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Luc Devoldere En attendant les Barbares ESSAIS Extrait de la publication

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La barbarie nous menace-t-elle ? Notre monde vacille-t-il sur sesbases ? Et si nous ne faisions que cela, depuis deux millénaires,attendre les barbares, leur prêter la majesté qu’appelle notre épuisementculturel… C’est au pays de Denys Arcand, du Déclin de l’empireaméricain, que paraît la traduction française des brillants essais deLuc Devoldere regroupés sous le titre Wachtend op de Barbaren.L’auteur, Belge flamand, donc à la croisée des perspectives latinisteet germaniste, tantôt se livre à un parcours philosophique, notammentquand il est question de Nietzsche, d’Alain et de Marc Aurèle ; tantôt, ilaborde la littérature (Yourcenar, Horace, Van Lerberghe, Montherlant)à partir des outils classiques que sont la rhétorique, la poétique etla stylistique. Il ressuscite de grandes figures comme Ératosthène,Quintilien et Érasme, utiles à la compréhension du monde tel que nousle connaissons ou aurions intérêt et plaisir à le connaître.

Rédacteur en chef de la revue Septentrion (consacrée aux arts,aux lettres et à la culture de Flandre et des Pays-Bas), Luc Devolderea enseigné les lettres classiques. De son ancien métier, il a gardé lesouci de se faire comprendre, certes, mais aussi celui de faire aimerles écrivains dans leurs grandeurs et leurs misères, toute déférencen’excluant pas le sens critique, bien au contraire. En bout de ligne,nous nous retrouvons face à des écrivains, des humains, notre sœurYourcenar, notre frère Cioran, notre ami Alain. Face à une patrie sanscartographie : la civilisation.

Le gai savoir dont parlait Nietzsche nous sourit dans l’ombre : « Quiattend les barbares découvrira avec Kavafis (à qui est emprunté le titre decet ouvrage) qu’il n’y en a pas, et qu’il devra se tirer d’affaire tout seul. »

Luc Devoldere

En attendant les BarbaresESSAIS

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,!7IC8J5-acddbj!ISBN 978-2-89502-331-9

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EN ATTENDANT LES BARBARES

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LUC DEVOLDERE

En attendant les BarbaresEssais traduits du néerlandais par

Monique Nagielkopf

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Maquette de la couverture : Anne-Marie JacquesIllustration de la couverture : Section du mur d’Hadrien © Michiel HendryckxPhotocomposition : CompoMagny enr. Distribution pour le Québec : Diffusion Dimedia539, boulevard LebeauMontréal (Québec) H4N 1S2

Distribution pour la France: DNM – Distribution du Nouveau Monde

© Les éditions de L’instant même, 2013, pour la traduction française

Titre original:Wachtend op de Barbaren© Uitgeverij Lannoo, 2002

L’instant même 865, avenue MonctonQuébec (Québec) G1S 2Y4 [email protected] www.instantmeme.com

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2013

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québecet Bibliothèque et Archives Canada Devoldere, Luc, 1956- En attendant les Barbares Traduction de : Wachtend op de barbaren. Comprend des réf. bibliogr.

ISBN papier 978-2-89502-331-91 ISBN PDF 978-2-89502-829-1

1. Littérature – Histoire et critique. 2. Civilisation occidentale. 3. Philosophie

.I. Titre.

PN512.D48142013 809 C2012-942742-X

Cet ouvrage est publié avec le concours du Fonds flamand des Lettres(Vlaams Fonds voor de Letteren - www.flemishliterature.be).

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Avis au lecteur

Ce livre a été publié en néerlandais en 2002. Le fait que, grâceà un éditeur du Québec, mes propres compatriotes puissent le lire dixans plus tard en français me laisse perplexe, reconnaissant et rêveur.

Luc Devoldere, 31 décembre 2012,Erembodegem, Flandre, Belgique.

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Avant-propos

Ce livre contient quelques règlements de comptes. Un règlementde comptes est une prise de position. Me retournant pour voir le cheminparcouru, j’ai pris du recul, et en m’en éloignant en mots, je me suisdéfini. Sans en renier un seul, j’ai mesuré la distance qui me sépared’écrivains comme Nietzsche et Montherlant, les idoles de ma jeunesse ;du stoïcien respecté Marc Aurèle et de Yourcenar, si admirée ; d’Horaceque j’ai lu dans la classe pendant tant d’années, mais qui m’est restéétranger, et de Charles Van Lerberghe, l’émouvant poète terrassépar une attaque cérébrale, auteur d’une œuvre oubliée. Il m’arrive defaire encore des découvertes, comme les Propos d’Alain. J’affirmequ’Érasme n’est « ni de Rotterdam ni de tout temps » ; j’esquisse lagrandeur et la misère de la tradition rhétorique, à l’occasion de latraduction en néerlandais de l’opus magnum de Quintilien, qui traitede la formation de l’orateur. Le professeur que j’ai été a entre-tempspris congé de ses élèves, non sans plaider en faveur de la nécessité de« l’inutile » grec ancien.

J’ai aussi essayé dans ces écrits de définir mon « attitude dansle temps » (l’expression est empruntée à Pierre H. Dubois). Je ne mesoustrais donc pas au genre épineux de la critique de la culture, ni audéclin, mais en cherche plutôt les signes chez Palladas, un poète grecdu IVe siècle après J.-C. Ou encore, j’avance l’idée que le déclin acommencé dès le premier entreposage systématique de livres dans labibliothèque d’Alexandrie. Le XXe siècle s’est en tout cas terminé parl’obsession du style : même Cioran a dû s’entendre qualifier de styliste.Il était désespéré, mais il s’est sauvé en étudiant la place de la virguleet la qualité des adverbes. Cela aussi est signe de déclin.

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En attendant les Barbares

Outre des essais, j’ai écrit une lettre (qui n’arrivera pas)à quelqu’un que j’ai connu il y a longtemps et qui est devenuadministrateur délégué de la Chambre de commerce et d’industrie.Somme toute, j’ai simplement pris congé de certaines choses, pourvoir ce qu’il en était resté et où j’en étais.

En relisant et remaniant ces essais, j’ai vu revenir les mêmesnoms, les mêmes tics et les mêmes obsessions. Les personnes et lescirconstances qui m’ont formé, et où j’en étais : pour moi aussi, celaest devenu clair. La quarantaine passée, c’est un chemin qu’on essaied’embrasser.

J’ai découvert ce faisant que le plus grand péché était l’accidia,cet amalgame débilitant d’inertie, de négligence et d’indifférence. Ai-jeun message pour autant ? Sans doute pas, sauf si « la chair n’est pastriste et je n’ai pas lu tous les livres » en est un.

Venons-en au titre : En attendant les Barbares. Le ton las etl’atmosphère de décadence de ce titre (qui n’est pas de Coetzee, maisd’un poème de K. P. Kavafis) sont – contre toute apparence – parésdans le livre. Qui attend les barbares découvrira avec Kavafis qu’il n’yen a pas, et qu’il devra se tirer d’affaire tout seul.

Qu’attendons-nous, rassemblés sur l’agora ?

On dit que les Barbares seront là aujourd’hui.

Pourquoi cette léthargie, au Sénat ?Pourquoi les sénateurs restent-ils sans légiférer ?

Parce que les Barbares seront là aujourd’hui.À quoi bon faire des lois à présent ?Ce sont les Barbares qui bientôt les feront.

Pourquoi notre empereur s’est-il levé si tôt ?Pourquoi se tient-il devant la plus grande porte de la ville,solennel, assis sur son trône, coiffé de sa couronne ?

Parce que les Barbares seront là aujourd’huiet que notre empereur attend d’accueillirleur chef. Il a même préparé un parchemin

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Avant-propos

à lui remettre, où sont conférésnombreux titres et nombreuses dignités.

Pourquoi nos deux consuls et nos préteurs sont-ilssortis aujourd’hui, vêtus de leurs toges rouges et brodées ?Pourquoi ces bracelets sertis d’améthystes,ces bagues où étincellent des émeraudes polies ?Pourquoi aujourd’hui ces cannes précieusesfinement ciselées d’or et d’argent ?

Parce que les Barbares seront là aujourd’huiet que pareilles choses éblouissent les Barbares.

Pourquoi nos habiles rhéteurs ne viennent-ils pasà l’ordinaire prononcer leurs discours et dire leurs mots ?

Parce que les Barbares seront là aujourd’huiet que l’éloquence et les harangues les ennuient.

Pourquoi ce trouble, cette subiteinquiétude ? – Comme les visages sont graves !Pourquoi places et rues si vite désertées ?Pourquoi chacun repart-il chez lui le visage soucieux ?

Parce que la nuit est tombée et que les Barbares ne sont pasvenuset certains qui arrivent des frontièresdisent qu’il n’y a plus de Barbares.

Mais alors, qu’allons-nous devenir sans les Barbares ?Ces gens étaient en somme une solution1.

Il y a des poèmes qui expriment toute une civilisation.

Luc Devoldere, Erembodegem, 31 décembre 2001.

1. Dans la traduction de Marguerite Yourcenar et Constantin Dimaras.

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Pour être quitte envers Nietzsche

Es ist durchaus nicht nötig, nicht einmalerwünscht, Partei dabei für mich zu nehmen :im Gegenteil, eine Dosis Neugierde, wie voreinem fremden Gewächs, mit einem ironischenWiderstande, schiene mir eine unvergleichlichintelligentere Stellung zu mir.

« Il n’est nullement nécessaire, ni mêmesouhaitable, de prendre parti pour moi : aucontraire, une dose de curiosité, comme devantune plante étrange, avec une résistance ironique,me semblerait une manière incomparablementplus intelligente de m’aborder. »

NIETZSCHE dans une lettre au musicien Fuchs(KSB, 8, 29 juillet 1888).

UN MONSTRE GAI

Nietzsche, je l’ai rencontré. C’était à Pérouse, en 1978, et il parlaitanglais. Nous demeurions chez la même logeuse au cœur de la ville.J’avais pour alibi des cours d’italien à l’Università per gli stranieri(l’Université pour étrangers) ; ses motifs à lui étaient imprécis. Tout ceque nous savions c’était qu’il venait d’Amérique et que, doté de gènesitaliens, il avait été expédié dans la mère patrie. Il errait en silence dansla maison et interrompait soudain nos conversations en demandantd’une voix sombre et douce : What does it mean, when a girl turns herback to you? Toutes ses pensées tournaient autour des femmes et de la

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En attendant les Barbares

façon de les aborder. La question nous fendait l’âme, tant elle mettaità nu un homme infiniment triste et solitaire. Il nous foudroyait de sesgrands yeux fatigués. Il avait le front large et bombé, la moustachemonumentale : la ressemblance était à couper le souffle. Il était vêtuavec le même soin, un peu vieux jeu, mais avec une certaine élégance.Nous lui prodiguions des conseils. Jusqu’au jour où il se leva d’unbond et prononça d’un ton menaçant : I wanna go back to the States.You know, we have destroyers there!

L’innocence des sens

Le véritable Nietzsche était-il lui aussi à la recherche d’unefemme ? Un docteur de Turin, appelé par le logeur de Nietzsche,soucieux de l’étrange comportement du Professore, note à ce proposvers la fin de l’année 1888 : « prétend être un homme célèbre, réclamecontinuellement une Frauenzimmer, une margoton1 ». Dans la cliniquepsychiatrique d’Iéna, qui l’accueille le 18 janvier 1889 après un arrêt àBâle, Nietzsche affirme : « C’est ma femme, madame Cosima Wagner,qui m’a amené ici. »

Le quatrième de couverture de la traduction néerlandaise deEcce Homo2 montre une photo dont j’ai cru pendant des annéesqu’elle représentait Nietzsche donnant le bras à sa sœur, une Elisabethmalicieuse, jeune fille posant avec un frère aîné admiratif, qui, bonenfant, l’embrasse du regard (une femme : « Ce que l’on doit enfermerde peur que cela ne s’envole3 »). Je me trompais, car il s’agit duNietzsche aliéné au bras de sa mère à Naumburg. Elle ne cache qu’avecpeine sa fierté d’avoir enfin récupéré son fils – qui la regarde, les yeuxvides4. Son enfant qu’elle comprend à nouveau, maintenant qu’il n’écritplus. Maintenant, elle peut soigner son corps, l’habiller et l’exhiber nonsans orgueil dans les rues de la ville, dans le studio du photographe – dumoins quand « Fritz », comme elle l’appelle, le permet. Au demeurant,elle se sacrifiera, cette femme de pasteur qui n’avait que dix-huit ans de

1. « Behauptet ein berühmter Mann zu sein, verlangt fortwährend Frauenzimmer. »2. Arbeiderspers, Privé-domein, 1969.3. « Etwas, das man einsperren muss, damit es nicht davon flieg. » (KSA, 5, 174.)4. On peut voir cette photographie sur le Web à la page suivante : http://jspivey.wikispaces.com/Friedrich+Nietzsche+Beatrice. (NdE)

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plus que son fils, et consacrera toutes ses forces restantes à s’acquitterde sa tâche, jusqu’à sa mort, en 1897. Elisabeth hérite du corps et del’œuvre de Friedrich. Le premier ne tiendra plus longtemps ; l’heurede la grande diffusion de la seconde n’est pas encore venue, ce dont sechargera cette arriviste qui avait enfin trouvé le but de sa vie. Mère etsœur : les tours de guet d’une forteresse détruite quant au reste. Parfoison remporte la victoire finale en existant simplement plus longtempsque tous les autres. Elisabeth tiendra le fort jusqu’en 1935.

Qu’en est-il des autres femmes dans la vie de Nietzsche ?Permettez que je commence par les femmes dont on ne sait rien aveccertitude, les femmes hypothétiques des maisons closes. Du temps deses études à Bonn, Nietzsche débarqua sans le savoir dans un bordelde Cologne après avoir demandé l’adresse d’un restaurant au guided’une visite touristique. Une demi-douzaine d’apparitions en tulle etpaillettes lui font les yeux doux. Il se sort de cette situation épineuse enallant instinctivement droit au piano et en y plaquant quelques accords.A-t-il attrapé la syphilis plus tard dans un bordel de Leipzig, commetant d’étudiants de sa génération ? C’est possible, mais rien n’est moinssûr. Et les bordels de Nice, Gênes et Turin ? Nous ne savons qu’unechose, c’est qu’il prend souvent fait et cause pour la prostitution dansses notes : il est de ces vérités simples dans la vie, comme le fait qu’unhomme a parfois besoin d’une femme de la même façon qu’il a parfoisbesoin d’un bon repas. Le mariage n’est à ses yeux qu’une institutionpour les natures médiocres : « pensé avec beaucoup de bon sens etsans sentimentalité, grossièrement, carrément5 ». Pourtant, il proposale mariage à une certaine Mathilde Trampedach, par lettre datée du11 avril 1876, et demanda la main de Lou von Salomé à la mère decelle-ci, le 26 avril 1882. Il avait prié son ami Paul Rée, qui avait déjàdes liens étroits avec la jeune femme, d’intervenir en sa faveur auprèsde Lou, ce qui était maladroit et, vu la situation, plus que douloureuxpour Rée. Ces deux propositions ont ceci de commun qu’elles sontfaites tout à trac. Comme pour mettre en fuite les femmes à qui ellessont adressées.

N’oublions pas le charmant professeur, quoiqu’un peu rigide,qui bavarde avec les dames à Sils-Maria, dans l’hôtel Alpenrose où

5. « Mit viel bon sens und ohne Sentimentalität ausgedacht, grob, viereckig,ausgedacht, grob, viereckig. » (KSA, 12, 544.)

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il déjeune : « J’aimerais en fait être entouré d’un cercle de personnesperspicaces et fines, qui me protégeraient de moi-même et sauraientaussi m’égayer. Car pour quelqu’un qui pense les choses comme il mefaut les penser, un danger réel menace, celui de se détruire soi-même6. »

N’oublions pas non plus le locataire qui joue du piano à quatremains avec Irena Fino, la fille de son logeur à Turin. Pense-t-il au jeu àquatre mains à Tribschen, avec Cosima, la femme avec qui il a un jourcaché des œufs de Pâques pour les enfants d’un autre, dans le jardinprès du lac des Quatre Cantons aux pieds du mont Pilate, son Arcadie,d’où il est chassé ? Cosima est-elle décidément son grand amour, sonAriane, qui s’était enfuie avec Thésée du labyrinthe de Cnossos, et queDionysos entoura de ses tendres soins à Naxos ? Ariadne, ich liebe Dich,« Ariane, je t’aime », aurait écrit Nietzsche à Cosima, dans une lettre deTurin, signée Dionysos, datée du début de janvier 1889, mais jamaisretrouvée. La seule source la concernant est Elisabeth, qui affirmetenir ce détail de Cosima elle-même. Malheureusement, il est difficilede faire confiance à Elisabeth quand il s’agit des lettres de son frère.

Il se peut que nous approchions plus les besoins réels de Nietzschedans une citation gribouillée (reprise du Journal des Goncourt ?) deNachlass : « Il faut à des hommes comme nous une femme peu élevée,peu éduquée, qui ne soit que gaieté et esprit naturel, parce que celle-lànous réjouira et nous charmera ainsi qu’un agréable animal, auquelnous pourrons nous attacher. » (KSA, 13, 121.)

Mais dans un style plus pompeux, cela sonne ainsi : « Votre amourpour la femme et l’amour de la femme pour l’homme : ah ! si c’étaitde la pitié pour des dieux souffrants et voilés ! Mais le plus souventce sont deux bêtes qui se devinent. »

Ou : « Est-ce que je vous conseille de tuer vos sens ? Je vousconseille l’innocence des sens. »

6. « Eigentlich sollte ich einen Kreis von tiefen und zarten Menschen ummich haben, welche mich etwas vor mir selber schützen und mich auch zuerheitern wüssten : denn für einen, der solche Dinge denkt, wie ich sie denkenmuss, ist die Gefahr immer ganz in der Nähe, dass er sich selber zerstört. »(KSA, 12, 9.)

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Ou encore : « En vérité, il y en a qui sont chastes jusqu’au fonddu cœur : ils sont plus doux de cœur, ils aiment mieux rire et ils rientplus que vous. Ils rient aussi de la chasteté et demandent : Qu’est-ceque la chasteté ! La chasteté n’est-elle pas une folie ? Mais cette folieest venue à nous, nous ne sommes pas venus à elle. »

Et la pointe : « Donne-moi, femme, ta petite vérité ! dis-je. Et voicice que me dit la petite vieille : “Tu vas chez les femmes ? N’oubliepas le fouet !” »

Ainsi parlait Zarathoustra.

Imitatio – Æmulatio

J’ai découvert Nietzsche à l’âge de dix-sept ans. Les versvitalistes de Marsman7, qui parlaient dans son poème Lex barbarorumd’exciser la partie malade au couteau, en ont formé le terreaunourricier. Je voulais, comme le poète, être de feu dedans et de glacedehors. « Combien d’entre nous n’ont-ils pas déjà échoué en parlantfunestement et prématurément de Londres et de Paris ? » et ainsi desuite. Nous partirions, nous disparaîtrions sans trace dans d’autrescontrées. Mais nous nous sommes consumés chez nous. C’était le désirardent d’un adolescent qui n’a pas encore sa vie en mains (et lorsqu’ill’a, que devient le désir ardent ?). Marsman avait terminé la traductionde Zarathoustra entreprise par P. Endt et en avait écrit l’avant-propospour la maison d’édition Wereldbibliotheek. Je me suis donc lancé parmonts et par vaux à la suite d’un ermite ensorcelant, un prophète de lavie et des passions. Avec un ami, je lisais et j’annotais impétueusementune monographie du philosophe. Sans d’abord en avoir conscience,

7. Hendrik Marsman (1899-1940), l’un des poètes néerlandais les plus importantsde l’entre-deux guerres, est aussi l’un des rares représentants du vitalismeet de l’expressionnisme dans notre région linguistique. Sa quête continuellede repères spirituels l’amènera à résider longuement en Europe méridionale.C’est en 1936 qu’il écrit le poème Herinnering aan Holland (Souvenir deHollande) qui sera élu « poème du siècle » en l’an 2000, soixante ans après samort : Denkend aan Holland / zie ik breede rivieren / traag door oneindig /laagland gaan. (Quand je pense à la Hollande / je vois de larges rivières /coulant paisiblement / parmi des plaines interminables.)

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nous avons entamé des études de philologie classique pour faire lamême faute que notre idole (il faut dire aussi que j’avais un quatreen mathématiques : ce n’est que bien plus tard que j’apprendrais quej’avais imité Nietzsche même en cela). Nous ne sommes pas devenusprofesseurs de faculté à vingt-quatre ans, mais professeurs tout court.Avant de savoir la moindre chose des Grecs, j’avais déjà décidé devoir en eux le champ de mines de la guerre entre l’apollinien et ledionysiaque. Vingt ans plus tard, j’en sais un peu plus long sur lesGrecs (assez pour savoir combien ils nous sont étrangers) et je medésintoxique lentement de la vision de Nietzsche sur l’Antiquité. Pluson vieillit, moins on est sûr de son fait, jusqu’à ce que l’on sombredans la nuance. Quant au reste, je suis marié, professeur ne pouvantpas dire qu’il n’a jamais dû punir un élève ni qu’il a poussé au zèle lesplus paresseux, ce qu’affirmait Nietzsche, qui donnait aussi quelquesheures de cours dans la classe supérieure du lycée classique de Bâle.

Et puis, Dame philosophie… Avant même que je ne la découvre,que je me commette quelque peu avec elle, elle s’était déjà effondrée,et elle l’est restée. C’est à Nietzsche que je dois ce flirt passager (oudirais-je que je le lui impute ?). On ne commence pas par la destructionen toute impunité. Les premiers penseurs que vous avez découvertscontinuent à vous définir : la direction peut encore changer, mais lespistes sont tracées. Des années plus tard, je lirais et approuveraisMusil comme s’il avait écrit pour moi : « Il n’était pas philosophe. Lesphilosophes sont des violents qui, faute d’armée à leur disposition, sesoumettent le monde, en l’enfermant dans un système. »

Après un Zarathoustra énigmatique, compris à moitié, j’aidécouvert le démystificateur, le styliste, l’aphoriste qui dit plus endeux lignes que « les professeurs allemands dans tout un livre ». Jelus que le philosophe était « prisonnier des rets du langage8 ». Et c’estainsi que je continuerais à les voir, ces philosophes : des messieurs quise moquaient de la grammaire. Au bout du compte, il ne me resta deNietzsche qu’une seule idée, omniprésente : le perspectivisme, le faitque nous soyons des lentilles qui voient tout à partir de leur point de vueet qui, pour voir certaines choses, doivent refuser d’en voir beaucoupd’autres. Des lentilles qui, à partir de leur perspective, construisent,conquièrent et s’approprient le monde entier, changent sans cesse de

8. « In den Netzen der Sprache eingefangen. »

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place et n’atteignent jamais le rassurant point de vue sans point devue, que serait le point de vue qui n’est nulle part, le point de vue deDieu, de l’éternité. Sub specie æternitatis, sous l’aspect de l’éternité,ainsi le nommait Spinoza. Mais l’œuvre du petit Juif au long nez etau teint blême était naturellement une performance esthétique, unreliquaire coruscant à contempler de l’extérieur – à jamais exclu. Laphilosophie était devenue du tourisme culturel. Musée, théâtre, ballet.Et si cela ne l’était pas, c’était tout au plus « une discussion critique »,une « clarification des pensées », bref : une chose qui ne nécessitaitpas de chaire séparée.

Est-ce un règlement de comptes ? Ou une tentative d’autobiographiestylisée, comme Ecce Homo ? Sous forme de caricature alors : Pourquoije suis si vain. Pourquoi j’écris de si impossibles essais.

Une fois encore, je veux me mesurer avec Nietzsche. Æmulatio.J’ai maintenant près de trente-huit ans. L’âge auquel Montaigne se

retira de la vie publique. Et l’âge auquel Nietzsche fait la connaissancede Lou, dans la basilique Saint-Pierre de Rome. « De quelles étoilessommes-nous tombés pour nous rencontrer ici ? » s’enquiert-il aveccérémonie. Ainsi parle der Fritz en ce mois d’avril de 1882. Le cinqmai, il se promène avec Lou – sans chaperon – le long du lac d’Orta,dans le nord de l’Italie. Plus tard, elle ne se souviendra plus si Nietzschel’a alors embrassée ou non. C’est l’année de la célèbre photo deLucerne9, que Nietzsche a mise en scène selon Lou (mais ne serait-cepas elle, plutôt ?) : Paul Rée et Nietzsche sont devant une charrette –prêts à être attelés ? – et sur la charrette, avec un fouet, se dresse lajeune Lou (Nietzsche vient, en personne cette fois, de la demanderpour la seconde fois en mariage au Löwengarten) ; l’année du projetambitieux de créer, à Paris, un ménage à trois intellectuel consacré àl’étude, à la science et à la fécondation mutuelle. En décembre 1882,tout s’effondre. Ils sont encore ensemble, mais désunis. Nietzsche estun prophète, Lou et Rée servent un idéal scientifique. Les manigancesde sœurette Elisabeth, la rivalité entre les deux amis et la maladressede Nietzsche lui-même assènent le coup de grâce. Il est renvoyé à sasolitude. Des idées de suicide l’assaillent, il se bourre de somnifères.La tâche impérative, indispensable devra être accomplie seul, ergo

9. Voir, entre autres, http://fumeedopium.wordpress.com/2012/05/28/nietzsche-et-la-femme/. (NdE)

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En attendant les Barbares

l’homme de peine qu’est le philosophe ne peut être marié. Citez-moiun grand philosophe qui l’était, telle est la maxime, dorénavant. Auplus solitaire, au plus disponible pour la tâche titanesque. Ici aussi,il reconnaît son destin : il l’embrasse et nomme l’étreinte amor fati.

L’an 2000, année commémorative de la mort de Nietzsche, paraîtm’offrir l’occasion de circonscrire ma position, ma perspective. J’ouvreNachlass et je lis que les pensées sont des actes (KSA, 12, 14). Jeprends donc le train pour Weimar, suis impressionné par Goethe, visitele fonds d’archives Nietzsche et le trouve vide, fais défiler des mètresde microfilm dans les Archives de Goethe et Schiller – à défaut desfameux calepins dans lesquels le penseur promeneur avait coutumede griffonner ses traits de génie. J’avais déjà été avisé par courrier :« Les originaux des manuscrits de la succession conservés chez nous nepeuvent, en raison de leur état de conservation, qu’être consultés pourdes questions de détails éditoriaux. » Bref, interdit aux dilettantes. Uneremarque fortuite de la dame qui me montre comment faire apparaîtreles films sur l’écran me conduit à la Bibliothèque Anna-Amalia imSchloss. Et en effet je peux y compulser la bibliothèque personnellede Nietzsche : dix volumes par visite sont déposés sur ma table delecture. Je n’arriverai pas plus près, physiquement. Ni à Röcken, où ilest né et enterré, et où j’ai cherché, à travers le domaine à l’abandondu presbytère, un enfant qui n’était pas là ; ni à Naumburg où, parceque sa mère y était, il est toujours revenu ; ni dans l’internat élitistede Schulpforta (qui ressemble à un internat de chez nous, dans lesannées cinquante), Nietzsche ne m’est plus proche qu’ici, dans ceslivres maculés, où je vois ses traits de crayon bleu. Un Chamfort,Promenades dans Rome de Stendhal, Geschichte des Materialismusde Lange, la bible scientifique de Nietzsche. Je vois une Philosophieder Kunst de Taine, abondamment soulignée, Les Fleurs du mal deBaudelaire, dont seule l’introduction porte des marques au crayon (il aentre autres souligné « il adorait les chats », et en marge, je lis fido[?] :son logeur Fino avait-il un chat, à Turin ?). Ce voyeurisme ne mène àrien, et pourtant il est excitant. Dans le catalogue, mon regard tombesur Galiani, Lettres à Madame d’Épinay. Je dois avoir rencontré cenom quelque part dans Nachlass et sais seulement quand je demandele livre qu’il s’agit d’un abbé italien qui faisait florès dans les salonsparisiens du XVIIIe siècle. L’entrée en matière m’apprend que ceNapolitain à l’esprit universel et touche-à-tout de génie était un penseur

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Pour être quitte envers Nietzsche

économique original, qui résida dix ans à Paris à titre de secrétairede la légation napolitaine. Il qualifie la ville de « café de l’Europe »,et Nietzsche a souligné la boutade. Sa correspondance avec Madamed’Épinay, entamée à son retour à Naples, est son chef-d’œuvre littéraire.Les lettres de Galiani doivent avoir été une véritable révélation pourNietzsche. Il était toujours à la recherche d’âmes sœurs et de modèles,qui finissaient toujours par être des miroirs. L’éclectique, spirituel etsceptique Galiani avait élevé la légèreté au rang de mode de vie. Duhaut de son mètre cinquante, cet être au dos légèrement gibbeux, plusgaulois que les Français, avait dominé les salons. Il réitérait l’exploitsur papier, à partir de Naples. « Un monstre gai vaut mieux qu’unsentimental ennuyeux » : cette citation de Voltaire, que Nietzschetrouva chez Galiani, je la retrouvai, impétueusement soulignée, dansl’exemplaire de cette correspondance appartenant à Nietzsche.

Un monstre gai : c’est ce que Nietzsche voulait être, il voulaitfaire de la pensée et de la science une danse légère, la gaya scienza,le gai savoir, mais l’authentique désinvolture de cet abbé lui dame lepion. Et puis, il n’a jamais vu Paris : il s’est contenté de lire le Journaldes Débats dans un café de Turin.

Nietzsche se sent tout à la fois attiré et repoussé par Galiani. Sasentence officielle tombe dans Par-delà le bien et le mal : « Lorsque,par un caprice de la nature, le génie a été donné à un bouc éhonté ou àun singe impudent, comme l’abbé Galiani, l’homme le plus profond,le plus perspicace et peut-être aussi le plus sordide de son siècle ; ilétait beaucoup plus profond que Voltaire et par conséquent excellaitmieux que lui à se taire10. »

Galiani est l’une de ses dernières découvertes. L’arlequin à tête deMachiavel supplante Voltaire dans le paradis des miroirs de Nietzscheet, avec son mètre cinquante, va se ranger à côté des géants que sontGoethe, Napoléon, César et Alexandre. L’Übermensch en hottentot.Un monstre gai vaut mieux qu’un sentimental ennuyeux.

10. « Es giebt sogar Fälle, wo zum Ekel sich die Bezauberung mischt : danämlich, wo an einen solchen indiskreten Bock und Affen, durch eineLaune der Natur, das Genie verbunden ist, wie bei dem Abbé Galiani, demtiefsten, scharfsinnigsten und vielleicht auch schmutzigsten Menschen seinesJahrhunderts -er war viel tiefer als Voltaire und folglich auch ein gut Theilschweigsamer. » (KSA, 5, 44vv.)

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Le gai Galiani, qui faisait la roue sur la scène de son siècle,n’ennuyait jamais et livra des travaux économiques innovateurs qui ontengendré des améliorations effectives et utiles, est aujourd’hui oublié.Nietzsche le maladroit, qui voulait être joyeux mais ne l’était pas, estcélèbre dans le monde entier. Le monde est injuste.

NIETZSCHE EN BOÎTE

Est-ce tout ce que tu as à dire sur ce philosophe ? Tu t’en tiresen rompant une lance pour un économe pygmoïde italien avec quiNietzsche aurait aimé converser dans un salon. Tu feuillettes leslivres d’un autre, tu joues au voyeur. Où est donc ta contribution àl’entendement de Nietzsche ? Ton interprétation du Ewige Wiederkehr(L’éternel retour) par exemple, l’œuvre maîtresse de l’exégèse deNietzsche ?

Précisons-le : je ne suis pas un spécialiste de Nietzsche – jelis Nietzsche. Qu’est-ce qu’un spécialiste de Nietzsche, d’ailleurs ?Quelqu’un qui a lu tout Nietzsche ? Doit-on venir péniblement à boutdes milliers de pages de Nachlass pour être en droit de dire quelquechose de la « philosophie » de Nietzsche ? Nietzsche n’a d’ailleurs pasde « philosophie ». Toute philosophie est une philosophie d’avant-scène,de surface, affirme-t-il. N’écrit-on pas des livres pour cacher ce quel’on pense vraiment (Jenseits, 289 = KSA, 5, 434) ? Les trouvaillesde Zarathoustra sont une forme de distraction, de jeu de cache-cache,écrit-il à sa sœur (KSB, 7, 53). Qui est perspicace, affectionne le masque.

Pourtant il a essayé – en dépit de tout – de se tailler une placedans les annales de la philosophie. Aucun « système » sans conceptcentral, pensait-il encore dans les années 1880, et son concept seraitWille zur Macht (la volonté de puissance). Il la constatait partout enlui-même, dans sa volonté de vaincre la maladie, dans le monde et leschoses, dans la dynamique de la vie elle-même. Mais aussi dans tous lessystèmes, institutions, dans toutes les structures et dans tous les ordres.La plus haute forme de la Wille zur Macht n’était-elle pas l’impositionde l’« être » sur le « devenir » ? Chaque système, chaque acte, chaquemot est une coagulation du flux, un ordonnancement du chaos. « Wirkönnen nur eine Welt begreifen, die wir selber gemacht haben11 » (Nous

11. KSA, 11, 138.

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Avis au lecteur 5

Avant-propos 7

Pour être quitte envers Nietzsche 11Un monstre gai 11

L’innocence des sens 12 Imitatio – Æmulatio 15

Nietzsche en boîte 20 Le Nietzsche portable 22 Au marteau 24

Le prince est un enfant : sur Henry de Montherlant 29 Tac-O-Tac 32 Une tombe ? 32

La ville dont le prince est un enfant 33 Narcisse 36 Le chevaleresque 37

Beaucoup de force, peu de consolation : à proposde Marc Aurèle 39

Du bronze sans défense 40Un livre pour arme 42

La cosmopolis 46 Exercices d’analyse 48

Le sérieux de l’acteur 51Un geste d’impuissance 52

L’adieu à Yourcenar : une autobiographie sans moi 55 Protagonistes 57

« L’Église me cachait la forêt » 59 Initiations 61

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Wahrheit und Dichtung, la réalité et la fiction 62 Le portrait de l’artiste en passage 64 Hortus conclusus 67

Impeccablement formulé mais loin de nous : à propos d’Horace 69 Une biographie ? Individuum ineffabile 73 Génial… moyennement 77 Une mise en scène parfaite 85 Horace survit depuis deux mille ans 94

Profession ? « Poète ! » : sur Charles Van Lerberghe 97 Poeta laureatus 98 Mort au bourgeois 100 Dans la lumière… J’Aspire !… 106 La souris accouche d’une montagne 108

Entrez dans un chantier : les Propos d’Alain 115 Donner à penser 116 « Je n’ai pas douté du facteur » 119 Le métier 121

Érasme n’est pas de Rotterdam (ni de tout temps) 123 Sans engagements 125 Roterodamus ? 128 Caniveaux à achats, états libres et nefs des fous 129 « Érasme ? Il ne fait qu’écrire » 132 La palinodie de Huizinga 133 Icône 134

Dans un monde plein de caquètements : Quintilien revu 139 Grandeur… 141 … et misère 142 Lieu de mémoire 145

Désespérément étranger : notes d’un professeur de grec 149

Si jamais l’un de vous si bas devait sombrer : lettre à un élève qui a fini ses humanités 155 Épilogue 159

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Aveugle parmi les livres : Ératosthène de Cyrène 161 La chenille et le papillon 163 Plan de carrière 166 Décrire la serre ? 168 De l’obscurité 170 Épilogue 173

Une triste goutte : à propos de Palladas d’Alexandrie 175 L’adieu à l’Éros 176 L’esprit de Platon dans le corps d’Aphrodite 178 Le poète du déclin 181

La cage dorée du style : sur E. M. Cioran 187 L’asile d’une langue 189 Mon royaume pour un aphorisme 191 La mort de la trompette 194 Du stylite au styliste 196

Lettre à un administrateur délégué de la Chambre de commerce et d’industrie 199 Envoi 207

Le chant d’Ulysse 209 « Être engagé. » Mais comment ? 209 La trahison d’un clerc 212 La paresse du cardinal 215 Le chant des Sirènes 218 Une conclusion qui n’en est pas une 222

En attendant les Barbares 223 Europa aporie 227 Exercices de nominalisme 227 Tradition et critique 228 A room with a view 230 Isaïe ou Jérémie ? 233 Paradise lost 234 Les histoires de taxi de Lene 239 Listes 240

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Dédivinisé 243Und kein ende / Encore et toujours 246

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Études et essais publiés par L’instant même :

Le genre de la nouvelle dans le monde francophone au tournant duXXI e siècle, sous la direction de Vincent Engel (en coédition avec Phiet Canevas)

Québec. Des écrivains dans la ville, collectif, narration générale de GillesPellerin (en coédition avec le Musée du Québec)

Robert Lepage : quelques zones de liberté de Rémy Charest (en coéditionavec Ex Machina)

La sirène et le pendule : attirance et esthétique en traduction littérairede Louis Jolicœur

Nous aurions un petit genre : publier des nouvelles de Gilles PellerinVenir en ce lieu de Roland BourneufLa littérature fantastique et le spectre de l’humour de Georges DesmeulesRécits d’une passion : florilège du français au Québec de Gilles PellerinLe refus de l’oubli : femmes-sculptures du Nunavik de Céline SaucierGuardians of Memory : Sculpture-Women of Nunavik by Céline SaucierLes Riopelle de Riopelle, catalogueLa recherche de l’histoire de Pierre YergeauOn en apprend tous les jours de Jean-Noël Blanc (en coédition avec HB

éditions)Poétique d’Anne Hébert : jeunesse et genèse, suivi de Lecture du Tombeau

des rois de Robert HarveyDe la monstruosité, expression des passions, sous la direction de Christine

Palmiéri (en coédition avec Jaune-Fusain)La recherche en civilisations anciennes. Actes du colloque « La recherche

en civilisations anciennes présentée aux élèves du collégial » tenu les5 et 6 octobre 2001 au collège François-Xavier-Garneau, sous ladirection de François Lafrenière et Denis Leclerc

La mèche courte. Le français, la culture et la littérature de Gilles PellerinManuscrits pour une seule personne de Marc Chabot et Sylvie ChaputDictionnaire des personnages du roman québécois : 200 personnages,

des origines à l’an 2000 de Georges Desmeules et Christiane LahaieRobert Lepage, l’horizon en images de Ludovic Fouquet (coll. « L’instant

scène »)Le cinéma, âme sœur de la psychanalyse, sous la direction de Marcel

Gaumond (coll. « L’instant ciné »)Le mal d’origine. Temps et identité dans l’œuvre romanesque d’Anne

Hébert de Daniel MarcheixRegard, peinture et fantastique au Québec de Simone Grossman

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À tout propos de Claire MartinPierres de touche de Roland BourneufLumières du Nord, correspondance entre Stefan Hertmans et Gilles PellerinSang et lumière. La communauté du sacré dans le cinéma québécois

d’Étienne Beaulieu (coll. « L’instant ciné »)Le regard de l’autre. La naissance du nationalisme au Québec de Philippe

ReidDe la prison à la chambre de Philippe MottetParcours de la musique classique. Pour le plaisir de l’écoute de François

SiroisCes mondes brefs. Pour une géocritique de la nouvelle québécoise

contemporaine de Christiane Lahaie, avec la coll. de Marc Boyer,Camille Deslauriers et Marie-Claude Lapalme

Pratiques de la transgression dans la littérature et les arts visuels, sousla direction d’Héliane Ventura et Philippe Mottet

La nouvelle québécoise (1980-1995). Portions d’univers, fragments derécits de Cristina Minelle

Manifeste pour l’hospitalité des langues, essai collectifPoints de vue de Roland Bourneuf

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La barbarie nous menace-t-elle ? Notre monde vacille-t-il sur sesbases ? Et si nous ne faisions que cela, depuis deux millénaires,attendre les barbares, leur prêter la majesté qu’appelle notre épuisementculturel… C’est au pays de Denys Arcand, du Déclin de l’empireaméricain, que paraît la traduction française des brillants essais deLuc Devoldere regroupés sous le titre Wachtend op de Barbaren.L’auteur, Belge flamand, donc à la croisée des perspectives latinisteet germaniste, tantôt se livre à un parcours philosophique, notammentquand il est question de Nietzsche, d’Alain et de Marc Aurèle ; tantôt, ilaborde la littérature (Yourcenar, Horace, Van Lerberghe, Montherlant)à partir des outils classiques que sont la rhétorique, la poétique etla stylistique. Il ressuscite de grandes figures comme Ératosthène,Quintilien et Érasme, utiles à la compréhension du monde tel que nousle connaissons ou aurions intérêt et plaisir à le connaître.

Rédacteur en chef de la revue Septentrion (consacrée aux arts,aux lettres et à la culture de Flandre et des Pays-Bas), Luc Devolderea enseigné les lettres classiques. De son ancien métier, il a gardé lesouci de se faire comprendre, certes, mais aussi celui de faire aimerles écrivains dans leurs grandeurs et leurs misères, toute déférencen’excluant pas le sens critique, bien au contraire. En bout de ligne,nous nous retrouvons face à des écrivains, des humains, notre sœurYourcenar, notre frère Cioran, notre ami Alain. Face à une patrie sanscartographie : la civilisation.

Le gai savoir dont parlait Nietzsche nous sourit dans l’ombre : « Quiattend les barbares découvrira avec Kavafis (à qui est emprunté le titre decet ouvrage) qu’il n’y en a pas, et qu’il devra se tirer d’affaire tout seul. »

Luc Devoldere

En attendant les BarbaresESSAIS

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