notamment évoqué la réforme de la procédure pénale : des réponses doivent être rapidement apportées aux questions soulevées par Jean-Louis Nadal, Président de la « Commission de modernisation de la vie publique », relatives à la crise de confiance des parquets afin que soient rapidement améliorées l’efficacité et l’indépendance du Ministère public à la Française. Après la remise des prix et les remarquables interventions du Jeune Barreau parisien, Christiane Féral-Schuhl a dressé le bilan de ses actions à la tête du Barreau de Paris, son mandat s’achevant dans quelques jours ; c’est en effet Pierre-Olivier Sur et son Vice-Bâtonnier Laurent Martinet qui la remplaceront le 1 er  janvier 2014. S’agissant de la place de l’avocat dans la société civile de demain, Madame Christiane Féral-Schuhl a brillamment plaidé : être avocat aujourd’hui, c’est s’engager pour le citoyen, c’est se battre pour le respect des droits de la Défense et des Libertés publiques, c’est être détenteur d’un secret professionnel protégé, c’est être un acteur du numérique, c’est ne jamais oublier la dimension humaine, c’est appartenir à une profession unie, c’est enfin être un avocat européen. La conclusion de son intervention s’est inscrite dans un rêve : celui de relever « ensemble et unis » tous les défis auxquels seront confrontés les avocats demain. Jean-René Tancrède Barreau de Paris Scéance Solennelle de Rentrée - 6 décembre 2013 Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35 Constance Debré, Christiane Féral-Schuhl et Alexandre Vermynck RENTRÉE SOLENNELLE Barreau de Paris - Rêver d’être un avocat rayonnant par Christiane Féral-Schuhl .................................................. 2 - Jacques Vergès par Alexandre Vermynck ........................................................ 6 - François Mitterrand par Constance Debré ............................................................ 9 - L’Association Pierre Claver, une école pour les demandeurs d’asile par Guillaume Vitrich ........................................................... 14 AGENDA Colloque Droit et Démocratie Le désamour des Français pour leur justice ..................... 14 VIE DU DROIT Signature de la convention « Télérecours » Cour administrative d’appel, Tribunal administratif et Ordre des Avocats de Paris .................................................. 15 ANNONCES LÉGALES ............................................ 16 DÉCORATION Jean-Luc Forget Chevalier de la Légion d’honneur ......................................... 23

Edition du lundi 9 décembre 2013

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Page 1: Edition du lundi 9 décembre 2013

LES ANNONCES DE LA SEINE

JOURNAL OFFICIEL DʼANNONCES LÉGALES - INFORMATIONS GÉNÉRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE

Lundi 9 décembre 2013 - Numéro 70 - 1,15 Euro - 94e année

Les plus hautes autorités françaises et étrangères du monde du droit ont assisté vendredi dernier, au théâtre du Châtelet, à la Rentrée Solennelle du Barreau de Paris et de la Conférence du Stage.

Alexandre Vermynck et Constance Debré, respectivement, Premier et Deuxième Secrétaires de la Conférence du Stage 2013, ont eu le privilège de se livrer à la traditionnelle joute oratoire devant cette prestigieuse assemblée en faisant successivement les éloges de Jacques Vergès et de François Mitterrand.En raison du décès de Nelson Mandela, la Garde des Sceaux Christiane Taubira n’a pas pu honorer de sa présence cette manifestation annuelle incontournable du Barreau de Paris, elle a été remplacée par sa Directrice de Cabinet Christine Mauguë. Rappelant l’ambition portée par la Ministre de la Justice de « garantir une justice de qualité disponible pour tous selon ses besoins », Christine Mauguë a notamment évoqué la réforme de la procédure pénale : des réponses doivent être rapidement apportées aux questions soulevées par Jean-Louis Nadal, Président de la « Commission de modernisation de la vie publique », relatives à la crise

de confi ance des parquets afi n que soient rapidement améliorées l’effi cacité et l’indépendance du Ministère public à la Française.Après la remise des prix et les remarquables interventions du Jeune Barreau parisien, Christiane Féral-Schuhl a dressé le bilan de ses actions à la tête du Barreau de Paris, son mandat s’achevant dans quelques jours ; c’est en eff et Pierre-Olivier Sur et son Vice-Bâtonnier Laurent Martinet qui la remplaceront le 1er janvier 2014.S’agissant de la place de l’avocat dans la société civile de demain, Madame Christiane Féral-Schuhl a brillamment plaidé : être avocat aujourd’hui, c’est s’engager pour le citoyen, c’est se battre pour le respect des droits de la Défense et des Libertés publiques, c’est être détenteur d’un secret professionnel protégé, c’est être un acteur du numérique, c’est ne jamais oublier la dimension humaine, c’est appartenir à une profession unie, c’est enfi n être un avocat européen.La conclusion de son intervention s’est inscrite dans un rêve : celui de relever « ensemble et unis » tous les défi s auxquels seront confrontés les avocats demain. Jean-René Tancrède

Barreau de ParisScéance Solennelle de Rentrée - 6 décembre 2013

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Constance Debré, Christiane Féral-Schuhl et Alexandre Vermynck

RENTRÉE SOLENNELLE● Barreau de Paris - Rêver d’être un avocat rayonnant par Christiane Féral-Schuhl .................................................. 2 - Jacques Vergès par Alexandre Vermynck ........................................................ 6 - François Mitterrand par Constance Debré ............................................................ 9 - L’Association Pierre Claver, une école pour les demandeurs d’asile par Guillaume Vitrich ........................................................... 14

AGENDA● Colloque Droit et Démocratie Le désamour des Français pour leur justice ..................... 14

VIE DU DROIT● Signature de la convention « Télérecours » Cour administrative d’appel, Tribunal administratif et Ordre des Avocats de Paris .................................................. 15

ANNONCES LÉGALES ............................................ 16

DÉCORATION● Jean-Luc Forget Chevalier de la Légion d’honneur ......................................... 23

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Rentrée solennelle

Rêver d’être un avocat rayonnantpar Christiane Féral-Schuhl

Depuis toujours, la parole de l’avocat est notre arme. Nous, avocats, ici et dans le monde entier, luttons inlassablement contre

les dictatures, contre les violences, contre la haine raciale, contre toutes les discriminations... pour mettre un terme à cette folie des hommes qui les conduit à emprisonner, torturer, assassiner celles et ceux qui ont pour seul tort d’être diff érents, celui d’appartenir à une tribu, à une ethnie, d’avoir une autre couleur de peau ou une autre religion.Sachez, Madame la Garde des Sceaux, que vous trouverez toujours les avocats à vos côtés pour s’opposer à toutes les dérives extrémistes qui menacent, ici et ailleurs.Partout dans le monde, nous accompagnons de nos voix celles de nos confrères de Turquie, Tunisie, Liban, Syrie, Géorgie, Arménie et tant d’autres pays.Je voudrais, en cet instant, que nous ayons une pensée particulière pour ces femmes avocates qui, souvent au péril de leur vie, portent la défense des droits de l’homme. Certaines sont venues témoigner à Paris le 8 mars 2013 : Valdenia Paulino du Brésil, Alba Cruz du Mexique, Christina Swarns des États-Unis, Karinna Moskalenko de Russie, Shirin Ebadi d’Iran.Je pense aussi à nos confrères emprisonnés en ce moment : Gao Zhisheng en Chine, Abdol-Fattah Soltani en Iran, Vadim Kuramshim au Kazakhstan... Je viens de remettre à celui-ci le prix Ludovic Trarieux.Je pense aussi à nos confrères, ici, à Paris qui donnent de leur temps pour accompagner, défendre, conseiller gratuitement ceux qui en ont besoin.- Le Bus de la solidarité sillonne Paris à la rencontre des plus démunis : 36 000 consultations en 10 ans ;- Le succès de la semaine de l’Avocat dans la Cité, organisée en partenariat avec la Mairie de Paris, avec plus de 8 500 consultations off ertes en octobre 2012 et octobre 2013;- Le Fonds de dotation «  Barreau de Paris Solidarité » pour soutenir et mettre en lumière les actions pro bono de nos cabinets.Alors que nous savons faire entendre notre voix en France comme dans le monde entier, pourquoi,

Madame la Garde des Sceaux, les pouvoirs publics ne nous entendent-ils pas ?Nous sommes:- vilipendés quand nous faisons du conseil fi scal,- suspectés quand nous sommes parlementaires, - écartés des actions collectives,- contestés dans les fondements économiques de notre activité lorsque, pour ne citer que cet exemple, la loi a voulu transférer aux notaires le monopole de la cession des parts de sociétés civiles immobilières, - et plus généralement, soupçonnés de tout ce que nous faisons, accusés de tout ce que nous ne faisons pas.Notre rapport au pouvoir est fondé sur l’égalité et non sur la subordination. Nous nous honorons de notre indépendance qui est apparemment, pour le pouvoir politique, un problème.Nous nous félicitons d’être des acteurs économiques indépendants, forts d’une conscience professionnelle qui ne nous fait jamais perdre de vue les notions d’éthique et de déontologie. Notre société, pour fonctionner démocratiquement, a besoin d’une profession reconnue et considérée et non placée en permanence sous une épée de Damoclès politique.Nous sommes fi ers d’être les garants du droit des citoyens à défendre leurs intérêts personnels.Etre avocat aujourd’hui, c’est s’engager pour le citoyen. C’est mettre à sa disposition la jurisprudence :- sur le site internet du Barreau de Paris, - sur le site internet de Légifrance sur lequel le Barreau de Paris apparaîtra bientôt offi ciellement comme contributeur.Un accord historique grâce à Monsieur le Secrétaire Général du Gouvernement que je tiens à remercier chaleureusement pour cette belle avancée.Etre avocat aujourd’hui, c’est s’engager pour le citoyen. Pour lui, nous avons rédigé le « Manifeste des avocats parisiens pour les justiciables ».Pour exiger le Droit au droit,Comme il existe un droit à la santé ou un droit à l’éducation.Pour exiger un droit accessible à tous. Pour dénoncer le désengagement de l’État dans le fi nancement de l’Aide Juridictionnelle.Est-il normal que la France consacre à la justice moitié moins de moyens que l’Allemagne ?

LES ANNONCES DE LA SEINESiège social :

12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISR.C.S. PARIS B 339 349 888

Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr

e-mail : [email protected]

Etablissements secondaires :l 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Téléphone : 01 34 87 33 15l 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Téléphone : 01 42 60 84 40l 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Téléphone : 01 42 60 84 41l 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Téléphone : 01 45 97 42 05

Directeur de la publication et de la rédaction :Jean-René Tancrède

Comité de rédaction :

Thierry Bernard, Avocat à la Cour, Cabinet BernardsFrançois-Henri Briard, Avocat au Conseil d’EtatAgnès Bricard, Présidente de la Fédération des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur à l’Université Paris I Panthéon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrégé des Universités de droitAndré Damien, Membre de l’InstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit à l’Université Paris I Panthéon SorbonneBertrand Favreau, Président de l’Institut des Droits de l’Homme des Avocats Européens, ancien Bâtonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRégis de Gouttes, Premier avocat général honoraire à la Cour de cassation Chloé Grenadou, Juriste d’entrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasFrançoise Kamara, Conseiller à la première chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat général honoraire à la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat à la Cour, Maître de conférence à H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit à l’Université Paris II Panthéon-AssasChristian Lefebvre, Président Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Président d’Honneur du Conseil National des Compagnies d’Experts de JusticeNoëlle Lenoir, Avocate à la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur émérite à l’Université Paris II Panthéon-AssasJean-François Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGérard Pluyette, Conseiller doyen à la première chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate à la Cour, Présidente d’honneur de l’UNAPLYves Repiquet, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisRené Ricol, Ancien Président de l’IFACFrancis Teitgen, Avocat à la Cour, ancien Bâtonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

Publicité :Légale et judiciaire : Didier ChotardCommerciale : Frédéric Bonaventura

Commission paritaire : n° 0718 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 297 exemplairesPériodicité : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de lʼAtlas - 75019 PARIS

Copyright 2013Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Sauf dans les cas où elle est autorisée expressément par la loi et les conventions internationales, toute re-production, totale ou partielle du présent numéro est interdite et constitue-rait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

Le journal “Les Annonces de la Seine” a été désigné comme publicateur offi ciel pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013, par arrêtés de Messieurs les Préfets : de Paris, du 27 décembre 2012 ; des Yvelines, du 31 décembre 2012 ; des Hauts-de-Seine, du 31 décembre 2012 ; de la Seine-Saint-Denis, du 27 décembre 2012 ; du Val-de-Marne, du 27 décembre 2012 ; de toutes annonces judiciaires et légales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procédure Civile et de Procédure Pénale et de Commerce et les Lois spéciales pour la publicité et la validité des actes de procédure ou des contrats et des décisions de justice pour les départements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : L’administration décline toute responsabilité quant à la teneur des annonces légales.

-Tarifs hors taxes des publicités à la ligneA) Légales :Paris : 5,48 € Seine-Saint-Denis : 5,48 € Yvelines : 5,23 € Hauts-de-Seine : 5,48 €Val-de-Marne : 5,48 € B) Avis divers : 9,75 € C) Avis fi nanciers : 10,85 €D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,82 € Hauts-de-Seine : 3,82 €Seine-Saint Denis : 3,82 € Yvelines : 5,23 € Val-de-Marne : 3,82 € - Vente au numéro : 1,15 €- Abonnement annuel : 15 € simple 35 € avec suppléments culturels 95 € avec suppléments judiciaires et culturels

COMPOSITION DES ANNONCES LÉGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

Surfaces consacrées aux titres, sous-titres, fi lets, paragraphes, alinéas

Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lʼannonce sera composée en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi à 4,5 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les lignes de titres nʼexcéderont pas lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lʼannonce sera composée en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi à 3,40 mm. Les blancs dʼinterlignes séparant les différentes lignes du sous-titre seront équivalents à 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est séparée de la précédente et de la suivante par un fi let 1/4 gras. Lʼespace blanc compris entre le fi let et le début de lʼannonce sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le même principe régira le blanc situé entre la dernière ligne de lʼannonce et le fi let séparatif. Lʼensemble du sous-titre est séparé du titre et du corps de lʼannonce par des fi lets maigres centrés. Le blanc placé avant et après le fi let sera égal à une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinéas : le blanc séparatif nécessaire afi n de marquer le début dʼun paragraphe où dʼun alinéa sera lʼéquivalent dʼune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces défi nitions typographiques ont été calculées pour une composition effectuée en corps 6 points Didot. Dans lʼéventualité où lʼéditeur retiendrait un corps supérieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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Ne faut-il plus compter que sur l’altruisme des avocats ?Altruisme, parce que depuis trop d’années nous compensons la carence de l’État en matière d’accès au droit.Est-il normal qu’en France un avocat qui défend les justiciables les plus démunis soit indemnisé par l’État à un tarif horaire inférieur au SMIC ?Il faut des moyens décents pour que les plus démunis aient accès à une défense digne.Nous ne demandons pas l’aumône.Nous n’acceptons pas cette insulte faite à tous les justiciables.ll est temps que ce scandale en forme d’injustice cesse et, je suis certaine, Madame la Garde des Sceaux, que non seulement vous m’entendez, mais que vous m’écoutez, que vous agirez.Est-il normal de payer 0  %  de  TVA sur les honoraires d’un médecin et bientôt 20 % sur ceux d’un avocat ? Est-il normal qu’en France le droit ne soit pas enseigné à l’école aux futurs citoyens et que les avocats bénévoles d’InitiaDroit assument seuls cette charge ?Exigeons la confiance dans la loi.Est-il normal que le législateur continue à empiler les lois sans aucun contrôle ?Que les lois fi scales puissent être rétroactives ?Que la France soit le pays le plus souvent condamné par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour les délais anormalement longs des contentieux devant nos juridictions nationales ? Est-il normal qu’en France, on laisse prospérer sur le web et ailleurs de faux experts en droit qui vivent de l’ignorance des justiciables ? Etre avocat, c’est aussi être à côté du citoyen consommateur qui doit pouvoir avoir la garantie d’une profession compétente, indépendante, avec une déontologie forte.Au Barreau de Paris, nous avons engagé plus de 350 actions contre les braconniers du droit.

Mais il faut aller plus loin, nous avons besoin de vous.Tous ensemble, nous ferons en sorte que le droit reste au cœur du pacte de confiance entre le citoyen et l’État.Etre avocat aujourd’hui, c’est se battre encore et toujours pour le respect des droits de la défense et des libertés publiques.Comment tolérer que l’avocat soit encore aujourd’hui interdit d’accès au dossier de son client en garde à vue ? Comment admettre que le justiciable ne puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat lors de la perquisition dont il fait l’objet ?Comment accepter que la présomption d’innocence soit en recul permanent ?Comment admettre que le droit pénal soit de plus en plus contaminé par une multitude de présomptions de culpabilité à l’image de la présomption de fraude de la matière fi scale ?Où est passée la grande réforme de l’indépendance et de la modernisation du Parquet ?Madame la Garde des Sceaux, entendez que le Parquet ne doit plus rester sur son estrade et qu’il faut remettre sur un même niveau la place de l’Avocat et la place du Procureur. Ce qui a été rendu possible au Palais de Justice de Fort de France doit être possible dans le futur Palais de Justice de Paris. Ce serait là un signe fort, Madame la Garde des Sceaux.Etre avocat aujourd’hui, c’est être détenteur d’un secret professionnel protégé. Le secret professionnel n’est pas un privilège de l’avocat, mais une garantie pour le citoyen.Comment admettre que la perquisition chez l’avocat soit entreprise de manière systématique alors que nos cabinets sont les gardiens naturels des secrets des citoyens ?Les attaques contre notre secret professionnel sont de plus en plus fréquentes, de plus en plus précises, profondément injustes.

Ces attaques ébranlent la confi ance du justiciable en nos institutions, en notre Justice, en votre Justice. Elles fi ssurent la confi dentialité, déstabilisent nos valeurs, bradent nos libertés. Madame la Garde des Sceaux, je vous en conjure, il faut conforter, renforcer, protéger ce secret sans lequel il n’y a plus de sociétés démocratiques.C’était pourtant une promesse de Monsieur François Hollande alors qu’il était candidat. Il y a maintenant urgence. Renforcer le secret des avocats, c’est aussi renforcer le respect de la vie privée qui doit toujours primer sur le droit à la transparence.Ce qui est nuisible à la société n’est pas qu’un avocat puisse échanger avec son client en toute confi dentialité.Ce qui est dangereux pour la démocratie, c’est qu’il ne puisse plus le faire.Etre avocat aujourd’hui, c’est aussi être un acteur du numérique. Le RPVA est une solution inédite qui place en France le Barreau de Paris en tête de la dématérialisation des échanges avec la Justice, sans sacrifi er le secret professionnel.Avec le RPVA, nous gagnons en temps, en qualité et en effi cacité. Avec lui, nous pouvons dialoguer en toute sécurité avec toutes les juridictions. Pour permettre à l’avocat de déléguer, avec le même niveau de sécurité, au sein de son cabinet, à d’autres associés ou collaborateurs, j’ai fait développer Avoclé.Avoclé est déjà opérationnel pour tous les services électroniques du Barreau de Paris. Il ne manque plus que l’accès à e-barreau pour pouvoir l’utiliser avec le RPVA.Madame la Garde des Sceaux, il ne tient qu’à vous de permettre aux 25 000 avocats de Paris de travailler à l’ère numérique. Nous vous apportons une solution qui ne vous coûtera rien.

Rentrée solennelle

Dominique Baudis, Jean-Marc Sauvé, Jean-Louis Debré, George Pau-Langevin, Vincent Lamanda, Jean-Claude Marin et Jacques Degrandi

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Alors, Madame la Garde des Sceaux, je vous en prie, signez les arrêtés techniques qui sont sur votre bureau.L’avocat du numérique, c’est aussi celui qui utilise les technologies pour développer son cabinet : sites internet, blogs, réseaux sociaux...Le numérique off re de formidables opportunités, de nouveaux moyens permettant à toutes les structures, quelle que soit leur taille, de bénéfi cier d’une plus belle visibilité, un outil leur permettant de créer une identité numérique et de mieux se positionner en France et à l’étranger.Cela suppose une déontologie du numérique. A nous de décliner ces règles désormais confrontées à de nouvelles manières d’exercer.Le Barreau de Paris a pris l’initiative d’édicter un vade-mecum de la déontologie du numérique. Il est désormais à la disposition de tous.L’avocat du numérique doit faire face à l’émergence d’autres acteurs non-avocats qui n’off rent pas les garanties de notre déontologie : - des sites de référencement, - des compagnies d’assurance de protection juridique, - des sites d’appels d’off res de marché publics... Tous ces acteurs au fil des années sont venus s’intercaler entre nous et les justiciables.Si nous ne réagissons pas, nous risquons de devenir des sous-traitants à bas prix et perdre notre indépendance déontologique et économique.Alors, il nous faut être offensifs, remettre en question nos modes d’exercice tout en préservant nos principes essentiels. Réveillons-nous. Pourquoi ne pas développer nous-mêmes nos propres plateformes de sites internet, nos propres sites de référencements, nos propres logiciels, nos propres outils de dématérialisation ? Faisons en sorte que ces nouveaux acteurs ne soient plus nos donneurs d’ordre qui dictent la loi de l’off re et de la demande, qui paupérisent notre profession sans off rir de garanties aux justiciables.Faisons en sorte qu’ils deviennent nos partenaires.Nous y gagnerons, pour une justice plus forte, une justice en laquelle le justiciable a défi nitivement confi ance. Etre avocat aujourd’hui, c’est aussi ne jamais oublier la dimension humaine. Si la révolution numérique a pris toute sa place dans les prétoires, si les nouvelles technologies ont envahi les cabinets des magistrats et des avocats, la compréhension de la personne, le rapport humain sont essentiels à l’accomplissement de nos missions

communes.Le dialogue magistrat / avocat ne doit pas se réduire à une seule et unique audience de plaidoirie. C’est donc l’heure aujourd’hui d’attirer votre attention, Madame la Garde des Sceaux, sur les risques de déshumanisation de la Justice du 21ème siècle que vous êtes en train de dessiner, de décider. Il est indispensable que vous acceptiez de réintroduire davantage d’écoute et de dialogue entre l’avocat et le magistrat. Alors, tous ensemble, nous tous dans cette salle, je vous invite à résister à la tentation de désincarner la Justice. Ne laissons pas entrer cette mauvaise Justice qui nous réduit à un traitement par entrées de codes et identifi ants. C’est en écoutant qu’on juge mieux,C’est en écoutant que l’on trouve des solutions,C’est en écoutant que l’on ne se trompe pas,C’est en écoutant que l’on fait œuvre de justice. C’est vrai pour le justiciable. C’est vrai pour l’avocat. C’est vrai pour le magistrat. De même, Madame la Garde des Sceaux, ne cédez pas à la tentation de déjudiciariser certaines procédures pour des contingences économiques.Il y a des domaines où l’office du juge est indispensable.Nous ne pouvons pas accepter une précarisation du justiciable qui pourrait se voir privé d’un juge dans le domaine le plus sensible qui le concerne : le divorce.Seul le juge, par son indépendance, protège le conjoint le plus faible. C’est lui qui garantit l’impartialité, l’absence de conflits d’intérêts et l’équilibre des engagements.Le divorce, même par consentement mutuel, et le règlement de ses conséquences ne doit pas être une simple formalité administrative.Cela est d’autant moins justifié qu’avocats et magistrats sont promoteurs des modes alternatifs de règlement des confl its familiaux. Au Barreau de Paris, l’année 2013 aura été l’année de la Médiation.Si vous souhaitez décharger les magistrats des contentieux familiaux, il n’appartient qu’à vous de généraliser la médiation familiale, le droit collaboratif et la procédure participative.Le Barreau de Paris sera toujours à vos côtés pour apporter tout notre soutien à de telles initiatives.Etre avocat aujourd’hui, c’est préparer l’avenir des avocats de demain. Nous exerçons un métier exigeant qui nécessite

plusieurs années d’études et de formation.Pendant mes deux années de bâtonnat, 3 500 avocats auront rejoint le Barreau de Paris. Pour les jeunes avocats, nous avons déployé des actions qui traduisent notre engagement :- La Charte des bonnes pratiques de la collaboration, signée par plus de 115 cabinets, soit 2 500 collaborateurs concernés ; - La lutte contre les inégalités professionnelles, avec l’immunité de deux mois pour les collaboratrices au retour de leur congé maternité et la création de la commission à l’égalité professionnelle ;- La garantie Perte de Collaboration, souscrite par 1 600 collaborateurs ; une belle performance ! - Le Barreau entrepreneurial, pour les accompagner dans leurs projets professionnels, le développement de leurs carrières... - Les trois écoles du Barreau de Paris créées pour eux : l’école du Barreau entrepreneurial, l’école de la médiation, l’école du Barreau numérique, En 2014, 1 950 élèves avocats feront leur entrée à l’Ecole. A cette cadence, le Barreau de Paris comptera 35 000 avocats en 2020.La réfl exion sur l’accueil de nos jeunes confrères est liée à la place du droit dans notre société. C’est de notre avenir et de l’intérêt du justiciable dont il s’agit. J’ai eu à cœur, pendant ces deux années, d’aller à la rencontre des étudiants, des professeurs de droit, des Instituts d’Etudes Judiciaires, des avocats du Jeune Barreau, dans un objectif d’échanges et de réfl exions. J’ai pris l’initiative de faire adopter par notre Conseil de l’Ordre un rapport proposant un état des lieux et des axes de réformes de l’accès à notre profession. Il est désormais à la disposition de tous.L’enthousiasme de la profession témoigne de son importance et de son urgence.C’est aussi notre responsabilité collective. Etre avocat aujourd’hui, c’est appartenir à une profession unie. 161 barreaux regardent aujourd’hui dans la même direction. Ils vous regardent, Monsieur le président du Conseil National des Barreaux. Vous présidez une institution que la profession a souhaité et je sais que vous entendez mener une réfl exion sur une réforme en profondeur de son fonctionnement, de sa gouvernance afi n que le CNB soit ressenti par la profession comme plus effi cace et plus représentatif. Nous avons réussi, Monsieur le Président de la Conférence des Bâtonniers, à rassembler moyens, énergies et dialogues.C’est avec vous - et je vous en remercie - que nous avons pu mettre en œuvre des solutions inédites, et créatives, au plan national, comme : - la centrale de référencement Praeferentia–Corefrance qui rassemble aujourd’hui 39 Barreaux, soit 49 000 avocats ; et - AvosActes, qui permet enfi n la conservation de l’acte d’avocat sous forme papier ou numérisée. Les Ordres sont désormais en marche pour mutualiser les services qu’ils rendent aux avocats.Le clivage Paris / Province n’existe pas.Le clivage petits et grands barreaux n’existe pas. Il y a une profession qui doit s’unir, dans l’intérêt de tous les avocats de France rassemblés dans les 161 barreaux.Monsieur le Président du Conseil National des Barreaux, je sais que c’est également votre souhait. Je forme le vœu que vous réussissiez ce défi  : avancer vers notre union nationale. Nous rassembler, nous

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fédérer, mettre en lumière les contributions de chacun au profit de tous :Il s’agit de :- coordonner au bénéfice de toute la profession chacune des initiatives qui émergent des barreaux ;- écouter les Ordres qui connaissent les questions urgentes qui nécessitent réformes et plans d’action.Si vous relevez ce défi, qui passera par une nécessaire rénovation de l’institution que vous présidez, ce sera alors notre fierté à tous. Nous unir dans notre diversité, c’est le défi que vous devez relever, Monsieur le Président.Lorsque la profession se rassemble, elle sait gagner.Etre avocat aujourd’hui, c’est enfin être un avocat européen. Je me tourne vers vous, jeunes confrères, c’est votre avenir. Ne vous laissez pas gagner par la morosité, parce que, même si l’Europe politique trébuche encore, si l’Europe financière est gravement malade, si l’Europe économique se construit lentement, si l’Europe de la Culture se cherche, l’Europe du droit se porte bien. Le temps est venu de construire l’Europe des avocats. Une Europe où l’avocat parisien pourra exercer les activités déjà ouvertes à ses voisins

de Londres, Madrid, Berlin, et tous les autres... Un périmètre enfin harmonisé, incluant l’avocat en entreprise, bien plus large que celui qui nous restreint actuellement !Dans cette Europe où 90 % de la réglementation économique se rédige à Bruxelles, il nous faut avoir le réflexe européen. C’est avec cette conviction que nous avons créé un programme de formation à l’Ecole. Dans cette Europe, 70  % des contentieux européens impliquant la France échappent aux avocats français. Nous pouvons plaider en français et déposer des écritures en français devant la Cour Européenne de Justice ! A nous d’investir ce nouveau champ de compétence !Oui, le Barreau de Paris participe activement à la construction de l’Europe et a ses propres revendications.Le procureur européen  ? Nous exigeons le respect des droits fondamentaux du justiciable.La carte numérique européenne ? Nous devons l’adopter pour qu’elle devienne commune à tous les avocats européens.Le Siège de la division centrale des brevets européens ?

Nous nous sommes battus pour que Paris soit la ville qui l’accueille. Et c’est une belle victoire ! Des actions ont été menées avec la Délégation des Barreaux de France que je tiens ici, publiquement, à remercier pour la qualité de son travail. Madame la Garde des Sceaux, Il y a 100 ans, jour pour jour, le 6 décembre 1913, le Bâtonnier Henri Robert ouvrait cette séance solennelle en évoquant les sujets du moment : l’agrandissement du Palais de justice, le secret professionnel ou l’accueil et l’avenir des jeunes avocats...De l’avenir, il disait simplement : « nous l’ignorons ».Aurait-il imaginé, cent ans plus tard, jour pour jour, aujourd’hui, que toutes ces questions seraient posées, ces simples et terribles questions seraient encore d’actualité ?Madame la Ministre, vous l’avez compris, je rêve de voir cet avocat français, européen et international, organisé autour d’ordres rayonnants visibles de toute l’Europe, d’une Justice qui serve d’exemple à tous les autres pays, cet avocat généreux et éloquent, fier de sa justice, fier de son métier...Je rêve que ce rêve n’en soit plus un, que nous puissions relever tous ces défis, ensemble, unis. Nous le pouvons, nous le devons...Je suis sûre que grâce à vous, avec vous, il en sera ainsi.

Rentrée solennelle

Peu d’hommes ont, comme lui, connu un tel destin.

Parce qu’il était avocat, il croyait que toutes les vies sont égales entre elles.Son combat a été une lutte opiniâtre, obstinée, sans concession, jusqu’à la privation

de liberté, jusqu’à la souffrance, jusqu’à l’humiliation.Il a su vaincre la persécution.Il a su être un artisan de la paix.Il a restitué à son peuple sa dignité et ses libertés.Il a redonné à son peuple l’espoir de la justice.

Il a su montrer que le pardon qu’il a lui-même donné à son geôlier est le signe visible de la réconciliation à laquelle chacun de nous est appelé.Il a été le premier avocat à se voir décerner le prestigieux prix Ludovic Trarieux pour son action

en faveur des droits de l’homme et la défense des libertés.Il est et il restera un exemple pour nous tous.En mon nom personnel,Au nom des avocats de mon Barreau,Au nom de tous les avocats

du monde qui nous font l’honneur d’être présents en cette Rentrée solennelle,Je m’incline avec une profonde tristesse et un immense respect devant sa mémoire.

Christiane Féral-Schuhl

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Hommage du Barreau de Paris à Nelson Mandela

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Rentrée solennelle

Jacques Vergèspar Alexandre Vermynck

Quelque part, près de nous, il est là...Car, n’en déplaise aux athées, s’il ne s’est jamais départi de son sourire... s’il a choisi de se rapprocher de l’église, au

dernier moment, comme un écolier révise son examen...la veille !...C’est qu’il croyait en la vie après la mort !Quelque part, donc, près de nous, il est là, qui se récrie, s’insurge, se révolte !«  Comment  ? Moi  ! Subir un éloge  !  ?...Triste nécrologie ! Plutôt me réincarner en notaire, de réserve chez les paras, en Algérie, dans les années 50 ! »Oui, mesdames, messieurs les hauts magistrats, mesdames, messieurs les bâtonniers, mes chers confrères...vous le savez... Jacques Vergès n’aimait pas que l’on parle de lui...Il préférait...le faire lui-même ! Tout en pudeurs et sobriétés ! Loin de cette croyance répandue chez nous, les avocats, selon laquelle le charisme consisterait à affi cher une confi ance en soi en totale disproportion avec nos qualités réelles...Jacques Vergès, lui, cultivait un égotisme pénitent !Prié de donner son sentiment sur le documentaire l’avocat de la terreur dont il était le sujet, ne répondit-il pas : « C’est un très bon fi lm, mais... c’est à cause de moi ! »« S’aimer soi-même, c’est l’assurance d’une longue histoire d’amour »1...Voyez vous-même : Nous sommes en mai 1987, au procès Barbie, et, à 67 ans, Jacques Vergès est toujours épris de Jacques Vergès ! Seul face à trente-neuf confrères, « trente-neuf zigs », selon sa formule, il en déduit avec rigueur que chacun d’entre eux ne représente qu’un 1/39ème de son intelligence ! Il faut lire Jacques Vergès mis en scène par Jacques Vergès  : « J’ai serré sur mon cœur les lépreux sans lèvres et sans yeux ! ». Nous voici contemplant le chef d’œuvre Jacques Napoléon

Vergès et les pestiférés de Jaff a !Il faut imaginer un dîner en sa compagnie...Son éternel sourire satisfait ...Devant lequel l’interlocuteur demeure halluciné, «  comme Alice au pays des merveilles devant le sourire en lévitation du Chat de Chester, quand le chat lui-même s’est volatilisé et que seul son sourire [narquois] demeure suspendu entre les branches d’un arbre »2 !Il faut visualiser le désarroi de ce même interlocuteur qui, après avoir entendu Jacques Vergès discourir de Jacques Vergès plusieurs heures durant, sans réussir à en placer une, se dit en désespoir de cause : « Jeanne D’arc, qui avait des voix, devait être heureuse...Moi je voudrais juste pouvoir entendre la mienne ! »3...Il faut se remémorer son spectacle au théâtre de la Madeleine  : la première hagiographie autobiographique au monde !Dans ces conditions, un éloge est-il bien nécessaire ?Un dithyrambe ?Devant un parterre de hauts magistrats qui plus est ! Lui qui proclamait que « les bons juges, c’est comme les héros dans la presse du cœur, ça n’existe pas  !». Tout en ne manquant jamais de vous rappeler en début d’audience : « j’exige que vous traitiez avec moi de puissance, à puissance. »...Un éloge, lorsqu’il aurait souhaité un procès ?! Un procès, pour accéder à la postérité comme d’autres grands hommes avant lui...Un procès qui, donc, lui aurait permis de se présenter aux anges, ou aux damnés, en leur glissant, goguenard  : « Socrate ? Jésus ? Mes prédécesseurs ! ».Oui, Vergès partageait cette qualité française. Cette posture mégalomane tombée en désuétude. Il incarnait, d’une saillie l’autre, ce trait en vogue chez nos intellectuels du siècle passé, et toujours chez Bernard-Henri Lévy. Ce contentement de soi du temps où notre pays rayonnait !...« J’ai le culte de moi-même » ! Jacques Vergès s’aimait et c’est heureux, car... Il faut s’aimer

soi-même pour aimer les autres ! Il faut s’aimer soi-même pour aimer son client ! A plus forte raison, il faut s’aimer soi-même pour fi nir par épouser sa cliente...Jacques Vergès, arrivé dans la force de l’âge, ne parlait plus que de lui et ça aussi, c’est heureux, car, habituellement, c’est l’inverse qui se produit...Ce sont les jeunes loups qui ne parlent que d’eux-mêmes. Du moins, jusqu’à ce que la vie ne les contraigne à faire le deuil de leurs ambitions. Alors, seulement, ils commencent à parler des autres... beaucoup... et en des termes assez amers... Vous l’avez compris, Jacques Vergès, lui, n’a jamais abandonné ses ambitions.Alors oui, un éloge !Un éloge teinté d’ironie et avec une odeur d’irrévérence...Parce que la Conférence, disait-il, c’est « de la sédition dans des bas de soies ».Un éloge parce que si lui s’aimait, les autres, souvent, beaucoup moins... Allez !... Nous sommes entre nous...On ne va pas se mentir...Il était détesté par beaucoup ! Son succès gênait, ses provocations agaçaient, sa façon d’être avait une propriété urticante !Alors il était moqué, caricaturé... On tournait en dérision, comme je l’ai fait, sa mégalomanie. Mais...un mégalomane n’est-il pas seulement un homme qui a mieux réussi que moi ? On lui reprochait d’avoir perdu la plupart de ses procès. Mais... c’est là la marque d’un grand avocat ! Oui, un grand avocat est un avocat qui perd ses procès car, contrairement au bon avocat, le grand n’a pas besoin de succès judiciaires pour que son talent soit reconnu4.On transformait cet amoureux de la culture française en un adversaire de la République. Ses combats pour les peuples en un combat contre l’Hexagone...Allant jusqu’à prétendre que sa haine de la France trouverait sa source dans sa « bâtardise originelle »5.A ses détracteurs, il aurait sans doute répondu « mes ennemis doivent avoir peur que je les mange, prouvant ainsi le cannibalisme de mes origines !»...Oui, de son expérience de la diff érence, Jacques Vergès savait que les gens auront toujours beaucoup plus de sympathie pour un vietnamien avec un chapeau pointu, un sourire sournois et en train de yodler la tonkinoise, plutôt que pour un métis opiniâtre et qui, plus que tous les autres aux yeux du peuple, incarnera la fi gure de l’avocat.Malheureusement pour ceux-là, Jacques Vergès n’était pas l’oncle Tom de l’Indochine !Il préférait l’âpreté à la douceur, le combat au renoncement, la rupture à la connivence...Et c’était parti pour des provocations à foisons ! Des rodomontades érigées en stratégie judiciaires  ! Des bravades au service de la défense !Rappelez-vous, 1987... La France tremble de se juger à travers le boucher de Lyon, cependant que Jacques Vergès multiplie les saillies médiatiques ! Agacé, son bâtonnier lui fait observer qu’à tout oser, il ne lui reste plus qu’à prendre la pose dans son bain ! Imaginez donc la tête de ce même bâtonnier lorsqu’il découvre, quelques jours plus tard, en une de Paris Match, un Jacques Vergès barbotant avec satisfaction dans sa baignoire, un cigare et de la mousse de bain pour seule pudeur... Le procédé est toujours le même !Chaque fois, un coupable est off ert à nos yeux aveuglés d’impartialité et de dégoût. Chaque

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fois, comme une éclipse, Vergès s’interpose... se fait, magie des perspectives, plus visible que son client... tout en poursuivant son mouvement giratoire... jusqu’à ce que la foule, dupée, s’aperçoive qu’elle contemple cet accusé qu’elle ne voulait pas voir, et non plus son avocat.Oui, Vergès savait jouer de l’opinion et des mouvements de foule, lui qui n’aimait rien tant que penser contre elle. Avec cette fantaisie délicieuse propre aux esprits excentriques, pour qui penser différemment est une hygiène de vie...Mais, prenez gare ! L’originalité est un ogre, qui la nourrit l’affame  ! Au commencement, on est original par dandysme, par posture... Mais à penser différemment, l’on s’isole... et de cet isolement l’originalité sort renforcée  ! On en devient marginal par conviction ! Solitaire, par goût des mauvaises fréquentations... Constatez par vous-même ! Comparez ces deux trajectoires à peine différentes... Au procès des poseurs de bombe, toujours, l’audience avait été longuement interrompue car les avocats de la défense avaient disparu. A leur retour, le Président de chambre les somme d’expliquer leur absence ! Roland Dumas, d’abord, baragouine un empêchement professionnel....Avant que Jacques Vergès, dans une salle pleine de militaires qui le honnissent, ne choisisse de répondre  : « Monsieur le Président, pardonnez-moi, j’étais entre les mains de ma masseuse ».Pour le moment, c’est vrai, la différence entre les deux est ténue...Mais quelques années plus tard, les deux comparses se retrouvent ! 1990, Roland Dumas, l’ancien défenseur du réseau Jeanson, l’ancien défenseur de l’anticolonialisme, se déclare favorable à une intervention française en Irak...Jacques Vergès, souhaitant sans doute exprimer une déception légitime, lui répond par la publication d’une tribune intitulée, sobrement : « Roland, tu n’es qu’une grosse merde » !Il y dans cette formule...à bien y réfléchir....quelque chose...d’assez définitif ! On sent comme une volonté de ne pas laisser une part trop importante au doute !Il y a, dans cette insulte, une véritable révolte. Dont on imagine qu’elle aurait pu être exprimée avec plus de retenue...Mais Roland Dumas, connaissant l’homme, choisit de répondre avec intelligence : « Oh, dites à Jacques qu’il exagère ! »Oui, Roland Dumas savait que, devant la sensiblerie, la mièvrerie, la circonspection, la pondération, son ami choisirait l’outrance  ! L’outrance comme le symbole de sa résolution ! L’outrance comme l’incarnation d’une conviction... D’une conviction qui dure...Forgée par le retranchement dedans soi, par la solitude... Une solitude consentie... Une solitude désirée par ceux qui savent qu’il est plus facile d’aimer son lointain que son prochain ! Une solitude entendue comme l’instrument douloureux mais indispensable pour ne pas se corrompre au contact des autres, de leurs compromissions, bassesses et faiblesses ! Une solitude pour conserver intact sa capacité de révolte ! Une solitude recherchée par ceux qui veulent un destin plutôt qu’un bonheur !Souvenez-vous, Thomas Mann... « Vivre ou créer, il faut choisir ! ». On ne peut être tout à la fois jouisseur et démiurge !

Jacques Vergès, lui, a fait son choix : il sera un avocat avant d’être un homme... Seul, parmi des communistes français qui le réprouvent !Seul, au milieu des Pieds-Noirs qui le conspuent !Seul, face à un Ben Bella qui souhaiterait le museler !Seul, évaporé pendant près de neuf années...Seul, face à 39 avocats au procès Barbie !Seul, face à l’opinion publique au Cambodge !Seul, face à l’occident en Lybie et en Côte d’Ivoire !Seul et pourtant de si bonne compagnie... Quel gâchis... Quelle souffrance d’être seul...Il faut avoir le goût du malheur, des monologues muets, des soliloques autistiques !Le solitaire est drainé à la tristesse comme le veau à l’abattoir ! Mais sa solitude lui permet de se demeurer fidèle... De continuer de croire en ses illusions... De conserver ces yeux rieurs cerclés de lunettes...Ces yeux brillants d’espièglerie qui rendent le regard de Jacques Vergès si facétieux et si douloureux pour ceux qui se sont compromis...La solitude permet aux grands hommes de ne pas oublier leur combat en chemin ! Elle façonne « ces quelques mortels » qui, pour reprendre le mot du Baron d’Holbach, « ont [cette] raideur dans l’esprit, [ce] défaut de souplesse dans l’échine, [ce] manque de flexibilité dans la nuque du cou, [bref, cette] organisation malheureuse [qui] les empêche de se perfectionner dans l’art de ramper ».Et, comprenez-moi bien...j’entends ce qui il y a de paradoxal à faire l’éloge de la solitude entouré de 2 000 personnes ! Mais...être seul au milieu de tous n’est pas moins douloureux... et surtout, qui davantage que nous a le devoir de préserver ses illusions ?Grâce à sa solitude, Vergès entretenait ses chimères... Ainsi, lorsque Carlos confia à un juge d’instruction qu’il se considérait moins dangereux que Vergès, ce-dernier sut réinterpréter en sa faveur cette petite pique en répondant  : « Ecoutez... Je pense que Carlos a voulu me rendre un hommage » ! Et oui !Il fallait que Jacques Vergès soit un rêveur solitaire pour défendre des combats qui, pour la plupart, et contrairement à ce qui se dit, sont si évidents qu’ils en deviendraient presque mièvres... Et si le caractère polémique de Jacques Vergès n’était qu’un mythe ?Parce que son univers, à bien y regarder, c’est un film bercé des odeurs de cuirs des souks du Maghreb où les algériens, toujours si gais, si souriants, avec leurs bonnes pâtisseries orientales, leur sens de l’hospitalité et leurs accoutrements étranges, pourraient vouloir vivre chez eux sans nous... Oh !...Un film de science-fiction où pauvres et riches seraient égaux devant la justice ! Où l’on pourrait dire à l’occident, librement, qu’il n’a pas à craindre un excès de repentance puisqu’il n’a pas encore véritablement commencé à se repentir... Un western où les pays pauvres et les pays riches amélioreraient leur vivre ensemble qui, pour le moment, laisse assez peu de place au dialogue social et pluriel... Mon Dieu !Oui, Jacques Vergès était un rêveur, dont les combats ne paraissent, à la réflexion, pas si absurdes !...

Alors, retenez-le, cet enseignement ! Je vous y exhorte, de toute ma candeur...Allez rechercher aux confins de votre solitude votre âme d’enfant...Laissez-vous bercer par vos rêves d’avant vos renonciations ! Enivrez-vous de vos illusions...et alors, vous verrez la vérité plus belle !Enivrez-vous de vos illusions, et alors, vous réaliserez que...derrière Jacques Vergès...Derrière cet éloge...Derrière ce pupitre...Sous cette robe... Se cache...un véritable prodige de l’éloquence !Oui, à mon tour de me célébrer  ! De régler mon pas sur celui de mon aîné  ! De devenir lui, curieuse transsubstantiation, pour le comprendre, comme lui le faisait avec ses clients !De Djamila Bouhired à Magdalena Kopp, ces clientes dont il fut si proche...Jacques Vergès outrepassait ce conseil trop prudent de notre déontologie. Il franchissait le fossé, la distance, qui le séparaient de son client...Il devenait les personnes qu’il défendait !Le mot est dit  !... nous avons invité un anthropophage à notre table ! Jacques Vergès, le sens de l’absolu, y compris dans l’empathie !Car « comment », interrogeait-il, « comment comprendre un criminel sans avoir soi-même, fût-ce une seule fois en imagination, goûté aux racines de l’humaine condition ».Et oui ! « Nul ne peut être assuré de son identité et chacun occupe sans doute la place d’un autre »6

Après ce travail d’empathie, comment être sûr que le criminel, c’est mon client plutôt que moi ?...Comment m’assurer que je ne suis pas en train de prononcer mon discours dans le réfectoire de Fleury-Mérogis ?!Regardez-vous...Etes-vous vraiment ceux que vous prétendez être ? Jacques Vergès lui, en doutait...Il y avait, dans sa pratique, quelque chose de la recherche du dérèglement des sens ! Il voulait apprendre au contact de ses clients...Il savait que « Je, est un autre »... Surtout après une après-midi avec Klaus Barbie !Alors il partait pour un voyage, mille voyages... Du côté de l’amour de Djamila Bouhired pour son pays, l’Algérie... Ou plutôt de la souffrance d’un jardinier marocain accusé d’un crime qu’il jure n’avoir pas commis... Quand ce n’était pas en compagnie de la folie d’un cambodgien sanguinaire, de la lâcheté ordinaire d’un collabo, ou bien des passions d’une foule d’anonymes... Jacques Vergès rêvait de devenir ce serpent amazonien mythologique posé sur son bureau, dont chaque écaille était constituée des yeux de tous ceux que le reptile avait symboliquement dévorés... « J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans », aimait-il réciter ! J’ai plus de personnalités que si j’avais défendu mille clients ! « Je porte en moi tous les traits de l’humaine condition », aurait-il aimé oser... C’est si ennuyeux de rester soi-même toute une vie... Alors Jacques Vergès cannibalisait ses clients pour se payer mille vies !Et au bout d’une défense inconditionnelle... Sans se préoccuper des critiques, des attaques... Lui pouvait dire : Klaus Barbie, c’est moi ! Carlos, c’est moi ! Plus avantageux, Marlon Brando, c’est moi aussi... Ce créateur ne se satisfaisait pas que de

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Rentrée solennelle

lui-même, alors il a osé ce dont nous ne faisons que rêver  : cesser d’être lui pendant près de 9 années ! Cesser d’être soi, voilà des « grandes vacances »... Oui, tout peut arriver... Jacques Vergès aussi pouvait être fatigué d’être Jacques Vergès. Fatigué sans doute également d’être un avocat... Et c’est cela, je crois, qui le distingue d’un autre monument de notre profession.Robert Badinter a écrit que : « les grands avocats sont ceux qui portent en eux l’angoisse d’être accusés... ». C’est beau... Mais je pense que ça ne peut pas suffi re à un homme comme Vergès. Pour lui, l’angoisse d’être accusé est, comme la pitié, trop douce, « parce qu’en se mettant à la place de celui qui souff re, on sent pourtant le plaisir de ne pas souff rir comme lui »7 !Jacques Vergès veut aller plus loin ! Par-delà l’empathie ! Par-delà la compassion ! Par-delà, peut-être, la mission dévolue à l’avocat ? Jacques Vergès, avec courage, veut souffrir pour son client, accepter les crachats comme d’autres les honneurs, compter les menaces de mort comme le cowboy les entailles sur son colt !Il y a chez Jacques Vergès la volonté un peu enfantine de devenir un héros romantique...Qui, comme la Nina de Tchekhov, dirait à son client : « si vous avez jamais besoin de ma vie, venez et prenez là »... Il y a chez lui quelque chose d’absolu...D’extrême ! Ce quelque chose qui fait dire à ses détracteurs, en substance  : « Jacques Vergès, un mauvais modèle pour ceux qui sont avocats, mais quel modèle pour les extrémistes qui ne le sont pas ! ».Ceux-là, n’ont qu’à moitié tort... C’est vrai qu’il y a une part d’extrémisme chez Jacques Vergès. A tout le moins, une conviction. Cette conviction que j’ai abordée il y a quelques instants et dont il est temps maintenant que je vous parle... Cette conviction :- mise en relief par sa mégalomanie feinte, - confortée par son goût de la solitude, - révélée par son sens de l’empathie.

Cette conviction qui, d’emblée, semble être l’anticolonialisme...son Algérie, avec ses parfums de sueur sous le son circulaire de la gégène...Mais au-delà de ça... sa conviction, c’était de « défendre le droit des gens à être ce qu’ils sont ». Tout simplement... Lui, l’aristocrate qui imposait aux autres une distance pour préserver son indépendance, a toujours défendu le droit des gens à choisir pour eux-mêmes... Avec courage, ou peut-être lâcheté, il a abandonné un poste important au sein de la jeunesse communiste, sa sécurité fi nancière, sa tranquillité et jusqu’à sa famille parce qu’il savait que la moindre ingérence dans la vie d’un autre peut avoir un eff et désastreux !Et c’est cette petite anecdote de Cocteau :« Un jour, un jardinier accoure vers le prince perse pour lequel il travaille et lui dit :- J’ai croisé la mort ce matin, et elle m’a fait un geste de menace !Le prince, arrogant, sur ce son fait, lui répond : - Je sais ce que tu dois faire...Prends mes meilleurs chevaux et fuis, loin, jusqu’à Ispahan !Plus tard, le même jour, le Prince croise la mort à son tour et lui demande :- Est-il vrai que vous avez fait un geste de menace à mon jardinier ce matin ?La mort lui répond alors : - Ce n’était pas un geste de menace, mais de surprise, car je le voyais loin d’Ispahan alors que j’espérais le retrouver là-bas ce soir... »8 Oui, chers confrères, voilà pourquoi en apparence, un sage sait toujours tout sauf ce que l’on veut savoir !Car bien fous ceux qui intercèdent dans la vie des autres... Bien sots, ceux qui s’autorisent à décider pour autrui... Bien fat, ceux qui croient que leur « regard se confond avec la vérité » ! Bien vains, ces adeptes de l’autoérotisme qui prennent les autres pour des marionnettes et se ferment à leurs richesses !Du procès des poseurs de bombe à son intervention auprès de Gbagbo en Côte d’Ivoire, Jacques Vergès, lui, n’a jamais cessé de poser les mêmes questions :

- au nom de quoi un pays pourrait-il décider du destin d’un autre pays ?- au nom de quoi un homme pourrait-il décider du destin d’un autre homme ?- au nom de quoi pourrait-on imposer aux autres nos propres valeurs ?Alors...un relativisme mou pour un avocat qui ne l’était pas ?Non, mais le parcours singulier d’un homme qui, loin d’être un cosmopolite, un « citoyen du monde », respectait toutes les diff érences... Lui, regardait la France et l’Occident comme un homme qui aime, sans refuser de voir leurs défauts...de leur dire en face leur impérialisme, autrefois territorial, désormais culturel... Aujourd’hui, il se serait sans doute penché sur le cas des jeunes français tentés par un islam radical...Se mettant à leur place, il se serait dit : « N’étais-je pas comme eux, dans ma jeunesse ? Leur attirance pour l’islam ne tient-elle pas, comme jadis mon attrait pour le communisme, de la recherche d’un idéal ? Du rejet, provisoire peut être, d’une culture occidentale qui ne sied pas l’envie d’absolu de leur jeunesse ? »Ensuite, il aurait peut-être tenté d’alerter l’opinion. Souhaitant qu’au lieu de jeter l’infaillibilité présumée de nos valeurs au visage du prévenu, nous réfléchissions avec lui aux raisons qui l’ont conduit à nous rejeter... Je crois qu’il aurait agi comme cela car cette conviction n’a jamais cessé de l’habiter. Une conviction qui lui a pourtant valu tant de remontrances...jusque dans nos rangs, jusqu’à nous, ses propres confrères... Pourquoi ? Faut-il y déceler une forme d’envie ?Allez, « le miroir n’est pourtant pas responsable de la laideur de celui qui s’y regarde »9... Et c’est vrai que, à la réfl exion, que découvre-t-on de nous en le regardant lui ?Que, contrairement à lui, nous changeons de combats comme de clients  ! Que nous nous flattons de savoir démontrer en quelques minutes l’inverse de ce que nous avions plaidé pendant des heures !Serions-nous, chers confrères, des hommes sans conviction ?Non... notre serment d’indépendance ne nous prive pas de nos convictions !Je vous ai rejoints, nous vous avons rejoints, parce notre profession compte des hommes comme lui !Parce que nous savons faire autre chose que nous indigner mollement au gré des moments !Parce que si nos vies, nos plaidoiries sont absurdes, n’ont pas de sens... Et bien tant mieux ! Car elles auront le sens que nous leur donnerons !Le sens de nos engagements !Fermes et Constants !Parce qu’il ne tient qu’à nous d’être des créateurs !Des créateurs d’une œuvre de défense cohérente !Pour que, comme lui, et quoi qu’on en dise, Nous retournant, au soir de notre vie... Nous n’ayons pas à regretter les combats dont nous n’aurions pas jouis.

1. Oscar Wilde, Aphorismes.2. Philippe Muray, le sourire à visage humain.3. Jacques Prévert, les enfants du paradis.4. Mes remerciements à mon confrère Olivier Schnerb pour m’avoir appris cette défi nition du grand avocat.5. Terme employé par Jean Edern Hallier, le salaud lumineux, conversations avec Jean-Louis Remilleux.6. Léon Bloy, journal.7. Jean-Jacques Rousseau, Emile ou De l’éducation.8. Cette anecdote a été modifi ée et donne au Prince, dans cette version retravaillée, un rôle qu’il n’avait pas dans la version d’origine.9. Aphorisme utilisé par Michel Onfray lors de sa présentation de son ouvrage Crépuscule d’une idole, l’affabulation freudienne.Ph

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Prix «Bâtonnier Maurice Allehaut, Albert Laval, Charles Lachaud et Jean-Louis Foy» et Prix «Jean-Christophe Maymat» remis à Alexandre Vermynck, 1er Secrétaire de la Conférence, par Christiane Féral-Schuhl et Jean-René Farthouat

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François Mitterrandpar Constance Debré

Moi, je complote contre moi-même.Mon côté rebelle et mon côté souverain s’opposent séculairement.Nous nous distinguons par les

habitudes, la démarche, l’habillement.A l’un, le noir, l’ambigüité, la lenteur,A l’autre, les couleurs, la profusion, l’élan.Comme rebelle,J’étudie le plan du palais, J’achète les serviteurs qui ont accès aux chambres du souverain, J’expérimente poignard et poisons – il ignore la façon dont est mort son chien.Comme souverain, J’ai placé un espion sur les talons du rebelle, Je porte une cotte de maille,Je m’habitue aux poisons. Chaque nuit, je change de chambre, Chaque semaine, je tue mes valets. Comme rebelle,Je bats le pays et j’encourage la haine, Je sussure des discours subversifs à l’oreille sans défense du pauvre et de l’outragé.Je dessine des armoiries mensongères, je promets des titres, à des hommes aussi incultes qu’ingénus. Dans les grottes, j’accumule des armes, j’entraine les paysans au tir. Dans les montagnes, j’établis des campements, je cueille des herbes maléfi ques. Je connais tous les itinéraires nocturnes,Et je scrute, dans les constellations et la lune, la date de la révolte.Comme souverain, Je hérisse la campagne de gibets, Je brûle des villages, Je torture des femmes,J’enlève des enfants.Aux agités, je concède la gloire des hommes, Je les envoie mourir, En des lieux inaccessibles, inutiles et inexistants. J’ai mis des espions dans les campagnes,Des forteresses dans les montagnes.J’ai lâché des serpents, j’ai rendu les animaux féroces, J’ai semé la peste.J’ai déplacé les constellations, j’ai multiplié les éclipses, j’ai supprimé la lune.Madame le Garde des Sceaux,Madame le Bâtonnier,Mesdames et Messieurs les Bâtonnier,Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats,Mes chers confrères,Mesdames et Messieurs,Monsieur le Président du Conseil constitutionnel surtout,La question c’est la souveraineté,La dualité qu’elle suppose,Le choix qu’elle commande.Le choix, c’est-à-dire la foi,La fi délité,Aux idées,Aux autres,Mais d’abord à soi.Ca a commencé comme çaAu début, ce n’était presque rienUn léger froid, une brise humide, qui sait. Ou peut-être les embruns fluviaux du quai de Montebello dont l’odeur amère vous rappelle que vous n’êtes pas d’ici. Oui, Jarnac c’est l’ailleurs,

On ne trahit pas sa terre,Elle ne ment pas, elle, n’est-ce pas François ?Oui, au début, ce n’était presque rien. Mais les causes sont peu de choses à l’aulne des conséquences, Les intentions fragiles à la lueur des actes,Ne crois-tu pas, François ? Tu t’en souviens au moins ? C’était le 10 mai 81Ce jour-là, tu avais le peuple derrière toi,Le peuple, sa raison, ses ambitions,Le peuple, de Boulogne-Billancourt ou de Saint-Germain-des-Prés,Son goût du bonheur, sa soif de revanche, ses impatiences. Tu avais le peuple sans doute, Mais nous, le peuple, on s’en fout.Chez les Debré, c’est l’Etat, C’est les recueils Lebon, l’Académie des Inscriptions,La paix d’Amboise,C’est la querelle des investitures, Vendémiaire, Villers-Cotterêts,Le peuple c’est le réel,C’est le vrai dans tous ses mensonges,l’Etat c’est l’emblème, le signe,C’est l’idée dans toutes ses illusions.Oui, chez nous c’est l’Etat,Ses commis et ses promises,Ses fonctionnaires et ses apôtres,Ses ministres et ses femmes,Alors, on fait des lois, des lois, et puis des loisEt quand il n’y a plus de lois pour croire, on fait des constitutions.On grave dans le marbre, on érige et on fi ge.Alors, ce soir, mon sang m’oblige,Alors ce soir, laissez-moi concéder à ma raceLaissez-moi constituer pour la France :Oui, François, l’Etat, c’est toiEt si c’est le peuple qui t’a donné l’Etat, toi aussi le peuple, tu t’en fous !Tout commence toujours par un blasphème.D’abord il faut déconstruire, d’abord il faut détruire.

L’Etat, François, il fallait t’en venger.Il t’avait fait trop attendre pour que tu le prennes d’un bloc. Il fallait bien qu’il paye, au prix du remord, sa trop longue hésitation.Sa souveraineté avait la forme de tes ennemis. Elle avait encore le goût de ton rival. Alors, tu l’as déshabillée.Un bloc par ci, c’est l’Europe. Un bloc par là, la décentralisation. Tu présidais, toi.Qu’avais-tu besoin des lois ? Leur poésie, au goût d’alexandrins, c’est notre histoire, n’est-ce pas Jean-Louis ? Et aussi donnais-tu, ainsi, le pouvoir, ou ses illusions, aux ambitions régionales, Le pouvoir, et toutes ses occasions, aux prévarications provinciales.A son bicentenaire, la grande Révolution s’achève. La France Jacobine n’est plus. Te voilà vengé pour de bon du grand Général et de son petit Colbert.L’autre révolution, celle des tables rases et des poings levés, celle des pauvres que tu as fait rêver, elle expire elle aussi.Babeuf et Blanqui peuvent continuer de mourir tranquilles. Leurs noms s’eff acent, et s’ils existent encore, ce n’est plus qu’au Flore, le temps d’un paradoxe, d’un frisson minuscule, pour des marxistes d’un soir, vestes de velours noir et souliers Berlutti. L’Etat est mort,Et les révolutions aussi,L’Etat est mort, vive l’Etat !Car c’est toi, François !Et cette question que sans cesse il te pose :« Voulez-vous dominer le monde ? »C’est la question du Vautrin à Rubempré.« Voulez-vous dominer le monde ? »Si oui, c’est un pacte qu’il faut signer. Et c’est oui, bien sûr.Car il n’y a pas d’autre réponse possible,Au pouvoir, à l’amour ou à l’impossibleVous haïssiez Mitterrand de ne croire jamais en rien.

Constance Debré

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Vous vous trompiez. Oui, il n’a rien dit qu’il n’ait contredit, il n’a rien fait qu’il n’ait défait. Oui, Mitterrand c’est du sable qui glisse entre les doigts. Un marais qui englue tout, les promesses et les illusions, et les êtres à profusion. Oui, François, tu t’es moqué du monde.De tes ennemis, de tes amis, du bon peuple, des pauvres, des grands-bourgeois, des instituteurs, des ouvriers et des paysans.Mais méritaient-ils autre chose ?Méritaient-ils autre chose tous ces papas la morale, corsetés d’une vertu pas toujours si pure, et drapés dans leur dignité de sous-préfecture ?Méritaient-ils autre chose tous ces imbéciles, ces naïfs, ces lâches, qui s’en remettaient à toi pour changer leur vie ? Ces pauvres, qui rêvaient de guillotine et de bûchers ?Ces riches, dans l’entre soi sinistre de leur médiocrité ?Ces intellectuels si dociles ? Ces courtisans ?Ah Solutré ! Son ascension et tes apôtres ! Quelle pentecôte quand l’Esprit Saint c’était toi ! Tout cela n’est qu’une farce, bien-sûr, Ce qu’il faut, c’est n’attendre rien de l’autre, et bien en profi ter. Les mélancoliques s’affl igent de la vanité du Siècle, on le sait bien, nous, chez les Debré.J’ai vu pendant toute ma vie, sans en excepter un seul, les hommes aux épaules étroites, faire des actes stupides et nombreux, abrutir leurs semblables, et pervertir les âmes par tout moyen. En voyant ses spectacles, j’ai voulu rire comme les autres ; mais cela, étrange imitation, était impossible.J’ai pris un canif dont la lame avait un tranchant acéré, et me suis fendu les chairs aux endroits où se réunissent les lèvres. Un instant je crus mon but atteint. Je regardais dans un miroir ma bouche meurtrie par ma propre volonté ! C’était une erreur ! Le sang qui coulait avec abondance des deux blessures empêchait d’ailleurs de distinguer si c’était le rire des autres. Mais après quelques instants de comparaison, je vis bien que mon rire ne ressemblait pas à celui des humains, c’est-à-dire que je ne riais pas.Les mélancoliques s’affligent, et Maldoror à sa manière, qui, incapable de rire comme il faudrait en eff et, répondra à la cruauté par la cruauté.Non, il n’y a pas d’innocents. Il n’y a pas de victimes.Pas plus Bérégovoy que Grossouvre.Ils sont morts tout seuls, ces deux-là, et tu n’y es pour rien, ils ont cru que tu pouvais les sauver, ils ont cru, les imbéciles, quand il faut ne rien croire.La vérité de l’Etat est là, au bord d’un canal, à Nemours, ou derrière les doubles portes capitonnées de l’Elysée, Tu n’y es pour rien, c’est l’Etat qui les a tués.Oui, François, gouverner c’est trahir, gouverner c’est mentir.Mais le mensonge n’est pas une faute, la trahison n’est pas un crime.Vous haïssiez Mitterrand de ne croire jamais en rien. Vous vous trompiez. Vous haïssiez Mitterrand de trahir. Vous vous trompiezCar qui trahit-on ? Et pourquoi ?Mitterrand n’a jamais trahi que ce que l’Etat lui

commandait de trahir.Il a suivi le vent.Le vent, qui va de droite à gauche, puis de gauche à droite.Le vent, qui donne à la vertu tous les visages.Vous réclamez des principes, mais la France n’en a pas. Elle fl otte la France, au gré des Révolutions, des Restaurations, entre Jacobins et Girondins, elle fl otte entre Gaullistes et Pétainistes, entre le peuple et la nation, entre sa paresse et son allant, sa bêtise et son esprit, ses lâchetés et son panache. Elle fl otte, la France.Alors pour la séduire longtemps, il faut fl otter avec elle.L’idéal ? Mais l’Etat n’en a pas.Il s’occupe de lui-même. Il est tout à sa tâche d’être. L’idéal est un mot de campagne, un mensonge de conquête. Le peuple n’existe plus, las des barricades, il veut, lui aussi, partir en week end et s’acheter des choses.La nation n’existe plus, sans ennemis elle s’ennuie, elle s’annule. Il n’y a plus rien à trahir. Mais revenons en arrière, à quand trahir était possible,Oui, je parle de la guerre,Tu n’y échapperas pas,Tu l’entends ce mot, qu’ils chuchotent tous ?« Francisque ! » oui, c’est ça !Elle t’a bien encombrée, celle-là, n’est-ce pas François !Pétain en quarante, De Gaulle en 43 !Ce que je crois, moi, c’est que c’est parce que tu étais l’Etat, déjà, Que tu as suivi, alors, celui qui se disait Français.Et ce que je crois, moi, c’est que c’est parce que tu étais l’Etat, déjà,Que tu as rejoint la Résistance, quand elle devenait la France.Tu étais légitimiste, François, en somme.Comme tant de magistrats.Mesdames et Messieurs,Mes chers amis,Vous haïssiez Mitterrand de ne pas croire pour toujours. Croyant que toujours est plus solide que maintenant.

Ne voyant pas la fuite que toujours organiseSystème de Ponzi,Martingale de baltringues, Promesses de bourgeois,Contrats de curés,Tandis que « toujours » s’organise, le présent se défausse, se débine, Triste Faust, et pauvre Marguerite Personne n’est pour toujoursIl faut être là et maintenantFaire exister l’instantComme toi, François. Comme l’Etat, chaque fois plus tout à fait le même, pas tout à fait un autre. Oui, François, l’Etat, c’est toi.L’Etat gouverne, il juge, il exécute. L’Etat ne faiblit pas. L’Etat tranche. Et ne tremble jamais.Etre l’Etat, c’est être cruel à temps. Alors à toi, François, qui mania la langue comme d’autres la gégène, je te le dis, ta vie fut un chef d’œuvre. Rappelle-toi Iveton. Il s’appelait Fernand. Fernand Iveton était né à Clos-Salembier, dans la banlieue d’Alger.Il était européen, communiste et ouvrier.Il avait trente ans en 56 et venait d’entrer au FLN.Iveton avait déposé une bombe dans une usine sans ouvriers, une bombe qui n’a jamais explosé. Il a été arrêté, torturé, jugé 14 jours plus tard. Et condamné à mort. Sans instruction et presque sans avocat.Et c’est grâce à toi François.Cette justice d’exception, c’était ton œuvre, tu étais Garde des Sceaux, tu t’en souviens  ? Les « pouvoirs spéciaux » c’était toi.Le 11 février 1957, à 5h10 du matin, Fernand Iveton était guillotiné.Il avait demandé la grâce bien sûr, mais le président - Cotty qui s’en souvient ? - sur ton conseil lui avait refusée.Cotty, sur ton conseil, a refusé la grâce, comme d’habitude, comme ces trente-sept fois en quinze mois où tu as voté la mort.Tu t’en souviens François, de cela ?Iveton n’avait tué personne.

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Prix «Fernand Labori, Francis Foy et Ernest Cartier», «Prix du Bâtonnier Louis-Edmond Pettiti» remis à Constance Debré, 2ème Secrétaire de la Conférence, par Jean-Louis Debré et Laurent Pettiti

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Avis défavorable au recours.Tu étais avocat, François,Mais surtout tu étais l’Etat.C’est le secret du pouvoir, aussi,Ce sang-froid là, cette cruauté. L’Etat ne tremble pas,Et tu n’as pas tremblé.As-tu eu raison ou tort ? Question de journalistes ! Question de moralistes ! Juger, toujours ! Et hier avec les vertus d’aujourd’hui. Mais tu n’as pas tremblé, ni dans la cruauté, ni dans la charité, pour abolir, plus tard, cette peine, dont tu connaissais le prix car l’Etat a un prix,Sa pourpre est tâchée de sang, c’est cela son secret.Et sans pourpre, il disparait.Car l’Etat, pour être, doit d’abord paraître,Il est une cérémonie, une préséance, un privilège,Chez les Debré on le sait bien,N’est-ce pas, Jean-Louis ?Alors pour toi, François, ce sera la Garde et le tapis rouge, quelle que soit l’heure, à Roissy,Ce sera tes grands travaux, la Pyramide, ta Bibliothèque,Les titres des hommes sont leur dernière vérité. Ministres, ambassadeurs, préfets, légions d’honneur,La sommet de la pyramide, c’était toi François.Le Protocole est un Pater Noster, une prière, un sacrement, Enlever le rite, et la foi s’effondre, et les dieux s’enfuient,Enlever les ors, et la République s’effile.L’apparat c’est l’essence, Tu le savais, toi, François,Que, sans lui, le pouvoir ne serait plus qu’un droit,Tu le savais, François,Que sans lui, la mort pouvait gagner trop vite,Que ce qui pouvait encore sauver la France, quand elle n’avait plus d’allant, c’était son allure et les marques de son rang,Que ce qui pouvait encore retarder l’heure, et le Commandeur, c’était moins Gub-ler que la Garde, et ses leurres.Il ne faut jamais consentir au réel tel quel, le diable est là, il faut le cravater.Le pouvoir comme la vie est une hallucination, qu’il faut fastueusement décorer.S’établir dans la pompe pour reculer la tombe, ou pour mieux y consentir peut-être, car l’Etat est une messe.Pendant quatorze ans, François, le pouvoir t’a sauvé, pendant quatorze ans, tu as sauvé le pouvoir.Tu as su qu’il ne devait rien céder.Robert, je ne leur ferai pas cadeau d’une minute, disais-tu à Badinter.

A d’autres, le quinquennat  ! Le coup d’Etat permanent, pour réussir, doit durer longtemps.J’aime aussi, François, ton juste usage de la grammaire, ta si jolie syntaxe du pouvoir.Ainsi, quand tu disais l’Elysée n’écoute rien ! Les écoutes ! Allons, Mesdames et Messieurs les Hauts Magistrats, allons mes chers confrères, laissez votre air chiffonné. Où est le crime ? Vous vous plaignez d’un peu de curiosité ? D’un président qui ne se suffisait pas, et qui écoutaient les autres, les esprits fins et les jolies femmes ?Les femmes justement...Fidèle,Mais surtout aux traditions, et à celle-là comme aux autres,Tu les aimais, dit-on.Et cette expression suggère, d’abord, qu’elles t’aimaient aussi, François.A la mort, à l’ennui, toujours la même réponse, la conquête, le frisson !Vite, vite, avant le Commandeur, avant que la mort nous rattrape, attraper l’autre, l’aimer ou le tuer, c’est égal. Ce qu’il nous faut, c’est qu’il se passe quelque chose, que l’autre, un instant, s’approche si près de moi que je ne le vois plus, que je le touche seulement.C’est presque convenu, au fond, tellement c’est attendu. Quel roi n’a pas aimé les femmes  ? Comme si les valets les aimaient moins. Elles, il est vrai, leur trouvent souvent moins de charme. Cependant je m’interroge. Ces femmes, pour toi, furent-elles vraiment ? Furent-elles autre chose qu’un taciturne enchevêtrement, de visages, de corps, à dessiner, à effacer sans cesse ? Peut-on aimer l’autre quand on est roi et qu’ils ne sont plus, tous, que des courtisans, et elles, des courtisanes ? Où est la conquête alors quand il n’y a plus qu’à ramasser ? Quelle gloire à cela, et quel frisson ? Un autre, alors, peut-être, celui du spectacle de leur veulerie. Et je veux bien croire, aussi, qu’il en vaille la peine.Quel roi n’a pas aimé les femmes ? Un Général, peut-être, qui, lui, aimait la France comme une pudique maîtresse.La France..., mais toi aussi tu l’as aimée. N’as-tu pas baptisé ta fille du nom d’un grand ministre ?Mazarin l’Italien avait bien servi son roi, il méritait bien cet honneur un peu trouble, et ce plaisir-là.

Et ça, François, c’est un coup, je t’avoue, à rendre tous les Debré jaloux.Ah ! si moi aussi j’avais porté, en plus du nom, un prénom de ministre... Les femmes et les enfants d’abord ! Que reste-t-il à bord ?Mais tes amis, ceux qui ne sont pas morts. Ceux-là, tu leur as été fidèle. Comme tes chiens, comme Baltique à ton enterrement, au pied de Charasse, devant l’église.Oui, tes amis, François ! On t’a reproché tes amis, comme le reste, ceux en tout cas qui n’avaient pas le cachet de vertu qu’aurait aimé le Siècle.Bousquet sentait la mort, le mal, il avait planifié, sur ordre mais planifié quand même, la rafle du Vel d’Hiv. C’était ton ami, tu le recevais à l’Elysée. Pelat sentait l’argent, l’argent mal gagné, l’argent d’initié. On dit qu’il aurait fait, grâce à toi, quelques bonnes affaires. La belle affaire ! Qu’était l’opinion du Monde contre la tienne ?Les aimais-tu malgré leurs fautes ? Ou les aimais-tu pour elles aussi ? Oui, pour elles, peut-être aussi, pour le plaisir de ressentir que la souveraineté l’emporte sur la morale, que «  Je veux » écrase « je dois ». L’Etat, c’est toi, François, mais la France ?Car il faut parler de la France, enfin. On n’y échappera pas,N’est-ce pas Jean-Louis ?Ceux qui te contestent, te contestent ce lien-là. Ils disent ou sous-entendent, que tu n’es pas la France, que tu ne l’as incarnée que par circonstance. C’est cela qui sous-tend leur colère.Chez les Debré, on le sait bien,N’est-ce pas, Jean-Louis ?La France pour eux est divisée en deux. Ils croient au bien, au mal. A l’intangible, à l’irréductible, à l’irrémédiable. Pénétrés d’absolu, ils rêvent d’un réel qui ne déçoive pas, d’illusions sans revers, sans fissures. Ils croient qu’il faut choisir son camp, et mourir plutôt que reculer. Ce sont des d’Artagnan, fracassants, et malheureux souvent, comme Cyrano. Je dis « ils », je me force un peu, j’essaye de les quitter. Je sais qu’ils ont tort, parfois même d’avoir trop raison. Leur France est impeccable, c’est celle des grandes victoires, des grands traités, c’est une large fresque, qui va de Roncevaux au chemin des Dames, de Racine à Géricault. C’est une idée, qui traverse les siècles, une forme pure, un mythe.

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Alain Hollande, Jean-René Farthouat, Bernard Vatier, Francis Teitgen, Paul-Albert Iweins, Jean-Marie Burguburu, Yves Repiquet, Christian Charrière-Bournazel et Jean Castelain

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Prix aux Lauréats de la Conférence du Stage 2013

Rentrée solennelle

Ils ont raison bien sûr, la France est une idée, sinon elle ne serait rien, sinon elle n’aurait jamais été. Ils ont raison et ils ont tort ! Car cette foi, qui a fait la France est aussi une folie. Croire à la réalité d’un pays, à son esprit, à son essence ! Et de rage, écraser tout ce qui ne lui ressemblerait pas !Ils sont tragiques et romantiques. Je les aime pour cela. Mais les tragédies fi nissent mal. Alors je veux les quitter. Alors avec toi, François, je m’essaye au romanesque. Mais revenons à la France. Tu as été de tous les camps, disent-ils, et cela ne se peut pas. Ou pire, tu n’as été d’aucun, et on n’a pas le droit. Mais ta France à toi n’est pas celle-là. La tienne est une vérité feuilletée, aux frontières mouchetées, c’est un ciel de printemps en Charente, aux nuages fi lants.Le bien et le mal, sans doute, qui n’y croit pas ? Tu n’es pas cynique, François, mais ces mots-là, tu les murmures plus bas. Le bien, le mal sont trop fragiles, pour qu’on les mette en rang et qu’on sonne le clairon. Ta France, c’est celle des livres, de ces romans qui ne se résument pas, dont on ne dit rien en racontant la fi n. C’est celle de nos paysages, de nos campagnes qui font baisser la voix. C’est celle de nos morts aussi. La terre et les morts bien sûr, comment n’ont-ils pas vu que tu étais barrésien ? Tu avais le goût des cimetières, tu rendais visite à nos morts. Ta France n’est pas une idée, ta France est telle qu’elle est. Le meilleur et le pire, en somme. Ce pire, François, tu l’acceptes, c’est la part du feu, c’est la part du diable. C’est ta rémission des péchés. La France, c’est aussi la Saint Barthélémy, le Duc d’Enghien, les massacres de Septembre, Vichy et l’Algérie ! Oui, c’est ça aussi la France ! Ce sont tous nos Austerlitz, et tous nos Waterloo.Alors oui, François, la France aussi c’était toi. Et cette France-là, c’est aussi la mienne.Laisse-moi te regarder encore, avant que tu ne t’eff aces.J’ignore au fond si tout cela t’était égal. Tout cela, je veux dire les questions du siècle qui les ont tous tellement agités. Si tu y croyais, ou non. Ce que je sais en revanche c’est que la réponse à cette question est parfaitement indiff érente. Je me demande même si je ne préfèrerais pas que tu n’y aies jamais cru, tant l’engagement, comme ils disent, avec ce qu’il comporte de répugnante indignation, me gêne, et souvent me dégoute.Je choisis donc l’hypothèse de tes ennemis, je pose que tu ne croyais en rien, et que c’est cela – mais tes ennemis ne le voient même pas ! – qui t’a permis de conduire la France d’un siècle à l’autre. Qui d’autre mieux que toi, François, qui savais leur inconstance, pouvais accompagner la France vers la fi n des certitudes ? Qui d’autre mieux que toi, pouvait nous mener, légèrement, vers ce temps gris d’aujourd’hui, ce temps calme et plat, sans idéologies ni guerre, sans combat et ni rêve ?Qui d’autre mieux que toi, qui faisais se taire jusqu’aux impatiences de ta propre mort, pouvais nous mener vers ce monde sans orage ni horizon, en nous disant « rien n’est grave » ?Alors, comment te juger, François ?On est un peu raide, c’est vrai, quand on écrit des lois.

Chez les Debré, on le sait bien,N’est-ce pas, Jean-Louis ?Peut-être est-il temps, pour moi aussi, de trahir, De manquer à mon sang, pour mieux lui appartenir.Peut-être, ou peut-être pas. D’ailleurs si je suis une Debré, mon père s’appelle François.N’est-ce pas Jean-Louis ?Te juger ? Je n’écris pas de lois, moi, et je n’aime pas juger. Tu vois, François, je suis comme toi. Je ne crois qu’aux illusions, seul tangible, seule vérité.Je ne te juge pas, mais je vois. Que tu as été la France, et l’Etat.Dans leur juste vérité,Dans leur grandeur et leur médiocrité.François, t’en souviens tu ?Tu avais 20 ans,Tu répondais, alors, à ces questionnaires qui, depuis Proust, étaient à la mode. Tu disais Pascal, Lyautey, Baudelaire.Et à la question de la couleur, tu répondais le gris, évidemment.Ce gris est un gris d’ortolans, De plaisir interdit,C’est le gris de l’entre-deux,Secret, constant,C’est le gris des promesses,C’est le gris de l’ivresse, Celle du pouvoir, ouiDe ce qui nous échappe toujours,Ou bien seulement encore,De cet instant d’avant, de cet instant parfait, où, dans le gris du soir, on est là, juste au bord.François, c’est à toi que je m’adresse. C’est au roi que je parle, ornement de nos veilles, honneur du sage sans honneur. Au roi, et au mort.Je cherche la langue des défunts.Je suppose que les morts sont une chose mixte et agitée – partie tyrans, partie tyrannisés, complices et opposants, mi comploteurs mi violents.Mais voilà, il me semble que déjà une allusion flotte dans l’air, une hilarité prudente et clandestine, un parler fait d’énigmes.Tu n’es pas mort, François, tu es bien là encore.C’est du roi que je parle, ornement de nos veilles, honneur du sage sans honneur.Mais on n’y comprend rien ! Ce parler d’énigmes est une énigme en eff et. Que disent tous ces mots de passe. Et à qui s’adressent-ils ?Mitterrand ? Une imposture ?Sans doute, et comme chacun.Comme vous, qui jugez du haut d’un pouvoir qui n’est pas le vôtre,Comme nous qui défendons, avec une charité d’hypocrite, et nos robes prétextes au péché d’orgueil,Comme moi ce soir, et ce moi de convention, ce moi familial un peu creux, un peu vulgaire et si facile à vendre.Mais que serions-nous sans nos impostures, qu’un petit tas de chair et d’os ?Que resterait-il de nos audaces, de nos désirs, de nos victoires, même, si nous ne voulions pas, désespérément, être plus, être autre, que ce que nous sommes déjà ?Que resterait-il de l’autre aussi, sans l’imposture de sa séduction, sans l’imposture de nos élans ?Alors oui, l’imposture ! Seule réponse, seule vérité.La vie est un pari, n’est-ce pas ?

Prix «Jacques Raulet, Léon Gambetta Fondation Maurice Blum et Edouard Foy», Prix «du Barreau de Québec» remis à Nicolas Pottier, 3ème Secrétaire de la Conférence, par Jean-Marc Sauvé et Nathalie Vaillant

Prix «Maurice Bernard et Louis Helbronner», Prix «Europe» remis à Victor Zagury, 6ème Secrétaire de la Conférence, par Jean-Claude Marin et Nick Fluck

Prix «César Campinchi» remis à Paul Fortin, 1er Secrétaire de la Promotion 2014, par Christian Charrière-Bournazel

Prix «de la Rentrée de la Conférence» remis à Grégoire Etrillard, ancien 1er Secrétaire de la Conférence, par Pierre-Olivier Sur

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Prix aux Lauréats de la Conférence du Stage 2013

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Prix «Jacques Raulet, Léon Gambetta Fondation Maurice Blum et Edouard Foy», Prix «du Barreau de Québec» remis à Nicolas Pottier, 3ème Secrétaire de la Conférence, par Jean-Marc Sauvé et Nathalie Vaillant

Prix «Horace Helbronner et Jean Mirat», Prix «Pierre-Antoine Berryer» remis à Thomas Klotz, 4ème Secrétaire de la Conférence, par Dominique Baudis et Jean-Yves Le BorgnePrix «Marc Leroy-Beaulieu et Léo Levantal», Prix «du Barreau du Québec» remis à Florian Lastelle, 5ème Secrétaire de la Conférence, Vincent Lamanda et Johane Brodeur

Prix «Maurice Bernard et Louis Helbronner», Prix «Europe» remis à Victor Zagury, 6ème Secrétaire de la Conférence, par Jean-Claude Marin et Nick Fluck

Prix «Pilavoine d’Hardiviller, Hector Bezançon et Gaston Monnerville», Prix «du Barreau du Mali» remis à Marie-Pompéi Cullin, 7ème Secrétaire de la Conférence, par Patrick Frydman et Issiaka Keita

Prix «Jean-Paul Théry, Henri Jevain et Léon Netter», Prix «Albert Salles» remis à Guillaume Vitrich, 8ème Secrétaire de la Conférence, par Jacques Degrandi et Yves Repiquet

Prix «César Campinchi» remis à Paul Fortin, 1er Secrétaire de la Promotion 2014, par Christian Charrière-Bournazel

Prix «de la Rentrée de la Conférence» remis à Grégoire Etrillard, ancien 1er Secrétaire de la Conférence, par Pierre-Olivier Sur

Prix «Bâtonnier Paul Arrighi, Léonard Péjoine, Georges Sbriglia et Jean-Louis Tixier-Vignancour», Prix «de la Petite Conférence» remis à Antoine Vey, 9ème Secrétaire de la Conférence, par François Falletti, substitué par Michel Lernout, et Elisabeth Menesguen

Prix «Maxime Hussenot, Léon Maurice Nordmann et Léonce Richard», Prix «de l’Association amicale des Secrétaires et anciens Secrétaires de la Conférence» et Prix «du Secrétaire du Conseil» remis à Xavier Nogueras, 11ème Secrétaire de la Conférence, par François Molins, François Gibault et Kami Haeri

Prix «Bâtonnier Georges Chresteil, Aliette Carré-Lévantal et Jacques Sabatier» et Prix «du Barreau de Montréal» remis à Rémi Lorrain, 10ème Secrétaire de la Conférence, par Chantal Arens et Luc Deshaies

Prix «Premier Président Pierre Drai» remis à Jean-Claude Kross, ancien avocat, ancien Avocat Général à la Cour d’Assises de Paris, par Rémi Pierre Drai

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Rentrée solennelle

L’Association Pierre Claver, une école pour les demandeurs d’asilepar Guillaume Vitrich

Elle a 13 ans et elle pense que l’asile est réservé aux fous. Il a 30 ans et il sait que pour vivre il faudra traverser les continents, 6 mois durant. Il a payé pour cela : quelques billets à un afghan,

d’autres à un iranien, beaucoup d’autres à un kurde qui le laissera deux semaines en geôle, et puis les quelques restant pour une modeste embarcation, ballotée vers la Grèce. A 13 ans elle ne connait pas le mot excision mais a l’intuition de la souffrance.Ils ignorent tant de choses : la langue française, les capétiens et les mérovingiens, Hugo et Barbey d’Aurevilly, les nabis et le fauvisme, la Déclaration des Droits de l’Homme et la Constitution, le Conseil d’Etat et la notion de groupe social. Ils ne savent pas non plus qu’en d’autres temps Hannah Arendt et Tolstoï les ont précédés. Sa république à lui est islamique, la sienne est bien française, depuis peu.Du fond de son Asie centrale il n’en connait que des photos, des clichés.Au fond de son Afrique équatoriale, on aurait voulu qu’elle rejoigne la cohorte des mutilées.Ils ignorent tout mais savent l’essentiel ; il tient en un mot galvaudé : liberté.Celle d’échapper à la tyrannie du sacré. Oh cela ne sera pas facile, l’un et l’autre n’ont jamais rien demandé. Ce n’est pas comme cela qu’ils ont été élevés.Pourtant, il leur faudra bien demander, justifier, attendre aussi. Demander tant et encore que leurs interlocuteurs aveugles oublieront l’homme derrière le demandeur.Pauvres aveugles, insensibles au miroir du réfugié, ils ne voient pas qu’ils les renvoie à notre universelle condition d’exilé. Ils ont sous leurs yeux cillés, celui qui est nous.A 13 et 30 ans ils seront demandeurs d’asile, comme tant d’autres avant.Et la France n’aura pas le choix.Digne héritière de son histoire et fière de son droit.Comme les princes et les monarques de l’Ancien Régime devant les persécutés.Comme la lettre de notre première constitution trop vite terrorisée :«Le peuple français donne l’asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté.»Pour elle, pour lui, sera oubliée la schizophrénie des années 30, et la pratique enfin s’alignera sur les discours.On se souviendra de l’esprit national, des conventions

et des lois…et l’attente pourra commencer.18 mois à être un dossier automatisé plutôt qu’un être façonné par son passé.18 mois d’éternité. Le temps d’une révolution.360 degrés d’introspection pour deux déracinés.Déracinés ?Ils savaient tant et pourtant ici ils ignorent tout.Si étrangers qu’ils finissent par le devenir à eux-mêmes.Et…,sans prévenir, quelqu’un s’est approché, quelques mots sont échangés et deux sont glissés comme un remède. Deux mots étrangers qui deviendraient si familiers.Pierre Claver. Quelle ironie pour ceux qui ne sont encore que des dossiers, de recevoir un nom et un prénom.Le nom d’un saint pour une école. Saint Pierre Claver, défenseur des droits de l’homme.Deux mots qui résonnent encore dans leurs têtes et que bientôt ils feront résonner de leurs bouches.Deux mots qui cachent tant d’hommes et de femmes ; qui dissimulent un dévouement inouï se tapissant dans l’obscurité choisie de la discrétion.Une école portée par tant de personnalités et née de la volonté d’un couple : Ayyam et François Sureau.Oh je les sais bien trop pudiques et discrets pour qu’ils me laissent citer leurs noms sans insister immédiatement sur l’engagement de tous les autres bénévoles : enseignants, éducateurs, interprètes, avocats ou juristes. A 30 ans il ne sait pas encore ce qu’il doit à Stanislas Mangin et l’engagement personnel de quelques-uns, trop

occupés à sauver la vie des uns pour mettre la leur en avant.Il n’imagine pas les heures vécues crispées que dépenseront sans compter leurs avocats à la Cour Nationale du Droit d’Asile.Il n’est pas donné à tout le monde de reconnaître les anonymes. En entrant tous les deux à Pierre Claver, ils retournent à l’école et retrouvent une famille.Un lieu rare où l’on cultive l’esprit et adopte une famille.C’est peut être ça l’esprit de famille Claver.Une famille qui vous adopte et s’assure, par l’action discrète de ses avocats, que la France fera de même.Elle le fera d’autant mieux que la rue de Bourgogne élève chaque jour leur français ;On le parle, le chante, l’écrit et le publie dans la revue de l’école. On le met au service des leçons de culture générale, de dessin et de théâtre.Et les élèves qui fuyaient les combats se découvrent armés pour leur nouvelle vie.Qu’ils épuisent le temps de l’attente ou découvrent la sérénité d’avoir été reconnus, tous s’engagent avec une assiduité sans faille.Leur course folle à travers les pays et le temps se prolongent le samedi matin dans les foulées de celui qu’ils appellent Monsieur François.Ce n’est plus une école, c’est un lieu de vie.Ici, on se croise sans jamais se toiser, on se lie d’amitié sans jamais se renier. Car l’on sait d’où l’on vient et déjà un peu mieux où l’on va.A 13 et 30 ans ils en savent déjà plus.Ils découvrent chaque jour des bénévoles qui redéfinissent devant eux l’idée d’engagement personnel.Le bonheur de ces engagés est simple, ils ont appris à mesurer la fierté, elle se lit dans les regards.Elle se dessine lorsqu’une tête, jadis baissée, se relève.Ils y puisent la force d’accepter les échecs et les départs forcés. Le temps passe et il fait tourner la roue de la vie comme l’eau celle des moulins, déjà Syed et Sali quittent l’école Pierre Claver.Sur leurs lèvres, Hugo et les capétiens, dans leurs yeux, des toiles fauves, une vision de la France qui n’est plus impressionniste et dans leurs poches souvent un emploi.Plusieurs reviendront à l’école, sans retomber en enfance ; enseignants bienveillants de l’autre côté du tableau noir.Et tout le monde sait que la réussite d’une institution se mesure au nombre d’anciens qui reviennent l’animer.Cher François, Cher Mohammed, le succès est assuré mais tant de combats restent à livrer.Que la distinction que nous vous remettons continue de vous donner la force de les mener. 2013-851

Guillaume Vitrich

Le désamour des Français pour leur justiceMardi 17 décembre 2013 - 18 heures - Auditorium du Conseil National des Barreaux

Colloque Droit et Démocratie

S’inscrire de préférence par mail : [email protected] - 2 heures validées pour la formation continue obligatoire des avocats

Agenda

Les français et leur justice : relation d’amour / haine

Antoire GaraponSecrétaire général

de l’Institut des hautes études sur la Justice

Peut-on sauver la justice ? Aux origines du désamour

Denis SalasMagistrat - Secrétaire général

de l’Association Française pour l’Histoire de la Justice

La justice française au regard des autres justices d’Europe

Jean-Paul Jean Avocat général à la Cour de Cassation,

Président du groupe d’experts évaluation de la CEPEJ (Conseil de l’Europe)

L’incompréhension et l’hostilité vis-à-vis de la défense

Maître EolasAvocat au Barreau de Paris,

Blogueur

Introduction Jacques Ribs Président de Droit et Démocratie

Conclusion Robert Badinter Ancien Garde des Sceaux et ancien Président du Conseil constitutionnel

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Vie du droit

Au même titre que les juridictions judiciaires (civiles et pénales), la juridiction administrative s’engage résolument dans la voie de la

dématérialisation.Le décret n°2012-1437 du 21 décembre 2012 relatif à la communication électronique devant le Conseil d’Etat, les Cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs consacre dans le Code de Justice Administrative, dont il modifi e un certain nombre de dispositions, la possibilité de la dématérialisation des échanges entre les parties par l’intermédiaire d’une nouvelle plateforme électronique de communication dénommée Télérecours.C’est dans ce cadre que le 27 novembre à Paris a été signée entre la Cour administrative d’appel de Paris, représentée par son Président Patrick Frydman, et le Tribunal administratif de Paris, représenté par sa Présidente Michèle de Segonzac, d’une part, et d’autre part, l’Ordre des avocats de Paris, représenté par Christiane Féral-Schuhl, la convention, déclinant localement celle du 5 juin 2013 conclue entre le Conseil d’Etat et le Conseil national des barreaux (Les Annonces de la Seine du 10 juin 2013 page 14) d’engagement de développer l’usage et l’application de Télérecours.L’utilisation de l’application Télérecours est généralisée à l’ensemble des contentieux et à toutes les juridictions administratives de métropole, depuis le 2 décembre 2013 (Les Annonces de la Seine du 17 octobre 2013, page 20). Cette application informatique est développée sur un site internet dédié à cet usage pour assurer l’échange de tous les actes de la procédure administrative contentieuse entre, d’une part, les juridictions administratives et,

d’autre part, les avocats ou les personnes morales de droit public ainsi que les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public.Ainsi dans le but d’assurer le développement d’un usage eff ectif des procédures dématérialisées devant les juridictions administratives, l’ordre des avocats de Paris s’engage «à inciter les avocats qui interviennent auprès des juridictions administratives à s’inscrire dans l’application Télérecours et à en faire un usage eff ectif. Il s’engage à relayer, à cet eff et, la diff usion des documents de sensibilisation et d’information édités par le Conseil d’Etat, la Cour administrative d’appel de Paris ou le Tribunal administratif de Paris, ainsi que des modes d’emploi et des guides explicitant les modalités d’inscription dans l’application Télérecours et son usage. Il s’engage également par les moyens qu’il estimera les plus appropriés,

à assurer lui-même la promotion de l’application Télérecours en son sein ».La cour administrative d’appel de Paris et le tribunal administratif de Paris s’engagent quant à eux «  à développer l’usage de l’application Télérecours et à réduire, autant qu’il est possible, l’instruction sous forme de communications écrites traditionnelles des procédures dans lesquelles un avocat inscrit dans l’application est constitué ». La cour administrative d’appel de Paris et le tribunal administratif de Paris s’engagent également « à adresser aux avocats inscrits dans l’application Télérecours les communications et notifi cations qui émanent de la seule juridiction, et en particulier les avis d’audience, sous forme électronique, y compris pour les dossiers enregistrés avant la mise en œuvre de l’application ». 2013-853 Jean-René Tancrède

Signature de la convention « Télérecours »Cour administrative d’appel, Tribunal administratif et Ordre des Avocats de ParisParis, 27 novembre 2013

Patrick Frydman, Christiane Féral-Schuhl et Michèle de Segonzac

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Michèle de Segonzac, Patrick Frydman et Christiane Féral-Schuhl

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12, rue Notre-Dame des Victoires 75002 PARIS

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Décoration

Après les mots d’accueil de Frédéric Douchez prononcés dans son bureau de Bâtonnier en exercice, Bernard Chambel, avocat spécialisé en droit

pénal à Sallanches (Haute-Savoie), ancien Président de la Conférence des Bâtonniers en 2002/2003, a pris la parole avant de remettre à son confrère et successeur Jean-Luc Forget les insignes de Chevalier de la Légion d’honneur. Initialement la cérémonie devait se dérouler dans l’intimité à Toulouse ce 22 novembre 2013 ; en fait, il y avait foule dans le bureau du Bâtonnier toulousain  : des plus éminentes personnalités de la famille judiciaire aux plus hautes instances des mondes juridique, économique, financier, universitaire et religieux assistaient à cette émouvante cérémonie. Face à cette prestigieuse assemblée, l’Officiant, avec un style dont il a le secret et un talent de grand orateur qui a ému aux larmes plus d’uns, s’est notamment exprimé en ces termes :

Les hasards du calendrier font de cette journée un moment exceptionnel :- le lieu, Toulouse- une Assemblée Générale de la Conférence des Bâtonniers intense,- un discours inspiré de son Président,- la réunion de la profession toute entière,- votre famille, vos amis, vos pairs.Je mesure en cet instant, et aussi pour ces raisons, l’honneur que vous me faites en me demandant de vous remettre cette haute distinction. Moment paradoxal car il impose l’évocation de votre personnage public en même que des traits relevant de votre vie personnelle.Le paradoxe n’est qu’apparent car celui que vous êtes de l’autre côté du miroir, permet très certainement de mieux appréhender l’homme qui, à cet instant, est à mes côtés.Cet exercice m’a conduit à m’aventurer, je vous rassure sans volonté d’intrusion, mais avec l’aide de quelques complices, dans des régions de votre vie situées bien au-delà de ce que votre présence au sein de la Conférence nous permet d’imaginer de vous.Vous avez été, et restez encore, structuré, bâti, par votre éducation marqué par le protestantisme, religion réformée, minoritaire et, pour ces deux raisons, peut-être, exigeante avec ses fi dèles.Comme le relève l’un des biographes de Jean Calvin Yves Karumenacker « ... au coeur du protestantisme : c’est moins l’écriture qui compte que la parole révélée dans l’écriture... tout le reste est accessoire : les rites, les formes d’organisation ecclésiastique... seule la parole est un fondement sûr... ».Vous excellez dans l’exercice de la parole, qu’heureusement vous n’avez pas réservé à vos coreligionnaires mais que vous avez mis, avec talent, au service des avocats.Vous comptez plusieurs ministres du culte parmi vos ascendants dont l’un fut, en Hollande, pasteur de la reine.Votre engagement est à ce point profond que vous assurerez les fonctions de « Président du Conseil

presbytéral de l’Eglise réformée de Toulouse ».Vous avez, en vous, profondément ancré, la conviction selon laquelle, et l’histoire vous donne raison, le protestantisme a apporté à la République, qu’il a participé fondamentalement à son édification et notamment au principe disputé et novateur à l’époque, de laïcité : chacun reste maître chez soi sans empiéter sur la liberté des autres, l’Etat ne peut dicter sa volonté à la société civile et aux citoyens.Ce sujet passionnant se situe à la confluence de l’histoire des idées et de l’histoire tout court.C’est très certainement l’expérience des guerres religieuses qui a permis à notre pays de s’extraire du chaos et d’ériger comme fondatrices les valeurs de respect de l’autre et de tolérance.L’on mesure, à l’aune de ce vent mauvais qui souffl e aujourd’hui, à quel point celles-ci sont fragiles et combien elles doivent être absolument et résolument défendues.Elles sont le trait marquant de notre identité collective.L’appel des Bâtonniers, contre le racisme, pour la République, pour construire la Société que nous transmettrons à nos enfants est la marque des avocats ; c’est leur mission. Il n’y a pas de fatalisme à la régression. Cet enracinement que vous revendiquez a deux origines.● Votre grand-père paternel, grand intellectuel, agrégé d’allemand, Inspecteur Adjoint de l’Académie de Paris, politiquement, insaisissable pour vous, car soutien de Michel Rocard et électeur de Roger Dumont en 1974. Homme lettré, cultivé, pétri de principe et de rigueur, il servira, sa vie durant, l’intérêt général, profondément convaincu que se situait là l’une des motivations de sa raison d’agir.Pendant la dernière guerre, il s’emploiera, par sa position, à atténuer et détourner les injonctions de l’occupant, il recevra les plus hautes distinctions de notre pays.Vous entretiendrez avec cet homme si marquant une relation singulière qui façonnera votre rapport

aux autres, votre envie de savoir, votre engagement..● La seconde racine est cévenole, berceau d’un protestantisme populaire, encore marqué dans son identité et dans sa mémoire par les cruautés commises au XVIème et au XVIIème siècle au nom de la foi.Votre grand-père maternel sera, à quinze ans, ouvrier à la mine à la suite du décès de son propre père.Il fondera une famille avec une femme de caractère qui, d’infi rmière, deviendra Surveillante générale des Hôpitaux de Paris.Vous avez vécu dans cette campagne à Saint-Laurent-les-Mines entre Ganges et Levignant, vous vous sentez de là-bas !Vos parents, fi dèles à la tradition familiale et attachés à leurs convictions, achèveront de vous transmettre ce bagage si stimulant ; Monsieur Forget, votre père, Ingénieur agronome, occupera, au terme de sa carrière, la Direction de la Chambre d’agriculture de l’Aveyron.Votre maman sera institutrice.Ainé de la fratrie, vous avez deux soeurs et un frère.Homme de conviction, passionné par la chose publique, tant par culture familiale que par inclination personnelle, votre engagement politique à Rouen, débutera très tôt alors que vous étiez lycéen dans un établissement catholique (jésuite) !!!...Le fait que vous ayez milité aux côtés de Jean Lecanuet peut paraître surprenant. A seize ans, en 1974, vous soutiendrez la campagne du candidat Giscard d’Estaing. En eff et, dans un pays dominé par un bipartisme clivant, écartant les nuances, il semble diffi cile de se revendiquer centriste.Votre engagement procèdera cependant d’un choix réfl échi et assumé, exprimant des valeurs de tolérance et d’ouverture.Votre implication politique vous conduira au mandat de Conseiller municipal de Ramonville Saint Ange de 1989 à 1995.Vous serez élu plus jeune Conseiller régional de Midi Pyrénées, fonction que vous occuperez de 1990 à 1992.

Jean-Luc ForgetChevalier de la Légion d’honneurToulouse, 22 Novembre 2013

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24 Les Annonces de la Seine - lundi 9 décembre 2013 - numéro 70

Décoration

Vous êtes aujourd’hui Conseiller municipal de Toulouse. Vous faites mentir l’a priori selon lequel l’on ne peut à la fois se revendiquer du centre et affi cher des convictions trempées.En eff et, vous avez « combattu », au sein de votre mouvement, les tendances qui conduisaient « ponctuellement », et pour les besoins d’une élection, à s’accommoder, de loin, de certaines idées défendues par l’extrême droite.Vous paierez cette intransigeance...A l’évidence, si vous aviez fait de l’élection une fi nalité, vous vous y seriez (m’avez-vous avoué) pris autrement (...)Vous n’êtes pas venu à notre profession par accident, par hasard, vous avez toujours voulu devenir avocat !Après votre prestation de serment, en 1982, vous serez lauréat et médaille d’or de la conférence du stage.Sans perdre de temps, vous vous présenterez, dès l’expiration du délai requis, au Conseil de l’Ordre de votre Barreau dont vous assurerez le secrétariat sous la présidence, bienveillante, paternelle et parfois rugueuse du Bâtonnier Jean-Henri Farne.Dauphin de l’Ordre, vous serez la cheville ouvrière de la mise en oeuvre des décisions du Bâtonnier Matheu lors de la catastrophe de l’usine AZF le 21 septembre 2001 :- en organisant des permanences dans les quartiers,- en mettant en place, avec nos confrères, des conventions de modération de leurs honoraires,- en créant un comité de suivi.Bâtonnier du Barreau de Toulouse en 2003/2004, vous mesurerez, cette fois-ci concrètement, que la direction d’un Ordre est une expérience diffi cile à oublier, pas seulement pour les contraintes qu’elle impose mais surtout, dirai-je, pour la transformation qu’elle opère chez celle ou celui qui en est investi.L’on pense pouvoir, au début de son mandat, séparer l’activité professionnelle du bâtonnat mais, graduellement, cette fonction occupe tout l’espace (elle brûle l’oxygène disponible). Il s’opère, sans exagérer le trait, une véritable incarnation du Bâtonnier à son Ordre. C’est très probablement ce phénomène que les confrères ressentent et qui explique le respect et l’affection qu’ils témoignent à l’endroit de leur Bâtonnier. Vous serez donc le chef de l’un des premiers ordres de France, le Barreau de Toulouse, dynamique, parfois frondeur, important par le nombre de ses membres et sa renommée, situé dans une ville connue comme étant l’une des deux capitales mondiales de l’aéronautique.Vous préserverez la cohésion de cette micro société qu’est un Ordre d’avocats, tissu fragile car composé de personnalités fortes, indépendantes, convaincues de leur vérité, et traversé d’intérêts contraires.Vous affi rmerez la présence du Barreau dans votre ville afi n que l’on sache que les avocats, quel que soit leur domaine de compétence, restent des interlocuteurs immergés et nécessaires de la société dans laquelle ils vivent et travaillent.Vous exercez votre métier au sein d’une société civile professionnelle avec notre Confrère Laurent Decaunes, votre complice depuis 1982. Vous êtes liés l’un à l’autre par la confi ance et la loyauté.Vous êtes le Président en exercice de la Conférence des Bâtonniers de France et d’Outre-mer, circonstance qui impose un caractère particulier à cette cérémonie.La Conférence existe depuis cinq générations.Nos pairs l’ont créée car ils ont compris que l’élaboration de valeurs partagées ne pouvait se construire et prospérer dans un seul Barreau ; à une époque où les distances étaient grandes, les communications diffi ciles et les contraintes locales pesantes. Ils ont mesuré à quel point l’isolement était mortel et combien il était nécessaire de comprendre et de vérifi er, dans leur alter égo (l’autre Bâtonnier),

qu’il y avait non seulement un peu d’eux-mêmes mais certainement un dépassement d’eux-mêmes.Monsieur le Président, j’ai en mémoire votre propos, lors d’une réunion du Bureau de la Conférence, le 1er juin 2013, lequel exprime véritablement, à vos yeux, le sens de cette institution et le rapport très particulier qui la relie à celui qui en a la charge :« Plus on est Président, plus on avance dans son mandat, et plus la Conférence s’impose comme une évidence à la profession. Il s’agit d’un investissement affectif qui s’enrichit de la conscience de son engagement dans la géographie des Ordres.  », avez-vous dit.Il suffit de participer à l’une de ses assemblées générales pour comprendre l’alchimie qui s’y produit au-delà des débats libres et souvent passionnés qui la traversent.● Réunir, faire se connaître, approfondir une identité commune, vous avez, au cours de ces 23 mois écoulés, arpenté la France des Barreaux, faisant mentir le présupposé selon lequel, ancien Bâtonnier de Toulouse, votre attention serait principalement retenue par les Ordres numériquement importants.En réalité, vous avez démontré qu’il n’y a pas pour vous de grands et de petits Barreaux.Vous avez, ce matin, avec éloquence et émotion rappelé la hauteur de vos exigences et les valeurs que vous défendez. Aussi, je ne me livrerai pas à un fastidieux énoncé de votre action. Cependant,● Le lancement et le développement des cessions de formations avec l’aide de ceux, et notamment les membres du Bureau, qui les ont mis en oeuvre, sont un grand succès car elles répondent à un besoin pressant des Ordres.● Vous avez su tisser avec votre Bureau des liens forts et obtenir qu’il partagea votre optimisme et votre vision de l’avenir. Vous avez donné à celles et ceux qui le composent la fi erté d’en être.A son tour, ce noyau dur, qui n’est pas un lieu de pouvoir, et dont il émane, au-delà des sensibilités et des convictions personnelles, un esprit, tant de fois décrit, de liberté, de respect et de confraternité, vous a soutenu avec confi ance et détermination.● Que dire des états généraux des ordres dont vous fûtes le promoteur sinon que ce 4 octobre 2013, restera une journée exceptionnelle qui délivra à l’assistance, qui en avait un urgent besoin, un visage optimiste et créatif de notre profession.● Vous avez, dans les moments inédits voire dramatiques qu’a connu notre représentation

nationale durant les dix huit derniers mois, contribué de manière essentielle/déterminante à tenir le navire à fl ot sans jamais vous départir, dans vos écrits et vos paroles, d’un positionnement très clair quant au rôle et à la place respective de nos institutions.Vous avez incarné la lucidité, la sagesse mais aussi le courage.Soyez en vivement remercié.Monsieur le Président, votre passage dans la fonction que vous occupez, par la capacité à vous projeter, par votre intelligence politique et votre engagement, marquera la Conférence des Bâtonniers et la profession toute entière.La haute distinction que j’ai le grand honneur de vous remettre récompense un homme opiniâtre, généreux et sensible qui, au service de ses confrères, laissera, de l’accomplissement de sa mission, une empreinte profonde et durable.

Après avoir reçu une éducation marquée par le protestantisme, le respect de l’autre et la tolérance, Jean-Luc Forget a eff ectué un parcours universitaire sans faute puis a reçu, après avoir prêté serment en 1982, la médaille d’or de la Conférence du Stage ; ce jeune lauréat du concours d’éloquence du Barreau de Toulouse était donc voué à un avenir prometteur, les faits n’ont pas été démentis. Ce brillant avocat est un personnage hors du commun : depuis qu’il préside la Conférence des Bâtonniers (2012), il a imposé ses convictions tout en maintenant la cohésion malgré une conjoncture diffi cile.Démontrant qu’il savait réunir, il a incarné la lucidité et la sagesse qui refl ètent à la fois son courage, son audace, son ouverture d’esprit et ses ambitions pour sa profession.« Il a conduit le navire avec un positionnement clair » a déclaré Bernard Chambel, rien d’étonnant car ce grand juriste malgré « son tempérament inquiet d’homme solide » est à la fois optimiste, sensible, généreux, humble, dynamique, frondeur et créatif.Son sens aigu du dialogue, sa grande loyauté et ses valeurs morales sont les moteurs d’une incontestable réussite. Nous présentons nos amicales félicitations au récipiendaire, dont la forte capacité à se projeter et à défendre l’intérêt général n’a pour égale que sa passion pour la vie.2013-854 Jean-René Tancrède

Bernard Chambel, Jean-Luc Forget et à l’arrière plan Frédéric Douchez

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