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Enseigner la musique en Haïti Projet Musical et Pédagogique Xavière FERTIN CEFEDEM de Lorraine-Sous la direction d'Emmanuel SEJOURNE Octobre 2014 1

Enseigner la musique en Haïti · Dans le cadre d’un partenariat de la ville de Strasbourg avec celle de Jacmel en ... Les garçons imaginent donc que la clarinette est ... La plupart

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Enseigner la musique en Haïti

Projet Musical et Pédagogique

Xavière FERTIN

CEFEDEM de Lorraine-Sous la direction d'Emmanuel SEJOURNE

Octobre 2014

1

Ville de Strasbourg
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SOMMAIRE

INTRODUCTION................................................................................................4

PRÉSENTATION DE L’ÉCOLE...............................................................................5LES CONDITIONS DE TRAVAIL.............................................................................5LE PROFIL DES ÉLÈVES....................................................................................6L'ENVIRONNEMENT..........................................................................................7LE MATÉRIEL.................................................................................................8LA LANGUE…................................................................................................9L’ORGANISATION..........................................................................................10LA DISCIPLINE, LES RÈGLES.............................................................................12L’ENSEIGNEMENT..........................................................................................13LE RÉPERTOIRE............................................................................................15LES NOTIONS ABORDÉES.................................................................................19LES DIFFICULTÉS TECHNIQUES RENCONTRÉES.......................................................22LE RÉCITAL.................................................................................................23

CONCLUSION...............................................................................................25

ANNEXES....................................................................................................26Mot de Jean-Marc FOLTZ...........................................................................26

Mot de Fritz VALESCOT.............................................................................27

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Dans le cadre d’un partenariat de la ville de Strasbourg avec celle de Jacmel en

Haïti, je suis partie en bénévole pour donner trois semaines de cours de clarinette.

Chaque année, l’école de musique Dessaix-Baptiste (du nom du flûtiste jacmélien)

organise deux camps d’été ; un au mois de juillet (le mini-camp) pour les débutants

jusqu’à la deuxième année d’instrument et un au mois d’août pour les élèves

avancés (le grand-camp).

C’est dans le cadre du mini-camp que j’ai pu donner cours à des élèves qui ont

débuté la clarinette en octobre 2012 ou 2013. Le professeur de clarinette de l’école,

Wilfrid Décembre, s’occupait des élèves débutants. Également étudiant en

sociologie, son point de vue sur la pédagogie était très intéressant ce qui m'a aidé à

comprendre divers fonctionnements et comportements liés à la culture.

Catherine Formhals, professeur de clarinette et saxophone à l’école de musique de

Kronenbourg est venue avec moi. Elle s’est occupée d’élèves saxophonistes. Nous

nous sommes rencontrées à cette occasion et les échanges que nous avons pu avoir

lors de ce séjour ont été très enrichissants. En effet, elle a une grande expérience de

l’enseignement et de la pédagogie dans divers milieux et avec différentes

générations.

Je suis partie dans cette aventure sans connaître le niveau des élèves, l’organisation

et les objectifs du camp car je n'ai pas eu de réponse à ces questions. Du premier

jour au dernier jour du mini-camp, j'ai ainsi découvert le fonctionnement du mini-

camp avec, à chaque fois, de nouvelles surprises. J’ai dû trouver ma place au sein

de l’équipe enseignante et des élèves, apprendre à rencontrer une culture très

différente, ses caractéristiques et habitudes.

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PRÉSENTATION DE L’ÉCOLE

Crée en 1998, l’école Dessaix-Baptiste a pour objectif de promouvoir la culture

comme outil d’éducation et de développement. Elle est membre de l’Association

Nationale des Écoles de Musique d’Haïti (ANADEMH) qui organise le soutien des

écoles de musique entre elles : recherche d’instruments, recherches de fonds, de

bourses d’études, de matériel, échange de professeurs, etc. Elle comprend

actuellement 15 écoles membres dont l’école de musique Notre Dame de Cayes-

Jacmel que nous avons pu visiter pour participer au récital des professeurs. Le

nombre d’élèves de l’école Dessaix-Baptiste n’a cessé d’augmenter jusqu’à atteindre

plus de 1000 élèves au début des années 2010. Le mini-camp accueille environ 150

élèves de premier cycle.

LES CONDITIONS DE TRAVAIL

La découverte des conditions de travail très difficiles m'a déstabilisée au premier

cours. Je me rends à l'évidence, je m'adapte afin de rester calme. Les élèves ont

cours de théorie musicale de 8h à 9h puis cours d'instrument de 9h à 12h et fanfare

de 12h à 13h.

Je donne cours de 9h à 12h avec une pause de 30 minutes à 10h. Les élèves ont

une ou deux années d’instrument voire moins. Ils ont commencé leur apprentissage

par une année de théorie musicale et débuté l’instrument lors du mini-camp. Le

groupe dont je m’occupe est très hétérogène. Les élèves ont des âges différents

(entre dix et vingt-et-un ans), ne peuvent pas tous emporter la clarinette chez eux et

certains ont des instruments défaillants ou des anches cassées.

Les conditions d’apprentissage sont donc très différentes d’un élève à l’autre. Je le

réalise au jour le jour et je comprends mieux l'évolution de chacun. J’ai onze élèves

en même temps et dès le début je souhaite prendre en compte chaque individualité.

Je leur demande donc de m’écrire leurs prénoms typiquement haïtiens (Guerdoty,

Daphcar, Kensly...) pour les apprendre très rapidement.

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LE PROFIL DES ÉLÈVES

J’ai principalement des élèves filles. Les garçons imaginent donc que la clarinette est

un instrument de fille. Ils veulent faire du saxophone mais il n'y a plus de place. Je

les encourage à continuer l'apprentissage de la clarinette et à découvrir la clarinette

basse que j'aurais aimé leur présenter.

Les élèves sont très respectueux, ils m'appellent «Madame Xavière». Ils sont parfois

très dissipés et il me semble important de trouver un équilibre entre autorité et plaisir

de l'apprentissage. Il faut gagner leur confiance et user de l'humour ; savoir imposer

ce qui semble être bénéfique pour chacun (par exemple le choix d'un répertoire

adapté) tout en prenant en compte leurs attentes. Ils veulent souvent mettre la

charrue avant les bœufs mais avec leur volonté, ils peuvent obtenir des résultats

incroyables pour leur niveau.

J'ai a cœur de valoriser leurs qualités pour les faire progresser en tenant compte de

leurs propres moyens. J'essaie d'être vigilante pour m'occuper de chacun avec

attention et propose toujours des cours en individuel ou en petit groupe l'après-midi.

Ils ont tous leur personnalité et leur musique est déjà personnalisée.

En ce qui concerne leur comportement et leur motivation, certains n'en font qu'à leur

tête ; d'autres écoutent très sérieusement les conseils. Certains veulent jouer des

partitions ;d'autres veulent faire des gammes, des exercices, travailler dans une

méthode. Certains veulent improviser ou faire du jazz ; d'autres veulent jouer du

classique. Certains sont très enthousiastes ; d'autres moins. Certains ont des facilités

techniques ; d'autres ont des difficultés. Certains peuvent travailler à la maison ;

d'autres pas. Certains aiment être en groupe, d'autres préfèrent être seuls. Certains

ont besoin d'avoir des responsabilités, d'autres cherchent à se faire porter. Certains

jouent très fort, d'autres sont timides et n'osent pas jouer. Certains aiment travailler,

d'autres attendent que ça vienne tout seul. Même un trait de caractère plutôt négatif

peut être positivé : un élève dissipé et malin peut être très créatif ; un élève timide

peut avoir une belle sensibilité ; un élève qui n'en fait qu'à sa tête peut trouver une

indépendance. 6

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Impromptu musical, la joie de la spontanéité

Un stage de trois semaines est trop court pour bien connaître les élèves, les faire

progresser et les aider à trouver leur personnalité artistique. Mais j'ai pu faire le point

avec leur professeur habituel pour qu'il prenne en compte le travail de chacun

pendant ce stage. Je crois que chaque élève a sa place dans l'école même s'il a

beaucoup de difficultés. Leur professeur est très à l'écoute et je suis sûre qu'il va les

faire progresser.

L'ENVIRONNEMENT

Le plus difficile à supporter est le bruit permanent. En effet, nous travaillons dans la

même salle et en même temps que les hautboïstes. C’est un espace ouvert sur une

cour intérieure dans laquelle les douze clarinettistes débutants apprennent à souffler

dans le bec et les bassonistes à jouer leurs gammes. Je m’entends à peine parler, je

ne peux m'adresser au groupe qu’en criant alors, je parle individuellement répétant à

chaque élève la consigne ou le conseil. Pendant ce temps chacun essaie l’exercice

de son côté, le brouhaha est impressionnant, fatiguant, difficile à gérer.

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La découverte de telles conditions de travail est déstabilisante mais il faut garder son

calme et trouver des solutions. Les élèves ont l’habitude d’un tel bruit. Pour eux, il est

normal de faire de la musique dans du bruit général. Jouer tous ensemble des

choses différentes ne leur pose pas de problème. Dans cette cacophonie, ils ne

s’entendent pas toujours et ont donc tendance à souffler très fort. Par contre, en

cours individuel ils ont trop de retenue et ne soufflent plus assez. Même quand j’ai

l’occasion de les faire travailler dans le silence, ils continuent à jouer de façon

désordonnée sans s'écouter eux même. Dans un tel contexte, il est difficile d’aborder

les questions de l’écoute, de la concentration, de la justesse ou des dynamiques.

Je me rends compte à quel point l’espace de travail est important. Le fait que celui-ci

soit ouvert sur l’extérieur n’aide pas à la concentration des élèves qui sont

constamment distraits par ce qui se passe à côté : ils n’hésitent pas à partir voir au

dehors. Plus tard dans le stage, nous nous installons dans la cour pour expérimenter

un espace moins résonnant. C’est un peu mieux pour nos oreilles.

LE MATÉRIEL

La plupart des instruments sont en très mauvais état. Nous devons patienter une

semaine avant que le réparateur arrive. En attendant, j’apprends à détecter les

fuites, les vis, tampons et lièges manquants, les clés tordues et à trouver des

solutions. Certaines clarinettes sont injouables (souvent celles des élèves les plus

motivés), je prête donc la mienne mais je ne peux alors plus montrer l’exemple ou

jouer avec eux.

Les anches sont également très abîmées. J’ai un stock d’anches trop fortes pour des

débutants, nous apprenons à les gratter. Ils veulent tous une nouvelle anche gratuite

et certains font semblant de la perdre pour en avoir une autre. Le fait de donner une

anche à un élève devient un acte important et qu’il faut gérer. Les tenons n’ont plus

de lièges alors il arrive qu’un pavillon ou un corps du bas tombe. Pendant la pause,

les clarinettes tombent des chaises tellement l’espace est étroit. Nous apprenons à

les ranger à chaque fois. Les becs sont en très mauvais état, sales, dentelés et pas

forcément adaptés aux débutants. 8

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L’état du matériel rend plus délicate l’évaluation de l’élève d’autant plus que je ne

peux pas l’essayer. Il faut trouver si le problème vient de l’embouchure, d’un doigt

mal posé ou tout simplement de l’anche ou d’une fuite sur l’instrument. De plus, à

chaque cours, il est difficile de trouver des chaises, des pupitres. Cela crée de la

dispersion dans les élèves et fait perdre beaucoup de temps.

Faire des photocopies est compliqué car il n’y a presque jamais d’électricité. On doit

donc s’arranger et parfois, suivre à dix sur une partition. Il n'y a pas de support pour

écrire, pas de tableau, pas d'électricité. Je leur donne des crayons et du papier

musique mais ça disparaît très vite.

La réserve des instruments de l'école

LA LANGUE

Tous les élèves ne parlent pas très bien français. J’apprends à parler créole

davantage pour les faire rigoler que pour me faire comprendre. Ils sont très sensibles

à l’intérêt que je porte à leur culture et pays. Le fait que je sois blanche et qu’ils ne

me connaissent pas entraîne une certaine méfiance et timidité au départ. Je sens

qu’ils préféreraient être avec leur professeur qu’ils connaissent bien. Petit à petit,

nous nous apprivoisons. Cela passe par l’échange de connaissances, de cultures, de

rires et de musique. Je suis moi même ici pour apprendre. 9

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L’ORGANISATION

Le manque de moyens matériels ou de communication rend l’organisation à la fois

nécessaire et primordiale mais aussi très aléatoire. Le travail fait par toute l’équipe

administrative et enseignante de l’école pour la mise en place du camp est

impressionnant. Ils ont une faculté à faire beaucoup avec peu de moyens. Leur

volonté est grande. Un certain fonctionnement propre à l’école s’est mis en place. Il

n’est pas toujours facile de le comprendre et de s’y intégrer. Les choses sont

tellement logiques et évidentes pour eux que l’on en parle peu et que les questions

restent souvent sans réponses ou sans évolution possible.

Le bureau de l'administration où l'on y est toujours très bien accueilli

Trouver sa place et adapter son propre fonctionnement, différencier ce qui est

culturel de ce qui est personnel (certains comportements qui me paraissent étranges

sont en réalité en lien avec la culture et il serait déplacé de vouloir les modifier). La

question de l’adaptation de la pédagogie à l’environnement et aux élèves se trouve

au centre de mes préoccupations. Comment arriver à accepter certaines choses et

en proposer voire imposer d’autres ?

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Faire un projet pédagogique dans une structure et avec un public que l’on connaît

mal est difficile. Une phase d’observation, d’échange, de prise de contact avant de

passer à la phase active peut aider à la réalisation. La connaissance du milieu, son

fonctionnement sociétal sont primordiaux. Le lien de confiance avec le public est

important. Mon attitude, ma manière d’être évolue constamment inconsciemment.

J’ai moi-même moins d’appréhension et de peur au fil du temps. La peur de l’autre

est inutile et constitue une forme de blocage. Je me laisse transformer par cette

expérience.

L’école de musique est une micro-société avec ses règles, sa hiérarchie. Catherine

et moi ne sommes pas réellement intégrées à l’équipe des professeurs car celle-ci

est particulière et peu organisée de manière collégiale. Il n’y a pas de réunion

pédagogique pour définir les objectifs, connaître le programme du concert de fanfare

ou les notions théoriques abordées. Il y a donc beaucoup de choses que j’apprends

par les élèves : qui joue quoi, dans quelle fanfare, qui vient de telle école de

musique, qui peut emporter la clarinette à la maison et pourquoi, quel est leur âge,

pourquoi sont-ils absents ou en retard, où habitent-ils, quelle est leur compréhension

du français.

Le professeur ne peut enseigner sans être au courant de certains paramètres et

avoir une réelle place dans l’équipe enseignante avec la possibilité de dialoguer. Les

trois premiers jours de la semaine, le directeur n’étant pas là, certains professeurs

prennent des décisions. Ainsi, le deuxième récital est annulé quelques jours avant.

Mes objectifs de la semaine sont anéantis sans avoir pu exprimer l’importance

pédagogique de ce récital aux autres professeurs. Je suis désemparée car j’avais

promis aux élèves qui n’ont pas pu jouer au premier récital qu’ils joueront au

deuxième. Alors, avec Catherine, nous organiserons un petit concert.

Chaque professeur est libre de s’organiser comme il veut mais avec certaines

contraintes qui apparaissent au fur et à mesure. Par exemple, j’ai possibilité de

donner cours en individuel l’après-midi. Les élèves qui le souhaitent peuvent

s’inscrire dans mon cahier. Avec Catherine nous sommes les seules à donner des

cours supplémentaires (les autres professeurs ont souvent un deuxième travail) si 11

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bien qu’il arrive que l’on vienne et que l’école soit fermée ou que les élèves ne soient

pas là ou qu’ils n’aient pas accès à la réserve. D’autres ne peuvent pas rentrer chez

eux pour manger à midi et viennent en cours le ventre vide. Un matin, j’arrive à

l’école et aucun élève n'est présent. Ils sont tous en répétition pour la fanfare. Je

propose de faire travailler les débutants sur leur morceau de fanfare pendant que

leur professeur corrige les copies de théorie musicale.

Les élèves évoluent dans une structure et ont différents cours. Il est important que le

professeur inscrive son cours dans cette structure, en cohérence avec les autres

modules. Je réalise combien le projet d'établissement est un support important pour

un professeur. Si chaque professeur peut avoir sa liberté, une cohésion d’ensemble

est nécessaire et peut faire germer de beaux projets pédagogiques. Il faut savoir

s’associer, s’intégrer, dialoguer et mettre de côté son ego afin que chaque décision

soit juste et bénéfique pour les élèves

.

LA DISCIPLINE, LES RÈGLES

En lisant le descriptif du camp, mis à part les horaires, je peux lire : ponctualité,

discipline, rigueur, persévérance. Le camp est un lieu d'éducation et

d'épanouissement. Chaque élève vient avec un uniforme : un tee-shirt avec le logo

de l’école. Celui-ci est simple, de différentes couleurs et obligatoire.

La plupart des élèves sont là pour les vacances, pour s’occuper et ne pas retrouver

la rigueur et le cadre de l’école. Ils sont aussi là pour apprendre : je dois connaître

les règles obligatoires pour les faire respecter et ne jamais oublier que nous sommes

là pour le plaisir de faire de la musique ensemble et de progresser. Je dois trouver

un équilibre pour avoir une certaine autorité tout en étant détendue et de bonne

humeur pour rire avec eux. Le travail sérieux peut se faire dans la bonne humeur si

le professeur garde sa fonction et son autorité. Un matin, une élève arrive avec le

professeur de théorie qui me dit qu’elle est punie car elle est trop dissipée en cours.

La punition qu’il a imposée est de l’interdire de cours d’instrument. Je subis une

punition que je ne trouve pas adaptée et dont je dois en assurer le respect.

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La ponctualité est très relative. Dans le chaos général, ce n'est pas facile de savoir

s'ils sont en retard à cause de l'organisation. Certains élèves sont absents ou ne

viennent pas au cours individuel de l'après-midi. Entre les maladies, les parents, le

fait qu'ils habitent loin, que rien n'est fixé par écrit, les aléas sont grands.

L'évaluation de théorie musicale est un petit examen écrit. Les élèves y accordent de

l'importance. A l'issue du stage, les meilleurs élèves ont une récompense. Je crois

qu'ils peuvent être aussi récompensés pour l'instrument. Je ne suis pas au courant,

et l'on ne m'a pas demandé de noms. Il n’y aura pas de récompense pour mes

élèves.

En règle générale, la conformité diffère d’une société à l’autre, elle est relative. Il faut

toujours bien connaître un système pour évoluer dedans librement.

L’ENSEIGNEMENT

L’enseignement du solfège est très théorique. Les élèves apprennent la construction

d’une gamme, des intervalles avec les doubles dièse/bémols. Ils ne chantent pas et

apprennent le rythme collectivement en tapant sur les tables. Ils ont du mal à écrire

la musique. Le solfège manque peut-être de réalité directe, ils l’appellent «théorie

musicale». Nous pouvons le comparer à l’apprentissage des mathématiques. S’il est

trop abstrait, il peut être rejeté ou incompris des élèves. S’il a une utilité directe ou un

plaisir immédiat visible, palpable, il peut être réellement apprécié et faire naître de la

motivation chez l’élève. Un matin, le professeur de théorie me demande de faire un

lien avec ce qu’ils ont abordé le matin même : les gammes majeures et mineures. Ne

sachant pas comment cette notion leur a été expliquée, il est difficile de rester dans

la continuité. Par exemple, ils ont l’habitude de comparer une gamme majeure avec

son homonyme mineur et non son relatif.

Faire des liens entre les disciplines est important mais demande une bonne

connaissance de l’équipe enseignante et sa pédagogie pour rester dans un

apprentissage cohérent. Je pense que je devrais plus participer aux cours collectifs.

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Le cours de théorie musicale

De mon côté, j’essaie de leur proposer différentes approches de la musique. Je veux

leur faire découvrir différentes musiques, différentes manières de la pratiquer : le

travail de la partition, la transmission orale, le sound-painting, l’improvisation. J'aurais

voulu faire un atelier sur la partition graphique (je leur est montré des partitions avec

des notations contemporaines), cela aurait pu ouvrir leur imagination et créativité. Ils

aiment beaucoup les choses très structurées. Arriver à jouer une partition constitue

pour eux un bon défi matérialisé par le support. Le manque d’organisation général

fait qu’ils apprécient les choses cadrées avec la possibilité de visualiser l’objectif. Je

remarque qu’ils sont constamment en demande de partitions, de méthodes, de

gammes. Si je ne suis pas claire sur les objectifs ou la direction du travail, ils le

ressentent et se démotivent. Il ne faut pas faire les choses pour rien et je dois

toujours savoir où je les emmène. Je ne dois pas rester trop longtemps sur une

activité et si possible l'arrêter sur une note positive et de plaisir musical. Ce que je

n’arrive pas toujours à faire. Le plus difficile est de toujours rester calme, positif et

détendu malgré le bruit et la dissipation générale.

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LE RÉPERTOIRE

Mis à part le travail des partitions de fanfare, nous préparons des duos, trios,

quatuors de clarinette pour les récitals de la deuxième et troisième semaine (ce

dernier ayant été annulé quelques jours avant). Le concert de la fanfare a lieu à la fin

des trois semaines de stage. J’avais apporté dans mes valises un certain nombre de

partitions que je peux laisser là bas. Le premier jour, après la première partie de

présentation et de chauffe collective, les élèves consultent celles-ci. Ils repèrent ce

qui peut leur plaire, et constituent des groupes. N’ayant pour le moment pas d’idée

sur le niveau de chacun, je les laisse choisir et déchiffrer. Je contrôle la difficulté, et

leur niveau. Pour la plupart, rythmiquement, il est possible de lire des noires,

blanches et croches ; sachant que les liaisons, les syncopes et contre-temps ne sont

pas encore en place. La mesure à 3/4 ainsi que la blanche pointée ne sont pas

intégrées. Au niveau de la tessiture, il est surtout possible de jouer dans le médium.

Le passage de registre médium/clairon est vraiment difficile pour le plus grand

nombre. Le chromatisme et les altérations ne sont pas habituels pour eux. La lecture

de note est difficile dans le registre grave et clairon.

Travail méticuleux des partitions en petit groupe

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La partition est un moyen d’aborder de nouvelles difficultés tout en utilisant des

acquis. Si l’élève joue un air qu’il connaît, il est capable de faire des choses qu’il

n’aurait pas su faire sur un air inconnu. Le répertoire familier à l’élève permet

d’apporter une motivation qui prend le pas sur la difficulté. Ainsi, Hatikvah, hymne

national israélien composé par Samuel Cohen et repris comme cantique chrétien

chanté dans les églises protestantes et catholiques les a tout de suite interpellés. La

religion étant très présente en Haïti, la majorité connaît très bien cet air et est

capable de le chanter. La version arrangée pour quatuor de clarinettes par Wolfram a

très vite été adoptée comme morceau pour le récital. Un quatuor a été choisi mais

petit à petit tout le monde s’est mis à la jouer y compris les hautboïstes et flûtistes.

Une jeune élève est venue me voir un matin, elle avait appris le thème par cœur et

tenait absolument à le jouer au récital. Le quatuor s’est transformé en septuor et il y

avait beaucoup de joie. C’est ainsi que l’élève est motivé et en plus il peut

développer un travail d’autonomie difficile à faire sur un air inconnu.

Malheureusement j’ai peu d’airs qu’ils connaissent et je n’arrive pas à trouver des

partitions de folklore haïtien. Certaines musiques de films ou dessins animés ne leur

parle pas du tout. Pour le prochain projet, il faudrait retranscrire des airs qui leurs

parle (Haïti Chéri…) et, dans un esprit d’échange de culture, apporter des supports

auditifs et visuels pour les autres morceaux (par exemple leur montrer le dessin

animé dont la musique est extraite, leur faire écouter une version orchestrale…) Cela

demande un travail en amont qui n’est possible qu’en ayant déjà connaissance de la

situation. Il faut anticiper les besoins matériels que cela représente (prendre en

compte l’absence d’électricité et de lecteur cd ou dvd par exemple) et avoir une idée

du niveau des élèves, quitte à adapter les partitions par la suite.

Il est important de trouver un moyen de leur faire écouter de la musique. Même si

c’est difficile, notamment avec le bruit, je prends le temps de leur jouer des extraits

de pièces de différents styles. L’accès à la musique (autre que populaire) est très

rare pour eux. Il faudrait pouvoir organiser un concert des professeurs (préparation

d’un répertoire en amont).

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Les élèves sont très attachés à la musique classique et au jazz : la musique

classique, pour le coté noble et organisé, le jazz pour le lien avec leur culture. Ils ont

la danse dans le corps.

Pour ce mini-camp je leur fais travailler en ensemble de clarinette :

Hatikvah arrangé par Wolfgram

I Yisrael v’oraita arrangé par Wolfgram

L’écho dans le puits de Robert van Beringen

Seigneur mon Dieu, choral, arrangé par N. Bourdon

Homophonic Trios de James Ra

Dona dona en trio arrangé et simplifié pour permettre à tout le monde de jouerFéerie sur glace de Dorsselaer arrangé en duo de clarinette

Je leur fais également découvrir le sound-painting. Nous cherchons différents effets

et nous leur attribuons un geste et un nom. Je les dirige ensuite mais ce n'est pas

facile. Enfin, je leur montre la notation des effets dans une partition de Lachenmann.

Je leur apprends à l'oreille un petit air simple qui swing et que nous arrangeons.

Nous le notons ensuite dans les cahiers.

La fanfare est très importante pour eux. Il ne faut surtout pas négliger ce qu’ils y font

et je dois les faire travailler sérieusement. Je participe à certaines répétitions. Cela

m’aide pour les faire travailler. La pièce Silver Bells de Jay Livingston et Ray Evans

est trop difficile pour eux car elle est écrite sur le passage de registre medium-

clairon. Nous passons beaucoup de temps à la travailler, c’est dommage car, non

aboutie, elle ne sera pas jouée au concert. Il est primordial de choisir un répertoire

adapté au niveau des élèves. Les autres pièces au programme sont :

Folk tune from Hansel and Gretel de Engelbert Humpendinck, arr. Clark Tyler

Apollo 13 de James Horn arr. Michael Sween

Festival fanfare de John Kinyon

Theme from E.T. de John Williams arr. Michael Sween

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La répétition de fanfare avec Ernst CHARLES

J'ai également fait travailler les douze élèves débutants sur Flam Snap Twinkle and

Bloom et Let’s go band de Andrew Balent. Je trouve que ces pièces sont bien

adaptées au niveau et agréables à jouer. Nous avons pu faire un travail de mise en

place, de nuance, de caractère et nous avons essayé d'affiner le jeu.

Le travail avec les débutants

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Ce qui serait bien à l'avenir c'est de constituer des petits groupes de musique de

chambre ou de jazz réunissant quelques instruments différents à faire répéter

l'après-midi. Cela risque d'être difficile à organiser mais ce n'est peut-être pas

impossible. Il faudrait également chercher une cohérence dans le programme. Par

exemple, en préparant des petits pièces de différents pays pour proposer un voyage

musical. Je crois que ça pourrait être un projet très motivant. En effet, Haïti étant une

île, c’est difficile et cher pour eux de voyager. Pourtant, ils seraient heureux de

découvrir d’autres cultures par la musique.

LES NOTIONS ABORDÉES

Le matin, je commence par une heure d’explication collective sur un point technique

ou musical avec mise en application par des petits exercices que l'on essaie de

noter.

Les notions générales abordées sont :

-La posture, la respiration, le souffle, l'embouchure.

- Le legato, le détaché, l’articulation, les nuances.

-Les registres, le passage La-Si, les poses de sons (les douzièmes).

-Les gammes majeures et mineures (Fa majeur, Do majeur, La mineur), la gamme

chromatique (dans différentes tessitures en fonction des niveaux).

-Les effets de la musique contemporaine (atelier de sound-painting avec utilisation

des smack, des trilles et des modes de jeu avec le pavillon, le barillet, le bec...)

C'est difficile de proposer des exercices en dehors d’un contexte. Je pense que je

dois partir davantage des morceaux pour travailler les difficultés qui y sont présentes

ou choisir les morceaux pour faire progresser les élèves sur un point précis.

L'important est de contextualiser l'apprentissage. C'est ce que j'essaie de faire la

deuxième semaine.

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Après le travail collectif sur une notion, des exercices ou un atelier musical, je les fais

travailler en petits groupes voire en individuel (quand ils ont des questions ou des

points particuliers à travailler dans une partition). Nous travaillons les morceaux

d'ensemble ou de fanfare. Je les invite à répéter en autonomie les ensembles

pendant que je m'occupe de certains élèves. Ils n'ont pas tous l'habitude. J'essaie

également de leur montrer comment ils peuvent travailler mentalement sans jouer

(faire les doigtés, solfier la partition, chanter...) Ce n'est pas facile pour tout le monde

et certains ne peuvent pas s'empêcher de jouer même si c'est complètement

désordonné ou que ça ne marche pas du tout. Le travail en autonomie souffre d'une

approximation dans la lecture de la partition. La difficulté à lire les rythmes et les

notes (notamment quand il y a des lignes supplémentaires), les oublis fréquents

d'altérations. Ils travaillent et intègrent alors des choses fausses. Leur faire travailler

un air qu'ils connaissent permet d'éviter ce genre d'erreurs tout en apprenant à lire

une partition. Je leur fais également apprendre un morceau d'oreille et ils l'écrivent

ensuite.

Je fais travailler certaines choses en individuel

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Les duos, trios, quatuors que nous préparons pour le récital sont des supports idéals

pour atteindre un but et travailler des notions telles que : la justesse, la mise en

place, l'écoute, la concentration, les départs, les arrêts, les nuances, la présentation

sur scène, le salut. Apprendre à jouer ensemble est important et le récital constitue

un bon objectif pour dépasser ses limites et présenter collectivement un travail abouti

et précis.

Le plus important pour moi est de développer leur écoute (l’écoute de soi, l’écoute de

l’autre, l’écoute du groupe). C'est extrêmement difficile dans les conditions de l'école

qui est vraiment bruyante. Les élèves ont plutôt l'habitude de jouer à l’unisson. Le

travail d'ensemble de clarinette donne un cadre et leur permet de jouer des

morceaux polyphoniques où chacun a la responsabilité d'une voix et où l'écoute est

primordiale.

Enfin, j’essaie de leur fixer des objectifs individuels et de leur donner des conseils

personnels pour les faire progresser sur un point particulier durant le stage.

Les élèves s'entraînent en petit groupe, ils sont volontaires

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LES DIFFICULTÉS TECHNIQUES RENCONTRÉES

Les principales difficultés techniques auxquelles je suis confrontée sont assez

diverses et typiques dans l'apprentissage de la clarinette. Ce mini-camp me permets

de faire une liste non-exhaustive de quelques points emblématiques de l’instrument

auxquels il faut être vigilant dans l'enseignement. Il faut pour cela trouver différentes

explications et exercices à proposer.

La morphologie de la bouche est particulière et ils ont du mal à ne pas écraser

l'anche avec la lèvre inférieure. Ils ont tendance à gonfler les joues et à jouer fort

quand ils ne s'entendent pas. Le pouce droit ne soutient pas suffisamment pour caler

la clarinette contre les dents du haut.

Les doigts ne sont pas toujours bien placés (le repose pouce n'est pas réglable sur

leurs clarinettes) et il y a de nombreuses fuites qui entraînent des canards. Le pouce

gauche se déplace pour attraper la clé de 12ème et entraîne des difficultés dans les

passages de registres. L’index de la main gauche vient taper sur la clé n°9 ce qui

crée des canards (les zoua en créole...)

Ils jouent très peu legato et quand ils détachent ils mettent beaucoup de langue et

pas assez d'air entre les notes. La respiration n'est pas toujours en place et ils ne

soutiennent pas beaucoup en général, surtout quand il y a des traits, ils sont parfois

timides. Il peut y avoir des crispations au niveau de la gorge.

L'embouchure est souvent relâchée (notamment chez les élèves qui ne peuvent

emporter la clarinette à la maison). Ainsi, une élève joue ½ ton trop bas. C'est en

cours individuel que j'arrive à la corriger mais il faudrait qu'elle s'entraîne plus.

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Cet élève vient souvent me voir l'après-midi en individuel. Nous pouvons alors faire

un travail de qualité sur l’embouchure :

Avant et après le travail

LE RÉCITAL

Le programme du récital se fixe petit à petit. Nous retenons trois ensembles qui sont

prêts pour le premier récital :

Hatikvah arrangé pour quatuor de clarinette par Coen Wolfgram1

L’écho dans le puits de Robert van Beringen

Seigneur mon Dieu, choral, arrangé pour duo de clarinette par N. Bourdon

Le récital est le moment où les élèves peuvent jouer en petit groupe. Une pluie

violente tombe le soir du premier récital et beaucoup d’élèves sont absents ou en

retard. Je dois jouer pour les remplacer.

Les élèves qui ne jouent pas interviendront pour le deuxième récital. Finalement,

celui-ci est supprimé, nous organisons alors un petit concert dans la cour avec la

classe de saxophone. Cela permet d’apprécier le travail de chacun et de clore le

stage. Nous y jouons :

I Yisrael v’oraita arrangé par Coen Wolfgram

Atelier oral arrangé collectivement.

Dona dona en trio arrangé et simplifié pour permettre à tout le monde de jouer

Féerie sur glace de Dorsselaer arrangé en duo de clarinette

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Je trouve qu'utiliser le terme de récital plutôt que celui d'audition est plus valorisant

pour les élèves. La grande qualité de cette école de musique est de pratiquer la

musique en groupe et d'avoir très tôt l'objectif de la partager au public.

Le concert est le moment où tous les élèves jouent en fanfare. Ils sont très fiers de

se produire en public, devant la famille et les amis. Les détails sont soignés ; ils sont

très bien habillés, maquillés, coiffés et se sont bien entraînés à saluer. Cette étape

primordiale donne sens au travail effectué en stage mais surtout intègre déjà les

élèves à la grande communauté des musiciens.

Sur trois heures de concert il n’y en a peut être qu’une de musique. Le reste du

temps est fait de discours, déplacements, changements de plateau, contretemps,

problèmes logistiques. Il fait très chaud, un ventilateur circule dans l’orchestre pour

rafraîchir les musiciens. C’est un moment de fête avec la prière commune, les longs

discours et la remise des cadeaux aux meilleurs élèves.

La grande salle de l'école de musique qui sert aux cours et aux concerts 24

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Enseigner en territoire inconnu relève de la gageure et je suis prête à repartir.

Connaissant les conditions de travail, je suis désormais plus apte à préparer et

adapter mon enseignement à celles-ci et à l’environnement socioculturel. Je pense

avoir fait de mon mieux mais à l'avenir, je souhaite pouvoir proposer un projet

pédagogique et musical plus cohérent.

Mon enseignement est lié (tout comme ma musique) à ma culture, mon éducation,

ma façon d’être. Cet échange m'a fait grandir dans ma propre réflexion pédagogique

et m'a permis d'élargir mes perspectives d'enseignement, de poser un regard sur

l'état actuel de celui-ci avec ses forces et ses faiblesses. Il me pousse à poursuivre

mes recherches, mes questionnements et à toujours évoluer et me remettre en

question.

Le terrain de la future école des arts de Jacmel : un projet ambitieux

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