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« Enivrez-vous » Il faut être toujours ivre. Tout est là : c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve. Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise. Mais enivrez-vous! Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, dans la solitude morne de votre chambre vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à 9l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle ; demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront : « Il est l'heure de s'enivrer ! Pour ne pas être les esclaves martyrisés du Temps, enivrez-vous ; enivrez-vous sans cesse ! De vin, de poésie, de vertu, à votre guise. » Petits poème en prose , ou Spleen de Paris , 1862-1869, Charles Baudelaire.

Enivrez Vous Petits Poemes en Prose Baudelaire (1)

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Enivrez-vous

Enivrez-vous

Il faut tre toujours ivre. Tout est l: c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du Temps qui brise vos paules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trve.

Mais de quoi? De vin, de posie, ou de vertu votre guise. Mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un foss, dans la solitude morne de votre chambre vous vous rveillez, l'ivresse dj diminue ou disparue, demandez au vent, la vague, l'toile, 9l'oiseau, l'horloge; tout ce qui fuit, tout ce qui gmit, tout ce qui roule, tout ce qui chante, tout ce qui parle; demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'toile, l'oiseau, l'horloge, vous rpondront: Il est l'heure de s'enivrer! Pour ne pas tre les esclaves martyriss du Temps, enivrez-vous; enivrez-vous sans cesse! De vin, de posie, de vertu, votre guise. Petits pome en prose, ou Spleen de Paris, 1862-1869, Charles Baudelaire.Lecture analytique n3.

(1res ES / S.)

Enivrez-vous, Petits pomes en prose ou Spleen de Paris, 1862-1869, Charles Baudelaire.

INTRODUCTION.

Baudelaire (1821-1867), n Paris, perd son pre lge de six ans, et ragit trs mal au mariage de sa mre. Il sembarque en 1841 pour un voyage dans lOcan Indien lors duquel son imagination fera une provision dimages quil utilisera dans de multiples pomes et qui lincitera sans doute, son retour Paris prendre pour matresse la mtisse Jeanne Duval, actrice de profession. Priv, en 1844, cause de sa vie de marginal, de laisance financire, par sa famille, il devient pour vivre, journaliste et critique littraire et artistique. Confront aux auteurs de gnie de son temps, il cre sa propre esthtique nomme symbolisme. Les Fleurs du mal, dont est issu ce pome, est publi en 1857: Le recueil, jug immoral, est attaqu en justice, et six de ses pomes sont condamns, ce qui affecte terriblement le pote. Rong par la maladie, il fera une grave attaque, en 1866, qui le laissera, jusqu sa mort aphasique et paralys. Outre le recueil dj mentionn, Baudelaire est lauteur de Petits pomes en prose, ainsi que de nombreuses critiques dart, toujours dactualit.

Petits pomes en prose est compos de cinquante pices. Baudelaire a t inspir en les crivant par l'exemple d'Aloysius Bertrand. Le titre Petits pomes en prose est suivi d'un autre sous-titre Le spleen de Paris qui se rapproche des titres de deux parties des Fleurs du Mal : Spleen et Idal et Tableaux parisiens.Depuis lors, le recueil porte ces deux noms. La particularit de cet ouvrage rside dans l'absence de suivi entre les diffrentes pices. En consquence, il peut tre lu au hasard des pages. On trouvera cependant une certaine rcurrence des thmes: Visions de Paris, spleen.

Dans ce texte, Baudelaire, sous le couvert de la provocation, propose sa vision de la vie.PROBLEMATIQUE.

Comment travers un pome en prose, Baudelaire donne-t-il un conseil de vie qui trahit ses propres peurs.

PLAN.

I- Un texte argumentatif.

1- La structure du texte.

2- La stratgie argumentative.

II- Un pome en prose.

1- Les aspects prosaques.

2- Les aspects potiques.III- Livresse au service du lyrisme.

1- Le thme de livresse.

2- Lincantation lyrique.DEVELOPPEMENT.

I- Un texte argumentatif.

1- La structure du texte.

l.1: Largument, savoir lobligation dtre ivre:

l.1 3: Lexplication de largument, savoir la raison de lobligation de senivrer. Elle est souligne parle champ lexical de la douleur: Horrible fardeau, brise (l.2), penche vers la terre (l.2-3) que livresse est capable danantir, comme le prouve lemploi de ladverbe de ngation Ne (l.1).

l.4 5: Lexemple: Proposition de ce par quoi il est possible de senivrer. l.6 11:Lexplication de lexemple: Le conseil du pote au cas o livresse disparatrait, et qui est soulign par le connecteur logique dnumration Et (l.6): Elle peut disparatre, comme le prouve le champ lexical de la disparition organis en gradation ascendante dans lvanescence: Diminue, disparue, et soulign par le connecteur logique dalternance Ou, nimporte o, comme le prouve le champ lexical du lieu: Marches, palais, herbe, foss(l.6), chambre (l.7).

Quand elle sestompe, il faut faire appel au temps, la nature, prsente travers son champ lexical: Vent, vague, toile, oiseau (l.8-9), combin des verbes de mouvement pouvant concerner la nature: Fuit, gmit (l.9), roule, chante (l.10).

l.11 14: Reprise de lexemple pour montrer quil y a eu dmonstration:

l.11 13: La rponse du temps, toujours reprsent par Lhorloge (l.11), et de la nature, symbolise par son champ lexical, organis en numration: Le vent, la vague, l'toile, l'oiseau, laquelle est valorise par le connecteur logique dopposition Et (l.10). l.13 14: La lutte, avec le champ lexical de la douleur: Esclave, martyris (l.13), contre lequel livresse peut lutter, comme le prouve ladverbe de ngation Ne (l.12).

Le texte est organis comme un paragraphe argumentatif, do le registre didactique.

2- La stratgie argumentative. Il interpelle directement le lecteur, en usant:

Du pronom personnel de la deuxime personne du pluriel, sous la forme de:

Sujet: Vous (l.7).

Complment: Vous (l.2, 3, 5, 7, 11).

Dterminant possessif: Vos, votre (l.2, 4, 14).

De limpratif valeur injonctive: Enivrez-vous (l.3, 13), demandez (l.8, 10).

Le dsir de convaincre:

Rle des rptitions de la tournure impersonnelle Il faut (l.1, 3).

Rle de la question rhtorique: Mais de quoi? (l.4), qui prvient la question du lecteur.

Rle des connecteurs logiques:

Dnumration: Et (l.2, 6, 11).

Dalternance: Ou (l.4, 8).

Dopposition: Mais (l.4).

Le dsir de persuader Le pote fait appel divers sentiments du lecteur:

La peur de vieillir, avec le champ lexical de la vieillesse: Horrible fardeau du temps, brise vos paules (l.2), penche vers la terre (l.2-3), esclaves martyriss du temps (l.13).

La peur de mourir qui est indissociable du thme du temps:

Prsent par son champ lexical: Temps (l.2, 13), horloge (l.9, 11), heure (l.11, 12):

Il est organis en une gradation descendante dans la petitesse: Temps (l.2), horloge (l.9), heure (l.11), puis en gradation ascendante dans la grandeur: Heure (l.12), horloge (l.11), temps (l.13), ce qui forme un chiasme.

Le temps est prsent deux fois dans le texte: Horrible fardeaux du temps (l.2), esclaves martyriss du temps (l.13), il participe aux hyperboles, et lhorloge, est aussi prsente deux fois (l.9, 11), ainsi que lheure (l.11, 12) Ses rptitions rythment le pome et voque le bruit rgulier dune horloge, donc du temps qui passe inexorablement.

Le temps est personnifi, grce la mtaphore du verbe: Qui brise vos paules(l.2), esclaves martyriss du temps (l.13).

Il est aussi dsign par des hyperboles pjoratives qui renforcent son aspect ngatif: Horrible fardeaux du temps (l.2), esclaves martyriss du temps (l.13).

Lantithse que forme le thme du temps, trait de faon morbide, et lisotopie riante de la nature Herbe verte, foss (l.6), vent, vague, toile, oiseau (l.8-9, 11) pousse le lecteur vers la beaut, et non pas vers le temps, donc vers livresse, puisque la beaut et de son cot.

Il fait appel la dignit du lecteur, en le reprsentant sobre et courb sous le joug du temps, prsent par son champ lexical: Fardeau, brise, penche (l.2), esclaves martyriss (l.13).

Le dsir de convaincre, en usant de certaines ralits:

La fuite du temps:

Prsent par son champ lexical: Temps (l.2, 13), horloge (l.9, 11), heure (l.11, 12): Il est organis en une gradation descendante dans la petitesse: Temps (l.2), horloge (l.9), heure (l.11), puis en gradation ascendante dans la grandeur: Heure (l.12), horloge (l.11), temps (l.13), ce qui forme un chiasme.

Le temps est prsent deux fois dans le texte: Horrible fardeaux du temps (l.2), esclaves martyriss du temps (l.13), il participe aux hyperboles, et lhorloge, est aussi prsente deux fois (l.9, 11), ainsi que lheure (l.11, 12) Ses rptitions rythment le pome et voque le bruit rgulier dune horloge, donc du temps qui passe inexorablement.

La vieillesse et la mort:

La peur de vieillir, avec le champ lexical de la vieillesse: Horrible fardeau du temps, brise vos paules (l.2), penche vers la terre (l.2-3), esclaves martyriss du temps (l.13). Le temps est personnifi, grce la mtaphore du verbe: Qui brise vos paules(l.2), esclaves martyriss du temps (l.13). Il est aussi dsign par des hyperboles pjoratives qui renforcent son aspect ngatif: Horrible fardeaux du temps (l.2), esclaves martyriss du temps (l.13). Lantithse que forme le thme du temps, trait de faon morbide, et lisotopie riante de la nature Herbe verte, foss (l.6), vent, vague, toile, oiseau (l.8-9, 11) pousse le lecteur vers la beaut, et non pas vers le temps, donc vers livresse, puisque la beaut et de son cot.

Il a lintelligence de laisser une sorte de choix au lecteur, en ce qui concerne les moyens de livresse:

Rle de la double numration combine la gradation ascendante dans la noblesse: Vin (l.4, 14), posie (l.4, 14), vertu (l.4, 14).

Rle de la rptition de la priphrase A votre guise (l.4, 14).

La provocation est aussi une stratgie argumentative: Dans la France bien-pensante du XIXme sicle, le titre mme du pome Enivrez-vous, rpt dans tout le pome (l.4-5, 13) parfois en anaphore (l.13), combin au champ lexical de livresse: Ivre (l.1), enivrer (l.4, 12), enivrez (l.4, 13), ivresse (l.7) na pu que faire ragir violemment le lecteur, et le pousser lire la suite.

Lloquence du pote est souligne par la modalit exclamative (l.11, 12).

Registres didactique et polmique.

II- Un pome en prose.

1- Les aspects prosaques.

Le thme du pome, livresse, avec son champ lexical: Ivre (l.1), enivrer (l.4, 12), enivrez (l.4, 13), ivresse (l.7) est lui-mme prosaque, car il est proche de la vulgarit.

Le texte est organis en paragraphes, non pas en strophes.

Isotopie du prosasme: Ivre (v.1), fardeau, brise, penche (l.2), enivrer (l.3, 12), enivrez (l.4, 13), vertu (l.4, 14), marches (l.6), morne, chambre, ivresse (l.7), horloge (l.8, 11), roule (l.9), esclaves, martyriss (l.12), qui dveloppe les champs lexicaux de:

Livresse (l.1, 4, 7, 12, 13).

La cassure (l.2, 13).

Lobjet (l.6, 8, 11).

Lhabitation (l.6, 7).

2- Les aspects potiques. Lisotopie de la nature: Terre (l.3), herbe verte, foss (l.6), vent, vague, toile, oiseau (l.8-9, 11), qui dveloppe les champs lexicaux de:

La flore (l.3, 6).

La faune (l.9, 11).

Les quatre lments, avec le vent (l.8, 11), leau (l.8, 11), la terre (l.3).

Lunivers (l.3, 8, 11).

Le champ lexical du temps: Temps (l.2, 13), horloge (l.8, 11), heure (l.11, 12). La rptition du substantif Posie (l.4, 14).

La rptition du substantif Vin (l.4, 14 Rfrence au mythe de Dionysos: Dieu du vin et de livresse qui taient lorigine des excs des Bacchantes, femmes dchanes et lubriques, en son honneur Le pote peut atteindre linconnu, crer, provoquer, ses thmes sont ceux de livresse, de la dmesure, de laventure, de la folie, de la fuite hors du temps rel, de la violence et de leuphorie.

Les mtaphores: L'horrible fardeau du temps qui brise vos paules et vous penche vers la terre (l.2-3), demandez au vent, la vague, l'toile, l'oiseau, l'horloge (l.7-8), Et le vent, la vague, l'toile, l'oiseau, l'horloge, vous rpondront (l.11-12), esclaves martyriss du temps (l.13).

Les rptitions: Il faut (l.1, 3), pour (l.1, 12), temps (l.2, 13), enivrer (l.3, 12), mais (l.4), enivrez (l.4, 13), demandez (l.8, 10), vin, posie, vertu, votre guise (l.4, 14), vent, vague, toile, oiseau (l.8, 11), horloge (l.9, 11), heure (l.11, 12).

Les anaphores: Il faut (l.1, 3), enivrez-vous (l.13). Le chiasme: Il faut tre toujours ivre(l.1), // Il faut vous enivrer sans trve (l.3). Le paralllisme: Il faut tre toujours ivre(l.1), // Il faut vous enivrer sans trve (l.3).

Les assonances en [a], [i], [en], [], [oi].

Les allitrations en [l], [t], [v], [s], [p], [r].

La personnification du temps, par la mtaphore du verbe (l.2-3, 12), et par la majuscule. III- Livresse au service du lyrisme.

1- Le thme de livresse.

Livresse permet dchapper au temps. Cette hantise de lhomme baudelairien, dchapper au temps, apparat ds le dbut du texte:

Les formulations syntaxiques sont en parallle pour renforcer le souhait dchapper au temps: Pour ne pas sentir lhorrible fardeau du temps (l.2), pour ne pas tre les esclaves martyriss du temps (l.12-13) Le temps devient lennemi de lhomme par excellence donc de Baudelaire.

Les deux mtaphores Fardeau du temps qui brise vos paule et vous penche sur la terre (l.2-3) montrent que le temps a un tel pouvoir quil arrive dessiner la silhouette du vieillard courb sous le poids des ans.

La mtaphore Esclave martyriss du temps (l.12-13) aggrave la destine humaine.

La personnification du temps permet de passer du sentiment dangoisse au fantasme de la perscution.

Au cur du texte, lobsession du temps se signale grce la rptition des substantifs Horloge (l.9, 11), et Heure (l.11, 12) Lhorloge, au lieu de rappeler aux hommes les exigences du rel, lui conseille de senivrer: Il est l'heure de s'enivrer (l.12), c'est--dire de se soustraire la conscience du temps, la mdiocrit, cible par lhyperbole Solitude morne (l.7). La nature de livresse, avec lnumration: De vin, de posie [ou] de vertu (l.4, 14):

Livresse par le vin est logique, biologique.

Livresse par la posie ne peut se situer que sur le plan spirituel, et dsigner lenivrement de lme par la beaut, puisque selon Horace, la posie ne de lme est destine lme Baudelaire doit penser la musicalit de la posie qui la transforme en une incantation ensorcelante.

Livresse par la vertu est plus surprenante, car la vertu est oppos livresse, puisquelle est lie la svrit et la rigueur. Cependant elle peut rejoindre livresse si elle est prise dans le sens de dpassement de soi.

La gradation ascendante dans la difficult et la noblesse reprsente trois modes dvasion, pour sortir de la mdiocrit du rel:

Le vin, qui concerne le got, fait oublier la misre matrielle.

La posie qui concerne lesprit rvle la beaut.

La vertu qui concerne lme lve au-dessus des contingences et des mesquineries du vulgaire.

Le lecteur est surpris par lemploi de la priphrase: A votre guise (l.4, 14) Il y a provocation suggrer lgalit dans la dignit, entre la boisson, et la vertu.

Les formes divresse sont prsentes comme un choix personnel, sans aucune intervention dun ordre moral quelconque. Lessentiel est loubli du rel et du temps qui passe.

Ceux qui ont besoin de livresse:

Il sagit de tout le monde, comme latteste la tournure impersonnelle Il faut (l.1, 3).

Cette ide est renforce par lintrusion du pronom personnel de la deuxime personne du pluriel Vous (l.2) qui renvoie immdiatement au lecteur, mais un lecteur conscient de sa soumission au temps.

Il peut appartenir toutes les catgories sociales, allant du roi, sur Les marches dun palais (l.6), au vagabond Sur lherbe verte dun foss (l.6)

Livresse est une ncessit universelle pour sortir de la grisaille du quotidien, et viter larrive du Spleen.

Registres didactique et polmique, tonalits pathtique, tragique.

2- Lincantation lyrique.Le pome est une incantation dans la mesure o il sappuie sur le pouvoir motionnel du rythme et des rptitions pour mettre le lecteur en transe, comme il lest expliqu par Platon, dans Ion. Lincantation est progressive, sinspirant de langoisse face au temps, qui provoque lurgence de livresse:

Lincantation:

Les deux premires phrases simples du pome noncent clairement la thse du pome qui sera reprise et amplifie:

La provocation assertive Il faut tre toujours ivre (l.1) est un dfi au conformisme bourgeois du XIXme sicle.

La deuxime phrase Tout est l: Cest lunique question (l.1) peut tre envisage comme de lautodrision, puisquelle voque une parodie de la gravit mtaphysique du hros ponyme dHamlet.

La mtaphore qui joue sur le temps est approfondie la fin du texte, par une autre mtaphore: Esclaves martyriss du Temps (l.12) Reprise avec intensification.

Dans le troisime paragraphe, le crescendo sappuie sur lintensification du rythme:

La phrase commence par un rythme ternaire: Sur les marches d'un palais, / sur l'herbe verte d'un foss, / dans la solitude morne de votre chambre (l.6-7) qui ont un nombre de syllabes croissant: 7 / 8 12.

Lnumration de cinq substantifs en construction parallle: Au vent, la vague, l'toile, l'oiseau, l'horloge (l.8-9), est relaye par lnumration de cinq groupes verbaux: Tout ce qui fuit, tout ce qui gmit, tout ce qui roule, tout ce qui chante, tout ce qui parle (l.9-10).

Aprs le point virgule, la phrase rebondit sur une reprise de la forme imprative: Demandez (l.10), et fait dfiler nouveau les cinq substantifs en fonction de sujets.

Les trois dernires lignes constituent la rponse de cette qute fivreuse.

Rle essentiel de la reprise du verbe Senivrer (l.3, 4, 12, 13), qui outre le titre apparat 5 fois dans le pome, avec trois occurrences dans les trois dernires lignes. Leffet est redoubl par la prsence de ladjectif attribut Ivre (l.1), et le substantif Ivresse (l.7).

La monotonie est vite grce aux variations entre les expressions Toujours (l.1), / sans trve (l.3), quelle heure (l.10-11) / Il est lheure (l.12) Elles visent aussi lintensification.

Passage de la tournure impersonnelle: Il fau (l.1, 3), aux impratifs (l.4, 8, 10, 13) destins au lecteur, lesquels manent directement des lments de lunivers: Vent, vague, toile (l.8, 11) qui donnent lhomme le sentiment de lurgence de livresse.

Luniversalit:

Prsence de linfini: Lespace avec le Vent (l.8, 11), linfini marin avec la Vague (l.8, 11), linfini cleste avec l Etoile (l.8, 11) Ils procurent lhomme livresse de la contemplation.

L Etoile (l.8, 11) et l Oiseau (l.8, 11), connote la beaut, et l Oiseau (l.8, 11), la joie, puisquil est associ au verbe Chante (l.10).

Tous ces lments sont personnifis, puisquils bougent: Fuit (l.9), roule(l.10), font du bruit, sadressant louie, avec le champ lexical du bruit: Gmit (l.9), chante, parle (l.10), allant jusqu possder la parole: Chante, parle (l.10).

Les verbes de mouvement voque la fugitivit de la vie qui passe: Fuit (l.9), roule (l.10, tandis que la nature exprime sa joie et sa peine en une antithse: Gmit (l.9) Chante (l.10). Grand rle de lanimisme, c'est--dire de douer de sentiments et de langage linanim Le monde, limage de lhomme est soumis la tyrannie du temps, donc dans tous les objets du monde, dsigns par lnumration (l.8-9, 11), Baudelaire retrouve sa hantise.

Registres lyriques, pathtique, et tonalit tragique.

CONCLUSION.

Malgr sa brivet, ce pome possde un souffle tonnant, grce lamplification du rythme et au phnomne incantatoire. Livresse est transcende pour devenir vasion vers idal et spiritualisation, pour aller jusqu charmer le lecteur, ce qui voque le mythe de Dionysos.

Cest une thorie qui remonte lAntiquit grecque, avec lIon de Platon.