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This article was downloaded by: [University of Tennessee At Martin] On: 06 October 2014, At: 12:58 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/ucjs20 Épistémologie et Didactique de la Biotechnologie: Un Point de vue Laurence Simonneaux a a Ecole Nationale de Formation Agronomique , Published online: 09 Sep 2008. To cite this article: Laurence Simonneaux (2008) Épistémologie et Didactique de la Biotechnologie: Un Point de vue, Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 8:1, 82-89, DOI: 10.1080/14926150802152384 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/14926150802152384 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/terms- and-conditions

Épistémologie et Didactique de la Biotechnologie: Un Point de vue

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This article was downloaded by: [University of Tennessee At Martin]On: 06 October 2014, At: 12:58Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registeredoffice: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

Canadian Journal of Science,Mathematics and Technology EducationPublication details, including instructions for authors andsubscription information:http://www.tandfonline.com/loi/ucjs20

Épistémologie et Didactique de laBiotechnologie: Un Point de vueLaurence Simonneaux aa Ecole Nationale de Formation Agronomique ,Published online: 09 Sep 2008.

To cite this article: Laurence Simonneaux (2008) Épistémologie et Didactique de la Biotechnologie:Un Point de vue, Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 8:1, 82-89,DOI: 10.1080/14926150802152384

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CANADIAN JOURNAL OF SCIENCE, MATHEMATICS,AND TECHNOLOGY EDUCATION, 08(1), 82–89, 2008Copyright C© OISEISSN: 1492-6156 print / 1942-4051 onlineDOI: 10.1080/14926150802152384

POINTS DE VUE

Epistemologie et Didactique de la Biotechnologie:Un Point de vue

Laurence SimonneauxEcole Nationale de Formation Agronomique

Au cours de la derniere decennie le theme de l’alphabetisation technoscientifique pour touset toutes est devenu central dans le champ de l’education aux sciences (Aikenhead, 2006; Roth& Desautels, 2002). Bien qu’il n’y ait pas de consensus quant a la signification de ce concepton s’entend toutefois sur le fait qu’il ne s’agit pas seulement pour les eleves d’assimiler lesconcepts scientifiques. Dans cet article, je n’aborderai donc qu’un des aspects de cette formed’education aux sciences qui concerne le developpement de la capacite des jeunes a s’engager dansles controverses sociotechniques (OGM, telephonie cellulaire, clonage, etc.) qui traversent nossocietes et qui sont des questions socialement vives (Legardez, 2003; Legardez & Simonneaux,2006). C’est-a-dire des questions qui suscitent des debats parmi les producteurs de savoirs,qui sont largement mediatisees et auxquelles les acteurs de la situation didactique (eleves etenseignants) ne peuvent echapper.

Dans cette perspective, l’enjeu educatif est de creer les conditions qui permettent aux eleves dedevelopper une opinion informee sur ces questions, d’analyser de facon critique les informationsvehiculees a leur propos, d’etre capables de faire des choix en matiere de prevention, d’action,d’utilisation et de participer a des debats a leur sujet. En ce sens, il convient certes que les elevesse familiarisent avec les concepts scientifiques pertinents, mais aussi qu’ils saisissent leur porteeepistemologique, de meme que les types d’enjeux multiples que recelent ces controverses. Ils’agit, comme nous le verrons, d’une tache complexe car les solutions envisagees a ces questionssocialement vives ne relevent pas d’un simple choix technique. Elles font intervenir une varieted’acteurs sociaux et obligent a considerer les dimensions economiques, politiques et ethiques de laprise de decision (Sadler & Zeidler, 2004; Zeidler, Walker, Ackett, & Ackett, & Simmons, 2002).

Pour illustrer mon propos, je ferai reference aux orientations de l’education dans le domaine dela biotechnologie animale (clonage et transgenese), dans le cadre de l’enseignement agricole. Iln’est pas question ici d’apprendre aux eleves a cloner ou a fabriquer des animaux transgeniques.Il s’agit plutot de les sensibiliser a des savoirs biotechnologiques qui se situent sur le front de larecherche et qui ne font generalement pas partie de l’arsenal des savoirs professionnels en usage

This article was accepted by Dr. Jacques Desaultels.

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dans les elevages. L’accent dans les activites pedagogiques est alors mis sur le developpementdes capacites des eleves a prendre des decisions informees et argumentees. La mise au point deces activites pedagogiques est fondee, entre autres, sur une forme de transposition didactique(Chevallard, 1985) qui permet de rendre enseignable les savoirs de reference dans diversdomaines. Dans les pages qui suivent, je decrirai la posture epistemologique qui oriente cettetransposition et qui permet d’envisager les strategies didactiques pertinentes au regard des finaliteseducatives retenues.

L’INCONTOURNABLE QUESTIONNEMENT EPISTEMOLOGIQUE

A des fins analytiques je distinguerai l’epistemologie des savoirs biotechnologiques etl’epistemologie des savoirs scolaires en biotechnologie. Mais, dans chacun des cas, j’adopteraiune position epistemologique relativiste moderee qui considere la production des savoirsbiotechnologiques comme la mise oeuvre de pratiques sociales marquees par des controverseset des tensions, sans nier la valeur et la robustesse des savoirs en cause. Ainsi, certains savoirsscientifiques sont relativement stables, alors que d’autres sont plus controverses et susceptiblesde changer en fonction de nouveaux resultats ou a cause d’une nouvelle interpretation de resultatsanterieurs (Harding & Hare, 2000). La stabilite des savoirs scientifiques depend en fait de la qualitedes epreuves empiriques qu’on leur fait subir et s’il revient aux scientifiques d’en imaginer lateneur, celles-ci seront inevitablement influencees par les normes de leur socioculture (Sadler etal., 2004). Par exemple, Holton (1981) a montre que l’imaginaire scientifique etait marquee parles archetypes mythiques de l’inconscient collectif et il en serait egalement ainsi selon Mattei(1999) dans le domaine de la biotechnologie:

Il est saisissant de constater que la revolution scientifique d’aujourd’hui ne fait que reactualiser lamythologie antique en rendant accessibles les reves les plus fous que l’homme a toujours portes auplus profond de lui. Le clonage est le mythe de l’immortalite a moins que ce ne soit la version modernedu mythe de Narcisse et de l’amour de soi. La reproduction de la femme, par elle-meme, reanime lasociete des amazones, la genetique et la quete de l’enfant parfait rappelle l’aventure de Pygmalionfaconnant Galatee, tandis que la prediction genetique evoque oedipe et son destin ineluctable. Iln’est pas jusqu’aux manipulations genetiques interspecifiques qui ne donnent a penser au Centauremythique. Non, l’homme n’a pas change avec le temps. Nouveau Promethee des temps modernes, ila toujours l’ambition d’etre l’egal des dieux, de devenir le maıtre du monde. (p.17)

Ces archetypes orientent les programmes de recherche et sont identifiables dans les hypothesesde recherche et l’argumentaire des chercheurs. L’etude de la biotechnologie en tant quetechnoscience en action suppose donc que l’on s’interesse aux interactions entre scientifiquesdans la construction du savoir, aux positions qu’ils occupent dans la societe, aux projets sociaux,politiques, economiques dans lesquels s’integrent leurs activites..

LA SOCIALITE DES BIOTECHNOLOGIES: UN APERCU

A l’instar de nombreux sociologues des sciences, je considere que la biotechnologie fait partiede ce que l’on designe par l’expression technoscience, qui a ete forgee pour rendre comptedes inextricables liens (co)constitutifs science et technologie. Il est dorenavant impossible depoursuivre des recherches en laboratoire sans un equipement technologique sophistique que

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les chercheurs ne pourraient d’ailleurs eux-memes fabriquer et ces activites sont parfaitementintegrees au complexe militaire et industriel des societes contemporaines. Ainsi en est-il de labiotechnologie qui comprend des institutions, des normes et des pratiques sociales, comme lesouligne Matalon (1996):

[. . .] ses hierarchies et ses rapports de pouvoir, ses procedures de recrutement, son systemed’evaluation, de recompenses et de sanctions, ses modes de socialisation, ses canaux decommunication. La pratique scientifique presente aussi des aspects economiques, avec ses modesde financement particuliers et ses enjeux d’argent evidents (p. 18).

La biotechnologie incorpore donc les contraintes ethiques, economiques et politiquesinherentes a la societe dans laquelle le savoir est produit et agit en retour sur cette societe.Dans ce questionnement epistemologique, on se refuse donc de separer la biotechnologie et lasociete et il n’est pas possible de negliger l’existence de differentes categories de producteurssymboliques (selon l’expression de P. Bourdieu, 1995). Ces differentes categories de producteurs,et donc de productions, s’affrontent1 ou se completent. Le savoir de reference en biotechnologieen est la combinaison. Les producteurs de savoirs appartiennent au monde de la recherche (enbiotechnologie, en ecologie, en ethique, en economie, en sociologie, en sciences politiques), aumonde des firmes, au monde agricole, aux associations de protection de la nature, aux associationsde defense des consommateurs, aux associations de defense des animaux, au monde desmedias.

Ainsi, par exemple, les arguments des producteurs symboliques que sont les firmes (adaptationde vegetaux a des situations climatiques extremes pour lutter contre la famine dans le tiers mondepar exemple) sont contrecarres par les arguments d’autres producteurs symboliques commecertains syndicats agricoles ou des ONG qui denoncent la mauvaise foi des firmes qui, seloneux, visent le profit, recherchent des marches solvables et ont tendance a piller les ressourcesgenetiques des pays en voie de developpement par le biais des brevets. Les medias, autresproducteurs symboliques importants, ont des discours differents selon leur ancrage politique.

La biotechnologie est issue d’un processus social de construction de savoir qui inclut desconjectures soumises a debat. L’argumentation est centrale dans toute construction de savoirsscientifiques et se situe a differents niveaux (Driver, Newton & Osborne, 2000): tout d’abord,chez le chercheur qui decide d’une experimentation ou doit interpreter des donnees; ensuite, al’interieur des groupes de recherche qui discutent de directions alternatives de leurs programmesde recherche; puis, a l’interieur de la communaute scientifique au sens large, a travers lesinteractions entre pairs sur des prises de position contradictoires dans des conferences ou desrevues; et enfin, dans le domaine public ou les chercheurs dans des champs contestes exposentleurs points de vue contradictoires a travers les medias. Il ne faut pas non plus negliger le faitque les arguments des chercheurs sont influences par leurs engagements (financement prive oupublic des recherches), leurs propres valeurs et leur perception des valeurs de la societe. Dansune perspective educative, il conviendra donc de permettre aux eleves de decouvrir commentles debats contradictoires sont menes, et aussi d’identifier leurs propres arguments en tant quecitoyens dans une societe democratique.

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LES ENJEUX ET LES CONTROVERSES SUR LE CLONAGE ET LATRANSGENESE

La construction des savoirs scientifiques se fait par rectifications successives. Le clonage et latransgenese animale n’echappent pas a cette regle. Le developpement de ces savoirs dependnon seulement des differentes recherches paralleles sur la maturation in vitro des ovocytes, lafecondation in vitro, la culture in vitro des embryons; mais aussi de la mise au point, souventempirique, de nombreux parametres experimentaux (Simonneaux, 1998). Je ferai succinctementetat dans ce qui suit des difficultes rencontrees, parfois surmontees, des orientations choisies, etparfois abandonnees, des voies de progres envisagees. A cette fin, je ferai donc reference a desexperiences phares systematiquement citees dans les publications scientifiques en m’interessanta des savoirs non stabilises.

On se rappellera que l’hypothese de depart proposee des 1938 par Speeman pour definir leconcept de clonage etait la suivante: si tous les genes sont bien presents dans le patrimoinegenetique d’une cellule somatique donnee d’un organisme developpe, alors une greffe du noyaude cette cellule dans un oeuf devrait permettre de regenerer un individu complet. Toutefois, larealisation de ce projet, en apparence simple, s’est bute a de nombreuses difficultes conceptuelleset techniques, mais a egalement donne lieu a des controverses socioethiques.

Ainsi, en 1991 est ne dans la societe Pharming au Pays-Bas le taureau Herman. L’objectif etaitde fabriquer du lait humanise. Ce dernier pourrait etre obtenu a partir de vaches ayant integre etexprimant dans leur genome un ou plusieurs transgenes synthetisant des proteines de lait humain(lactoferrine, lysosyme, etc.). Mais, l’individu obtenu par Pharming a ete un male (ayant desproblemes de sterilite) et il a fallu manipuler 2470 ovocytes pour l’obtenir. Quelques anneesplus tard, des petites filles d’Herman produisent du lait qui contient de la lactoferrine. Face auxreactions vives des medias et aux nombreuses reactions de diverses associations de defense desanimaux sur les questions ethiques soulevees par une telle manipulation, la firme Pharming adonne des justifications contradictoires au cours du temps (ce qui a envenime les reactions dupublic): fabriquer du lait pour des prematures ou des nouveau-nes souffrant de malnutrition oudiminuer les mammites dans les elevages? L’objectif de ce type de transgenese est de fabriquerdes bioreacteurs, c’est-a-dire des fermenteurs vivants. Les opposants a la transgenese animaledeclarent que l’utilisation d’un tel terme met bien en evidence l’instrumentalisation excessive del’animal; les defenseurs declarent de leur cote que les animaux que nous trayons ont toujours eteconsideres comme des biofermenteurs.

C’est toutefois la naissance de Dolly qui a donne le coup d’envoi a la production de clonesde mammiferes2. Le 7 septembre 2000 est ne au Quebec un veau clone a partir des cellulesfibroblastiques congelees d’un taureau mort (de quoi alimenter les fantasmes de reincarnation).La societe PPL Therapeutics a annonce la naissance du premier clone de cochon en mars 2000.Ce n’etait pas si simple car les ovocytes de truie survivent mal in vitro. Ainsi sont nees 5 femellesappelees: Millie comme millenium, Christa en l’honneur de Christian Barnard qui a le premiergreffe un coeur humain sur un autre homme, Alexis et Carrel en l’honneur d’Alexis Carrel (pourson prix Nobel de medecine pour ses travaux en chirurgie ou pour avoir preconise l’eliminationdes delinquants et malades mentaux?) et Dottie pour Dotcom (“point com” en francais) parsuperstition (pour le president de la compagnie, tout ce qui est associe a la nouvelle economie viainternet lui paraıt gage de succes). Effectivement, la valeur des actions de la PPL Therapeuticsa bondi de 56%. L’enjeu est de produire des clones transgeniques donneurs d’organes destines

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TABLE 1Quelques controverses sur le clonage et la transgenese animale

Activites Objets de controverse

Recherche fondamentale en genetique EugenismeAmelioration des performances en elevage par

clonage d’individus selectionnesCaractere antinaturel du clonage

Enjeux medicaux et pharmaceutiques duclonage d’individus transgeniques

Souffrance animale

En sante et alimentation humaineLa fabrication d’animaux transgeniques

modeles de maladies humainesMeconnaissance du fonctionnement du genomeScientifiques demiurges

La fabrication d’animaux transgeniques en vuede la xenotransplantation

Brevetabilite du vivantMonopole des firmesTransmission potentielle de virus

La fabrication de vaches transgeniques Transfert par consommation d’animaux transgeniques de genes deresistance a un antibiotique a des bacteries de la flore intestinale

Risque d’allergie alimentaire par consommation d’animauxtransgeniques

a la xenotransplantation, mais pour l’instant, il y a un moratoire sur ces recherches a cause desrisques de transmission a l’homme de virus porcins incontrolables.

Jusqu’a present, la fabrication de gros mammiferes transgeniques s’est montree tres difficile.Par exemple, la societe ecossaise PPL Therapeutics a obtenu neuf veaux transgeniques. a partirde 22 000 embryons manipules! Et ce resultat est considere comme un exploit! En juin 2000,la revue Science a insiste sur le tres faible taux de succes du clonage du fait de la persistancede nombreuses inconnues dans le processus. C’est ce qui a conduit les chercheurs a retournera leurs echantillons de cellules, pour tenter de comprendre pourquoi parfois cela fonctionneet pourquoi, au contraire, cela ne fonctionne pas. ‘Nous n’avons pas d’explications’, resumeJean-Paul Renard de l’Institut National de Recherches Agronomiques en France. ‘C’est plus del’art que de la science’. Ainsi, autour du clonage des mammiferes et de la possibilite du clonagehumain de nombreuses controverses sociotechniques ont ete soulevees. Dans le tableau je resumequelques-unes des controverses sur le clonage et la trangenese animale.

C’est evidemment la perspective du clonage humain et du clonage therapeutique d’embryonshumains qui suscitent les controverses les plus mediatisees et, ce qui me semble inquietant, c’estque certains scientifiques estiment que cela est en quelque sorte inevitable. On pouvait ainsi lireil y a quelques annees dans le New Scientist, qu’il existe deja une course parmi les laboratoiresde pointe pour commencer l’experimentation sur les humains. On serait deja parvenu a fabriquerdeux singes rhesus en utilisant des cellules prelevees sur des embryons. Dans la meme revueun chercheur de l’hopital Mont Sinaı de New York affirme que malgre des lois interdisant leclonage humain, les chercheurs ne pourront pas s’empecher de le tenter, parce que s’ils le fontleur nom restera dans l’histoire. Mais quoiqu’il en soit, la mediatisation de ces controversesparticipe au remodelage de l’imaginaire collectif et a la legitimation des technologies du futur(Albertini & Belisle, 1988). Des lors, la necessite de discuter ces enjeux devient une viseeeducative incontournable dans la formation des jeunes.

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SUGGESTIONS DIDACTIQUES

La transposition didactique necessaire pour rendre enseignables les savoirs biotechnologiques etles enjeux qu’ils recelent, doit s’effectuer suivant le meme registre epistemologique deploye dansla problematique mise de l’avant dans la section precedente. C’est la raison pour laquelle je feraireference au point de vue de Yves Alpe (1999) a propos de la production des savoirs scientifiqueset de leur (re)production par des eleves en contexte scolaire. Ce dernier estime en effet que dansune perspective relativiste moderee on peut considerer que les savoirs scientifiques sont produitssocialement, que leur stabilisation est toujours provisoire. De plus, il souligne que le savoir aenseigner resulte de l’institutionnalisation de procedures et de reponses socialement approuvees.Le curriculum serait alors fonde socialement et le savoir scolaire constitue alors enjeu social. Sion transpose ce point de vue a l’enseignement il convient de considerer le caractere controverse ettemporaire des savoirs biotechnologiques et, des lors, de soulever les questions liees a la legitimitede la production des savoirs savants, a l’incertitude des repercussions associees a leur usages etaux enjeux sociaux qu’ils recelent. En ce sens, deux categories d’apprentissage m’apparaissentcentrales et complementaires:

• l’appropriation de connaissances sur les biotechnologies, leurs applications et leursrepercussions eventuelles d’une part;

• l’apprentissage de la prise de decision argumentee d’autre part.

Par exemple, si on sait faire beaucoup de choses avec l’ADN, on sait peu de choses surle fonctionnement integre d’un etre vivant et de l’expression regulee de ses milliers de genes.On ne maıtrise pas la recombinaison homologue, c’est-a-dire le remplacement d’un gene. Lesconsequences a moyen et long terme de la transgenese sur l’expression regulee des autres geneset sur la structure meme du genome n’ont pas ete evaluees. Toutefois, pour etre en mesure desaisir ces propositions il est necessaire de maıtriser des connaissances de base en biologie, maisles etudes conduites a ce sujet en Europe tendent a montrer que ce n’est pas le cas pour la plupartdes eleves a la sortie du secondaire. Il s’agit la en apparence d’un probleme fondamental, mais onpeut penser que la mobilisation des eleves engages dans l’etude de controverses sociotechniques,les conduira a explorer ces champs de savoir.

De fait, il a ete montre que les eleves peuvent s’engager dans ces questions socialementvives (Albe & Simonneaux, 2002; Kolstoe, 2001; Simonneaux, 2004). Il est en effet possibled’identifier avec les eleves les difficultes rencontrees, parfois surmontees, les filiations dans lesrecherches, les voies paralleles suivies, les voies abandonnees definitivement ou temporairement,les voies de progres envisagees, dans le but d’aider les eleves a demystifier l’idee selon laquelleles scientifiques seraient omnipotents. Les clones ne foisonnent-ils pas dans les mangas et lesfilms? Il faut pour cela les amener a analyser des resultats de recherche authentiques, a identifierles faiblesses des methodologies employees a travers l’examen des donnees chiffrees.

Les eleves peuvent egalement analyser ces controverses en classe a partir des discours produitspar differents acteurs, qui soutiennent des points de vue divergents (Simonneaux & Simonneaux,2005). L’analyse interdiscursive peut se faire en plusieurs etapes:

• l’identification des caracteristiques sociale et physique de la production des discours (Quiparle? Quels sont les enjeux? Quel est le contexte?).

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• l’analyse dans les textes divergents de l’argumentation developpee (type d’argument,validite, force, justification) et des marques d’argumentation dans la langue qui y sontassociees. Les eleves peuvent etre formes au reperage de strategies argumentativesfallacieuses (des sophismes).

Differentes formes de debats peuvent etre organisees et analysees (jeux de role, simulationd’une conference de citoyens, par exemple) dont il convient de definir la sphere d’echange,c’est-a-dire de preciser s’il s’agit d’echanger des points de vue en les justifiant afin de parvenira une meilleure analyse du probleme ou de resoudre le probleme et d’arriver a un consensus (lasphere savante ne sait pas le faire, comment le demander a des eleves ?).

L’apprentissage de la prise de decision argumentee souleve de nombreuses questions,notamment celles liees a la contribution d’autres disciplines (ethique, juridique, economique,politique) et celles liees a l’incertitude des savoirs sur les risques. Enseigner les notionsrelatives a la brevetabilite du vivant, les reglementations europeennes et mondiales sur lesbiotechnologies n’est cependant pas une tache facile. Par ailleurs, les positions des eleves peuventetre fondees sur des arguments de differentes natures: scientifiques, juridiques, economiques,politiques, epistemiques, ethiques et aussi religieux. La pluridisciplinarite est incontournableet on sait comment elle est difficilement mise en oeuvre dans les ecoles. Il est possible des’appuyer pour ce faire sur la construction d’ılots de rationalite proposee par Fourez (1997). Cesılots interdisciplinaires se construisent a partir d’un questionnement authentique et donc souventcomplexe dans un contexte et un projet qui leur donnent sens. Cette construction conduit a unemodelisation qui permet de debattre, d’analyser des actions ou d’y prendre part, et de prendre desdecisions. En somme, l’etude des questions socialement vives par des eleves constitue une voieprometteuse dans la perspective d’une alphabetisation technoscientifique.

EN GUISE DE CONCLUSION

L’idee que les eleves puissent en contexte scolaire s’initier en quelque sorte a ce que Callon.Lascoumes & Barthe (2001) nomment la democratie technique peut paraıtre utopique. Toutefois,a tout le moins en France, c’est bien ce que propose le ministere de l’agriculture et de la pechedont depend l’enseignement agricole. En effet, on peut lire dans le programme de formation entreen vigueur a la rentree de 2006, que les eleves devront developper une conscience citoyennepar le biais d’une etude critique des jeux et enjeux (sociaux, ethiques, epistemologiques, etc.)lies a la production et aux usages des savoirs en biotechnologie, et ce, dans la perspective dudeveloppement durable. La faisabilite de ce projet d’enseignement devra cependant etre examineea la lumiere des recherches dans le domaine et, dependra de la possibilite de former des enseignantset des enseignantes qui pourront s’y engager.

NOTES

1.Par exemple, en1998, Arpad Pusztai, chercheur repute et jusqu’alors defenseur des biotechnologies, adeclare, lors d’une emission televisee, que des rats qu’il avait nourris avec des pommes de terre genetiquementmodifiees presentaient des deficiences organiques et immunitaires. Moins de 48 heures plus tard, il etait

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suspendu de ses fonctions par l’Institut Rowett a Aberdeen, ses resultats etaient confisques et il etait mis a laporte. Or, cet institut de recherche public avait recu une subvention de pres de 300 000$ US de la compagnieMonsanto, un des chefs de file de l’industrie des aliments transgeniques.2. Les chercheurs du Roslin Institute regrettent d’avoir nomme Dolly “ un clone ” a cause des reactions dupublic (Wilmut, Schnieke, Whir, Kind & Campbell, 1997).

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