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Enjeux de guerre économique dans la filière des déchets électriques et électroniques (DEEE) Ecole de Guerre Economique 8 Décembre 2017

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Enjeux de guerre économique dans la filière des déchets électriques et électroniques (DEEE)

Ecole de Guerre Economique 8 Décembre 2017

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Enjeux de guerre économique dans la filière DEEE

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Remerciements Nos sincères remerciements à ceux qui ont contribué à l'élaboration de ce mémoire et tout particulièrement à : Xavier Lepage pour ses précieux conseils

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Enjeux de guerre économique dans la filière DEEE

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Table des matières

Introduction ..................................................................................................................... 4

Chapitre 1 : Cadrage.......................................................................................................... 5 1. Définitions ....................................................................................................................... 5

Les DEEE .......................................................................................................................................... 5 La filière des déchets ...................................................................................................................... 5 Principe de la responsabilité élargie du producteur ...................................................................... 5 Le producteur ................................................................................................................................. 6

2. Evolution de la réglementation ......................................................................................... 6 Zoom sur la directive DEEE ............................................................................................................. 7

3. Enjeux et risques associés ............................................................................................... 10 4. Processus de traitement des DEEE .................................................................................. 11

De quoi s’agit-il ? .......................................................................................................................... 11 Comment les récupère-t-on ......................................................................................................... 11 Quelles sont les matières récupérées ? ........................................................................................ 13 Evolution des technologies de recyclage ...................................................................................... 15 Valeur commerciale des matières premières secondaires........................................................... 16

Chapitre 2 : Terrains d’affrontements dans le monde ...................................................... 18 1. Dépendance Europe-Monde ........................................................................................... 18

Dépendance aux matières premières ........................................................................................... 18 Concurrence dans les technologies d’extraction .......................................................................... 19 Dépendance énergétique ............................................................................................................. 21

2. Le rôle déterminant de la législation ............................................................................... 22 Rôle sur les sanctions.................................................................................................................... 22 Rôle sur les exportations de DEEE ................................................................................................ 24

Chapitre 3 : les affrontements sur le terrain européen .................................................... 25 1. Etats des lieux ................................................................................................................ 25 2. Divergences européennes : le cas allemand .................................................................... 28

Chronologie : directives européennes, organes de mise en œuvre ............................................. 28 Application de la directive en France ........................................................................................... 30 Spécificité allemande .................................................................................................................... 31 Différence Allemagne / France ..................................................................................................... 34 ERP ou la guerre des déchets franco-allemande .......................................................................... 35

Chapitre 4 : Les limites du système français ..................................................................... 37 1. Les grands principes de la gestion des déchets en France ................................................. 37

Les acteurs .................................................................................................................................... 38 La structure industrielle de la filière déchets ............................................................................... 41

2. Les DEEE en France ......................................................................................................... 42 Les chiffres ADEME et INSEE ......................................................................................................... 43 La fraude et les agissements mafieux en France .......................................................................... 47 Paroles d’acteurs .......................................................................................................................... 50

3. Le modèle économique .................................................................................................. 52 Le financement des Eco-organismes ............................................................................................ 52 Les grandes tendances du marché ............................................................................................... 53 Impact sur l’emploi ....................................................................................................................... 55 L’économie circulaire .................................................................................................................... 58

Conclusion ...................................................................................................................... 66

Bibliographie ............................................................................... Erreur ! Signet non défini.

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Enjeux de guerre économique dans la filière DEEE

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Introduction

L’histoire du recyclage des métaux démarre bien avant l’ère industrielle quand, au 19eme siècle, les casseurs et ferrailleurs s’organisent pour récupérer les matériaux essentiels à leur activité1. Dans l’Europe d’après-guerre, les solutions de recyclage deviennent essentielles ; la ferraille est refondue pour fabriquer des armes ou des rails de chemins de fer. Le milieu des années 70 voit apparaitre une prise de conscience du problème environnemental tant au niveau national qu’international. Un groupe de réflexion, composé de scientifiques et d’industriels (le Club de Rome) publie en 1972 un livre choc sur l’avenir du modèle de croissance économique2. Les notions de développement durable et d'empreinte écologique font du Club de Rome un précurseur sur ces questions environnementales. Puis, viennent les catastrophes écologiques dues aux marées noires3, le choc pétrolier de 1973, la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en 1986 qui constitueront autant d’éléments impactant la conscience collective et convaincront de la nécessité de sauvegarder la planète. Dans le même temps, la crainte d’un épuisement des réserves mondiales de ressources naturelles (pétrole, gaz, métaux, etc.) voit le jour. Dans les années 80, l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et tout particulièrement les équipements électriques et électroniques (EEE) a considérablement augmenté la demande en matières premières comme les métaux et les terres rares, dont les approvisionnements peuvent être limités ou restreints à quelques pays. Mais ces technologies, sont également grosses consommatrices en énergie, de par les combustibles requis pour leur fabrication, de par leur fonctionnement une fois acquises par les utilisateurs, et enfin de par les déchets qu’elles génèrent et qu’il faut traiter. Ce qui par extension engendre un impact environnemental. Alors que le nombre d’objets électroniques utilisés au quotidien augmente de façon continue, le volume de DEEE augmente concomitamment, et plus rapidement que n’importe quelle autre catégorie de déchets. Dans ce contexte de compétition économique mondiale et de préoccupations environnementales, la filière du traitement des déchets des équipements électriques et électroniques (DEEE) occupe aujourd’hui en Europe une place très importante. C’est ainsi que des terrains d’affrontements se sont progressivement dessinés avec certains Etats manifestant de grandes ambitions stratégiques. Notre rapport décrit dans un premier temps l’organisation du traitement des DEEE et les acteurs de la filière, et précise le cadre normatif qui la caractérise. Dans une deuxième partie, notre étude montre comment face à des enjeux mondiaux l’Europe a pris conscience de ces aspects et a cherché, au travers d’une réglementation de plus en plus restrictive, à diminuer sa dépendance aux matières premières. Dans une troisième partie, nous constatons que le terrain d’affrontement se situe en Europe même où chacun des pays, au travers d’une application différente de la directive européenne, et en appliquant des modèles économiques identiques ou différents (éco-organismes, économie circulaire, etc.) cherche à dominer le marché. Nous démontrons au travers d’un zoom spécifique sur l’Allemagne comment s’opère ce jeu d’influences en Europe. Enfin, en pointant les limites du système économique français, qui suscite beaucoup d’intérêts et d’enjeux lucratifs, nous tentons d’apporter un éclairage sur

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les conflits d’intérêts de la filière des DEEE en France, mais également sur les paradoxes engendrés la gestion des déchets et l’application des règlementations européennes.

Chapitre 1 : Cadrage

1. Définitions

Les DEEE Pour avoir une définition exacte de ce qu’est un déchet d’équipement électrique et électronique, il faut associer la définition d’un équipement électrique et électronique, donnée par la réglementation 2012/19/UE, à la définition du déchet de façon générale, donnée par la directive 2008/98/CE (article 3, paragraphe 1). Avec ces éléments, nous arrivons à la définition suivante sur laquelle tout le monde s’accorde : « Les déchets d'équipement électrique et électronique (DEEE) sont les déchets issus des équipements fonctionnant grâce au courant électrique (ou à des champs électromagnétiques) avec une tension ne dépassant pas 1.000 volts en courant alternatif et 1.500 volts en courant continu, abandonnés par leur détenteur. On entend par déchets d'équipements électriques et électroniques, tous les composants, sous-ensembles, et produits consommables faisant partie intégrante du produit au moment de la mise au rebut ». A noter qu’un EEE devient un DEEE dès lors qu’il est abandonné, même en état de marche, par son propriétaire. Un équipement obsolète peut, dès lors, constituer un déchet.

La filière des déchets On désigne par filière des déchets et du recyclage, l’ensemble des opérateurs publics et privés intervenant dans la production, la collecte, le traitement, le recyclage et les autres formes de valorisation des déchets ménagers et des déchets des activités économiques. Les contours précis de la filière et du marché sont rendus flous par l’existence de différentes nomenclatures, comme celles de l’INSEE concernant les activités économiques ou les codes produits, ou celle du Code de l’Environnement pour la classification des déchets, pour ne citer que ces exemples. De la même manière, l’existence de règlementations nationales et de directives européennes parfois transposées différemment font que des termes assez proches peuvent désigner des concepts et des pratiques très distinctes. Une partie des dernières directives européennes en matière de déchets est d’ailleurs dédiée à la mise en place d’un socle commun de définitions (vingt pour la seule directive du 19 novembre 2008).

Principe de la responsabilité élargie du producteur La Responsabilité Elargie du Producteur (REP) veut que, pour certains déchets bien identifiés, le producteur soit très étroitement associé à la gestion de tous les déchets intervenant dans le cycle de vie de son produit. Libre à lui de gérer seul la collecte et le traitement des déchets,

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ou de s’associer à un éco-organisme dédié à la collecte et au traitement des déchets et financé par un groupement d’entreprises du même secteur. Il est important de préciser, pour la suite de la lecture, que la mise en œuvre de ce principe est laissée à la discrétion des Etats membres de l’Union Européenne. En effet, les directives ne sont généralement pas directement applicables aux fabricants d’équipements. Elles doivent d’abord être transposées en droit national. La directive sur les déchets relève de l’article 175 du Traité de l’Union qui laisse, de fait, beaucoup de libertés aux Etats membres pour la transposition dans leur droit national. En conséquence, nous le verrons plus loin, les différentes législations nationales diffèrent sensiblement à travers l'Europe.

Le producteur Un producteur est une personne physique ou morale qui commercialise des EEE de manière traditionnelle ou par voie électronique. Le terme peut désigner aussi bien un fabricant qu’un importateur, distributeur, franchisé, etc. Dans tous les cas, un producteur d’EEE devra s’inscrire au Registre DEEE sur le site SYDEREP (SYstème DEclaratif des filières REP) et déclarer chaque année (février-mars) les quantités d’EEE qu’il aura mis sur le marché. Il doit attester qu’il pourvoit ou contribue à la collecte des DEEE, ou adhérer à un éco-organisme lorsqu’il ne met pas en place un système individuel. Il doit marquer ses produits avec un symbole spécifique et a en outre l’obligation d’améliorer leur écoconception. Depuis la dernière réforme de la directive, il n’est plus possible pour un producteur d’EEE professionnel de transférer sa responsabilité vers l’utilisateur.

2. Evolution de la réglementation

Il n’est pas possible de traiter le sujet des DEEE sans l’intégrer dans la gestion plus globale des déchets de façon générale. En effet le panorama réglementaire est complexe : le cadre général est fourni d’une part par la directive 2008/98/CE4, et d’autre part par le règlement concernant le transfert de déchets5. Le niveau réglementaire suivant légifère sur les opérations de traitement des déchets. Il s’agit principalement de la directive sur les émissions industrielles relative à l’incinération des déchets6 et de la directive sur la mise en décharge7. Le troisième et dernier niveau réglementaire regroupe 7 textes réglementaires qui traitent des différents flux de déchets et dans lesquels nous retrouvons celui spécifique aux DEEE. Pour en faciliter la lecture, le schéma ci-dessous présente l’articulation du cadre réglementaire :

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Figure 1: Instruments juridiques encadrant la production de déchets en Europe. Source : Commission Européenne (2013)

Zoom sur la directive DEEE Le flux de déchets issus des EEE mis au rebut augmente rapidement et double de volume tous les 12 ans selon un rapport de l’UE. Ces équipements contiennent pour la plupart des substances dangereuses pour l’être humain ou pour l’environnement (métaux lourds, PolyChloroBiphényles, gaz, substances halogénées). La réglementation vise donc à améliorer la gestion des déchets, réduire l’utilisation des ressources, et aider à la création d’emplois (12 à 15 000 emplois pourraient être générés). Elle fixe l’objectif de collecter 85% de DEEE produits, soit 20 kg par habitant, à partir de 2019. Elle donne également aux États membres la capacité de combattre l’exportation illégale de déchets, en particulier les transferts illégaux de DEEE déguisés en transferts légaux d’équipements usagés. Cette directive européenne a beaucoup évolué depuis son premier texte en 2002. Pour en faciliter la compréhension, le schéma ci-dessous reprend ses grandes lignes et sa transposition dans le droit français :

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Figure 2: Transposition de la réglementation européenne sur les DEEE en droit français

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La genèse de la réglementation est décrite dans la chronologie suivante :

Figure 3: Réglementations Européenne et Française (transposition des directives et finalités)

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3. Enjeux et risques associés

D’un pays à l’autre, les enjeux sont différents en fonction du couple matière/industrie. Mais quelle que soit la matière, le traitement des déchets nécessite du volume pour assurer sa rentabilité. Dans une société où le taux d'équipement est de plus en plus élevé et où les produits sont très rapidement obsolètes du fait de l'évolution rapide des technologies et de cette obsolescence parfois programmée, les quantités de DEEE s’accroissent de 3 à 5% par an. Selon l’ADEME8, les Français produisent chaque année 1,7 million de tonnes de DEEE. Plus de 50% de ces déchets sont issus des ménages, ce qui représente 14 kg/hab/an. D’ici 10 ans, ce volume devrait avoir doublé. Les enjeux du traitement des déchets sont, tout d’abord, économiques voire même éthiques. Il est prouvé que la filière génère des créations d’emplois à toutes les étapes du traitement, que ce soit dans la collecte, le tri ou le traitement des déchets. La revente de matériaux après collecte sélective, peut aussi représenter un gain financier pour la structure. Et dans un contexte de raréfaction et de fluctuation du coût des matières premières, la récupération des matières premières (dites secondaires) contribue à la sécurisation des approvisionnements du pays et à sa ré-industrialisation. Les enjeux sont également environnementaux, la pollution de la planète n’est plus à prouver et les dégradations écologiques lors de la décomposition des éléments dangereux, les intoxications, étouffements ou blessures causés à la faune lorsqu'elle absorbe ou s'accroche aux déchets sont des évènements, hélas, courants. Enfin, notons l’enjeu politique li é au fait que certains déchets récupérés dans les DEEE (notamment le plastique à fort pouvoir calorifique) permettent, lorsque le volume est conséquent, de s’affranchir des énergies fossiles comme le charbon ou le pétrole. Ces énergies « renouvelables » vont à leur tour alimenter en chaleur les cimenteries, les hôpitaux et les écoles, tout en diminuant la dépendance envers les pays producteurs d’énergies fossiles. Comme la plupart de ces ressources fossiles vont atteindre (ou ont déjà atteint) leur pic, le passage aux ressources renouvelables est d’autant plus important sur les plans économique, environnemental, sécuritaire et sanitaire. En matière de risques, les DEEE ne sont pas en reste. La pollution liée aux déchets et aux matières dangereuses qu’ils contiennent entraine un risque sanitaire : intoxications (pollution de l’eau et de l’air) et maladies associées (cancers, atteintes des voies respiratoires, malformations fœtales, troubles du système nerveux etc..), sans parler des mauvaises conditions de travail de la filière dans certains pays du globe. Enfin, il ne faut pas sous-estimer le risque cybercriminel induit par une mauvaise gestion des DEEE. L’exposition des données à l’espionnage industriel ou à d’autres fins malveillantes est une réalité : la récupération des données dans les ordinateurs et smartphones peut constituer une vraie valeur marchande pour les cybercriminels.

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4. Processus de traitement des DEEE

De quoi s’agit-il ?

On considère comme DEEE tout produit usagé fonctionnant sur pile, secteur ou batterie, comme les téléphones, ordinateurs, appareils électroménagers (réfrigérateurs…), mais également les équipements tels que les cuisines professionnelles, les climatiseurs, les distributeurs automatiques, etc. Les pays industrialisés produisent entre 20 et 50 millions de tonnes de DEEE chaque année.

Alors que certains équipements étaient jusqu’ici exclus de la définition, à partir du 15 août 2018, tous les EEE seront concernés par la directive et seront obligatoirement classés selon les catégories suivantes :

1. Equipement d'échange thermique 2. Ecrans, moniteurs et équipements comprenant des écrans d'une surface supérieure à

100 cm2 3. Lampes 4. Gros équipements 5. Petits équipements 6. Petits équipements informatiques et de télécommunications 7. Panneaux photovoltaïques

A noter qu’il existe dans la réglementation, une hiérarchie des modes de traitements des déchets qui consiste à privilégier dans l’ordre : la prévention de la production, la préparation des déchets pour leur réemploi, le recyclage et enfin la valorisation (notamment la valorisation énergétique) et enfin leur élimination. La réutilisation et le recyclage des EEE et de leurs composants et matériaux ne doivent pas être empêchés, si ce n'est pour des motifs justifiés de sécurité ou d'environnement.

Paradoxe n°1 : la directive précise que la valorisation et la réutilisation des DEEE seront toujours préférées à leur destruction. Or en 2015, seul 1% des DEEE collectés en France a échappé à la destruction, pour être réutilisé.

Comment les récupère-t-on Dans les années 1980, l’OCDE définit la notion de responsabilité élargie du producteur (REP) qui sera formalisée en 2001 dans un guide à l'attention des pouvoirs publics. Objectif recherché : produire moins de déchets et moins de déchets non recyclables ou non biodégradables. Ce document sera mis à jour en 2016 : « Extended Producer Responsability : Updated Guidance for Efficient Waste Management »9. La REP y est définie comme « un

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instrument de politique environnementale dans laquelle la responsabilité du producteur pour un produit est élargie à l’étape post-consommation de la durée de vie de ce produit ». Depuis 2012, toute surface de vente d’EEE de plus de 400m² se doit de récupérer sans obligation d’achat tous les EEE usagés de moins de 25 cm. De façon générale, le recyclage des appareils électriques ménagers (ceux du grand public) est financé d’avance par l’éco-participation payée au moment de l’achat. Quand un consommateur européen achète un appareil électrique ou électronique, le prix d’achat comprend une éco-participation pour recycler son appareil en fin de vie. Selon les pays, cette contribution varie, par exemple de 10 à 20 euros pour un réfrigérateur. Partout en Europe, le montant de l’éco-participation pour un appareil est inférieur au coût global du recyclage car on vend plus d’appareils neufs qu’on n’en recycle dans la filière agréée. Ainsi, l’éco-participation de 2 réfrigérateurs neufs finance le recyclage d’un appareil usagé qui entre dans la filière agréée. Très concrètement, les entreprises concernées par les filières REP peuvent opter : - pour une organisation individuelle, en assumant chacune la collecte et le traitement des

déchets issus des produits qu’elles mettent sur le marché ; - pour une organisation mutualisée, où elles créent une entité en charge d’assurer cette

collecte et ce traitement ; - pour une organisation collective, en transférant la responsabilité à un « éco-organisme »

financé par ces entreprises. C’est cette solution qui est la plus communément utilisée par les producteurs en France.

Figure 4: Cycle de vie d'un équipement électrique et électronique

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Quelles sont les matières récupérées ? Recycler les DEEE permet de séparer et valoriser des matériaux divers qui peuvent être à nouveau réutilisés pour d’autres équipements (métaux, plastiques, verre, etc.). En France, on estime qu’en moyenne 80% du poids des EEE sont revalorisés en matières premières qui iront vers l'industrie et serviront à la fabrication d’autres produits. Le reste est soit brûlé (valorisation énergétique), soit stocké en tant que déchet ultime.

Figure 5: Cartographie simplifiée des flux de DEEE

A partir des flux de DEEE très hétérogènes, les procédés de traitement actuels sont capables de trier jusqu’à 60 fractions différentes de matériaux avec des degrés de pureté de plus de 90% sur certaines matières, d’après l’ADEME. Les DEEE contiennent de la ferraille, du plastique, du verre mais également à moindre échelle de l’argent, de l’or, du cuivre, du plomb et une large palette de métaux rares et chers (lanthane, cerbium, europium, euridium, neódyme, terbium, etc.) qu’on appelle communément « terres rares » en raison des difficultés de leur extraction (coût, pollution). Pour chacune des grandes catégories de DEEE, les types de matériaux récupérés se répartissent suivant les schémas ci-dessous :

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Figure 6: Récupération des matières par type d'équipement

Figure 7: Composition des DEEE toutes catégories confondues

En 2011, une étude réalisée au Maroc, où l’industrie de récupération des métaux contenus dans les DEEE fait défaut, a révélé que sur un échantillon de 38 ordinateurs représentant près d’une tonne d’équipement, 74% du total de ces déchets étaient valorisables10.

Source : ADEME

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Figure 8: Bilan des pièces et matériaux pouvant être extraits d’une tonne d’ordinateurs

Evolution des technologies de recyclage Du fait de la complexité des éléments entrants dans leur composition, les procédés de traitement des DEEE font appel à de nombreuses technologies très différentes les unes des autres. Ces procédés doivent être capables, tout à la fois, de dépolluer en éliminant les substances dangereuses et d’assurer un taux de revalorisation supérieur à 80%. La récupération des métaux, surtout rares ou critiques, ainsi que le tri des différents types de plastiques sont des enjeux majeurs. Il est donc nécessaire d’optimiser chaque étape de traitement du déchet pour garantir un coût le plus faible possible, et en extraire une matière qui pourrait concurrencer la matière première vierge. Sur les premières étapes du procédé de traitement, les usines utilisent des lignes différentes en fonction du type de déchets : écrans, gros électroménager, petit électroménager. Cependant les étapes sont similaires :

1. Dépollution : retrait des fluides, mousses isolantes, piles, batteries, etc. 2. Démantèlement : manuel ou mécanisé, associé à une première étape de tri 3. Broyage 4. Tri : manuel ou automatique

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Après ce tri, certains éléments sortants nécessitent des traitements supplémentaires pour être valorisés : c’est le cas des cartes électroniques et des plastiques notamment.

Comme nous l’avons vu plus haut, les procédés de traitement sont capables de trier de nombreux matériaux à des taux de pureté relativement élevés. Cependant, obtenir de tels résultats nécessite le traitement de volumes de déchets extrêmement importants : pour des produits dits riches (cartes d’ordinateurs par exemple), on obtient ainsi 150g de métaux précieux pour 1 tonne de DEEE traitée. La concentration des sites de traitement paraît donc inéluctable.

Valeur commerciale des matières premières secondaires De nombreuses matières premières sont cotées en bourse et le cours des métaux est souvent très volatil. Pour les métaux précieux comme l'or ou l'argent, la cotation de référence est celle du London Bullion Market Association (LBMA) qui établit des cotations de prix (fixing) deux fois par jour. Les transactions des métaux dits "non ferreux" (aluminium, cuivre, plomb et zinc) passent majoritairement par le London Metal Exchange (LME), qui représente 80% des échanges mondiaux. L'acier, l'inox ou la ferraille ne font pas l'objet de cotation en bourse et sont échangés par contrats entre acheteurs et vendeurs (de gré à gré), ou par l'intermédiaire de négociants.

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Figure 9: Évolution des cours de déchets non-ferreux en 2017 Source : l’officiel des déchets- septembre 2017

Paradoxe n°2 : A partir de 50 000 téléphones portables, 1 kg d’or et 10 kg d’argent peuvent être extraits, d’une valeur avoisinant les 40 000 euros. Mais seulement 1% des téléphones mobiles sont actuellement recyclés en Europe. En France, sur les 25 millions de téléphones mis sur le marché chaque année, seuls 15% sont collectés pour être réparés, réemployés ou recyclés.

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Chapitre 2 : Terrains d’affrontements dans le monde

1. Dépendance Europe-Monde

Dépendance aux matières premières Une spéculation est opérée quotidiennement sur les matières premières recyclées, et la moindre annonce de gros acheteurs entraine immédiatement une réaction sur les marchés boursiers. Ainsi celle d’un des plus gros acheteurs européens qui décrétait en septembre 2016 qu’il n’acquerrait plus aucun tonnage de cuivre avant novembre de la même année. De même, l’annonce par la Chine de son intention d’interdire d’ici fin 2018 l’importation de certains déchets métalliques comme le cuivre basse teneur a automatiquement entrainé un effondrement du cours de ce dernier alors que celui du cuivre raffiné, préféré par les Chinois, s’envolait. Par ailleurs, au sein même du marché européen, des écarts considérables peuvent exister, comme sur les déchets de zinc pour lesquels l’Italie propose une offre d’achat à 2 000 euros la tonne lorsque les nord-européens (France comprise) ne vont pas au-delà des 1 900 euros. Enfin, les évènements politiques peuvent influencer le cours d’un métal, comme la décision en 2014 de l’Indonésie d’appliquer un embargo radical sur ses exportations de nickel et une restriction de sa production minière. Un scandale a même éclaté en Chine la même année, lorsque des banques internationales (parmi lesquelles figuraient Natixis et BNP Paribas) ont soupçonné un vaste trafic sur les stocks de métaux (nickel et zinc) qui leur était présentés comme des garanties adossées à des prêts. En réalité, les mêmes stocks présents dans le port chinois de Qingdao avaient été utilisés à plusieurs reprises pour obtenir des financements.

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Figure 10: Influence des évènements politiques sur le cours du Nickel

Sur le marché international, la demande en matières premières est tirée vers le haut pour plusieurs raisons. L’augmentation de la consommation des appareils électriques et électroniques reste le facteur majeur. En effet, les technologies ne cessent d’évoluer et les consommateurs sont incités par des méthodes marketing offensives à renouveler régulièrement leurs équipements. Il en va ainsi des fabricants de téléphones mobiles qui sortent plusieurs modèles par an, et de ceux des télévisions qui voient leurs ventes augmenter à la veille de chaque évènement sportif. Plusieurs évolutions technologiques révolutionnent notre quotidien (internet des objets connectés, voiture électrique, impression 3D, etc.) et augmentent massivement la demande en matières premières, de plus en plus rares et chères. Le débat est ouvert entre supporters de la « loi de Moore » qui prédisent que les machines électroniques seront de moins en moins coûteuses et de plus en plus puissantes, et ceux du club de Rome qui appellent à une « halte à la croissance » : controverse entre d’une part l’évolution technologique dans le domaine du recyclage et d’autre part la raréfaction des matières premières. En 2016, une mission d’information sur la fabrication des téléphones portables, dirigée par une sénatrice écologiste française11, a pointé les problèmes géopolitiques et éthiques engendrés par l’importation de métaux précieux. Ainsi du tantale qui est extrait de territoires de République Démocratique du Congo plongés dans des conflits armés où trafics humains, violence et corruption font loi. Certains sous-traitants sont également pointés du doigt pour leur non-respect des normes élémentaires du droit du travail. Le rapport souligne la dépendance européenne et française aux matières premières dites rares, et les difficultés d’approvisionnement à moyen et long terme.

Concurrence dans les technologies d’extraction Assurer un accès fiable et sans entrave aux matières premières est essentiel pour l'UE. Les actions de la Commission européenne visant à assurer un approvisionnement durable de ces matériaux ont donné lieu à l’élaboration d’une stratégie et de priorités que l’on peut résumer en deux axes : - d’une part, une transition vers une industrie économe en matières premières, en

privilégiant des processus collaboratifs, des partenariats entre les acteurs, des engagements des collectivités locales ;

- d’autres part le développement d’une diplomatie des matières premières conduite au niveau européen pour garantir les approvisionnements en minéraux stratégiques, tout en visant à remplacer les matières minérales par des matières renouvelables.

Dans la pratique, et selon les types de déchets, les objectifs européens sont difficiles à atteindre du fait de la concurrence entre pays. Au cas par cas, et en fonction des matières, la situation est la suivante : Cas des cartes électroniques : Les broyats de cartes électroniques sont intégrés dans des installations hydro ou pyro-métallurgiques en même temps que des minerais ou d’autres déchets métallurgiques. Cette

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introduction doit se faire en quantité limitée du fait du fort pouvoir calorique de ces broyats de cartes. 9 acteurs principaux interviennent dans ce domaine : - Boliden (Suède) - Umicore (Belgique) - Aurubis (Allemagne) - Xtrata (Canada) - 1 acteur en Corée - 4 acteurs au Japon

En France, 2 acteurs existent sur ce marché : - Terra Nova propose un procédé de prétraitement des cartes permettant de réduire leur

teneur en gaz organiques et donc d’augmenter la part de broyats de carte dans les installations métallurgiques. Il faut noter que cette entreprise a été lourdement affectée par l’effondrement du cours des métaux en 2011 et le peu de volumes de cartes recyclées. Endettée et placée en redressement judiciaire en 2014, c’est une entreprise américaine, MCC, spécialisée dans le recyclage qui l’a rachetée.

- Bigarren Bizi est une jeune société de la région bordelaise qui développe un procédé de traitement mécanique permettant de récupérer le plastique (perdu dans les autres procédés) et le tantale (non récupéré par les autres procédés).

Cas du plastique : Plus de 20 types de plastiques sont présents dans les DEEE. L’enjeu pour les industriels du retraitement est d’être à-même de séparer ces différents plastiques les uns des autres. La première séparation a lieu entre les plastiques contenants des RFB (Retardateur de Flammes Bromé) et ceux n’en contenant pas. En effet, les RFB sont des composés dangereux qui doivent être éliminés selon des normes strictes. En France, l’application de la norme CENELEC est imposée par les éco-organismes. Par conséquent, l’industrie française est en avance sur les technologies de dépollution des plastiques contenant du RFB. Les industriels allemands, dont les installations sont plus anciennes, ne retraitent pas ces plastiques. Ils ont donc un double avantage concurrentiel avec des installations amorties et des coûts de traitement moindres. Le marché pour le plastique est un marché mondial sur lequel la matière recyclée est parfaitement acceptée par les industriels et notamment lorsqu’elle présente le niveau de qualité équivalent à celle des installations françaises. Cas des terres rares et des métaux critiques : Les procédés existants aujourd’hui à une échelle industrielle ne permettent pas la récupération de la totalité des métaux critiques et/ou des terres rares. Il s’agit d’un fort enjeu de recherche et développement pour les pays qui souhaitent diminuer leur dépendance vis à vis des pays extracteurs et principalement de la Chine. Au niveau mondial, le Japon est le premier pays en termes de dépôt de brevets sur ce sujet. En Europe, l’Allemagne occupe la première position, suivie par la France.

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Paradoxe n°3 : Un des points faibles de la France réside dans le transfert de ces projets R&D vers des processus industrialisés. En effet, les projets se concentrent sur l’extraction des parties métalliques mais aucunement sur les phases amont de tri et de pré-traitement qui permettent de maximiser les volumes et donc de rendre les installations rentables.

Pour illustrer la guerre économique autour des matières premières, prenons le cas de l’acier. En 2017, l’association internationale de l’acier World Steel a, pour ses 50 ans, publié quelques chiffres édifiants qui démontrent le chamboulement de la géographie de l’acier sur le dernier demi-siècle : en 1967 la Chine comptait pour 2,1% de la production mondiale et en 2000 pour 15%. En 2016, elle a frôlé la moitié avec 49,6% de la production mondiale. Dans le même temps, la part de l’Europe (hors ex-URSS) est passée de 33,5 à 12% et celle de l’Amérique du Nord de 26 à 7%. Parmi les pays émergents, la Corée du Sud, inexistante sur le marché mondial il y a 50 ans, représentait 4,2% en 2016.

Dépendance énergétique Un autre enjeu géopolitique est celui de la dépendance de l’Europe en énergie fossile. Le pétrole, le gaz, le charbon sont d’excellents carburants qui restent indispensables pour assurer les transports, la production d’électricité, le chauffage, le fonctionnement des usines, etc. Les cimenteries sont particulièrement gourmandes en énergie et les déchets plastiques (très calorifiques et très présents dans les DEEE) représentent une manne énergétique très peu exploitée, particulièrement en France. Rien que pour cette matière, l’Europe dispose d’un gisement équivalent à un milliard de barils de pétrole. Une étude réalisée par le Groupe Total sur le mix énergétique prévoit une augmentation de 18% de l’utilisation des énergies renouvelables d’ici à 2035.

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Figure 11: Dépendance énergétique de l'Europe

On le voit au travers des éléments identifiés dans ce chapitre, il s’agit pour l’Europe d’un enjeu de survie face à cette dépendance à l’énergie et aux matières premières. L’une des armes utilisées par l’UE passe par une réglementation qui se doit d’être plus précise sur les définitions, mais aussi sur sa transposition en droit national, et plus stricte sur les audits et les sanctions.

2. Le rôle déterminant de la législation

Rôle sur les sanctions La plupart des DEEE ont un coût de dépollution, de démantèlement et de traitement élevé qui ne peut pas être totalement compensé par la revente des matières premières. Cet élément pourrait expliquer qu’un grand nombre de déchets électriques et électroniques échappent encore aux statistiques car ils alimentent des circuits parallèles, voire mafieux. Selon un rapport d’Interpol, « les équipements électriques et électroniques représentent le flux de déchets affichant la plus forte croissance à l’échelle mondiale. Le seul poids des DEEE produits en Europe et mal gérés équivaut à un mur de 10 mètres de haut reliant Oslo à la pointe de l’Italie »12.

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Une des faiblesses de la directive européenne réside en l’application hétérogène de ses lignes directrices et des sanctions juridiques et financières en matière de DEEE dans les différents pays de l’union. L’étude met en évidence des cas de fraudes, d’évasions fiscales, de blanchiments d’argent dans les pays les plus laxistes.

Figure 12: destination finale des DEEE en Europe (en Millions de tonnes)

Un documentaire, diffusé sur la chaine de télévision française Arte en octobre 2017, démontre le lien entre les activités mafieuses de l’Italie et le traitement des déchets de toute l’Europe. Le documentaire dénonce l’hypocrisie des industriels nord-européens qui veulent réduire les coûts du traitement des déchets, notamment les toxiques issus des DEEE, au point de faire appel au crime organisé.

En Avril 2016, RECUPEL, l’éco-organisme chargé de la gestion des DEEE en Belgique, a lancé une étude pour percer le mystère de la fin de vie véritable des EEE belges. 90 balises GPS ont ainsi été installées sur des appareils électriques et électroniques en fin de vie. Ces appareils ont ensuite été déposés auprès de divers collecteurs. Le traceur GPS a permis de suivre pas à pas le chemin parcouru par ces DEEE et la conclusion est éloquente :

- Un appareil sur deux n’est pas arrivé à l’endroit où il devait l’être - 67 seulement ont pu être tracés - 6 appareils sont arrivés chez des collecteurs non agréés - 10 appareils ont été traités par des collecteurs qui ne disposaient pas de l’agrément

« traitement » mais uniquement de « collecte et stockage ». De même pour 11 réfrigérateurs traités par des recycleurs non habilités sur les équipements « froid »

- 1 appareil a été exporté aux Pays-Bas, ce qui est illégal

- 4 appareils sont arrivés dans des entreprises de recyclage totalement inconnues par les autorités belges.

3,3

3,15

0,75

0,75

1,5 Recyclage officiel

Recyclage non-officielVols

Poubelle

Exportations (plusou moins légales)

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Rôle sur les exportations de DEEE La Convention de Bâle interdit l’export de DEEE des pays membres de l’OCDE vers les pays non membres. En pratique, cela signifie que les expéditions de ces équipements, lorsqu’ils ne sont pas fonctionnels, doivent se conformer à un certain nombre de conditions et sont soumises à la notification préalable écrite du pays exportateur et au consentement préalable écrit du pays importateur. Comme indiqué au début de cette publication, un EEE en état de marche mais abandonné par son propriétaire sera considéré comme un DEEE. Il faut également préciser que les données sur les EEE neufs et usagés qui transitent vers ces pays du sud sont difficiles à obtenir car la distinction entre les deux catégories n’est pas faite dans les statistiques. Le manque de critères nationaux et internationaux sans équivoque, permettant de distinguer un EEE usagé d’un DEEE est le cœur du sujet sur les décharges africaines. Le deuxième problème est de définir si ces DEEE sont dangereux ou pas car il n’existe pas de norme internationale pour les distinguer. Pourtant, des dizaines d’articles et de reportages montrent des décharges à ciel ouvert dans les pays d’Afrique du fait de DEEE européens. Et ces pays ne disposent pas toujours des infrastructures permettant le traitement dans des conditions acceptables par les conventions internationales sur la protection de la santé humaine et de l’environnement. Qu’en est-il réellement ? Un rapport publié par le secrétariat de la convention de Bâle en collaboration avec plusieurs institutions gouvernementales européennes et africaines, révèle que les importations d’EEE usagés au Ghana en 2009 représentaient 70% des importations totales d’équipements. 30% d’entre eux n’étaient pas fonctionnels, mais on ignore combien ont fonctionné pendant une durée relativement courte. Le Ghana et le Nigéria sont les pays d’Afrique qui importent le plus d’EEE usagés. C’est aussi dans ces pays d’Afrique qu’un circuit informel mais bien organisé s’est constitué pour récupérer les matériaux de ces équipements hors d’état de fonctionnement. Tous les pays d’Afrique souffrent d’un manque d’infrastructures pour extraire les métaux précieux de ces DEEE. Les pratiques actuelles en Afrique, permettent de récupérer l’acier, l’aluminium et le cuivre. Le reste ira alimenter les décharges. Pour bien comprendre la situation, il faut sortir de la vision purement européenne avec des normes européennes, et analyser les aspects socio-économiques des DEEE en Afrique : l’utilisation de ces équipements modernes est encore faible en Afrique comparée aux autres pays de la planète. Mais ces dernières décennies, le taux de pénétration des ordinateurs personnels a été multiplié par 10 et celui des téléphones portables par 100. Et c’est bien ces importations d’EEE usagés qui ont permis l’équipement à moindre coût des ménages africains. Parfois les EEE sont remis en état de marche à partir de plusieurs équipements identiques, puis ils sont à leur tour revendus à des commerçants originaires d’autre pays du continent. Finalement, cette industrie du recyclage contribue à créer de l’emploi et permet d’assurer un revenu domestique à plus de 30.000 personnes au Ghana. À Delhi cela représente environ 150.000 personnes (0,9% de la population de la capitale). Au niveau national, ce secteur compte approximativement 2,86 millions de travailleurs, soit 0,23% de la population indienne

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totale. Le poids du secteur informel du recyclage des déchets en Inde est l’un des plus importants en comparaison avec les autres pays du monde13. Le travail effectué permet de réduire et de recycler les déchets. Les impacts socioéconomiques négatifs14 font qu’on assiste à un effet d’exode rural15 et de formation de bidonvilles à la suite de l’afflux important de la population vers les centres urbains, les travailleurs ont des journées de travail très longues, en général 7 jours sur 7, ils n’ont pas de sécurité sociale et n’ont donc pas droit aux congés

maladie ni aux congés périodiques afin de se reposer. En travaillant dans le secteur informel, ils ne sont pas légalement enregistrés au niveau étatique et sont à la merci de leurs employeurs. Ceci dit, la collecte et le recyclage des DEEE posent réellement un problème sanitaire. Ces activités étant effectuées uniquement par les personnes les plus défavorisées (migrants, enfants..), dans une filière non agréée, cela engendre forcément des pratiques de recyclage dangereuses (démantèlement au marteau et au burin, utilisation de produits toxiques, abandon dans la nature ou incinération à ciel ouvert des déchets non recyclés). C’est donc un manque de sensibilisation, de prévention, de moyens de protection et de technologie qui font cruellement défaut dans ces pays du sud. Il est donc urgent qu’ils légifèrent à leur tour en s’inspirant des réglementations existantes afin de protéger leurs populations et leur environnement tout en favorisant leur croissance. Malgré les déclarations et enregistrements erronés d’exportations d’EEE, le rapport de la convention de Bâle fournit quelques indications sur ces exportations. C’est le Nigéria qui domine les pays importateurs d’EEE alors que le Royaume Uni domine la liste des pays exportateurs d’EEE, suivi par la France.

Paradoxe n°4 : Alors qu’elle s’indigne des décharges à ciel ouvert dans certains pays d’Afrique et qu’elle manque de volume pour industrialiser ses propres techniques d’extractions de matières premières, la France est le 2ème exportateur d’EEE usagés en Europe.

Chapitre 3 : les affrontements sur le terrain européen

1. Etats des lieux

Un certain nombre de grands principes caractérisent la politique de gestion des déchets en France et en Europe. Le principe du pollueur-payeur veut que « les frais résultants des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur », selon le Code de l’Environnement. Il doit ainsi exister une incitation économique à la réduction des activités polluantes, ce qui inclut la production de

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déchets. La contribution du pollueur peut prendre différentes formes : taxation, obligation de développer un plan de prévention et de collecte, etc. Le principe de proximité veut que les déchets soient traités sur les sites appropriés « les plus proches ». La notion de proximité est très relative selon qu’il s’agisse de déchets ménagers organiques destinés à une autoproduction de compost, de déchets ménagers ordinaires traités au niveau de la commune ou de la communauté de communes, ou encore de déchets spécifiques comme les pneus faisant l’objet de programmes nationaux. Ce principe est parfois difficilement conciliable avec la recherche d’économies d’échelles qui permettraient de diminuer les coûts de traitement. La Responsabilité Elargie du Producteur (REP) veut que, pour certains déchets bien identifiés, le producteur soit très étroitement associé à la gestion de tous les déchets intervenant dans le cycle de vie du produit. Libre à lui de gérer seul la collecte et le traitement des déchets, ou de s’associer à un éco-organisme dédié à la collecte et au traitement des déchets financé par un groupement d’entreprises du même secteur. Selon les pays de l’union, les régimes de REP peuvent couvrir des produits supplémentaires comme les huiles usagées, les médicaments ou les fluides frigorigènes fluorés. En France, les « filières REP » encadrées sont au nombre de onze, et concernent notamment les emballages ménagers, les pneumatiques, les véhicules hors d’usage (VHU), les piles et accumulateurs, les médicaments, les DEEE, etc. Ces filières sont alimentées par des contributions de « producteurs » s’élevant à plus d’un milliard d’euros pour l’année 2014. Très concrètement, les entreprises concernées par les filières REP peuvent opter : - pour une organisation individuelle, en assumant chacune la collecte et le traitement des

déchets issus des produits qu’elles mettent sur le marché ; - pour une organisation mutualisée, où elles créent une entité en charge d’assurer cette

collecte et ce traitement. Un seul cas a existé en France, celui des fabricants et distributeurs de pneumatiques, mais la structure existante (Aliapur) deviendra un éco-organisme fin 2015 ;

- pour une organisation collective, en transférant la responsabilité à un éco-organisme financé par ces entreprises.

L’utilisation d’éco-organismes pour organiser les filières REP est privilégiée. Les éco-organismes ont un statut privé et sont gouvernés par leurs contributeurs. Si la création de l’éco-organisme matérialise une orientation règlementaire (par opposition à une démarche volontaire), alors cet éco-organisme doit répondre à un cahier des charges fixé par l’Etat et se voit imposer des obligations de moyens (financements) et de résultats (taux de collecte, de recyclage, etc.). L’éco-organisme se voit décerner un agrément par arrêté ministériel portant sur une période limitée et normalement conditionné à l’atteinte de résultats quand il s’agit d’un renouvellement. Plusieurs éco-organismes peuvent coexister au sein d’une filière REP. Les éco-organismes ne doivent théoriquement pas poursuivre de but lucratif, même si leur statut de société par actions simplifiées le permet, et que des abus ont déjà été caractérisés et sanctionnés16. Dans la pratique, on trouve trois grands types d’éco-organismes :

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- les éco-organismes « financiers » qui se contentent de collecter les contributions et de les reverser aux collectivités locales en charge de la gestion des déchets (éco-organisme de l’emballage, par exemple) ;

- les éco-organismes « organisateurs » qui prennent en charge la collecte et le traitement des déchets via des appels d’offres ;

- les éco-organismes « mixtes » qui associent contributions financières aux collectivités locales et gestion des déchets via des appels d’offres (éco-organisme des meubles, par exemple).

De nombreux débats existent sur la qualité de la gouvernance et du contrôle des éco-organismes de la part notamment d’ONG et de représentants des collectivités. Parmi les critiques les plus récurrentes, citons le fait que les éco-organismes soient en autogestion, que les montants versés restent insuffisants, que la formulation des objectifs soit trop vague, qu’il ne soit pas prévu de pénalités financières en cas de non-atteinte d’objectifs, etc.

Figure 13: Application de la directive européenne en Europe en matière d’organisation

Une étude réalisée en 2014 par le cabinet Deloitte pointe le manque de transparence en matière de données sur les DEEE en Europe. Alors que l’étude portait sur un benchmark européen relatif aux filières REP, il n'a pas été possible d'obtenir des informations financières pour la filière DEEE. L'explication donnée par le secteur lie ce manque général de transparence au niveau élevé de concurrence sur le marché des DEEE, ce qui rendrait difficile le partage d'informations économiques, même agrégées. Sur toutes les autres filières REP, l’étude a pu détailler les spécificités de chaque pays européen. Cela prouve l’enjeu économique autour des DEEE. D’une part, une sévère concurrence s’opère entre les organismes chargés de la

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collecte, d’autre part, les méthodes de collecte et de communication des données diffèrent d'un pays à l'autre de l’Union. À ce jour, la filière de recyclage manque en particulier d’infrastructures nécessaires pour le traitement des cartes électroniques qui concentrent les enjeux techniques, économiques et environnementaux du recyclage des téléphones portables. Les limites de la filière française ont été soulignées par Frédéric Goettmann, président de l’entreprise Extracthive, lors de son audition au cours de la mission parlementaire citée plus haut : « Les sociétés qui disent faire du recyclage de déchets électroniques ne font que du broyage et de la séparation physique. Les cartes sont envoyées aux trois recycleurs du nord de l'Europe ». En effet, les exutoires de la filière sont très largement situés à l’étranger. L’essentiel de la valeur des déchets, concentrée dans les cartes électroniques, échappe à la filière française. Elle est récupérée par trois grands affineurs européens : Umicore en Belgique près d’Anvers, Aurubis en Allemagne et Boliden en Suède.

Paradoxe n°5 : Outre la perte de valeur pour les entreprises françaises, le transfert des déchets vers d’autres pays remet en cause la priorité accordée au principe de proximité.

2. Divergences européennes : le cas allemand

Au 31 décembre 2015, l’ensemble des pays de l’Union Européenne avaient transposé la directive sur les DEEE, et tous avec un retard par rapport à la date butoir du 14 février 2014. Mais dans l’ensemble, tous ne l’ont pas fait avec la même complétude puisque certains pays (comme la France) ont publié des guides d’application alors que d’autres devaient encore adopter d’autres actes complémentaires de transposition. En pratique, tous les pays européens n’ont pas fait le même choix d’organisation. En Autriche, à Chypre, en Espagne, en Estonie, en France et aux Pays Bas, le système pour les DEEE ménagers est en pratique actuellement 100% collectif, malgré la possibilité de s’organiser individuellement. En Suède, les producteurs d’EEE ménagers doivent obligatoirement adhérer à un système collectif, sans possibilité de s’organiser individuellement. A l’opposé, en Allemagne, les producteurs d’EEE ménagers ont une obligation individuelle de reprise des équipements qui n’est pas transférable à des tiers. Dès lors, il n’y a pas d’éco-organisme en Allemagne comme on l’entend en France.

Chronologie : directives européennes, organes de mise en œuvre En avril 2002, quelques mois avant l’entrée en vigueur de la directive européenne sur les DEEE, une organisation internationale basée à Bruxelles, the Waste Electrical and Electronic Equipment Forum (WEEE forum), est créée pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de la directive. Elle regroupe 31 éco-organismes nationaux (« producer compliance organizations ») des différents Etats-membres. L’Allemagne n’est pas représentée par une telle organisation et n’est donc pas présente.

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En 2004, l’Allemagne crée une fondation, Stiftung ear, pour s’assurer de la mise en œuvre de la directive. Elle regroupe plusieurs producteurs allemands. En mars 2006, l’Allemagne prévoit que les producteurs doivent s’organiser individuellement. La fondation n’a aucun rôle dans les opérations, la collecte est organisée par les communes, le reste des opérations est gérée par les producteurs. En octobre 2006, un réseau d’agences européennes, European WEEE Registers Network (EWRN) est créé pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de la directive. Il est physiquement hébergé en Bavière par la Stiftung ear à Fürth qui en est membre, et regroupe les organisations gouvernementales en charge du sujet. La France est représentée par l’ADEME. En avril 2013, 25 membres (producer compliance organizations / éco-organismes) fondent WEEELABEX, qui a pour objectif de définir les standards de bonne pratique sur le sujet des DEEE. Il se charge aussi de certifier les opérateurs de collecte, tri, retraitement. Aucun membre allemand n’est présent. En octobre 2013, 17 membres fondent WEEE Europe à Munich, Bavière, pour mettre à disposition des producteurs une plateforme de déclaration pan-européenne. Une entreprise allemande est présente dans le tour de table, Zentec (CA : 100M€). Le lancement sera effectif en juillet 2016. WEEE Europe déclare que ses membres traitent 50% des volumes européens. En mai 2015, la Commission européenne assigne l’Allemagne devant la Cour de Justice européenne pour défaut de transposition de la directive WEEE dans ses lois et pour la non-atteinte des objectifs de collecte. En octobre 2015, le ministère allemand de l’écologie transmet la charge de la mise en œuvre de la directive par la fondation.

Figure 14: Chronologie organisations internationales et paysage institutionnel en Allemagne

En résumé, depuis 15 ans l’Europe et des acteurs éco-organismes nationaux s’organisent pour structurer la filière en s’adressant à la fois aux producteurs et aux opérateurs de la chaîne de traitement. L’Allemagne n’est pour ainsi dire pas présente dans ces schémas et a organisé son

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circuit, en laissant les producteurs s’organiser eux-mêmes. L’Allemagne ne veut donc clairement pas s’insérer dans ce circuit. Question : quel est le schéma économique existant qui fait que les producteurs et les opérateurs de retraitement allemands appliquent différemment la directive européenne ? Intéressons-nous rapidement à l’application de la directive en France avant de la comparer au système allemand. Nous reviendrons plus loin, et en détail sur le système français.

Application de la directive en France En France, tous les producteurs d’EEE ménagers ont choisi l’adhésion à un éco-organisme agréé plutôt qu’à un système individuel approuvé, comme l’autorisait la directive. Pour les DEEE professionnels, les producteurs n’ont pas d’obligation d’approbation s’ils choisissent le système individuel, et la possibilité de déléguer à l’utilisateur final de l’équipement la gestion de la fin de vie de celui-ci a été supprimée par le décret 2014-928. Ils ont donc pour la plupart adhéré à un éco-organisme. Ceux qui choisissent le système individuel ont l’obligation de fournir une attestation de conformité réglementaire, qui consiste en un engagement du producteur à s’acquitter de ses obligations, lors de leur déclaration au registre national DEEE. Les acteurs : Le 30 décembre 2015, trois arrêtés portant agrément des éco-organismes pour les DEEE ont été publiés au Journal Officiel. Trois entreprises, Ecologic, Eco-Systèmes et Récylum, peuvent prendre en charge la collecte et la valorisation des déchets d’équipements électriques et électroniques, depuis le 1er janvier 2016 pour une période de six ans. L’agrément d’ERP n’a pas été renouvelé (voir encadré sur ce cas de guerre économique). Ecologic, Eco-Systèmes et Récyclum sont donc les principaux acteurs de collecte et de traitement des DEEE ménagers et professionnels en France. Au 1er janvier 2018, ces deux derniers fusionneront dans une nouvelle entité baptisée ESR (Eco-Systèmes-Récylum). Grâce à cette fusion, ESR disposera d’un budget annuel de l’ordre de 300 millions d’euros, essentiellement financé par l’éco-contribution payée par les particuliers lors de l’achat d’un nouvel équipement. Au total, la nouvelle entité regroupera les 33 actionnaires d’Eco-Systèmes, les 4 de Récylum, en plus de 4 nouveaux entrants : Legrand, Hager, Schneider Electric et Trilux.

Figure 15: Parts de marché des éco-organismes de DEEE pour 2016 - ADEME

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Le processus : Les flux physiques de DEEE ménagers s’organisent essentiellement autour de trois types de points de collecte : - collectivités locales (déchetteries, etc.) - distributeurs - acteurs de l’économie sociale et solidaire Les flux physiques de DEEE professionnels, quant à eux s’organisent autour des producteurs (lorsqu’ils ont mis en place un système individuel) et des éco-organismes. L’organisme coordonnateur attribue les points de collecte aux éco-organismes en fonction de leur part de marché.

Paradoxe n°6 : en France, la filière de retraitement des DEEE est financée par les particuliers (via la contribution visible nommée aussi éco-contribution ou éco participation), mais ce sont les fabricants de matériels qui pilotent les éco-organismes agréés. Résultat, les fabricants n'ont pas intérêt à privilégier le reconditionnement et réutilisation comme l’impose la hiérarchie des déchets énoncée par la Directive, car les produits d'occasions font concurrence aux produits neufs qu'ils vendent.

Spécificité allemande Alors qu’en France les éco-organismes sont des sociétés à but non lucratif chargées de collecter les éco-contributions des pollueurs pour les redistribuer au recyclage, en Allemagne, les éco-organismes sont à but lucratif et émanent des recycleurs. Les acteurs : Nous avons identifié plusieurs types d’acteurs - une (1) fondation, organe de régulation - des syndicats professionnels - des producteurs et des mandataires - des communes / acteurs publics - des mandataires - des collecteurs / recycleurs La fondation Stiftung ear : Cette fondation a été créée par le ministère de l’écologie allemand. Elle s’assure que la loi est bien appliquée. Elle est entre autres chargée de tenir le registre des producteurs de DEEE. Elle a le rôle majeur d’assigner aux producteurs les volumes de DEEE à récupérer, suite aux retours d’information des mandataires. Des syndicats professionnels : Quatre (4) d’entre eux nous paraissent notables. Ils ne sont pas directement impliqués dans le processus lui-même, néanmoins ils ont bien évidemment une partie prenante dans le cadre de la définition des règles.

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Le premier est directement lié au métier du recyclage des déchets : il s’agit du Bundesverband Sekundärerohstoffe und Entsorgung (BVSE) qui regroupe les entreprises du secteur. Le DEEE est un des secteurs couverts par ces entreprises. A noter, le syndicat BVSE souligne dans son analyse que les conditions de marché pour les DEEE en 2016/2017 sont de plus en plus difficiles et qu’elles poussent à la faillite les plus petits acteurs, au risque de créer un marché de plus en plus oligopolistique au niveau de l’offre. ZVEI est le syndicat professionnel des entreprises du high-tech. Sa position sur la directive de 2015 est qu’un surcoût va être enregistré par les producteurs. BITKOM est le syndicat professionnel des entreprises du digital en Allemagne. Il est notable que ce syndicat a créé son propre mandataire, weee-full service. Nous avons identifié une déclaration commune des deux syndicats au sujet de la nouvelle loi sur les DEEE en mars 2015, soit peu de temps avant la nouvelle version de la directive européenne17. Nous constatons que les deux syndicats émettent un doute sur la pertinence d’étendre la collecte aux points de vente. Par ailleurs, ils se prononcent également en faveur d’un système de concurrence entre les circuits et opérateurs de retraitement. Enfin, VERE Verband est un syndicat professionnel créé par l’entreprise take-e-way qui se charge de positionner les enjeux des petites et moyennes entreprises allemandes sur les sujets relatifs aux DEEE. Des communes / acteurs publics : Selon la loi allemande, ce sont les communes et autres entités publiques locales qui sont en charge de la collecte. Elles doivent mettre à la disposition du public des lieux pour déposer les matériels usagers. Elles sont ensuite chargées de prévenir les producteurs pour qu’ils viennent récupérer les matériels usagés. Des producteurs / mandataires : Les producteurs sont des entreprises qui produisent les EEE vendus. Les mandataires sont des entreprises qui vendent leurs services aux producteurs. En Allemagne, selon la base de Stiftung, ce sont 27 000 producteurs et mandataires qui sont enregistrés. Sur le site de ZVEI, il est indiqué que 12 000 producteurs sont enregistrés en Allemagne. Les producteurs ont la responsabilité individuelle de la collecte, du tri et du traitement des DEEE. Des sites / entreprises qui retraitent les déchets DEEE : D’après la base de données en ligne du BVSE, 233 sites sont identifiés dans le pays (dont plusieurs sites pour une même entreprise). Il faudrait réaliser une étude de marché pour comprendre quelle est la structure des entreprises de ce secteur. Un des éléments qui nous a surpris est que nous avons trouvé pour l’entreprise Zentek, qui semble être un acteur allemand important, un chiffre d’affaires d’ « uniquement » 100 M€, et très vraisemblablement pour le traitement de nombreux types de déchets. On peut se demander si le secteur n’est pas très émietté, sans acteur majeur, comme la France avec des Veolia et Suez. Ce point est bien évidemment à confirmer.

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Si l’on résume, l’Allemagne privilégie un modèle qu’elle qualifie de concurrentiel, dans lequel : - le consommateur ne paie pas, en tout cas de façon visible ; - le producteur choisit ses prestataires de services pour la déclaration, la collecte, le

traitement ; - des entreprises se sont spécialisées dans les métiers ci-dessus, plus ou moins intégrés

selon les acteurs. Le processus

Figure 16: Acteurs et processus allemands

Le processus s’articule en 9 étapes : 1- Déclaration : le mandataire aide le producteur à réaliser ses déclarations d’entrée de

produits 2- Remontée de la déclaration : le mandataire transmet à la Stiftung ear les volumes mis

sur le marché par le producteur 3- Attribution des volumes : la Stiftung ear transmet au producteur son devoir de

collecte, proportionnel à ce qu’il introduit sur le marché 4- Collecte DEEE : elle est réalisée par des organismes publics allemands, notamment les

communes. 5- Récupération DEEE « bruts » : des entreprises sont sollicitées par les producteurs pour

réaliser la ramasse dans les points de collecte. 6- & 7- Transaction DEEE bruts : à un moment, nous imaginons que les producteurs

vendent à des entreprises, industriels ou négociants, les déchets qu’elles ont collectés. Nous n’avons pas réussi à trouver d’élément clair là-dessus.

8- Transformation matières brutes : cette opération est réalisée par l’industriel qui retraite les déchets

9- Revente matières secondaires : l’opérateur de traitement vend aux producteurs les matières premières secondaires.

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Les points de friction dans le processus Si l’on se pose la question de la comparaison des systèmes entre Allemagne et France, on peut identifier au moins 3 points de friction dans le processus qui peuvent créer une distorsion de concurrence entre les deux pays. Etape 1 : la déclaration peut différer, selon la transposition en droit national de la directive. Il semble que l’Allemagne discute systématiquement les exemptions et exceptions dans la classification des produits. Etape 4 : il semble que le système de collecte en Allemagne soit moins développé en nombres de points de collecte. En 2015, la collecte a été étendue aux points de vente. Etape 6 : c’est le moment où les déchets changent de main et où les transactions peuvent se réaliser en liquide contrairement à la France qui a restreint ses transactions en liquide notamment en raison de la réglementation contre le blanchiment et la lutte contre le terrorisme. Ce point de divergence peut aussi expliquer que des volumes importants de matériaux recyclés puissent échapper à la collecte française. Etape 8 le retraitement : selon les informations trouvées par ailleurs, le tissu industriel allemand dispose d’équipements de retraitement des plastiques assez ancien et donc amorti depuis longtemps.

Différence Allemagne / France Un des éléments qui distingue le système allemand du système français est qu’il n’y a pas d’éco-participation affichée, ce qui laisse penser que le client ne règle rien pour le produit. En réalité la réglementation allemande interdit l’affichage de l’éco-participation sur la facture du détenteur final18. La seconde différence est qu’il n’y a de réel éco-organisme en Allemagne : la Stiftung a uniquement un rôle de surveillance de « stocks » : stock de produits EEE mis en circulation, stock de DEEE récupérés et recyclés. De cela découle le fait que l’offre de service de déclaration est intégrée en France par Eco-Systèmes et ses partenaires par le biais de l’organisation WEEE Europe. On notera avec intérêt que le siège de cette organisation a été localisé à Munich, en Bavière, non loin de Fürth, où elle est localisée la Stiftung ear et la EWRN. Par ailleurs, WEEE Europe, qui regroupe un très grand nombre d’éco-organismes mais aussi l’entreprise allemande Zentek, déclare collecter environ 1,5 Mt de DEEE par an en Europe, soit environ 50% du volume total collecté. Il est donc très probable que WEEE Europe soit le premier fournisseur de services de ce type en Europe, et de loin. La troisième différence est que les éco-organismes européens ont procédé à un système de certification et de sous-traitance auprès d’acteurs locaux. Seuls ceux-là sont habilités à intervenir dans les opérations de traitement. Il y a ainsi un contrôle des opérateurs du marché par les éco-organismes. Si l’on essaie de résumer :

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L’Allemagne a un secteur économique du retraitement des DEEE plutôt émietté, sans acteur de très grande taille. Son outil industriel de retraitement des plastiques des DEEE est plutôt ancien, donc amorti et rentable, mais il ne permet pas de tout traiter.

Dans un tel contexte, notre hypothèse est la suivante : pour éviter que son « stock » de DEEE soit récupéré par des acteurs externes (et donc que de la valeur matière et de la vente de services industriels lui échappent) et pour ne pas voir les entreprises de son secteur disparaître sous une trop forte concurrence, l’Allemagne a intérêt à privilégier un « marché » qui va laisser à des acteurs de taille moindre la possibilité de subsister en offrant des services de proximité à des entreprises de taille petite ou moyenne. L’utilisation d’argent liquide et le retard dans la transposition des directives EU (classification, régime des exceptions / exclusions) sont des façons de laisser du temps aux entreprises locales pour évoluer ou pour complexifier l’implantation sur le marché allemand.

La France et d’autres pays européens ont des systèmes de collecte et des opérateurs industriels bien en place, qui sont efficaces et qui bénéficient d’un marché contrôlé, normé pour lequel il y a une barrière réglementaire forte à l’entrée. Le développement d’un système de déclaration unique européen permet de générer des économies d’échelle.

ERP ou la guerre des déchets franco-allemande Ce cas illustre la bataille pour imposer un modèle français où les éco-organismes ne seraient pas, comme en Allemagne, à but lucratif et contrôlés par des entreprises de déchets. En 2013, six éco-organismes sont agréés par l’État français, dont une société nommée European Recycling Platform (ERP), présente depuis 2006 dans le secteur des DEEE, et qui représentait, en 2014, près de 10 % du marché français, soit 40 000 tonnes par an. En juillet 2014, ERP est rachetée par un groupe allemand nommé Landbell, spécialisé dans les emballages. ERP dit avoir alors présenté cette nouvelle gouvernance à la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) qui n’y a « pas vu de problème ». Bercy n’avait, toujours selon l’éco-organisme, pas présenté non plus d’objection à ce changement. Pour respecter la législation française, Landbell a bien pris soin de masquer son rachat au travers d’un faux-nez, une filiale, petite société du nom de Topengi, basée à Colmar dans le Haut-Rhin (près de la frontière allemande) qui se présente comme un distributeur d’équipement électrique (les éco-organismes doivent être gouvernés par des producteurs et des distributeurs). La société a été créée en août 2014, le mois suivant la prise de contrôle d’ERP par Landbell. Cependant, en décembre 2015, l’État français ne renouvelle pas l’agrément d’ERP ; l’organisation est la seule à se voir retirer son agrément. Ce non-renouvellement est d’abord justifié par l’idée qu’ERP n’avait pas respecté le cahier des charges de l’État au cours de l’année 2015 et ne présentait pas la possibilité de le respecter pour la période suivante. Dès lors, ERP perd ses 463 partenaires privés et 94 collectivités françaises qui sont contraintes de changer d’éco-organisme.

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ERP dénonce alors « des arguments infondés » et évoque des pressions exercées sur les ministères français, en allant jusqu’à dénoncer une « campagne de dénigrement » antiallemande : "Depuis plusieurs mois, des acteurs favorables à la concentration des activités autour d'un seul éco-organisme exercent des pressions sur les ministres de l'Ecologie, de l'Economie et des Collectivités locales. Leur but : écarter l'éco-organisme ERP France pour aboutir à un monopole". En janvier 2016, ERP se porte devant les tribunaux. Le 5 février, le tribunal administratif de Paris suspend le refus d’agrément et désavoue ainsi l’État français. Le juge justifie alors sa décision en mettant en avant une « erreur d’appréciation » de la part des pouvoirs publics. Mais le 16 février, la ministre Ségolène Royal est interrogée au Sénat au sujet du non-réagrément d’ERP France, alors que le Ministère se pourvoit en cassation. Elle donne des détails sur le non-réagrément, et présente ses véritables raisons. Elle évoque le fait que « ces entreprises de collecte et de tri n’ont pas intérêt à voir diminuer le volume de déchets à la source : elles souhaitent au contraire en traiter le plus grand volume possible, d’où un important conflit d’intérêts si on leur ouvre le capital social des éco-organismes. En définitive, on ouvrirait ainsi un marché spéculatif à des entreprises qui seraient à la fois donneuses d’ordres et titulaires de marchés visant au traitement des déchets, alors que le système des éco-organismes, assez unique pour l’instant en Europe, incite à réduire le volume des déchets à la source, puisque ce sont les producteurs, les distributeurs et les importateurs qui acquittent la taxe permettant le fonctionnement des éco-organismes : c’est presque de l’économie circulaire. L’article 19 nonies renforce donc la rédaction actuelle du code de l’environnement. Il ne crée pas de situation juridique nouvelle ni n’empêche la concurrence entre éco-organismes, mais il supprime un risque important de conflit d’intérêts en ce qui concerne les entreprises de traitement de déchets. ». On souligne toutefois, que ces propos témoignent d’une incompréhension du rôle des acteurs de la filière par l’ancienne ministre, voire d’une volonté de sur-protection du système français. Au Sénat, un amendement « anti-ERP » est ainsi adopté dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique et pour la croissance verte, et le 27 juillet 2016, la justice confirme le non-réagrément de l’éco-organisme. Le 6 décembre 2016, Topengi France SARL est radiée du registre du commerce et des sociétés. L’opération allemande a échoué, la France a remporté la bataille. L’affaire ERP, qui a vu cet éco-organisme perdre son agrément suite à son changement de gouvernance, est donc un symbole des oppositions entre les modèles français et allemands de la collecte des DEEE. Elle a aussi démontré la faiblesse de la législation française et les risques qu’elle présente en termes de guerre économique.

On notera, que 2 groupes franco-allemands, Hager et Trilux, rejoignent le tout nouveau éco-organisme ESR né de la fusion entre Eco-Systèmes et Récyclum au 1er janvier 2018. Stratégie allemande de conquête du marché des déchets ou erreur stratégique française ?

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Chapitre 4 : Les limites du système français

1. Les grands principes de la gestion des déchets en France

Le schéma ci-dessous illustre les activités économiques issues du traitement de tous les déchets de façon générale. Les chiffres associés ne concernent que la France.

Figure 17: Vue d'ensemble des activités économiques de la filière déchets

Source : Société Générale d’après INSEE, Douanes et ADEME

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Une partie des activités de valorisation échappent toutefois au suivi statistique (production domestique d’engrais par exemple) ou s’intègrent à des codes de la nomenclature d’activités française (NAF) plus vastes (production de gaz, d’électricité, de chaleur, etc.). Les activités de dépollution et de traitement des déchets ont, elles, un périmètre sensiblement plus large que les seuls déchets (traitement des eaux, de sites pollués…). Au global, la taille réelle de la filière est, vraisemblablement, sensiblement supérieure aux données présentées.

Les acteurs Les producteurs : Le schéma suivant montre la classification du producteur d’un EEE et la désignation de son statut pour un équipement donné.

Les cinq statuts de producteur

Fabricant Fabrique en France et vend sous sa marque

Importateur Importe depuis un pays hors Union Européenne

Introducteur Importe depuis un pays de l’Union Européenne

Revendeur sous sa marque Distribue sous sa propre marque uniquement

Vendeur à distance Vend à distance depuis l’étranger

Le terme producteur comprend, selon l'article 3 du Décret français, « toute personne qui fabrique, importe ou introduit sur le marché national à titre professionnel des EEE sauf si ces équipements sont vendus sous la seule marque d'un revendeur. Dans ce cas, le revendeur est considéré comme producteur ». Lorsque par exemple, l’enseigne DARTY commercialise des EEE de grandes marques telles que Sony, Philips ou LG, elle est alors considérée comme un distributeur. Mais lorsque cette même enseigne commercialise des produits EEE sous sa marque de distributeur (MDD), DARTY est alors considéré comme un producteur. L'intérêt des producteurs, à l'instar des filières de traitement de déchets existantes (piles, pneus, emballages, etc.) est de confier l'ensemble des activités à une filière spécialisée, dans le cadre réglementaire qui est établit par la Directive et ses documents liés. En clair, tout producteur a la possibilité de remplir les obligations qui lui incombent, en adhérant à un éco-organisme.

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Figure 18: Statut des producteurs

Les distributeurs : Au sens de l'article 3 du Décret, les distributeurs sont définis comme « toute personne qui, quelle que soit la technique de distribution utilisée, y compris par communication à distance, fournit à titre commercial des EEE à celui qui va les utiliser ». Il est à noter que la Directive ne définit pas explicitement les grossistes et les installateurs, et donc leurs obligations réglementaires respectives. Les distributeurs sont majoritairement définis par les GM (Grands Magasins), les GSA (Grandes surfaces alimentaires : supermarchés à partir de 400 m2, hypermarchés au-delà de 2500 m2), les GRS (Grossistes), les GSB (Grandes surfaces de Bricolage), les GSS (Grandes surfaces

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spécialisées), les PSS (Petites surfaces spécialisées) et la VPC (vente par correspondance par tous canaux, y compris électronique). Avec la règle du « un pour un », les distributeurs sont un acteur majeur puisqu'ils vont contrôler près de 50% du flux d'entrée à la filière DEEE, en autorisant ou pas les DEEE à entrer dans la filière et en réalisant un premier réseau de points de collecte sélective. L’intérêt des distributeurs est de résoudre de nombreuses problématiques liées à: - la volumétrie produite par chaque point de vente (de faible à élevé) - la diversité des DEEE collectés (gros électroménager hors froid, gros électroménager froid,

petit appareil ménager, écrans et lampes) et leurs caractéristiques (rapport poids/volume).

- la nécessité d'un entreposage de DEEE pour conserver leur intégrité pour un éventuel réemploi futur et pour limiter les risques de fuites de substances dangereuses (mise à disposition de surface dans le magasin).

- la mise en œuvre de divers contenants adaptés. Les professionnels du traitement des déchets : Ces professionnels sont de deux ordres : - les grands groupes internationaux : comme Veolia Propreté ou Sita Suez. Cette typologie

d'acteurs a un rôle structurel en termes de mise en place de nouvelles capacités industrielles au plan national pour répondre à la demande de traitement de DEEE en volume et en nature de traitement. L'un des enjeux pour ces derniers est de s'appuyer sur un réseau logistique optimal, pour acheminer à moindre coût, après collecte, les flux entrants de DEEE.

- les acteurs locaux et régionaux du traitement des déchets qui bien souvent, dans un rôle de proximité, ont leur positionnement à défendre dans la chaîne de valeur de la filière future.

Les prestataires de services logistiques : Les logisticiens et transporteurs en propre, ou intégrés à des structures déjà existantes, auront un rôle de service « de proximité », par la mise en place de circuits de collecte avec des moyens adaptés à la zone de chalandise en termes de tonnage et de fréquence d'enlèvement. Ils seront aussi utilisés en moyens complémentaires pour des collectes ponctuelles, et seront éventuellement sollicités comme variable d'ajustement pendant les phases de montée en charge de la filière (surface de stockage, plateforme, autres prestations logistiques). Deux typologies d'acteurs sont ici aussi présentes, les prestataires de services logistiques internationaux (PSL) et les transporteurs. Dans le premier cas, on va trouver des acteurs comme Geodis, DHL, Exel, Kuehne & Nagel qui ont créé pour la plupart des cellules propres aux DEEE. L’intérêt des PSL est de se positionner : - sur des activités purement logistiques : la collecte, le transport et le regroupement sur

des plateformes en y ajoutant parfois du tri (ils entrent de ce fait en concurrence avec les professionnels du traitement des déchets) ;

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- n'étant pas (encore) compétents pour réaliser l'ensemble de la chaîne, ils doivent travailler en partenariat avec des sociétés qui assurent le tri, le recyclage ou la valorisation (objet de la joint-venture Valogistic entre Sita et Geodis).

- comme intégrateur et pilote de l'ensemble des activités d'une filière de DEEE, maîtrisant les flux physiques, d'informations et financiers sur un périmètre d'activités et/ou géographique qui leur est confié, en utilisant leurs ressources internes et des acteurs externes.

Les Eco-organismes : Nous les avons déjà cités au chapitre précédent. Il faut retenir qu’ils sont majoritairement créés à l'initiative des industriels. Ils prendront en charge pour le compte des producteurs qui y adhèrent, l'enlèvement et le traitement des DEEE collectés sélectivement. La structure des 3 éco-organismes est la suivante : - ECO-SYSTEMES (FDC, GIFAM, SIMAVELEC), agréé pour tout DEEE hors lampes GEM. - EUROPEAN RECYCLING PLATEFORM ERP (Brau-Gillette, Electrolux, HP, Sony), agréé pour

tout DEEE hors lampes et gros électroménager (GEM). - RECYLUM (GE, OSRAM, Philips Lighting, Sylvania), agréé pour toutes lampes et luminaires. Les éco-organismes ont fondé en 2006 l’OCAD3E, organisme coordonnateur agréé en charge de la gestion des relations entre les éco-organismes et les collectivités territoriales, actrices de la collecte des DEEE auprès des ménages.

La structure industrielle de la filière déchets

Industriels des déchets (prestataires de services) et recycleurs génèrent 3 familles de métiers :

la collecte, le tri, et la valorisation. Ils sont regroupés au sein de 2 organismes :

- la FNADE (Fédération nationale des activités de dépollution et de l'environnement) pour les industriels de la dépollution et de l’environnement

- la FEDEREC (Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage) pour les recycleurs Les prestations de services proposées par les industriels de la dépollution obéissent souvent à des logiques locales, voire régionales, et plus rarement nationales. Elles sont généralement exécutées selon des contrats qui suivent le cadre des marchés publics (collectivités), d’appels d’offres lancés par des éco-organismes ou d’accords bilatéraux (collecte auprès d’industriels, traitement de déchets dangereux). Si ces prestations assurent a priori une certaine récurrence des revenus (existence d’une part fixe indépendante des tonnages, régularité de la production des déchets), on note une grande variabilité selon le service et la réglementation dans : - la durée des contrats : typiquement, les contrats de collecte sont de 5 ans alors que ceux

de traitement peuvent être de 1 an si les déchets sont traités sur un site du prestataire, ou de 30 ans si une installation dédiée est construite ;

- les besoins en investissement qui peuvent être limités (entretien de l’installation seulement pour une délégation de service public) ou au contraire très élevés ;

La structure globale du marché des déchets et du recyclage au sens large est extrêmement fragmentée. Plus de 3 000 entreprises commerciales ainsi que des régies captant plus de 50%

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des tonnages collectés d’ordures ménagères et près de 40% des tonnages collectés en déchetteries se partagent le marché. Pour les recycleurs, la logique est différente de la prestation de service : - les revenus dépendent des volumes et des prix des matières : ils ne présentent a priori

pas de récurrence garantie ; - les marchés sont nationaux voire mondiaux ; - les entreprises subissent la concurrence de leurs pairs, mais aussi des matières premières

(minerai de fer versus ferraille par exemple).

Le recycleur de DEEE s’apparente à un producteur de matériau. Il dispose d’une ressource (pour laquelle il peut même être rétribué) et en extrait les matières qu’il revend. A grands traits, tous métiers confondus, la structure industrielle de la filière est la suivante :

Figure 19: structure industrielle simplifiée de la filière déchets en France

On trouve dans les grandes entreprises des acteurs comme Veolia et Suez (respectivement numéro 1 et 2 mondiaux de l’eau et des déchets), essentiellement présentes en amont de la filière mais intégrant de plus en plus l’aval, ainsi que Derichebourg, le spécialiste des métaux.

2. Les DEEE en France

En France, un habitant produit entre 17 et 23 kg de DEEE. Cependant d’après l’ONG « Les amis de la terre », 57 % des DEEE échapperaient à la filière agréée et le taux de réemploi ne dépasse pas les 2 %. Les chiffres varient beaucoup en fonction des sources et du mode de calcul, mais beaucoup s’accordent à dire qu’il y a déficit de collecte.

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Les chiffres ADEME et INSEE

Déchets ménagers : Le circuit des flux financiers qui supportent le traitement des DEEE ménagers en France est le suivant :

Figure 20: Circuit du financement du traitement des DEEE ménagers - Source ADEME

En nombres d’équipements et en poids, cela représente ceci :

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Figure 21: Évolution du nombre d'équipements mis sur le marché entre 2006 et 2016 – Source INSEE

Figure 22: Évolution du tonnage d'équipements mis sur le marché entre 2006 et 2016

644 millions d’équipements ménagers ont été mis sur le marché en 2016 (+ 2,2 % par rapport à 2015), soit environ 9,6 appareils par habitant. 60 % du tonnage total est constitué de gros appareils ménagers (catégorie 1). Dans le schéma qui suit, nous observons la répartition des tonnages d’EEE ménagers mis sur le marché par catégorie et par année.

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Figure 23: Évolution des tonnages d’EEE ménagers mis sur le marché, par catégorie entre 2010 et 2016

L’évolution du marché des équipements ménagers s’explique en partie par la plus faible augmentation du pouvoir d’achat des ménages en 2016, qui limite le renouvellement des équipements de la maison, et par la montée en puissance de l’achat de petits équipements. 667 261 tonnes de DEEE ménagers toutes catégories confondues, ont été collectées en 2016 par les éco-organismes agréés, soit des tonnages en hausse de 15,5 % par rapport à 2015.

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Figure 24: Évolution des tonnages de DEEE ménagers collectés, par flux entre 2006 et 2016

Alors que le coût des DEEE ménagers est payé en amont par le consommateur à travers l’éco-participation, ce n’est pas du tout le cas des DEEE professionnels.

Déchets professionnels : Depuis janvier 2017, tous les gestionnaires de DEEE doivent obligatoirement contracter des éco-organismes pour la collecte et le traitement. Ce qui soulève un problème de capacité : les éco-organismes doivent sensiblement accroître leur taux de collecte pour atteindre 65% du gisement en 2019, contre 35% aujourd'hui. Prise entre la diversité des matériels à récupérer et l’éparpillement des ressources sur le territoire, la filière professionnelle essaie de mieux s’organiser, mais les récupérateurs se heurtent à la gestion des enlèvements de produits complexes, volumineux et/ou dangereux et à la rationalisation des flux. La logistique est donc le point le plus délicat alors même qu’ils disent eux-mêmes être face à de vraies mines en termes d’extraction de matières : certains appareils comme les gros appareils de cuisine professionnelle ou les équipements des blanchisseries par exemple, contiennent une part importante de métaux nobles : cuivre, inox, aluminium et même des cartes électroniques. 114 millions d’équipements professionnels ont été mis sur le marché en 2016, soit une augmentation de 12% par rapport à 2015, pour un poids moyen de l’équipement en diminution de 2,4 kg en 2016 contre 2,5 kg en 2015. L’existence et le renforcement de la législation des éco-organismes agréés pour les DEEE professionnels depuis 2012 continue d’avoir un impact sur le contenu et la quantité des tonnages déclarés mis sur le marché. Ces tonnages déclarés par les éco-organismes, correspondant à 76% du tonnage global, ont augmenté de 22% en 2016. Les actions des éco-organismes ont drainé dans la filière des producteurs de petits équipements et d’équipements d’autres natures qui échappaient jusqu’à présent à la filière légale. Les nouveaux agréments des éco-organismes les ont conduits à travailler en partenariat avec les syndicats et producteurs concernés. Eco-systèmes, nouvellement agréé pour les catégories 6 et 9, collabore ainsi avec le Gimélec (groupement des industries de l’équipement électrique, du contrôle-commande et des services associés), les fabricants de pompe, de matériel de soudure ou d’outillage afin qu’ils se mettent en conformité avec la réglementation et déclarent au Registre National des DEEE. Les premiers équipements mis sur le marché en termes de tonnage sont les équipements associés aux gros appareils ménagers (catégorie 1, 29,9%), puis les équipements informatiques et de télécommunications (catégorie 3, 23,2%). Le tonnage déclaré dans cette catégorie est d’ailleurs en hausse (+11% par rapport à 2015) malgré le passage en ménager d’une partie des équipements de cette catégorie depuis 2015. Au total, les tonnages déclarés mis sur le marché (277 927 tonnes en 2016) ont augmenté de 7%.

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Figure 25: Évolution du tonnage d'équipements professionnels mis sur le marché entre 2010 et 2016

Pour travailler avec les éco-organismes sur les filières professionnelle et ménagère, les opérateurs devront à terme avoir le label Weelabex. Il s’agit d’un outil européen qui vise à harmoniser les pratiques des pays membres. Ce label de référence a été créé en 2011 par 38 éco-organismes européens au sein du WEEE Forum. Les sites de démantèlement et de dépollution manuelle (type 1 et 2) sont éligibles depuis octobre 2013, les autres sites (type 3- mécanisés avancés) le sont depuis 2015. C’est une obligation pour tout opérateur qui veut travailler avec un éco-organisme.

La fraude et les agissements mafieux en France Même si la filière s’est professionnalisée, on recense quelques brebis galeuses qui font parfois la une de l’actualité sans toutefois que cela nuise à la profession. Et la France fait aussi partie des pays épinglés fin 2017, lors d’une grande opération coordonnée par Interpol. Les douanes françaises ont en effet saisi 332 tonnes de déchets via 16 opérations menées dans 6 ports français sur 1 an. Il n’y a pas que les DEEE dans ces actes frauduleux, mais plus majoritairement des pièces de voitures, des pneus usagés et des déchets plastiques. Il faut donc relativiser ce constat par rapport à notre sujet DEEE. Les enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont été sollicités en 2016 pour vérifier le respect par les distributeurs et sites de vente en ligne, de leurs obligations de reprise gratuite des EEE dont les consommateurs se défont (TV, électroménager, ordinateurs, etc.), ainsi que leur obligation d’informer les consommateurs sur des modalités de cette reprise gratuite, préalable à l’acte d’achat. 387 établissements (distribution, sites de vente en ligne) ont ainsi été́ contrôlés. Les manquements relevés dans 41% des établissements visités ont donné́ lieu à 144 avertissements, 9 injonctions et 6 procès-verbaux.

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Par ailleurs, une étude réalisée également dans 97 magasins ne disposant pas de meubles de collecte a démontré que seulement 27 professionnels sollicités pour une demande d’information ont traité la demande (par un dépliant ou en renvoyant vers un site d’information) :

Figure 26 : Statistiques de l’enquête

Dans ce prolongement, faute de reprise en magasin peu d’alternatives sont proposées au consommateur :

Figure 27 : Statistiques de l’enquête

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Bilan de l’étude: - non-respect des obligations de collecte

- manque d’information des consommateurs

- un réseau de points de collecte pourtant important

Trois exemples d’agissements frauduleux : La société́ D3E Recyclage basée à Vitry-le-François proposait aux administrations et entreprises de reprendre leur matériel informatique gratuitement pour « lui donner une seconde vie ». En réalité́ le tout était destiné́ à être revendu et envoyé́ en Asie. Les gérants de l’entreprise, poursuivis pour avoir exporté des déchets informatiques non dépollués et sans traçabilité́, ont été́ condamnés. Ils avaient entassé des dizaines de tonnes de matériel sur un dépôt à Vitry-le-François entre 2007-2010 et exporté ces déchets ''vers l'étranger'' notamment vers l’Asie et l’Europe de l’Est, sans respecter la moindre réglementation. C’est la fédération France Nature Environnement (FNE) qui s’est constituée partie civile. "Selon les prévenus, il ne s'agissait pas de déchets mais de « produits de seconde vie » qu'ils traitaient en vue de leur réparation pour réutilisation", a indiqué la fédération. Le tribunal a condamné les prévenus à respectivement un an de prison avec sursis et 6.000 euros d'amende, et 6 mois de prison avec sursis et 3.000 euros d'amende, à l'interdiction définitive de gérer une entreprise commerciale ou artisanale, et à la remise en état des lieux. Ils ont également été condamnés à payer à FNE 10.000 euros de dommages et intérêts. En 2015, s'inspirant des méthodes de la mafia italienne», le clan Hornac (gens de voyage sédentarisés) dont des membres avaient déjà été condamnés pour trafic de cocaïne, avait monté une société véreuse, RTR Environnement, qui s'adressait à des entreprises, notamment de BTP, obligées par la loi de faire recycler leurs déchets. A prix cassé, les malfaiteurs leur proposaient de s'en charger. Mais au lieu de les traiter pour en faire du remblai, leur société RTR Environnement enfouissait ces résidus, parfois contaminés par de l'amiante, en toute illégalité. La société a été déclarée en liquidation judiciaire en 2016. L’entreprise Guy Dauphin Environnement (GDE) est accusée par la justice d’avoir escroqué ses clients de 11 millions d’euros en leur mentant sur le poids des déchets. Le principe était simple : quand un client livrait des déchets pour lesquels il devait payer leur élimination, GDE surestimait le poids entre 10 à 30%. A l’inverse, quand il s'agissait de déchets valorisables (métaux, par exemple) pour lesquels cette fois-ci GDE devait payer, l'entreprise enlevait un pourcentage équivalent. C'est le suicide d'un ancien salarié de GDE en juin 2007 qui est à l'origine de l'affaire. Sa famille a déposé plainte en 2008 pour harcèlement moral. Selon elle, ce salarié qui occupait le poste de réceptionnaire métaux sur le site GDE du Mans, aurait été victime de fortes pressions de la part du responsable du site pour lui imposer des pratiques frauduleuses. Devant les policiers, son successeur a affirmé subir lui aussi des pressions pour minorer la masse de métaux à facturer. Aujourd’hui GDE a redoré son blason et entend rattraper son retard sur le marché. Une nouvelle direction a été mise en place et en juin 2017, le Groupe comptait 54 sites de partenaires récupérateurs référencés « Eco-Systèmes pour le canal CL », ce dernier désignant les ressources venues du ramassage par les collectivités.

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Paroles d’acteurs Au cours de nos travaux, nous avons identifié des personnes susceptibles d’apporter un éclairage sur la filière des déchets en France, nous les avons alors sollicités pour un entretien qu’ils nous ont accordé par téléphone. Nous restituons leurs paroles dans ces encadrés. Un salarié de Suez nous a donné sa position en tant qu’acteur de recyclage. Suez propose aux entreprises une offre complète de collecte, de valorisation et d’élimination des déchets.

Interview avec un salarié de Suez : En France, c'est l'éco-participation (ou éco-contribution) qui a structuré toute la filière en 2002 avec une réelle possibilité de gain et une valorisation de la gestion des déchets. En France, toutes les entreprises qui travaillent dans la collecte, transport et traitement des DEEE doivent adhérer à un éco-organisme car tout se fait à travers des marchés publics et dans des centres de tri réservés aux particuliers. En ce qui concerne les marchés publics, il y a toujours 3 types de marchés : - un appel d'offre pour la collecte et la catégorisation - un appel d'offre pour le transport - un appel d'offre pour le traitement Selon cet employé qui gère le marché de traitement des déchets DEEE sur la 4ème catégorie de déchets DEEE à savoir les petits appareils ménagers (PAM), le processus consiste à trier puis séparer les métaux et les plastique qui seront recyclés, puis tout ce qui n'est pas recyclable est broyé. L’entreprise doit rendre des comptes à l'éco-organisme qui les labellise et auquel ils adhérent. Le modèle économique est intéressant puisque pour 1 euro versé, l’éco-organisme dépense 0,70 à 0,75 cts pour la valorisation et le traitement, ce qui veut dire qu’il lui reste 25 à 30% de marge. A noter que les particuliers rejettent moins de déchets que les professionnels et qu’ils recyclent plus.

La seconde interview est celle d’un journaliste indépendant, Olivier Guichardaz, dont le site est apparu régulièrement lors de nos recherches documentaires sur les questions d’éco-organisme. Ce site https://dechets-infos.com est tenu depuis de nombreuses années et traite de sujets liés aux déchets. Nous avons constaté qu’il y tient un discours très critique vis-à-vis du système des éco-organismes. Il s’est notamment fait connaître par le scandale Eco-emballages où il a dénoncé les pertes subies par cet éco-organisme pour avoir placé des fonds dans des paradis fiscaux. Nous avons décidé de l’interroger suite à la publication d’un article portant sur le conflit d’intérêt auquel Ecosystèmes et ses partenaires européens font face dans le cadre de leur certification d’opérateurs de traitement. Notre objectif initial était de l’entendre à ce sujet et d’explorer la comparaison entre systèmes allemand et français. L’une de nos interrogations initiales étant de vérifier s’il critiquait le système d’éco-organisme à la française, lui préférant un modèle plus « libéral » à l’allemande. Mais finalement, il ne connaissait pas le système allemand. Nous reproduisons toutefois l’entretien en raison de l’intérêt qu’il suscite. Globalement, l’entretien a plutôt été ouvert et le journaliste a partagé son point de vue de façon a priori assez directe.

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Idées-phares de l’interview avec Olivier Guichardaz, journaliste indépendant : Les éco-organismes se caractérisent par un conflit d’intérêt majeur : leurs actionnaires – les producteurs – sont ceux qui doivent payer pour le retraitement des déchets. Plus il y a de déchets à retraiter, plus cela leur coûte cher. Ce système est un « capitalisme monopolistique d’Etat », puisque les intervenants ont intérêt à avoir un monopole sur le traitement des déchets. Les sanctions prévues envers les éco-organismes sont dérisoires et de toute façon pas appliquées. Il a une position assez tranchée vis-à-vis de Ségolène Royal qui a, selon lui, proféré « un tissu de sottises » sur le fait que les opérateurs type Suez et Véolia ne peuvent pas être actionnaires des éco-organismes vu qu’ils ne veulent pas de « réduction de déchets ». Ce qu’il conteste car ces entreprises ne produisent pas de déchets. A noter qu’en 2016, Véolia s’est associé à Ecosystèmes pour valoriser les déchets que ce dernier collecte afin d’en extraire la matière première qui permet à un troisième partenaire, SEB, de produire de nouveaux équipements issus du recyclage. Cette association intéressante forme ainsi une boucle complète d’économie circulaire. Ces derniers temps, les éco-organismes agissent sans concertation avec les autres acteurs de la filière et rejettent les barèmes de sanction soumis par les pouvoirs publics. Il cite l’exemple de la filière « déchets diffus spécifiques » (DDS) et indique que celles du mobilier et du textile tentent la même chose. Il estime enfin que c’est à Bercy et non au Ministère de l’Ecologie que les décisions sont prises. Tout ceci lui semble totalement inédit, depuis 16 ans qu’il suit ces questions. Il considère que cela peut modifier en profondeur le système français.

Que retirer de cet entretien ? Il y a clairement une piste à creuser sur le modèle de gouvernance de la filière DEEE. Le débat existe bel et bien et cela a été confirmé par la découverte récente d’un article issu d’une thèse de doctorat fin octobre 201719, qui, elle, voit dans les éco-organismes un modèle innovant et efficace de gestion des questions complexes liées à l’environnement et, dans ce cas, aux déchets. Au passage, cette thèse a été effectuée au sein de Mines Paristech qui a depuis 2014 une chaire financée par Ecosystèmes. Si l’on regarde l’ensemble de la chaîne de valeur, on voit bien les producteurs d’un côté et les opérateurs de retraitement de l’autre. Et ce sont les premiers qui pilotent la filière, via les éco-organismes, a priori. Notre idée initiale était que le conflit était entre un modèle français et un modèle allemand : cela reste un axe de lecture. Toutefois, il ne faut pas négliger les tensions à l’intérieur de la filière, en France : les producteurs semblent aujourd’hui piloter une filière lucrative qui pourrait bien intéresser les opérateurs de retraitement, qui eux semblent en situation d’exécutant. Pour aller plus loin, il faudrait obtenir des chiffres précis sur les dimensions économiques de toutes ces activités. Bref, il ne serait pas surprenant que ce débat continue. Cette 3ème interview avec le dirigeant d’une PME illustre le déficit d’information et d’initiative et explique le manque de volumes de déchets collectés et traités dont souffre la France, pointé à plusieurs reprises dans ce rapport.

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Interview avec le dirigeant de la société Douville Fermetures Métalliques : Douville est une entreprise de fermetures métalliques et volets roulants qui a pignon sur rue depuis 90 ans dans l'Essonne, Ile de France. Avec ses 12 salariés, elle est représentative d'une PME française. Son dirigeant, Mr Benhassine, a repris la société il y a plus de 20 ans et pendant toutes ces années, n'a jamais été sollicité par aucun organisme pour récupérer sa 1/2 tonne de déchets ferreux produite tous les mois. Considérant ces déchets ferreux comme encombrants, cet entrepreneur les a donc, comme son prédécesseur, donné gratuitement à un ferrailleur à l’ancienne, ambulant, qui les revendait. Mr Benhassine estimait que ce ferrailleur lui rendait service en venant lui-même collecter ces déchets entassés au fond d’une cour. En 2016, l’un de ses salariés ayant l’expérience d'un grand groupe industriel français lui a suggéré de s'adresser à un professionnel du recyclage et l'a convaincu qu'il pouvait même en tirer un certain prix. L'entreprise s'est donc adressée à un recycleur qui, sous forme de location d'une benne, lui reprend tous les mois son stock de déchets ferreux, incluant parfois des DEEE. Aujourd'hui, grâce à ce système, l'entreprise récupère entre 300 et 400 euros par mois, et est complètement consciente de la valeur de cette marchandise. Le constat de Mr Benhassine est que, s’il on peut regretter le manque de connaissance du traitement des déchets au sein d’une PME ou d’une TPE, il est surprenant, compte tenu des besoins, qu’aucun démarcheur n'ait jamais pris la peine de l'appeler pour lui proposer ses services en matière de collecte de déchets ferreux.

3. Le modèle économique

Pour comprendre le modèle économique de la filière DEEE, il nous faut considérer la gestion des déchets de façon générale. En effet, comme la valorisation des matériaux issus des DEEE n’est pas toujours suffisante pour couvrir l’ensemble des frais de traitement, les industriels opèrent bien plus largement sur tous les types de déchets et sur les opérations de collecte, de tri et de stockage ainsi que sur leur incinération et compostage. En conséquence, pour trouver des informations fiables, il faut considérer les études réalisées sur l’ensemble de la profession. La production de déchets est une externalité négative qui justifie l’intervention de l’Etat. Du point de vue de la pure théorie économique, toute forme de pollution est une externalité négative, c’est-à-dire un coût subi par un agent, occasionné par les activités d’un autre agent. Les externalités négatives sont parfois considérées comme des défaillances de marché : le prix du produit mis sur le marché par le pollueur n’est pas optimal s’il n’intègre pas le coût de la pollution. Le pollueur engrange un surprofit et son activité est encouragée. L’intervention de l’Etat peut être utile pour réintégrer l’externalité négative dans l’activité du pollueur, par exemple sous la forme d’une taxation spécifique l’incitant à moins polluer (principe du pollueur-payeur) et permettant aux autres agents de « compenser » le coût de la pollution. Dit autrement et appliqué aux déchets, à supposer que tous les agents économiques producteurs de déchets paient une contribution à la hauteur des coûts que la gestion de leurs déchets a occasionnée, il se dégagerait un équilibre où la production de déchets serait la plus faible possible et où le coût de gestion des déchets serait parfaitement couvert.

Le financement des Eco-organismes Dans les faits, nous en sommes naturellement encore très loin, mais l’action publique concernant les déchets est très importante et passe notamment par la fiscalité. Cette dernière

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est un outil majeur dans l’optimisation de la gestion des déchets. Taxes et impôts sont le premier outil de financement de la gestion des déchets en France. Il y a d’abord l’éco-participation. C’est une contribution obligatoire imposée aux acheteurs par certaines filières REP dont les DEEE. Elle prend la forme d’un surcoût. Le montant collecté en 2013 est de 160 millions d’euros pour les DEEE selon l’ADEME. Il y a également la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) qui s’applique, entre autres, à différentes activités de stockage, traitement et transfert de déchets. Elle porte sur les collectivités et les entreprises. Elle rapportait 620 millions d’euros en 2014 selon les Douanes, dont une partie est dédiée à la gestion des déchets. Ce montant était théoriquement de 360 millions d’euros en 2012. Nous n’avons pas trouvé d’autres chiffres plus récents. Mais la revue professionnelle « Recyclage » du 2 octobre 2017 fait état d’une moyenne de 450 millions d’euros par an. Enfin, une partie du budget général de la commune ou de la collectivité peut également être allouée aux déchets, financée par les impôts locaux, taxe d’habitation, etc. Outre la fiscalité, la valorisation des matières recyclées est aussi source d’autofinancement. Il faut donc prendre en compte les activités commerciales de recyclage et d’autres modes de valorisation dans le financement de la gestion des déchets. Selon L’INSEE, cette activité a généré 10 Mds d’Euros de facturation en 2014. D’autre part, les entreprises concernées par les filières REP financent ces éco-organismes de façon significative.

Les grandes tendances du marché

La concentration des acteurs et l’intégration verticale sont deux tendances majeures pour les entreprises. Pour les entreprises du secteur, on note la tendance à une plus grande intégration verticale (de la collecte au recyclage) et à la concentration. Elle est illustrée par : - la baisse structurelle du nombre d’entreprises du secteur, de 3.700 en 2000 à 1.950 en

2012 (source : FEDEREC) ; - le rassemblement entre FEDEREC (fédération des entreprises de recyclage) et FNADE

(fédération nationale des activités de la dépollution et de l’environnement) après deux ans de gestation, pour créer la CME : Confédération des Métiers de l’Environnement ;

- l’objectif de Veolia de faire évoluer sa division Recyclage et Valorisation des déchets (qui intègre en fait toute la chaine) « d’une position d’opérateur de service à une position d’industriel, en maîtrisant à la fois la filière logistique et les procédés industriels visant à créer de nouvelles ressources recyclées »

- la stratégie de Suez, dont l’un des quatre axes de développement est d’augmenter la valorisation des déchets.

- les ambitions de Derichebourg Environnement (recyclage des plastiques), principal challenger de Véolia et Suez : après l’acquisition en 2015 de Bienstock (collecte et tri des déchets métaux et ferreux) et Valério (collecte et traitement des déchets métalliques ferreux et non-ferreux), absorption en 2016 du groupe Galloo (6 centres de collecte et préparation de déchets métalliques en Ile-de-France), de SLG Recycling (recyclage de métaux et déchets industriels) puis de Bartin Recycling Group (recyclage des métaux),

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filiale de Véolia. L’entreprise vise à se rapprocher des gisements de matières premières secondaires et à développer ses capacités de traitement de proximité.

Pour l’ensemble des acteurs impliqués dans le traitement des déchets, cette évolution s’explique par la priorité donnée au recyclage au détriment de l’enfouissement. Les projets mis en place dans le cadre de la Nouvelle France Industrielle (34 plans de reconquête industrielle lancés en 2013 par le Président de la République et le Ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique), et surtout la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) adoptée en France le 17 août 2015 visent à permettre à la France de « contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement ». Très concrètement, les objectifs affichés visent ainsi une réduction des mises en stockage de 30% en 2020 et 50% en 2025 ainsi qu’une augmentation du taux de recyclage des déchets non-dangereux de 55% en 2020, et 60% en 2025. Au niveau local, la LTECV renforce le rôle des collectivités pour mobiliser leurs territoires et contribuer à l’élaboration de plans régionaux de prévention et de gestion des déchets. En juillet 2014 a été lancé un appel à projets « territoires zéro gaspillage, zéro déchets » qui a permis de sélectionner une première liste de 58 collectivités territoriales, complétée par une deuxième liste de 95 nouveaux lauréats en 2015 qui bénéficient d’un accompagnement dans leur démarche de prévention, de réutilisation et de recyclage de leurs déchets. Pour les acteurs impliqués dans la collecte, il convient d’optimiser le tri fait par les ménages à domicile, en déchetterie, dans les réseaux solidaires ou chez les distributeurs. Or l’organisation des bacs résidentiels et publics de collecte des déchets ménagers reste à améliorer compte tenu des disparités et du manque de couverture, y compris en zone urbaine. Par ailleurs, un effort considérable d’information et de sensibilisation des ménages est requis concernant la collecte des DEEE, notamment pour les équipements téléphoniques. En aval, pour les recycleurs, il s’agit d’optimiser et de régulariser les flux de collecte, d’anticiper les évolutions des déchets pour adapter l’outil industriel de tri selon la nature et le volume des matériaux, et selon leur usage final (recyclage, incinération ou enfouissement). Il est économiquement indispensable de rentabiliser les outils de production (production d’énergie, production de matière première secondaire) et d’adapter le dispositif (extension, fermeture) sachant que les investissements sont sur le long terme (centres de tri, de transfert, de valorisation énergétique). D’une manière générale, ces changements conjoncturels et structurels font que les petites entreprises risquent de souffrir dans les années à venir, quel que soit leur positionnement : concurrence plus forte des grands groupes et des ETI dans la collecte, diminution du stockage, baisse des prix pour le recyclage.

Paradoxe n°7 : Si les gestionnaires de DEEE doivent obligatoirement contracter avec un éco-organisme, les éco-organismes n'ont pas l'obligation de proposer un contrat aux gestionnaires. Cette asymétrie instaure la « toute puissance des éco-organismes » d’après le représentant de la fédération des industriels du recyclage FEDEREC qui évoque « un droit de vie ou de mort sur les petits récupérateurs ». Eco-Systèmes reconnait lui-même qu’il a

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volontairement réduit le nombre de prestataires de traitement et qu’il a découpé la France en 6 régions, rattachées pour chacune à un opérateur. Que feront les opérateurs qui n'ont pas réussi à contracter avec un éco-organisme ? Disparaîtront-ils ou seront-ils tentés de continuer à récupérer les DEEE et à alimenter des filières clandestines, alors même que le pays manque de volume pour rentabiliser ses usines ? Si on prend en compte le fait que la France se dirige vers un modèle monopolistique à l’allemande en réduisant drastiquement le nombre d’éco-organismes, cela donne raison à la critique.

AMORCE est le premier réseau français d’information, de partage d’expériences et d’accompagnement des collectivités et autres acteurs locaux en matière de politiques énergétiques et de gestion territoriale des déchets (planification, prévention, collecte, valorisation, traitement des déchets). Dans l’optique de la nouvelle loi de finance 2018, AMORCE a émis des propositions concernant une éco-contribution sur les produits qui ne disposent pas de filière nationale de recyclage (REP) tels que les jouets en plastique ou les matériaux de bricolage. AMORCE propose également qu’un prélèvement de 1% sur les éco-contribution des filières REP vienne alimenter la création d’une agence indépendante de contrôle et de régulations des filières REP, sans laquelle, les risques d’hégémonie et de perte de contrôle sur les éco-organismes sont bien réels.

Impact sur l’emploi

La question que nous nous posons est celle de la génération effective d’emplois comme semble l’affirmer les professionnels de la gestion des déchets. Nous sommes partis de deux études de l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie (ADEME). La première

Complément d’information : le rapport public annuel de la Cour des Comptes de 2016 ne remet pas en cause l'intérêt du principe de la responsabilité élargie du producteur et des filières REP. Il appelle cependant à l’évolution du cadre juridique pour en améliorer le fonctionnement :

1. Revoir les objectifs du cahier des charges Français bien au-dessus des exigences Européennes ;

2. Meilleure prise en compte, dans la rédaction des cahiers des charges d'agrément, des objectifs

de prévention et écoconception ;

3. La Cour des Comptes recommande également une évolution des cahiers des charges sur le point

relatif aux provisions pour charges des éco-organismes (avec la fixation d’un seuil minimum et

maximum) ;

4. Meilleure communication sur le principe de la responsabilité élargie du producteur ;

5. Recommande la généralisation de l'éco contribution visible ;

6. Revoir la durée des contrats entre les éco-organismes et les opérateurs de valorisation : « Les

prochains agréments devraient être l’occasion de retenir des objectifs plus précis en termes de

contenu et donc mieux mesurables en termes de résultats » ;

7. Simplification de la gouvernance des filières REP, une harmonisation des conditions d'agrément

des éco-organismes d'une filière à l'autre et des poursuites plus systématiques des non

contributeurs.

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est une étude prospective réalisée en 2017 et ayant pour objet « Les besoins en emplois et compétences liés aux travaux du Grand Paris et aux enjeux de la transition écologique dans le recyclage et l’économie circulaire ». La seconde est un dossier de 2010 et portant sur un suivi de 7 ans des « Marchés et emplois des activités liées aux déchets ». En matière d’activités liées à la gestion des déchets (incluant les DEEE), la répartition est la suivante :

Figure 28: Types d'activités

Figure 29: Evolution des marchés des activités liées aux déchets – Source ADEME

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L’enquête constate une évolution dans les activités. Du fait de la réglementation qui se durcit, les activités sont plus affinées qu’il y a quelques années. On estime que la filière déchets fait travailler environ 30 000 personnes en France20. Sept emplois sur dix sont constitués d'ouvriers. On retrouve très largement ces derniers dans les métiers de la collecte et du tri des déchets non dangereux. Les types d’emplois que l’on retrouve dans cette activité de gestion des déchets sont les suivants :

Figure 30 : Types de métiers présents dans les filières du recyclage

Emploi et handicap Certaines entreprises spécialisées dans l’emploi des handicapés (appelé secteur adapté) précisent que cette catégorie de la population est assez présente dans le secteur de la gestion des déchets sur des activités manuelles de tri principalement. Ils communiquent précisément sur ce point. C’est le cas de CEDRE, spécialisée dans le recyclage de papier dont 85% de ses salariés sont en situation de handicap, ou encore d’ARMELLE sur le même secteur. En matière de DEEE, c’est l’entreprise Defabnord qui démonte essentiellement du matériel informatique, à raison de 1 200 tonnes traitées par an. Elle est basée à Tourcoing (59) et emploie aujourd'hui trente personnes présentant un retard mental, des difficultés relationnelles ou encore des troubles du comportement. Cependant, la gestion du handicap psychique implique des aménagements plus organisationnels car ce type de handicap génère un fort taux d'absentéisme. Cela implique de la part de l’employeur une forte adaptabilité. Il faut dire qu’il est aidé en cela par des mesures d’incitation : la loi du 10 juillet 1987 oblige les entreprises d'au moins vingt salariés à employer une proportion de travailleurs handicapés à hauteur de 6% de leur effectif salarié. Les entreprises ne respectant pas ce pourcentage doivent s'acquitter de la taxe Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées). Depuis la loi du 11 février 2005, les entreprises peuvent sous-traiter avec les entreprises du secteur adapté, ce qu’elles font souvent. Ainsi, l’entreprise Defabnord établit en fin d'année

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un certificat d'heures équivalentes d'emploi de personnes handicapées au profit de ses clients, des PME et des collectivités locales du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie.

Perspectives Les auteurs de l’étude prospective de 2017 de l’ADEME sont assez pessimistes sur les perspectives liées à l’emploi dans ces activités, même si l’augmentation des taux de recyclage va générer plus de volumes dans les années à venir. Ils mentionnent 3 raisons principales. Tout d’abord, comme pour les autres types de déchets (gravats, béton et verre), le taux d’internalisation des tâches va augmenter. Ensuite, la mécanisation des centres de tri va avoir un impact négatif sur les emplois de ce secteur. Enfin, les normes de sécurité évoluent et beaucoup de matières sont estimées dangereuses pour l’humain ; la miniaturisation des appareils aidant, il va être de plus en plus difficile de démanteler les appareils manuellement. Certaines filières comme le recyclage du papier par exemple peuvent prétendre à une évolution des emplois manuels, mais les DEEE beaucoup moins du fait des éléments énoncés ci-dessus.

L’économie circulaire Rarement par le passé, l’humanité a partagé, à l’échelle mondiale un consensus aussi fort que celui sur l’importance capitale que revêt la transition écologique accompagnée par une transition numérique. Et le ministère français du redressement productif l’a dit en ces termes : « Moteurs d’innovation, de croissance et d’emploi, l’économie numérique et la croissance verte sont au cœur de l’ambition industrielle et technologique de la France ». Mais force est de constater que la transition écologique peine à trouver son chemin malgré des initiatives et propositions au plus haut sommet de l’Etat. Car l’écologie se construit avec un regard critique sur les nouvelles technologies et le consumérisme. Elle s’appuie sur une promotion de l’idée de décroissance. Par ailleurs, les entreprises et les citoyens ne sont pas assez encouragés à se détacher de l’économie linéaire – laquelle aboutit forcément à une élimination sans valorisation ou presque – et à privilégier les produits intégrés dans une économie plutôt circulaire. Définition L’économie circulaire est née d’une théorie issue en 2002 « du berceau à berceau » (cradle to cradle). Elle se veut sobre en limitant les émissions carbones, tout en réduisant la consommation nationale ou globale de matières premières. L’ADEME définit l’économie circulaire comme un élément visant à « changer de paradigme par rapport à l’économie dite linéaire ». Dans un impact environnemental, il s’agit donc de limiter le gaspillage des ressources et l’impact environnemental en « augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits ».

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Figure 31 - Source Institut Montaigne

La question se pose dans une transition des modes de consommations et du recyclage. Les différents travaux des programmes Européens et des Nations Unies montrent que le développement démographique, en relation avec la croissance de consommation des pays développés, et l’aspiration des pays émergents auront un impact sur la gestion mondiale des DEEE. Il est important de garder en considération l’évolution technologique et des modes de communication. Il est important de noter que cette économie tend à répondre à la problématique de l’obsolescence programmée ainsi que l’optimisation des ressources dites rares (le béryllium, le cobalt, l’indium, le magnésium, les terres rares et le tungstène), en forte augmentation dans les productions.

L'économie circulaire tend à opérer une gestion transparente, responsable et économiquement viable.

Application de l’économie circulaire aux DEEE Les DEEE sont fortement concernés par le développement de l’économie circulaire et devraient occuper une place prépondérante dans le futur. En France, il y a une volonté manifeste de promouvoir une filiale stratégique et technologique dans ce domaine, comme cela a été évoqué en 2007 lors du Grenelle de l’environnement. En 2013 a été créé à Paris l'Institut de l'économie circulaire, sous l’impulsion du député français François-Michel Lambert et de la sénatrice Chantal Jouanno et visant à promouvoir l’économie circulaire comme une alternative à l’économie linéaire, développer une réflexion sur la gestion des déchets, et faire évoluer la législation et la réglementation. Les membres fondateurs sont KEDGE Business School, FEDEREC, GrDF, la Fondation Nicolas Hulot et le groupe La Poste. L’institut compte à ce jour 500 membres. La transition vers l’économie circulaire est encouragée par une réglementation plus contraignante, comme en témoignent les schémas de responsabilité élargie du producteur (REP). La mise en place d’incitations adaptées est exposée d’autre part. Ces aides ne sont pas définies clairement à ce jour. L’augmentation et la nécessité constante de technologie favorise l’accumulation de déchets et soulève la question d’une modification de méthode de collecte, gestion et traitement et d’actions plus en amont de la gestion en elle-même

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Dans le cas présent, des objectifs ont été identifiés par l’ADEME pour chacune des trois étapes de la filière. - Eco-conception, réparation et économie de la fonctionnalité : réduction des impacts

environnementaux d’un produit tout au long de son cycle de vie. - Recyclage (collecte, tri et préparation des déchets et des matières qui en sont issues) :

optimisation de la qualité des matières valorisées, diminution de la quantité des résidus ultimes non valorisés et régularisation des flux de matières.

- Transformation (utilisation et réintégration des matières issues de déchets) : intégration de matières premières de recyclage dans des domaines d’application nouveaux ou existants (plasturgie, métallurgie…), traitement biologique et valorisation énergétique des déchets.

D’un point de vue politique, l’ADEME a lancé diverses opérations pour responsabiliser les PME et TPE en métropole et outre-mer, elle a ainsi créé un concours « Economie circulaire et urbanisme ». En Juin 2017, l’ADEME fait appel aux projets dans le cadre de l’innovation et l’écoconception. Il apparait une volonté de créer un marché intérieur en adaptant le cadre des nouvelles activités liées à l’économie circulaire.

Politique liée à l’économie circulaire et les DEEE en France En France, le ministère de la Transition Ecologique et solidaire consacre en 2016 une vision hexagonale proche du plan d’action européen. Le principe d’économie circulaire a fait son entrée dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 18 août 2015. Cette loi reconnait en effet la transition vers une économie circulaire comme un objectif national et comme l’un des piliers du développement durable21. Le gouvernement a lancé en octobre 2017 une consultation sur l’économie circulaire. Celle-ci s’est terminée le 6 décembre 2017 dans le but d’établir une feuille de route en mars 2018. D’après Brune Poirson, Secrétaire d’Etat auprès du Ministre de la transition écologique et énergétique, il en ressort que la fiscalité sera le premier levier via la taxe générale sur les activités polluantes, le but étant d’atteindre le niveau de taxation des pays nordiques. Ainsi l’ADEME mentionne l’exemple du Danemark où la TGAP atteint 63 €/t sur le stockage contre 16,5 €/t en France, et la mise en décharge des déchets municipaux y est de 1% contre 34% en France. Cette taxation est un premier alignement sur les demandes de l’Institut Montaigne. Une seconde phase de consultation aura lieu de janvier à février 201822. La LTECV définit les objectifs ambitieux liés à l’économie circulaire, comme celui d’une augmentation de 30% d’ici 2030 du rapport entre le PIB et la consommation intérieure de matières : « Il s’agit donc de produire en utilisant moins de matières, afin de découpler la croissance de la consommation de matières. ». Le ministère estime que cette filiale concerne 800 000 emplois et il espère un gain de 25 000 emplois à l’horizon 2025.

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Le rôle des consommateurs est indispensable à la mise en place d’une économie dite circulaire qui s’appuie sur le besoin croissant mondial en terres et métaux rares. Sur quel(s) levier(s) l’Etat français va-t-il s’appuyer pour mettre en place sa politique ? Bon nombre d’organismes occupent le terrain associatif en proposant des ateliers de réparation et tentent d’influer sur les politiques locales, nationales et européennes en termes de gestion de la filière DEEE. L’association Repair Café propose des ateliers de réparation pour les particuliers qui souhaiteraient allonger la durée de vie de leurs biens. Les particuliers sont invités à verser une somme symbolique en gage d’une réparation de leurs appareils électroménager ou autre produits technologique. Le problème c’est que certains appareils ne peuvent pas être réparés et devront de toutes les façons être jetés. D’autres associations telles que HOP (Halte à l’obsolescence programmée) jouent la carte de la consommation dite durable tentant de sensibiliser la population et d’influer sur les politiques. L’association, créée en 2015, a déposé « une plainte en obsolescence programmée et tromperie auprès du Procureur de la République de Nanterre »23 accusant HP, Canon, Brother et Epson, fabricants d’imprimantes, de délibérément produire des biens dont le cycle de vie est limité. HOP n’est pas la seule organisation à s’être engagée dans la « guerre contre l’obsolescence programmée ». La Fédération Envie, un réseau d’entreprises de l’économie sociale et solidaire, se mobilise sur trois axes : la réinsertion et la réparation et le recyclage des DEEE. L’organisation, créée par un ancien d’Emmaüs Strasbourg en 1984, recrute des personnes en réinsertion. Si les biens ne peuvent pas être rénovés ou réparés, la Fédération les collecte et les envoie sur un site industriel de recyclage. La Fédération Envie travaille donc avec les éco-organismes collectant ainsi à elle toute seule un tiers des DEEE français. Le réseau a d’ailleurs lancé fin novembre une campagne de communication intitulée Green Friday,24 en opposition avec Black Friday. L’objectif étant d’interpeller les consommateurs en les encourageant à se tourner vers des produits « recyclés ». La Fédération Envie a également offert des bons d’achat valables à vie pour toute personne qui achèterait des produits rénovés. Il est trop tôt pour mesurer l’efficacité de cette initiative mais elle fait néanmoins état d’une volonté profonde d’influer in fine sur les perceptions, les comportements des consommateurs. Cependant, des problèmes émergent car tout projet – même national ou régional – devra se confronter aux intérêts économiques des entreprises. En effet, la mise en vente de produits rénovés pourrait-elle se faire sans l’accord au préalable des fabricants de produits neufs ? Qu’advient-il des brevets de propriété intellectuelle ? Les constructeurs de produits high-tech accepteront-t-ils de voir leurs produits vendus ou distribués par un tiers sans l’aval de ses dernières ? Comment réagira une société comme Apple qui maîtrise déjà une bonne partie de son écosystème – y compris le « recyclage » ? Apple encourage ses clients à retourner leur téléphone ou PC dans une de leurs enseignes en échange d’une réduction de 10% sur l’achat d’un autre produit de la marque. Les compagnies n’hésiteront pas à attaquer toute entité, y compris un Etat, qui menacerait son modèle économique.

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Stratégie d’influence

L’organisation et la gouvernance de ces associations méritent une attention particulière car dans chacune d’entre elle, on trouve un acteur économique influent. Par exemple, le co-fondateur de Repair Café Paris, Benoit Engelbach, est un commercial chez Orange Business Services. Ce même Engelbach qui a participé en novembre 2015 à un événement axé sur l’innovation sociale,25 réunissant entre autres Hugues Sibille, président du Labo de l’ESS (Economie Sociale et solidaire) et Gilles de Labarre, président de Solidarité Nouvelle contre le Chômage. Les intervenants tentent de déplacer le débat social et environnemental hors de la sphère associative. L’association HOP est aussi un bon exemple. Laétitia Vasseur, la co-fondatrice de HOP, a travaillé pour le Sénat, le Ministère en charge de l'enseignement supérieur et de la recherche et le parlement européen. Samuel Sauvage, également co-fondateur de l’association, a quant à lui planché sur politiques de réinsertion au sein du conseil régional d’Ile-de-France. Enfin, Marjolaine Sicot, chargée de la trésorerie chez HOP, était à Greenpeace avant de rejoindre le Programme Life, « un instrument financier de la Commission européenne entièrement dédié à soutenir des projets dans les domaines de l’environnement et du climat », selon le site26 du Ministère de la Transition écologique et solidaire. HOP cherche également à élargir son champ d’influence hors du territoire français en fédérant d’autres associations européennes comme Les Amis de la Terre. L’émergence de toutes ces associations ainsi que les diverses actions qu’elles mènent semble démontrer une tentative d’influence les canaux sociétaux. Ceci est d’autant plus visible au sein de l’Institut de l’économie circulaire, créé en France en 2013, par la Fondation Nicolat Hulot, la KEDGE Business School, le Groupe La poste ainsi que la Fédération des entreprises du recyclage, le Syndicat français de l’industrie cimetière et le GrDF (Gaz réseau de distribution de France). L’institut, qui réunit également des députés européens, des ingénieurs, des professeurs, relaie régulièrement l’actualité de ses membres comme la Fédération Envie. Dans un souci de s’inscrire dans une politique européenne plus large, l’Institut de l’économie circulaire fait partie du groupe de coordination de la Plateforme des Acteurs Européens de l’Economie Circulaire reprenant dans le fond et la forme le schéma explicatif que celui disponible dans le rapport de la Fondation Ellen McCarthur (navigatrice anglaise).27 Pas étonnant quand on sait que les fondateurs de l’Institut de l’économie circulaire - le député François-Michel Lambert et Grégory Giavarina, nommé directeur Economie circulaire chez Deloitte Développement Durable en juillet 201728- se sont inspirés de la Fondation Ellen MacCarthur.29 Notons également que le premier rendez-vous dédié à l'économie sobre en ressources et carbone est organisé par l’institut, sous le haut patronage du Président de la République, Emmanuel Macron. Une telle volonté ne peut que souligner l’importance de l’économie circulaire et la filière DEEE.

Politique liée à l’économie circulaire et les DEEE en Europe D’un point de vue européen, Bruxelles souhaite développer une politique de soutien à cette économie circulaire. Pour Frans Timmermans, vice-président de la Commission, il convient d’ajouter aux objectifs de développement de l'économie circulaire exprimés par la France une volonté d’alléger la dépendance de l'UE aux importations de matières premières. Le parlement Européen a émis en mai 2017 quatre propositions de lois sur l’encadrement des déchets dans une approche d’économie circulaire, avec en ligne de mire, une volonté d’amender les directives 2000/53/EC (« end-of-life vehicles »), 2006/66/EC (« waste batteries and accumulators ») et 2012/19/EU (« waste electrical and electronic equipment »). Les précédentes directives sur le sujet étaient les suivantes :

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- 1999 : Interdiction de stocker les déchets non traités. Applications par 16 Etats membres en 2016

- 1994 : Recyclage des emballages et taux minimal par produit. Directive amendée en 2004 pour une réalisation en 2008

- 2000 : Directive sur les batteries, accumulateurs et DEEE. Premier objectif à atteindre en 2006 puis renouvellement de nouveaux objectifs pour 2015

Il apparait une volonté forte de la France d’homogénéiser les méthodes de collectes en Europe. La commission Européenne a de son côté lancé un appel à projets pour mener des agir pour le climat et la gestion des matières premières. En septembre 2017, elle a retenu 22 projets qui ont été subventionnés à hauteur de 218 millions d’Euros.30 Depuis le 10 novembre 2017, l’Union Européenne a mis en place un site internet et une plateforme pour les acteurs européens. Sur ce site apparait les différentes stratégies établies par les Etats (Finlande, Pays Bas et Belgique à horizon 2025 et 2050.

Proposition des groupements Européens En Europe, le CECED, European Committee of Domestic Equipment Manufacturers, Groupement Européen des entreprises Electriques, regroupe les principaux producteurs industriels. Cet organisme est dirigé par Paolo Falcioni. Cette association influe par son regroupement de producteurs clés d’appareils électronique ou électrique. L’organigramme montre une présence forte de l’industrie allemande. Ceux-ci émettent des recommandations liées à l’évolution législatives et économique dans le but de démontrer que les appareils produits sont une contribution à une économie plus large. Selon leur chiffre, le secteur représente 44 milliards dont 1.4 milliards en investissement. Les entreprises ont ainsi reversé 14 milliards à l’union Européenne. L’Italie apparait être une forte contributrice à hauteur de 8.5 milliards. La CECED est le seul organisme regroupant des personnes physiques et morales allemandes, à contrario des trois associations mentionnées précédemment. Il se positionne sur un programme appelé « Home Appliance 2025 » reprenant les concepts de l’économie circulaire pour la création d’emploi, la responsabilité sociale et l’approche pour la création d’un nouveau marché. Pascal Leroy, secrétaire général de WEEE Forum apparait dans toutes ces structures depuis les années 2000. En complément de ces initiatives, l’Union Européenne a subventionné le Close WEEE project qui se focalise lui sur les matières premières secondaires pour améliorer la séparation des éléments plastiques et des minerais critiques.

Proposition des fondations dans le cadre législatif de l’économie circulaire :

Ellen McArthur foundation a été créée en 2010 dans le but de promouvoir ce modèle économique. Elle consacre deux rapports influents sur l’économie circulaire en 2015. Ces

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rapports sont co-signés par le Docteur Stuchtey, Directeur de McKinsey Center, ainsi que le Docteur Zumwinkel, Directeur de la Deutsche Post foundation. La préface de ce rapport a été rédigé par le CEO de Philips, Frans Van Houten. Ces entreprises sont des partenaires fondateurs. En support à ce rapport, apparaissent les sociétés Veolia, Renault ainsi que des organisations tel que le club de Rome, Kingfisher ou l’UNEP. Ellen McArthur foundation a de multiples soutiens de multinationales. Outre cela, deux acteurs philanthropiques apparaissent : - Stiftungsfonds für Umweltökonomie und Nachhaltigkeit GmbH (SUN), filiale de la Deutsche

Post Foundation - Allemagne - Mava (en Suisse) dirigé par André Hoffman qui est Vice-Président de WWF et membre du

directoire de l’entreprise pharmaceutique « Roche ». Rappelons que WWF opère des actions de sensibilisation et de communication importante sur les acteurs télécom Français.

Des propositions communes Les propositions apparaissent communes. La volonté première est la baisse des coûts de recyclage et d’import par le biais de l’économie circulaire. La seconde est une nouvelle fois de basculer du linéaire vers le circulaire. Le point essentiel réside dans la création d’une économie soutenue par les appareils politiques et législatifs. Une économie apparaissant valoir des millions voir des milliards en se basant sur ces rapports. Le rapport du parlement Européen « Circular economy package - Four legislative proposals on waste » mentionne d’ailleurs la fondation Ellen McArthur foundation comme source d’étude et de recommandation ainsi que les chiffres que composent ce dossier. La préface est par ailleurs écrite par Janez Ptoznik, Commissaire Européen à l’écologie.

A 2015 Ellen MacArthur Foundation report estimates that by 2030, a shift towards a circular economy could reduce net resource spending in the EU by €600 billion annually, bringing total benefits estimated at €1.8 trillion per year once multiplier effects are accounted for (EU Report)

Le Brexit, source de fragilité sur l’application du modèle

Le CECED identifie une problématique à venir dans son rapport daté du 29 novembre 2017 : les problématiques de l’harmonisation de la filiale DEEE liées au Brexit suivant l’utilisation de l’Article 50 en mars 2017 par le Royaume-Uni. Les recommandations sont définies sur : - les problèmes douaniers - l’accès au marché Britannique - l’intégration des sociétés britannique dans la chaine de valeur.

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Face à cette sortie de l’Union, l’entreprise SUEZ a par ailleurs réalisé des sorties médiatiques sur la gestion des déchets électriques importés en Europe par le manque de zones de stockage au Royaume Uni31.

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Conclusion

D’autres approches permettant de mieux tenir compte des effets de la production de déchets commencent à émerger. Par exemple l’idée de « mesurer la richesse nette de l’appauvrissement du capital environnemental » c’est-à-dire de créer et mesurer un PIB vert32. C’est justement la suggestion du responsable économiste de l’agence française de développement Gaël Giraud. Mais pour le mesurer, il conviendrait de donner une valeur au capital initial, et de mesurer sa détérioration (pollution de l’air, des sols, baisse des quantités disponibles et non-renouvelables, etc.). Une deuxième proposition émanant des ONG serait de mettre en place une structure tarifaire des taxes sur les DEEE qui différencie les coûts de traitement en fonction des propriétés du produit. Ainsi, les producteurs de déchets contenant moins de composants électriques ou plus facilement recyclables devraient payés moins de taxes. Pour être effectif, ce système nécessiterait une harmonisation des critères pour différencier les taxes au niveau européen. Mais il faudrait pour cela que l’on soit parvenu au préalable à une gestion optimale des déchets. Pour ce faire, il serait notamment nécessaire d’améliorer les techniques d’identification, de caractérisation et de tri, ce qui implique des efforts de R&D, notamment chez les fournisseurs d’équipements. Plus généralement, les entreprises du secteur vont donc devoir continuer à investir fortement sur ce créneau. Mais n’est-il pas plus urgent que les fabricants opèrent « la révolution de l’écoconception » en améliorant la durée de vie de leurs produits, quitte à faire diminuer leur taux de renouvellement ? L’innovation ne consiste pas seulement à offrir de nouveaux services complexes à partir d’un seul appareil ou une meilleure performance de calcul ou de vitesse, c’est aussi favoriser l’efficacité des ressources et produire des biens dont la fin de vie n’implique pas la destruction de l’environnement. L’innovation réside aussi dans la mise en place, par différents acteurs, de circuits surveillés de gestion des appareils usagés, d’abord en vue du réemploi puis du recyclage, localisés dans les territoires où sont consommés ces biens. Ensuite il est probablement possible de concevoir une autre façon de consommer les EEE, par exemple en faisant appel à la location ou au partage, dans un système où le consommateur redeviendrait un utilisateur et payerait au prorata de son utilisation. Comme on l’a vu dans ce dossier, au-delà des aspects sanitaires et environnementaux, le traitement des déchets est devenu un élément de puissance économique pour beaucoup de pays industrialisés, dont la France, au cours des 15 dernières années. Mais ce marché encore balbutiant est amené à se transformer dans les prochaines décennies et à occuper une place stratégique dans les économies. L'annonce de la Chine, cet été, de ne plus importer les déchets plastiques européens a provoqué un séisme, considéré comme une catastrophe par certains, et une formidable opportunité pour d’autres. La filière française va devoir s'organiser pour s’adapter, et intégrer le recyclage et la valorisation en Europe même. Si le cadre administratif et législatif est très contraignant dans le modèle français et in extenso dans les pays européens, il n’en est pas de

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même en Allemagne où la loi du marché régit cette industrie. Encore une fois, on devrait assister à une lutte entre le pragmatisme de certains et la volonté de normaliser d’autres. Comment réagiront les grands acteurs économiques, au premier rang desquels les leaders mondiaux Véolia et Suez ? Quelles alliances vont se nouer entre acteurs de la filière, du producteur au recycleur ? Comment l’économie circulaire va-t-elle se développer et moduler – ou pas – nos modes de consommation ? Si Suez, SEB et Ecosystèmes semblent anticiper un regroupement stratégique et organiser cette transition, il conviendrait de maintenir des contre-pouvoirs et des organismes de contrôle pour éviter toute position monopolistique au sein de la filière REP des DEEE.

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Notes

1 Les plus vieilles entreprises de récupération métallurgique se trouvaient à Ivry-sur-Seine et Nanterre en 1958 2 The Limits To Growth, Rapport Club de Rome, Dennis Meadows, Donella Meadows, Jorgen Randers, William

W. Behrens III 3 Torrey Canyon en 1967, Amoco Cadiz en 1978, Exxon Valdez en 1989, Erika en 1999, Prestige en 2002 4 Directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre relative aux déchets et abrogeant

certaines directives, JOCE,L 312, 22 novembre 2008. 5 Règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts

de déchets, JOCE, L 190, 12 juillet 2006. 6 Directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions

industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution), JOCE, L 334, 17 décembre 2010. 7 Directive 1999/31/ CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets, JOCE, L 182, 16

juillet 1999. 8 Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie 9 http://www.keepeek.com/Digital-Asset-Management/oecd/environment/la-responsabilite-elargie-du-

producteur_9789264273542-fr#.WkK-SGciG9I#page1 10 Valorisation des DEEE par l’extraction de terres rares, métaux précieux et matières plastique.- Laboratoire

d’Electrochimie et de Chimie Analytique, Département de Chimie, Université Mohammed V-Agdal, Faculté des Sciences Rabat 11 Rapport d'information n° 850 (2015-2016) de Mme Marie-Christine BLANDIN, fait au nom de la mission

d'information, déposé le 27 septembre 2016 12 https://www.interpol.int/fr/Centre-des-m%C3%A9dias/Nouvelles/2015/N2015-118, publié le 31 août 2015 13 LUNDGREN, K. (2012). The global impact of e-waste: addressing the challenge, International Labour Office,

Programme on Safety and Health at Work and the Environment (SafeWork). Sectoral Activities Department (SECTOR), Geneva 14 Schlitz S., Stevenin M., Ait Hmad A., Mariage T., (2009-2010). Le trafic international des déchets. Université

Libre de Liège, Liège. 15 SECRETARIAT DE LA CONVENTION DE BALE(SCB)(2012). Deee en Afrique : État des lieux. Résultats du

Programme E-wasteAfrica de la Convention de Bâle, Bâle. 16 Affaire d’Eco-Emballages - placements de la trésorerie dans des paradis fiscaux- 2015 17 https://www.bitkom.org/Presse/Presseinformation/Bitkom-und-ZVEI-Elektrogeraetegesetz-muss-

nachgebessert-werden.html 18 Etude sur la transposition de la directive DEEE en Europe rapport final- partie 2 : fiches pays détaillées 19 La responsabilité collective en pratique : un modèle dynamique de la co-régulation. Le cas de la REP des DEEE

– Helen Micheaux et Franck Aggeri 20 CEDRE 21 MTES 22 https://www.consultation-economie-circulaire.gouv.fr/. 23 HOP, 17 septembre 2017 http://www.halteobsolescence.org/les-fabricants-dimprimantes-mis-en-cause-par-

une-plainte/ 24 L’évenement Green Friday, http://www.envie.org/green-friday/levenement-green-friday/ 25 Conférence sur l'innovation sociale, 9 novembre 2015 https://www.linkedin.com/pulse/conférence-sur-

linnovation-sociale-avec-hugues-le-10-2015-engelbach/ 26 Ministere de la Transition écologique et solidaire, 7 novembre 2016, https://www.ecologique-

solidaire.gouv.fr/programme-europeen-financement-life 27 https://www.institut-economie-circulaire.fr/Qu-est-ce-que-l-economie-circulaire_a361.html et Growth

within: a circular economy vision for a competitive Europe, July 2015, page 48,

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28 https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/presse/2017/nomination-gregory-giavarina-directeur-economie-

circulaire.html 29 https://fr.wikipedia.org/wiki/Institut_de_l%27économie_circulaire 30 https://ec.europa.eu/easme/en/news/22-projects-about-get-218-million-horizon-2020-funding

31 Suez Mind the Gap 2017-2030 32 Actu-environnement