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Annales Pharmaceutiques Françaises (2011) 69, 277—281 ARTICLE ORIGINAL Efficacité et rémission durables après traitement par imatinib mésylate pour une cardiomyopathie éosinophilique à transcrit FIP1L1—PDGFRA négatif Durable efficacity and remission after treatment with imatinib mesylate for FIP1L1—PDGFRA transcript negative associated eosinophilic cardiomyopathy Y. Sekkach , F. Mekouar, M. Jira, M. Elqatni, N. Elomri, J. Fatihi, M. Badaoui, S. Hammi, J. Smaali, A. El Khattabi, T. Amezyane, A. Abouzahir, D. Ghafir Département de médecine interne-B, hôpital militaire d’instruction Med-V, Rabat, Maroc Rec ¸u le 4 juin 2011 ; accepté le 29 juillet 2011 MOTS CLÉS Hyperéosinophilie ; Syndrome hyperéosinophilique ; Cardiomyopathie ; Transcrit FIP1L1—PDGFRA ; Imatinib mésylate Résumé Introduction. — L’hyperéosinophilie, par ses conséquences cardiaques, reste une cause majeure de morbi-mortalité. Des progrès récents ont permis d’identifier les bases physiopathogéniques de certaines hyperéosinophilies inexpliquées, permettant une meilleure classification des dif- férentes formes de syndrome hyperéosinophilique (SHE) et surtout une thérapeutique ciblée. Depuis la découverte de l’implication de tyrosine kinase et l’identification du transcrit de fusion FIP1L1—PDGFRA, de nouvelles molécules inhibant spécifiquement cette voie de prolifération (imatinib) ont été individualisées bouleversant ainsi la prise en charge diagnostique et thé- rapeutique des formes prolifératives de SHE considérées jusqu’à nos jours de très mauvais pronostic. Observation. — À la lumière de cette observation, nous rapportons l’efficacité spectaculaire de l’imatinib utilisé en deuxième intention chez une patiente atteinte d’une cardiomyopathie dilatée révélatrice d’un SHE à transcrit FIP1-L1-PDGFRA négatif. Conclusion. — Si les hyperéosinophilies ont une expression clinique et morphologique variée, leurs conséquences, notamment cardiaques, sont redoutables, et ne semblent corrélées ni aux taux sanguins d’éosinophiles ni à une étiologie particulière. Malgré l’absence d’identification du transcrit de fusion impliqué, l’imatinib mésylate reste visiblement une alternative en cas de résistance aux thérapeutiques de base. © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Service MB2, HMIMV, 10000 Rabat, Maroc. Adresse e-mail : [email protected] (Y. Sekkach). 0003-4509/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.pharma.2011.07.004

Efficacité et rémission durables après traitement par imatinib mésylate pour une cardiomyopathie éosinophilique à transcrit FIP1L1âPDGFRA négatif

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Annales Pharmaceutiques Françaises (2011) 69, 277—281

ARTICLE ORIGINAL

Efficacité et rémission durables après traitement parimatinib mésylate pour une cardiomyopathieéosinophilique à transcrit FIP1L1—PDGFRA négatif

Durable efficacity and remission after treatment with imatinib mesylate forFIP1L1—PDGFRA transcript negative associated eosinophilic cardiomyopathy

Y. Sekkach ∗, F. Mekouar, M. Jira, M. Elqatni,N. Elomri, J. Fatihi, M. Badaoui, S. Hammi, J. Smaali,A. El Khattabi, T. Amezyane, A. Abouzahir, D. Ghafir

Département de médecine interne-B, hôpital militaire d’instruction Med-V, Rabat, Maroc

Recu le 4 juin 2011 ; accepté le 29 juillet 2011

MOTS CLÉSHyperéosinophilie ;Syndromehyperéosinophilique ;Cardiomyopathie ;TranscritFIP1L1—PDGFRA ;Imatinib mésylate

RésuméIntroduction. — L’hyperéosinophilie, par ses conséquences cardiaques, reste une cause majeurede morbi-mortalité. Des progrès récents ont permis d’identifier les bases physiopathogéniquesde certaines hyperéosinophilies inexpliquées, permettant une meilleure classification des dif-férentes formes de syndrome hyperéosinophilique (SHE) et surtout une thérapeutique ciblée.Depuis la découverte de l’implication de tyrosine kinase et l’identification du transcrit de fusionFIP1L1—PDGFRA, de nouvelles molécules inhibant spécifiquement cette voie de prolifération(imatinib) ont été individualisées bouleversant ainsi la prise en charge diagnostique et thé-rapeutique des formes prolifératives de SHE considérées jusqu’à nos jours de très mauvaispronostic.Observation. — À la lumière de cette observation, nous rapportons l’efficacité spectaculairede l’imatinib utilisé en deuxième intention chez une patiente atteinte d’une cardiomyopathiedilatée révélatrice d’un SHE à transcrit FIP1-L1-PDGFRA négatif.Conclusion. — Si les hyperéosinophilies ont une expression clinique et morphologique variée,leurs conséquences, notamment cardiaques, sont redoutables, et ne semblent corrélées ni auxtaux sanguins d’éosinophiles ni à une étiologie particulière. Malgré l’absence d’identification

du transcrit de fusion impliqué, l’imatinib mésylate reste visiblement une alternative en cas derésistance aux thérapeutiques de base.© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

∗ Auteur correspondant. Service MB2, HMIMV, 10000 Rabat, Maroc.Adresse e-mail : [email protected] (Y. Sekkach).

0003-4509/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.pharma.2011.07.004

278 Y. Sekkach et al.

KEYWORDSEosinophilia;Hypereosinophilicsyndrome;Cardiomyopathy;FIP1L1—PDGFRAtranscript;Imatinib mesylate

SummaryIntroduction. — The cardiac involvement in hypereosinophilia remains a major cause of morbi-dity and mortality. Recent advances have identified new molecular mechanisms responsible forthe expansion of the eosinophilic lineage, allowing a better classification of the different formsof Hypereosinophilic syndrome (HES) and especially targeted therapy. Since the discovery ofthe involvement of deregulated tyrosine kinases in the pathophysiology of these diseases, andparticularly the identification of the fusion gene FIP1L1—PDGFRA, new molecules inhibiting spe-cifically this signaling pathway (imatinib) were individualized, leading to dramatic therapeuticbenefits in proliferative forms of HES considered before that of very poor prognosis.Case report. — We report here the dramatic effectiveness of imatinib used as second line the-rapy for dilated cardiomyopathy revealing a hypereosinophilic syndrome in a patient in whomthe search for FIP1-L1-PDGFRA fusion gene was negative.Conclusion. — If hypereosinophilia has varied clinical and morphological outcome, its clinicalconsequences, particularly on heart function, are sometimes dreadful, and are not correlatedeither with blood eosinophil levels or with a specific etiology. We report here a case of HESlacking the FIP1-L1-PDGFRA fusion gene showing that despite the absence of this moleculardefect, imatinib mesylate may have therapeutic interest in those cases of HES resistant to firstline therapies.© 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

es atteintes cardiaques induites par les hyperéosinophi-ies (HE) sont connues de longue date, surtout sous laorme appelée « endocardite fibroplastique de Löeffler ».éanmoins, la diversité des cadres nosologiques d’HE, ainsiue le polymorphisme des présentations cliniques et écho-ardiographiques confère à cette affection un caractèrerotéiforme pouvant rendre difficile son identification.

La pathogénie de ce syndrome est liée à l’infiltration mas-ive de divers organes par les éosinophiles et à la libérationu contenu de leurs granulations. Si les atteintes broncho-ulmonaires, cutanées et neurologiques demeurent les plusrécoces et les plus fréquentes, l’atteinte cardiaque resten revanche menacante et fait toute la gravité du pronostic.

Le syndrome hyperéosinophilique (SHE) a été récemmentémembré en deux entités de physiopathologie distincte :n variant d’origine lymphoïde liée à la sécrétion d’IL5 pares clones lymphocytaires et un variant d’origine myé-oïde où peut être individualisé un sous-groupe associé àa présence du transcrit FIP1L1—PDGFRA (F/P) secondaire

une délétion interstitielle de 800 kb en 4q12 [1]. Diffé-entes options thérapeutiques ont été utilisées dans cesyndromes. L’imatinib à faible dose a démontré une effi-acité spectaculaire chez les patients exprimant le transcritIP1L1—PDGFRA [2,3].

À travers cette présentation d’un cas de SHEortico-résistant à révélation cardiaque et à trans-rit FIP1L1—PDGFRA négatif (F/P−), nous insistons sur’efficacité spectaculaire et surtout prolongée de l’imatinibésylate.

bservation

ne femme de 43 ans, sans aucun facteur de risque car-iovasculaire et aux antécédents de plusieurs admissions

luc

n pneumologie pour des décompensations respiratoires’un asthme bronchique évoluant depuis 15 ans, était hos-italisée en cardiologie dans un tableau de dyspnée et’insuffisance cardiaque globale révélant une cardiomyo-athie dilatée. C’était lors d’un premier bilan biologiqueu’une éosinophilie massive était constatée, pour laquellelle fut transférée en médecine interne pour une décom-ensation cardioréspiratoire dans le cadre d’une atteinte,priori, plurisystémique. L’interrogatoire ne relevait pas

’autres antécédents personnels ou familiaux notables etn ne lui reconnaissait pas d’habitudes toxiques ni de séjourécent en zone d’endémie parasitaire.

Elle présentait depuis deux mois une altération de l’étaténéral avec anorexie et amaigrissement de 5 kg. À l’examenlinique, on notait une dyspnée stade III, un souffle sys-olique d’insuffisance mitrale fonctionnelle, un éclat de2 au foyer pulmonaire, un syndrome d’épanchement pleu-al gauche de faible abondance, des râles sibilants auxeux champs pulmonaires et une hépato-splénomégalieomogène, sans fièvre. Le bilan biologique retrouvait uneyperéosinophilie isolée à 5,8 G/L, sans anomalies desutres lignées et sans syndrome inflammatoire (protéine Céactive < 3 mg/l). En visualisant des hémogrammes anté-ieurs et datant de plus de neuf mois, on constatait déjàne éosinophilie préexistante et des chiffres variant deà 3,5 G/L. L’électrocardiogramme retrouvait une hyper-

rophie ventriculaire gauche et un bloc de branche gauchencomplet. Un complément échocardiographique confirmaita cardiomyopathie dilatée en objectivant une dilatationvidente du VG (35 mm/m2), une fraction d’éjection à5 % et une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP)vec une pression artérielle pulmonaire systolique (PAPS)

60 mmHg. Un scanner thoraco-abdominopelvien met-ait en évidence un épanchement pleural gauche sans

ésion parenchymateuse ni embolie pulmonaire associée,n épanchement péricardique circonférentiel de 5 mm nonompressif et de nombreuses adénomégalies médiastinales

ib mésylate 279

Figure 1. Évolution du nombre d’éosinophiles après différentstraitements : efficacité remarquable de l’imatinib mésylate.Er

etq

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Lud1rctlmRvccpslblir. Il varie selon les différentes formes pathogéniques,

Efficacité et rémission durables après traitement par imatin

juxtacentrimétriques. La ponction pleurale montrait unliquide citrin, inflammatoire, riche en protides (40 g/l) etconstitué en majorité de polynucléaires éosinophiles (75 %).Les examens microbiologiques et la recherche de cellulesmalignes étaient négatifs. Dans le cadre du bilan étiolo-gique de cette hyperéosinophilie, toutes les explorationsà visée infectieuse (recherche de mycobactéries dans lesexpectorations, examens parasitologiques des selles, hémo-cultures, examen cytobactériologique des urines, sérologiesVIH et des hépatites B et C, lavage bronchioloalvéolaire avecanalyse microbiologique) étaient sans anomalies. Une causenéoplasique était écartée sur les données de l’échographieabdominale, du scanner thoraco-abdomino-pelvien, de lamammographie et de la fibroscopie digestive, de mêmequ’une hémopathie sur les données des explorations médul-laires (myélogramme, analyse cytogénétique et biopsie demoelle) qui montraient une moelle réactionnelle et inflam-matoire avec une nette hyperéosinophilie. Les IgE totalesétaient à 1,5 fois la normale. Les dosages de vitamineB12 et tryptase étaient normaux. Un bilan immunologiquenégatif (anticorps antinucléaires, anticytoplasme des poly-nucléaires neutrophiles et la cryoglobulinémie) permettaitd’éliminer une maladie auto-immune et une vascularitemais sans arguments formels pour un syndrome de Churget Strauss. Devant ce tableau d’hyperéosinophilie sans étio-logie retrouvée, à manifestations cardiaques, pulmonaireset digestives, le diagnostic retenu était celui d’un SHE idio-pathique. Une corticothérapie par méthylprednisolone (1 g)pendant trois jours, relayée par de la prédnisone orale(1 mg/kg/j) ne permettait pas une amélioration complètede l’éosinophilie qui demeurait persistante (2 G/L) malgréun maintien de la prédnisone orale à la même dose pen-dant plus de six semaines. En aucun moment, l’éosinophiliene s’était normalisée. La patiente présentait une récidiveclinique (dyspnée et douleurs thoraciques positionnelles) etbiologique (aggravation de l’éosinophilie à 3,5 G/L) dès quela corticothérapie était diminuée à moins de 20 mg/jour.Compte tenu de cette corticorésistance, une recherchedu transcrit de fusion FIP1L1—PDGFRA� (F/P) sur le sangpériphérique par RT-PCR était réalisée. En l’attente du résul-tat, un traitement par imatinib mésylate était débuté à ladose de 100 mg/jour, tout en maintenant une corticothéra-pie orale à la dose de 60 mg/jour de prédnisone. Sous cetraitement, on notait une quasidisparition de la symptoma-tologie cardiorespiratoire et de l’hyperéosinophilie sanguineen moins d’une semaine (0,1 G/L), ainsi qu’une très netteamélioration des anomalies morphologiques initiales (TDMet échocardiographie) justifiant la dégression de la cor-ticothérapie orale (Fig. 1). A posteriori, le transcrit defusion FIP1L1—PDGFRA� (F/P) était revenu négatif, et lestechniques complémentaires d’hybridation en immunofluo-rescence in situ (FISH) pour la détection de la microdélétionen 4q12, de même que la recherche du profil lymphocytairesanguin aberrant par cytométrie de flux ou d’une clonalité Tétait également négatives. Compte tenu de l’évolution quidemeurait très favorable, le traitement par imatinib étaitmaintenu à la dose de 100 mg/jour, et la corticothérapiediminuée progressivement jusqu’à sevrage définitif avec unsuivi de 18 mois par rapport au début du traitement. La sur-

veillance échocardiographique ne montrait ni épanchementpéricardique ni atteinte myocardique, avec toutefois la per-sistance d’une dilatation moins marquée du VG (25 mm/m2)

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volution of the number of eosinophils upon various treatments:emarkable efficacy of imatinib mesylate.

t une amélioration de la fraction d’éjection à 45 % qui res-ait stationnaire et sans retentissement particulier sur laualité de vie.

iscussion

e SHE est un diagnostic d’exclusion à évoquer devantne hyperéosinophilie importante et persistante. Chusid l’aéfini en 1975, comme une hyperéosinophilie supérieure à,5 G/L évoluant depuis plus de six mois avec atteinte viscé-ale, sans étiologie retrouvée [4]. Il survient dans 90 % desas chez l’homme, le plus souvent entre 20 et 50 ans, excep-ionnellement chez l’enfant. Mais ce syndrome correspondui-même à un ensemble hétérogène d’affections dont lesécanismes pathogéniques sont en cours d’identification.écemment, des progrès sont en cours de réalisation enue d’une amélioration des critères de définition et delassification du SHE [5]. Deux versants pathogéniques prin-ipaux sont décrits : le versant myéloprolifératif caractériséar l’atteinte primitive des cellules myéloïdes, et le ver-ant lymphocytaire caractérisé par l’atteinte des cellulesymphoïdes. Le pronostic du SHE est très difficile à éta-

’importance de l’infiltration éosinophile — qui n’est pas cor-élée à celle de l’éosinophilie sanguine — et selon les organestteints. Le pronostic vital peut être engagé en moins de six

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ois, essentiellement par les atteintes cardiaque et neuro-ogique.

Une atteinte cardiaque est rapportée dans 54 à 73 % desas selon les séries, et conditionne souvent le pronostic [6].’atteinte endocardique est principalement due à la dégra-ulation des éosinophiles et à la libération de protéinesxtracellulaires telles que la major binding protein et la pro-éine cationique [7], qui sont responsables de la raréfactiones fibres musculaires et de l’évolution fibrosante. Commeous l’avons observé chez notre patiente, les manifestationse l’hyperéosinophilie sont volontiers multiviscérales, avecotamment une atteinte hématologique dans 95 % des casthrombopénie, anémie, splénomégalie), pulmonaire avece plus souvent une toux sèche, parfois asthmatiforme, quioit faire suspecter une maladie de Churg et Strauss. Desormes d’atteinte neurologique de type encéphalopathie,utanée, digestive, ophtalmologique ou rhumatologique ontgalement été décrites [6]. L’atteinte digestive représentectuellement la troisième complication observée après lestteintes cutanée et respiratoire qui dominent largement leableau clinique du SHE [8].

L’atteinte cardiaque, même si elle est souvent peu évo-utive, assombrit le pronostic, avec un risque d’accidentmbolique, d’insuffisance cardiaque et de recours à lahirurgie valvulaire plus important [9]. Par ailleurs, si laardiopathie à éosinophile apparaît plus sévère en cas deHE idiopathique, elle est en revanche plus fréquente etlus grave dans le SHE FIP1L1—PDGFRA� positif (F/P+). Laardiopathie éosinophilique peut se présenter selon troisspects ou stades évolutifs : la myocardite, la thrombosentra-VG et enfin la fibrose endomyocardique (terme quiemplace l’ancienne dénomination d’endocardite fibroplas-ique de Löeffler). L’endocardite fibroplastique dite deöeffler, expression la plus fréquente du SHE, est le plusouvent secondaire à une hyperéosinophilie importante etrolongée [10]. Elle domine néanmoins le tableau échogra-hique en donnant un aspect hyperéchogène du myocardet un tableau restrictif plus fréquent. C’est une fibrosendomyocardique qui s’étend aux valvules avec ou sanségétations, mais il s’agit bien de lésions fibreuses et dea même maladie. La myocardite aiguë éosinophilique estne entité rare et de mauvais pronostic. Elle se manifestear un tableau d’insuffisance ventriculaire gauche dans lesuites d’un épisode fébrile. L’ECG est peu spécifique avecn aspect S1Q3, des anomalies diffuses de la repolarisation,es troubles du rythme ou de conduction, des stigmatese nécrose myocardique. L’hyperéosinophilie est incons-ante, et l’échographie retrouve classiquement un tableaue cardiopathie hypokinétique sévère, aspécifique [10]. Leiagnostic de certitude nécessite parfois le recours à desiopsies endomyocardiques qui retrouvent un infiltrat poly-orphe avec éosinophiles défragmentés et dégranulés, undème et une nécrose myocardique avec marquage positifla major binding protein.L’évolution échographique est très variable d’un patientl’autre, des cas de thrombose ventriculaire gauche

nt été observés jusqu’à 12 ans après l’apparition de’hyperéosinophilie sanguine, soulignant l’intérêt d’une sur-

eillance échographique régulière et prolongée. Néanmoins,’étude rétrospective de Ommen, concernant 49 patientsvec SHE, les contrôles échographiques sous traitement’avaient mis en évidence aucune ou peu d’évolutivité [9].

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Y. Sekkach et al.

’IRM permet de visualiser les zones de fibrose endocardiqueous forme d’un hypersignal [11,12]. L’anatomopathologiepporte rarement le diagnostic de certitude, en dehors desas de myocardite aiguë éosinophilique.

En 2003, depuis que Cools et al. avaient individualiséu sein de ce groupe hétérogène, une entité caractéri-ée par une anomalie génétique clonale (microdélétion enq12 qui génère un transcrit FIP1L1—PDGFRA traduit en uneyrosine kinase responsable d’un signal de proliférationxcessive des éosinophiles) [13], les modalités thérapeu-iques du SHE ont évolué. L’imatinib, utilisé avec succèsans la leucémie myéloïde chronique, a démontré une effi-acité spectaculaire chez tous les patients exprimant leranscrit FIP1L1—PDGFRA et dans une proportion non négli-eable de patients exprimant le variant myéloïde sans ceranscrit, ce qui suggère l’implication d’autres tyrosinesinases non encore identifiées, l’hypothèse qui reste trèsrobable chez notre patiente. Il est donc important, faceun patient qui présente une hyperéosinophilie inexpli-

uée, d’évoquer la possibilité d’une HE ou d’une leucémiehronique à éosinophile, en ne négligeant pas l’étude mor-hologique des éosinophiles et des neutrophiles au niveauanguin et médullaire, avec le recours systématique auxechniques moléculaires (FISH, RT-PCR) pour recherchera délétion 4q12. En effet, l’existence de cette anomalieénétique justifie pleinement la mise en route d’un traite-ent par imatinib, lequel a révolutionné la prise en chargees patients atteints de cette maladie. Toutefois, certainsatients ont bien répondu au traitement par imatinib sansue l’anomalie moléculaire n’ait été retrouvée. Cela semblee plus en plus démontré, étant donné la mise en évi-ence de nouvelles mutations activatrices ponctuelles duène PDGFRA (R481G, L507P, I562M, H570R, H650Q, N659S,705P, R748G et Y849S) chez les patients négatifs au trans-rit FIP1L1—PDGFRA (F/P−) [14]. Chez notre patiente, paranque de la méthode afférente, nous n’avons pas pu tentere détecter les autres anomalies moléculaires de PDGFRA oue PDGFRB que celle que nous avons recherchée, à savoirIP1L1—PDGFRA.

Les doses d’imatinib requises dans les syndromes hyper-osinophiliques sont plus faibles que celles utilisées dansa leucémie myéloïde chronique, ce qui suggère que layrosine kinase PDGFRA soit plus sensible à l’imatinibue ne l’est abl. L’imatinib a été bien toléré cheza plupart des patients, toutefois, un risque de dégra-ulation massive des polynucléaires éosinophiles avecyocardite aiguë a été décrit à l’initiation du traitementar imatinib [15]. Les inhibiteurs de la tyrosine kinaseeuvent induire une cardiotoxicité en raison des anoma-ies structurelles mitochondriales que peuvent engendreres molécules au niveau cardiaque en provoquant uneerte et un effondrement du potentiel de la membraneitochondriale, une réduction de l’ATP contenue dans la

ellule, puis une mort cellulaire. La cardiotoxicité estont un effet secondaire imprévu de l’inhibition de c-bl par l’imatinib. Chez notre patiente, la tolérance à’imatinib était bonne, et aucun effet secondaire n’étaitignalé. Notre observation confirme l’efficacité de l’imatinib

ur l’hyperéosinophilie malgré la négativité du transcritIP1L1—PDGFRA.

Si la réversibilité des lésions cardiaques sous imatinib estncore discutée [16], il est admis que ce traitement puisse

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Efficacité et rémission durables après traitement par imatin

en suspendre l’évolution, comme cela a été le cas chez notrepatiente.

Conclusion

Depuis cette révolution sur le plan physiopathogénique, lesSHE sont actuellement mieux caractérisés. Il faut savoirrechercher systématiquement une hyperéosinophilie devanttout événement cardiorespiratoire inexpliqué en raisondu risque d’engagement immédiat du pronostic. Commel’illustre le cas rapporté ci-dessus, l’identification des bio-marqueurs pour chaque variant, et l’individualisation desautres transcrits du versant myéloïde devraient permettredans l’avenir le choix d’une thérapeutique ciblée, amélio-rant ainsi le pronostic de ces entités qui restent encoremanifestement redoutables.

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enrelation avec cet article.

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