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Sport et Vie n o 99 12 trajets moteurs. Pour Thorpe, la moitié de la dépense musculaire sert réellement à avancer. Quant à Marcel, il pourra précisé- ment évaluer son score grâce à notre petit logiciel. Comment fonctionne-t-il? C’est assez simple. Il suffit d’avoir en tête l’exemple des bateaux à vapeur avec des grandes roues à aubes comme ceux qui descendaient le Mississipi dans les romans de Mark Twain. Sur ces embarcations, les pales vont plus vite que l’eau. Elles créent de ce fait beaucoup de remous pour pas grand-chose. Le rendement de la propul- sion est donc assez faible. On peut l’éva- luer précisément grâce aux équations de l’ingénieur anglais William Froude (1810- 1878) qui se basent sur deux critères: la vitesse de déplacement des pales dans l’eau et celle du bateau. Quand les pales vont exactement à la même vitesse que le navire, le rendement de propulsion vaut 100%. Lorsque les pales tournent plus vite, le rendement baisse. Dans le crawl, cela se passe quasiment de la même manière. Certes, on utilise les bras à la place des grandes roues. Mais cela ne change pas fondamentalement le mode de propulsion. En s’appuyant sur cette analogie avec les machines hydrauliques, une équipe de chercheurs italiens a récemment proposé une méthode d’évaluation de l’efficacité de propulsion à partir des seules données de vitesse de déplacement et du nombre de cycles de bras effectués pour une distance donnée (1). Prenons l’exemple d’un champion qui se déplace à la vitesse de 5 km/h (soit 1,4 m/s) en faisant 33 cycles de bras par minute (33/60 = 0,55 hertz). Introduisons à présent ces données dans l’équation. On obtient le rendement de propulsion. En l’occurrence 45%. C’est bien! Ce nageur est proche des meilleurs champions qui flirtent avec la barre des 50%. Et vous? En utilisant la petite feuille de calcul téléchargeable gratuitement sur le site de Sport et Vie (sport-et-vie.com) vous pouvez dès à présent évaluer votre propre score. Il suffit de connaître votre vitesse de dépla- cement, le nombre de cycles de bras sur 50 mètres. Et le tour est joué. Pour nager vite, nagez lentement Pour devenir un bon nageur, on doit abso- lument mettre l’accent sur ce paramètre technique avant toute considération de volume d’entraînement ou de renforce- ment musculaire. Le Russe Alexandre Popov et son entraîneur Guennadi Touretski avaient parfaitement saisi cette subtilité. Lorsque le nombre de cycles de bras de Popov excédait 23 ou 24 mouve- ments par 50 mètres, ils considéraient l’un et l’autre que l’efficacité de propulsion se Vous souvenez-vous de cousin Marcel et des pensées profondes qui jalonnaient sa découverte de la natation? Surprenons-le dans le deuxième volet de ce dossier nata- tion, alors qu’il s’abandonne dans un nouvel et bel effort de conceptualisation. “On peut facilement améliorer l’eau avec du pastis”, marmonne-t-il. “Mais pour optimiser le déplacement aquatique, c’est une autre paire de manches.” Encore une fois, il résume fort bien la situation. Pour nager plus vite, il n’existe que deux solu- tions: soit on améliore la propulsion, soit on réduit les frottements. Pour ne pas encombrer l’esprit de notre cher parent, proposons de scinder la matière. Dans cet article, nous explorerons le premier para- mètre de l’équation, c’est-à-dire les facteurs qui conditionnent la propulsion. Dans le numéro suivant, nous clôturerons cette trilogie aquatique en abordant toutes les questions relatives aux résis- tances dans l’eau. A la suite de quoi, chacun aura les clés pour fendre les ondes comme un dauphin. Tout est dans la moitié Première chose à retenir: l’efficacité de la propulsion se définit par le rapport entre le travail utile et le travail total. En d’autres termes, on regarde quelle part de l’énergie dépensée sert réellement à la progression. Chez les nageurs de l’élite, cette proportion atteint presque 50%. Un chiffre remarquable! Pour d’autres, moins doués, elle se situe nettement plus bas. On fait des vagues. Mais on n’avance pas. Finalement, la grande différence entre Ian Thorpe et le cousin Marcel réside précisé- ment dans cet aspect-là: l’efficacité des Dans un article du précédent numéro, nous mettions en exergue les piètres aptitudes aquatiques de l’homme par rapport à celles de nombreux animaux. Voyons à présent comment nous pouvons améliorer notre sort et apprendre à nager mieux. Les maths aquatiques E N T R A Î N E M E N T Téléchargez gratuitement notre petit logiciel d’évaluation technique et comparez vos performances avec celles des stars de la discipline. Rendez-vous sur le site sport-et-vie.com Le geste du crawl peut être comparé à celui d’une roue à aubes. SEV99_12-Natation 7/11/06 16:41 Page 12

ENTRAÎNEMENT Les maths aquatiques

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Sport et Vie no 9912

trajets moteurs. Pour Thorpe, la moitié dela dépense musculaire sert réellement àavancer. Quant à Marcel, il pourra précisé-ment évaluer son score grâce à notre petitlogiciel. Comment fonctionne-t-il? C’estassez simple. Il suffit d’avoir en têtel’exemple des bateaux à vapeur avec desgrandes roues à aubes comme ceux quidescendaient le Mississipi dans les romansde Mark Twain. Sur ces embarcations, lespales vont plus vite que l’eau. Elles créentde ce fait beaucoup de remous pour pasgrand-chose. Le rendement de la propul-sion est donc assez faible. On peut l’éva-luer précisément grâce aux équations del’ingénieur anglais William Froude (1810-1878) qui se basent sur deux critères: lavitesse de déplacement des pales dansl’eau et celle du bateau. Quand les palesvont exactement à la même vitesse que lenavire, le rendement de propulsion vaut100%. Lorsque les pales tournent plus vite,le rendement baisse. Dans le crawl, celase passe quasiment de la même manière.Certes, on utilise les bras à la place desgrandes roues. Mais cela ne change pasfondamentalement le mode de propulsion.En s’appuyant sur cette analogie avec lesmachines hydrauliques, une équipe dechercheurs italiens a récemment proposéune méthode d’évaluation de l’efficacitéde propulsion à partir des seules donnéesde vitesse de déplacement et du nombrede cycles de bras effectués pour unedistance donnée (1). Prenons l’exempled’un champion qui se déplace à la vitessede 5 km/h (soit 1,4 m/s) en faisant33 cycles de bras par minute (33/60 =0,55 hertz). Introduisons à présent cesdonnées dans l’équation. On obtient le

rendement de propulsion. En l’occurrence45%. C’est bien! Ce nageur est proche desmeilleurs champions qui flirtent avec labarre des 50%. Et vous? En utilisant lapetite feuille de calcul téléchargeablegratuitement sur le site de Sport et Vie(sport-et-vie.com) vous pouvez dès àprésent évaluer votre propre score. Ilsuffit de connaître votre vitesse de dépla-cement, le nombre de cycles de bras sur50 mètres. Et le tour est joué.

Pour nager vite,nagez lentementPour devenir un bon nageur, on doit abso-lument mettre l’accent sur ce paramètretechnique avant toute considération devolume d’entraînement ou de renforce-ment musculaire. Le Russe AlexandrePopov et son entraîneur GuennadiTouretski avaient parfaitement saisi cettesubtilité. Lorsque le nombre de cycles debras de Popov excédait 23 ou 24 mouve-ments par 50 mètres, ils considéraient l’unet l’autre que l’efficacité de propulsion se

Vous souvenez-vous de cousin Marcel etdes pensées profondes qui jalonnaient sadécouverte de la natation? Surprenons-ledans le deuxième volet de ce dossier nata-tion, alors qu’il s’abandonne dans unnouvel et bel effort de conceptualisation.“On peut facilement améliorer l’eau avecdu pastis”, marmonne-t-il. “Mais pouroptimiser le déplacement aquatique, c’estune autre paire de manches.” Encore unefois, il résume fort bien la situation. Pournager plus vite, il n’existe que deux solu-tions: soit on améliore la propulsion, soiton réduit les frottements. Pour ne pasencombrer l’esprit de notre cher parent,proposons de scinder la matière. Dans cetarticle, nous explorerons le premier para-mètre de l’équation, c’est-à-dire lesfacteurs qui conditionnent la propulsion.Dans le numéro suivant, nous clôtureronscette trilogie aquatique en abordanttoutes les questions relatives aux résis-tances dans l’eau. A la suite de quoi,chacun aura les clés pour fendre les ondescomme un dauphin.

Tout est dans la moitiéPremière chose à retenir: l’efficacité de lapropulsion se définit par le rapport entrele travail utile et le travail total. End’autres termes, on regarde quelle part del’énergie dépensée sert réellement à laprogression. Chez les nageurs de l’élite,cette proportion atteint presque 50%. Unchiffre remarquable! Pour d’autres, moinsdoués, elle se situe nettement plus bas.On fait des vagues. Mais on n’avance pas.Finalement, la grande différence entre IanThorpe et le cousin Marcel réside précisé-ment dans cet aspect-là: l’efficacité des

Dans un article du précédent numéro, nous mettionsen exergue les piètres aptitudes aquatiques del’homme par rapport à celles de nombreux animaux.Voyons à présent comment nous pouvons améliorernotre sort et apprendre à nager mieux.

Les mathsaquatiques

E N T R A Î N E M E N TTéléchargez gratuitement notre petit

logiciel d’évaluation technique et

comparez vos performances avec celles

des stars de la discipline. Rendez-vous

sur le site sport-et-vie.com

Le geste du crawl peut êtrecomparé à celui d’une roue à aubes.

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dégradait trop pour pouvoir continuer àune telle intensité et ils réduisaient nette-ment la cadence. Au bout du compte,Popov faisait un gros volume d’entraîne-ment à vitesse modérée alors qu’il visaitdes performances en sprint! Cela étonnaitbeaucoup de monde. Mais c’est tout à faitlogique. Le travail technique qui vise àaugmenter la distance couverte par cyclepeut difficilement être réitéré longtempsà vitesse élevée sans s’accompagner d’unealtération massive de l’efficacité de lapropulsion (2). En compétition, la distancepar cycle s’effondre sous l’influence de lafatigue et la vitesse suit le même cours,sauf pour les meilleurs nageurs qui réussis-sent à compenser la perte de longueur parune augmentation de la fréquence (3). Ondoit d’ailleurs s’inspirer de l’exemple dePopov et, dans l’apprentissage de la nata-tion, s’efforcer de diminuer le nombre demouvements de bras pour une distance

donnée afin d’améliorer le rendement dugeste. Les études montrent effectivementune corrélation assez fine entre la perfor-mance et la distance par cycle (4). Enclair, pour le néophyte, il faut apprendre àbien nager à une vitesse modérée avantd’être capable de maintenir le bénéficed’une longueur de cycle élevée à desintensités plus importantes. C’est mêmeune particularité des bons nageurs, commevient de le rappeler Paola Zamparo. Entre3,6 et 6,5 km/h, ils sont capablesd’ajuster leur vitesse presque uniquementen jouant sur la fréquence de bras alorsque la distance par cycle reste à peu prèsconstante. De ce point de vue, la natationdiffère de la course à pied où l’onaugmente la vitesse de déplacement enaccroissant la fréquence et la longueur dela foulée, ou comme en cyclisme lorsqu’onjoue sur la fréquence de pédalage et lechoix du développement.

Des nageursaux bras longsRetrouvons Marcel au milieu de sa piscinequi compte ses mouvements de bras et quirâle à chaque extrémité du bassin. “44,45, 46: je veux bien faire des longueurs debassin en 24 mouvements de bras commePopov. Mais si on ne me dit pascomment!…” Patience, Marcel. Les secrets

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1) Un groupe de chercheurs italiens a utilisé cetteanalogie avec la roue à aube pour établir cettepetite équation: Rendement Propulsif = 0,90 v /(2 π F L) (2 π).-La constante 0,90 correspond à la part de lapropulsion assurée par les membres supérieurs.-v symbolise la vitesse exprimée en m/s-F désigne la fréquence des mouvements de bras encycles par seconde (Hz).-L est la longueur moyenne des membres supé-rieurs lors de la phase de propulsion. Les auteurslui accordent une valeur moyenne de 0,52 mètrepour un nageur de gabarit moyen.

Et maintenant il faut encoder!

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d’une propulsion efficace sont au nombrede deux. D’abord, il faut faire des mouve-ments amples: entrer la main très loindevant soi et la sortir très loin derrière.Cela exige une organisation motricecomplexe du haut du corps. Les musclestrès puissants du tronc sont d’ailleursrecrutés et participent à la propulsion.Tout cela sans se tortiller! Effectivement,il ne faudrait pas que cette recherched’amplitude et de recrutement d’unelarge masse musculaire s’effectue audétriment des résistances hydrodyna-miques. On doit continuer à fendre l’eauen perturbant le moins possible l’écoule-ment et gagner les centimètres entravaillant la souplesse d’épaules et lacoordination de l’ensemble du haut ducorps. Voilà la première règle d’or. Laseconde? Dans les livres techniques sur lanatation, elle vous est généralementexposée à grand renfort de schémas et delongues descriptions de la trajectoire sous-marine du bras. Tout cela paraît trèsrigoureux. Mais de faible utilité pratique.Aussi envisagerons-nous la question enpartant de l’application d’un simple prin-cipe mécanique que l’on pourrait résumerpar cette morale bien connue: rien ne sertde courir vite, il faut partir à temps.Rassurez-vous, nous n’allons pas refaire iciune version aquatique de la fable du lièvreet de la tortue. Il s’agit plutôt d’insistersur l’importance de déployer toute saforce seulement lorsque les segments sontbien orientés. Sinon, cela ne sert à rien!En cyclisme, par exemple, on peutappuyer comme un forcené sur ses pédaleslorsqu’elles sont à la verticale. Aucuneforce ne sera transmise par la chaîne à la

roue arrière et toute l’énergie sera perdueen déformation du cadre. Même remarqueen ski de fond: on peut pousser commeune mule sur les bâtons juste après leplanté dans la neige. La force de réactionsera essentiellement orientée vers lesommet des sapins. Et cela ne vous ferapas gagner un centimètre. En natation,c’est pire encore! Si l’action motrice estorientée vers le haut ou vers le bas, lesoscillations verticales perturberont laglisse. Et l’influence sur l’avancement seranécessairement négative. Le bon nageursent précisément à quel moment il doitfournir l’effort et à quel autre moment, ildoit s’abstenir. Or, ces sensations ne sontpas évidentes dans un milieu où les appuisse dérobent systématiquement et où l’onse trouve en outre contraint d’utiliser lesbras qui, en termes de surface, consti-tuent de bien piètres rames, commandéesqui plus est par des muscles modestes enregard des membres inférieurs. Ne fais pascette tête, Marcel! Il existe différentstrucs pour compenser ces handicaps etapprendre à orienter les forces motricesdans l’axe du déplacement. Première-ment, il faut se débarrasser du souci queconstitue le travail des jambes. Nousl’avions déjà mentionné dans l’articleprécédent, seul 10% de la propulsion encrawl est assurée par les membres infé-rieurs. Leurs mouvements exercent seule-ment une fonction d’équilibration. Lesjambes participent au maintien de la posi-tion horizontale qui optimise la glisse. Maisil ne sert à rien de leur prêter trop d’at-tention. Pour s’en persuader, pensez àTarzan et à ce torse fantastique qui fit delui une gloire d’Hollywood. Pour être un

bon nageur il faut effectivement êtrecostaud au niveau des bras, des épaules,des abdominaux et des dorsaux. Costaud,mais pas dénué de sensibilité kinesthé-sique. Très tôt dans le mouvement, il fautpositionner la surface motrice représentéepar la main et l’avant-bras dans une posi-tion perpendiculaire au déplacement. Pourcela, il importe de casser le poignet puis lecoude au cours du trajet moteur. Toute ladifficulté réside précisément dans cemélange de force et de technique. Car dela force il en faut énormément aussi pourstabiliser les segments et trouver l’appuidynamique dans l’eau. On remarquera aupassage que l’apprentissage de la coordi-nation spécifique à la natation s’effectueplus facilement dans l’enfance. La préado-lescence surtout constitue une périodeparticulièrement propice aux acquisitionsde coordinations complexes. A cet âge-là,tout se met en place facilement, sansdoute en raison de la très grande plasticitédes réseaux neuronaux. Voilà pourquoi ilimporte de multiplier les activités spor-tives avec les gosses et de les emmenerrégulièrement à la piscine. Plus tard, ilsera toujours temps, s’ils le souhaitent, dese spécialiser en affinant une coordinationparticulière et en stabilisant quelquesréseaux de neurones spécifiques. “Et moi,je ne suis plus un enfant”, hurle Marcel del’autre côté de la piscine. “Est-ce que macause est définitivement perdue?” Laréponse est Non! On peut apprendre ànager à tous les âges de la vie. Le travails’avère simplement un petit peu plus diffi-cile. En témoigne l’expérience concluantede nombreux triathlètes qui se sont mis àla natation sur le tard.

Sport et Vie no 9914

Ce schéma montre l’augmentation des

résistances hydrodynamiques en fonction

de la vitesse de déplacement. Dès le

premier coup d’œil, on identifie trois

portions dans le graphique. La première

correspond à des vitesses modestes avec

de faibles résistances hydrodynamiques.

Il s’agit de la gamme de vitesse utilisée

à l’entraînement lorsque les nageurs

accumulent des kilomètres. La deuxième

zone correspond à une augmentation

marquée des résistances, due

principalement à la création d’une vague

importante dans le sillage du nageur.

Ici toute augmentation de vitesse n’est

obtenue qu’au prix d’une débauche

d’énergie considérable. Cette gamme de

vitesse correspond aux exercices intenses

réalisés en compétition. Remarquez

les deux bosses dans la zone (marquées

par deux flèches). Elles correspondent

à des interférences particulièrement

défavorables avec les vagues. Cette

résistance proportionnelle à la vitesse

passe par un maximum pour un nombre

de Froude de 0,42, c’est-à-dire le moment

précis où la longueur de la vague est

égale à celle du nageur. On se trouve alors

littéralement coincé dedans et il faut

déployer une puissance phénoménale

pour s’extirper du ressac. Si on y arrive,

on pénètre une troisième zone où l’on

s’affranchit progressivement du principe

d’Archimède pour se hisser véritablement

au-dessus de l’eau. C’est le cas du hors-

bord qui rebondit sur les vagues ou du

multicoque qui ne touche quasiment plus

l’eau grâce à ses foils. Les forces de

frottement augmentent alors moins vite

que la vitesse. On peut enfin accélérer.

Evidemment, cette troisième zone

nous est interdite en tant que nageur.

La puissance humaine n’est pas suffisante

pour accéder au paradis des exocets.

>>>> LLaa bboossssee ddeess vvaagguueess

Référence: Vennell R, Pease D, Wilson B. Wave drag on

human swimmers. J Biomech. 2006; 39(4): 664-71.

Résistance maximum par rapport

à la vitesse

Sortie de

l'eau

Fr = V/√

gL

Nbre de Frods

sis

tan

ce

0,450,25

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La politiquede l’alternancePour terminer cette seconde partie dudossier consacré à la propulsion, voiciquelques exemples des nombreux éduca-tifs pour apprendre à optimiser la trajec-toire des surfaces motrices en coursde mouvement. A tout seigneur, touthonneur: commençons par les plaquettesdéjà évoquées dans notre premier voletsur la natation. L’accroissement de lasurface d’appui permet en effet de sentirplus facilement les défauts d’orientationet de mieux tester la solidité des appuis.On peut aussi nager contre un élastique enprévoyant l’utilisation d’un pull boy auniveau des jambes pour conserver la posi-tion horizontale. En restant sur place, onaugmente la perception d’appui dansl’eau, ce qui justifie l’expression “rameren eau dure”. Cela vous étonne? Vous nesaviez pas que l’eau peut se montrer plusou moins dure? Demandez alors à un kaya-kiste en rivière de vous en toucher un mot.Lorsqu’il se trouve subitement stoppé parun contre-courant derrière un rocher, savitesse par rapport à l’eau devient nulle.Chacun de ses efforts lui donne alors l’im-pression que sa pagaie est plantée dans dubéton. C’est aussi ce que ressent le nageurau bout de son élastique. Autre avantagede la méthode: on peut s’entraîner surplace sans risque d’éborgner ses voisins decouloir d’un coup de plaquette mal ajusté;quitte à programmer des séances dans lestoutes petites piscines privées de 10 ou20 mètres cubes où barbotent habituelle-ment les enfants. On attache l’élastique àla ceinture, l’autre bout à un arbre dujardin… et c’est parti pour une séanced’écume! Au rayon des éducatifs qui visentà optimiser la trajectoire des actionsmotrices, la corde mérite aussi qu’on luiréserve une place de choix. Elle seratendue sous la surface de l’eau entre lesextrémités du bassin. On apprend alors àse haler horizontalement comme on leferait verticalement avec une corde ànœuds sous un portique. Cet exercice nerequiert pas de grandes habiletésmotrices. Néanmoins, il permet auxnovices de sentir les bonnes trajectoiresde propulsion. On s’efforcera ensuite demettre tout cela en pratique. C’estd’ailleurs une constante dans l’apprentis-sage. Après chaque exercice, on switcheavec la situation réelle pour faciliterle transfert des acquisitions. Ensuite,il faut découvrir le bon timing des activitésmusculaires. Car il n’y a pas que la formedu geste qui compte. Toute la dynamiqueinterne du mouvement doit être peaufinée

et notamment l’alternance de phasesde relaxation et des temps forts de lapropulsion. Pour rappel, un muscle qui secontracte n’est plus perfusé. Il suffitd’exercer une force égale ou supérieureà 20% du maximum pour que les capil-laires soient écrasés et que le sang restebloqué en périphérie. Le muscle doit doncobligatoirement attendre la fin de lacontraction pour se refaire une santé.D’où cette nécessité d’être le plus relâchépossible dans la phase aérienne de retourdes bras vers l’avant. Cette remarque

l’axe du déplacement, alternance destemps forts et faibles. Voilà les secretsd’une bonne propulsion. Cette fluidités’obtient à force de kilomètres et d’exer-cices avec de fréquents changementsde rythme, toujours dans une optique derelâchement maximum. Encore faut-ilque tous ces efforts ne soient pas contra-riés par un hydrodynamisme désastreux.Dans le prochain numéro, nous clôtureronscette petite trilogie aquatique avec unregard spécial sur la glisse. Encorequelques longueurs, Marcel! Robin Candau

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E N T R A Î N E M E N T

vaut d’ailleurs pour tous les groupesmusculaires impliqués dans la nage. Lestemps forts doivent alterner avec despériodes de relaxation, toujours dans cemême souci de travail à l’économie. Dansce domaine aussi, on remarque des diffé-rences entre experts et novices. L’enre-gistrement de l’activité électrique desmuscles des membres supérieurs révèleune dynamique d’actions motrices pluscontrastée chez les premiers, alors queles seconds ne présentent quasimentaucune phase de relâchement. Ce quiexplique aussi pourquoi ces derniers sontplus vite fatigués. Amplitude du geste,orientation des actions motrices dans

Références1) Zamparo P, Pendergast DR, Mollendorf J, TerminA, Minetti AE. An energy balance of front crawl.Eur J Appl Physiol. 2005 May; 94(1-2): 134-44.2) Cette distance est facile à calculer. Il suffit dediviser la longueur du bassin par le nombre demouvements de bras. Par exemple, 50 mètresparcourus en 23 cycles de bras = 2,171 mètres.(50/23)3) Zamparo P,Bonifazi M,Faina M,Milan A,SardellaF,Schena F,Capelli C. Energy cost of swimming ofelite long-distance swimmers. Eur J Appl Physiol.2005 Aug; 94(5-6): 697-704. 4) Termin B, Pendergast DR (2000) Training usingthe stroke frequency-velocity relationship tocombine biomechanical andmetabolic paradigms. J Swimming Res 14: 9–17

Le nageur à l’entraînement doitavoir l’obsession d’être fluide.

Ici la triathlète Kate Allen.

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