15
DIX ANS APRÈS LA DÉCLARATION DES ÉVÊQUES DE FRANCE À DRANCY ACTES DU COLLOQUE ~ 11 DÉCEMBRE 2007 juifs et catholiques CRIF, CJE, SNRJ

Ejc livre couv2_Mise en page 1

Embed Size (px)

DESCRIPTION

ACTES DU COLLOQUE ~ 11 DÉCEMBRE 2007 DIX ANS APRÈS LA DÉCLARATION DES ÉVÊQUES DE FRANCE À DRANCY CRIF, CJE, SNRJ PRÉCISION Lors du colloque, le Grand rabbin de France était Joseph Haïm Sitruk. Enjuin 2008, Gilles Bernheim a été élu Grand rabbin deFrance et Joël Mergui, président du Consistoire central. Colloque à l’Hôtel de Ville de Paris. 11 décembre 2007 Anne Hidalgo PREMIÈRE ADJOINTE AU MAIRE DE PARIS 5 6

Citation preview

Page 1: Ejc livre couv2_Mise en page 1

D I X A N S A P R È S L A D É C L A R AT I O N D E S É V Ê Q U E S D E F R A N C E À D R A N C Y

A C T E S D U C O L L O Q U E ~ 1 1 D É C E M B R E 2 0 0 7

juifs et catholiques

CRIF, CJE, SNRJ

Page 2: Ejc livre couv2_Mise en page 1

Le Conseil représentatif des institutions juives de France(Crif), le Congrès juif européen (cje) et le Service nationalde la Conférence des évêques de France pour les relationsavec le judaïsme (snrj) remercient les orateurspour leur contribution au colloque. Cette initiative a étépossible grâce à l’hospitalité de Bertrand Delanoë, mairede Paris, et de ses collaborateurs Guillaume Houzelet Yves de Petitville. Les équipes du Crif avec son directeurgénéral Haim Musicant, du cje avec son secrétaire généralSerge Cwajgenbaum, du snrj avec le père Patrick Desbois,ont contribué au succès de cette soirée. Ce colloquea été organisé en hommage au cardinal Jean-MarieLustiger, décédé le 5 août 2007.

PRÉCISION Lors du colloque, le Grandrabbin de France était Joseph Haïm

Sitruk. En juin 2008, GillesBernheim a été élu Grand rabbin

de France et Joël Mergui, présidentdu Consistoire central.

RÉDACTION ET CONCEPTION Myriam Glikerman (CJE), Stéphanie Dassa (Crif) RÉALISATION Patricia Jezequel, Alain de Pommereau

EN COUVERTURE, DE GAUCHE À DROITE Père Norbert Hofmann, Joël Mergui, Mgr Francis Deniau, Gd rabbin PinchasGoldschmidt, Mrg Jean-Marie Lustiger, Gd rabbin Gilles Bernheim, Mrg André Vingt-Trois, Richard Prasquier,

Gd rabbin Joseph Haïm Sitruk, Mrg Olivier de Berranger

Dix ans après la Déclarationdes évêques de France à Drancy :quel dialogue pour l’avenir ?Colloque à l’Hôtel de Ville de Paris. 11 décembre 2007

Page 3: Ejc livre couv2_Mise en page 1

5

la présence dans paris de femmes et d’hommes de différentescultures, de différentes religions, est pour Bertrand Delanoë, maire de Paris,et pour nous tous, une richesse et une chance. Leurs connaissances et leurrespect mutuel sont des exigences auxquelles les élus de Paris ne peuventqu’être attentifs. C’est pourquoi le maire encourage, dans le respectdes principes de laïcité et de séparation de l’Église et de l’État, des échangesqui contribuent à rendre le vivre ensemble à Paris plus solide, plus vivant,plus fort et qui pourraient s’étendre ultérieurement – nous l’espérons–à l’islam sous des formes appropriées.

Lors des précédentes rencontres, le 4 décembre 2005, Bertrand Delanoëavait accueilli le cardinal Jean-Marie Lustiger alors archevêque éméritede Paris. Il était intervenu notamment sur la question de l’éducation et avaitune nouvelle fois marqué l’auditoire par la profondeur de son engagement,de sa réflexion sur les relations entre le judaïsme et le christianisme.

C’est avec une grande émotion que nous évoquons le souvenir vivantet très présent de Mgr Lustiger. Chacun sait la part personnelle,déterminante qu’il avait prise en France mais aussi à Rome auprès du papeJean-Paul ii, dans l’évolution des relations entre juifs et catholiques depuisla déclaration conciliaire d’octobre 1965 dont les rencontres de l’Hôtelde Ville de 2005 avaient célébré l’anniversaire.

Le cardinal Lustiger nous a quittés. De toutes parts, des hommagesont été exprimés et je me réjouis qu’un hommage particulier lui soit rendudans le cadre des rencontres entre juifs et catholiques auxquelles il a apportétoute son intelligence, sa volonté et sa foi.

Grâce au cardinal Lustiger et à de nombreuses autres personnalités tantjuives que catholiques, la France a joué un rôle majeur, un rôle pionnierdans le dialogue judéo-catholique qui se développe aujourd’hui aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Europe.

Des rencontres pour mieux vivre ensembleAnne HidalgoPREMIÈRE ADJOINTE AU MAIRE DE PARIS

I N T R O D U C T I O N

Page 4: Ejc livre couv2_Mise en page 1

6

En France la Déclaration dite de repentance de l’Église de France,prononcée à Drancy le 30 septembre 1997 par Mgr de Berranger, évêquede Saint-Denis, qui comportait la signature de tous les évêques des diocèsesoù il y avait eu pendant la guerre des camps d’internement de juifs,a été un moment décisif dans l’avancée des relations entre juifs etcatholiques dans notre pays.

Cette Déclaration soulignait notamment que «dans leur majorité,les autorités spirituelles, empêtrées dans un loyalisme et une docilitéallant bien au-delà de l’obéissance traditionnelle au pouvoir établi,sont restées cantonnées dans une attitude de conformisme,de prudence et d’abstention. Elles n’ont pas pris conscience du faitque la parole de l’Église pouvait, par son retentissement, faire barrageà l’irréparable et aussi aujourd’hui nous confessons que ce silencefut une faute».

peu d’institutions ont eu le courage de reconnaître une tellefaute dans ces circonstances. Les juifs de France ont, dès lors que ce gestefut accompli, cru à un dialogue fraternel possible. Dix ans après Drancy,où en est le dialogue entre juifs et catholiques ? Je suis convaincueque des relations fraternelles se nouent et s’approfondissent grâceà la connaissance mutuelle. Il ne s’agit pas de nier les différences maisde cerner leurs contours, d’identifier leurs contenus, de rechercherleurs origines si l’on veut prévenir tout détournement du religieux quiaboutit à des dérives menaçantes. C’est bien là où la quête humanisterejoint sans doute celle du spirituel.

J’insiste sur un sujet qui demeure majeur, la lutte contre l’antisémitisme.C’est pourquoi il faut s’attacher à trouver de nouvelles voix pour divulgueraux jeunes générations « l’enseignement de l’estime». v

Page 5: Ejc livre couv2_Mise en page 1

7

n éminent historien, Lazare Landau, a dénombré que depuis1945 il n’y avait pas eu moins de cent soixante-six déclarations et

notes de l’Église concernant le judaïsme. Toutes visaient un objectif : dé-truire ces mythes épouvantables qui ont empoisonné nos relations pen-dant des siècles. La date qui est célébrée est celle d’une repentance, quia eu lieu il y a dix ans. Chrétiens et juifs nous partageons cette démarchesublime qui consiste à reconnaître que l’on s’est trompé. Un croyantest quelqu’un qui sait revenir sur ses erreurs et s’amender. Le rapportentre l’homme et Dieu est fondé sur une relation de générosité, de com-préhension à l’égard de l’autre, et je crois que le courage dont a faitpreuve l’Église mérite d’être salué. J’ai le souvenir de la déclaration desévêques de France du 16 avril 1973 que ces derniers et le cardinal Lustiger avaient tenu à rendre publique. Ce document, exceptionnel, amarqué l’ensemble des relations entre juifs et chrétiens depuis la Seconde Guerre mondiale.

Il a, malheureusement, été peu médiatisé mais il doit être connu. Car,en combattant l’accusation de déicide lancée aux juifs jusqu’à VaticanII, les évêques de France ont eu pour la première fois le courage de par-ler d’Israël en marquant, dans la conscience chrétienne, l’acceptation duretour des juifs sur leur terre. Ce qui fut non seulement une retrouvailleaffective mais aussi un acte de foi. L’Église française prenait ainsi encompte la reconsidération doctrinale que cela impliquait.

nous pouvons être fiers et reconnaissants d’avoir en Francedes prélats de grande qualité qui ont toujours été parmi les premiers àmener ce combat – jamais terminé – pour la vérité et pour la justice. Onsait que l’ire antisémite est souterraine, invisible et qu’elle nous échappeà chaque instant. Mais que faire d’autre que de la combattre par une

Joseph Haïm SitrukGRAND RABBIN DE FRANCE

LE RETOUR DES JUIFS SUR LEUR TERRE :UN ACTE DE FOI

Page 6: Ejc livre couv2_Mise en page 1

8

quête permanente de sincérité et de vérité nous permettant de résoudretous les problèmes et de montrer, comme le dit le Cantique des Cantiques,que l’amour est plus beau et plus fort que tout.

Je voudrais conclure par une phrase d’un rabbin qui m’a beaucoupinspiré, le rabbi Nahman de Bratslav : «Le monde est rempli de lumière,mais il suffit de fermer les yeux pour ne pas s’en apercevoir.» Nous avons ou-vert les yeux. v

Page 7: Ejc livre couv2_Mise en page 1

9

e commentaire que nous lisons actuellement dans nos syna-gogues décrit une rencontre extraordinaire. Celle de deux frères ayant

le même père et la même mère, qui ont traversé des tunnels d’incom-préhension et une obscurité si dense qu’elle les a conduits à une guerrefratricide. Ce fut d’abord une affaire de droit d’aînesse, puis une affairede bénédiction. Esaü voulut détruire Jacob par esprit de vengeance etparce qu’il souhaitait vivre selon une certaine vision qu’il avait du monde.La rencontre fut très difficile et la relation qui a duré une vingtaine d’an-nées fut une relation d’absence. Jacob a quitté le foyer paternel, Esaüaussi, mais pour aller sur la terre d’Edom.

Après vingt années de séparation, Jacob veut revenir, et à son retour iln’a qu’une envie, rencontrer son frère. Mais il en a peur. Chacun sait quele temps exacerbe parfois les incompréhensions et les haines quand il n’ya pas de dialogue. Jacob, terrorisé, avance et arrive. Il veut voir son frère.Pendant la nuit, il se confronte à un ange qui a l’aspect d’un diable, maisc’est un ange de Dieu. Jacob lutte avec lui toute la nuit. Au matin,lorsqu’ils se séparent, il demande à l’ange de le bénir. L’ange le bénit etle nomme non pas Jacob mais Israël. Dans cette lutte fratricide, qui s’estterminée au petit matin, Jacob s’est brisé le pied, il boîte.

Plus tard dans la journée, il rencontre son frère Esaü. Après vingt années de séparation et de haine, ce moment exceptionnel marque lafraternité retrouvée. Ils s’embrassent. Que dit Jacob à Esaü? Le texte écriten hébreu est évocateur et poignant : «Voilà que je te vois et je vois ton visage comme le visage du messager de D. que j’ai vu pendant la nuit.» Unmessage de bonheur et d’espoir : que la guerre fratricide entre Jacob etEsaü ne soit pas éternelle.

Jacob est Israël ; Esaü, dans la tradition juive, symbolise le mondechrétien. Jacob et Esaü vont se rencontrer et s’embrasser. Le juif va dire

David Messas GRAND RABBIN DE PARIS

LUTTER CONTRE TOUSLES INTÉGRISMES

Page 8: Ejc livre couv2_Mise en page 1

10

au catholique : «Je vois ton visage comme le visage du messager de D.». Cetterencontre permet aux uns et aux autres, juifs ou chrétiens de dire : « Cha-cun porte en lui l’image de D.»

L’image de Dieu qui est en lui, c’est l’image de deux personnes, deuxfrères, qui se livrèrent une guerre fratricide, certes la plus meurtrière desguerres, mais qui n’est pas éternelle. Finalement, nous nous retrouvons,nous nous embrassons et même si nos chemins ne se croisent pas, ils demeurent parallèles. Ils nous conduisent au même endroit, à la mêmehauteur, vers le même destin et le même salut.

nous travaillons dans le cadre du consistoire avec une com-mission qui a longtemps collaboré avec le cardinal Lustiger, la commis-sion pour les relations avec les autres religions. Avec la commissionépiscopale et des rabbins, nous sommes arrivés à la même conclusion.Les questions théologiques nous séparent, c’est évident. C’est pour cetteraison qu’il y a deux religions. Par contre, nous avons une importanteresponsabilité commune. La voix religieuse, la voix divine, celle qui s’exprime à travers les responsables religieux, a aujourd’hui quelquechose à dire à la communauté humaine.

Nous ne pouvons pas être absents de la métamorphose que subit lemonde à travers cette course effrénée à la mondialisation, cette recherchedu plaisir, ces déviations qui existent et qui font que le monde actueln’est pas toujours présentable devant le visage de Dieu

Le peuple juif, la religion juive et la religion catholique vont se ren-contrer parce qu’ils ont une même responsabilité dans de nombreux domaines : la vie de la société, le vivre ensemble, l’enseignement de la religion, les fondements des valeurs juives et ils partagent une valeur éter-nelle que je qualifierais de référence inévitable : leur essence religieuse etspirituelle.

Les enfants aiment chanter, ils aiment croire, ils ont besoin d’imagi-nation. Cet enseignement qui a disparu du monde de la laïcité – mal com-prise – doit revenir à l’école et aux enfants. Le respect du prochain commeétant le visage de Dieu, est quelque chose que nous devons développer ensemble et qui sera un lieu de convergence pour le dialogue judéo-chré-tien. L’idée est de retrouver la véritable signification de la laïcité, en par-ticulier du droit des minorités. Croire que quelqu’un ne peut profiter que

“Nous avons une lutte commune, extrêmementimportante, la lutte contre tous les intégrismes.La religion doit être une religion d’ouverture.

Page 9: Ejc livre couv2_Mise en page 1

28 MAI 2006Le papeBenoît XVIau campde Birkenau(Pologne),devant lespierres gravéesen vingt-deuxlangues, àla mémoiredes victimesde ces camps. GIANCARLO GIULIANI/CPP/CIRIC

12 MAI 2009Le pape glisseun messagede prière dansune fissuredu Muroccidental.ALESSIA GIULIANI/CPP/CIRIC

Page 10: Ejc livre couv2_Mise en page 1
Page 11: Ejc livre couv2_Mise en page 1

1956 (CI-CONTRE) Jean-Marie Lustiger au lac de Tibériade. 1983 (CI-DESSUS) À Auschwitz-Birkenau.2004 Avec le rabbin Israël Singer, pendant les rencontres judéo-catholiques à New York.

Page 12: Ejc livre couv2_Mise en page 1
Page 13: Ejc livre couv2_Mise en page 1

JUIN 1987 (À GAUCHE) Le pape Jean-Paul II au campdeMajdanek,en Pologne. GIANCARLO GIULIANI/CPP/CIRIC

23 MARS 2000(À DROITE) Jean-Paul II au Muroccidental,à Jérusalem.CPP/CIRIC

11 MAI 2009 (CI-DESSOUS À GAUCHE)Benoît XVI etIsraël Méir Lau,président deYad Vashemet Grand rabbinde Tel Aviv,au mémorialde la ShoahYad Vashem,à Jérusalem. ALESSIA GIULIANI/CPP/CIRIC

1986 (CI-DESSOUS À DROITE)Jean-Paul II etle Grand rabbinElio Toaff à Romedevantla synagogue.

Page 14: Ejc livre couv2_Mise en page 1

30 SEPTEMBRE 1997: DÉCLARATION DE REPENTANCE DES ÉVÊQUES DE FRANCE À DRANCY (CI-DESSUS)Mgr Olivier de Berranger, évêque de Saint-Denis en France, lit la Déclaration. Parmi les auditeurs :Joseph Haïm Sitruk, Grand rabbin de France ; Jean Kahn, président du Consistoire central de France ;

Page 15: Ejc livre couv2_Mise en page 1

ALAI

N P

INO

GES

/CIR

IC

ALAI

N P

INO

GES

/CIR

IC

Henri Hajdenberg, président du Crif ; Avi Pazner, ambassadeur d’Israël en France ; RobertBadinter et Simone Veil, anciens ministres. (CI-DESSOUS) Henri Hajdenberg lit la réponseà la Déclaration face au cardinal Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris (AU CENTRE).