23
Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie (Arvicola sapidus) : exemple de trois sites en Auvergne Pierre Rigaux Marion Chalbos Florine Auvity Etienne Braure Séverine Trouillet Décembre 2009

Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l ...mammiferes.org/wp-content/uploads/2016/03/Elements_sur_la_densite... · semi-aquatiques introduits en Europe, le ragondin

Embed Size (px)

Citation preview

Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie (Arvicola sapidus) :

exemple de trois sites en Auvergne

Pierre Rigaux

Marion Chalbos Florine Auvity

Etienne Braure Séverine Trouillet

Décembre 2009

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 1/22

Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie (Arvicola sapidus) :

exemple de trois sites en Auvergne INTRODUCTION .......................................................................................................................... 2 1. MATERIEL ET METHODE ........................................................................................................ 4

1.1. Sites d’étude ................................................................................................................... 4 1.1.1 Choix des sites .................................................................................................... 4 1.1.2. Présentation des sites ......................................................................................... 5

1.2. Méthode.......................................................................................................................... 8 2. RESULTATS ........................................................................................................................... 11

2.1. Site de Pontgibaud....................................................................................................... 11 2.2. Site de Deux-Chaises ................................................................................................... 14 2.3. Site de Saint-Etienne-des-Champs............................................................................. 15

3. DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSION ............................................................................ 18 4. BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................... 21 RESUME.................................................................................................................................... 22

Citation recommandée :

Rigaux P., Chalbos M., Auvity F., Braure E., Trouillet S., 2009. Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie (Arvicola sapidus) : exemple de trois sites en Auvergne. Groupe Mammalogique d’Auvergne, rapport d’étude, 22 p.

Photo en couverture : Etienne Braure

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 2/22

INTRODUCTION

Le campagnol amphibie Arvicola sapidus est un rongeur semi-aquatique dont la répartition mondiale est limitée à une partie de la péninsule ibérique et de la France métropolitaine. En France, il est présent au sud-ouest d’une ligne reliant la Somme à l’Isère puis aux Alpes-Maritimes. Le campagnol amphibie fréquente les eaux stagnantes ou à faible courant des ruisseaux, canaux, étangs et zones humides diverses du niveau de la mer jusqu’à plus de 2000 mètres d’altitude. Il nage aisément en surface et sous l’eau, et se nourrit de plantes herbacées aquatiques ou trouvées sur les berges. L’entrée de son terrier est habituellement immergée. Avec un poids pouvant atteindre 280g et une longueur dépassant 20 cm sans sa queue longue de plus de 10 centimètres, le campagnol amphibie est le plus grand des campagnols. Il ne semble pas présenter d’adaptation morphologique particulière à ce mode de vie aquatique, si ce n’est peut-être son pelage fourni, de couleur brun foncé en France, qui dissimule presque entièrement ses oreilles. Le « rat d’eau », comme on l’appelle parfois, est actif la nuit et le jour mais passe en général inaperçu du fait de mœurs discrètes et de sa faible abondance (Le Louarn & Quéré, 2003, Le Louarn & Saint-Girons, 1977, Saint-Girons, 1973)

Il semble que le campagnol amphibie soit globalement en déclin. L’état des

populations n’est cependant pas homogène, et il peut apparaître commun localement. Les raisons de ce déclin probable seraient liées notamment à l’expansion historique des rongeurs semi-aquatiques introduits en Europe, le ragondin et le rat musqué. L’impact serait possiblement lié à la concurrence directe, et surtout à la lutte contre ces espèces qui peut aussi toucher le campagnol amphibie. D’autres causes sont avancées, en particulier l’impact du rat gris (originaire d’Asie et qui n’est devenu commun en France qu’à partir du XVIIIe siècle) et l’expansion du vison d’Amérique, ainsi que la modification de son habitat par les pratiques humaines (Noblet, 2007, Le Louarn & Querré, 2003, Rigaux & Charruau, 2007).

Le campagnol amphibie se montre en effet plus exigeant en termes de faciès d’habitat

que le rat musqué, le ragondin ou le rat gris. L’habitat de ce campagnol est maintenant bien décrit. Bien que pouvant être trouvé dans des milieux aquatiques d’apparences très diverses, il est surtout tributaire de la présence aux abords immédiats de l’eau d’un couvert végétal herbacé fourni, suffisamment haut et pérenne sous lequel il peut circuler à l’abri et dont il se nourrit. Or dans la plupart des paysages anthropisés, le maintien de ce type de faciès sur les berges des ruisseaux et des étangs est souvent lié à une activité agricole ou à un entretien très modérés, qui laissent s’épanouir cette végétation herbacée des milieux humides mais limitent à long terme le développement d’une végétation ligneuse. De fait, le campagnol amphibie n’occupe en général le réseau hydrographique que de manière très fragmentaire, ne s’installant que sur une partie des portions de cours d’eau ou de plans d’eau présentant un faciès propice (Fedriani et al. 2002, Rigaux & Charruau, 2007, Rigaux & Christianne, 2008). A une plus grande échelle, il est manifestement absent de maintes zones géographiques pourtant riches en milieux semblant susceptibles de l’accueillir.

L’importance de cette fragmentation des populations du campagnol amphibie et sa

répartition réelle en France restent à préciser. Ceci nécessite de recherche l’espèce dans les milieux qu’elle est susceptible de fréquenter dans son aire de répartition historique. Pour ce faire, la prospection des indices de présence sur le réseau hydrographique est un moyen

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 3/22

efficace. Ces indices, principalement les crottes dont on suppose qu’elles peuvent jouer un rôle de marquage territorial, sont en effet facilement détectables et discriminants dans la majeure partie de son aire de répartition (ce qui n’est pas le cas pour la très grande majorité des micromammifères). Avec un effort notable de prospection, il est donc relativement aisé de mettre en évidence en période de reproduction la répartition de cette espèce à une échelle très locale (sur quelques centaines de mètres de réseau hydrographique) comme à une échelle régionale voire nationale.

Néanmoins, ceci ne renseigne pas directement sur les effectifs des populations. Les

densités du campagnol amphibie à l’échelle d’un site occupé (quelques dizaines à centaines de mètres de berges en habitat linéaire) ont en effet très peu été étudiées, de même que l’utilisation de l’espace par les individus au sein d’un site et d’un site à l’autre. S’il est aisé de mettre en évidence en quelques minutes l’occupation d’un site par la découverte d’indices de présence, il ne paraît pas possible de déterminer par cette méthode le nombre d’individus occupant le site. De plus la fragmentation habituelle de la répartition du campagnol amphibie à l’échelle de quelques kilomètres de réseau hydrographique, en habitat linéaire (berges de cours d’eau), est telle que des portions de réseau de quelques dizaines ou centaines de mètres de long peuvent être occupés mais séparés entre eux par des portions de longueur variable, manifestement non occupées au vu de l’absence d’indices. Or la recherche simple d’indice ne permet pas de déterminer si deux tronçons de cours d’eau occupés par l’espèce (au vu de la présence d’indices), et séparés par un linéaire de berge non occupé, peuvent être fréquentés par les mêmes individus. La connaissance de la densité et de l’utilisation de l’espace à l’échelle d’une portion de cours d’eau occupée, et plus largement d’un site englobant plusieurs portions occupées, est donc un préalable à l’estimation d’une densité de population de campagnol amphibie à l’échelle du réseau hydrographique.

Comme pour les autres espèces de micromammifères, mettre en évidence les effectifs

absolus de campagnol amphibie sur un site nécessite la mise en place de captures-marquages-recaptures sur une longue durée. Ce type de captures, relativement lourdes à réaliser, a très peu été mis en place pour cette espèce sur des distances et des durées notables.

L’objectif de cette étude est d’apporter des éléments sur l’utilisation de l’espace et les

effectifs absolus de campagnol amphibie à l’échelle du site en période de reproduction. Pour cela, une campagne de capture-marquage-recapture a été mise en place sur 3 sites

de présence du campagnol amphibie en Auvergne, sites de configurations diverses et englobant chacun des portions de cours d’eau occupées ou non par l’espèce.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 4/22

1. MATERIEL ET METHODE

1.1. Sites d’étude

1.1.1 Choix des sites

La présence du campagnol sur les trois sites d’étude est connue depuis au moins 2007. Elle a été mise en évidence par la découverte d’indices de présences, particulièrement des crottiers. Dès lors que les observateurs savent les identifier, ces indices sont en effet typiques du campagnol amphibie et ne peuvent être confondus (hors des marges de son aire de répartition dans le nord et le nord-est de la France où peut être trouvé une espèce très proche, le campagnol terrestre de forme aquatique Arvicola terrestris, ex-Arvicola terrestris terrestris).

Ces trois sites ont été choisis pour leurs configurations différentes, et parce qu’ils

présentent chacun sur quelques centaines de mètres une succession de portions de berges de faciès variés. Ceci doit permettre de mettre en évidence une différence éventuelle de fréquentation par le campagnol de chacune de ces portions. Il s’agit aussi d’évaluer le linéaire exploité par chaque individu ; ceci nécessite d’appréhender le site sur un linéaire plus grand que celui du faciès semblant le plus propice à l’espèce et manifestement fréquenté d’après les indices de présence.

Les trois sites se trouvent sur les communes de Pontgibaud, Saint-Etienne-des-Champs

(Puy-de-Dôme) et Deux-Chaises (Allier) :

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 5/22

1.1.2. Présentation des sites

Les trois sites se trouvent dans le bassin versant de la Sioule qui appartient au bassin de l’Allier, lui-même inclus dans le bassin de la Loire.

• Site de Pontgibaud

Le site de Pontgibaud (63) se trouve dans l’amont du bassin hydrographique de la Sioule, dans la plaine inondable de la vallée de la Sioule en amont de la ville de Pontgibaud, à 670 mètres d’altitude. Il s’agit d’un affluent de cette rivière, un ruisseau large de quelques dizaines de centimètres à environ un mètre, passant dans un ensemble de prairies pâturées. Le courant est faible à nul. Le linéaire étudié est de 520 mètres. Il commence à quelques dizaines de mètres de la tête ruisseau, soumise à d’importantes variations hydrologiques : le lit peut s’assécher en amont sur plusieurs dizaines voire centaines de mètres en été, et se remplir brutalement à l’occasion de pluies. Plus en aval dans le linéaire étudié, le ruisseau ne semble pas s’assécher, du moins pas régulièrement. Au moment de la campagne de capture, tout le linéaire étudié est en eau.

Deux faciès de berges peuvent être distingués, présents en alternance le long des 520 mètres :

- 2 portions de ruisseau de 50 m et 160 m de long, présentant sur la majorité des deux rives une végétation herbacée hygrophile et aquatique dense et haute. Ces portions paraissent propices à la présence du campagnol amphibie.

- 2 portions de 140 m et 170 m de long, aux berges boisées, non propices.

Ces faciès sont représentés sur le schéma suivant :

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 6/22

• Site de Deux-Chaises

Le site de Deux-Chaises (03) se trouve dans la partie aval du bassin hydrographique de la Sioule, dans le bocage bourbonnais, en tête de bassin d’un affluent secondaire de la Sioule, à 410 mètre d’altitude. Le linéaire étudié concerne 640 mètres de longueur de ce ruisseau, le Venant, large ici de quelques dizaines de centimètres avant une confluence et un pont, à 2-3 mètres après la confluence. Le débit est faible à nul. De part et d’autre du ruisseau se trouvent des parcelles cultivées.

Trois portions peuvent être distinguées sur le linéaire étudié, représentées sur le schéma qui suit :

- une portion amont longue de 430 mètres, dont les berges présentent une végétation herbacée dense et haute sur une largeur de 50 cm environ, au-delà desquels se trouve la terre presque nue d’un champ cultivé. Cette portion présente un faciès paraissant propice à la présence du campagnol amphibie.

- une portion intermédiaire longue de 100 mètres aux berges boisées, non propice.

- une portion amont longue d’environ 110 mètres, dont les berges présentent une alternance de végétation herbacée haute et de zones plus dénudées. Au-delà d’un mètre environ de large se trouve une bande enherbée à la végétation rase sur une largeur de 3-5 mètres, puis des champs cultivés. Cette portion semble modérément propice au campagnol.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 7/22

• Site de Saint-Etienne-des-Champs

Le site de Saint-Etienne-des-Champs (63) se trouve dans la partie amont du bassin versant de la Sioule, dans les Hautes-Combrailles, sur un affluent secondaire de la Sioule, à 720 mètres d’altitude. Le linéaire étudié prend en compte 530 m de rives incluant une portion de ce ruisseau, la Ribière, ainsi qu’un étang de 2,5 ares se déversant dans le ruisseau, et un réseau d’autres étangs beaucoup plus petits, immédiatement voisin du plus grand étang, et en partie connectés au ruisseau par des chenaux. Le courant du ruisseau principal est faible.

Cinq portions différentes peuvent être décrites sur le linéaire de berges étudié :

- une portion de 100 mètres de ruisseau aux rives hautes, denses en végétation herbacée hygrophile et haute, paraissant modérément propice à l’installation du campagnol amphibie.

- une portion de 150 mètres de berges de petits étangs bordées de végétation herbacée hygrophile dense (jonçaie) dans un ensemble arbustif semi-ouvert (saulaie), très propice.

- une portion de 140 mètres de la rive d’un étang riche en végétation herbacée hygrophile haute (joncs), semblant propice.

- une portion de 50 mètres du ruisseau principal en milieu boisé, aux berges pierreuses, non propice.

- une portion de 90 mètres de ce ruisseau en prairie, aux berges meubles et hautes, riches en végétation herbacée hygrophile, propice.

Ces différents faciès sont représentés sur le schéma suivant :

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 8/22

1.2. Méthode

Les pièges utilisés sont des cages pliantes 29x10x10cm avec porte à détente (référence BTTm « piège ratière pliante »). L’appât utilisé est un quartier de pomme, attractif pour A. sapidus. Par ailleurs les pièges et les appâts utilisés permettent notamment la capture de Rattus norvegicus et des jeunes individus de rat musqué Ondatra zibethicus.

Sur chacun des trois sites est disposée une ligne de piégeage dont la longueur dépasse largement le linéaire apparemment occupé d’après les relevés d’indices de présence. Ces trois lignes mesurent 520, 530 et 640 mètres de long, et sont constituées respectivement de 52, 53 et 64 pièges alignés le long de la berge (sur une seule rive) à raison d’un piège tous les 10 mètres environ. Les pièges sont placés au plus près de l’eau, l’ouverture dirigée vers celle-ci, près des placettes et des coulées visiblement fréquentées par A. sapidus. Ils sont relevés quatre fois par 24 heures : juste avant le lever du jour, en milieu de journée, en fin d’après-midi et juste après la tombée de la nuit. Cette fréquence élevée des relevés doit permettre d’optimiser le nombre de recaptures et de limiter au maximum les risques de mortalité.

Chaque individu capturé est pesé ; les longueurs du pied postérieur et de la queue sont relevées dans la mesure du possible. La longueur du pied postérieur supérieure ou égale à 32

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 9/22

mm pour un adulte doit en effet permettre de confirmer l’appartenance des animaux à l’espèce A. sapidus, ce critère les distinguant théoriquement d’A. terrestris dont la longueur du pied postérieure est inférieure à 32 mm (Le Louarn & Quéré 2003). Les animaux sont marqués d’une légère coupe superficielle dans le pelage selon une combinaison discriminante permettant leur identification lors d’éventuelles recaptures, puis relâchés immédiatement à l’endroit de leur capture. Lors de recaptures, les animaux sont identifiés, éventuellement pesés (ce qui ne nécessite pas de manipulations et permet d’obtenir un poids moyen, celui-ci pouvant varier légèrement d’une capture à l’autre, probablement selon l’état de nutrition), puis relâchés.

La position de l’individu sur la ligne de piégeage est notée à chaque capture, ainsi que celle des individus d’autres espèces éventuellement capturés (campagnol agreste Microtus arvalis principalement) et des pièges rendus temporairement inopérants pour diverses raisons (pièges fermés par des grenouilles, des limaces...).

Afin de disposer de plusieurs éléments de description de la répartition des populations de campagnol amphibie à différentes échelles spatiales du réseau hydrographique, on détermine à l’issu des captures, pour chaque site, plusieurs valeurs :

- le linéaire de berges régulièrement fréquenté par individu.

Il s’agit de la distance maximale entre les différents pièges dans lesquels a été capturé le même individu, dès lors qu’il ne semble pas y avoir de capture ponctuelle et isolée d’un individu à l’écart d’un secteur concerné par un grand nombre de captures de cet individu. Les constatations d’occupations nouvelles, d’une année sur l’autre, de sites se trouvant à plusieurs kilomètres des premiers sites occupés sur le réseau hydrographique laissent en effet suggérer que les campagnols amphibies sont bien sûr capables de parcourir sur le réseau hydrographique des distances largement supérieures à celles parcourus de manière plus régulière et fréquente sur les territoires occupés en période de reproduction (Rigaux & Christianne, 2008). Au-delà de tous les biais envisageables et inhérents à toute capture (modification du comportement exploratoire des animaux entraîné par l’attirance pour les appâts, temps passé dans les pièges, stress de la capture, etc…), on peut considérer qu’une durée de piégeage de 8 à 9 nuits en période de reproduction permet de mettre en évidence le linéaire du territoire régulièrement fréquenté, et que ce résultat est d’autant plus fiable que le taux de recapture est élevé dans des pièges différents. Cette valeur est à distinguer du linéaire pouvant probablement être parcouru par un individu de manière plus occasionnelle en période de reproduction, ou d’autant plus, par exemple, lors de la dispersion d’individus.

- le « nombre d’individus /100 mètres de linéaire occupé ».

Il s’agit de la densité d’individus par linéaire manifestement occupé par l’espèce d’après la localisation des recaptures (cf. valeur précédente). Ceci peut être considéré comme correspondant à une densité très locale de campagnols amphibies au sein de micro-portions du réseau hydrographique occupées.

- le « nombre d’individus /100 m de linéaire propice en continu ».

Il s’agit de la densité d’individus par rapport au linéaire de berges présentant les 2 critères suivants : 1) paraissant propice à la présence de l’espèce ; 2) occupé ou situé dans la continuité du linéaire occupé (d’après la localisation des recaptures). On définit qu’un linéaire

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 10/22

de cours d’eau est de faciès continu lorsqu’il n’existe pas en son sein de portion de plusieurs dizaines de mètres de cours d’eau de faciès différent. Le linéaire « propice en continu » peut être considéré comme étant la somme du linéaire occupé et du linéaire «disponible» dans la continuité immédiate de celui-ci (d’après les critères de descriptions d’habitat propice à cette espèce dont nous avons connaissance, Rigaux & Charruau, 2007). Cette densité peut être définie comme étant une densité très locale de campagnols amphibies au sein de portions du réseau hydrographique englobant des micro-portions occupées et des micro-portions considérées comme immédiatement disponibles car propices et situées dans la continuité de celles occupées. Pour le calcul de cette valeur, contrairement à la suivante, on ne prend donc pas en compte les portions de réseau hydrographique paraissant propices mais séparés d’une portion occupée par un tronçon non propice (par exemple un tronçon de ruisseau en milieu prairial aux berges très propices, mais non occupé et séparé d’un tronçon occupé par le passage du ruisseau en sous-bois non propice sur quelques centaines de mètres).

- le « nombre d’individus /100 m de linéaire propice total ».

Il s’agit de la densité d’individus par rapport au linéaire de berges paraissant propice à la présence de l’espèce (d’après nos critères) sur l’ensemble du linéaire étudié. Cette valeur est donc inférieure ou égale à la précédente. Ces deux valeurs peuvent être considérées comme deux manières d’aborder la densité du campagnol amphibie par rapport à l’habitat « disponible pour cette espèce » à l’échelle de quelques centaines de mètres de berges.

- le « nombre d’individus /100 m de linéaire total ».

Il s’agit de la densité d’individus par rapport à l’ensemble du linéaire de berge étudié (520 à 640 mètres selon le site). Elle correspond à une densité de campagnols amphibies dans un ensemble prenant en compte différentes portions de réseau hydrographique, certaines manifestement propices à l’espèce et occupées par celle-ci, d’autres paraissant propices mais non occupées, d’autres enfin paraissant moins voire non propices, et non occupées. La proportion de ces différents linéaires varie évidemment selon le site étudié. Ce résultat donne donc un aperçu d’une densité locale de campagnol amphibie sur une portion de quelques centaines de mètres de réseau hydrographique occupé de manière discontinue par l’espèce, comme cela est manifestement le cas dans la très grande majorité des zones où est présent ce campagnol dans son aire de répartition.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 11/22

2. RESULTATS

Afin de visualiser les déplacements de chaque individu de campagnol amphibie mis en évidence par la capture/marquage/recapture, on présente pour les trois sites d’étude la localisation des différents pièges dans lesquels ont été capturés chaque individu, et le nombre de captures de chaque individu dans chacun de ces pièges.

2.1. Site de Pontgibaud

Dix campagnols amphibies ont été capturés le site de Pontgibaud. La localisation des capture/recaptures de chacun d’entre eux est représentée sur le schéma suivant (pour l’ensemble de l’étude, le numéro des individus sur chaque site est attribué dans l’ordre de leur première capture) :

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 12/22

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 13/22

Le linéaire manifestement fréquenté par les campagnols amphibie d’après la localisation des captures/recaptures correspond assez précisément à celui sur lesquels ont été préalablement trouvés les crottes et crottiers de l’espèce.

Les résultats des prises de mesures effectuées sur ces 10 individus sont donnés dans le tableau suivant :

Longueur Longueur

n° Individu Poids (g) pied postérieur (mm) queue (mm)

1 185 35 124 2 210 35 125 3 155 35 105 4 70 35 90 5 275 37 121 6 160 35 119 7 60 34 86 8 60 30 82 9 110 34 80

10 60 33 83 Biométrie des campagnols amphibies capturés sur le site de Pontgibaud

Sur ces 10 individus, au moins 4 sont des jeunes (poids <100g). La localisation des captures/recaptures met en évidence la présence de 2 groupes de campagnols amphibies visiblement distincts dans l’espace :

- un groupe paraissant être composé de 5 individus dans la partie amont du linéaire étudié (partie gauche sur le schéma : individus n° 5, 7, 8, 9, 10), groupe nommé A (partie A du linéaire). On considère que cette partie A est fréquenté par 2 adultes.

- un groupe qu’on considère être de 5 autres individus plus en aval (partie centrale sur le schéma : individus n° 1, 2, 3, 4, 6), nommé groupe B (portion B du linéaire). Notons cependant que ce chiffre de 5 individus prend en compte l’individu n° 6 qui n’a été capturé qu’une fois, sans qu’on puisse donc affirmer que cette capture concerne un individu cantonné, et non de passage. On considère néanmoins que le groupe B est composé de 4 adultes.

La portion A du linéaire étant située en limite de ce linéaire étudié, on ne peut pas en déduire le linéaire occupé par individu, ni les densités d’individus. Il est en effet certain que que le ruisseau est fréquenté par les campagnols amphibie immédiatement en amont du linéaire étudié ; il est donc très probable que les individus capturés sur la partie A fréquentent un linéaire plus grand que celui de la portion A.

Le taux de recapture est relativement élevé pour la plupart des individus du groupe B, et ces recaptures sont assez nettement concentrées dans l’espace pour qu’on puisse en déduire le linéaire fréquenté et les densités d’individus dans cette portion B:

- le linéaire moyen régulièrement fréquenté par un individu adulte est de l’ordre de 80 à 150 mètres. La plus grande distance entre deux recaptures d’un individu est de 200 mètres. La distance la plus faible de recapture régulière (avec un taux de recapture élevé) est de 40 m et concerne un jeune (individu n°6).

- La densité est de 2,7 individus adultes /100 mètres de linéaire occupé par l’espèce (en considérant 4 adultes /150 mètres environ estimés occupés d’après les recaptures de l’ensemble des individus du groupe B).

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 14/22

- La densité est aussi de 2,7 individus adultes /100 mètres de linéaire « propice en continu ». En effet, les campagnols amphibies occupent tout le linéaire paraissant propice (selon nos critères de faciès d’habitat) et en continuité avec le lieu de leur capture.

- La densité est aussi de 2,7 individus adultes /100 mètres de linéaire propice total. En effet sur ce site de Pontgibaud, la totalité du linéaire paraissant propice à la présence du campagnol amphibie est occupé d’après les indices de présence et le résultat des captures/recaptures.

- La densité est de 1,2 individus adultes /100 mètres de linéaire total, d’après l’ensemble des effectifs obtenus sur les 520 mètres étudiés (comprenant 320 mètres de linéaire paraissant non propice à l’installation du campagnol).

2.2. Site de Deux-Chaises

Deux campagnols amphibies et un rat gris (Rattus norvegicus) ont été capturés sur le site de Deux-Chaises. Le schéma suivant représente la localisation des capture/recaptures de chacun d’entre eux :

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 15/22

La localisation des captures/recaptures de campagnol amphibie correspond à celle des crottes et crottiers de cette espèce préalablement trouvés. Par ailleurs le rat gris a été capturé dans le secteur sur lequel avait préalablement trouvés des crottes et empreintes de cette espèce, à 200 mètres de l’endroit où ces indices sont le plus visibles et pérennes pour cette espèce pas toujours décelable en milieu naturel (sous un pont).

Les résultats des prises de mesures effectuées sur les 2 campagnols amphibies sont donnés dans le tableau suivant :

Longueur Longueur n° Individu Poids (g)

pied postérieur (mm) queue (mm) 1 250 40 150 2 230 38 135

Biométrie des campagnols amphibies capturés sur le site de Deux-Chaises

Les deux individus sont adultes. Le très faible taux de recapture sur ce site oblige à considérer les valeurs suivantes avec beaucoup de prudence :

- Le linéaire fréquenté par l’individu n°1 (adulte) semble être de l’ordre de 90 mètres.

- La densité serait donc de 2 individus /100 mètres environ de linéaire occupé (en supposant que l’individu n°2, capturé une seule fois, n’est pas un individu de passage).

- La densité est de 0,5 individus /100 mètres de linéaire « propice en continu ». Le faciès du ruisseau est en effet homogène sur 400 mètres en continu avec la partie fréquentée.

- La densité est de 0,4 individus /100 mètres de linéaire propice, en incluant le linéaire paraissant modérément propice plus en aval sur le linéaire étudié. Notons que cette partie, non occupée par les campagnols amphibie lors de l’étude, était occupée en 2007 mais ne l’était plus en 2008 (Rigaux & Christianne, 2008), sans qu’on ait constaté un bouleversement dans le faciès des berges.

- La densité est de 0,3 individus /100 mètres de linéaire total, d’après l’ensemble des effectifs sur les 640 mètres étudiés (comprenant 100 mètres de linéaire non propice).

2.3. Site de Saint-Etienne-des-Champs

Six campagnols amphibies ont été capturés sur le site de Saint-Etienne-des-Champs. La localisation de leurs captures/recaptures est représentée sur le schéma suivant :

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 16/22

Comme pour les deux précédents sites, des crottes et crottiers de campagnol amphibie avaient préalablement été trouvées sur l’ensemble du linéaire manifestement fréquenté par l’espèce d’après la localisation des captures/recaptures.

Mais ces indices ont aussi été trouvés sur une portion du linéaire sur laquelle aucun individu n’a pourtant été capturé. Il s’agit d’une portion de 40 mètres située dans la partie aval du ruisseau principal, portion située en limite du linéaire étudié (à droite sur les schémas). Les individus capturés dans les pièges les plus proches l’ont été à 120 mètres de là. Par ailleurs, la recherche d’indices de présence sur 100 m en aval au-delà de la ligne de capture s’est avérée

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 17/22

négative, suggérant que les indices trouvés en limite de ligne ne concernaient pas des individus occupant le ruisseau en aval immédiat de la ligne de capture.

Les résultats des prises de mesures effectuées sur les 6 campagnols amphibies capturés sont donnés dans le tableau suivant :

Longueur Longueur n° Individu Poids (g)

pied postérieur (mm) queue (mm) 1 190 / / 2 230 35 119 3 205 35 120 4 60 32 85 5 200 36 102 6 275 39 130

Biométrie des campagnols amphibies capturés sur le site de St-Etienne-des-Champs

Il s’agit donc de 5 individus de taille adulte, un d’un jeune (n°4).

Les configurations du site et de la ligne de capture (avec un passage par la berge de plusieurs petits étangs) rendent délicate la détermination de densités d’individus par rapport à des linéaires de berges. Pour les individus n° 2 et 3 (les seuls pour lesquels le taux de recapture paraît suffisamment élevé), on peut néanmoins évaluer la taille de la zone fréquentée par individu, en tenant compte évidemment de la distance réelle entre les pièges concernés par les recaptures, et non pas de leur positions relatives sur la ligne de pièges :

- La longueur de la zone fréquentée par ces deux individus est de l’ordre de 100-120 mètres. La largeur de cette zone est au moins d’une vingtaine de mètres.

Bien qu’il n’y ait pas eu de pièges posés au-delà de cette largeur, on peut estimer une superficie fréquentée : les indices de présence de campagnol ont été trouvés sur l’ensemble des berges des petits étangs, mais pas sur la berge opposée du grand étang (à droite sur les schémas). Sans qu’on puisse affirmer que les mêmes individus fréquentent l’ensemble de ces petits étangs au-delà de la ligne de pièges, on peut néanmoins proposer une superficie fréquentée dans cette configuration de site :

- La surface de la zone fréquentée par ces deux individus semble être d’au moins 3600 m2 (120x30 m).

De même, du fait de la configuration de la ligne de capture et la localisation des recaptures dans cette partie du site (petits étangs et portion de berge du grand étang voisin), la détermination de densités d’individus par linéaires de berges est délicate. Dans ce secteur, on peut estimer qu’au moins 3 longueurs de berges sont concernées par les deux parties de la ligne de capture parallèles entre elles sur 150 mètres de long : les 2 berges principales des petits étangs et la berge du grand étang située de l’autre côté du chemin (sans qu’on sache si la berge opposée de cet étang est fréquentée par les mêmes individus). Les valeurs suivantes doivent donc être prises avec toutes les précautions liées à la difficulté d’une telle approche.

Dans un premier temps, on peut calculer les différentes densités par rapport au linéaire de la ligne de piégeage :

- La densité serait de 2 individus adultes /100 mètres de linéaire occupé.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 18/22

- La densité serait de 1,4 individus adultes /100 mètres de linéaire « propice en continu », en estimant qu’il existe 100 mètres de linéaire propice sur la ligne de capture dans la continuité du secteur fréquenté.

En considérant cette fois les berges des petits étangs non soumises au piégeage mais situées dans l’ensemble du secteur fréquenté par les campagnols, soit un linéaire supplémentaire de 90 mètres considéré comme occupé en plus du linéaire de ligne de piégeage sur lequel ont été capturés les campagnols :

- La densité serait de 1,4 individus adultes /100 mètres de linéaire occupé.

- La densité serait aussi de 1,4 individus adultes /100 mètres de linéaire « propice en continu ». L’ensemble des berges propices au campagnol dans ce secteur des petits étangs est en effet fréquenté au vu des résultats de capture et des indices de présence.

Plus simplement, on peut évaluer ces densités par unité de surface :

- La densité serait de 1,4 individus adultes /1000 m2 de surface occupée (5 adultes /3600 m2 occupés).

- La densité serait aussi de 1,4 individus adultes /1000 m2 de surface propice en continu.

Enfin il ne paraît pas possible de déterminer précisément une densité d’individus par rapport au linéaire propice total, ni par rapport au linéaire total étudié. En effet la présence de crottiers sur une portion du linéaire sur laquelle aucun individu n’a pu être capturé (ruisseau aval) signifie qu’on ne dispose pas des effectifs complets sur l’ensemble du linéaire étudié. A titre indicatif, l’hypothèse de la présence d’un individu adulte sur les 40 mètres concernés par ces indices de présence donnerait une densité générale de 1,2 individu adultes /100 mètres de linéaire propice total (6 adultes / 490 m de linéaire propice total) et une densité générale de 1,1 individu adulte /100 mètres de linéaire total (530 m).

3. DISCUSSION GENERALE ET CONCLUSION

Les effectifs de campagnols amphibies obtenus à l’issue de 8-9 nuits de capture sont considérés comme étant les effectifs totaux des individus cantonnés sur les sites étudiés, ou proches des effectifs totaux dans la mesure où il reste possible que certains individus ne se fassent pas capturer (Rigaux & Charruau, 2007) : cette possibilité constitue un biais inhérent à toute capture même de longue durée. Sur le site de Saint-Etienne-des-Champs, il semble qu’au moins un individu fréquentant une certaine portion de ruisseau n’ait pas été capturé.

Les taux de recapture suffisamment élevés pour certains individus dans des pièges différents permettent d’évaluer sur ces sites la zone habituellement fréquentée par un individu adulte en période de reproduction à 80-150 mètres de rive en milieu linéaire, et à 3600 m2 en milieu surfacique (pour une longueur similaire à celle exploitée en milieu linéaire). Pour ces animaux manifestement cantonnés, on peut supposer que cette zone fréquentée (ou régulièrement exploitée) constitue un territoire (si tant est que ces animaux défendent un territoire contre des individus de la même espèce). En mai à juillet (période des captures) en milieu linéaire, ces portions de rive sont fréquentées par 2 à 5 individus dont 2 à 4 de taille adulte.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 19/22

Des crottiers de campagnol amphibie ont été trouvés sur l’ensemble de ce linéaire fréquenté, et le plus souvent, pas ou très peu au-delà. L’hypothèse communément formulée selon lequel ces crottiers joueraient un rôle de marquage territorial paraît probable et serait à vérifier.

Dans l’ensemble, les effectifs obtenus sur les sites de configuration linéaire, en cours d’eau (Pontgibaud et Deux-Chaises), correspondent à des abondances inférieures à celles habituellement citées (5 individus /100 mètres de rive, Le Louarn & Querré, 2003), et ce quel que soit le mode de calcul utilisé :

- 2 à 2,7 adultes /100 mètres de rive occupées,

- 0,5 à 2,7 adultes /100 mètres de rive paraissant propice en continu,

- 0,4 à 2,7 adultes /100 mètres de rive paraissant propice,

- 0,3 à 1,2 adulte /100 mètres de linéaire total.

Notons que ces résultats ne varient pas notablement si on prend en compte les individus juvéniles capturés.

Les résultats obtenus sur le site de Saint-Etienne-des-Champs confirment qu’en milieu non linéaire (réseau de petits étangs), la zone exploitée par les campagnols n’est pas linéaire et peut s’étendre selon la configuration spatiale du milieu propice : les mêmes individus fréquentent régulièrement deux étangs dont les berges présentent une végétation très propice (jonçaie dense et haute), mais séparés par un chemin présentant sur 3 mètres de large un faciès d’herbe rase (non propice en tant que tel à leur installation).

Sur le site de Pontgibaud à l’échelle du linéaire étudié (520 m), la disponibilité de l’habitat est manifestement un facteur limitant la répartition du campagnol amphibie. Tout le linéaire paraissant propice à l’espèce, selon les critères à notre connaissance, est occupé (végétation herbacée dense et haute souvent hygrophile, sur berge meuble). Ce linéaire au faciès propice représente environ 40% du linéaire total étudié sur ce site, soit une proportion très inférieure à celle constatée sur les deux autres sites.

Au contraire sur les sites de Saint-Etienne-des-Champs et Deux-Chaises, la disponibilité de l’habitat ne semble pas être un facteur limitant la répartition du campagnol à l’échelle des 530 et 640 mètres de linéaire étudié. A Saint-Etienne-des-Champs, on peut considérer que les campagnols amphibies occupent 50 à 60 % du linéaire propice, lui-même représentant 70 à 90% du linéaire total. A Deux-Chaises, les campagnols amphibies n’occupent que 15 à 20% de l’habitat propice, lui-même représentant 70 à 85% du linéaire total (ces fourchettes étant liées aux différences d’évaluation qu’on peut faire du caractère propice des rives).

Bien qu’il puisse être impossible d’accéder à la connaissance exhaustive de tous les facteurs d’habitat susceptibles d’influer sur la présence du campagnol amphibie, il paraît très peu probable que l’évaluation du caractère propice du faciès de l’habitat soit insuffisante au point de ne pas pouvoir mettre en évidence le caractère non-limitant de l’habitat sur ces deux sites. Particulièrement à Deux-Chaises, le faciès du ruisseau et des berges semble homogène sur une continuité de plusieurs centaines de mètres au-delà du linéaire manifestement fréquenté par les campagnols. Par ailleurs sur le site de Pontgibaud, il est probable que l’occupation de tout l’habitat propice par les campagnols s’explique simplement par le fait que l’habitat propice est très peu représenté sur ce site. Sur les deux autres sites, l’abondance des campagnols amphibies ne semble pas suffisamment élevée pour qu’ils aient à occuper l’ensemble de l’habitat disponible.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 20/22

Cette faiblesse apparente de la densité des individus par rapport à l’habitat paraissant « disponible » à l’échelle de quelques centaines de mètres de réseau hydrographique est à mettre en relation avec l’influence de la disponibilité de l’habitat à l’échelle de zones géographiques ou de bassins versants : dans le bassin de la Sioule (auquel appartiennent les trois sites étudiés), les zones dans lesquelles est présent le campagnol amphibie sont parmi celles qui offrent les plus importantes proportions de tronçons de rive de faciès propice. Cependant, même au sein de ces zones occupées, les tronçons de faciès propice ne représentent qu’une partie minoritaire du réseau hydrographique, et les campagnols amphibies n’occupent eux-mêmes qu’une minorité de ces tronçons propices. De plus, des tronçons peuvent n’être occupés que temporairement d’une année sur l’autre, surtout si leur faciès se modifie du propice au non propice, ou inversement (évolution de la végétation, bouleversement anthropique…), voire sans qu’une cause n’ait pu être mise en évidence. Enfin dans ce bassin versant, aucun tronçon complètement isolé n’a été trouvé. La disponibilité de portions de rives propices à proximité de portions occupées semble donc être un facteur favorisant le maintien d’une population de campagnol amphibie à l’échelle d’une zone de quelques kilomètres de réseau hydrographique. En d’autres termes, la densité du réseau de sites propices semble être un facteur important (mais non suffisant) de présence et de maintien des campagnols amphibies (Rigaux & Charruau, 2007, Rigaux & Christianne, 2008).

Les résultats obtenus sur les sites de Saint-Etienne-des-Champs et Deux-Chaises confirment que la faiblesse de la proportion de sites occupés à l’échelle de zones de présence de quelques dizaines voire centaines de kilomètres de réseau hydrographique peut se retrouver à l’échelle de quelques centaines de mètres : les portions de rives occupées par des territoires de campagnols amphibies peuvent ne représenter qu’une partie du linéaire d’habitat paraissant propice à l’espèce. La faiblesse apparente de densité à toutes les échelles envisagées (du tronçon de quelques centaines de mètres au zones de présence de quelques kilomètres à centaines de kilomètres de réseau hydrographique), et la discontinuité des zones de présence à l’échelle du bassin versant comme à celle de la région Auvergne, et probablement comme à l’échelle de l’ensemble de son aire de répartition, peut être considéré comme un caractère important de fragilité des populations de campagnol amphibie.

Il reste que l’organisation des populations, l’utilisation de l’espace (mâle/femelle), les modalités de la dispersion des individus, leur capacité d’exploration et de colonisation, l’évolution intra-annuelle des densités et des possibles variations inter-annuelles notamment, seraient étudier par la mise en place d’études sur des durées plus importantes, avec le suivi d’individus par d’autres moyens que la capture/marquage/recapture (perturbante et lourde à réaliser).

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 21/22

4. BIBLIOGRAPHIE

Fedriani J. M. et al., 2002. Local and landscape habitat determinants of water vole distribution in a patchy Mediterranean environment, Ecoscience 9 (1) : 12-19. Le Louarn H. & Quéré J.-P., 2003. Les rongeurs de France, faunistique et biologie, INRA éditions, Paris, 256 p. Le Louarn H. & Saint Girons M.-C., 1977. Les rongeurs de France, INRA éditions, Paris : 97-104. Noblet J.-F., 2005. Sauvons le campagnol amphibie, Nature et Humanisme, 22 pp. Rigaux P. & Charruau P., 2007. Le campagnol amphibie Arvicola sapidus dans le bassin versant de la Sioule (Allier, Puy de Dôme et Creuse). Etat de la population, influence de facteurs naturels et anthropiques et apport général à l'étude des populations. Groupe Mammalogique d'Auvergne, rapport d’étude, 55 p. Rigaux P. & Christianne L., 2008. Le Campagnol amphibie Arvicola sapidus dans le bassin versant de la Sioule (Allier, Puy-de-Dôme, Creuse) : suivi 2008. Groupe Mammalogique d’Auvergne, rapport d’étude, 13 p. Saint Girons M.-C., 1973. Les mammifères de France et du Benelux (faune marine exceptée), Doin, Paris, 481 p : 322-331. Strachan R. & Moorhouse T., 2006. Water vole conservation handbook, Environnement agency, second edition, Wildlife conservation Research Unit, 131 p.

GMA 2009 Eléments sur la densité locale et l’utilisation de l’espace du campagnol amphibie 22/22

RESUME

Le campagnol amphibie (Arvicola sapidus) est un rongeur semi-aquatique indigène en Europe, et dont la répartition mondiale est limitée à une partie de France et de la péninsule ibérique. Son habitat est constitué par des zones humides, des cours d’eau lents et des étangs aux berges meubles et riches en végétation herbacée. Dans le Massif Central comme dans une grande partie de son aire de répartition, sa distribution est fragmentée au point qu’il n’est présent que dans certains secteurs géographiques, et au sein de ces zones, n’occupe le réseau hydrographique que de manière très lacunaire. En Auvergne au sein de ces zones, seul une partie des portions de rives paraissant propices à l’installation de l’espèce sont occupées, et elles peuvent ne pas l’être de façon pérenne d’une année à l’autre. Mais la densité locale des campagnols amphibies à l’échelle de ces tronçons de rives est peu connue, de même que la taille de leur domaine vital et l’organisation des populations. Les techniques de capture/marquage/recapture habituellement utilisées pour mettre en évidence ce type de données chez les micromammifères n’ont en effet jusqu’alors été que très peu employées pour l’étude du campagnol amphibie à des échelles et sur des durées suffisantes.

L’objet de la présente étude est d’apporter des éléments de connaissance sur la taille du domaine exploité par les campagnols amphibies, leur densité et l’occupation de l’espace à l’échelle du site. Pour cela, une campagne de capture/marquage/recapture a été réalisée en période de reproduction sur trois sites de présence du campagnol amphibie en Auvergne, en mai/juillet 2009. Ces sites, de configurations différentes, englobent chacun des portions de berges propices à l’espèce et des portions non propices. Une ligne de pièges non vulnérants a été posée sur chaque site, d’une longueur de 520 à 640 mètres à raison d’un piège tous les 10 mètres, pour une durée de 8 à 9 nuits (correspondant à 23 à 26 relevés). Afin d’évaluer la localisation et les déplacements des campagnols, chaque individu capturé a été marqué, et la localisation des recaptures relevée.

Les résultats mettent en évidence un cantonnement des individus à un secteur paraissant bien défini pendant cette période. En milieu linéaire (ruisseau), la longueur de cours d’eau régulièrement fréquentée par un individu peut être de 80 à 150 mètres. Un tel tronçon peut être fréquenté par un groupe de 2 à 5 individus dont 2 à 4 de taille adulte, le domaine apparemment exploités par ces différents individus pouvant ne pas se recouvrir complètement, même si ceci resterait à préciser. Il n’a pas été mis en évidence d’échanges entre deux groupes occupant deux tronçons de ruisseaux séparés par 140 mètres de linéaire de ruisseau non occupé et non propice. En milieu non linéaire, dans le cas d’un réseau de petits étangs séparés par quelques mètres, le domaine fréquenté par les campagnols suit la configuration spatiale de l’habitat, les campagnols pouvant passer fréquemment d’un étang à l’autre. Sur le site présentant la plus faible proportion d’habitat paraissant propice, l’ensemble de cet habitat est occupé. Sur les deux autres sites où la proportion de milieu semblant propice à l’espèce est plus importante, les campagnols amphibies n’occupent qu’une partie de l’habitat disponible. Enfin les densités obtenues semblent être de 2 à 2,7 adultes /100 mètres de rive occupées, 0,4 à 2,7 adultes /100 mètres de rive paraissant propice, et 0,3 à 1,2 adulte /100 mètres de linéaire total à l’échelle des quelques centaines de mètres étudiées sur chaque site. L’ensemble de ces résultats confirment et précisent le caractère fragmentaire de la distribution du campagnol amphibie sur le réseau hydrographique. L’organisation des populations resterait à préciser par la mise en place d’études plus poussées à l’aide de techniques adaptées à des échelles spatiales et temporelles plus importantes.