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20 S olutions 21 ENTRAÎNEMENT Des moteurs électriques plus efficaces Améliorer le rendement des moteurs électriques pour diminuer la consommation dans l’industrie : c’est l’objet du règlement CE N° 640/2009 voté le 22 juillet 2009 par le Parlement européen. Il n’autorisera en effet à partir du 16 juin 2011 que la commercialisation des moteurs à haut rendement, équivalent aux modèles EFF1 d’aujourd’hui, et à partir de 2015 les moteurs à très haut rendement dits “premium”. Une mesure qui devrait permettre de réduire de 12 % la consomma- tion électrique industrielle sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. I ls sont partout. Dans les pompes, les élévateurs, les compresseurs, les con- voyeurs, les ventilateurs, les fraiseuses, les découpeuses… Rien qu’en France, on dénombre 12 millions, 12 millions de laborieux qui font tourner l’industrie. Eux, ce sont les moteurs électriques. En échange de leurs précieux ser- vices, ils engloutissent près de 70 % de l’électricité consom- mée par le secteur. Et toutes les études sur la question arrivent à la même conclusion : le parc français est vieillissant et peu effi- cace. Surdimensionnés ou à bas rendement, quand ce n’est pas les deux à la fois, ils sont la source d’un énorme gaspillage d’énergie. Pour juguler la dilapi- dation de l’électricité et diminuer les rejets des émissions de CO 2 , le Parlement euro- péen a voté en juillet un nouveau règlement concernant les mo- teurs asynchrones triphasés à cage, qui cons- tituent le gros du parc européen. Ce texte imposera, en Europe dès 2011, la commer- cialisation de moteurs haut rendement et, à compter de 2015, de celle des moteurs à très haut rendement dit “premium” en deux étapes (cf. encadré 1). L’objectif annoncé est d’économiser 135 TWh/an d’ici à 2020 en Europe, soit l’équivalent de la consomma- tion de la Suède, et de réduire chaque année les émissions de CO 2 de 63 millions de ton- nes. La mise en application de ce nouveau règlement devrait donner un coup de vert au monde industriel. Mais cette petite révo- lution ne se fera pas sans mal et ne résoudra pas tous les problèmes. Les moteurs électriques se déclinent en deux familles : les moteurs à courant con- tinu et les moteurs à courant alternatif. Les premiers sont nettement en déclin en Europe. La technologie est ancienne et il leur est communément reproché la lour- deur de la maintenance. Selon des chiffres issus d’un rapport de l’Energy Using Product, plus de 96 % des ventes en Europe en 2003 concernaient des mo- teurs à courant alternatif. Et parmi eux, les moteurs asynchrones triphasés consti- Le règlement européen du 22 juillet 2009 fixe des échéances pour le marquage des moteurs électriques selon les nouvelles classes de rendement IE et pour l’interdiction de commer- cialisation des moteurs aux rendements les plus faibles. A l’échelle européenne, la consommation annuelle d’électricité s’élève à 1067 TWh, soit 427 millions de tonnes d’émissions de CO 2 (chiffres 2005) Son application vise à réduire cette consommation de 135 TWh/an d’ici à 2020. L’essentiel tuent 87 % du marché. Pas étonnant que l’Union européenne se soit penchée de- puis des années sur leurs rendements. Depuis 1998 en effet, la plupart des appa- reils de ce type vendus en Europe sont soumis à une classification issue d’une col- laboration du CEMEP (Comité européen de constructeurs de machines électriques et électroniques de puissance) et de la Commission européenne : la classification EFF. Elle définit trois classes : EFF1, corres- pondant aux plus hauts rendements, EFF2 et EFF3. Aujourd’hui encore, seuls les mo- teurs asynchrones triphasés 400V/50 Hz dont la puissance va de 1,1 à 90 kW sont concernés par le label EFF. Une succession de textes réglementaires Pourquoi pas les puissances plus élevées ? « Parce que les gros moteurs, moins répandus, ont par nature des rendements plus élevés que les petits », ex- plique Christian Sibileau, responsable com- mercial chez Sew-Usocome France. Le rende- ment est en effet le rapport entre l’énergie restituée et l’énergie consommée. « Or, un certain nombre de pertes sont indépendantes de la taille du moteur : leur part est donc plus importante dans les moteurs de faible puissance », continue-t-il. Mais depuis dix ans, le monde des moteurs a connu un certain nombre de remous, et la classification EFF s’est vite avérée trop limi- tée. « Depuis l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, l’Europe entend bien mener une politique volontariste en matière environnementale. C’est dans cette lignée qu’est parue, le 6 juillet 2005, la directive 2005/32/ CE, qui établit un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits con- sommateurs d’énergie (EuP). » décrypte Yves Jamet, responsable du service affaires projets pour Weg France. Selon un document de tra- vail de la Commission européenne datant de 2009, cette directive concernerait un vo- lume de 10,3 millions de moteurs par an représentant un chiffre d’affaire de plus de 2,5 milliards d’euros. De fait, quelques pourcentages gagnés sur le rendement des moteurs de plus fortes puissances permet- traient de limiter significativement la facture électrique. De plus, la classification EFF s’ap- puie sur une méthode de calcul définie dans la norme EN/CEI 60034-2 + A1 (1996) + A2 (1996). Pour obtenir le rendement d’un moteur, il faut retrancher à la puissance con- sommée la totalité des pertes subies dans le stator comme dans le rotor. Dans le premier, une partie de la puissance est dissipée dans le bobinage sous forme de chaleur (pertes joules stator) et une autre à cause du cycle d’hystérésis et des courants de Foucault dans les tôles magnétiques (pertes fer stator). Dans le rotor, on perd encore de l’énergie sous forme de chaleur (pertes joules rotor), par frottement et par ventilation (pertes mé- caniques) et à cause des imperfections mé- caniques et des fuites de champs magnéti- ques (pertes supplémentaires). Ces dernières sont difficiles à mesurer, si bien que la norme EN/CEI 60034-2 + A1 (1996) + A2 (1996) les estimait automatiquement à 0,5 % de la puissance absorbée. Or cette valeur est souvent trop favorable. En 2007 apparaît donc une norme corrigée, nommée EN/CEI 60034-2-1 qui prend en compte dans le calcul la juste valeur de ces pertes supplémentaires. Estimées ou mesu- rées selon cette nouvelle méthode, elles peu- vent atteindre 2,5 %. « C’est d’ailleurs cette procédure que prend en compte la norme NEMA en vigueur aux Etats-Unis. Sans compter que la clas- sification américaine comptait déjà à l’époque un label plus performant que l’EFF1, nommé “pre- mium”. Et puis l’échelle EFF est fermée : pas facile d’inventer des nouveaux noms de classes pour les moteurs les plus performants », ajoute Michel Metzger, responsable marketing moteurs, variateurs, basse tension chez Siemens. Après un éventuel EFF0, on peut en effet se deman- der quels noms auraient imaginé les rédac- teurs des nouvelles normes… Les moteurs électriques sont partout : de l’industrie de la pâte à papier jusqu’ à la pétrochimie. Les variateurs sont des dispositifs électroniques capables de commander la vitesse d’un moteur électrique. ABB MESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com MESURES 822 - FÉVRIER 2010 - www.mesures.com Leroy-Somer

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S olutionsENTRAÎNEMENT

Des moteurs électriques plus efficacesAméliorer le rendement des moteurs électriques pour diminuer la consommation dans l’industrie : c’est l’objet du règlement CE N° 640/2009 voté le 22 juillet 2009 par le Parlement européen. Il n’autorisera en effet à partir du 16 juin 2011 que la commercialisation des moteurs à haut rendement, équivalent aux modèles EFF1 d’aujourd’hui, et à partir de 2015 les moteurs à très haut rendement dits “premium”. Une mesure qui devrait permettre de réduire de 12 % la consomma-tion électrique industrielle sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

Ils sont partout. Dans les pompes, les élévateurs, les compresseurs, les con-voyeurs, les ventilateurs, les fraiseuses, les découpeuses… Rien qu’en France,

on dénombre 12 millions, 12 millions de laborieux qui font tourner l’industrie. Eux, ce sont les moteurs électriques. En échange

de leurs précieux ser-vices, ils engloutissent près de 70 % de l’électricité consom-mée par le secteur. Et toutes les études sur la question arrivent à la même conclusion : le parc français est vieillissant et peu effi-cace. Surdimensionnés ou à bas rendement, quand ce n’est pas les deux à la fois, ils sont la source d’un énorme gaspillage d’énergie. Pour juguler la dilapi-dation de l’électricité et diminuer les rejets des émissions de CO2, le Parlement euro-péen a voté en juillet

un nouveau règlement concernant les mo-teurs asynchrones triphasés à cage, qui cons-tituent le gros du parc européen. Ce texte imposera, en Europe dès 2011, la commer-cialisation de moteurs haut rendement et, à

compter de 2015, de celle des moteurs à très haut rendement dit “premium” en deux étapes (cf. encadré 1). L’objectif annoncé est d’économiser 135 TWh/an d’ici à 2020 en Europe, soit l’équivalent de la consomma-tion de la Suède, et de réduire chaque année les émissions de CO2 de 63 millions de ton-nes. La mise en application de ce nouveau règlement devrait donner un coup de vert au monde industriel. Mais cette petite révo-lution ne se fera pas sans mal et ne résoudra pas tous les problèmes. Les moteurs électriques se déclinent en deux familles : les moteurs à courant con-tinu et les moteurs à courant alternatif. Les premiers sont nettement en déclin en Europe. La technologie est ancienne et il leur est communément reproché la lour-deur de la maintenance. Selon des chiffres issus d’un rapport de l’Energy Using Product, plus de 96 % des ventes en Europe en 2003 concernaient des mo-teurs à courant alternatif. Et parmi eux, les moteurs asynchrones triphasés consti-

Le règlement européen du 22 juillet 2009 fixe des échéances pour le marquage des moteurs électriques selon les nouvelles classes de rendement IE et pour l’interdiction de commer-cialisation des moteurs aux rendements les plus faibles.

A l’échelle européenne, la consommation annuelle d’électricité s’élève à 1067 TWh, soit 427 millions de tonnes d’émissions de CO2 (chiffres 2005)

Son application vise à réduire cette consommation de 135 TWh/an d’ici à 2020.

L’essentiel

tuent 87 % du marché. Pas étonnant que l’Union européenne se soit penchée de-puis des années sur leurs rendements. Depuis 1998 en effet, la plupart des appa-reils de ce type vendus en Europe sont soumis à une classification issue d’une col-laboration du CEMEP (Comité européen de constructeurs de machines électriques et électroniques de puissance) et de la Commission européenne : la classification EFF. Elle définit trois classes : EFF1, corres-pondant aux plus hauts rendements, EFF2 et EFF3. Aujourd’hui encore, seuls les mo-teurs asynchrones triphasés 400V/50 Hz dont la puissance va de 1,1 à 90 kW sont concernés par le label EFF.

Une succession de textes réglementairesPourquoi pas les puissances plus élevées ? « Parce que les gros moteurs, moins répandus, ont par nature des rendements plus élevés que les petits », ex-plique Christian Sibileau, responsable com-mercial chez Sew-Usocome France. Le rende-ment est en effet le rapport entre l’énergie restituée et l’énergie consommée. « Or, un certain nombre de pertes sont indépendantes de la taille du moteur : leur part est donc plus importante dans les moteurs de faible puissance », continue-t-il. Mais depuis dix ans, le monde des moteurs a connu un certain nombre de remous, et la classification EFF s’est vite avérée trop limi-tée. « Depuis l’entrée en vigueur du protocole de Kyoto, l’Europe entend bien mener une politique volontariste en matière environnementale. C’est dans cette lignée qu’est parue, le 6 juillet 2005, la directive 2005/32/CE, qui établit un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits con-sommateurs d’énergie (EuP). » décrypte Yves Jamet, responsable du service affaires projets

pour Weg France. Selon un document de tra-vail de la Commission européenne datant de 2009, cette directive concernerait un vo-lume de 10,3 millions de moteurs par an représentant un chiffre d’affaire de plus de 2,5 milliards d’euros. De fait, quelques pourcentages gagnés sur le rendement des moteurs de plus fortes puissances permet-traient de limiter significativement la facture électrique. De plus, la classification EFF s’ap-puie sur une méthode de calcul définie dans la norme EN/CEI 60034-2 + A1 (1996) + A2 (1996). Pour obtenir le rendement d’un moteur, il faut retrancher à la puissance con-sommée la totalité des pertes subies dans le stator comme dans le rotor. Dans le premier, une partie de la puissance est dissipée dans le bobinage sous forme de chaleur (pertes joules stator) et une autre à cause du cycle d’hystérésis et des courants de Foucault dans les tôles magnétiques (pertes fer stator). Dans le rotor, on perd encore de l’énergie sous forme de chaleur (pertes joules rotor), par frottement et par ventilation (pertes mé-caniques) et à cause des imperfections mé-

caniques et des fuites de champs magnéti-ques (pertes supplémentaires). Ces dernières sont difficiles à mesurer, si bien que la norme EN/CEI 60034-2 + A1 (1996) + A2 (1996) les estimait automatiquement à 0,5 % de la puissance absorbée. Or cette valeur est souvent trop favorable. En 2007 apparaît donc une norme corrigée, nommée EN/CEI 60034-2-1 qui prend en compte dans le calcul la juste valeur de ces pertes supplémentaires. Estimées ou mesu-rées selon cette nouvelle méthode, elles peu-vent atteindre 2,5 %. « C’est d’ailleurs cette procédure que prend en compte la norme NEMA en vigueur aux Etats-Unis. Sans compter que la clas-sification américaine comptait déjà à l’époque un label plus performant que l’EFF1, nommé “pre-mium”. Et puis l’échelle EFF est fermée : pas facile d’inventer des nouveaux noms de classes pour les moteurs les plus performants », ajoute Michel Metzger, responsable marketing moteurs, variateurs, basse tension chez Siemens. Après un éventuel EFF0, on peut en effet se deman-der quels noms auraient imaginé les rédac-teurs des nouvelles normes…

Les moteurs électriques sont partout : de l’industrie de la pâte à papier jusqu’ à la pétrochimie.

Les variateurs sont des dispositifs

électroniques capables

de commander la vitesse

d’un moteur électrique.

ABB

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De nouveaux standards de rendementsEn octobre 2008, une nouvelle norme euro-péenne, EN/CEI 60034-30, est donc venue enrichir la littérature sur les moteurs. Son but est d’harmoniser un nouveau système inter-national de rendements. Elle définit par la même occasion de nouveaux standards : IE1, ou rendement standard qui correspond au EFF2, IE2 ou haut rendement équivalent au EFF1 et IE3, une nouvelle classe aux rende-ments encore optimisés, équivalent au pre-mium américain. (cf. tableau) Le calcul des rendements se fait alors selon la méthode normalisée pour la détermination plus pré-cise des pertes et du rendement à partir d’es-sais (EN/CEI 60034-2-1). Mais jusqu’à cette année, rien n’obligeait les fabricants à pla-quer leurs moteurs avec les nouvelles classes, et rien non plus ne conditionnait leur mise sur le marché. Il a fallu attendre le 22 juillet 2009 pour fixer des échéances. Ce jour-là, le Parlement européen signait un nouveau rè-glement autorisant la commercialisation de moteurs plaqués du code IE à condition qu’ils soient conformes à cette fameuse norme. Il interdit en outre à partir du 16 juin 2011 la commercialisation des mo-teurs affichant un rendement inférieur à IE2 dans toute l’Europe et ceux inférieur à IE3 à partir de 2015/2017. Il faut noter qu’à par-tir de ces dates, les moteurs IE2 pourront encore être vendus s’ils sont associés à un variateur de vitesse. La nouvelle est loin d’être anodine quand on sait que l’écrasante majorité des moteurs vendus à ce jour en Union européenne sont plaqués EFF2 et que seuls un dixième d’en-tre eux environ sont classés EFF1, l’équiva-lent de IE2. Mais le règlement ne dit rien des moteurs qui se trouvent déjà dans les circuits de distribution. « Il ne précise pas si l’échéance du 16 juin 2011 concerne seulement la mise sur le marché, qui ne touche que les constructeurs, ou si elle s’applique aussi à la mise en service. Dans ce cas, il faudra une prise de position claire sur le de-venir des moteurs stockés chez les bobiniers et les revendeurs » développe Michel Metzger (Siemens).La durée de vie moyenne d’un moteur se situe, selon les appareils, autour de 15 ou 20 ans. Si l’on prend comme hypothèse que les moteurs déjà installés seront utilisés jus-qu’à la fin de leur vie et que les petits circuits de distribution pourront encore écouler leur stock après la mise en application du règle-ment, on peut estimer à une vingtaine d’an-nées la durée nécessaire avant que le parc français ne soit entièrement renouvelé par

des moteurs à plus haut rendement. Cela peut paraître long, mais c’est finalement court par rapport à ce que cette durée aurait pu être. « Certains de nos clients voient les exigences de ce nouveau règlement comme un argument de vente. Mais la majorité d’entre eux l’appliqueront parce que c’est obligatoire, et ne l’auraient probablement pas fait dans les mêmes délais s’ils n’y étaient con-traints », explique Jean-François Soguel, res-ponsable marketing moteurs à haut rende-ment chez Leroy-Somer. L’annonce n’est pas nouvelle : les industriels, en particulier les grands groupes, peinent à intégrer de leur propre initiative la problématique d’une meilleure efficacité énergétique. Et pour cause ! l’économie a… un prix. A l’achat, un moteur IE1 coûtera environ 15 % moins cher qu’un moteur IE2, qui vaudra lui même 15 % moins cher qu’un moteur IE3. Car pour améliorer le rendement d’un moteur, il faut optimiser chacun de ses constituants, et cela passe en particulier par l’utilisation de matériaux de plus grande qualité et en plus grande quantité. (cf. infographie). Pourtant, tous les fabricants s’accordent à penser que ne tenir compte que du prix à l’achat n’est pas représentatif, surtout en France où l’élec-tricité est parmi les moins chère en Europe. « Il est crucial pour nos clients de raisonner en terme de prix global et de calculer dans quel délai ils ob-serveront un retour sur investissement », illustre Philippe Faye, responsable de la communica-tion chez Leroy-Somer. Selon les estimations courantes, le coût à l’achat ne représenterait pas plus de 2 % du coût du moteur sur toute sa durée de vie alors que la consommation électrique en engloutit 95 %. Plusieurs fabri-cants ont d’ores et déjà pris le parti de sensi-biliser leurs clients. C’est ainsi le cas de Weg, qui effectue le rapide calcul suivant. Prenons l’exemple de 40 moteurs de 2,2 kWh fonc-tionnant 24 heures sur 24, 350 jours par an (soit 8 400 heures). En estimant à 0,07 euro le coût moyen d’un kilowattheure l’électricité et en faisant un bilan sur 10 ans, passer d’un moteur IE1 à un moteur IE2 réduirait de plus de 35 000 euros la facture énergétique.

Un règlement crucial du point de vue des fabricantsLeur point de vue est pertinent, mais dans les faits, cette notion de coût global ne parle pas à tout le monde. La plupart des acheteurs de moteurs sont en effet des intégrateurs, pas les utilisateurs finaux. Ils raisonnent donc sur des prix de vente et ne se soucient pas tou-jours du cycle de vie complet du moteur. Et même lorsque le client des fabricants est l’utilisateur, il peut négliger cet aspect. Ce peut, par exemple, être le cas lorsque le ser-

La norme EN/CEI 60034-30, définissant les classes IE1, IE2, IE3, a un domaine d’application plus vaste que le label CEMEP de rendements EFF. Elle concerne les moteurs asynchrones à induction triphasés à cage (moteur seul, moto réducteur ou moteur frein) dont la tension n’excède pas 1 000 V et dont la puissance va de 0,75 kW à 375 kW ; 50 ou 60 Hz ; 2, 4 ou 6 pôles ; en service de fonctionnement S1 (permanent) ou S3 (périodique intermittent) avec un facteur de service de 80 % et plus. En sont exclus les moteurs intégrés à une machine et ne pouvant être testés indépendamment d’elle et les moteurs de conception spécifique pour la vitesse variable (norme EN/CEI 60034-25). Certains moteurs sont couverts, mais il est admis qu’il ne puisse atteindre le niveau IE3. C’est le cas des moteurs de zone dangereuse (accord de l’IEC 60079-0), avec mode de refroidissement particulier, à carcasse réduite, soumis à des exigences spécifiques, du réseau d’alimentation ou de la machine entraînée, ou encore environnementales (altitude élevée, haute et basse température). Le règlement européen du 22 juillet 2009 offre, à partir de la date de sa signature, la possibilité de plaquer les moteurs avec le code IE s’ils respectent la norme CEI 60034-30. Il impose à partir du 16 juin 2011 le marquage des moteurs concernés avec le code IE et interdit la commercialisation des moteurs de classes inférieures à IE2. A partir du 1er janvier 2015, l’interdiction est élargie aux moteurs dont la puissance va de 7,5 à 375 kW et de classe inférieure ou égale à IE2. Et à partir du 1er janvier 2017, tous les moteurs devront afficher un rendement au moins supérieur à celui prévu par la classe IE3. A ces deux dernières échéances, les IE2 pourront encore être commercialisés si et seulement s’ils sont associés à un variateur de vitesse.

Certains constructeurs, comme Leroy-Somer, ont déjà plaqué leurs gammes correspondantes avec le code IE mentionné dans le règlement du 22 juillet 2009.

Tableau comparatif EFF/IE/NEMACEMEP EUA (Etats-Unis) EN/CEI 60034-30

Rendement “super premium” IE4 (à l’étude)

Rendement “premium” NEMA premium IE3

Haut rendement EFF1 EPAct IE2

Rendement standard EFF2 IE1

Rendement faible EFF3

Performances du moteur W22 de Weg à 3000 t/mn et à 50 Hz

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Comment améliorer le rendement d’un moteur ?

L’optimisation du design des paliers ainsi que la qualité des roulements permettent de réduire les pertes par frottement.

L’augmentation du cuivre et des sections des bobines permettent la diminution des pertes statoriques par effet joule.

Un bon dimensionnement des encoches permet de diminuer les pertes magnétiques et l’utilisation de spires de plus grand diamètre.

La qualité des matériaux et les sections utilisées dans les anneaux de court circuitage et les barres permettent de réduire les pertes rotoriques.

Un stator de grande longueur permet de diminuer les densités de champ magnétique, améliorant la capacité de refroidissement du moteur. Réduction des pertes magnétiques en charge.

L’utilisation de tôles magnétiques de haute qualité réduit les pertes en fer et notamment celles dues au cycle d’hystérésis.

Une augmentation du flux d’air réduit les pertes mécaniques.

Un ventilateur efficace réduit les pertes dues à la ventilation.

Pour booster le rendement d’un moteur, rien ne doit être laissé au hasard.

vice qui achète le matériel n’est pas celui qui règle les factures d’électricité… Dans ces conditions, pas évident pour les construc-teurs de faire passer un message clair sur les nouvelles normes et directives. « Tout arrive un peu en même temps, à peine dix ans après la mise en place du label EFF. Entre la nouvelle norme sur le calcul, celle qui définit les nouvelles classes et les échéances prévues par le règlement du 22 juillet, nos clients peuvent vite se perdre ! » compatit Régis Buchmann, responsable de l’activité moteurs basse tension pour ABB France. Pour autant, il était crucial du point de vue des fabricants que le parlement vote un tel règlement. « Tout ce qui tend à améliorer la fia-bilité sur les valeurs électriques fournis par les cons-tructeurs est bénéfique. Sans les obligations prévues par le règlement, aucun d’entre nous n’aurait couru le risque de se tirer une balle dans le pied en appli-quant des méthodes de calcul et des classifications trop exigeantes par rapport à ses concurrents » ex-plique Régis Buchmann (ABB). Les cons-tructeurs ont une autre raison de se réjouir du vote du nouveau règlement européen. Son application devrait en effet permettre d’assainir le marché. Certains estiment même que la directive EuP et son règlement ne vont pas assez loin. « Nous regrettons que certains types de moteurs, et en particulier ceux qui sont certifiés ATEX, soient exclus du règlement CE N° 640/2009. La norme CEI couvre ces moteurs, tout en précisant que, de par les contraintes de con-ception inhérentes aux moteurs antidéflagrants, il

est concevable que ces derniers ne puissent pas for-cément atteindre la plus haute classe de rendement IE3. Rien ne justifie d’un point de vue technologique l’exclusion de cette famille de moteur du règlement EuP : Weg en fait la preuve en proposant une gamme ATEX de classe IE2. C’est d’autant plus dommage car ces appareils sont souvent utilisés en pétrochimie des milliers d’heures par an, en fonc-tionnement continu, sur des pompes, des ventilateurs. Avec, dans ce cas, un temps de retour sur investisse-ment court pour l’exploitant », déplore Yves Jamet (Weg France). ABB, qui propose aussi une gamme de moteurs ATEX et EFF1 a le même regret : « Les moteurs utilisés en environ-nement gaz ou poussière représentent un large mar-ché et sont aussi vieillissants. Nos clients auraient

Les moteurs à rendement EFF1 (futur IE2), à l’instar de la gamme 1LE1 de Siemens, représentent aujourd‘hui en France 10 % du marché, bien moins qu’au Royaume-Uni où l‘électricité est plus chère.

Source : Yves Jamet, Weg France SAS

La norme et le règlement européen en clair

Leroy-Somer

Siem

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profité du remplacement de leurs vieux moteurs par des nouveaux, certifiés ATEX, pour acquérir un système à haut rendement ». L’heure est à la saine compétition… Mais tous les fabricants s’in-quiètent d’un flou dans le règlement qui ne résout pas totalement la question. Le texte indique dans son article 5, “Procédure de vérification aux fins de la surveillance du marché”, « Lorsqu’elles procèdent aux contrôles dans le cadre de la surveillance du marché visée à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2005/32/CE, les autorités des états membres appliquent la procédure de vérification fixée à l’annexe III du présent règlement. ». La procédure en question se devra d’être fiable, précise et reproductible et tiendra compte de l’état de l’art en la ma-tière, afin d’assurer la comparabilité des me-sures et une concurrence loyale. Mais toute

l’ambiguïté de l’article 5 repose sur l’expres-sion « les autorités des états membres ». Les fa-bricants devront-ils se charger eux-mêmes de certifier leurs appareils ? Ou bien des la-boratoires indépendants seront-ils mandatés pour tester les produits ? Dans un cas comme dans l’autre, des questions demeurent. Prenons l’exemple d’un moteur français vendu en Italie. « Serait-ce à la France ou à l’Ita-lie de s’assurer de la conformité du lot aux exigen-ces du règlement ? Et s’il s’agissait d’un moteur asiatique, aux frais de qui cette procédure serait-elle suivie ? », s’interroge Jean-François Soguel (Leroy-Somer). Selon le document de travail de la Commission européenne, l’importation extra-européenne pèserait pour 15 à 20 % du chiffre d’affaires concerné par la directive EuP. Pour les plus grands fabricants présents en France, la certification en externe reste la meilleure solution et ils attendent que la phrase quelque peu sibylline du règlement soit précisée par une future norme harmo-nisée. Mais quelle que soit l’option choisie, l’application du règlement aura un coût cer-tain. . La plupart des constructeurs ont aujourd’hui une gamme EFF1, équivalent IE2, qui est appelée à disparaître. Lancer une nouvelle gamme nécessite naturellement des études préalables ainsi que des tests pour s’as-surer qu’elle correspond bien à la classe à laquelle elle prétend. Sans compter les frais de communication auprès des clients, ainsi

que les formations des forces de vente, répa-rateurs et distributeurs. Leroy-Somer estime ainsi à quelques millions d’euros les investis-sements déjà engagés pour anticiper l’appli-cation du règlement européen. Naturellement, les plus gros groupes, en particulier ceux qui ont l’habitude de renouveler leurs gammes régulièrement, feront aisément face. Mais même si les échéances prévues ont été défi-nies pour laisser à tous, petits et grands, le temps de se conformer à la norme, il y a fort à parier que les plus fragiles d’entre eux auront, dans un premier temps au moins, des difficultés à suivre la cadence. Les constructeurs de variateurs, qui sont par-fois aussi fabricants de moteurs, ont quant à eux toutes les raisons de se réjouir du vote du nouveau règlement. Le marché a en effet la capacité de s’élargir : aujourd’hui, seuls 15 à 20 % du parc sont équipés de variateurs. « La précédente norme date de 1999 : tout le monde ne sera pas prêt à intégrer des moteurs premium d’ici à 2015. Et comme cette échéance permet d’utiliser des moteurs IE2 avec des variateurs, il semble pro-bable que nous en vendions plus dans les années à venir », explique Jean-Michel Cosquer, expert mécatronique chez Schneider Electric. Mais si les regards sont aujourd’hui braqués sur les fabricants de moteurs, ils pourraient bientôt se tourner vers les intégrateurs. Car optimiser le rendement d’un moteur n’a de sens, en terme d’économie d’énergie, que s’il est correctement dimensionné. Un mo-teur avec un rendement nominal excellent, et fonctionnant en permanence en sous charge, dégrade son rendement, son facteur de puissance et alourdit la consommation électrique globale du système au lieu de l’al-léger. L’adjonction d’un variateur, si l’ensem-ble de la chaîne n’est pas optimisée, ne ré-sorbera pas tous les gaspillages. « La première des questions à se poser lorsqu’on intègre des moteurs est : quelle est la puissance dont j’ai besoin ? Si tous les intégrateurs y répondaient précisément, nous mettrions le doigt sur un gros gisement d’écono-mie » illustre Christian Sibileau, Sew-Usocome. Chaque acteur de la chaîne ayant tendance à prendre de larges marges d’erreur, le surdi-mensionnement peut être très significatif. Autour du moteur, d’autres sources d’éco-nomie sont identifiables. Revoir la transmis-sion de puissance, mieux lubrifier les paliers et les roulements, colmater les fuites dans les circuits à air comprimer ou encore éviter les ponts thermiques : voilà autant d’actions qui limiteraient au final la consommation élec-trique des systèmes industries. De gré ou de force, tout le monde devra fi-nalement mettre la main à la pâte.

Anne Orliac

Vers une classe IE4 ? La norme EN/CEI 60034-30 ne va jusque-là, mais des discussions se tiennent actuellement pour définir une nouvelle classe qui porterait le nom de “high premium”. D’après les chiffres les plus vraisemblables, ses seuils de rendements seraient 15 % meilleurs que ceux de l’IE3 - avec un coût à l’achat qui risque lui aussi d’être très élevé. Mais les moteurs asynchrones atteindront vraisemblablement leurs performances maximales avec l’IE3. Il faudra miser sur d’autres technologies, comme les moteurs à aimants permanents, pour améliorer encore les rendements. Certains fabricants proposent d’ores et déjà des appareils aux rendements très élevés, qui répondraient à ce que pourrait être la classe IE4. C’est par exemple le cas de Sew-Usocome. La société propose pour certaines puissances son unité mécatronique Movigear, qui réunit en un même carter le réducteur, le moteur et l’électronique appropriée. Elle annonce que « le rendement moteur de l’unité est déjà largement supérieur au seuil défini par la classe

de rendement IE4 (Super Premium Efficiency), classe actuellement encore au stade de projet au sein de la Commission électronique internationale ». De son côté, Leroy-Somer a développé la gamme de motovariateurs Dyneo, des moteurs synchrones à aimants équipés de variateurs, dont le rendement serait « largement au-delà des seuils prévus pour IE4 ». Des prototypes de moteurs utilisant la même technologie sont à l’étude chez ABB. La course aux innovations est lancée.

Le rendement d’un moteur peut être amélioré en utilisant des rotors en cuivre, comme sur ce moteur conçu par Sew-Usocome.

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De nouvelles technologies permettront d’atteindre des seuils de rendements encore meilleurs que l’IE3 : c’est ce que propose déjà Sew-Usocome à travers sa gamme Movigear utilisables sur les convoyeurs.