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Emeraude-Novembre 2013

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La Création continue et la Providence divineDieu dans l'Univers de Newton ?Les lois de Newton au-delà des formulesLa validité de la connaissance scientifiqueMathématiques et cosmologieBirth control, planning familial, contrôle de naissanceLa dhimmitude en pratique

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no 23 Novembre 2013

EMERAUDE

Un Essai apologétique

La pierre précieuse, voire de grand prix aux yeux de certains, qu'est l'émeraude, se voit insultée par un morceau deverre habilement truqué, s'il ne se rencontre personne qui soit capable de procéder à un examen et de démasquerla faute. Et lorsque de l'airain a été mêlé à l'argent, qui donc, s'il n'est connaisseur, pourra aisément le véri�er ?(Saint Irénée, Contre les Hérésies)

Table des matières

La Création continuée ou la

Providence divine . . . . . . . 1

Dieu dans l'Univers de Newton ? 4

Les lois de Newton : au-delà des

formules . . . . . . . . . . . . 8

La Validité de la connaissance

scienti�que . . . . . . . . . . . 11

Mathématiques et Cosmologie . . 13

Birth Control, planning familial,

contrôle de naissance . . . . . 15

La Dhimmitude en pratique . . . 17

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Quel maître voulez-vous nous imposer ?

Selon les ardents défenseurs de nouveaux droits, nos manières de penser et de vivre seraient

façonnées par la société et par son histoire. Nous sommes en e�et le fruit d'une histoire

et plus encore d'une civilisation. C'est aussi le propre de la connaissance de construire

l'homme. Le christianisme a réussi à le défaire d'un certain nombre de modèles pour imposer

les valeurs chrétiennes et construire une civilisation chrétienne.

L'enjeu actuel ne réside donc pas dans le fait de construire ou de déconstruire mais dans

l'édi�ce que nous voulons bâtir. Pourquoi devons-nous rejeter le modèle actuel ? Et pour

quel modèle ? Telles sont les véritables questions que nous devons nous poser.

Que cherchent ces idéologues ? Déconstruire l'homme sans autre projet que de le détruire

et de le déréférencer ? Tout vouloir, c'est ne rien vouloir. Déconstruire l'homme sans le

construire, c'est le vouer au malheur et à la folie. Certes la colère et la haine les guident

probablement mais il y a d'autres motivations beaucoup plus profondes encore.

L'homme se construit de lui-même pour donner sens à sa vie et à ce qu'il perçoit. Sa manière

d'être, de penser, d'agir s'appuie sur une conception de la vie qu'il bâtit à partir de valeurs

et de normes. Les connaissances qu'il acquiert et l'éducation qu'il reçoit édi�ent en lui des

bases sur lesquels il peut s'appuyer pour vivre et donner du sens. Les � normes � lui sont

donc essentielles. L'anarchiste lui-même a ses propres normes. Or qui élabore les normes et

les impose à l'homme en devient son maître.

Au lieu de décrier sur les valeurs chrétiennes, peuvent-ils nous dire ce qu'ils veulent

réellement ? Le respect des droits fondamentaux, répètent-ils. Certes mais quel édi�ce voulez-

vous construire ? Quel est le maître que vous voulez imposer aux hommes ? Notre réponse

est claire : nous voulons Jésus-Christ comme Seigneur...

La Création continuée ou la Providence divine

Dans nos pensées comme dans nos prières, quel Créateur évoquons-nous ? Est-ce un habile horlogerqui a construit un beau mécanisme capable de tourner inlassablement au cours des siècles ? Intervient-Ilparfois en cas de pannes pour relancer la machine ou laisse-t-Il son ouvrage se dérouler selon des loisinexorables jusqu'à l'arrêt irrémédiable ? Ou est-ce un incroyable géomètre qui a bâti un Monde pourle délaisser aussitôt ? Dieu serait-Il comme un enfant qui, las de son jouet, a abandonné la Créationà son terrible destin. Ou maître incontesté, Il supporte l'Univers, maîtrisant tout, manipulant sescréatures comme des pantins, désignant les uns aux feux de l'éternité et aux autres aux félicités sans�n ?

Pouvons-nous en e�et envisager l'origine du Monde sans songer à sa continuité ? L'instant zéro de la Création n'a de sensque s'il est le commencement d'un temps qui s'écoule. De même, l'idée de la Conservation du Monde est inséparable de cellede sa Création...

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Le triomphe de la Providence

divine, Pietro de Cortona

Dieu Créateur et Conservateur...

Nous le savons et nous le professons : Dieu est cause première et suprêmede toute chose. Il est le Créateur de tout ce qui existe. Du néant, Il a faitnaître toute chose. Nous croyons en une Création � ex nihilo � et en sa puissancein�nie.

Il n'est pas seulement le � Tout-Puissant �, Il est également le � Pantocrator �, leSouverain de l'Univers. Par conséquent, Il est aussi cause de la conservation du Monde et deses créatures. Tout être persiste dans l'existence en vertu de sa volonté et de sa puissance.L'÷uvre créatrice se poursuit ainsi dans sa conservation. La Création et la Conservationsont un seul et même acte divin. La Conservation est, selon Saint Augustin, une � Créationcontinuée �.

Comme souverain absolu, Dieu dirige tout. Rien n'échappe à sa connaissance et à savolonté. Omniscient, Il protège et gouverne le Monde à tout instant. Ainsi est-Il appelé le� roi des siècles � 1. Sa souveraineté est aussi de toute éternité.

Quelles di�érences entre Création et Conservation ?

La Création pose l'être. Dans la Conservation, aucun être n'est produit mais l'être déjà existant est continué. Elle supposela création de l'être. L'existence suppose l'avènement. Constatant notre existence, nous ne pouvons pas nier que nous existons.Nous sommes témoins tous les jours de notre permanence mais nous ne pouvons pas témoigner par nous-mêmes de notreorigine si ce n'est que par un raisonnement inductif.

Le triomphe de la Providence

divine (détail)

La Création appartient au passé, à une lointaine origine. Elle est au commencement. Elleest même à l'origine du temps. La Conservation appartient à la durée. Elle est du passécomme du présent et devrait se poursuivre dans le futur.

En�n, dans la Création, seul Dieu agit. Lui-seul peut créer � ex-nihilo �. Dans laConservation, Dieu peut aussi agir. Les créatures agissent aussi avec Lui dans la mesureoù elles coopèrent à leur durée. Il peut en quelque sorte déléguer son pouvoir à ses créatures.La Conservation peut donc être considérée comme une ÷uvre partagée entre Dieu et sescréatures.

Un Monde inexplicable naturellement

Revenons au commencement, c'est-à-dire à la Création. Comme nous l'avons déjà évoqué, la Création est une ÷uvredivine, parfaitement libre, ÷uvre de pure bonté, de pur amour. Rien ne pouvait obliger Dieu à faire sortir Ciel et Terre dunéant. L'homme n'est pas en soi un être indispensable. Une �eur au parfum ravissant peut ne pas exister. Tout ce qui nousentoure n'est pas en soi nécessaire. L'Univers dans sa totalité pouvait ne pas être. Tout repose sur ce mystère. Il est possiblede concevoir le Big Bang selon un mécanisme sensé et cohérent mais qui peut expliquer l'atome primitif ? Qui peut justi�erl'instant primordial ? Nul ne peut répondre. L'instant avant l'instant, c'est-à-dire le non-instant, demeure inexplicable. Celadépasse notre intelligence. Nous vivons dans le temps et nous pensons avec le temps. Hors du temps, rien ne nous estintelligible. Que le temps soit, tout le monde le conçoit, mais pourquoi il y eut une première seconde, nul ne peut le dire.Car il n'y a pas de nécessité à cela...

Un Monde ordonné

Mais depuis que l'Univers est sorti du néant, tout est devenu nécessaire. Supprimez toutes les �eurs et vous verrez unMonde bancal. Devant les ravages écologiques de notre temps, nous constatons l'importance de chaque élément constituantle Monde et encore plus des relations existantes entre elles. Un degré de température de plus sur notre planète et toutse dérègle. Le bruissement d'une aile de papillon peut changer le Monde. Nous parlons même d'écosystème pour traduirel'interdépendance entre toutes les créatures. Sans abeilles, les �eurs pourraient-elles encore exister ?

Peut-il y avoir interdépendance sans ordre ? Plus nous découvrons le Monde, plus nous sommes frappés par les inextricablesrelations qui lient les créatures entre elles, et encore plus l'homme à son environnement. Deux questions : d'où vient cet ordre ?Et comment demeure-t-il dans le temps ? D'autres questions encore : ces relations sont-elles des causes de phénomènes ouleurs conséquences ? Une �eur a-t-elle besoin des abeilles ou pro�te-elle d'elles ? En�n, ultime question sur notre propreconnaissance : construisons-nous ces liens pour expliquer ce que nous observons ou existent-ils indépendamment de nosobservations ? Questions délicates à l'origine de bien d'erreurs et de théories...

1. Saint Augustin, Sermon 215, Denzinger 21.

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Le Monde ÷uvre d'une intelligence

Une si grande multitude si bien ordonnée peut-elle être l'÷uvre d'un caprice ou du hasard ? Lorsque notre regard se portesur le Monde qui nous entoure et quand nous admirons l'ordre qui y règne, la question de son origine se pose comme se posecelle de sa continuité. Comment se fait-il que tout se déroule si admirablement chaque jour ? Chaque matin, le Soleil nousrévèle un véritable miracle : un Monde toujours existant...

Récemment, nous avons rencontré un ancien ingénieur dans l'automobile, qui, au bout d'une carrière bien remplie, avaitdécouvert toutes les facettes de cette industrie. D'un air étonné et émerveillé, il avouait que si une voiture fonctionnaitaujourd'hui sans panne, cela revenait d'un � miracle � tant elle était le résultat de diverses opérations interdépendantes auxmultiples acteurs et fournisseurs. Que pouvons-nous alors dire de l'Univers ?...

Si nous croyons en un Dieu Créateur de toute chose, pouvons-nous concevoir qu'Il puisse être capricieux et agir enaveugle ? Un horloger serait-il plus sage que le Tout-Puissant ? L'homme au-dessus de Dieu ? N'est-il pas plutôt raisonnablede croire que ce Monde soit l'÷uvre d'un Être intelligent, agissant selon une �n précise ? Il n'a pas créé par hasard ou paraveuglement ou selon le mouvement d'une pensée sans lendemain. Dieu a assigné à son ÷uvre une �n bien précise. La Terreet le Ciel témoignent par eux-mêmes l'existence de ce plan. � Interroge les bêtes, et elles t'enseigneront ; et les volatiles duciel, et ils te l'indiqueront. Parle à la terre, et elle te répondra ; et les poissons de la mer te le raconteront. Qui ignore quetoutes ces choses la main du Seigneur les a faites ? � (Job, XII, 7− 9). Tout cela nous conduit à la Providence divine.

Le Monde, témoin de la Providence divine

S'il y a création continuée, il y a plan divin. Aucune créature ne peut se soustraire à la �nque Dieu lui a assignée. Consciente ou non, elle l'accomplit et Le sert selon sa nature. Mais la�n spéciale propre à chaque créature s'insère dans une �n générale. Le Tout est sous la main deDieu comme chacun de ses éléments.

Dieu assigne donc à la Création et à chaque créature une �n déterminée. Dans ce cas, pouvons-nous croire qu'Il puissese désintéresser de son ÷uvre ? La laissera-t-Il se détruire ? Soit Il serait impuissant à accomplir sa propre Volonté, Lui quiest si puissant pour la tirer du néant. Soit Il accepterait de ne pas atteindre le but qu'Il s'est lui-même �xé en dépit de sasouveraine puissance. Deux raisons intenables à soutenir.

� Comment quelque chose pourrait-il subsister, si vous ne l'aviez pas voulu ? Ou comment ce qui n'aurait pas été ordonnépar vous se conserverait-il ? �. La Sainte Écriture nous répond : � mais vous êtes indulgent envers tous, parce que tout est àvous, Seigneur, qui aimez toute chose � (Sag., XI, 26− 27).

Dieu Tout-Puissant et Pantocrator

Qui pourra comparer Dieu à l'homme ? Dieu n'est pas versatile. Qui pourra contester sa Toute Puissance ? Il ignorela faiblesse. � Ma résolution sera inébranlable, et toute ma volonté s'exécutera � (Is., XLVI, 9). Ce qu'Il veut s'accomplitnécessairement. La Sainte Écriture nous apprend davantage. S'il est � omnipotentem �, il est avant tout � Pantocrator �,c'est-à-dire souverain de toute chose. � C'est vous qui avez fait le ciel et la terre, et tout ce qui est renfermé dans l'enceinte duciel. Vous êtes le Seigneur de toutes choses, et il n'y a personne qui puisse résister à votre majesté � (Esther, XIII, 10−11).Dieu est donc Celui qui gouverne Tout. � Vous avez fondé la terre, et elle demeure stable, par votre ordre persévère le jour,parce toute chose vous sont assujetties � (Ps., CXVIII, 90).

Dieu n'est ni un despote, ni un tyran. Notre Seigneur Jésus-Christ nous montre à plusieurs reprises un Père plein de douceuret d'attention, prenant soin de la Création. � Regardez les oiseaux du ciel ; ils ne sèment ni ne moissonnent, ni n'amassentdans les greniers, et votre Père céleste les nourrit �. Et � les lis des champs, comme ils croissent, ils ne travaillent ni ne�lent. Or je vous dis que Salomon même dans sa gloire n'a jamais été vêtu comme l'un d'eux � (Matth., VI, 26− 29). Pasun seul passereau ne peut tomber sur la terre sans qu'Il ne le sache. � Les cheveux même de votre tête sont tous comptés �(Matth., X, 30). Ainsi Dieu garde et gouverne par sa Providence tout ce qu'Il a créé, � atteignant avec force d'un bout dumonde à l'autre et disposant tout avec douceur � (Sag., VIII, 1) 2.

Et l'homme, objet de ses sollicitudes

Dieu n'a pas exclu l'homme de sa Providence. Créé à son image et à sa ressemblance, il est sa plus belle créature.Prendrait-Il soin de toute la Création tout en se désintéressant de lui ? � Lui-même a fait le grand et le petit, et qu'il aégalement soin de tout � (Sag., VI, 8). Cela est encore plus vrai pour notre âme qui est le joyau de notre être. Dieu ÷uvredonc pour notre sancti�cation et notre salut. Car � c'est le même Dieu qui opère tout � (I. Cor., XII, 6), � selon sa bonne

2. Concile du Vatican, Constitution dogmatique Dei Filius sur la Foi catholique, chap.I, Denzinger 3003.

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volonté � (Phil., II, 13). Il ne coopère pas simplement à notre sancti�cation et à notre bonheur, Il en est aussi la cause. Nulne peut se sauver si Dieu ne le sauve pas. � Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, pour qu'Il vous exalte autemps de sa visite, rejetant en Lui toutes vos sollicitudes, parce qu'Il a lui-même soin de vous � (I, Pier., V, 6− 7).

Ainsi Dieu est le commencement, le milieu et la �n de toute chose. � Celui qui est la cause de tout, aime tout, en raisonde l'excès de sa bonté, il �t tout, il accomplit tout, il maintient tout, il dirige tout et est l'amour pour le bien à cause dubien � (Pseudo-Denys). Ainsi � il n'a pas créé pour s'éloigner ensuite � (Saint Augustin).

Devant nos regards souvent négligents, parfois las des merveilles qui nous environnent, la Vie nous témoigne continuellementl'÷uvre continue de Dieu. Elle re�ète sa Puissance, sa Sagesse, sa Bonté qui ÷uvrent encore parmi nous.

Que faisons-nous ici-bas ? Question perpétuelle sans réponse satisfaisante si nous demeurons enfermés en nous-mêmes.Osons élever notre regard et notre intelligence. La raison ne refuse pas un Dieu Créateur, encore moins un Dieu Conservateur.Nous assistons à chaque instant de notre existence à la Création continuée. Nous sommes témoins chaque jour de l'amour deDieu et de son existence... Rendons grâce à Dieu...

Dieu dans l'Univers de Newton ?

En proposant l'hypothèse d'un système héliocentrique, un Monde désormais centré sur le Soleil et nonplus sur la Terre, le chanoine Copernic bouleverse les esprits. Le vieux système de Ptolémée n'est plus le seulcapable de décrire l'Univers. Pire, il ne sauve plus les apparences. Il est aussi devenu terriblement complexeau cours du temps. Plus soucieux de simplicité et d'harmonie, l'héliocentrisme �nit par s'a�rmer au furet à mesure des progrès de l'observation. Les principes antiques apparaissent également désuets. L'Universn'est plus aussi harmonieux comme l'entendaient les anciennes cosmologies. La conception aristotéliciennedu Monde est contestée. Un vif débat �nit par diviser les esprits et les c÷urs. Que choisir entre une conception anciennede moins en moins défendable et le nouveau modèle si prometteur mais si révolutionnaire ? Newton est l'un des savants quiapporteront le coup décisif sur un système moribond, désormais incapable de � sauver les apparences �.

Dans cet article et les suivants, nous allons étudier les lois de Newton et leurs in�uences sur notre manière de concevoirle Monde. Nous essayerons de rendre ces textes accessibles à tous.

Le changement de conception de l'Univers est-il un danger à notre foi ?

Certains ecclésiastiques, dont des scienti�ques, se sont opposés à l'héliocentrisme sous prétexte de défendre la foi. Cetteopposition a conduit à l'a�aire de Galilée 3. Ils pensaient probablement que le christianisme et l'Église dépendaient del'aristotélisme. Les discours de l'Église cadraient en e�et parfaitement avec les cosmologies d'Aristote et de Ptolémée.Ils étaient même construits pour cela a�n d'être entendus dans une société qui vivait dans ce référentiel. Cependant, lechristianisme et l'Église ne dépendent pas de ces modèles. Notre maître n'est ni Aristote, ni Ptolémée mais bien NotreSeigneur Jésus-Christ.

Nous pouvons néanmoins comprendre l'inquiétude de ces hommes qui devaient se référer désormais à une autre conceptionde l'Univers. Est-elle toujours en accord avec la foi comme l'était le modèle de Ptolémée ? En outre, elle s'a�rme aumoment même où l'athéisme fait des ravages. Le temps n'est guère propice pour une telle révolution. Des esprits � éclairés �s'appuyaient notamment sur Newton pour rejeter un Dieu Créateur et une Providence divine. Les progrès scienti�quesdeviennent entre certaines mains des armes redoutables pour s'opposer à l'Église. Portés par des discours scientistes, ilséloignent les intelligences du christianisme. Elles abusent des découvertes de Newton pour montrer l'incompatibilité entrela foi et les sciences. Mais le système de Newton est-il vraiment contraire à notre foi ? La nouvelle science, porteuse demodernité, conduit-elle nécessairement à l'incroyance et à l'athéisme ? Allons plus loin dans notre questionnement. Soyonsaudacieux. N'apporte-t-il pas au contraire des motifs de crédibilité supplémentaires à notre foi ?

Le modèle de Newton

� J'ai donné dans les livres précédents les principes de la philosophie naturelle, et je les ai traités plutôt en mathématicienqu'en physicien, car les vérités mathématiques peuvent servir de base à diverses recherches philosophiques, telles que cellessur les lois des mouvements et des forces motrices. [...] Il me reste à expliquer par les mêmes principes mathématiques lesystème général du monde � 4.

Au XVIIIème siècle, Newton a révolutionné la Science. Il a notamment posé le fondement de la physique classique enexposant les lois du mouvement des corps et de la gravitation universelle. Ces lois permettent d'expliquer bien des choses :la chute des corps, la trajectoire des projectiles, les mouvements des planètes, les orbites des comètes, les marées, ...

3. Voir Émeraude no 22, octobre 2012. Trois articles sont consacrés à cette a�aire.4. Isaac Newton, Philosophiae naturalis principia mathematica, 1687.

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Newton dé�nit des lois qui décrivent le mouvement de tout corps en fonction des forces qui s'exercent sur lui. Les forcestraduisent les actions que le corps subit. Quelles sont ces lois ? La première loi, dite � principe d'inertie �, postule que : � toutcorps persévère dans l'état de repos ou de mouvement uniforme 5 en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelqueforce [...] ne le contraigne à changer d'état �. En absence de force qui s'exerce sur lui ou de forces qui se compensent, un objeta deux positions : soit il est au repos, soit il se déplace selon une vitesse constante selon une trajectoire parfaitement rectiligne.

La deuxième loi, dite � principe fondamental de la dynamique �, est une extension de la première loi. Elle est liée àl'impulsion de mouvement subie par un corps. � Le changement du mouvement est proportionnel à la force motrice impriméeet se fait suivant la droite par laquelle cette force est imprimée �. L'accélération d'un mouvement est due à l'intervention deforces et sa valeur dépend de la masse de l'objet auquel elles s'appliquent. L'accélération est ainsi nulle si aucune force nes'exerce sur le corps en question. Nous retrouvons bien la première loi.

Forces et mouvements

Ainsi pour connaître le mouvement d'un objet, par exemple sa vitesse, satrajectoire ou sa localisation à un instant donné, il faut déterminer l'ensembledes forces qui s'exercent sur lui. Connaissant sa masse, il est en outre possible deconnaître son accélération et sa vitesse. Des formules mathématiques permettentde relier les di�érentes grandeurs. La connaissance de certaines permet aussi d'endéterminer d'autres.

Une troisième et dernière loi, dite � principe de l'interaction �, assure quel'action d'une force sur un corps doit nécessairement aboutir à une réaction dece dit corps égale et contraire. Newton a�rmera que : � à toute action est toujoursopposée une réaction égale �.

En�n, Newton dé�nit une loi fondamentale : � la gravitation universelle �. Deux corps s'attirent mutuellement, la forcede l'attraction étant proportionnelle à leur masse. Le corps dont la masse est la plus grande attire l'autre. C'est pourquoidétaché de l'arbre, une pomme ne peut que tomber. Compte tenu du rapport de masse entre notre planète et le fruit,la Terre l'attire vers elle. C'est l'attraction terrestre. La force gravitationnelle permet aussi de justi�er l'héliocentrisme. Ene�et, compte tenu de leur masse, le Soleil attire la Terre et non l'inverse. Le Soleil ne peut qu'être au centre du système solaire.

Les principes révolutionnaires de la philosophie naturelle de Newton

Le titre de son ouvrage majeur, les Philosophiae naturalis principia mathematica, estrévélateur. Newton énonce des principes mathématiques de philosophie naturelle. En un seul livreet de manière claire et sobre, il a reformulé toutes les connaissances sur les corps en mouvement en vuede présenter une explication du Monde.

Pour présenter le Monde, deux règles semblent su�re pour Newton. La première règle est cellede la simplicité : � il ne faut admettre de causes, que celles qui sont nécessaires pour expliquer lesphénomènes. La nature ne fait rien en vain, et ce serait faire des choses inutiles que d'opérer par unplus grand nombre de causes ce qui peut se faire par un plus petit � 6.

La deuxième règle est celle de l'universalité : les lois applicables aux corps terrestres sont aussi valables aux corps célestes :� les e�ets du même genre doivent toujours être attribués, autant qu'il est possible, à la même cause �. C'est un principerévolutionnaire ! Il établit des lois universelles qui régissent à la fois le Ciel et la Terre. Les lois qui permettent d'expliquerla chute d'une pomme s'appliquent aussi à la Lune qui tourne autour de la Terre. Ainsi, en étudiant les phénomènes ici-bas, le savant peut découvrir le mystère des astres. Ce principe peut alors conduire à une démysti�cation du Ciel et à unemécanisation du Monde.

L'autre révolution qu'apporte Newton est l'introduction de lois mathématiques dans l'explication du Monde. Il traite leMonde non pas en physicien mais bien en mathématicien. Les lois sont explicitées sous forme de formules mathématiquescapables de déterminer, de manipuler et de comparer des grandeurs telles que la vitesse ou la force. Ces lois ne permettentpas d'expliquer les raisons des phénomènes mais de les décrire et de les prédire par des calculs. Elles ne peuvent que lesmodéliser avec plus ou moins de précisions. Les formules introduisent en outre des paramètres temporels, telles que la vitesseet l'accélération. Par conséquent, ce modèle prend en compte le temps. Ainsi est-il possible de décrire le mouvement dans lepassé, le présent et l'avenir. Nous pouvons ainsi localiser une fusée à telle instant depuis son lancement. En clair, Newtonconstruit un système déterministe et mécanique capable de décrire et prévoir des phénomènes naturels.

5. Mouvement dotée d'une vitesse constante6. Principes mathématiques de la philosophie naturelle, Livre III, édition de 1759 de la marquise de Châtelet cité dans Claudine

Hermann, La traduction et les commentaires des Principia de Newton.

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Dieu est-il absent du modèle newtonien ?

Newton a véritablement fondé la science moderne et plus précisément la mécanique classique. Et pourtant, il ne conçoitpas un Univers sans Dieu. Dans le modèle newtonien, Dieu maintient �nalement le système dans un état stable. Newtonsuppose que Dieu intervient par exemple pour replacer une planète sur son orbite si elle l'a quitte ou qu'Il contrebalance laforce de gravité pour éviter que les planètes ne tombent sur le Soleil. � On voit que Celui qui a arrangé cet Univers a mis lesétoiles �xes à une distance immense les unes des autres, de peur que ces globes ne tombassent les uns sur les autres par laforce de leur gravité �. Tel est donc le rôle que Newton donne à Dieu. � On voit que Celui qui a arrangé cet Univers a misles étoiles �xes à une distance immense les unes des autres, de peur que ces globes ne tombassent les uns sur les autres parla force de leur gravité � 7.

Essayons de mieux saisir sa pensée grâce aux lettres qu'il a pu échanger avec Richard Bentley (1662-1742), théologienanglais et chapelain de l'évêque de Worcester. Bentley lui pose une série de questions sur le rôle de Dieu dans dans sonexplication du Monde. Il juge en e�et son rôle insu�samment traité dans son ouvrage. Il interroge Newton a�n d'organiserdes conférences consacrées à la défense de la religion chrétienne et à la réfutation de l'athéisme. Les conférences doiventnotamment démontrer que la science nouvelle, c'est-à-dire, la � philosophie mécanique � et l'héliocentrisme ne conduisentaucunement au matérialisme, mais au contraire o�rent une base solide pour le rejeter et le réfuter...

Bentley demande donc à Newton si e�ectivement sa cosmologie implique l'intervention de Dieu ou non. En quatre lettres,Newton développe donc le rôle de Dieu et précise sa pensée. Il démontre que son système implique l'existence d'un � agentintelligent � : � les mouvements que les planètes ont maintenant ne pouvaient pas provenir d'une cause naturelle seulement,mais [leur] ont été imprimés par un Agent intelligent � 8.

Les lois de Newton expliquent le mouvement des corps célestes tel qu'il est observé mais elles sont incapables d'expliquerpourquoi telle planète tourne à telle vitesse, pourquoi elle est éloignée d'une telle distance du Soleil, etc. Ces paramètrescalculables à un instant donnée dépendent de ce que nous appelons les conditions initiales, c'est-à-dire de certaines grandeursà l'instant t = 0. Grâce à des formules mathématiques, nous pouvons tracer la trajectoire d'une �èche si nous connaissons saposition initiale et la force avec laquelle l'archer la lance au moyen de son arc. Si la main de l'archer tremble, la �èche a unegrande chance de ne pas atteindre sa cible. La loi permettra d'expliquer son échec, elle n'en est pas la cause. Les conditionsinitiales étaient incorrectes pour que la trajectoire atteigne la cible. Dans le modèle de Newton, tout mouvement est ainsidéterminé par des conditions initiales. Elles expliquent l'état de l'Univers.

D'où proviennent alors les conditions initiales ? Tout observateur peut admirer l'ordre apparentde l'Univers. Songeons à toute cette multitude de planètes, d'étoiles, de galaxies, etc. Songeons àcette diversité incroyable d'objets célestes qui ne cessent de se mouvoir sans jamais se heurter.Tout cela est en e�et parfaitement ordonné selon une seule et unique loi dans le modèle deNewton. Tout cet agencement provient de conditions initiales innombrables qui ne peuvent pasêtre indépendantes entre elles. Pouvons-nous alors croire que ces premières grandeurs résultent duhasard ? Des conditions initiales aléatoires conduiraient vite à un chaos innommable.

Les conditions initiales sont donc parfaitement arbitraires. � Les dimensions et les distances données des corps du systèmecosmique restent arbitraires : les planètes auraient pu être plus ou moins grandes, et être placées plus ou moins loin. Ellesauraient pu, aussi, se mouvoir plus ou moins vite. Elles décriraient alors des trajectoires très di�érentes de celles qu'ellesdécrivent actuellement : des cercles, ou des ellipses très excentriques, elles n'en obéiraient pas moins aux mêmes lois 9.Elles ne peuvent donc résulter que d'un choix donc d'une intelligence capable de comprendre les lois �. Par conséquent, lesconditions initiales ne peuvent pas provenir d'une cause naturelle. � [Le fait] de rapporter et d'ajuster ensemble toutes ceschoses dans une si grande variété de corps indique que cette cause n'est pas aveugle et accidentelle, mais est très bien verséeen mécanique et en géométrie � 10. Le système de Newton implique donc une intelligence capable de �xer des conditionsinitiales. Son modèle implique aussi une puissance capable de les appliquer à tout Univers pour parvenir à la situation quenous connaissons. En�n, il n'y a pas de choix sans �nalité.

� La matière, soumise à la loi de la gravité seule, ne pouvait pas engendrer le système planétaire � 11. Elle nécessite un� agent intelligent tout-puissant �.� Ainsi donc, la gravité pourrait bien mettre les planètes en mouvement, mais, sans lepouvoir divin, elle ne pourrait jamais les mettre dans un mouvement circulatoire tel qu'elles en ont autour du Soleil ; etpar conséquent, pour cette raison, ainsi que pour d'autres, je suis obligé d'attribuer la formation de ce système à un Agentintelligent � 12.

7. Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, T. II, 1759 dans La cosmologie cartésienne et sesconséquences.

8. Voir Newton, Galilée et Platon, rapport présenté au Congrès international d'Histoire des Sciences à Barcelone-Madrid (1− 7 sept. 1959).9. Voir Newton, Galilée et Platon.10. Voir Newton, Galilée et Platon.11. Voir Newton, Galilée et Platon.12. Voir Newton, Galilée et Platon.

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Les dangers et les limites du modèle de Newton

Le modèle de Newton pose quelques dangers. Pouvons-nous d'abord imaginer l'état d'esprit des savants qui découvrentses lois ? L'explication rationnelle de l'Univers leur semble désormais possible. Ils détiennent des lois rationnelles qui semblentrégir et prédire le Monde. Certes Dieu joue un rôle pour maintenir le système mais rapidement les arguments en sa faveurs'e�acent et �nissent par être oubliés. Le modèle de Newton peut alors conduire au scientisme.

En outre, ses arguments en faveur d'un � Agent intelligent � font l'objet d'une vive controverse. L'image d'un Dieuincompétent ressort clairement de son livre. Elle n'est guère soutenable. � Sir Isaac Newton et ses sectateurs ont encoreune forte plaisante opinion de l'ouvrage de Dieu. Selon eux, Dieu a besoin de remonter de temps en temps sa montre,autrement elle cesserait d'agir. Il n'a pas eu assez de vue pour en faire un mouvement perpétuel. Cette machine de Dieu estmême si imparfaite selon eux qu'il est obligé de la décrasser de temps en temps par un concours extraordinaire, et mêmede la raccommoder comme un horloger son ouvrage, qui sera d'autant plus mauvais maître qu'il sera obligé plus souvent d'yretoucher et d'y corriger � 13. De plus, son ouvrage n'est pas su�samment clair et précis pour fournir des arguments solides.Ils seront en e�et rapidement écartés.

Un Modèle sans Dieu

Face aux discours scientistes, Dieu �nit par disparaître de l'Univers newtonien. Le scienti�que Pierre-Simon Laplace(1749-1827) démontre que les lois de Newton sont su�santes pour démontrer la stabilité du Monde. L'� hypothèse d'unDieu � est devenue inutile. Le modèle su�t par lui-même. L'homme est désormais capable de se passer de Lui. Dans lemodèle de Newton expurgé de Dieu, se trouve probablement les germes des révolutions qui vont bouleverser la société et lesesprits...

Pourquoi les savants chercheraient-ils même à garder à Dieu une place dans un Univers aux lois si déterministes ? A quoiservirait Dieu dans leurs travaux ? Tout semble être déterminé grâce aux formules mathématiques ... L'Univers mécanique deNewton fonctionne en e�et merveilleusement bien. Au XVIIIème, Halley réussit à prévoir le retour d'une comète qui porterason nom. Au siècle suivant, la planète Neptune est découverte par les calculs et non par l'exploration du ciel. La sciencedéterministe triomphe...

Le modèle newtonien présente quelques di�cultés

En érigeant un Univers mécanique que dirigent des lois universelles et invariables,Newton a construit un Monde statique et donc éternel. Contrairement à ce quenous pourrions penser, ces formules sont intemporelles. Certes elles introduisent letemps mais non la durée comme nous l'explique Bergson. Tout se ramène en fait àl'espace.

Puis Newton démontre que si l'Univers était �ni, toute la matière �nirait par se regrouper sous l'e�et de la gravité. Ilpropose donc dans son modèle un univers in�ni, rempli d'un nombre in�ni d'étoiles uniformément réparties dans l'Univers.Mais si cela était vrai, la nuit serait alors lumineuse 14.

En�n, l'Univers n'est plus réduit à notre système solaire. Il prend des dimensions gigantesques. La Terre est perdue dansl'immensité sidérale. Que devient l'homme dans cette étendue sans frontière, abandonné dans une banlieue quelconque ?...

Le modèle de Newton est certes important pour déterminer et expliquer des mouvements mais il ne peut expliquer lastructure et l'organisation de l'Univers. Il est toujours utilisé mais il reste incomplet voire faux dans certaines conditions. Ilne parvient plus à sauver toutes les apparences. D'autres modèles vont donc apparaître, notamment pour déterminer la formede l'Univers et prendre en compte les nouvelles observations du Ciel de plus en plus précises. La réalité s'impose devant lemodèle mathématique de Newton.

Contrairement à ce que nous avions pu penser, le modèle de Newton implique l'existence d'un Agent intelligent toutpuissant à l'origine de l'Univers. Il implique un Créateur. Nous rejetons cependant l'idée d'un Dieu incompétent que sembledécrire Newton. Nous pouvons aussi regretter qu'il n'ait pas su�samment approfondi sa pensée sur Dieu et de manièrepublique pour mieux dé�nir son rôle. Il pose néanmoins la question des conditions initiales qu'imposent les lois de Newton.Qui les a �xées et comment ?...

13. Cité par Arkan Simaan, in L'image du monde de Newton à Einstein, Paris, Vuibert-Adapt, 2005, in L'idée d'univers de la scienceclassique à la cosmologie moderne par Bernard Coly, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, DEA, 2006.14. Voir le paradoxe d'Olbers, sujet que nous allons traiter en janvier 2014.

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Les lois de Newton : au-delà des formules

Quand nous étions au lycée, nous écoutions notre professeur de physique qui nous expliquait la mécanique classique. Puisnous avons appris à utiliser les lois de Newton pour déterminer les trajectoires de projectiles ou les contraintes exercées sur uncorps. Tout nous semblait simple ou presque. Nous avions entièrement con�ance en la Science qui nous dévoilait les lois de laNature. Nous étions à l'école pour apprendre et nous écoutions. Nous étions émerveillés. Aujourd'hui, après quelques annéesde recul, nous sommes probablement moins crédules et plus prudents. Les lois nous paraissent en e�et bien mystérieuses. Cetarticle et les suivants vont exposer quelques di�cultés et nous allons en tirer des conclusions.

Dans le précédent article, nous avons dé�ni les lois de Newton qui fonde la mécanique classique. Elles sont apprises aulycée sous la forme mathématique. Leur utilisation permet rapidement de s'exercer sur des cas pratiques. Très anciennes, ellessemblent aussi être très élémentaires. Mais est-ce vraiment si simple de comprendre ce que signi�ent ces formules au-delà del'aspect calculatoire qui peut dérouter bien des esprits ?

Qu'est-ce que la masse ?

Les premières questions que nous pouvons nous poser se portent sur des mots en apparence très simples. Par exemple,qu'est-ce qu'une masse ? Elle intervient dans toutes les formules. Elle nous est aussi très familière. Prenons la dé�nitionque nous propose Newton : � je désigne la quantité de matière par les mots de corps ou de masse �. La masse mesure laquantité de matière. Qu'est-ce que la quantité de matière ? � La quantité de matière se mesure par la densité et le volumepris ensemble �. La première dé�nition est littérale, la seconde, calculatoire.

La masse au sens calculatoire

Dans la dé�nition calculatoire, la masse est le résultat d'une formule : masse = densité × volume. Mais comment pouvons-nous dé�nir la densité ? Elle est le rapport de la masse par le volume ! Nous retrouvons la notion de masse. Les dé�nitionsse renvoient alors les unes aux autres. Nous n'avançons guère. La notion de masse est en relation avec un autre conceptlui-même indé�nissable par lui-même qu'est la densité. Les dé�nitions sont dites cycliques. Nous tournons en e�et en rond.

Nous pourrions aussi dé�nir la masse en appliquant la deuxième loi de Newton, c'est-à-dire par un autre calcul : ladivision de la force qui s'exerce sur l'objet par l'accélération du mouvement de ce même objet. Au-delà de l'opération, nousconstatons que la loi elle-même permet de déterminer des concepts qui sont censés pourtant l'expliquer. Ce sont des grandeurscommodes d'introduire dans les calculs.

La masse au sens littéral

Prenons maintenant la dé�nition littérale de la masse. Elle mesure � la quantité de matière �. Mais qu'est-ce que lamatière ? Si elle est l'assemblage des particules qui la constituent, la masse d'un objet serait alors la somme des masses desparticules qui le constituent. Le problème se complique. Qu'est-ce que la masse d'une particule ? Nous sommes encore plusperplexes car nous savons qu'il existe des particules sans masse pourtant bien matérielles ! Les mots nous échappent...

Pourquoi posons-nous tant de questions quand une simple balance électronique pourrait nousrépondre immédiatement ? Erreur, la balance nous donne le poids de l'objet et non sa masse.Le poids mesure l'intensité de l'attraction terrestre qui s'exerce sur notre objet. Votre poids estainsi plus faible sur la Lune que sur la Terre sans que vous ayez fait un régime car l'attractionterrestre est plus forte que l'attraction lunaire. Or selon la loi de gravitation universelle, ilexiste un rapport entre la masse d'un objet et son poids, ce qui signi�e qu'à partir du poidsd'un objet, nous pouvons sans di�culté déterminer sa masse. Nous revenons donc au problèmeprécédent. Nous utilisons de nouveau les lois de Newton pour dé�nir ce qui la constitue ! Avons-nous vraiment avancé ?...

Une grandeur mesurable et calculatoire

Nous ne savons �nalement rien de la nature de la masse. Le modèle de Newtonne nous le dit pas. Cependant, ne soyons pas inquiets. Car le plus important pourle scienti�que n'est pas de connaître en soi la masse mais de fournir les moyensde la mesurer et de la manipuler. Les lois se rapportent en e�et à une réalitéexpérimentale.

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Ce qui est important dans une loi ou une formule scienti�que n'est pas le sens véritable des motsqu'elle emploie mais leur utilité. Ils doivent correspondre à des grandeurs mesurables et calculatoires.C'est tout l'intérêt des lois de Newton et la cause de leurs succès. Elles nous donnent les moyens d'agire�cacement sur la réalité.

Des notions internes aux lois qu'elles sont censées expliquer...

Les lois de Newton font introduire des notions dont les dé�nitions nous échappent. Les mesures nouspermettent néanmoins de contourner cet obstacle. Ainsi pouvons-nous les dé�nir grâces aux mesuresque nous pouvons e�ectuer. Elles nous rendent donc dépendantes des instruments de mesure et de leurprécision. Elles nous obligent aussi à ne saisir la réalité que par l'intermédiaire de ces outils. Le dangerest alors de confondre la réalité avec le monde mesurable. Ne serait alors réel au sens scienti�que quece qui est observable...

Un autre problème nous attend. Pour mesurer ces � notions �, nous devons faire appel aux lois elles-mêmes. Pour mesurerla masse d'un corps, il existe un dispositif appelé machine d'Attwood qui est une application pratique des lois de Newton.Mais � la machine d'Attwood ne nous apprend rien si nous ne savons rien de la mécanique newtonienne et que les conceptsde force, de masse et d'accélération nous sont inconnus � 15. Les outils restent dans le cadre newtonien. Finalement, il n'ya pas d'observation sans théorie scienti�que. Les mesures nécessitent une interprétation dépendante des lois qu'elles sontcensées justi�er.

Mais la réalité ne se laisse guère facilement observée. Pour obtenir des mesures, nous devons alors proposer des hypothèsesau point que parfois, nous nous plaçons dans un monde idéal. Nous sommes loin de la réalité complexe dans laquelle nousvivons.

Posons-nous encore une nouvelle question sur une notion fondamentale des lois de Newton...

Qu'est-ce que le mouvement ?

Si vous êtes assis dans un TGV en direction de Paris, êtes-vous en mouvement ou non ?Si votre ami est dans le train assis à vos côtés, il dira que vous ne bougez pas. S'il estresté sur le quai de la gare, il con�rmera que vous bougez e�ectivement. Un mouvementne serait viable que par rapport à un objet de référence immobile. Ainsi nous parlons demouvement relatif. L'étude d'un mouvement nécessite un référentiel par lequel il est possible de lemesurer.

Mais que se passerait-il si vous marchez dans le vide ? Vous saurez que vous êtes en mouvement car vous en êtes le moteur.Vous avez simplement conscience que vous marchez. Mais si nous marchons à vos côtés à la même vitesse, nous ne pourronspas con�rmer que vous marchez. Ce n'est donc pas le mouvement en soi qui est relatif mais bien la perception que nousavons du mouvement. Nous confondons mouvement et perception, ce qui nous paraît normal puisque la Science n'étudie quele monde observable.

Qu'est-ce que la perception d'un mouvement ? Il y a en e�et deux façons de percevoir unmouvement : l'un plutôt subjectif, qui consiste à constater e�ectivement qu'un objet est enmouvement, l'autre plutôt objectif, qui consiste à évaluer ce mouvement à partir de grandeursmesurables comme la vitesse. Ainsi la perception d'un mouvement est la connaissance que nous enavons par nos sens ou par des instruments de mesure. Elle nous permet de construire une image dumouvement e�ectif. Nous le modélisons au travers de cette image. Et pour cela, nous avons besoind'un référentiel. Nos sens ont besoin d'un objet �xe pour percevoir le mouvement. Les instrumentsde mesure ont aussi besoin d'un repère temporel et spatial. Les modèles scienti�ques ne représententdonc pas le Monde mais ce que nous pouvons en percevoir en fonction d'un référentiel.

Quand nous bougeons un objet, nous sommes certains de son mouvement quelque soit le référentiel que nous utilisons carnous sommes la cause de son mouvement. Mais la théorie ne se préoccupe pas de la conscience de l'objet. Par la pensée, laScience extrait toute immatérialité de l'objet et du Monde pour n'en garder que la matière mesurable. Elle ne se préoccupeque de la matière perceptible, inconsciente.

La question se complique quand nous songeons aux découvertes scienti�ques du XXème siècle. Car la science contemporainesait que les grandeurs qu'elle utilise couramment, comme la masse, sont �nalement immatérielles. Mais laissons encore decôté la physique quantique.

15. Pierre Sagaut, Introduction à la pensée scienti�que moderne, Institut Jean Le Rond d'Alembert, Université Pierre et Marie Curie,cours de culture générale, Licence, 2008-2009.

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S'il faut un référentiel pour modéliser le mouvement, existe-il un unique référentiel ? Évidemment non, il en existe unein�nité puisque le mouvement d'un objet est perceptible du moment qu'il existe une autre qui ait un mouvement di�érent.La question que nous pourrions alors nous poser est de savoir s'il existe un référentiel absolu à partir duquel nous pourrionsdé�nir tout mouvement. Ce problème est très di�cile. Il débouchera au XXème siècle sur la théorie de la relativité.

Les lois que nous apprenons au lycée nous paraissent simples. La masse et le mouvement par exemple sont des notionssimples en mécanique classique. Elles sont aussi intuitives. Pourtant, comme nous venons de le voir, leur dé�nition n'estpas aussi simple. Ils deviennent même di�cilement tenables lorsque nous nous posons quelques questions. C'est justementen se posant de bonnes questions sur ces termes que la Science s'est développée au XXème siècle d'une manière extraordinaire.D'autres notions aussi simples et intuitives que le temps et l'espace deviennent aussi très complexes quand nous les interrogeons.Au-delà des mots, il y a en e�et un sens à saisir. Or parfois, à force de les manipuler, nous �nissons par les oublier et parleur donner vie sans même se poser de questions...

Des notions dépendantes d'un cadre spéci�que

Les notions de mouvement et de masse comme celles du temps et de l'espace ne peuvent être guère compréhensibles dansd'autres théories que celles de Newton. Elles sont adaptées à ces lois et perdent tout sens en dehors. Ainsi la particule sansmasse de la physique quantique n'est guère compréhensible dans la théorie de Newton. Les concepts prennent sens dans uncadre délimité par la théorie elle-même. � La masse newtonienne est une propriété d'un corps, alors qu'il s'agit d'une relationentre un objet physique et un système de référence chez Einstein � 16. Une théorie est close...

Certaines notions sont cependant partagées entre des théories mais leurs manipulations deviennent très complexes et�oues. L'emboîtement des branches des sciences n'est pas si simple. La complexité est telle qu'il est bien illusoire de croire àune formule magique capable de tout décrire.

Des objets extraits de nos pensées...

Pour terminer cet article, posons-nous une dernière question. Imaginez que vous observez un lieu de très loin sansapercevoir ce qu'il s'y passe. Un de vos amis s'y trouve. Il est muni d'un détecteur qui vous permet de mesurer sa vitesse demarche. Le lieu est d'abord désert. Il marche donc selon une vitesse normale. Imaginons maintenant que votre ami rencontredes connaissances et comme il est bien élevé, il les salue avant de reprendre sa marche. Sa vitesse chute alors, devient nullepuis croît. De votre lointain observatoire, vous ne pouvez que mesurer la vitesse de votre ami. Qu'allons-vous en déduire ?Que l'environnement a freiné le mouvement de votre ami. En parfait élève de Newton, vous conclurez donc que des forces sesont exercées sur lui, ce qui évidemment n'est pas le cas dans notre expérience �mentale �. Mais osons une autre suggestion.Et si le milieu dans lequel nous baignons interagissait avec nous ? En un mot, pouvons-nous dissocier l'objet de son milieu ?Ou encore pouvons-nous croire que les grandeurs qui mesurent un objet comme la masse par exemple sont indépendantes dumilieu dans lequel il baigne ?...

En conclusion, une théorie modélise la perception que nous pouvons avoir du Monde selon la précision de nos instrumentsde mesure en vue d'agir sur la réalité. Elle se fonde sur ce qu'elle perçoit des objets qui constitue le Monde et non sur cequ'ils sont réellement. Dans son modèle, les objets sont aussi détachés du milieu dans lequel ils baignent. Les objets d'étudesont isolés du Monde. Est aussi considéré comme � valide � tout objet perceptible et plus précisément objet de mesure. Maisle Monde se réduit-il aux objets mesurables et aux limites de nos instruments de mesure ?

La physique classique issue des lois de Newton ne scrute �nalement qu'un aspect du Monde et non la totalité de l'Univers,encore moins l'immatérialité. Son regard est biaisé. Par la nature même de ses principes, elle ne pourra nous faire connaîtrequ'une partie d'une réalité. Les réponses qu'elle pourrait apporter à nos questions ne pourront alors qu'être imparfaiteset même faussées si ces questions portent sur l'Univers et la Vie. Et pourtant, en dépit des progrès considérables de laScience, la physique classique continue à façonner le regard de nos contemporains. Elle construit des modes de pensées quiles éloignent de la réalité et donc de Dieu. Elle construit de la naïveté et de la crédulité. Sachons non pas rejeter la Sciencemais comprendre ses limites pour garder la pureté de notre regard...

16. Introduction à la pensée scienti�que moderne

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La Validité de la connaissance scienti�que

Détachée de l'arbre, une pomme tombe à terre car elle est attirée par la Terre selonla force gravitationnelle. Selon Newton, cette force est égale au produit de la masse de lapomme et d'une constante. Par une formule très simple, nous pouvons donc mesurer la forcegravitationnelle. Mais cette force garde un mystère peut-être insoupçonnable. Parfois, des espritsde bon sens posent de bonnes questions, des questions qui dérangent et qui font avancerla connaissance. Cette force garde en e�et un mystère devant lequel Newton lui-même atremblé.

Une force distante ?

La théorie de Newton pose en e�et une di�culté qui, au départ, a fait obstacle à sa compréhension. Ses lois ont en e�etfait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part des disciples de Descartes. Mais à force de les utiliser et comptetenu de leurs succès incontestables, les critiques ont �ni par se taire.

Newton introduit dans la physique un concept nouveau qu'il a associé à tout mouvement : leconcept de force. Ce concept est pourtant étrange. Prenons le cas de la force gravitationnelle. Elle estimmatérielle et intervient sans aucun contact physique. En classe de seconde, nous apprenons en e�etqu'elle agit à distance. Or les contemporains de Newton ne voient de cause e�ciente que par interactionmatérielle. Sans contact, aucune action possible. Les lois de Newton s'opposent ainsi à la pensée del'époque. Elles bouleversent la notion de cause. La causalité au sens physique introduite par Newtonne correspond pas à la causalité au sens métaphysique. Il y a rupture...

Ou force occulte...

Comment fonctionne concrètement la force gravitationnelle ? Nous l'ignorons. C'est pourquoi les cartésiens ont critiquéles lois de Newton. Ils les voient comme un retour à des discours irrationnels. Newton est lui-même conscient de leurs limites.� Qu'un corps puisse agir à distance sur un autre dans le vide, sans que rien n'explique par quel moyen cette force esttransmise, est pour moi une absurdité si grande qu'à mon avis, quiconque possède une compétence en matière de philosophiene pourra jamais y céder � 17. Le grand savant Leibniz va même quali�er cette force de force occulte. Il faudra attendre leXXème siècle pour donner une explication à la force gravitationnelle mais en lui enlevant toute réalité.

Qu'est-ce que la force ? Une réalité ou un outil bien commode ?

� La force imprimée est une action exercée sur le corps, qui a pour e�et de changer son état de repos ou de mouvementrectiligne uniforme. Cette force consiste dans l'action seule, et elle ne persiste pas dans le corps dès que l'action vient àcesser � 18. La force est ce qui cause un changement d'état. Nous retrouvons la première loi de Newton. Comme nous avonsévoqué dans le précédent article, la dé�nition du concept est inclue dans la loi. Hors de cette loi, il est inutile de savoirexactement ce qu'est la force gravitationnelle. Si la pomme tombe, c'est parce que la Terre, compte tenu de sa masse, l'attirevers elle, mais quelle est la nature de cette force ?... La notion de force a pourtant un sens. Elle signi�e que la cause dumouvement d'un objet n'est pas dans l'objet même mais qu'elle repose à l'extérieur de l'objet.

Revenons à notre question. Qu'est-ce que la force ? Est-ce un outil capable de mieux représenter le monde ou e�ectivementun mécanisme réel ? Les théories utilisent de nombreuses notions ou concepts qui, parfois, ne sont que des inventionsingénieuses pour mieux expliquer des phénomènes.

� Les notions abstraites qui constituent l'outillage de la physique, les concepts de masse, force, atome, qui n'ont pas d'autrerôle que de rappeler les expériences systématisées dans un but d'économie, sont dotées par la plupart des investigateurs de lanature d'une existence réelle, en dehors de la pensée. Bien plus, on en arrive à croire que ces masses et ces forces sont leschoses essentielles à rechercher [...] L'homme qui ne connaîtrait l'Univers que par le théâtre, et qui viendrait à découvrir lestrucs et les machinations de la scène, pourrait penser que l'Univers réel a aussi des �celles et qu'il su�rait de les tirer pouracquérir la connaissance ultime de toutes choses. Nous ne devons pas considérer comme bases de l'Univers réel des moyensintellectuels auxiliaires dont nous nous servons pour la représentation du Monde sur la scène de la pensée � 19.

Nous pouvons nous demander e�ectivement si les notions utiles pour représenter l'Univers sont inventées par l'homme ouindépendantes de son intelligence. La force est-elle une invention de Newton ?

17. Newton dans sa correspondance avec Bentley du 25 février 1693, cité dans L'idée d'univers de la science classique à la cosmologiemoderne, Bernard Coly (DEA, 2006).18. Introduction à la pensée scienti�que moderne.19. E. Mach, La mécanique, exposé historique et critique de son développement, 1883

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La Science construit des modèles du Monde à partir de principes et d'outils capables de développer un modèle et del'expérimenter. Si l'expérimentation valide un modèle, ce dernier sert alors à construire une représentation du Monde. Laforce semble alors être une simple convention que suggère l'expérience ...

La nature des choses, hors sujet !

Le modèle de Newton s'appuie sur la notion de forces dont nous ignorons �nalement tout. Mais pouvons-nous y chercherdu sens quand peut-être elle n'est qu'une convention ? Mais qu'importe ! Le physicien ne se préoccupe pas de connaître lanature des choses.� Son objet est de formuler des théories quantitatives, conduisant à des prédictions mesurables. La � vérité �des théories physiques ne porte pas sur autre chose que leur adéquation à l'expérience, la � réalité � des objets de la physiqueest circonscrite aux dispositifs expérimentaux � 20. La Science ne prétend pas re�éter ou traduire la réalité. Qu'est-ce quedonc l'objet de la physique classique ? � La physique porte sur la confrontation de prédictions théoriques avec des mesuresréalisées par des instruments, mais ne se prononce pas sur la � réalité � de ses concepts ou des objets du monde extérieur,hors de l'expérience � 21. Elle exclue donc la philosophie de son champ d'action 22...

In�uences de Newton

Newton a ainsi introduit de nouveaux concepts, simples et féconds, qui ont permis de construire unenouvelle science en se détachant de la réalité. L'expérience lui a permis de concevoir et de valider lanotion de forces qui n'a �nalement aucune réalité physique. Pourtant cette notion permet de prédire desphénomènes et de dominer le Monde d'où son éclatant succès. Jeux de l'esprit ? L'ordinateur ne re�ètepas non plus la réalité en dépit de ses capacités exceptionnelles. C'est la force et la richesse d'un modèle.Il est su�samment approximatif pour su�re... Newton a montré toute la puissance de la raison.

Newton a aussi fait évoluer la vision du Monde. Régie par des formules mathématiques, des règles, des lois, elle estdevenue quantitative ou encore calculatoire. Elle ne contient pas réellement de sens... Le Monde de Newton est un véritable� système �. Il est alors tentant de croire que le Monde est �nalement un immense calculateur. � Tout se passerait [...]comme si les forces physiques en ÷uvre, et les grandes lois dites fondamentales par lesquelles elles s'expriment, pouvaientêtre simulées sans faute sur un ordinateur géant � 23. Aujourd'hui, certains de nos contemporains s'imaginent peut-être quepar l'ordinateur, nous pouvons nous passer de la réalité. Ils oublient que nous construisons des modèles qui comme toutmodèle ne se servent que de conventions...

Une théorie fausse ? Encore hors sujet

Finalement, pouvons-nous dire qu'une théorie scienti�que est fausse ? Cette question n'a pas de sens. Croire qu'il estpossible d'atteindre la Vérité par la Science révèle une profonde méconnaissance de son objet et de son fonctionnement 24.Il est aussi absurde de vouloir démontrer l'existence ou non de Dieu par la Science. La Science ne donne qu'un modèleapproximatif de la réalité, modèle dont son existence ne tient qu'à son e�cacité à agir dans le Monde réel. Comme toutmodèle, il nécessite au préalable des principes et des conventions. Si Dieu y est exclu par principe, comment voulez-vousdémontrer quoi que ce soit ? Il est donc tout aussi absurde de vouloir opposer la Science et la Religion comme il est illusoirede demander à la Science de prouver la religion !

Un modèle n'est valable que sous certaines conditions. Les théories de la physique quantique et de la relativité ont montréles limites de l'Univers de Newton, pourtant considéré comme des piliers de la connaissance. � Newton, pardonne-moi �,aurait soupiré Einstein. Le XXème siècle a été probablement un siècle majeur dans l'ordre de la connaissance. La Sciences'est de plus en plus éloignée de notre perception naïve de la réalité pour pouvoir se munir d'un modèle encore plus e�cace.Le choc qu'ont provoqué les nouvelles théories a été pourtant salutaire. Il a été la cause d'une profonde ré�exion sur lavalidité de la connaissance que peut apporter la Science par rapport aux autres savoirs. Comme l'art, elle donne une visiondu Monde mais contrairement aux autres savoirs, cette vision peut être invalidée par l'expérience. Elle ne prétend plus révélerla Vérité... Le savant est capable de Sagesse...

20. Pierre Marage, Relativité, mécanique quantique et ruptures épistémologiques.21. Pierre Marage, Relativité, mécanique quantique et ruptures épistémologiques., 188322. Les sciences du XXe siècle vont réintroduire la philosophie et la métaphysique.23. Jean-Paul Baquiast, Lagrange au secours de la cosmologie moderne, 13 février 201324. Cette question a fait l'objet de profondes ré�exions au XXe siècle. Elle a donné lieu à l'épistémologie. Cette nouvelle � science � est précieuse

pour celui qui veut défendre la foi contre les scientistes.

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Mathématiques et Cosmologie

� J'ai donné dans les livres précédents les principes de la philosophie naturelle, et je lesai traités plutôt en mathématicien qu'en physicien, car les vérités mathématiques peuventservir de base à diverses recherches philosophiques �. Newton introduit dans sa � philosophienaturelle � 25 des formules mathématiques. Depuis Newton, l'Univers apparaît ainsi autravers des mathématiques. Quelles en sont les conséquences pour notre représentation duMonde ?

Les mathématiques : un langage formel puissant

Grâces aux formules mathématiques, nous pouvons en les combinant découvrir de nouvelles formules donc de nouvelleslois qui elles-mêmes seront porteuses d'e�cacité. Le modèle peut ainsi se développer hors de toute expérience. Le calculest purement formel. Il consiste à manipuler des symboles selon des conventions et des lois logiques sans en connaître lasigni�cation physique. Une loi physique est ainsi représentée par une formule, et par le calcul, nous pouvons en déduired'autres lois. Des expériences véri�eront ensuite la validité des interprétations. Par dérivation d'une formule, la Scienceprogresse ainsi rapidement dans sa vision du Monde.

Les mathématiques permettent aussi par quelques formules simples de systématiser et d'uni�erune théorie complexe. La formule d'Einstein E = mc2 est sans doute l'une des formules célèbres lesplus courtes et les plus puissantes de la Science. Grâce à la richesse des concepts utilisés, une formulecondense un ensemble d'énoncés d'observations et d'interprétations en un unique énoncé théorique richeen sens.

Les mathématiques fournissent en�n un langage universel. Elles dégagent les scienti�quesde tout élément psychologique, culturel, politique qui peut � polluer � leur langue. Elles lesa�ranchissent des faiblesses et de l'imprécision de leur langage naturel. Elles évitent aussileurs ambiguïtés. Néanmoins, les mathématiques forment un langage qui, comme tout langage,présente des limites. N'oublions pas non plus que le langage mathématique est toujours accessiblepar le langage naturel. Nous ne pouvons pas faire autrement.

Les mathématiques sont en e�et un langage. La Science les utilise car elles lui correspondent et répondent bien à sonobjectif de modéliser le Monde. � Que peut saisir l'esprit humain à part les nombres et les grandeurs ? �(Kepler). Et encoreune fois, c'est un langage e�cace, capable d'exprimer des propriétés � naturelles � telle que la distance, le volume, le temps...Une conception mathématique de l'Univers nous éloigne néanmoins de l'Univers...

� Énoncer une loi sous la forme d'une relation mathématique, c'est faire abstraction du contenuphysique de chacune des variables, et c'est donc oublier que les expériences qui ont permis de formulerla loi lui confèrent un domaine de validité, en dehors duquel d'autres mécanismes physiques peuvententrer en jeu et conduire à des résultats et des lois très di�érents � 26. Chaque loi exprimée sous formemathématique n'est en e�et valide que dans un cadre bien précis et formalisé. Le domaine de validitécorrespond à un ensemble d'hypothèses, parfois implicites ou dissimulées. Ainsi lorsqu'un discoursscienti�que semble s'opposer à notre foi, il faut avant tout considérer les conditions dans lesquellesévolue ce discours. C'est sur ces conditions que nous pouvons légitimement le remettre en cause...

Les mathématiques nous abstraient de la réalité et peuvent fausser notre perception des choses. Elles font en e�et évolueret manipuler des notions et des concepts, parfois très complexes, dans un Monde idéal, généralement simple. � Ces hommespartent d'une idée fondée plus ou moins sur l'observation et qu'ils considèrent comme une vérité absolue. Alors ils raisonnentlogiquement et sans expérimenter, et arrivent, de conséquence en conséquence, à construire un système qui est logique, maisqui n'a aucune réalité scienti�que... � 27.

Le Monde ainsi conçu peut ainsi ravir notre intelligence par la cohérence du modèle et par sa logique. Ce n'est pas�nalement la Vérité qui nous attire mais le raisonnement. Combien de scienti�ques se sont-ils égarés dans l'ivresse de leurdémarche. � Cette foi trop grande dans le raisonnement, qui conduit un physiologiste à une fausse simpli�cation des choses,tient d'une part à l'ignorance de la science dont il parle, et d'autre part à l'absence du sentiment de complexité des phénomènesnaturels � 28.

25. Termes autrefois utilisé pour désigner ce que nous appelons la physique.26. Introduction à la pensée scienti�que moderne.27. Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale28. Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale

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Emportés par le discours et par un raisonnement subtil, admirablement bien mené, nous pouvons oublier les conditionset les hypothèses d'étude qui ont conduit à élaborer des formules au point de leur donner créance quand �nalement le cadredans lequel elles doivent évoluer leur donne peu de réalité. � C'est pourquoi nous voyons quelquefois des mathématiciens purs,très grands esprits d'ailleurs, tomber dans les erreurs de ce genre ; ils simpli�ent trop et raisonnent sur les phénomènes telsqu'ils les font dans leur esprit, mais non tels qu'ils sont dans la nature � 29. Ainsi il arrive que des théories scienti�ques nesoient �nalement que l'image d'une certaine conception du Monde...

Spéci�cité des mathématiques dans un cadre scienti�que

Certes par les mathématiques nous extrayons des informations de la réalité pourtravailler e�cacement dans l'abstrait mais cette abstraction élimine de l'information. LaScience élimine notamment tout ce qui n'est pas mesurable, manipulable. Elle dépenddonc des instruments de mesure et de leur précision. La vision du Monde évolue ainsiau grès de la technologie. Elle élimine aussi tout ce qui n'est pas perceptible, c'est-à-direl'immatérialité. Cependant, certaines théories acceptent des objets immatériels ou nonquanti�ables pour � sauver les apparences �.

Dans un cadre général, un nombre reste un nombre mais dans un cadre scienti�que, un nombre est plus qu'un nombre. Ilporte en lui des informations supplémentaires telles que la précision des mesures. Un nombre lu dans un cadre scienti�que n'apas la même signi�cation que dans un cadre purement mathématique. Nous retrouvons aussi cette ambiguïté dans le langageinformatique. Nous oublions parfois que ce langage a ses propres règles di�érentes de celles que nous employons dans lessciences ou dans notre vie quotidienne. Ainsi dans le langage informatique, nous ne pouvons pas raisonner selon les principesclassiques de la logique. Par exemple, dans la vie réelle, une chose est vraie ou fausse. Dans le langage informatique, ce n'estpas vraiment le cas comme nous pouvons le constater le plus souvent à notre dépend : une chose est vraie, fausse ou nefonctionne pas, ou encore ne s'arrête pas. Oublier la spéci�cité du langage peut être source de graves erreurs de raisonnement...

Les mathématiques ne valident pas une théorie

Contrairement aux mathématiques, la cohérence et la logique ne su�sent pas à valider une théorie scienti�que. Elle doitaussi � sauver les apparences �, c'est-à-dire ne pas contredire des phénomènes observables ou mesurables. C'est pourquoila cosmologie a évolué selon la qualité des observations astronomiques. Le modèle de Ptolémée n'a pas ainsi résisté audéveloppement des lunettes astronomiques. Le Monde de Newton s'est aussi brisé sur des faits que ces lois ne pouvaient pasexpliquer.

Une théorie doit être e�cace. Elle doit permettre à l'homme de prévoir et d'agir sur la réalité. Newton a réussi à supplanterla cosmologie cartésienne par les découvertes issues de ses lois. Elle est encore utilisée de nos jours en dépit de ses limites carelle reste e�cace dans un cadre précis.

En�n, contrairement aux mathématiques, une théorie est valable en Science lorsqu'elle est falsi�able, c'est-dire lorsqu'ilest possible de concevoir une expérience pouvant la remettre en cause. Ainsi l'évolutionnisme n'est pas une théorie scienti�quecar il est impossible de concevoir une expérience pour la réfuter.

Les mathématiques permettent donc aux scienti�ques de développer e�cacement des théories en s'abstrayant de la réalitémais elles-seules ne su�sent pas pour les valider et les faire imposer. Elles sont un support à la ré�exion, un moyen de l'enrichir,une synthèse pratique et e�cace d'un travail complexe, un moyen de développer une théorie en dehors des contraintesexpérimentales. Mais elles ne doivent pas nous faire oublier les conditions dans lesquelles une formule mathématique estviable dans le monde physique. Les mathématiques apportent à l'homme une capacité supplémentaire pour représenter unmonde simpli�é. Elles apportent la puissance de son formalisme sans néanmoins apporter à la théorie une preuve de véracité...La Science aura toujours besoin d'une véri�cation...

Évitons alors que le prestige des mathématiques � infecte � les sciences et biaise ainsi notre perception du Monde. � Parmitoutes les sciences, les mathématiques jouissent d'un prestige particulier qui tient à une raison unique : leurs propositions ontun caractère de certitude absolue et incontestable, alors que celles de toutes les autres sciences sont discutables jusqu'à uncertain point et risquent toujours d'être réfutées par la découverte de faits nouveaux. � 30 C'est en remettant à leur place leséléments constituant une théorie scienti�que qu'il est alors possible de l'utiliser à bon escient, en particulier pour s'opposeraux discours scientistes ou pour apporter à notre foi des motifs de crédibilité pertinents...

29. Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale30. Einstein, La géométrie et l'expérience, cité dans Tiekoura Levi Hamed, La philosophie des mathématiques et celle des sciences,

10 mai 2009.

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Birth Control, planning familial, contrôle de naissance

� Les droits liés à la sexualité et la procréation font partie des droits humainsfondamentaux � 31 . Pour être plus clair, le contrôle de naissance est devenu intouchable.

D'abord connu sous l'expression de � Birth control �, il est aujourd'hui connu sous le nom de � Family Planning � ouencore de � planning familial �. D'origine américaine, il s'est répandu dans les pays occidentaux puis à l'ensemble de laplanète. Depuis 1968, le planning familial est déclaré comme un des droits fondamentaux au sein des Droits de l'Homme 32.Il serait donc malséant de ne pas le connaître. L'article dé�nit ce qu'est le contrôle de naissance...

Qu'est-ce que le contrôle de naissance ?

Le contrôle de naissance désigne à la fois :� un ensemble de pratiques anticonceptionnelles ou encore contraceptives ;� une doctrine qui les justi�e et les encourage ;� un ensemble de mouvements qui prônent cette doctrine et di�usent les pratiquescontraceptives.

Dans la suite, nous désignerons par � contrôle de naissance � les mouvements qui prônent la doctrine et di�usent lesmoyens contraceptifs...

L'expression � Birth Control � peut être rapprochée d'une autre expression plus connue : � self control �, qui signi�e� contrôle de soi � ou encore � maîtrise de soi �. � Birth Control � signi�erait alors � contrôle de naissance � ou plusclairement �maîtrise de sa procréation �. Elle désigne en quelque sorte la capacité de l'individu de vouloir un enfant lorsqu'ille veut. Elle vise essentiellement les femmes en âge de procréer. Nous retrouvons des slogans bien connus de 1968 : � unenfant quand je veux, comme je veux... �.

Un gynécologue le dé�nit par � l'ensemble des mesures visant à favoriser la natalité ; lorsque les conditions sociales,matérielles et morales s'y prêtent �. Cette dé�nition nous paraît inexacte. Le contrôle de naissance ne cherche pas à favoriserla natalité mais à la réguler uniquement par des moyens actifs, c'est-à-dire par des moyens anticonceptionnels ou contraceptifs.A l'origine du mouvement, l'avortement y était exclu. Un des arguments du � Birth Control � était justement d'éviter lesavortements, mais aujourd'hui le planning familial le défend au même titre que les moyens contraceptifs.

Le terme � contrôle �, qui signi�e en français � véri�cation �, est une traduction impropre du terme anglais � control �.La notion de � maîtrise �, que porte le terme anglais, indique plutôt une action de commandement et de direction, et nonde véri�cation. Le � Birth Control � désignerait alors plutôt � procréation dirigée �. Il est dirigé en vue d'un objectif.

Une autre expression anglaise est aujourd'hui employée : � planned parenthood �, c'est-à-dire � parentalité plani�ée �. Lecontrôle de naissance vise désormais la parentalité. Le c÷ur du sujet n'est plus la naissance, c'est-à-dire l'enfant qui doit oune doit pas naître - les termes � doit � ou � ne doit pas � sont à souligner - mais le fait même d'être parent ou non. L'enjeun'est plus du côté de l'enfant mais des � géniteurs �. L'expression est aussi plus explicite. Il y a bien une idée de plani�cationdans le contrôle de naissance.

En�n le contrôle de naissance est devenu � Family planning �, aujourd'hui traduite par � planning familial �. La nouvelleexpression étend davantage son cadre de référence. L'objet de la plani�cation est désormais la famille.

Une forte représentation internationale

Le contrôle de naissance se concrétise par des mouvements nationaux 33 et internationaux. Dans la plupart des États,nous pouvons trouver une association de planning familial o�cielle. Au niveau international, deux mouvements défendentet propagent le planning familial : l'International Planned Parenthood Federation (IPPF) et le Population Council. Cesmouvements in�uencent les grandes conférences internationales et les organismes de l'ONU, tels que l'Organisation Mondialede la Santé (O.M.S.).

31. Service de planning familial de Genève, http ://planning-familial.hug-ge.ch.32. Voir Dr M.-P.Molitor-Pe�er, Historique du Planning familial.33. Planned Parenthood Federation of America (P.P.F.A.), Mouvement Français pour le Planning Familial (France ), etc.

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Depuis 1952, le � planning familial � est défendu au niveau international par l'International PlannedParenthood Federation (IPPF), un réseau mondial de 151 associations. Il développe des partenariatsavec des organisations gouvernementales et non-gouvernementales et avec des agences de l'ONU. Elleassiste et accompagne les associations de plani�cations familiales dans les pays où il n'en existe pas et

facilite l'échange d'expérience entre ces membres. En�n, elle participe à de grandes conférences internationales où elle di�usesa philosophie.

Ses objectifs sont vastes et variés :� la sexualité :� prendre en compte toutes les sexualités pour � une sexualité épanouie dans le respect de l'autre � ;� promouvoir l'éducation à la sexualité et son intégration dans les programmes sexuels ;� la contraception et l'avortement :� écouter et orienter pour une demande d'Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) ;� accompagner dans le choix d'une contraception ;

� la procréation hors paternité :� privilégier une maternité choisie (Procréation médicalement assisté, droit d'accoucher anonymement, adoption) ;

� la lutte contre le Sida et les infections sexuellement transmissibles ;� la lutte pour les droits de la femme ;� former et informer sur les questions de sexualité et sur les violences faites aux femmes...

Le Population Council 34 est une organisation non-gouvernementale, fondée en 1952 par John D.Rockefeller III. Ses activités tournent autour des problèmes démographiques, de l'assistance techniqueet des recherches biomédicales. Ses recherches touchent la plani�cation familiale, la contraception,l'avortement, la pauvreté, le genre, la jeunesse, ... Il �nance aussi des recherches technologiques sur ces

sujets. Il dispose de quinze bureaux répartis dans le monde. Il suit des programmes dans plus de 50 pays. Il publie notammentdes documents sur la pauvreté, le genre et la jeunesse...

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est un organisme des Nations Unies qui joue également un rôle dans lapromotion du planning familial selon plusieurs axes : prestation de services correspondant à des méthodes contraceptives,élaboration de nouvelles méthodes, élaboration de normes de qualité et de rapports sur la sécurité des méthodes employées,etc.

De l'interdiction à l'oppression en passant par la tolérance appuyée

Certains États soutiennent les mouvements de planning familial sans aucune contrainte. On parle alors de libertéreproductive 35. D'autres États les interdisent, cas plutôt rares. Généralement, ces mouvements sont subventionnés, le contrôlede naissance faisant alors partie des priorités de santé nationales.

Dans les États qui les encouragent ou les aident, nous pouvons distinguer deux attitudes : soit ils apportent un soutien�nancier ou législatif aux associations, sans pourtant intervenir directement, soit ils dirigent eux-mêmes une politique decontrôle de naissance, généralement pour réduire la croissance démographique. Une politique de planning familiale peutfavoriser la stérilisation, notamment par des primes ou l'obliger, pratique extrême, voire contradictoire à la notion même ducontrôle de naissance...

Depuis la Conférence internationale sur la population et le développement (Le Caire, 1994), le discours sur le contrôlede la population a changé. Il � réfute désormais toute politique démographique qui transformerait les êtres humains en ciblesd'objectifs chi�rés. Désormais, ces politiques doivent être fondées sur les � droits reproductifs �, c'est-à-dire le droit desindividus et des couples à décider librement du nombre, de l'espacement et du moment de naissance de leurs enfants, en leurassurant les moyens et l'éducation nécessaires, ainsi que le droit d'atteindre le niveau le plus élevé possible de santé sexuelleet reproductive et le droit de prendre des décisions concernant la reproduction sans discrimination, coercition ou violence � 36.

Au-delà des mots et des doctrines, le contrôle de naissance est une pratique très répandue non seulementen France mais dans le monde entier. Son in�uence est considérable dans les instances internationales. Sondomaine d'action n'a pas cessé de s'étendre : procréation, sexualité, genre, violence à l'égard des femmes...Sa cible a aussi changé. Il vise désormais les adolescents... Quel était en e�et le domaine prioritaire del'IPPF pour les années 2004-2009 puis le premier axe stratégique pour les années 2009-2015 ? � Remettreen cause les pratiques et normes culturelles qui présentent un danger pour les jeunes ainsi qu'agir comme un catalyseur pourun mouvement mondial des jeunes dont le but est de changer les mentalités � 37... Changer les mentalités, tel est en fait leleitmotiv du � Birth Control � comme du Planning Familial...34. http ://www/ined.fr, Activité des organisations internationales en matière démographique, 1ère partie, in Population, 24e

année, no 4, 1969.35. Voir Politiques démographiques et liberté reproductive d'Ariette Gautier.36. Ariette Gautier, Politiques démographiques et liberté reproductive.37. Articles IPPF sur http ://ngp-db.unesco.org.

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La Dhimmitude en pratique

Dans l'Islam, le non-musulman appartient en droit à la minorité avant de le devenir en fait.Sa trace �nit par s'e�acer de la mémoire des hommes. C'est pourquoi de fortes communautéschrétiennes semblent avoir disparu subitement de l'Histoire 38. � Les sources arabo-musulmanesévoquent rarement les dhimmî, rejetés commodément dans la non-existence � 39. Mais les populationsnon-musulmanes sortent parfois de leur silence grâce aux témoignages de voyageurs et dediplomates occidentaux. Ces sources sont souvent délaissées par leur supposé manque d'objectivité.Bet Ye'or est une des rares à les avoir utilisées pour étudier le statut des communautésdans les pays d'Islam. Ces témoignages nous font en e�et mieux connaître la vie des non-musulmans.

Le Coran incite fortement le musulman à mépriser l'in�dèle et l'incroyant. Telle est notre conviction qui se dégage de noslectures et de nos études. La vie d'un non-musulman n'a de sens que dans l'humiliation et dans l'aveu de son infériorité. EnEspagne, nous avons pu constater qu'e�ectivement, la vie d'un chrétien en territoire musulman est faite de discriminationset d'humiliations. La fuite, la clandestinité ou l'héroïsme sont les seules solutions qui lui restent pour subsister. Ou encore laconversion...

Les témoignages qu'a recueillis Bet Ye'or montre qu'e�ectivement dans les faits les chrétienset les juifs font l'objet de discriminations, de ségrégation et d'humiliations. L'image dunon-musulman décrit dans le Coran n'est pas que symbolique. Le sort des mozarabesen Al-Andalousie n'est pas unique. L'Histoire en est marquée de manière indélébile dansd'autres régions conquises... La persévérance dans � l'erreur � condamne les non-musulmans àl'avilissement...

Notre objectif n'est pas de souligner le mépris et les humiliations qu'ont subis les non-musulmans etqu'ils subissent encore mais de montrer les liens entre le Coran et les faits. L'homme est faible et peut delui-même commettre des méfaits au nom de la religion. Cette dernière ne devient alors qu'un paravent deses vices et de ses fautes. Dans ce cas, il est peu pertinent de condamner la religion. Mais une religion estlégitimement condamnable si elle inspire le mal ou le favorise.

Qui sont ces témoins de l'Histoire ?

Des diplomates, des consuls et des ambassadeurs britanniques qui écrivent dans leurs rapports ce qu'ils voient, desfonctionnaires en mission qui rendent compte de leurs activités, des voyageurs qui laissent leurs témoignages dans leursrécits, des lettres de personnalités, des historiens en recherche...

Leurs témoignages s'étalent du XVème au début XXème siècle. � Les observations du voyageur occidental complètentsouvent les autres sources encore que la part doivent être faite des préventions ou de l'intérêt personnel. On en saurait ene�et mettre trop en garde le lecteur contre les préjugés d'Occidentaux latins à l'égard des juifs, des Grecs, des chrétiensmonophysites et des musulmans ; toutefois, leurs témoignages apportent souvent des informations précieuses � 40.

A partir de ces témoignages, nous allons donc énumérer di�érentes pratiques vexatoires et humiliantes qu'ont pu subirles non-musulmans, essentiellement les juifs et les chrétiens.

Travaux de basse besogne

Dans le Kurdistan, les non-musulmans étaient taillables et corvéables à merci. Au Yémen, les Juifs devaient enlever lescharognes et nettoyer les latrines publiques le samedi. Décrétée en 1806, cette corvée demeura en vigueur jusqu'en 1950,c'est-à-dire jusqu'à leur départ pour Israël. Toujours dans ce pays, les dhimmis devaient aussi décerveler et saler les têtesdes condamnés et les exposer sur les murs des villes. Ils exerçaient même les fonctions de bourreaux. Ils accomplissaient�nalement les tâches jugées déshonorantes par les musulmans.

38. Voir Émeraude 21 et 22, septembre 2013, article Al-Andalousie : les chrétiens en terre musulmane, octobre 2013, article Lesmozarabes, raisons d'une minorité en terre musulmane39. Bet Ye'or, Les Chrétienté d'Orient entre jihad et dhimmitude, chapitre II, édition Jean-Cyrille Godefroy, 200740. Bet Ye'or, Les Chrétienté d'Orient entre jihad et dhimmitude.

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Attitude d'infériorité

Les dhimmis devaient marcher les yeux baissés en passant à gauche des musulmans, côtéjugé impur. Ils devaient laisser leur place aux musulmans s'ils les rencontraient. Le fait de laissersa place est signe de faiblesse et donc d'infériorité. S'écarter devant une femme musulmane estencore considéré aujourd'hui comme étant déshonorant.

Il leur était interdit de monter sur des animaux nobles comme le cheval 41 ou le chameau. � Et il y a une coutume enSyrie, que nul Chrétien qui soit connu n'ose aller à cheval parmi les rues des villes. Pour cette cause, notre[moucre] nousfait descendre messire et moi � 42. Hors des villes, ils pouvaient monter à dos d'âne. Cela � marque le mépris que les Turcsfont des chrétiens et des juifs qu'ils traitent à peu près de la même manière � 43. Devant un musulman de rang élevé, lechrétien devait descendre de son âne, � car un chrétien ne doit jamais paraître devant un musulman que dans une posturehumiliée � 44. Jusqu'au début du XXème siècle, au Yémen et dans les campagnes du Maroc, de Libye, de l'Irak et de Perse,un juif devait descendre de son âne quand il apercevait un musulman sinon ce dernier était autorisé à le jeter à terre. Unvoyageur note que les chrétiens et les juifs ne devaient même pas monter à dos d'âne à l'intérieur de Damas.

E�ectivement, en 1793, un juriste égyptien résume cet interdit : � ni juif ni Chrétien n'a le droit de monter à cheval avecou sans selle. Ils peuvent monter sur âne [...] S'ils passent près d'un groupe de Musulmans, ils doivent mettre pied à terre etne peuvent monter [un âne] qu'en cas d'urgence, maladie ou départ pour la campagne et leur chemin doit être rendu étroit � 45.

Au XVIIIème siècle, sous les ordres du roi Frédéric V du Danemark (1723-1766), le Danois Carsten Niebuhr mena une expédition pour étudier l'Arabie. Niebuhra raconté qu'en 1761, au cours du séjour de son équipe au Caire, un médecinfrançais y fut mutilé pour n'être pas descendu assez vite de son âne en croisantun seigneur musulman. Le simple passage de non musulmans à proximité desmosquées, de certaines maisons, ou de certains quartiers était considéré comme uneprofanation 46.

� Lorsqu'il venait payer ses impôts, le dhimmi devait se tenir debout à l'endroit le plus bas, se présenter tête basse, êtretraité avec dédain. Il fallait lui faire sentir que c'était lui faire une grâce que d'accepter de lui la jizia, l'humiliation pouvantêtre complétée par des sou�ets ou des coups de bâton � 47.

Des maisons marquant leur infériorité

Dans les quartiers musulmans, les maisons des dhimmis jugées trop hautes étaient souvent détruites. Elles devaientparaître inférieures à celles des musulmans. A Constantinople, jusqu'au milieu du XIXème siècle, les maisons du quartier desnobles grecs étaient peintes de couleur sombre. A Damas, au XIVème siècle, les boutiques des chrétiens et des juifs devaientêtre abaissées au-dessous du niveau de la rue pour qu'ils paraissent devant les musulmans dans une position toujours inférieure.

Une ségrégation territoriale

Des quartiers musulmans étaient interdits aux juifs en Perse, au Yémen, en Afrique du Nordjusqu'au XIXème siècle. Ils vivaient dans des quartiers séparés enfermés dès le coucher de soleil.Cette pratique étaient en vigueur au Yémen jusqu'en 1950. L'accès de certaines villes leur étaitinterdit. Le mellah désigne au Maroc le quartier où habitaient les juifs de la ville. Il était séparéde la ville par de hautes murailles. Dans la ville de Cordoue en Espagne, les chrétiens étaientconcentrés dans des quartiers spéci�ques, hors du centre ville.

41. Interdiction de monter à cheval en Syrie au milieu du XVème siècle (Bertandon de la Brocquière, Le Voyage d'Outre-Mer), constatée aussiau XVIIIème siècle en Syrie (Charles Roux) et en Égypte (C. Niebuir, Voyage de M.Nebuir en Arabie et en d'autres pays de l'Orient,1780). Bertrandon de la Broquière appartient au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne.42. Bertandon de la Brocquière, Le Voyage d'Outre-Mer, cité dans Interdits et obligations du dhimmi pour se déplacer, 5 décembre

2006, islamiquementcorrect.blogspor.fr.43. Mémoires du chevalier d'Arvieux, tome I. d'Arvieux est l'envoyé extraordinaire du Roi de France, consul d'Alep, de Tripoli et autres...

Il a décrit ses voyages à Constantinople, dans l'Asie, la Palestine, l'Égypte, etc.44. A. Morrison cité dans Bet Ye'or, Les Chrétienté d'Orient entre jihad et dhimmitude. Témoignage sous Louis XIV (1697).45. Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l'Islam et construire une humanité fraternelle et spéci�que, et Bat Ye'or, Juifs et

chrétiens sous l'Islam face au danger intégriste, Berg International Editeur, 2005.46. Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l'Islam et construire une humanité fraternelle et spéci�que, Cariscript, 2010, Carsten

Niebuhr, Voyage de M. Niebuhr en Arabie et en autres pays de l'Orient, Avec l'extrait de sa description de l'Arabie et desobservations de Mr Forskal, pp. 80-81, Chez les Libraires Associés, 1780.47. Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l'Islam et construire une humanité fraternelle et spéci�que, et Bat Ye'or, Juifs et

chrétiens sous l'Islam face au danger intégriste, Berg International Editeur, 2005.

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Signes vestimentaires

Les dhimmis devaient aussi se distinguer par des signes vestimentaires, la taille de leur cheveux, leurs turbans ainsi quel'apparence de leur épouse et de leurs enfants et serviteurs. De nombreux décrets dé�nissaient ces distinctions. En Égypte eten Palestine, ils devaient porter des clochettes. Au IXème siècle à Qairouan, dans l'actuelle Tunisie, les chrétiens et les juifsportaient de manière ostensible leur ceinture sur leurs vêtements. Dans l'Égypte du XIIIe et XIVe siècle, les juifs devaientporter comme les chrétiens une coi�e particulière, en l'occurrence jaune pour être plus aisément reconnus. En 1354, ilsdevaient également porter un anneau métallique distinctif dans les bains publics et les femmes s'envelopper d'un tissu decouleur pour sortir de leurs maisons 48.

En absence de ces signes distinctifs, ils subissaient le fouet, l'incarcération et l'humiliation publique. Des consuls anglaisnotent que ces prescriptions étaient souvent rappelées dans l'empire ottoman. Ces signes étaient néanmoins absents dans lapartie européenne de l'empire musulman (Grèce, Anatolie, Albanie) où les chrétiens étaient majoritaires.

Le port de vêtement distinctif permettait de les distinguer des musulmans et donc de les humilier. � L'humiliation desnon musulmans et la multiplication des agressions à leur encontre à tout instant de la vie quotidienne étaient facilitées parles vêtements distinctifs qu'ils devaient porter, permettant de les reconnaître au premier abord �. Cette distinction est forteutile pour pressurer les non-musulmans de taxes. � Les vêtements distinctifs des dhimmis servaient également à les contrôler�nancièrement. Ils pouvaient être arrêtés dans les rues et devaient toujours pouvoir produire la preuve qu'ils avaient payéleur jizia � 49.

Une application selon les circonstances

� Ces contraintes furent tantôt abolies ou atténuées par un sultan ou un gouverneur bienveillant, tantôt rétablies pendantles périodes de guerre et de fanatisme à la demande des théologiens. Souvent une communauté persécutée dans une régionfuyait et réussissaient à survivre en se plaçant sous l'autorité d'un prince musulman plus clément � 50.

L'application des règles discriminatoires variait selon les circonstances économiques, politiques et le favoritisme du pouvoirislamique envers une communauté au détriment des autres. Des prescriptions furent donc générales à tous les territoiresmusulmans ou localisées dans une région. L'Égypte se montrait particulièrement plus hospitalière et tolérant que le Yémen.Elle dépendait aussi du milieu dans lequel vivaient les communautés. Les montagnes apparaissaient plus � saines � queles grandes plaines. Elle dépendait en�n de la législation appliquée dans les pays ou plutôt des écoles religieuses qui ladé�nissaient. L'école hanbalite, considérée comme � la plus dogmatique et la plus puristes des écoles d'interprétation de lajurisprudence de l'Islam sunnite � 51, impose les règles plus drastiques. Les autres écoles sont plus tolérantes.

Conditionnement

Les témoignages d'Occidentaux montrent combien la vie des non-musulmans était réglée par des prescriptions humiliantesde toute sorte. Le but était véritablement de leur montrer leur statut d'infériorité par rapport aux musulmans. Ils devaientvivre et ressentir quotidiennement cet état au point de croire à une infériorité réelle. � Le mépris pénétra les m÷urs, modelales traditions, la conscience collective et les comportements. Les habitudes s'instaurèrent sans qu'il y eût peut-être de loisspéci�ques �. Sous pression constante, les non-musulmans ont �ni par y croire. � Si vous allez leur expliquer la Dhimmitude,ils réfutent cette vision, ils ont peur, ils sont conditionnés par leur infériorité. Ils ne se mettent pas en relation d'égalité avecles musulmans � 52.

L'esprit du Coran n'est pas un vain mot mais a profondément conditionné les relations entre musulmans et non-musulmans.Ces relations se sont construites sur la discrimination et la ségrégation, sur l'humiliation et la vexation. Le musulman estsupérieur au non-musulman et cette supériorité doit être visible et vécue tous les jours. Si le non-musulman accepte sacondition, sa vie lui sera garantie. � Les autorités musulmanes restent �dèles aux fondamentaux du Coran qui rabaissaient ledhimmi pour en faire un être inférieur, soumis aux caprices du vainqueur et à la violence des populations autochtones � 53.Mais que voyons-nous derrière ce rapport sinon l'orgueil de l'homme qui bâtit ses relations sur des rapports de force et �atteson ego ? L'esprit du nomade transparaît derrière cette réalité toujours actuelle. L'Islam inculque et attise cet esprit. Dansune société musulmane, un non-musulman n'a que le choix entre la mort, la fuite ou la conversion... Une lente agonie commeconnaissent les chrétiens orientaux ...

48. Juifs en terre d'Islam, Le statut de dhimmi, article d'akadem.org.49. Voir Clémence Hélou Matar, Comprendre l'Islam et construire une humanité fraternelle et spéci�que et selon Bat Ye'or, Juifs

et chrétiens sous l'Islam face au danger intégriste.50. Bet Ye'or, Les Chrétienté d'Orient entre jihad et dhimmitude, chapitre II.51. Encyclopédie universalis, article � hanbalite �52. Bat Ye'or, Au Moyen-Orient, la dhimmitude chrétienne se paie par la vie, Bat Ye'or, 1 octobre 2010, entretien dans le journal

Foglio, 17 juin 2009.53. Article Rapports entre dhimmitude et statut des juifs en terre chrétienne, Gérard Sylvain, Cahier d'études maghrébines,

regards croisés sur la dhimmitude, no 3, 2012

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