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Archives Internationales de Physiologie, de Biochimie et de Biophysique, 1993, 101, A49-A50 A49 reunion du groupe “Digestion” Enkkphalines et comrnande nerveuse de I’activitk motrice intestinale Yvon JULE (D6partement de Physiologie et Neurophysiologie, CNRS URA 205, Facult6 des Sciences de Saint-J&&ne, 13397 Marseille C6dex 20) La commande nerveuse de l’activite motrice du tube digestif s’accomplit par la mise en jeu coordonnke des structures nerveuses enteriques, representees par les plexus nerveux intramuraux, et des structures nerveu- ses extrinseques appartenant au systeme nerveux sympathique et parasympathique. Les mediateurs chi- miques intervenant au niveau de ces structures nerveu- ses sont, en plus des mediateurs classiques comme l’acktylcholine et la noradrknaline, de nombreuses autres substances pour la plupart des peptides de fai- ble poids molkculaire. Parmi ces neuropeptides figu- rent les enkephalines. Depuis leur caracterisation au niveau du systeme nerveux central par HUGHES et Collaborateurs (1975)’ les enkephalines ont succite un vif intCrCt aupres des physiologistes impliques dans 1’Ctude de la commande nerveuse de la motricite digestive. Des etudes biochi- miques, rkalisees au niveau du systeme nerveux enteri- que des diverses especes, ont Ctabli la presence d’authentiques enkkphalines. Leur quantification a ete realisee tout au long du tractus digestif. I1 est apparu que les concentrations d’enkephalines sont toujours 3 a 5 fois plus elevees dans la region pyloro-duodenale que dans les autres regions du tube. Les enkephalines sont localisees en grande partie dans les plexus nerveux myenteriques. Au sein de ces plexus, le materiel enkephalinergique est contenu dans de nombreuses terminaisons nerveuses ainsi que dans le corps cellulaire de certains neurones. De nombreu- ses fibres enkephalinergiques ont CtC Cgalement locali- sees dans les musculeuses lisses. Au niveau du pylore et du talon distal, les fibres enkephalinergiques se dis- tribuent a part tgale dans la musculeuse longitudinale et circulaire. Cependant, dans les autres regions du tube digestif les fibres enkephalinergiques sont localistes essentiellement dans la musculeuse circulaire. Les plexus sous-muqueux contiennent tres peu de fibres enkephalinergiques et sont dkpourvus de neurones enkephalinergiques. On a longtemps pens6 que l’innervation enkkpha- linergique du tractus digestif Ctait exclusivement d’ori- gine intrinseque, issue des plexus nerveux myenteriques. Cependant , la decouverte de materiel enkephalinergi- que dans le corps cellulaire de certains neurones des ganglions sympathiques prkvertebraux suggkrait forte- ment qu’une partie de l’innervation enkephalinergique du tractus digestif est d’origine extrinseque. En effet, une etude que nous avons realisee recemment au niveau du ganglion mesenterique inferieur (ganglion sympa- thique prkvertebral) du chat, demontre que plus de 30% des neurones enkephalinergiques localises dans ce gan- glion projettent vers le c6lon distal. I1 existe donc bien 2 sources pour l’innervation enkephalinergique du trac- tus digestif : une source intrinseque, representee par le plexus nerveux myenteriques, et une source extrinse- que, representee par les ganglions sympathiques pri- vertkbraux. Au sein des neurones des plexus myenteriques, les enkephalines coexistent avec d’autres neuropeptides tels que la cholecystokinine, la dynorphine, le neuropep- tide Y, le peptide vasoactif intestinal (VIP) et la subs- tance P. Les enkkphalines peuvent coexister soit avec un seul de ces peptides, ou, le plus souvent, avec plu- sieurs d’entre-eux, determinant ainsi un veritable “codage chimique” des neurones myentkriques. I1 est tres vraisemblable, par ailleurs, comme le suggerent cer- taines donnkes Clectrophysiologiqueset pharmacologi- ques, qu’en plus des peptides precedemment cites, l’acktylcholine, qui joue un rale essentiel dans la neu- rotransmission des plexus myenteriques, coexiste avec les enkephalines. La signification fonctionnelle de la coexistence des enkkphalines avec de nombreux media- teurs, vrais ou putatifs, n’est pas encore clairement eta- blie. On peut cependant concevoir que la coexistence des enkkphalines avec d’autres mediateurs permet d’affiner les processus de transmission synaptique des messages nerveux entre le neurone enkephalinergique et les cellules cibles (neurones myenteriques et fibres musculaires lisses) griice a la mise en jeu de recepteurs varies prksynaptiques et post-synaptiques. Dans toutes les especes ttudikes, les enkephalines exercent une double action a la fois excitatrice et inhibi- trice sur l’activitk motrive intestinale. Ainsi au niveau de l’intestin grele du cobaye, du rat et du lapin, c’est l’effet inhibiteur qui prevaut tandis que chez le chien, l’effet excitateur est plus marque. Au niveau de l’intestin grkle du chat, les enkephalines produisent indifferemment un effet excitateur et inhibiteur. Ces effets des enke- phalines sont bloques par la naloxone demontrant ainsi qu’ils s’accomplissent par l’intermediaire des recepteurs aux opiaces. De nombreux travaux tendent a demon- trer que l’action des enkephalines se situe essen- , Archives of Physiology and Biochemistry Downloaded from informahealthcare.com by University of Auckland on 11/10/14 For personal use only.

Enképhalines et comrnande nerveuse de I'activité mo trice intestinale

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Page 1: Enképhalines et comrnande nerveuse de I'activité mo trice intestinale

Archives Internationales de Physiologie, de Biochimie et de Biophysique, 1993, 101, A49-A50 A49

reunion du groupe “Digestion”

Enkkphalines et comrnande nerveuse de I’activitk motrice intestinale

Yvon JULE

(D6partement de Physiologie et Neurophysiologie, CNRS URA 205, Facult6 des Sciences de Saint-J&&ne, 13397 Marseille C6dex 20)

La commande nerveuse de l’activite motrice du tube digestif s’accomplit par la mise en jeu coordonnke des structures nerveuses enteriques, representees par les plexus nerveux intramuraux, et des structures nerveu- ses extrinseques appartenant au systeme nerveux sympathique et parasympathique. Les mediateurs chi- miques intervenant au niveau de ces structures nerveu- ses sont, en plus des mediateurs classiques comme l’acktylcholine et la noradrknaline, de nombreuses autres substances pour la plupart des peptides de fai- ble poids molkculaire. Parmi ces neuropeptides figu- rent les enkephalines.

Depuis leur caracterisation au niveau du systeme nerveux central par HUGHES et Collaborateurs (1975)’ les enkephalines ont succite un vif intCrCt aupres des physiologistes impliques dans 1’Ctude de la commande nerveuse de la motricite digestive. Des etudes biochi- miques, rkalisees au niveau du systeme nerveux enteri- que des diverses especes, ont Ctabli la presence d’authentiques enkkphalines. Leur quantification a ete realisee tout au long du tractus digestif. I1 est apparu que les concentrations d’enkephalines sont toujours 3 a 5 fois plus elevees dans la region pyloro-duodenale que dans les autres regions du tube.

Les enkephalines sont localisees en grande partie dans les plexus nerveux myenteriques. Au sein de ces plexus, le materiel enkephalinergique est contenu dans de nombreuses terminaisons nerveuses ainsi que dans le corps cellulaire de certains neurones. De nombreu- ses fibres enkephalinergiques ont CtC Cgalement locali- sees dans les musculeuses lisses. Au niveau du pylore et du talon distal, les fibres enkephalinergiques se dis- tribuent a part tgale dans la musculeuse longitudinale et circulaire. Cependant, dans les autres regions du tube digestif les fibres enkephalinergiques sont localistes essentiellement dans la musculeuse circulaire. Les plexus sous-muqueux contiennent tres peu de fibres enkephalinergiques et sont dkpourvus de neurones enkephalinergiques.

On a longtemps pens6 que l’innervation enkkpha- linergique du tractus digestif Ctait exclusivement d’ori- gine intrinseque, issue des plexus nerveux myenteriques. Cependant , la decouverte de materiel enkephalinergi- que dans le corps cellulaire de certains neurones des ganglions sympathiques prkvertebraux suggkrait forte- ment qu’une partie de l’innervation enkephalinergique

du tractus digestif est d’origine extrinseque. En effet, une etude que nous avons realisee recemment au niveau du ganglion mesenterique inferieur (ganglion sympa- thique prkvertebral) du chat, demontre que plus de 30% des neurones enkephalinergiques localises dans ce gan- glion projettent vers le c6lon distal. I1 existe donc bien 2 sources pour l’innervation enkephalinergique du trac- tus digestif : une source intrinseque, representee par le plexus nerveux myenteriques, et une source extrinse- que, representee par les ganglions sympathiques pri- vertkbraux.

Au sein des neurones des plexus myenteriques, les enkephalines coexistent avec d’autres neuropeptides tels que la cholecystokinine, la dynorphine, le neuropep- tide Y, le peptide vasoactif intestinal (VIP) et la subs- tance P. Les enkkphalines peuvent coexister soit avec un seul de ces peptides, ou, le plus souvent, avec plu- sieurs d’entre-eux, determinant ainsi un veritable “codage chimique” des neurones myentkriques. I1 est tres vraisemblable, par ailleurs, comme le suggerent cer- taines donnkes Clectrophysiologiques et pharmacologi- ques, qu’en plus des peptides precedemment cites, l’acktylcholine, qui joue un rale essentiel dans la neu- rotransmission des plexus myenteriques, coexiste avec les enkephalines. La signification fonctionnelle de la coexistence des enkkphalines avec de nombreux media- teurs, vrais ou putatifs, n’est pas encore clairement eta- blie. On peut cependant concevoir que la coexistence des enkkphalines avec d’autres mediateurs permet d’affiner les processus de transmission synaptique des messages nerveux entre le neurone enkephalinergique et les cellules cibles (neurones myenteriques et fibres musculaires lisses) griice a la mise en jeu de recepteurs varies prksynaptiques et post-synaptiques.

Dans toutes les especes ttudikes, les enkephalines exercent une double action a la fois excitatrice et inhibi- trice sur l’activitk motrive intestinale. Ainsi au niveau de l’intestin grele du cobaye, du rat et du lapin, c’est l’effet inhibiteur qui prevaut tandis que chez le chien, l’effet excitateur est plus marque. Au niveau de l’intestin grkle du chat, les enkephalines produisent indifferemment un effet excitateur et inhibiteur. Ces effets des enke- phalines sont bloques par la naloxone demontrant ainsi qu’ils s’accomplissent par l’intermediaire des recepteurs aux opiaces. De nombreux travaux tendent a demon- trer que l’action des enkephalines se situe essen-

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tiellement au niveau des neurones myentkriques excluant ainsi une action au niveau des musculeuses lis- ses. L’effet excitateur des enkkphalines semble s’expli- quer par une levCe d’inhibition soit prkidment par un blocage des voies inhibitrices intramurales de nature non adrknergique non cholinergique. Il n’est cependant pas exclu que cet effet excitateur rCsulte aussi d’une activation de certaines voies excitatrices intramurales de nature skrotoninergique et substance P. Quant A l’effet inhibiteur des enkkphalines sur l’activitk motrice intestinale, il pourrait correspondre un blocage des voies excitatrices intramurales de nature cholinergique.

De nombreux travaux biochimiques, immunohisto- chimiques, klectrophysiologiques et pharmacologiques indiquent, dans leur ensemble, que les enkkphalines sont impliqukes dans la commande nerveuse sympathi- que de la motricitk digestive. Elles interviennent au

niveau des effkrences prkganglionnaires, de nature cho- linergique, se projetant au niveau des neurones post- ganglionnaires situks dans les ganglions sympathiques prkvertkbraux. Leur liberation produit une inhibition prksynaptique. I1 est t r b vraisemblable que les enkkpha- lines interviennent galement au niveau des voies sym- pathiques postganglionnaires puisque nous avons mon- tre qu’une population importante des neurones des gan- glions sympathiques prkvertCbraux contiennent des enkkphalines.

En conclusion, les enkkphalines interviennent dans la commande nerveuse de l’activitk motrice intestinale en agissant A la fois au niveau des structures nerveuses entkriques et des structures nerveuses ganglionnaires pkriphkriques. Au niveau de ces diffkrents structures, les enkkphalines pourraient intervenir dans l’ajustement du gain des boucles reflexes mis en jeu dans la genbe et la coordination de l’activitk motrice intestinale.

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