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Actualités Note de pharmacovigilance Effets secondaires des anti-TNFα J.-L. SCHMUTZ (1), A. BARBAUD (1), P. TRECHOT (2) L es anti-TNFα ont actuellement deux indications essentielles : la polyarthrite rhumatoïde et la maladie de Crohn. Deux médicaments sont commercialisés : l’étanercept (En- brelt) protéine de fusion composée du récepteur soluble du TNFα et l’inflixi- mab (Remicadet) anticorps monoclo- nal chimérique. Jusqu’à présent les effets secondaires cutanés étaient rarement décrits et consistaient essentiellement en des réactions cutanées au point d’injection lors de l’utilisation de l’étanercept (20 à 42 p. 100). Avec l’augmentation du nombre de patients traités, de nouveaux effets secondaires sont rapportés dans la lit- térature. Dans un premier temps, a été signalée une augmentation de la fré- quence de majoration du titre des fac- teurs antinucléaires sous traitement. Les manifestations cliniques, par contre, semblent exceptionnelles avec cependant plusieurs cas de vascularites cutanées, de tableau de lupus induit ou de pseudolupus, soit avec l’étanercept ou plus récemment l’infliximab puis- que Ali [1] décrit le premier cas de lu- pus chez une femme de 51 ans traitée pour une maladie de Crohn colique. Après la deuxième perfusion, la pa- tiente développera un tableau d’arth- rite touchant les mains, les poignets et les épaules. Le bilan biologique confir- mera le diagnostic de lupus systémi- que. L’évolution sera favorable à l’arrêt du traitement. Les anti-TNFα diminuent l’inflamma- tion synoviale mais à contrario peuvent réactiver voire permettre le développe- ment de nodules rhumatoïdes comme le montrent Cunnane et al. [2] à pro- pos de 3 observations. Dans 2 cas les patients ont vu se multiplier leurs no- dules rhumatoïdes au niveau cutané et notamment sur les mains et les cou- des. Le troisième patient, âgé de 67 ans, a développé des nodules rhuma- toïdes intrapulmonaires. L’évolution sera favorable à l’arrêt du traitement. Sur le plan dermatologique, viennent d’être rapportés 3 cas d’érythème poly- morphe et 1 cas de réaction lichénoïde secondaires à l’infliximab [3]. Les 3 cas d’érythème polymorphe surviennent chez des patients atteints de polyarth- rite rhumatoïde ayant eu 2 à 4 cures d’infliximab. Le quatrième patient at- teint de spondylarthrite ankylosante développera une réaction lichénoïde au niveau des avant-bras 3 semaines après la deuxième cure. Compte tenu de la localisation préfé- rentielle de l’atteinte inflammatoire au niveau de la jonction dermo- épidermique dans tous les cas, sur le plan histologique, une origine immu- nologique est suspectée. Le phéno- mène est identique à celui rencontré dans les réactions du greffon contre l’hôte et les auteurs émettent l’hypo- thèse d’une immunisation contre la partie murine de la molécule d’inflixi- mab mais il est curieux de constater une réaction cutanée identique à l’éta- nercept chez un patient traité par les 2 produits. Une toxidermie bulleuse est également rapportée dans la littérature avec l’in- fliximab chez une patiente de 72 ans atteinte de polyarthrite rhumatoïde [4]. Malheureusement l’étude histologique et immunohistologique n’a pas permis de préciser le type exact de cette mala- die bulleuse. S’agissait-il d’un lupus érythémateux bulleux ? En effet sur le plan biologique existent des anticorps antinucléaires avec baisse du complé- ment total et de la fraction C3. De plus, existaient des dépôts granuleux conti- nus d’IgM le long de la membrane basale. Au même titre que sont décrits des anticorps antinucléaires induits par la stimulation antigénique, existent avec l’infliximab des anticorps antichiméri- ques dirigés contre la molécule avec risque de réaction d’hypersensibilité grave ou d’équivalent de maladie séri- que pouvant survenir en règle générale 3 à 12 jours après la perfusion. De fa- çon exceptionnelle, sont rapportés des chocs anaphylactiques quelques minu- tes après la perfusion [5]. Références 1. Ali Y, Shah S. Infliximab-induced systemic lupus erythematosus. Ann Intern Med 2002;137: 625-6. 2. Cunnane G, Warnock M, Fye KH, Daikh DL. Accelerated nodulosis and vasculitis following etanercept therapy for rhumatoid arthritis. Arth- ritis Rheum 2002;47:445-9. 3. Vergara G, Silvestre JF, Betlloch I, Vela P, Albares MP. Cutaneous drug eruption to inflixi- mab : report of 4 cases with an interface dermatitis pattern. Arch Dermatol 2002;138: 1258-9. 4. Kent PD, Davis JM, Davis MD, Matteson EL. Bullous skin lesions following infliximab infu- sion in a patient with rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 2002;46:2257-8. 5. O’Connor M, Buchman A, Marschall G. Anaphylaxis-like reaction to infliximab in a pa- tient with Crohn’s disease. Dig Dis Sciences 2002;47:1323-5. (1) Service de Dermatologie, Hôpital Fournier, 36, quai de la Bataille, 54035 Nancy Cedex. (2) Centre de Pharmacovigilance, Hôpital Central, 54000 Nancy. Tirés à part : J.-L. SCHMUTZ, à l’adresse ci-dessus. 226 Ann Dermatol Venereol 2004;131:226-7

Effets secondaires des anti-TNFα

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ActualitésNote de pharmacovigilance

Effets secondaires des anti-TNFαJ.-L. SCHMUTZ (1), A. BARBAUD (1), P. TRECHOT (2)

L es anti-TNFα ont actuellementdeux indications essentielles : lapolyarthrite rhumatoïde et la

maladie de Crohn. Deux médicamentssont commercialisés : l’étanercept (En-brelt) protéine de fusion composée durécepteur soluble du TNFα et l’inflixi-mab (Remicadet) anticorps monoclo-nal chimérique.Jusqu’à présent les effets secondairescutanés étaient rarement décrits etconsistaient essentiellement en desréactions cutanées au point d’injectionlors de l’utilisation de l’étanercept (20à 42 p. 100).Avec l’augmentation du nombre depatients traités, de nouveaux effetssecondaires sont rapportés dans la lit-térature. Dans un premier temps, a étésignalée une augmentation de la fré-quence de majoration du titre des fac-teurs antinucléaires sous traitement.Les manifestations cliniques, parcontre, semblent exceptionnelles aveccependant plusieurs cas de vascularitescutanées, de tableau de lupus induit oude pseudolupus, soit avec l’étanerceptou plus récemment l’infliximab puis-que Ali [1] décrit le premier cas de lu-pus chez une femme de 51 ans traitéepour une maladie de Crohn colique.Après la deuxième perfusion, la pa-tiente développera un tableau d’arth-rite touchant les mains, les poignets etles épaules. Le bilan biologique confir-mera le diagnostic de lupus systémi-que. L’évolution sera favorable à l’arrêtdu traitement.

Les anti-TNFα diminuent l’inflamma-tion synoviale mais à contrario peuventréactiver voire permettre le développe-ment de nodules rhumatoïdes commele montrent Cunnane et al. [2] à pro-pos de 3 observations. Dans 2 cas lespatients ont vu se multiplier leurs no-dules rhumatoïdes au niveau cutané etnotamment sur les mains et les cou-des. Le troisième patient, âgé de 67ans, a développé des nodules rhuma-toïdes intrapulmonaires. L’évolutionsera favorable à l’arrêt du traitement.Sur le plan dermatologique, viennentd’être rapportés 3 cas d’érythème poly-morphe et 1 cas de réaction lichénoïdesecondaires à l’infliximab [3]. Les 3 casd’érythème polymorphe surviennentchez des patients atteints de polyarth-rite rhumatoïde ayant eu 2 à 4 curesd’infliximab. Le quatrième patient at-teint de spondylarthrite ankylosantedéveloppera une réaction lichénoïde auniveau des avant-bras 3 semaines aprèsla deuxième cure.Compte tenu de la localisation préfé-rentielle de l’atteinte inflammatoire auniveau de la jonction dermo-épidermique dans tous les cas, sur leplan histologique, une origine immu-nologique est suspectée. Le phéno-mène est identique à celui rencontrédans les réactions du greffon contrel’hôte et les auteurs émettent l’hypo-thèse d’une immunisation contre lapartie murine de la molécule d’inflixi-mab mais il est curieux de constaterune réaction cutanée identique à l’éta-nercept chez un patient traité par les 2produits.Une toxidermie bulleuse est égalementrapportée dans la littérature avec l’in-fliximab chez une patiente de 72 ansatteinte de polyarthrite rhumatoïde [4].Malheureusement l’étude histologique

et immunohistologique n’a pas permisde préciser le type exact de cette mala-die bulleuse. S’agissait-il d’un lupusérythémateux bulleux ? En effet sur leplan biologique existent des anticorpsantinucléaires avec baisse du complé-ment total et de la fraction C3. De plus,existaient des dépôts granuleux conti-nus d’IgM le long de la membranebasale.Au même titre que sont décrits desanticorps antinucléaires induits par lastimulation antigénique, existent avecl’infliximab des anticorps antichiméri-ques dirigés contre la molécule avecrisque de réaction d’hypersensibilitégrave ou d’équivalent de maladie séri-que pouvant survenir en règle générale3 à 12 jours après la perfusion. De fa-çon exceptionnelle, sont rapportés deschocs anaphylactiques quelques minu-tes après la perfusion [5].

Références

1. Ali Y, Shah S. Infliximab-induced systemiclupus erythematosus. Ann InternMed 2002;137:625-6.2. Cunnane G, Warnock M, Fye KH, Daikh DL.Accelerated nodulosis and vasculitis followingetanercept therapy for rhumatoid arthritis. Arth-ritis Rheum 2002;47:445-9.3. Vergara G, Silvestre JF, Betlloch I, Vela P,Albares MP. Cutaneous drug eruption to inflixi-mab : report of 4 cases with an interfacedermatitis pattern. Arch Dermatol 2002;138:1258-9.4. Kent PD, Davis JM, Davis MD, Matteson EL.Bullous skin lesions following infliximab infu-sion in a patient with rheumatoid arthritis.Arthritis Rheum 2002;46:2257-8.5. O’Connor M, Buchman A, Marschall G.Anaphylaxis-like reaction to infliximab in a pa-tient with Crohn’s disease. Dig Dis Sciences2002;47:1323-5.

(1) Service de Dermatologie, Hôpital Fournier, 36,quai de la Bataille, 54035 Nancy Cedex.(2) Centre de Pharmacovigilance, Hôpital Central,54000 Nancy.

Tirés à part : J.-L. SCHMUTZ, à l’adresse ci-dessus.

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