El Okbani Memoire Master 2 Droit Maritime Et Des Transports

Embed Size (px)

Citation preview

Universit Paul Czanne Aix Marseille III Facult de Droit et de Science Politique Centre de Droit Maritime et des Transports

LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME DANS LE TRANSPORT MULTIMODAL

Mmoire de Master II professionnel de Droit Maritime et des Transports Prsent par Ansam EL OKBANI Sous la Direction de Matre Christian SCAPEL

Anne Universitaire 2008/2009

- Lavenir nest jamais que du prsent mettre en ordre. Tu nas pas le prvoir, mais le permettreAntoine de Saint-Exupry

1

Abstract

Notwithstanding the fact that multimodal transport has always existed, no uniform liability regime exists at present. The lack of uniformity, preventing multimodal operators from fulfilling their obligations in a safe legal environment, results in the proliferation of international conventions and national laws, in addition to contractual rules. Through this essay, our aim is to emphasize the need for international uniform liability rules to be adopted, in order to put an end to the present uncertainty.

*Le transport multimodal prsente la caractristique suivante : il a toujours exist et pourtant il ne bnficie toujours pas de rgime juridique uniforme permettant lacheminement des marchandises en toute scurit. Cette lacune dont souffre le transport multimodal conduit lapplication de divers textes, nationaux ou internationaux, conventionnels ou contractuels, aux diffrentes phases constituant le transport multimodal. Lobjet du prsent mmoire est de mettre en relief la diversit des textes applicables au rgime du transporteur maritime dans le transport multimodal, dmontrant la ncessit de ladoption de rgles internationales uniformes.

2

Remerciements

Je tiens adresser mes plus sincres remerciements Matre Christian Scapel et Monsieur le Professeur Pierre Bonassies, ainsi qu Monsieur le Professeur Philippe Delebecque, pour la qualit de leur enseignement et leur facult de transmettre leur passion pour le monde des transports.

Je tiens tout particulirement exprimer mes plus vifs remerciements Matre Henri Najjar pour son soutien prcieux, ses conseils toujours trs apprcis et sa porte constamment ouverte.

A mes parents, A Nostrum

3

SommaireAbstract2 Remerciements3 Sommaire.4 Introduction Rgime de responsabilit du transporteur multimodal : le rgne de lincertitude...5 Chapitre 1 Nature de la responsabilit du transporteur maritime dans le transport multimodal 12 Section 1 Responsabilit de plein droit 12 Section 2 Causes dexonration 23 Section 3 Limitation de responsabilit 29 Chapitre 2 Rgime de responsabilit du transporteur maritime dans le transport multimodal Section 1 Responsabilit du transporteur maritime organisateur de transport multimodal en droit franais : le rgime de la commission de transport 37 Section 2 Responsabilit du transporteur maritime organisateur de transport multimodal : les rgles internationales applicables 43 37

Chapitre 3 Mise en uvre de la responsabilit du transporteur maritime dans le transport multimodal 53 Section 1 Titulaire du droit daction 53 Section 2 - Dlais de prescription Section 3 Recours contre les substitus Section 4 Comptence Conclusion 59 66 70 73

Bibliographie 76

4

INTRODUCTION Rgime de responsabilit du transporteur multimodal : le rgne de lincertitude

Ds la fin du XXme sicle, la globalisation a pris un tournant majeur. Lchange dinformations facilit par les nouvelles technologies, les investissements accrus ltranger, le dveloppement important du commerce international, ont conduit affirmer que la globalisation a favoris la croissance. Ces dernires annes, une donne essentielle a modifi la nature des changes commerciaux internationaux : lmergence de nouveaux pays tels que la Chine, lInde ou le Brsil.

Cet change des richesses naurait pu avoir lieu sans transport. En effet, commerce international et transport international, et plus prcisment transport par voie maritime, sont intrinsquement lis. Ainsi, 80% des marchandises transportes dans le cadre du commerce mondial sont achemines par mer.1 La mondialisation de la production accrot les besoins de transport. Linterdpendance existant entre commerce international et transport international trouve une illustration dans la crise qui touche le monde depuis quelques mois. En tmoigne le dsarmement de milliers de navires actuellement, faute de fret ou de rentabilit. Le transport de marchandises par conteneurs est celui qui subit, en nombre de navires, la crise de plein fouet.2 En outre, il est patent que sans services de transport efficaces, il ne peut y avoir dchanges commerciaux russis. Cet objectif peut tre atteint par le biais de la logistique. La logistique ne correspond pas une activit mais une fonction dorganisation de lentreprise dont la dfinition peut varier fortement suivant les pays et les cultures. On a gnralement mis en place dans tous les pays une fonction logistique prise dans le sens de gestion, dorganisation et de synchronisation des flux (physiques ou informationnels pour les donnesCommunication de la Commission au Parlement europen, au Conseil, au Comit conomique et social europen et au Comit des rgions, Objectifs stratgiques et recommandations concernant la politique du transport maritime de lUE jusquen 2018, COM (2009) 8 final, Bruxelles, le 21.1.2009. 2 Le Marin, n 3237, 24 juillet 2009.1

5

associes ces flux physiques) avec un mode dorganisation fond sur le Supply Chain Management qui repose sur la vision globale des flux, des fournisseurs initiaux jusquaux clients finaux. Le rle de la logistique est devenu central car elle est devenue le premier vecteur de performance de lentreprise.3 La logistique du transport de marchandises, notion couvrant la planification, lorganisation, la gestion, le contrle et lexcution des activits de transport de marchandises dans la chane dapprovisionnement4, permet damliorer lefficacit des diffrents modes de transport et de leurs combinaisons.

Le transport international implique diffrentes phases dans le pays dorigine, dans le pays de transit ou dans le pays de destination finale de la marchandise. Cette situation cre un certain nombre de difficults car les ayants droit la marchandise traitent avec diffrents oprateurs de transport mais ne savent pas toujours qui est le vritable responsable de la bonne arrive des marchandises destination. Sachant que les cultures, les langues et les usages commerciaux diffrent sensiblement dune partie une autre du monde, et rendent encore plus complexe lopration de transport international, il est lgitime de penser que les ayants droit la marchandise prfreraient traiter avec un seul oprateur qualifi qui organiserait et, surtout, serait responsable de la chane de transport tout entire.

La description du transport international de marchandises telle quelle vient dtre prsente ci-dessus correspond celle du transport multimodal et montre les difficults engendres par ce type de transport. Le concept de transport multimodal couvre le transport door to door (porte porte) sous la responsabilit dun unique oprateur de transport. Ce concept nest pas nouveau mais il a connu un rel essor avec le dveloppement de lutilisation des conteneurs, initi la fin des annes 1950 par Malcolm McLean. Cest ce changement technologique qui est lorigine du dveloppement du multimodalisme. Le dveloppement de conteneurs standardiss a permis de transporter les marchandises sur de longues distances sans quune manutention de la marchandise ne soit ncessaire et en passant facilement dun mode de transport un autre. Le multimodalisme a galement t aid par le dveloppement de navires porte-conteneurs de plus en plus puissants et dune taille toujours plus grande.

3 4

Lamy Logistique, Etude 105-2, Lenjeu stratgique de la fonction logistique dans lentreprise. La logistique du transport de marchandises en Europe, la cl de la mobilit durable, Communication de la Commission au Conseil, au Parlement europen, au Comit conomique et social europen et au Comit des rgions, COM(2006) 336 final, Bruxelles, le 28 juin 2006.

6

La Court of Appeal britannique stait prononce sur ce qui tait dj une opration de transport multimodal, en 1876.5

En se fondant sur les conditions actuelles de transport unimodal, les oprateurs de transport ont dvelopp des systmes de transport afin de rpondre aux exigences des consommateurs, offrant des services comptitifs et ainsi rendant le commerce plus efficace travers des services de transport multimodal.

Toutefois, lharmonisation du transport multimodal sur le plan technique ne se retrouve pas sur le plan juridique. Le transport multimodal souffre en effet de labsence dune convention internationale offrant la scurit juridique dont ont besoin les diffrents acteurs du transport multimodal. Aucune rgle uniforme nexiste actuellement ; de ce fait, sappliquent les conventions unimodales et les lois nationales, avec les risques de conflits que lon peut facilement imaginer. En effet, en matire de transport multimodal, les droits nationaux sont trs divers. Seul le droit allemand connat, depuis la rforme de 1998, un statut cohrent du transport multimodal - statut auquel il peut tre conventionnellement drog.6 Le dfaut de convention internationale explique sans aucun doute la rticence des oprateurs de transport conclure des contrats de transports multimodaux, reposant sur un contrat.7

Faute de texte spcial rglant lensemble du dplacement et des difficults juridiques quil pose, de nombreuses solutions sont concevables.8 Ainsi, on peut laisser les diffrentes oprations de transport voluer chacune de leur ct : les rgles applicables sappliqueront ainsi de manire distributive, le droit arien pour la partie arienne, le droit maritime pour la partie maritime, etc.9

5

Arrt Morr v. Harris, 1876 1 A.C. 318 : tait en cause un transport maritime de Londres Montral, suivi dun transport ferroviaire de Montral Toronto. Pierre Bonassies, U.A.E. : Le transport multimodal en Europe, Revue Scapel, 2001, p. 197. 6 Pierre Bonassies, U.A.E. : Le transport multimodal en Europe, Revue Scapel, 2001, p. 197.7

Larmateur et le transport multimodal transmaritime, les aspects commerciaux et juridiques, Franoise ODIER, Le transport multimodal transmaritime , sminaire de formation CECE/CSTI. IMTM. Le transport multimodal, Philippe Delebecque, Revue internationale de droit compar, anne 1998, volume 50, n 2, p. 528. Le transport multimodal, Philippe Delebecque, Revue internationale de droit compar, anne 1998, volume 50, n 2, p. 528.

8

9

7

On peut galement choisir dappliquer des rgles identiques aux diffrents transports, do lide de couvrir les oprations par un titre unique. Si les transports sont homognes, les transporteurs seront alors tenus solidairement envers leurs co-contractants. Mais si les transports sont combins ou mixtes, les transporteurs ne seront tenus que conjointement et, par consquent, les garanties offertes aux ayants droit resteront insuffisantes.10

Dans le transport successif de marchandises, la mme marchandise est prise en charge par plusieurs transporteurs dont les contrats sont juxtaposs, chacun ayant son propre rgime. Les transporteurs demeurent indpendants les uns des autres.11 Les transports successifs peuvent tre homognes et ainsi soumis un mme rgime juridique : plusieurs transports ferroviaires vont, par exemple, circuler sous une mme lettre de voiture internationale. Le plus souvent, les transports successifs sont combins et par l soumis des rgles chaque fois diffrentes : transport routier interne, puis soumis la CMR ; transport mixte, cest--dire ralis par des modes diffrents (rail, puis route) ; ou mme transport superpos (ferroutage).

Dun point de vue juridique, quoi correspond le transport multimodal ? Comme son nom lindique, le transport multimodal est le transport qui ralise un dplacement de la marchandise par au moins deux modes de transport diffrents. Diverses expressions sont utilises pour parler de transport multimodal : transport combin, mixte, transmodal, intermodal, ou encore amodal. Pour Me Jacques Bonnaud, rien ne vaut la simplicit : ces appellations tant synonymes, autant sen tenir au terme multimodal qui a le mrite de la clart.12

Le contrat de transport multimodal, comme le contrat de transport unimodal, se matrialise dans un connaissement. Le souci du chargeur de disposer dun document unique sappliquant aux modes successifs de transport utiliss, et couvrant la marchandise depuis sa prise en charge jusqu sa livraison finale, est certainement lune des raisons du dveloppement du transport multimodal .13 Les armateurs ont dabord utilis le connaissement direct (Through bill of lading), contrat de transport maritime effectu par10

Le transport multimodal, Philippe Delebecque, Revue internationale de droit compar, anne 1998, volume 50, n 2, p. 528. Le transport multimodal, Philippe Delebecque, Revue internationale de droit compar, anne 1998, volume 50, n 2, p. 527. Multimodal/Logistique, Le temps du droit, Marie TILCHE, BTL n 2879, 5 fvrier 2001. Trait de droit maritime, Pierre Bonassies, Christian Scapel, p. 780, n 1214, LGDJ, dition 2006.

11

12 13

8

plusieurs transporteurs maritimes. Par la suite, il a galement t utilis pour couvrir des transports multimodaux transmaritimes. Aujourdhui, on parle davantage de connaissement combin (Combined bill of lading). Les lignes maritimes ont mis des connaissements de transport combin donnant une dfinition de celui-ci et prvoyant les rgles applicables la responsabilit du transporteur.14

Le problme pos par le transport multimodal est donc le suivant : Comment raliser lacheminement des marchandises, en toute scurit, en utilisant un document unique de transport et au moins deux modes de transport diffrents ?

Un bref historique des textes adopts en matire de transport multimodal simpose. Ds 1965, le Comit Maritime International (CMI) a entrepris dlaborer un rgime juridique pour le transport multimodal. Les Rgles de Tokyo de 1969 en constituent laboutissement. Un projet de Convention sur le transport combin de marchandises (TCM) a ensuite t prsent en 1971, sous les auspices de lInstitut International pour lunification du droit priv (UNIDROIT), mais qui est demeur au stade prparatoire. Le 24 mai 1980, lActe final de la Confrence des Nations Unies pour llaboration dune Convention sur le transport multimodal international de marchandises a t adopt. Cette Convention repose sur les Rgles de Hambourg, le projet TCM et les Rgles uniformes de la CCI relatives un document de transport combin de 1975. En 1992, Les Rgles CNUCED/CCI, constituant la base de rfrence pour la plupart des connaissements de transport multimodal actuellement, ont t adoptes.

Sagissant du droit conventionnel positif, les Rgles de Hambourg prvoient expressment quen cas de transport multimodal transmaritime, elles ne sappliquent qu la partie maritime du trajet. Seules quelques conventions internationales unimodales font rfrence au transport multimodal : la Convention de Varsovie (article 31), la CMR (article 2), la Convention de Berne sur les transports ferroviaires internationaux (articles 2 et 63). Lavenir est peut-tre symbolis par les Rgles de Rotterdam15. A loccasion de sa 29me session, en 1996, la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce International

14 15

Par exemple, P&O Nedlloyd Bill; K Line Bill of Lading; Multidoc 95. Convention sur les contrats internationaux de transport de marchandises effectu entirement ou partiellement par mer.

9

(CNUDCI) a tudi une proposition tendant inscrire son programme de travail un exam des pratiques et lois actuelles dans le domaine du transport international de marchandises par mer, en vue de dterminer sil tait ncessaire de repenser la matire. Aprs avoir constat les lacunes et surtout lclatement du droit positif, la Commission a donn mandat au Comit Maritime International (CMI) pour tablir, avec laide dun certain nombre dorganismes spcialiss (Union Internationale dAssurances Transports, Fdration Internationale des Associations de Transitaires et Assimils FIATA -, Chambre internationale de la Marine Marchande ICS - ), un projet d instrument sur le transport de marchandises par mer , cest--dire un projet de porte internationale sur le transport maritime de marchandises. Le CMI, aprs avoir consult les Associations nationales de droit maritime, dont lAssociation franaise (lAFDM), aprs avoir pris le soin dorganiser deux importants colloques, New York, puis Singapour, a remis la CNUDCI un premier texte auquel la Commission a port la plus grande attention. A telle enseigne que la Commission, aprs rflexion et quelques observations complmentaires, a dcid de constituer un groupe de travail pour examiner ces dispositions dans la perspective de proposer une nouvelle convention internationale sur le transport maritime de marchandises16. Cette Convention se veut multimodale : elle couvre ncessairement le trajet maritime dans la mesure o il est international, mais aussi, si lopration est ainsi conue, les segments terrestres, quelle que soit leur importance, quel que soit leur rgime, interne ou international, qui le prcdent ou lui succdent.

Des solutions rgionales sont galement proposes. Le Rglement (CE) n 1692/2006 du Parlement europen et du Conseil, du 24 octobre 2006, tablissant le deuxime programme Marco Polo pour loctroi dun concours financier communautaire visant amliorer les performances environnementales du systme de transport de marchandises (Marco Polo II), et abrogeant le rglement (CE) n 1382/2003, est entr en vigueur le 14 dcembre 2006 (JO L 328 du 24 novembre 2006). Le programme Marco Polo II (2007-2013) vise dplacer les marchandises de la route vers des modes plus compatibles avec lenvironnement. Le transport routier de marchandises dpend largement des nergies fossiles contribuant fortement la production de CO2. Il doit en outre faire face au problme de lengorgement des infrastructures. Dans ce contexte, un recours plus fort lintermodalit est ncessaire

16

Philippe Delebecque, Les premiers travaux de la CNUDCI sur le projet prliminaire dinstrument relatif au transport de marchandises par mer, Revue Scapel, 2002, p. 84.

10

puisquelle se sert des ressources existantes grce lintgration du transport maritime courte distance, du rail et du transport fluvial dans la chane logistique.17

Sagissant des acteurs du transport multimodal, ce sont les oprateurs des diffrents transports unimodaux. Toutefois, un acteur est spcifique au transport multimodal. Il sagit de lorganisateur de transport multimodal, encore appel entrepreneur de transport multimodal (ETM). La Convention multimodale de 1980 dfinit lETM comme toute personne qui conclut un contrat de transport multimodal pour son propre compte ou par lintermdiaire dun tiers qui nagit pas en tant que prpos ou mandataire de lexpditeur ou des transporteurs participant aux oprations de transport multimodal et qui assume la responsabilit de lexcution du contrat. LETM peut tre un transporteur maritime, arien ou terrestre, qui dcide de prendre galement en charge lorganisation du transport de bout en bout, mais il peut galement sagir uniquement dun organisateur de transport. Dans le premier cas, le transporteur effectue lui-mme la partie du trajet correspondant son activit et sous-traite dautres transporteurs utilisant dautres modes de transport le reste du transport. Mais cest le transporteur qui met le titre unique de transport. Dans le second cas, il sagit dun auxiliaire de transport. En ralit, lETM organisateur de transport correspond tout simplement au commissionnaire de transport, bien connu du droit franais. Il convient de souligner que le prsent mmoire ne traite pas de lassurance en matire de transport multimodal, du fait de la particularit du sujet qui mriterait un examen dtaill.

Lobjet de notre mmoire est de mettre en vidence les difficults juridiques engendres par labsence de texte international uniformisant le rgime applicable au transporteur maritime dans le cadre du transport multimodal. Avant de nous intresser au rgime juridique applicable au transporteur maritime dans le cadre dun tel transport (Chapitre 2), nous devons, au pralable, dfinir la nature dune telle responsabilit (Chapitre 1). Par la suite, nous procderons lexamen des diffrentes manires dont la responsabilit du transporteur maritime peut tre mise en uvre dans le cadre dun transport multimodal (Chapitre 3).

17

Site Internet europa.eu

11

CHAPITRE 1 NATURE DE LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME DANS LE TRANSPORT MULTIMODAL

Ltude de la nature de la responsabilit du transporteur maritime dans le transport multimodal conduit se poser la question de savoir sil sagit dune responsabilit de plein droit ou dune responsabilit fonde sur la faute (Section 1), examiner les cas exonratoires de responsabilit (Section 2) ainsi que les diffrentes limitations applicables au transporteur maritime (Section 3).

SECTION 1 : RESPONSABILITE DE PLEIN DROITIl convient dexaminer les rgles applicables au transporteur maritime en qualit de commissionnaire de transport (I) puis celles qui lui sont applicables en qualit dentrepreneur de transport multimodal (II).

I.

REGLES APPLICABLES AU TRANSPORTEUR MARITIME EN QUALITE DE COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

Nous devons nous intresser au transport multimodal organis par un commissionnaire de transport (A) ainsi que celui organis par un transporteur maritime (B).

12

A. LE TRANSPORT MULTIMODAL ORGANISE PAR UN COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

1. Principes de responsabilit du commissionnaire de transport. Les principes de responsabilit du commissionnaire de transport sont fixs par les articles L.132-4 L.132-6 du Code de commerce.18 Il en ressort cinq lments fondamentaux du rgime de responsabilit du commissionnaire de transport : (1) le commissionnaire de transport est tenu dune obligation de rsultat envers son client, sa responsabilit est donc, la base, identique celle du transporteur ; (2) dans le cadre de cette obligation de rsultat, le commissionnaire de transport assume une double responsabilit, de son fait personnel et du fait de ses substitus19 ; (3) lorsquil est recherch en raison du fait dun substitu, le commissionnaire de transport ne peut pas tre plus responsable vis--vis de son client que le substitu fautif ne lest lgalement envers lui-mme ; (4) garant de ses substitus, le commissionnaire de transport dispose dun recours leur encontre ; (5) contrairement celle du voiturier, la responsabilit du commissionnaire de transport nest pas dordre public, ce qui lautorise dcliner toute garantie pour telle ou telle opration particulirement dlicate20.

2. Obligation de rsultat. Prsomption de responsabilit. Les dispositions du Code de commerce emploient de manire rpte le terme garant , manifestant la nature de lobligation qui pse sur le commissionnaire de transport, savoir une obligation de rsultat. Or, le corollaire de lobligation de rsultat est la prsomption de responsabilit. Cela signifie que le commissionnaire de transport, qui est tenu de la bonne excution du transport de bout en bout, sera dclar, de manire automatique, responsable du dommage, perte ou retard subi par la marchandise et constat larrive de celle-ci. Ainsi, la faute du commissionnaire de transport na pas tre prouve. En effet, celle-ci stablit delle-mme du seul fait de lexistence de dommages la livraison. Par suite, le commissionnaire de transport voit saArticle L. 132-4 du Code de commerce : Il est garant de larrive des marchandises et effets dans le dlai dtermin par la lettre de voiture, hors les cas de la force majeure lgalement constate. Article L. 132-5 : Il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, sil ny a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure. Article L. 132-6: Il est garant des faits du commissionnaire intermdiaire auquel il adresse la marchandise. 19 Il sagit l dun systme spcifiquement franais ; dans nombre de pays voisins, le commissionnaire nassume au contraire quune simple obligation de moyens et ne rpond que de ses fautes personnelles. En effet, le Spediteur allemand, le Freight forwarder britannique ou lExpditeur belge ou nerlandais assument une responsabilit beaucoup moins tendue que leurs homologues franais. En particulier, ils ne sont pas garants de leurs substitus et cest donc au client de faire son affaire du recours contre ces derniers. Ils ne rpondent que de leurs fautes personnelles. 20 Lamy Transport, Tome 2, d. 2009, n 95.18

13

responsabilit engage. En outre, le commissionnaire de transport ne peut se librer en dmontrant que ni lui ni ses substitus nont commis de faute. Il doit, au contraire, tablir que la perte, lavarie ou le retard provient dune des causes dexonration accordes par la loi21.

3. Responsabilit pour faute du commissionnaire de transport en cas de dommages au moyen de transport. En 200422, la Cour de cassation nonait le principe suivant : le commissionnaire de transport qui agit en son propre nom est responsable envers le transporteur des dommages causs par la marchandise au moyen de transport . Ainsi, la Cour de cassation a fait peser sur le commissionnaire de transport une prsomption de responsabilit en cas de dommages causs par la marchandise au moyen de transport. La dcision de renvoi, sans saligner strictement sur cette jurisprudence mais faisant du commissionnaire de transport un garant de son commettant devant tre regard du point de vue de sa responsabilit envers le transporteur comme le serait lexpditeur, sest toutefois faite casser. Il est donc raisonnable de penser que la Cour de cassation en revient dsormais lorthodoxie de la responsabilit pour faute.23

B. LE TRANSPORT MULTIMODAL ORGANISE PAR UN TRANSPORTEUR MARITIME

4. La qualit de commissionnaire de transport du transporteur maritime. En cas de connaissement direct couvrant le transport de bout en bout, jusqu la livraison en un point de lintrieur, le transporteur maritime cesse davoir cette qualit au port de dbarquement et il devient commissionnaire de transport lorsquil se charge de faire excuter le transport terrestre terminal. Larmement ne peut se voir attribuer la qualit de commissionnaire de transport que si cest lui qui a choisi lentreprise excutante du transport terrestre initial ou terminal, ou sil dmontre tre expditeur ou destinataire du contrat de transport. Lorsque les dommages sont constats au port darrive, la responsabilit de larmement doit sapprcier en fonction de sa qualit de transporteur maritime, mme sil sest charg du pr-acheminement jusquau port dembarquement. Le Professeur Pierre Bonassies qualifie alors ce transporteur de transporteur-organisateur , par opposition la seconde catgorie dacteurs du transport multimodal transmaritime, savoir les intermdiaires

21 22

Lamy Transport, Tome 2, d. 2009, n 98. Cass.com., 14 janv. 2004, n 02-13.587, Bull. civ. IV, n12, BTL 2004, pp. 60 et 70, en extrait. 23 Lamy Transport, Tome 2, d. 2009, n 98.

14

de transport, quon les qualifie de commissionnaires ou dorganisateurs de transport multimodal24.

Il convient de rappeler la jurisprudence rcente qui a dcid que lentreprise de transport qui sous-traite ne devient pas de facto commissionnaire de transport. En effet, la Cour de cassation25 a jug que la substitution dun transporteur sans accord de son donneur dordre ne change pas la qualit de celui qui procde cette substitution 26.

Un arrt rcent a permis de rappeler le rle de certains documents lorsque le dplacement de la marchandise seffectue laide dau moins deux modes de transport, et celui de lagent maritime qui nest pas lmetteur27. En lespce, il sagissait dun transport du Japon en France, o un container enfermant un lot dquipement lectronique, arriv au port du Havre, avait t pris en charge par un transporteur routier. Une partie de la marchandise ayant t drobe alors que le conducteur stait arrt le long dune route nationale, lassureur du vendeur et le destinataire assignent lagent maritime et le transporteur routier aux fins de les voir condamner solidairement. Les juges de premire instance condamnent le transporteur routier, mais mettent hors de cause lagent maritime. Le premier interjette appel de la dcision. Le connaissement avait t mis par le transporteur maritime et indiquait le lieu de prise en charge, le port de chargement ainsi que le port de dchargement et le lieu de livraison. Il sagissait bien dun connaissement de transport combin puisquil faisait tat des lieux terrestres de rception et de livraison des marchandises, alors que les seules mentions du port de chargement et de dchargement auraient conduit considrer le contrat comme purement maritime. Mais lmission dun connaissement de bout en bout ninterdit pas au transporteur maritime de se substituer un autre transporteur pour lorganisation de la phase dacheminement terrestre des marchandises. Dans ce cas, et conformment la jurisprudence, le transporteur maritime devient commissionnaire de transport pour toutes les phases de24

Pierre Bonassies, Les acteurs du transport maritime et du transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime, Sminaire de formation CECE/CSTI. IMTM. Cass., 27 novembre 2007, n 06-20620, BTL 2007, pp. 739 et 747. Pendant longtemps, la jurisprudence a considr quen labsence daccord des parties, lentreprise qui choisissait de confier un tiers le dplacement pour lequel elle avait t sollicite devenait ipso facto commissionnaire de transport et perdait ainsi son statut de transporteur. V. CA Aix-en-Provence, 2me ch., 13 janv. 2004, n 00/07876, SA SNCM c/ SARL Sotralbac et a., Lamyline. 27 CA Rouen, 2e ch., 26 mai 2008, n 05/04280, SA AB Trans et a. c/ SAS JVC France et a. : JurisData n 2008369291, Commentaire par Isabelle Bon-Garcin, Les effets de lmission dun connaissement de transport combin sur la qualit des intervenants dans un transport multimodal, in Revue de droit des transports n 12, Dcembre 2008, comm. 262.26 25

15

transport quil neffectue pas lui-mme. Cette affirmation ne contredit en rien la jurisprudence rcente selon laquelle le recours des substitus ne fait pas ncessairement du transporteur un commissionnaire, moins que les parties en aient dcid ainsi, ce qui est le cas lorsquun connaissement combin a t mis. En lespce, ce ntait cependant pas le transporteur maritime qui tait assign en responsabilit, mais lagent maritime, qui avait requis les services du transporteur terrestre. La question tait donc de savoir sil pouvait tre reconnu comme commissionnaire, rpondant ainsi du fait de ses prposs. Or, la qualit dagent maritime dpend des circonstances, propres chaque cas, dans lesquelles il agit. Au regard des diffrents lments de lespce, les juges ont dcid que lagent maritime avait agi comme un agent du transporteur et non comme un vritable commissionnaire de transport.

La dnonciation pr-imprime de connaissement combin ne saurait prvaloir sur la ralit dun transport de port port , cest ce qua dclar la Cour dappel de Rouen afin de dcider que le transporteur maritime navait pas la qualit dun commissionnaire de transport.28La Cour dappel a estim quil sagissait dun transport de port port en relevant que seuls des noms de ports et non des destinations terrestres figuraient au connaissement. Il est alors dit que le demandeur se borne tirer parti de la prsentation formelle du connaissement et poser comme postulat que le connaissement qualifi de transport combin fait du transporteur maritime un commissionnaire de transport pour la phase terrestre qui a suivi, sans indiquer do rsultera notamment la libert du transporteur maritime dans le choix des moyens dexcution du dplacement de bout en bout qui constitue un des critres de qualification, de mme quil ntablit pas davantage que le transporteur maritime aurait t garant du fait des transporteurs choisis par lui. Un autre arrt apporte une prcision importante ce sujet.29En lespce, deux conteneurs taient expdis de la ville de Bangui au port du Havre, par voie terrestre jusquau port de Douala, puis par voie maritime. Des manquants ont t constats larrive destination. Lassureur subrog dans les droits de la socit quil disait tre le destinataire rel de la marchandise intente une action contre le transporteur. Le demandeur estimait que la Cour dappel navait pas rpondu aux conclusions relatives la qualit du dfendeur (sagissait-il dun transporteur ou dun commissionnaire de transport ?). La Cour de cassation dcide, au28

CA Rouen, 2e Ch. civ., 12 novembre 1992, St Hanjin Shipping et London Steamship Owners Mutual Assurances c/ St CMCR et St SOMABA, GAN et autres, DMF 1993, octobre 1993, n 531. 29 Cass.com., 8 juin 1993, GAN Assurances c/ Socit Navale Chargeurs DELMAS VIEL-JEUX et Compagnie de navigation DENIS FRERES, DMF 1993, Novembre 1993, n 532.

16

contraire, que la Cour dappel y a rpondu en dclarant que le titulaire du droit rparation devrait tre dtermin au regard des conditions du contrat de transport , ce qui rsultait tant des constatations de larrt relatives au caractre combin du transport effectu sous connaissement que des modalits selon lesquelles avait t effectue la livraison lissue de la partie maritime du transport . Yves Tassel observe que la Cour de cassation exprime ainsi deux choses : (1) la qualit ventuelle de commissionnaire de transport a t intgre dans lanalyse des magistrats ; (2) ceux-ci lont expressment carte en retenant que le titulaire du droit rparation devait tre dtermin au regard des conditions du contrat de transport . Ce qui fait dire cet auteur que la qualit de commissionnaire de transport a t intgre, cest lallusion faite au caractre combin du transport effectu sous connaissement. Or, si la qualit du dfendeur ntait pas celle de commissionnaire de transport, cela tenait aux modalits selon lesquelles avait t effectue la livraison, lissue de la partie maritime du transport .

5. Clause de non-responsabilit. Un autre arrt est intressant en ce quil rpond la question de savoir si le transporteur qui met un connaissement direct peut stipuler sa non responsabilit pour la partie du transport quil neffectue pas lui-mme.30Pour Yves Tassel, la rponse est affirmative, compte tenu des dispositions de larticle L. 132-5 du Code de commerce. Cependant, lapplication dune telle clause de non responsabilit nest opposable qu la condition davoir t approuve par lexpditeur chargeur.31Elle doit galement tre explicite. Enfin, la clause relative la responsabilit en tant que transporteur maritime nest pas opposable en cas de dommages constats la livraison.32Dans laffaire en question, la Cour dappel dcide que la clause du connaissement direct couvrant le transport de bout en bout qui stipulerait que le transporteur maritime na dobligation que pour la priode comprise entre la prise en charge des marchandises dans le port de dpart et le passage de la lisse du navire dans le port de dbarquement ne servirait rien puisquelle ne fait que prciser les obligations du transporteur maritime lgalement irrductibles, en sorte quil doit en tre dduit que son objet est de soustraire le transporteur maritime sa responsabilit de commissionnaire de transport. Yves Tassel observe quune telle clause produirait effet si la preuve est faite que les dommages sont survenus pendant la phase effectue par un autre que le transporteur30

CA Rouen, 2e Ch. Civ., 30 septembre 1993, AGF et autres c/ Compagnie de navigation maritime bulgare VARNA, DMF 1994, avril 1994, n 537. 31 CA Aix-en-Provence, 11 janv. 1990, DMF 1990, p. 618 ; CA Aix-en-Provence, 18 mars 1992, DMF 1993, p. 652. 32 Cass.com., 26 juin 1990, DMF 1992, p. 403.

17

maritime. Une telle exonration a t admise par la Cour de cassation, dans laffaire Orania33, le transporteur principal ayant t qualifi de mandataire du transporteur suivant.

6. Responsabilit de plein droit du transporteur maritime. La loi franaise prvoit que le transporteur maritime est responsable des pertes et dommages subis par la marchandise, moins quil ne prouve que ces pertes et dommages proviennent de certaines causes exonratoires.34La Convention de Bruxelles oblige le transporteur exercer une diligence raisonnable pour assurer la navigabilit de son btiment35et accomplir les oprations qui lui incombent. Le transporteur est, cependant, a priori responsable et ne peut sexonrer quen tablissant un cas dexonration.36Le transporteur maritime est donc tenu pour responsable de toute perte ou avarie constate au dchargement ou la livraison, cela mme si lorigine des dommages ne peut tre dtermine.

7. Consquences de la faute du transporteur maritime. Malgr le principe de responsabilit de plein droit, la faute du transporteur peut jouer un rle important. En effet, lexistence dun cas exonratoire ne fait pas obstacle ce quune faute du transporteur soit invoque et dmontre par le chargeur. Le juge peut tre amen retenir la faute du transporteur maritime et neutraliser ainsi le cas except invoqu par ce dernier. Un partage de responsabilit est galement possible. Inversement, au vu des lments du dossier, les juges peuvent considrer que la faute invoque nest pas suffisamment tablie. En outre, la faute inexcusable du transporteur maritime lui interdira de bnficier de la limitation de responsabilit.37

8. Dure de la responsabilit du transporteur maritime. Dans le cadre de la Convention de Bruxelles, le transporteur maritime est responsable du chargement jusquau dchargement de la marchandise.38 En application de la loi franaise, la responsabilit du transporteur maritime stend de la prise en charge de la marchandise jusqu sa livraison39, celle-ci pouvant concider avec le dchargement par leffet dune clause sous-palan.

33 34

21 juin 1960, DMF 1960, p. 661. Article 27, loi du 18 juin 1966. 35 Article 3, al.1er, Convention de Bruxelles du 25 aot 1924. 36 Article 4, al. 2, Convention de Bruxelles 1924. 37 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Trait de droit maritime, n 1063, p. 676, L.G.D.J d. 2006. 38 Convention de Bruxelles de 1924 amende, art. 1er. 39 Loi du 18 juin 1966, art. 15.

18

9. Responsabilit de plein droit en qualit de commissionnaire de transport. Pour toutes les phases du transport multimodal non excutes personnellement par le transporteur maritime, ce dernier rpondra des dommages causs la marchandise dans les mmes termes quun commissionnaire de transport.

II.

REGLES APPLICABLES AU TRANSPORTEUR MARITIME ENTREPRENEUR DE TRANSPORT MULTIMODAL

Il sagit de sintresser ici au transport multimodal organis par lentrepreneur de transport multimodal, auxiliaire de transport (A) puis celui organis par lentrepreneur de transport multimodal, transporteur maritime (B).

A. LE TRANSPORT MULTIMODAL ORGANISE PAR UN ENTREPRENEUR DE TRANSPORT MULTIMODAL, AUXILIAIRE DE TRANSPORT

10. Responsabilit de plein droit prvue par la Convention de 1980. La Convention de 1980 impose tout oprateur de transport multimodal, quil soit un transporteur assumant une partie du transport ou un intermdiaire, un cadre daction rigide. Elle fait peser sur loprateur de transport multimodal une responsabilit de plein droit, analogue celle dun transporteur. La structure de cette responsabilit est dcalque des dispositions concernant la responsabilit du transporteur maritime dans les Rgles de Hambourg. Lorganisateur de transport multimodal est de droit responsable du prjudice rsultant des pertes ou dommages subis par les marchandises quil a prises en charge. Il ne peut se dgager de sa responsabilit quen prouvant que lui-mme, ses prposs, ou les transporteurs au service desquels il a eu recours, ont pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement tre exiges pour viter lvnement cause du dommage et ses consquences40.

11. Responsabilit de plein droit prvue par les Rgles CNUCED/CCI. Larticle 5.1

Pierre Bonassies, Les acteurs du transport maritime et du transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime, Sminaire de formation CECE/CSTI. IMTM.

40

19

des Rgles CNUCED/CCI nonce que lentrepreneur de transport multimodal est responsable des pertes ou dommages subis par les marchandises ainsi que du retard la livraison, si lvnement qui a caus la perte, le dommage ou le retard a eu lieu pendant que les marchandises taient sous sa garde au sens de la rgle 4.1, moins quil ne prouve quaucune faute ou ngligence de sa part ou de celle de ses prposs ou mandataires ou de toute autre personne vise la rgle 4 na caus la perte, le dommage ou le retard la livraison ou ny a contribu. La question sest pose de savoir sil sagit dune responsabilit de plein droit ou dune responsabilit fonde sur une prsomption de faute. Cette difficult a t gnre par les propos prliminaires insrs par les rdacteurs des Rgles CNUCED/CCI qui commentent de la manire suivante la rgle 5.1 : Du fait que la responsabilit du transporteur est fonde sur le principe de la prsomption de faute et non sur la responsabilit objective du transporteur commun , il a t jug inutile dalourdir le texte en y faisant figurer toute une liste dexonrations prcises du type de celles qui sont mentionnes dans les Rgles de La Haye . Il sagit en ralit dun problme de traduction de la common law au droit franais. La rgle 5.1 se rfre au transporteur commun , notion bien connue de la common law. Le common carrier soppose au private carrier , il sagit du transporteur public, rgulier, qui supporte de trs lourdes obligations. Il supporte une insurers liability (responsabilit dassureur). Cela explique le problme de traduction suscit par lexplication anglophone des Rgles. Or, la responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal nest pas une insurers liability . Il existe en droit franais le concept de responsabilit de plein droit et cest bien ce qui correspond la formulation du texte lui-mme.41 Plusieurs connaissements ont repris la formule nonce par la Rgle 5.1.42 En revanche, pour le Professeur Philippe Delebecque, il y a l une simple prsomption de faute, car lentrepreneur peut sy soustraire en prouvant que le dommage ne provient pas de sa faute, ni de celle de ses prposs, mandataires ou autres personnes auxquelles il a fait appel dans lexcution du contrat.43

12. Responsabilit prvue par les Rgles de Rotterdam. Doute quant la nature. La

Christian Scapel, Le rgime de responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, les nouvelles Rgles CNUCED/CCI. Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM. 42 Par exemple, Combiconbill (as revised 1995), clause 9-1: The carrier shall be liable for loss of or damage to the goods occurring between the time when he receives the goods into his charge and the time of delivery. 43 Philippe Delebecque, Le transport multimodal, in Revue internationale de droit compar, anne 1998, volume 50, n 2, p. 533.

41

20

prsomption de responsabilit dfinie larticle 17, alina 1er se tempre par la ncessit pour la victime de rapporter la preuve que le dommage est survenu pendant que la marchandise tait sous la responsabilit du transporteur. Sagit-il alors dune responsabilit pour faute prouve ? Cette disposition est plutt novatrice par rapport aux dispositions de la Convention de Bruxelles et celles des Rgles de Hambourg. Le Professeur Philippe Delebecque considre que les dommages dorigine inconnue seront assums par le transporteur44.

13. Retard. Larticle 5.1 des Rgles CNUCED/CCI nonce que lentrepreneur de transport multimodal ne sera pas tenu pour responsable des pertes imputables un retard la livraison, moins que lexpditeur nait fait une dclaration dintrt pour une livraison date fixe ou dans un dlai pr-tabli et que lentrepreneur de transport multimodal lait accepte.45 Dans les Rgles de Rotterdam, le transporteur est reconnu responsable des prjudices rsultant du retard la livraison, ce qui constitue une relle avance par rapport la Convention de Bruxelles, un alignement sur les Rgles de Hambourg et les autres modes de transport. La rparation du prjudice conomique du retard est fixe deux fois et demie le montant du fret mais ne peut dpasser la limite fixe pour la perte totale des marchandises46.

B. LE

TRANSPORT

MULTIMODAL

ORGANISE

PAR

LENTREPRENEUR

DE

TRANSPORT MULTIMODAL, TRANSPORTEUR MARITIME

14. Responsabilit de plein droit prvue par la CMR. Lorsque ce sont les rgles du transport routier qui sappliquent, le transporteur sera responsable de plein droit, moins quil ne prouve que le dommage provient de la dfectuosit de lemballage, du vice de la marchandise, de la nature propre de celle-ci ou de linsuffisance des marques.47

15. Responsabilit de plein droit prvue par la CIM. Lorsque ce sont les rgles du

44

Larticle 17.5, b semble justifier cette position. Philippe Delebecque, Le projet CNUDCI sur le transport de marchandises entirement ou partiellement par mer : derniers pas avant une adoption, in DMF 2007, n 685. 45 Le retard la livraison est dfini la Rgle 5.2 : Il y a retard la livraison quand les marchandises nont pas t livres la date convenue ou, dfaut de date convenue, dans le dlai quil serait raisonnable dallouer un ETM diligent, compte tenu des circonstances de fait . 46 Article 60 des Rgles de Rotterdam : Limites de responsabilit pour le prjudice caus par le retard . Layant droit la marchandise a 21 jours compter de la livraison pour transmettre au transporteur un avis de prjudice pour retard. 47 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Trait de droit maritime, n 1221, p. 787, L.G.D.J d. 2006.

21

transport ferroviaire qui sappliquent, le transporteur sera prsum responsable de tous dommages constats larrive. Il ne peut se librer quen faisant la preuve dune cause gnrale ou dune cause particulire dexonration.48 16. Responsabilit de plein droit prvue par la Convention de Varsovie. Lorsque ce sont les rgles du transport arien qui sappliquent, le transporteur est responsable du dommage survenu en cas de destruction, perte ou avarie de bagages enregistrs ou de marchandises lorsque lvnement qui a caus le dommage sest produit pendant le transport arien. Si certains ont pu considrer quil sagissait dune simple prsomption de faute, la jurisprudence estime quil sagit bien dune prsomption de responsabilit. Le transporteur est exonr sil prouve que le dommage rsulte de lune des deux causes dexonration prvues par la Convention.49

17. Responsabilit de plein droit prvue par la Convention de Budapest. Lorsque ce sont les rgles du transport fluvial qui sappliquent, en principe, le transporteur est responsable des pertes ou avaries de la marchandise entre le moment de la prise en charge et celui de la livraison. Il est galement tenu du retard la livraison50. Sans quil soit besoin de dmontrer une faute de sa part, il suffit, pour mettre en jeu cette responsabilit et ce, dans les meilleures conditions, de faire constater les dommages lors de la livraison par un examen contradictoire ou au moyen de rserves. La ralit des dommages ainsi tablie, le transporteur en est prsum responsable.51 18. Responsabilit prvue par les connaissements de transport multimodal. Le connaissement Combiconbill (tel que rvis en 1995) prvoit la responsabilit du transporteur la clause 9.52 La clause 9 pose dabord le principe de la responsabilit du transporteur durant tout le voyage pour ensuite noncer les divers moyens de dfense dont dispose le transporteur. Le transporteur est responsable de la perte ou du dommage subi par la marchandise partir du moment o il reoit la marchandise jusquau moment o il la dlivre. Le connaissement Multidoc 9553 pose une prsomption de faute du transporteur.5448 49

Lamy Transport, Tome 2, d. 2009, n 1097. Lamy Transport, Tome 2, d. 2009, n 1183. 50 CMNI, art. 16.1. 51 Lamy Transport, Tome 2, d. 2009, n 1291. 52 Combiconbill (as revised 1995): The Carrier shall be liable for loss of or damage to the goods occurring between the time when he receives the goods into his charge and the time of delivery. 53 Le connaissement Multidoc 95 a remplac le connaissement Combidoc de 1977 qui se fondait sur les Rgles uniformes CCI 1975.

22

Aprs avoir dtermin la nature de la responsabilit du transporteur maritime dans le cadre du transport multimodal, il convient dexaminer les causes lui permettant de sexonrer dune telle responsabilit.

SECTION 2 : CAUSES DEXONERATIONIl convient dexaminer les causes dexonration dont bnficie le transporteur maritime commissionnaire de transport (A) et entrepreneur de transport multimodal (B).

I.

LES

CAS

DEXONERATION MARITIME

DONT

BENEFICIE

LE DE

TRANSPORTEUR TRANSPORT

COMMISSIONNAIRE

Intressons nous aux causes dexonrations de responsabilit du commissionnaire de transport (A) puis celles du transporteur maritime (B).

A. CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE DU COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

19. Clause dexonration de responsabilit. Le Code de commerce autorise le commissionnaire de transport insrer une clause de non-responsabilit dans le contrat de commission55. Toutefois, en pratique, une telle clause, qui cderait devant la faute lourde du commissionnaire de transport, est rare. En effet, elle nest gure commerciale . Cest la

54

Multidoc 95: Subject to the defences set forth in Clauses 11 and 12, the MTO shall be liable for loss of or damage to the Goods, as well as for delay in Delivery, if the occurrence which caused the loss, damage or delay in Delivery took place while the Goods were in his charge as defined in sub-clause 10 (a), unless the MTO proves that no fault or neglect of his own, his servants or agents or any other person referred to in sub-clause 10 (c) has caused or contributed to the loss, damage or delay in Delivery if the consignor has made a written declaration of interests in timely Delivery which has been accepted in writing by the MTO. 55 Article L. 132-5 du Code de commerce : Il est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets, sil ny a stipulation contraire dans la lettre de voiture, ou force majeure .

23

raison pour laquelle les professionnels prfrent stipuler de simples clauses limitatives de responsabilit, gnralement comparables celles que les transporteurs adoptent56.

20. Causes exonratoires de responsabilit propres au commissionnaire de transport. Ce sont les mmes que celles reconnues au transporteur : force majeure, vice propre de la marchandise et faute du cocontractant. En effet, si larticle L. 132-5 du Code de commerce ne mentionne que la force majeure, il ne fait pas obstacle lapplication des principes gnraux et permanents du droit commun et le commissionnaire sera donc libr si le dommage provient dune faute du commettant ou du destinataire ou encore du vice propre de la marchandise.

21. Force majeure. La responsabilit du commissionnaire cesse lorsque le dommage est d la force majeure, cest--dire un vnement extrieur, irrsistible et imprvisible. Par deux arrts du 14 avril 200657, la Cour de cassation a raffirm cette conception classique de la force majeure.

22. Vice propre de la marchandise et faute du cocontractant. Ne rpondant ni du vice propre de la marchandise ni de la faute de lexpditeur, le commissionnaire se trouve exonr lorsque les avaries rsultent de ces faits.

23. Bnfice des causes lgales dexonration reconnues aux substitus. La responsabilit du commissionnaire, lorsquil est recherch comme garant dun substitu, ne peut tre tendue au-del des limites fixes par la loi la responsabilit du substitu en cause. Sil rpond du fait de ceux dont il utilise les services, il en rpond dans les mmes conditions et les mmes proportions. On ne saurait concevoir, en effet, que le commissionnaire puisse tre dclar responsable envers son commettant dun dommage dont le transporteur est lgalement exonr et quil encoure ainsi une responsabilit plus lourde que sil avait excut lui-mme le transport. Le commissionnaire charg dun transport par mer ne rpond donc pas des dommages conscutifs une cause exonrant larmement aux termes de la Convention de Bruxelles. De mme, en transport international terrestre, le commissionnaire ne peut assumer une responsabilit plus tendue que celle impute au chemin de fer par la Convention CIM ou au transporteur routier par la Convention CMR. Mais il va de soi que le commissionnaire de56 57

Philippe Delebecque, Le transport multimodal, in Revue de droit international compar, 2-1998, p. 530. Cass.ass.pln., 14 avr. 2006, n 04-18902 et n 02-11168.

24

transport ne peut pas invoquer une cause dexonration de responsabilit stipule en faveur dun substitu lorsquil est recherch sur le terrain de la faute personnelle. Par ailleurs, mme en prsence dune situation normalement exonratoire pour le transporteur, la responsabilit du commissionnaire peut tre engage ds lors que les dommages lui sont imputables.

B. CAUSES EXONERATOIRES DE RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

24. Cas excepts dont bnficie le transporteur maritime. La Convention de Bruxelles et la loi franaise tablissent une liste des cas dans lesquels le transporteur est exonr de sa responsabilit. La Convention de Bruxelles en prvoit 1758 alors que la loi franaise nen tablit que 959. En ralit, la Convention de Bruxelles numre de faon dtaille un certain nombre de circonstances qui entrent peu prs dans la liste de la loi franaise. 25. Application du rgime de la commission de transport. Pour toutes les phases du transport non excutes par le transporteur maritime lui-mme, on lui appliquera le mme rgime que celui prvu pour le commissionnaire de transport.

II.

CAUSES

DEXONERATION

DONT

BENEFICIE

LE

TRANSPORTEUR MARITIME ENTREPRENEUR DE TRANSPORT MULTIMODAL

Il convient dexaminer les causes dexonration prvues par les conventions internationales (A), puis par les Rgles CNUCED/CCI et les connaissements de transport multimodal (B).

58 59

Convention de Bruxelles, art. 4. Loi du 18 juin 1966, art. 27.

25

A. CAUSES DEXONERATION PREVUES PAR LES CONVENTIONS INTERNATIONALES

26. Les cas exonratoires de responsabilit prvus par la Convention de 1980. Le transporteur ne peut sexonrer de sa responsabilit, quelle que soit la localisation du dommage, quen prouvant que lui-mme, ses prposs ou mandataires avaient pris toutes les mesures qui pouvaient raisonnablement tre exiges pour viter lvnement et ses consquences. Ainsi la faute nautique nest-elle pas prise en considration en tant quexcuse dans une action en responsabilit.60 Il y a lieu de remarquer que la Convention de 1980 ne retient, mme pour les dommages survenus pendant le trajet maritime, aucun des deux cas excepts maintenus par les Rgles de Hambourg, lincendie ou la tentative de sauvetage ou dassistance.61 Lentrepreneur de transport multimodal ne peut insrer dans son contrat avec son client aucune clause dexonration de responsabilit. Il ne peut non plus invoquer les cas excepts spcifiques au rgime du transport maritime ou celui du transport routier, alors que le transporteur auquel il aura confi la marchandise pourra le lui opposer62.

27. Les cas exonratoires de responsabilit prvus par les Rgles de Rotterdam. Pour sexonrer, le transporteur devra prouver que la cause de la perte, du dommage ou du retard ne lui est pas directement ou indirectement imputable prposs, partie excutante63- ou quelle est lie un cas except. La victime peut nanmoins prouver que le dommage, la perte ou le retard rsulte dune cause autre que les cas excepts.64Nonobstant la disparition de la faute nautique, les quinze cas excepts la responsabilit du transporteur constituent un retour en arrire vers les Rgles de La Haye du dbut du XXe sicle.65

Philippe Delebecque, Le transport multimodal, in Revue internationale de droit compar, anne 1998, volume 50, n 2, p. 537. Pierre Bonassies, Christian Scapel, Trait de droit maritime, n 1222, p. 788, L.G.D.J d. 2006. Pierre Bonassies, Les acteurs du transport maritime et du transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime, Sminaire de formation CECE/CSTI. IMTM.6261

60

Article 18 de la convention CNUDCI : Responsabilit du transporteur pour fait dautrui . Laurent Fedi, Prsentation de la Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises entirement ou partiellement par mer, in Revue de droit des transports n7, juillet 2009, dossier 3. 65 Laurent Fedi, Prsentation de la Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises entirement ou partiellement par mer, Revue de droit des transports n7, juillet 2009, dossier 3.64

63

26

B. CAUSES DEXONERATION PREVUES PAR LES REGLES CNUCED/CCI ET LES CONNAISSEMENTS DE TRANSPORT MULTIMODAL

28. Rgles CNUCED/CCI. Principe gnral dexonration de lentrepreneur de transport multimodal. La rgle 5.1. La rgle 5.1 nonce que lentrepreneur de transport multimodal peut sexonrer de sa responsabilit sil apporte la preuve quaucune faute ou ngligence de sa part ou de celle de ses prposs ou mandataires ou de toute autre personne vise la rgle 466 na caus la perte, le dommage ou le retard la livraison ou ny a contribu. Ainsi, il nest pas fait de distinction, pour dterminer les cas dexonration, entre les situations dans lesquelles lorigine des dommages est localise ou non. La question sest pose de savoir comment concilier cette disposition caractre contractuel avec les cas dexonration plus larges, plus favorables au transporteur, plus prcis, formuls par les conventions internationales unimodales, applicables aux termes de la rgle 13, et surtout de leur propre autorit imprative, aux dommages dont la cause a t localise ?67 Les conventions internationales unimodales ne sont dordre public qu lencontre du transporteur. Il en rsulte que le transporteur peut toujours renoncer contractuellement ce qui lui profite, cest--dire notamment une exonration dicte son bnfice. Si lon en revient la logique purement contractuelle qui est celle des Rgles CNUCED/CCI, il apparat que si lentrepreneur de transport multimodal veut bnficier de tous les cas dexonration possibles, il doit en faire mention expresse dans le contrat de transport multimodal.68

29. Rgles CNUCED/CCI. Exonrations pour le transport par mer ou par voie deau intrieure. La Rgle 5.4. La rgle 5.4 fait expressment exception au principe gnral formul par la rgle 5.1. La faute nautique y apparat comme cause dexonration. Cela sexplique par le fait que les Rgles CNUCED/CCI constituent un systme contractuel de rfrence. Or, pour assurer leur succs, il faut sassurer que les transporteurs ne soient pas dissuads den faire le choix. Tant que la Convention de Bruxelles constitue le vritable droit commun international66

Rgle 4.2 : Lentrepreneur de transport multimodal est responsable, comme de ses propres actes ou omissions, des actes ou omissions de ses prposs ou mandataires agissant dans lexercice de leurs fonctions et de ceux de toute autre personne aux services de laquelle il recourt pour lexcution du contrat . 67 Christian Scapel, Le rgime de responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, les nouvelles Rgles CNUCED/CCI. Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM.68

Christian Scapel, Le rgime de responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, les nouvelles Rgles CNUCED/CCI. Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM.

27

maritime, les transporteurs naccepteraient pas de renoncer au bnfice de cette exonration.69 Il sagit dune disposition spciale de type rseau .70

30. Exonrations prvues par les connaissements de transport multimodal. Les connaissements de transport multimodal sinspirent des Rgles CNUCED/CCI ou des dispositions de la Convention de Bruxelles. Le connaissement Combiconbill (tel que rvis en 1995) nonce de manire dtaille, la clause 9, les moyens de dfense traditionnels dont bnficie le transporteur.71 Ces moyens de dfense sappliqueront pour le trajet terrestre ou lorsquil ne peut tre prouv que la Convention de Bruxelles ou les Rgles de Hambourg sappliquent. Contrairement au Combiconbill (tel que rvis en 1995), le Multidoc 95 inclut expressment, dans la clause 11, les moyens de dfense de la Convention de Bruxelles.72 Le P&O Nedlloyd Bill prvoit des cas dexonration diffrents selon que lorigine du dommage est connue ou inconnue, et il institue galement des rgles dexonration par dfaut.

31. Charge de la preuve. Le connaissement Combiconbill (tel que rvis en 1995) nonce quil incombe au transporteur de prouver lexistence des causes dexonrations quil invoque.73 Toutefois, il renverse la charge de la preuve et pose une prsomption de nonresponsabilit du transporteur pour dautres causes.74

69

Christian Scapel, Le rgime de responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, les nouvelles Rgles CNUCED/CCI. Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM. Christian Scapel, Le rgime de responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, les nouvelles Rgles CNUCED/CCI. Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM.

70

Combiconbill (as revised 1995): The Carrier shall, however, be relieved of liability for any loss or damage if such loss or damage arose or resulted from: (a) the wrongful act or neglect of the Merchant, (b) compliance with the instructions of the person entitled to give them, (c) the lack of, or defective conditions of packing in the case of goods which, by their nature, are liable to wastage or to be damaged when not packed or when not properly packed, (d) handling, loading, stowage or unloading of the goods by or on behalf of the Merchant, (e) inherent vice of the goods, (f) insufficiency or inadequacy of marks or numbers on the goods, covering, or unit loads, (g) strikes or lock-outs or stoppage or restraints of labour from whatever cause whether partial or general, (h) any cause or event which the Carrier could not avoid and the consequence whereof he could not prevent by the exercice of reasonable diligence. 72 Multidoc 95: Notwithstanding the provisions of Clause 10 (b), the MTO shall not be responsible for loss, damage or delay in Delivery with respect to Goods carried by sea or inland waterways when such loss, damage or delay during such carriage results from: (i) act, neglect or default of the master, mariner, pilot or the servants of the Carrier in the navigation or in the management of the vessel, (ii) fire, unless caused by the actual fault or privity of the Carrier, (iii) the causes listed in the Hague-Visby Rules article 4.2(c) to (p); however, always provided that whenever loss or damage has resulted from unseaworthiness of the vessel, the MTO can prove that due diligence has been exercised to make the vessel seaworthy at the commencement of the voyage. 73 Combiconbill (as revised 1995): The burden of proving that the loss or damage was due to one or more of the causes, or events, specified in (a), (b) and (h) of sub-clause 9 (3) shall rest upon the Carrier.

71

28

Nous devons dsormais examiner les limitations applicables au transporteur maritime dans le cadre dun transport multimodal.

SECTION 3 : LIMITATION DE RESPONSABILITEAprs avoir examin la limitation de responsabilit dont bnficie le transporteur maritime commissionnaire de transport (I), nous allons tudier celle applicable au transporteur maritime entrepreneur de transport multimodal (II).

I.

LIMITATION

APPLICABLE

AU

TRANSPORTEUR

MARITIME

COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

Il convient dtudier les limitations applicables au commissionnaire de transport (A), puis celles qui sont appliques au transporteur maritime (B).

A.

LIMITATION APPLICABLE AU COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

32. Limitation propre au commissionnaire de transport. Le commissionnaire de transport peut se doter de limitations dindemnit personnelles, quil fera figurer sur ses papiers commerciaux et documents de transport. En effet, ce jour, les commissionnaires de transport ne bnficient daucune limitation lgale dindemnit en cas de responsabilit pour faute personnelle. Le commissionnaire de transport peut, en vertu de larticle L. 132-5 du Code de commerce, sexonrer de sa responsabilit au titre des pertes et avaries. A plus forte raison peut-il limiter sa responsabilit. Pour tre valable, une telle limitation doit avoir t connue et accepte par lexpditeur75. Il incombe au commissionnaire de transport dapporter cette preuve. Il faut souligner que la jurisprudence se montre trs svre cet gard. Elle exige que

Combiconbill (as revised 1995): When the Carrier establishes that in the circumstances of the case, the loss or damage could be attributed to one or more of the causes, or events, specified in (c) to (g) of sub-clause 9 (3), it shall be presumed that it was so caused. The Merchant shall, however, be entitled to prove that the loss or damage was not, in fact, caused either wholly or partly by one or more of the causes or events. 75 Cass. com., 5 oct. 1965, no 62-12.268, BT 1965, p. 398 ; Cass. com., 4 nov. 1970, no 69-11.049, BT 1971, p. 7 ; Cass. com., 4 juill. 1989, no 87-13.161, Lamyline.

74

29

la clause invoque soit apparente et explicite76. En outre, la limitation de responsabilit doit avoir t connue de lexpditeur lors de la conclusion du contrat77. Cette rgle de la connaissance de la clause limitative de responsabilit vaut de manire identique dans les rapports des commissionnaires entre eux. Cette clause devient inopposable en cas de dol ou de faute lourde de la part du commissionnaire de transport ou mme de la part dun substitu78. Notons quune remise en cause des limitations conventionnelles a t initie, en 1996, en transport routier intrieur79. La Cour de cassation considre en effet dsormais quune clause personnelle limitant le montant de la rparation est rpute non crite en cas de manquement du transporteur une obligation essentielle du contrat80. Toutefois, des limitations lgales dindemnit ne sont pas affectes par cette nullit81. Applique un commissionnaire, cette jurisprudence a abouti la cassation dune dcision dappel ayant accept, dans le cas dune perte inexplique de colis, le jeu de limitations conventionnelles. Il a t reproch aux juges de navoir pas recherch si limpossibilit de localiser les marchandises pendant leur acheminement ne constituait pas un manquement une obligation essentielle permettant de rputer non crite la clause limitative dindemnisation, contenue non dans un contrat type, sagissant dun commissionnaire de transport, mais dans la convention liant les parties82. Ainsi, en labsence dun plafond approuv par le pouvoir rglementaire ou rsultant de la loi ou encore dune convention internationale, les diffrentes limitations contenues dans les conditions des commissionnaires pour leurs fautes personnelles peuvent tre cartes mme en labsence dune faute lourde. Cependant, il convient de souligner que les juges du fond doivent se dterminer en fonction des circonstances de chaque espce83. 33. Bnfice de la limitation applicable aux substitus. Le commissionnaire de transportCA Paris, 23 oct. 1969, BT 1969, p. 331 ; CA Paris, 5e ch., 29 sept. 1986, Olivier c/ SCA Express, pourvoi rejet par Cass. com., 5 juill. 1988, no 86-19.444, BT 1988, p. 549, en extrait, refusant d'appliquer une limitation pourtant imprime en caractres lisibles, mais incluse dans un texte comportant un total de onze articles dpourvus d'intituls. 77 CA Colmar, 16 mai 1973, BT 1973, p. 268 ; CA Paris, 25e ch., 22 nov. 1991, SCTT c/ Constructions mcaniques de Provence et a.; sur renvoi de cassation : CA Rouen, 14 mai 1991, BTL 1991, p. 782, en extrait; CA Aix-en-Provence, 2e ch., 28 mai 1991, Compagnie maritime d'affrtement c/ La Bernoise et a. 78 CA Bordeaux, 2e ch., 18 dc. 2002, Heppner c/ SA Transports Lahaye, BTL 2003, p. 374. 79 Cass. com., 22 oct. 1996, no 93-18.632, Bull. civ. IV, no 261, BTL 1996, p. 757, jugeant que le fait de ne pas livrer dans le dlai convenu, alors que le facteur temps tait prpondrant, revenait pour un spcialiste du transport rapide ne pas remplir l'obligation laquelle il s'tait engag et privait de contrepartie ses limitations. Rendue sur le visa de l'article 1131 du Code civil, cette dcision s'expliquait juridiquement par une absence de cause. 80 Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, no 03-14.112, Bull. civ. ch. mixte, no 4, BTL 2005, pp. 331, 340. 81 Cass. com., 13 juin 2006, no 05-12.619, Bull. civ. IV, no 143. 82 Cass. com., 5 juin 2007, no 06-14.832, BTL 2007, p. 399. 83 Cass. com., 14 oct. 2008, no 07-16.607, BTL 2008, p. 669 ; CA Paris, 5e ch. B, 5 avr. 2007, no 04/19240, Generali et a. c/ GD Express, Lamyline ; CA Paris, 5e ch. B, 25 oct. 2007, no 05/05853, Mory Team c/ XL Insurance et a., BTL 2007, p. 685.76

30

bnficie des limitations dindemnit reconnues par la loi ses substitus. Cest ce que proclame un arrt de la Cour dappel de Toulouse84, rendu en matire de transport routier international : Attendu que le commissionnaire, qui garantit le commettant contre les fautes du voiturier, nest pas davantage tenu que le voiturier ne lest lui-mme et quainsi les conditions de responsabilit et de rparation du voiturier ayant leur rpercussion sur les conditions et le montant de la dette du commissionnaire, ce dernier ne peut pas tre oblig une indemnit plus large que celle prvue par la Convention de Genve () . Ce bnfice est soumis plusieurs conditions : (1) le commissionnaire ne peut prtendre au bnfice des limitations lgales de son substitu quen cas de responsabilit dmontre de ce dernier85, et non lorsquil est recherch raison de sa seule faute personnelle86 ; (2) le commissionnaire ne bnficie de plein droit que des seules limitations de nature lgale ou rglementaire normalement applicables ses substitus dans le cadre du transport en cause87 ; (3) sagissant des limitations dindemnit purement conventionnelles stipules par ses substitus (ou mme de nature lgale, mais drogatoires au rgime juridique naturel de lopration), le commissionnaire de transport ne peut se prvaloir que de celles dont le client avait connaissance effective au moment de la conclusion du contrat et quil peut tre considr comme ayant tacitement accept88 ; (4) le commissionnaire de transport ne peut plus revendiquer le bnfice de la limitation lgale du substitu fautif partir du moment o le client a formul une dclaration de valeur89 et en cas de dol ou faute lourde. La faute lourde de son substitu rejaillit sur le commissionnaire de transport et lui fait perdre le bnfice non seulement des limitations du substitu en cause90, mais galement de ses propres limitations dindemnit91. Quant sa faute lourde personnelle92, elle prive le commissionnaire de transport du droit dinvoquer ses propres clauses limitatives, mais galement du bnfice des limitations lgales applicables son substitu93.CA Toulouse, 5 dc. 1979, BT 1980, p. 13. Cass. com., 13 dc. 1994, no 92-21.976, Lamyline. 86 Cass. com., 26 avr. 1984, no 82-17.066, Bull. civ. IV, no 141; Cass. com., 22 oct. 1996, no 94-16.371, Bull. civ. IV, no 258; Cass. com., 5 fvr. 2002, no 00-11.112, Lamyline ;CA Paris, 5e ch., 11 dc. 1996, Pagnot c/ Jet Services, BTL 1997, p. 200, en extrait; CA Grenoble, 22 nov. 1990, BTL 1991, p. 172, en extrait ; Cass. com., 16 mai 2006, no 04-12.545, Lamyline. 87 CA Aix-en-Provence, 8 dc. 1987, Rev. Scapel 1988, p. 5 ; CA Douai, ch. 2, sect. 2, 27 mai 2004, RG no 01/03932, SA Sagatrans c/ SA Five Cail Babcock, BTL 2005, pp. 116 et 125. 88 T.com.Nanterre, 1re ch., 28 avr. 2009, n 2006F05499, AIG Europe et a. c/ Schenker et a., BTL 2009, p. 399. 89 Cass. com., 11 janv. 1994, no 91-21.352, Lamyline. 90 CA Lyon, 3e ch. A, 30 oct. 2008, no 07/00207, Helvetia et a. c/ AIG Europe et a., Lamyline. 91 Cass. com., 28 mars 2000, no 98-10.597, BTL 2000, p. 295, en extrait ; Cass. com., 28 mars 2000, no 9722.226, Lamyline. 92 T.com.Nanterre, 3e ch., 18 fvr. 2009, n 2003F02702, AGF et a. c/ Graveleau et a., BTL 2009, p. 162. 93 CA Paris, 24 mars 1983, BT 1984, p. 201 ; CA Paris, 5e ch. B, 26 juin 2008, no 03/12752, Ricard c/ Cora et a., Lamyline.85 84

31

B. LIMITATION APPLICABLE AU TRANSPORTEUR MARITIME COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

34. Limitation de responsabilit du transporteur maritime. Le transporteur maritime est susceptible de bnficier cumulativement de deux plafonds dindemnisation, lun rsultant du contrat de transport, lautre rsultant de la qualit ventuelle de propritaire de navire du transporteur maritime. Sagissant de la limitation dindemnit rsultant du contrat de transport, elle ne sapplique pas lorsque le chargeur a dclar, avant lembarquement, la nature et la valeur des marchandises et que mention de cette dclaration a t insre au connaissement94. Sagissant de la limitation dindemnit rsultant de la qualit de propritaire de navire du transporteur maritime, celle-ci est plutt admise par la jurisprudence95, qui applique larticle 58 de la loi du 3 janvier 1967. Le transporteur maritime ne peut plus se prvaloir des limites dindemnit en cas de dol ou de faute inexcusable96. En revanche, les limitations continuent de sappliquer en cas de faute simplement lourde ou de faute qualifie de commerciale 97. Un dfaut de vigilance, lors de la prise en charge dun conteneur frigorifique (dont le dysfonctionnement tait signal par une alarme), na pas t qualifi de faute inexcusable98. Sous lempire de la loi franaise, seule la faute inexcusable ou dolosive interdit au transporteur maritime de se prvaloir des clauses limitatives de responsabilit, voire des clauses exonratoires de responsabilit (autorises notamment en cas de chargement en ponte). La faute lourde nemporte pas cette consquence et le transporteur peut, ds lors, bnficier de la clause exonratoire de responsabilit prvue au connaissement pour les chargements sur le pont99. 35. Bnfice de la limitation du commissionnaire de transport. Pour toutes les phases que le transporteur maritime, commissionnaire de transport, nexcute pas lui-mme, le rgime de la commission de transport lui sera appliqu.

94 95

Loi du 18 juin 1966, art. 28 ; Convention de Bruxelles de 1924, art. 45. Cass. com., 18 nov. 1980, no 77-13.205, Bull. civ. IV, no 382, p. 309, la facult pour l'armateur de limiter sa responsabilit n'est pas subordonne un risque de mer ; CA Aix-en-Provence, 9 juin 1988, DMF 1989, p. 708, la loi de 1966 et celle du 3 janvier 1967 ne sont pas exclusives l'une de l'autre ; contra : CA Paris, 31 oct. 1984, DMF 1985, p. 668, note crit. Bonassies P. 96 Convention de Bruxelles, art. 45, e. 97 Cass. com., 7 juill. 1998, no 96-15.724, BTL 1998, p. 570, en extrait. 98 T. com. Marseille, 25 mai 2007, no 2005F05445, Charveron Frres c/ Setcargo, BTL 2007, p. 402. 99 Cass. com., 24 mai 1994, no 92-13.632, BTL 1994, p. 608, en extrait.

32

II.

LIMITATION

APPLICABLE

AU

TRANSPORTEUR

MARITIME

ENTREPRENEUR DE TRANSPORT MULTIMODAL

Il sagit ici dexaminer les limitations prvues par les conventions internationales (A), puis par les Rgles CNUCED/CCI et les connaissements de transport multimodal (B).

A. LIMITATION

DE

RESPONSABILITE

PREVUE

PAR

LES

CONVENTIONS

INTERNATIONALES

36. Limitation de responsabilit prvue par la Convention de 1980. La Convention de 1980 prvoit que si lorigine du dommage demeure inconnue, la responsabilit de lorganisateur est limite 920 DTS (droits de tirage spciaux) par colis ou 2,75 DTS par kilo de marchandise endommage. Ces chiffres reprsentent une trs lgre augmentation du montant de la limitation par rapport aux Rgles de Hambourg, lesquelles adoptent une limitation 835 DTS par colis ou 2,5 DTS par kilo de marchandise endommage. Si, en revanche, lorigine du dommage est prouve et sil est tabli quil est survenu pendant telle ou telle phase du transport, la limitation sera celle du mode de transport pendant lequel le dommage est arriv, mais seulement si cette limitation est plus leve que la limitation fixe par la Convention de 1980. Sagissant du commissionnaire de transport ou de lorganisateur de transport multimodal, ils sont enferms dans un schma strict. Ils ne peuvent prvoir aucune limitation gnrale infrieure 2,75 DTS par kilo de marchandise endommage.100 La Convention de 1980 adopte donc le systme du rseau pour ce qui est de la limitation de responsabilit. Quelle que soit la manire dont lentrepreneur de transport multimodal a organis le transport, les ayants droit la marchandise sont certains non seulement du rgime de responsabilit uniforme appliqu mais galement dune indemnisation minimum. Le fait que ce minimum diffre selon quun segment maritime est inclus dans le transport ou pas ne semble pas trs important car les ayants droit la marchandise, mme sils ne connaissent pas gnralement les dtails organisationnels, savent normalement, de par la destination finale et

Pierre Bonassies, Les acteurs du transport maritime et du transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime, Sminaire de formation CECE/CSTI. IMTM.

100

33

la nature des marchandises, si un segment maritime sera ou non probablement inclus. En cas de doute, toutefois, il vaut mieux le spcifier dans le contrat.101

37. Convention de Berne. Lorsque la CIM est applicable un transport multimodal, les limites de responsabilit du transport ferroviaire international, sensiblement plus leves que celles du transport maritime (17 DTS par kilo, au lieu de 2 DTS par kilo dans le rgime maritime), sappliqueront un tel dommage.102

38. CMR. Lorsque ce sont les rgles du transport routier qui sappliquent (cest lhypothse dans laquelle il nest pas possible de prouver quel moment sont intervenus lavarie, la perte ou le retard affectant la marchandise), le transporteur sera alors responsable dans les limites fixes par la CMR, cest--dire dans la limite de 8,33 DTS par kilo.103Lorsque cest la CMR qui sapplique un transport multimodal transmaritime et quil est prouv que le dommage est survenu pendant la priode maritime, la rparation due par le transporteur organisateur du transport multimodal sera de 666,67 DTS par colis, ou de 2 DTS par kilo de marchandise endommage, le chiffre le plus lev tant appliqu.

39. Rgles de Rotterdam. Les montants dindemnisation sont plafonns 875 DTS par colis ou autre unit de chargement ou 3 DTS par kilo de poids brut, la limite la plus leve tant applicable au profit de layant droit la marchandise104. Lindemnit au kilo du transport maritime continue dtre la plus basse de tous les modes de transport alors que la valeur ajoute des produits transports par voie maritime, notamment depuis la conteneurisation, na plus aucune mesure de comparaison avec celle du dbut du sicle dernier.105

B. LIMITATION DE RESPONSABILITE PREVUE PAR LES REGLES CNUCED/CCI ET LES CONNAISSEMENTS DE TRANSPORT MULTIMODAL

40. Rgles CNUCED/CCI. Pour ce qui est de la limitation de responsabilit, cest le

101 102

Ralph De Wit, Multimodal Transport, Chapter 13, Summary and conclusions, LLP LTD.1995, p. 436. Pierre Bonassies, Christian Scapel, Trait de droit maritime, n 1205, p. 773, L.G.D.J d. 2006. 103 Pierre Bonassies, Christian Scapel, Trait de droit maritime, n 1221, p. 787, L.G.D.J d. 2006. 104 Article 59 de la convention CNUDCI : Limites de responsabilit . 105 Laurent Fedi, Prsentation de la Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises entirement ou partiellement par mer, in Revue de droit des transports n7, juillet 2009, dossier 3.

34

systme du rseau qui a t retenu comme dans la convention de transport multimodal international de marchandises de 1980. Pour les pertes ou dommages subis par la marchandise, les Rgles adoptent le systme rseau compliqu par des dispositions supplmentaires. Ainsi, sagissant du retard, des pertes ou des dommages indirects, les Rgles adoptent un systme uniforme. Les Rgles prcisent que le cumul des rparations ne peut dpasser les limites qui seraient applicables en cas de perte totale de la marchandise. Au plan du systme de la limitation, nous sommes donc loin de lobjectif fix aux Rgles, tel quil figure dans lavant-propos de la publication de la Chambre de Commerce Internationale : Offrir un contrat de transport priv soumis un rgime juridique uniforme .106Outre la double limitation de base, existe une limitation particulire en labsence de transport maritime et une autre limitation lorsque lavarie a eu lieu dans un mode de transport dtermin. Concernant le montant de la double limitation de base, cest le systme classique qui sapplique, celui de la double limite, une par kilo, une par colis : la limite la plus leve tant applicable.107 Ce sont les mmes chiffres que ceux prvus par la Convention de Bruxelles de 1924, telle que modifie par les protocoles de 1968 et 1979. Dautres chiffres peuvent tre retenus. Ainsi, pour le multimodal non transmaritime, il est instaur une limite diffrente lorsque le multimodal ne comporte pas une phase de transport maritime ou par voie deau intrieure : dans ce cas, la limite est de 8,33 DTS par kilo, cest-dire la limitation de la CMR. Cette disposition conduit dire que pour un transport mer/route, la limitation est de 2 DTS alors que pour un transport air/fer, elle est de 8,33 DTS. Cette disposition a t reprise de la Convention de 1980. Il y a donc une exception au systme du rseau. On na donc plus faire un systme de rseau mais un systme de rseau modifi. Avec larticle 6-4 des Rgles, on revient au systme rseau. En effet, cet article nonce que lorsque la perte ou le dommage subi par les marchandises sest produit sur un tronon dtermin du transport multimodal pour lequel une convention internationale applicable ou une loi nationale imprative aurait fix une autre limite de responsabilit si un contrat de transport distinct avait t conclu pour ledit tronon dtermin du transport, la limite de responsabilit de lentrepreneur de transport multimodal, pour cette perte ou ce dommage, est dtermine par rfrence aux dispositions de ladite convention ou de ladite loi nationale imprative. Cest la reprise de larticle 19 de la Convention de 1980. Sagissant du retard, de106

Jacques Bonnaud, Laction en responsabilit contre lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, Les nouvelles Rgles CNUCED/CCI, Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM.107

Article 6-1 des Rgles CNUCED/CCI.

35

la perte ou des dommages indirects, la limitation est gale au montant du fret (article 6-5 des Rgles).108 Deux exceptions au principe de limitation de responsabilit sont prvues par les Rgles CNUCED/CCI, savoir la dclaration de valeur et la faute inexcusable personnelle. On peut considrer que le dol constitue une exception la limitation dont bnficie lentrepreneur de transport multimodal. La dclaration de valeur est une exception traditionnelle et vidente la limitation. En outre, lentrepreneur de transport multimodal perd le bnfice des limitations en cas de faute inexcusable personnelle.109

41. Connaissements de transport multimodal. Les connaissements de transport multimodal sinspirent des Rgles CNUCED/CCI. Le P&O Nedlloyd Bill prvoit une limitation de responsabilit diffrente selon quil y ait eu dommage ou perte, ou bien retard.110

Aprs avoir dtermin la nature de la responsabilit du transporteur maritime dans le cadre dun transport multimodal, il convient maintenant dexaminer le rgime juridique qui lui est applicable.

Jacques Bonnaud, Laction en responsabilit contre lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, Les nouvelles Rgles CNUCED/CCI, Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM. Jacques Bonnaud, Laction en responsabilit contre lentrepreneur de transport multimodal, in Le transport multimodal transmaritime et transarien, Les nouvelles Rgles CNUCED/CCI, Actes de la rencontre internationale organise le 11 avril 1994 par lIMTM. P&O Nedlloyd Bill : Except as provided in Clauses 7 (2), 7 (3), and 27, if Clause 6 (1) operates total compensation for loss or damage shall in no circumstances whatsoever and howsoever arising exceed 2 SDRs per kilo of the gross weight of the Goods lost or damaged. (SDR means Special Drawing Right as defined by the International Monetary Fund). Limitation of liability for delay shall be as provided in the applicable international convention or national law, in the absence of which the Carrier accepts no liability whatsoever for delay, howsoever caused.110

108

109

36

CHAPITRE 2 REGIME DE RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR MARITIME DANS LE TRANSPORT MULTIMODAL

Ltude du rgime de responsabilit applicable au transporteur maritime dans le cadre dun transport multimodal conduit examiner le rgime de la commission de transport (Section 1), ainsi que les rgles internationales applicables (Section 2).

SECTION

1:

RESPONSABILITE

DU

TRANSPORTEUR

MARITIME ORGANISATEUR DE TRANSPORT MULTIMODAL EN DROIT FRANAIS : LE REGIME DE LA COMMISSION DE TRANSPORT

Il convient dexaminer le rgime juridique du commissionnaire de transport (I) avant de se pencher sur les limites du systme de la commission de transport (II).

I.

REGIME JURIDIQUE DU COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT

Le commissionnaire de transport est responsable de son propre fait (A) ainsi que du fait de ses substitus (B).

37

A.

RESPONSABILITE POUR FAITS PERSONNELS

42. Rgime applicable au commissionnaire de transport intervenant successivement en tant que commissionnaire de transport et en tant que transporteur. A loccasion dune mme opration, une entreprise peut intervenir successivement en tant que transporteur et en tant que commissionnaire de transport.111Si un dommage survient au cours du dplacement excut par ses soins, cette entreprise se verra-t-elle appliquer le rgime juridique du transporteur ou du commissionnaire ? Il sagit de savoir sil convient en pareille hypothse dappliquer ladage laccessoire suit le principal (et donc de rattacher au rgime de lactivit dominante toutes les oprations annexes accomplies par lentreprise) ou, au contraire, de dpecer la prestation (et donc dattribuer lentreprise, chaque stade, la qualit juridique correspondant la nature effective de son intervention).112La jurisprudence parat sorienter vers lunit de rgime juridique par rattachement de laccessoire au principal.113 La Cour dappel de Paris, notamment, aprs avoir relev que la qualit de commissionnaire nexclut pas la possibilit de procder soi-mme au transport sur une partie de litinraire 114, prend rsolument position en ces termes : () le transport final par camionnage effectu par X ntait que laccessoire du contrat principal de commission de transport ; quainsi X ne peut, par une analyse aboutissant un dpeage de ses relations contractuelles avec la socit (), se prvaloir de sa seule activit finale de voiturier ; () que seul le contrat de commission rgit les rapports des parties () 115. Cette solution peut effectivement paratre prfrable car il nest pas sain quune partie puisse exciper de qualits et rgles juridiques diffrentes dans le cadre dune convention envisage au contraire comme une et indivisible par son cocontractant, alors surtout que celui-ci est gnralement laiss dansTel est le cas du groupeur, qui effectue personnellement le ramassage ou la livraison des colis, ou encore de lentreprise charge dun transport arien au dpart de ltranger et qui ralise elle-mme le camionnage terminal de Roissy Paris. Toute diffrente est la situation de lentreprise qui organise les pr et post acheminements en suite du transport maritime quelle assure. CA Paris, 18 janv. 1983, BT 1983, p. 168 ; CA Paris, 14 mai 1984, BT 1985, p. 207. 112 Rodire penchait plutt pour cette seconde solution (Rodire R., Trait gnral de droit maritime, tome III, n 931, in fine). 113 CA Paris, 8 juill. 1974, BT 1974, p. 356 ; CA Paris, 6 mai 1982, BT 1982, p. 356 ; CA Paris, 8e ch., 30 avr. 1993, AGS Paris c/ Gournay et MAIF, Lamyline ; CA Aix-en-Provence, 13 fvr. 1997, Alfa Fruits c/ Danzas, Lamyline ; contra : CA Chambry, 28 sept. 1981, BT 1982, p. 296.La CA de Paris, notamment, aprs avoir relev que la qualit de commissionnaire nexclut pas la possibilit de procder soi-mme au transport sur une partie de litinraire , prend rsolument position en ces termes : () le transport final par camionnage effectu par X ntait que laccessoire du contrat principal de commission de transport ; quainsi X ne peut, par une analyse aboutissant un dpeage de ses relations contractuelles avec la socit (), se prvaloir de sa seule activit finale de voiturier ; () que seul le contrat de commission rgit les rapports des parties () . 114 CA Paris, 17 mars 1982, BT 1982, p. 395. 115 CA Paris, 18 janv. 1983, BT 1983, p. 168.111

38

lignorance de la faon dont lopration sera ralise116. La tendance actuelle de la jurisprudence frana