En résumé - Les causes de la mutation économique

8/14/2019 En rsum - Les causes de la mutation conomique

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Les causes de la mutation conomique

Pb : Comment expliquer la croissance conomique du 19e sicle ? Quels sont les facteurs lafavorisant ? Des facteurs sont-il prdominants par rapport dautres ?

1) Des facteurs favorables mais limitsA/ La rvolution agricole- Pendant longtemps la rvolution agricole a t considre comme essentielle voirencessaire la Rvolution industrielle. K Marx a tudi un mouvement dans les campagnesanglaises : les enclosures.Enclosures = mouvement de clture des terres communes et qui

pousse des paysans, plus ou moins pauvres, propritaires ou non de leurs terres migrer versles villes. Il a vu dans cet exemple anglais, le point de dpart dun exode rural massif quiconstitue larme de rserve dont a besoin lindustrie naissante. Dautre part, Marx penseque laugmentation de la production permet : De fournir la nourriture aux nouvelles populations urbaines qui seront ainsi aptes au

travail.

De librer les capitaux ncessaires linvestissement industriel.Walt Rostow, dans Les tapes de la croissance conomique, 1970, soutient lide selonlaquelle la rvolution agricole a t la condition sine qua non de la croissance industrielle.Pour lui, lagriculture non seulement rend possible et mme favorise la rvolutiondmographique mais aussi elle engendre les nouvelles industries textiles et mtallurgiques enleur fournissant une grande partie de leur capital => les propritaires agricoles enrichis parlaugmentation de la productivit vont devenir les entrepreneurs qui se lancent dans lesnouveaux secteurs cls de lconomie moderne.

- Cette thse est aujourdhui largement conteste (ainsi que la notion mme de rvolutionagricole). Dabord, les mutations agricoles ne surviennent que tardivement : 1830 en Grande-

Bretagne et 1840-1850 en France (donc aprs le dcollage industriel ). Les enclosuresnont pas vraiment constitu une arme de rserve => il ny a pas eu dans les faits devritable transfert massif et rapide de main duvre vers lindustrie. Ainsi, les progrs delagriculture nont pas engendr la Rvolution industrielle mais lont plutt accompagn => larvolution agricole na pas t une condition pralable ni ncessaire la croissanceconomique. En revanche, la mutation industrielle a sensiblement acclr la modernisation etlefficacit de lexploitation du sol.

B/ La rvolution dmographique- La Rvolution dmographique a pu apparaitre comme un lment dterminant pourexpliquer la Rvolution industrielle. Les analystes marxistes ont vu dans lessordmographique, un lment de surpopulation des campagnes qui a permis de fournir une mainduvre abondante et donc bon march lindustrie naissante. Cest un fait quil y ait uneforte croissance dmographique la fin du 18e sicle et au dbut du 19e sicle : dbut de latransition dmographique => producteurs et consommateurs, plus nombreux, stimulent lamutation conomique. En effet, la population double en Grande-Bretagne entre 1750 et 1800=> priode de forte croissance conomique. La population augmente rapidement enAllemagne et aux EU dans les annes 1840-1850, pendant le dcollage industriel. En Russie,la population double dans la priode 1850-1900 qui correspond aussi au dcollage industriel.

- Mais malgr les concidences statistiques, le lien direct entre rvolution dmographique etRvolution industrielle nest pas si vident. Ainsi, le RU na pas t le pays le plus dynamiquedmographiquement alors que son processus dindustrialisation a t le plus rapide etimportant dEurope. Les chronologies de la croissance conomique ne sont pas toujoursconcordantes avec celles de la croissance dmographique (en Belgique, par exemple) => en


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ralit on peut estimer que les deux Rvolutions (industrielle et dmographique) interagissentlune sur lautre.

C/ Le rle des capitaux- Laccumulation du capital (que K Marx appelle laccumulation primitive du capital )

aurait aussi jou un rle non ngligeable et mme une condition sine qua non la Rvolutionindustrielle => assurer les disponibilits financires ncessaires linvestissement industriel : application pratique une grande chelle des innovations technologiques, mise en uvre dans les usines des premires machines vapeur, mcanisation pousse de lindustrie

Les conomistes se sont demands : do viennent les capitaux ? Rponse : du capitalismecommercial qui a prcd le capitalisme industriel => transfert des profits raliss dans lecommerce (et notamment dans le commerce colonial) vers lindustrie. En effet, Liverpool etson arrire-pays a bnfici de la traite des esclaves. K Marx dansLe Capitalaffirme ce futla traite des ngres qui jeta les fondements de la grandeur de Liverpool : pour cette villeorthodoxe, le trafic de chair humaine constitua la mthode daccumulation primitive decapital. Celui-ci arriva suant le sang et la boue par tous les pores .Dautre part, la rente foncire a donn naissance un appareil industriel : par exemple, enFrance, les grands matres de forges sont gnralement issus des grandes familles nobles delAncien Rgime possdant des grands domaines.

- En ralit, il faut ramener de justes proportions les profits tirs de la traite ngrire. Letaux de profit (= profit / capital investit X 100) de ce commerce est estim seulement 7 15%. La place tenue par les profits de la traite dans linvestissement consacr la rvolutionindustrielle est estime 0,1% par an. Lorsquelle a exist, cette accumulation du capitalagricole et commercial na gure pu contribuer linvestissement industriel pour deuxraisons : Linexistence ou linefficacit de lappareil bancaire => ses structures ne permettent

pas en effet dorganiser de transfert financier en direction de lindustrie naissante. Lattrait considrable quexercent dautres placements assurant une scurit

incomparable : achats doffices (mtiers publics), acquisition de terresAinsi, en France, il y a un vritable dsintrt du capital commercial pour linvestissementindustriel.

- Autre raison de la faiblesse des liens directs entre accumulation du capital et Rvolutionindustrielle => les investissements ncessaires au dmarrage conomique ont t trs rduits.Exemple : pour lindustrie textile, (la 1e se dvelopper) : trs faible apport financier initialncessaire la cration dune entreprise. Pourquoi ? Dabord parce que ces entreprises sont au dbut de taille trs rduite

Parce que les machines lpoque ne cotent pas trs cher. Parce que les besoins en capital fixe sont rduits (installation frquente des usines

dans des locaux dj existants : maisons particulires, fermes, hangars) Parce que de nombreux entrepreneurs ont plusieurs activits, ce qui leur procure des

revenus suffisants pour investir leurs fonds propres. Parce quau dbut de la Rvolution industrielle, les profits sont trs hauts : 20 30%

(faibles cots techniques et la modicit du capital fixe) => ces profits sontsystmatiquement rinvestis => autofinancement trs frquent.

Lindustrie nourrit donc son propre dveloppement. Exemple : lindustrie anglaise, financeelle-mme lessentiel de sa mutation. Il faut attendre lre des chemins de fer et de lindustrielourde pour que des capitaux extrieurs soient ncessaires. Le systme bancaire doit alors

sadapter pour rpondre ces nouveaux besoins en termes dinvestissement => cela se passeraplusieurs dcennies aprs le dcollage industriel.


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D/ Le rle du contexte politique et socio-conomiquea) Un facteur religieux ?- Aux EU, lindustrialisation repose en partie sur une thique puritaine et un darwinismesocial => les meilleurs feront fortune et limineront les autres => cest lvangile de la

richesse . Profit et religion sont donc lis. Pour John Davison Rockefeller, (1839-1937)lindustriel amricain rput pour avoir t lhomme le plus riche du monde grce au ptrole :gagner de largent est un don de Dieu comme linstinct artistique, musical ou littraire.

- Max Weber dans LEthique protestante et lesprit du capitalisme, (1905) tablit un lienentre religion protestante et esprit dentreprise, entre niveau dinstruction et dveloppementconomique. De la religion protestante puritaine (le calvinisme) aurait surgi une mentalitconomique rationnelle et moderne : le capitalisme => le travail dure et austre est le butvritable de la vie. Entreprendre et rechercher la russite sont des signes de llection divine(les Calvinistes croient en la prdestination). Le profit et la russite sont vcus comme undevoir divin (alors que le luxe et la dbauche sont condamnables). Max weber montre que les

protestants ont t les premiers se lancer dans les affaires capitalistes en respectant desvaleurs puritaines : got pour lpargne (permettant laccumulation de capital), pour leffort,

pour la lecture (de la Bible) et donc la rflexion intellectuelle

- Pourtant Weber ne prtend pas que lthique calviniste soit la condition ncessaire etsuffisante lavnement du capitalisme britannique. Dautres facteurs expliquent aussi lamutation fondamentale des valeurs et des mentalits des Anglais ds le dbut du 18e sicle : Un Etat nation moderne et efficace une monarchie constitutionnelle stable et assez dmocratique, une politique gouvernementale qui reconnait le profit individuel et le dveloppement

conomique comme un objectif suprme... les progrs de la science et de lesprit rationaliste

On peut douter de la causalit mise en vidence par Weber : protestantisme et capitalisme nesont peut-tre pas cause et consquence mais deux consquences dune mme cause.

b) Facteurs idologiques et culturels- Eric Hobsbawm (n en 1917), historien marxiste anglais, dans Lre des Rvolutions,(1962) pense que la Rvolution industrielle est le fruit ultime des rvolutions bourgeoises : sielles ont juridiquement libr lindividu en Angleterre, elles ont aussi contribu asseoir ladomination du proltariat par la classe dirigeante bourgeoise. Cette libration de lindividu luiapparait comme un facteur essentiel qui a permis lmergence de la Rvolution industrielle.Auparavant dj, les physiocrates franais (Quesnay), les libraux britanniques (AdamSmith), les philosophes allemands (Kant) ont glorifi lindividualisme, le libralisme,

linitiative et la libert de circulation => prparation de lclosion du capitalisme industriel.

- Si ces facteurs politiques, idologiques ou culturels ont sans doute jou un rle nonngligeable, il ne faut pas pour autant les considrer comme suffisants. En fait, la croissanceindustrielle ne rsulte pas dune srie de modernisations sectorielles (progrs successifs danslagriculture, puis la dmographie, puis le commerce extrieur, puis le capital accumul, puisla technique) mais comme une croissance densemble qui lie tous les progrs de faon irrversible et inter relie (Fernand Braudel :Le Temps du monde, 1979.) Il existe doncun faisceau convergent dlments favorables la Rvolution industrielle.

2) les vritables moteurs de la Rvolution industrielle

A/ Uneconomie de march


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- Douglas North (n en 1920) conomiste amricain, prix Nobel dconomie en 1993, montredans son tude surLa Croissance conomique des USA, 1790-1860, (1961) que le capitalismesuppose dabord une conomie de march => il propose un modle de croissancede typenoclassique => la croissance nest possible que si les agents conomiques cooprent et lesinstitutions crent un environnement favorable aux changes. Daprs lui, le march est le

moteur essentiel du changement conomique. A lorigine de la Rvolution industrielleamricaine, il y a, non pas comme certains lavaient prtendu la guerre civile, mais lappel dumarch, c'est--dire la croissance acclre de la demande partir de 1750 (au contraire laguerre a interrompu le processus de croissance dj engag). Cette extension du marchseffectue dabord lintrieur du pays (importance de la croissance dmographique).

- LAngleterre la fin du 18e sicle offre lexemple dun march de type nouveau : le plusgrand march homogne du monde avec 2 caractristiques fondamentales :

Une circulation aise => lAngleterre des annes 1760 1800 ne connait dj plusles douanes intrieures (qui ralentissent la circulation dans les autres pays europenset en augmentent les cots comme cest le cas dans la France dAncien Rgime).LAngleterre dispose galement dun bon rseau de voies de communication (canauxet routes) => rapide intgration des campagnes lconomie de march.

Une consommation de masse : origine => hausse constante des revenus dunegrande partie de la population. Exemple : progression des salaires pour la mainduvre non qualifie, 20% Londres et 50% dans certaines rgions comme leLancashire en valeur nominale. Le revenu moyen britannique est le plus levdEurope au dbut du 19e sicle : Anglais et Gallois sont les mieux alimentdEurope (pain blanc, viande, produits laitiers).Pouvoir dachat en hausse + structure sociale plus galitaire = augmentation de lademande globale de biens de consommation (chaussures en cuir, habits en laine puisen coton, meubles) => dbut de standardisation des biens de consommation.

Jean Pierre Rioux, historien franais n en 1939, crit dans La Rvolution industrielle,(1999) : au march ancien o les produits de luxe sont absorbs par une minorit de

privilgis se substitue le march moderne de masse, gographiquement et socialementtendu => il existe un modle britannique de consommation.

- Mais lappel du march vient aussi de la demande extrieure, c'est--dire de la conqutepar lAngleterre des vastes marchs coloniaux ou europens. LEtat encourage cet essorcommercial par la suppression des droits lexportation. Le RU dispose dune flotte devoiliers trs perfectionns, de ports bien amnags (Londres, Liverpool), de compagniescommerciales efficaces => maitrise des dbouchs commerciaux en Europe dabord puisensuite en Amrique, Afrique, Orient, Extrme-Orient. Le march chinois et surtout le marchindien ouvrent aux produits britanniques des perspectives sans prcdent => vritable

explosion de la demande (exemple : les cotonnades).B/ Innovations et profits- Face la demande croissante, les entrepreneurs ont ragi en augmentant la production dansle cadre des structures traditionnelles (par le domestic system). Mais rapidement, cela na passuffi : le goulot dtranglement de la fin du 18e sicle va susciter une vague dinnovationstechnologiques destine :

conomiser la main duvre, rduire les cots satisfaire la demande par laugmentation de la production.

- Lconomiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950) explique dans Thorie de

lvolution conomique (1912), que la conjoncture conomique des pays est en troite relationavec linnovation. Elle peut prendre diffrentes formes :


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de nouvelles nergies (charbon), de nouvelles matires premires (coton) de nouvelles mthodes de production (mcanisation) de nouveaux produits (engrais chimiques) de nouveaux procds commerciaux de nouveaux dbouchs (colonies)

de nouvelles formes de gestion des entreprises (Konzern en Allemagne : concentrationde secteurs dactivits et dentreprises).Les innovations se gnralisent par diffusion => croissance cyclique (la Rvolutionindustrielle nest pas uniforme ni linaire => au RU, la croissance de la fin du 18 e siclerepose dabord sur la diffusion de la machine vapeur et du mtier tisser. Cette croissancesessouffle mais est relance dans les annes 1840 par la construction du chemin de fer etlessor de la sidrurgie. Elle sessouffle nouveau dans les annes 1870 (le pays estcompltement quip). Les innovations des annes 1890 (lectricit, moteur explosion)gnrent une croissance nouvelle => innovation = rponse une conjoncture dprime ou un goulot dtranglement.

- Les entrepreneurs acceptent le risque de linnovation, de laventure technologique parcequils sont stimul par la recherche du profit (parfois important) => naissance de lindustriecotonnire modernise et mcanise (factory system). Lexprimentation et les innovationssappliquent grande chelle et provoquent leur tour des perces technologiques en chaine=> gnralisation de la mcanisation.

Conclusion : trois piliers de la dynamique de la croissance : lconomie de march, linnovation technique la recherche du profit.

La socit entire est attire par lenrichissement. Plus que les capitaux ou les prix, cest lemarch, intrieur et extrieur, avec ses profits, ses appels, ses pressions qui devient llmentmoteur. PourJean Pierre Rioux : Pour accroitre la productivit et la rentabilit de la mainduvre et des capitaux, un pari est ncessaire, un saut dans linconnu. Laccumulation des

forces productives nouvelles est telle que des goulots dtranglement se forment. Seules lesrvolutions des techniques permettront lenvol vers le profit accru du capitalisme industriel.De plus, la notion de Rvolution industrielle peut tre remise en cause par la relativelenteur des changements : les volutions, mme prcoces, stalent dans le 19e sicle. Enfin,les anciennes formes de production (domestic system) se maintiennent au moins jusqu laGrande Dpression de 1873 1896 => dualit de lconomie du 19e sicle.

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