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EN ZIGZAG DANS LE VAR 5 m e S É R I E

S i t e s e t V i l l a g e s p a r L. H E I N S E L I N G

Délégué d 'arrondissement du T. C. F.

L'Oppidum de Fouirette

Ils sont nombreux dans le Var, les castellas et les oppidums — doit-on dire « oppida » ? — où nos lointains ancêtres se réfugiaient avec leurs fa- milles et leurs troupeaux lorsque quelque envahisseur, arrivant par terre ou par mer, était signalé à l'horizon: c'étaient, sur une hauteur déjà pourvue de défenses naturelles sous les espèces et apparences de barres rocheuses, des enceintes formées de larges murailles protégeant les côtés que la nature ne défendait pas.

L'oppidum de Fouirette, situé sur une colline qui domine le Luc au nord-ouest, peut être rangé sinon par- mi les principaux, au moins parmi les plus connus, en raison de son accès facile et de sa relative conservation.

La colline qui le porte s'allonge mollement N.-E.-S.-W. entre la route Nationale n° 7 du Luc à Flassans et la plaine magnifique qui délimite la ré- gion des Maures; on y peut monter soit par un sentier qui grimpe au flanc du versant méridional, soit par un che- min qui s'amorce sur la route Natio- nale, à environ 2 kilomètres du Luc et aborde la cîme par le flanc septen- trional.

L'oppidum est bien tel que le décri-

virent Aube et Bonstetten: vers la plaine et l'est, roches abruptes, ren- forcées par quelques pans de cons- truction assez primitive; sur les au- tres côtés, murs en très grosses pier- res sèches d'une épaisseur de trois mètres.

Le camp retranché est long d'une centaine de mètres; sa largeur varie vingt mètres au sud-ouest et vingt- quatre au nord-est; trente mètres au milieu.

Il y avait à chaque extrémité une entrée protégée par un petit ouvrage en forme de réduit.

Tous ces détails de fortification sont très visibles.

Si la visite de Fouirette peut inté- resser l'archéologue, le belvédère que constitue cette hauteur ne laisse- ra pas indifférent le touriste moyen qui appréciera le magnifique panora- ma de la vaste plaine où sinue l'Aille s'en allant de Gonfaron vers l'Argens, plaine que cette charmante rivière fer- tilise et que borne au sud la sombre ligne des montagnes maurenques dé- coupant sur le ciel la hautaine si- lhouette de Notre-Dame des Anges, de la Sauvette et des Pierres-Blanches.

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La montagne fendue de Recoux

Depuis qu'il en existe, les guides touristiques ont toujours engagé les excursionnistes à visiter la « monta-

gne fendue de Recoux » et son « Val- Sourn ».

Les archéologues se sont occupés, de leur côté, de cette montagne où ils ont trouvé les traces d'un retranche-

ment protohistorique décrit par Aube et Bonstetten.

La montagne de Recoux, s 'allonge en direction nord-sud, à peu près pa- rallèlement au cours de l'Argens, en- tre le Cannet-Vieux, qui en occupe le dernier mamelon méridional, et le Tho- ronet (Sainte-Marie) qui groupe ses maisons au bas de ses pentes extrê- mes vers le nord-est. Elle a une altitu- de d'environ 430 m. Deux cols dessi-

nent et isolent la montagne principa- le : l'un au sud, l 'autre vers le nord; celui-ci est plutôt une fracture étroi- te appelée le Pas-de-Recoux ou le Mauvais Pas et qui forme le thalweg très accidenté d 'un torrent; un sentier scabreux y grimpe.

La montagne de Recoux, dont le feu a cruellement ravagé les flancs, fut, en des temps fort lointains, fendue par quelque cataclysme, dans le sens de sa longueur: un peu en dessous de la crête rocheuse qui la surmonte, une sorte de fissure profonde de dix à quinze mètres et n 'ayant souvent guère plus de quatre à cinq mètres de largeur, s 'est ainsi ouverte sur son flanc oriental. A cet étroit et sombre

couloir, où la lumière du jour n'arri- vait que fort atténuée et où, grâce à une certaine humidité se développait

une luxuriante végétation, les habi-

tants de la région donnèrent le nom de « Vallon Sourn » — sourn, en pro- vençal, sombre, obscur — et comme c'était là une manière d'oasis de fraî-

cheur, on y vint souvent l'été, en pi- que-nique. Par surcroît, d'ailleurs, il y avait vers le fond de ce couloir, une grotte fort curieuse dont les con-

crétions, et aussi les mousses, les ca- pillaires et les scolopendres ravissaient les visiteurs.

Malheureusement, si d'une part, le cataclysme qui avait produit ce « val- lon sourn » n'avait pas dit son der- nier mot, il arriva aussi que l'exploi- tation intensive des bauxites qui cons- tituent l'essentiel du sous-sol de la

montagne, l'affouilla de telle sorte que des éboulements se produisirent sur divers points; le sol se crevassa. de véritables abîmes s'ouvrirent et il

devint dangereux de s 'aventurer dans ces parages. Aujourd'hui et depuis tantôt un demi-siècle, on a dû renoncer à excursionner au Vallon Sourn dont l'instabilité du sol et aussi une extra-

ordinaire végétation broussailleuse rendent l'accès périlleux.

Du Cannet-Vieux, par un chemin ro- cailleux et montueux, on s'élève en quelques minutes jusqu'à un premier col où on rejoint la petite voie de De- cauville qui court au long du flanc oriental de la montagne de Recoux;

on passe ainsi, sans l'apercevoir, et aussi sans pouvoir l'approcher, à quel- ques cinquante mètres en contrebas de la sauvage fissure, et en suivant le pe- tit railway, on arrive au Pas-de-Re- coux.

Chemin faisant on a pu admirer à

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loisir le riche panorama de la vallée de l'Argens, en laissant derrière soi la magnificence du massif des Maures. La nature est ici fort belle . Le sol d'un rouge intense, fait ressortir les verdures diversement nuancées de la sylve; le matériel d'exploitation des mines, avec ses boisages, ses trac- teurs, ses wagonnets, y mêle une no- te particulière.

Au-dessus de soi, on aperçoit le hé- rissement parfois imposant et même... inquiétant, tant elles sont fendillées, fissurées, des roches de la crète.

Le Pas-de-Recoux est une étroite gorge, béante entre le Recoux et les collines de Clance et des Coddous qui lui font suite. Cette dernière tire son nom d'un charmant et pittoresque hameau assis dans la plaine .

En ce point extrême du flanc orien- tal de la montagne, les galeries de mines étagées se sont multipliées mais plusieurs ont dû être abandonnées par suite d'éboulements et de vérita- bles gouffres apparaissent de ci de là, gouffres rouges envahis par la brous- saille.

On peut ici, sur une étroite passe- relle traverser le petit torrent et s'en- gager dans le sentier qui escalade le « Mauvais Pas » : on atteindra ainsi en quelques minutes d'une grimpette assez rude, un long vallon qui se creuse au long des flancs occidentaux de la montagne; de là, par une piste souvent perdue, on atteint les crêtes aperçues tantôt.

C'est, du nord au sud, une longue ligne de roches bizarres, aux formes tourmentées, décrites et dessinées avec quelque... complaisance dans l'étude de M. Aube: tours et murs d'enceinte paraissent surtout issus d'une imagination fertile. Tout ce qu'il est possible de constater, c'est qu'aux abords de la pyramide géodésique, il

y a une sorte d 'esplanade herbeuse et qu 'au pied d'un énorme roc qui se dresse à une trentaine de mètres au

nord de ce signal, deux cuvettes na- turelles sont « toujours » emplies d'une eau limpide et fraîche : ce sont les « Fonts du Croupata » — fontai- nes du Corbeau — qui, dit-on se rem- plissent assez rapidement après qu'on les a vidées.

De ce point culminant, qui se pré- sente en à-pic impressionnant vers

l'est, on peut, en se penchant avec précaution, apercevoir l 'abîme sauva- ge de l 'inaccessible « Vallon Sourn ».

Et qui serait tenté d'y descendre, re- culerait bien vite en voyant les mas- ses de terre couvertes d 'arbres qui se détachent, après orages, pluies et vents, et glissent lentement vers des gouffres béants dont la verdure pare et dissimule mal l 'horreur.

Dès lors, le plus sage, après avoir contemplé une fois encore l 'admira-

ble panorama qui découvre tout à l 'entour une partie du dépar tement jusques à ses confins septentrionaux,

de dégringoler rapidement par quel- que sentier de chèvres, vers le vallon creusé au pied du versant ouest : un chemin y court parmi la broussaille, oblique vers le sud-ouest, passe près d 'une belle source sur qui veille un haut platane, et ramène le visiteur vers le chemin V. O. du Luc au Can- net-Vieux.

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Brignoles

Veuve de ses comtes, dont elle fut jadis la « risente nourriguiére », et veuve aussi de ses sous-préfets, Bri- gnoles eut pu s'endormir dans la dou- ce mélancolie de sa plaine magnifique gardée à l'ouest par les dentelures hautaines de la Loube et l'altier Can- delon, mais les eaux du Caramy ont d'actives vertus et Brignoles est aussi vivante dans son beau présent, tout d'initiatives intelligentes et de labeur obstiné qu'elle le fut dans son glo- rieux passé.

« Ses maisons patinées par les siè- cles et le soleil, a écrit un de ses en- fants, M. le Dr A. Jaubert, se serrent autour de leur clocher et de leur vieille église au portail roman, les soutenant pour ainsi dire sur l'émi- nence où se sont édifiées autour d'el- les et du château, les premières habi- tations de la cité. »

Carrefour de grandes voies, jadis comme aujourd'hui, Brignoles s'est lentement agrandie, ses maisons des- cendues sur les rives de son Caramy voient passer la route Nationale n° 7 qui traverse le département du cou- chant au levant et les routes qui vont de la mer vers les régions montagneu- ses de nos préalpes varoises.

Celto-Ligures et Romains ont lais- sé ici bien des traces de leur séjour; dès le milieu du VI siècle Childebert, roi de Paris, concède à l'évêque Ger- main pour y récolter l'huile de sa ba- silique de St-Romain, les olivaies qui s'étendent des confins de Brignoles à la fontaine de Camps.

Autant sinon plus qu'ailleurs les barbares d'abord, les luttes religieu-

ses ensuite ont ravagé la région bri- gnolaise: saccages incessants dont

chaque fois un peuple énergique et dur à la besogne s'est magnifiquement relevé.

Charles-Quint, Hubert de Vins d'Epernon, ont laissé ici un souve- nir exécré.

Flâner à travers les rues du vieux

Brignoles est un régal sans pareil pour le touriste épris des choses du

passé. Il trouve, en effet, tout autour de l'antique cathédrale un étonnant et pittoresque — et inextricable — entrelacs de ruelles, de venelles, de placettes, d'impasses, aux étroites chaussées montueuses, dallées ou ca- ladées, souventes fois même, en esca- liers, enjambées par d'audacieux arcs-boutants ou de branlantes arca-

des, surplombées par de vieux « os- tals » et d'antiques « casaus », aux corbeaux sculptés, aux fenêtres ro- manes dont une fine colonnette sépa- re l'arc en deux baies, aux croisées à meneaux. Des portes vénérables s'y ouvrent, où le primitif linteau de bois, sculpté de salamandres, voisine avec l'arc roman et la légère ogive; caria- tides du vieil hôpital fondé en 1542;

vases, rinceaux... Au coin de la rue de la Poissonne-

rie, cette émouvante inscription gra- vée à même le mur :

« 1563 et lou 28 aoust, lous Uga- naud vengueron ».

Plus loin d'autres millésimes.

Pentures de fer forgé aux délicates

arabesques, heurtoirs de bronze et plaques finement découpées, ornent des vanteaux vermoulus à la boiserie

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compliquée de petits panneaux, cri- blés de clous à têtes énormes taillées

en diamant. Des statues de saint, rus-

tiques effigies, veillent dans leurs ni- ches à maint carrefour...

L'église est un véritable reliquaire d'art: ne voit-on pas dans ce vénérable édifice du X I les reliques, la mitre et les pontificalia de ce saint Louis d'Anjou, qui naquit et mourut à

Brignoles, (1274-1297) après avoir été évêque de Toulouse. Et aussi le beau sarcophage trouvé à la Gayole, œu- vre admirable due au talent de quel- que sculpteur grec et qui est certaine- ment l 'un des plus beaux et à la fois des plus anciens des sarcophages chrétiens, puisque on le considère comme datant de la fin du I I siècle.

Tout à côté se trouvent également un cippe christianisé et une inscription funéraire en vers, provenant aussi de ce même sanctuaire de la Gayole.

La rue qui s 'ouvre devant l 'église s'enorgueillit de certaine « Maison des

Lanciers », véritable bijou de l 'archi- tecture romane dont le rez-de-chaus-

sée a subi, hélas! d' irréparables dis- grâces : cette rue conduit tout droit devant l 'ancien Palais des comtes de

Provence, massive et robuste cons- truction qui servit longtemps de... sous-préfecture et sur qui s 'appuie une chapelle au portique Renaissan- ce.

Des portes de l 'ancienne enceinte

fortifiée s'ouvrent en maint endroit: Il faut franchir celle du sud pour aller à quelques cents mètres de la ville visiter un curieux cippe gallo-romain, « San Sumian », qui préside depuis des siècles à la distribution des eaux de Brignoles: c'est un personnage sculpté dans un bloc de pierre, aux ornements gallo-romains, et qui porte sur son abdomen une cupule polie par les attouchements dévots, car « l'em- bourigou de San Sumian » jouit par- mi le populaire de certaines vertus.

Et il ne sera pas désagréable, après une visite à la chapelle des Augus- tins d'aller faire une petite promenade sur la rive gauche du Caramy, déli- cieusement ombragée et fraîche.

Brignoles qui vit naître le poète tragique Raynouard, de l'Académie française, auteur des Templiers (1761- 1836) et Parrocel, le peintre des ba- tailles (1648-1704), possède un noble blason: « écartelé, au 1er d'azur, a une fleur de lis d'or, surmontée d'un lambel à trois pendants de gueules, qui est de Provence; au 2e et 3e, d'azur, a un B. d'or, et au 4e d'or, a quatre pals de gueules, qui est d'A- ragon ».

La campagne brignolaise est déli- cieusement fraîche: c'est là que com- mence cette riche et belle région va- roise, trop peu connue et si différen- te de la « frange littorale ».

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Camps-les-Brignoles

Une longue ligne de collines peu élevées semble jeter un trait d'union entre le morne hautain du Candelon

balafré par ses carrières de marbre, et le sommet aigu où saint Quinis,

percha jadis son ermitage, avant d'al- ler occuper le siège épiscopal de Vai- son. Sur leur versant méridional, voi- ci comme sous la protection de la vieille chapelle de St-Sébastien, le charmant et calme village de Camps habituellement désigné sous le nom de Camps-les-Brignoles et à qui le XVI I I siècle a octroyé un blason « de sinople, à une tente d'argent » qui a la prétention d'être des... armes par- lantes!!

Lorsqu'il débarque du train, en gare de Camps, le touriste aperçoit devant lui, au flanc de la Colette, un tas de maisons grises d'où émergent une haute cheminée d'usine et un modeste

clocher carré au chapeau à quatre

égouts de tuiles roses. Les romains connurent ce site et y installèrent quelque villa près de la belle source qui émerge au bas du village sous une triple voûte de pierre, et emplit un bassin ombragé par un magnifique platane. Cette source à qui se joi- gnent quelques autres jaillies aux alentours, forme ce frais Val de Camps qui, modeste affluent du Cara-

my, coule doucement vers le nord- ouest, traversant et fertilisant une vaste plaine.

Camps dont le cartulaire de St-Vic- tor mentionne l'existence dès l 'an

1012, ne présente guère d'intérêt pour l 'archéologue: une seule maison porte un millésime du milieu du XVII I siè-

cle, mais dans la grand'rue, près du

Bureau de tabacs, on trouvera un lin- teau de porte, en bois sculpté, repré- sentant des têtes d'hommes et d'ani- maux, et, sur une porte en retrait de la « placette », charmante, avec son marronnier, ses mûriers, et ses pitto- resques terrasses surélevées et fleu- ries, un équerre et une herminette sculptées dans la pierre.

Sous ses voûtes gothiques, l'église qui date de 1525 et où l'on honore Saint Clair, patron de Camps, ne ré- cèle que des rétables du XVII siècle et sa seule originalité parait être d'avoir ses vitraux placés... à l'envers.

Un joli quatrain provençal inscrit sur un cadran solaire dit:

Passan, aquéou cadran Marquo, l'ouro nouvelo; Revillo ti, Paisan, E douar bi lei parpelo.

Camps dont la viticulture et la cha- pellerie sont les deux richesses a une vénération toute particulière pour St- Quinis et le chemin qui conduit au sanctuaire est plein de charme et de pittoresque: il passe devant la vieille chapelle en ruines de St-Martin, vé- nérable édifice d'une grande pureté de ligne et, par la ferme de l'Adret, aborde la colline qu'il escalade parmi une sylve magnifique.

On trouve sur le terroir de Camps de belles châtaigneraies, et, dans la partie nord-ouest de la vallée, en di- rection du Candelon, quelques belles propriétés, fermes et bastides blot- ties parmi la verdure: Capenvert, la Présidente, le Paradou, sur qui veille du haut de sa colline la blanche cha- pelle de St-Sébastien.

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La Celle et son monas tè re

Au pied des premiers contreforts orientaux du massif magnifique de la

Loube, dans un vallon dont l 'antique et pittoresque appellation d'Avolenna- ze s 'est perdue dès longtemps et ne subsiste plus qu'aux feuillets jaunis des cartulaires et dans les mémoires

des savants, se blottissent autour des débris d'un très antique monastère, les vieilles maisons de la Celle, cal-

me village que ne traverse aucune grand'route et dont le chemin de fer côtoie le territoire sans lui faire l 'au- mône de la moindre halte.

Et pourtant, fameuse par son pas- sé, la Celle mérite, dans le présent la visite du touriste et de l'archéologue,

car on y trouve encore d' intéressants et cur ieux vestiges et des sites char- mants.

Il serait audacieux, après l'intéres- sante monographie publiée dans « Les Archives du diocèse de Fréjus et Tou- lon » — n" 4 — par le savant archéo- logue Mgr Chaillan, de tenter quoi que ce soit sur la Celle : bornons-nous à rappeler que certain diplôme du roi Childebert, dont il a été parlé à pro- pos des olivaies de Camps, mentionne la basilique de St-Romain, aujour- d'hui disparue et remplacée d'ailleurs dès le début du X I siècle par l'église

de Ste Perpétue, héritière de tous les biens de la basilique.

« Il y eut à la Celle deux églises et deux prieurés contigus: Ste Perpé tue , aux moines de Saint Victor et Sainte

Marie, couvent où accourut l'élite des filles de Provence ».

C'est là que se réfugia après son veuvage, cette Garsende de Sabran,

épouse d'Ildefonse II d'Aragon dont tant de troubadours ont célébré les charmes : elle y prit le voile, y mou- rut et on peut lire son épitaphe « à l'entrée de l'abbaye, qui de toute an- cienneté a été appelée Porte Royale ».

En 1293, Charles II visitant le mo- nastère y trouva une centaine de mo- niales, ayant à leur tête Marie de No- ves, qui lui exposa ses doléances tou- chant les empiétements des moines, ses voisins.

Et François I reçu solennellement à Brignoles, en 1538, y vit jouer une « moralité » interprétée par deux bé- nédictines de la Celle... Un siècle plus tard il ne fallut pas moins de l'inter- vention de Mazarin et de la reine pour rétablir l'ordre et la discipline dans le monastère: les saintes filles s'étaient en effet engagées sur une funeste pen- te, si funeste qu'un chroniqueur de l'époque a pu écrire que les bénédic- tines de la Celle « ne différaient en- tre elles que par la couleur de leur jupe et le nom de leur galant ».

Très riches, elles avaient fait de l'abbaye une maison de retraite mon- daine où elles recevaient fastueuse- ment leurs amis, ne donnant à la re- ligion que le strict nécessaire de leur temps.

Sur la grande place ombreuse et fraîche, s 'ouvre en une sorte de retrait l 'église paroissiale, en face de ce qui subsiste de l 'autre sanctuaire :

quelques murs, un arceau, une gran- de croisée...

Cette église, avec ses murs sévères,

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a des allures de forteresse; dans sa nef, preque nue où l'ogive fait une ti- mide apparition, se dresse ce fameux Christ en croix d'un si impression- nant réalisme qu'un dicton, populaire dans toute la Provence, affirme : « Es laï coumo lou bouan Diou de la Cel- lo ! » L'artiste primitif qui tailla ce bois tragique a réalisé l'image de l'homme mort de l'excès même de sa souffrance: la lourdeur des paupières, le pincement des narines, le rictus des lèvres sèches découvrant la denture, tout concourt à faire de ce cadavre une œuvre poignante dans son réalis- me barbare.

On assure que la dalle de pierre qui, en avant de l'église, sur la place, supporte une croix de mission, serait le dernier vestige de la table sainte de l'église primitive.

Adossé au chevet de l'église, et se prolongeant su r son côté occidental, le monastère présente quelques débris encore intéressants.

C'est d'abord un vaste bâtiment dont

le rez-de-chaussée, actuellement affec- té à l 'entrepôt d ' instruments aratoi- res, fut la salle capitulaire: ses bel- les colonnes trapues, à chapiteaux ro- mans, supportent une voûte gothique d'un dessin harmonieux : Mgr Chail- lan la croit être de la fin du X I I siè- cle.

L'étage, t ransformé en grange, a aussi fort belle allure et mériterait

également d'être dégagé: il aurait aussi grand besoin d'être consolidé.

Le cloître est en fort piteux é ta t ; ses galeries qui sont d'époques diverses sont curieuses à visiter; on y voit no- tamment des colonnettes coudées sem-

blables à celles de l 'abbaye de Silva- canne. Une cuve baptismale a été dé-

posée dans un coin.

Un sarcophage vraisemblablement

du X I I I siècle se trouvait, il y a quel- ques années encore, au milieu de la cour du cloître : il a été vendu en 1925 et emporté à Paris.

On voit aussi contre le mur de ce

qui fut Ste Perpétue, la curieuse épi- taphe du prieur Pierre de Cabrière, décédé en 1278.

Dans sa description du massif de la Loube, le géologue, M. Thieux (Revue de Provence 1899, p. 49) parle d'une route gallo-romaine qui, à la Celle, se détachant de la route de Brignoles à Camps, passait à la Bastide de Can- delon « où devait exister un petit tem- ple près d'une source entourée de rui- nes qui datent en partie du 1er siècle ».

Cette Bastide, vieille gentilhommiè- re, posséda une petite chapelle; on y voit à quelques cents mètres au pied du Candelon, sous les carrières de marbre, un boqueteau de lauriers adossés à une petite crête rocheuse couronnée de pins et de chênes. Là coule une source dont l 'eau est re-

cueillie dans un bassin qui passe pour avoir été un primitif sanctuaire. Ce bassin est orné de débris d'architec-

ture gothique dont un gable fort élé- gant, des piliers à pignons et un vieux mascaron.

Au dessus, dans une anfractuosité de la roche, formant niche, a été pla- cée une très vieille statue de la Vier-

ge, en bois sculpté. Devant la Bastide de Candelon se

trouve une fontaine de belle allure, ornée aussi d'un intéressant masca- ron.

Le chemin romain ou gallo-romain dont parle M. Thieux passe près du site appelé « Les Lauriers », s'enga-

ge franchement dans la vallée de