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1 RNE : 0550025D EPREUVE ANTICIPEE DE FRANÇAIS Descriptif des lectures et activités 2016-2017 Classe : 1°ES 2 Manuel utilisé cette année : L’Echo des lettres 1re- Belin. L’Elève Le Professeur le Proviseur Florence Marquet

EPREUVE ANTICIPEE DE FRANÇAIS · 1 RNE : 0550025D EPREUVE ANTICIPEE DE FRANÇAIS Descriptif des lectures et activités 2016-2017 Classe : 1°ES 2 Manuel utilisé cette année: L’Echo

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RNE : 0550025D

EPREUVE ANTICIPEE DE FRANÇAIS

Descriptif des lectures et activités 2016-2017

Classe : 1°ES 2

Manuel utilisé cette année : L’Echo des lettres 1re- Belin.

L’Elève Le Professeur le Proviseur

Florence Marquet

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OBJET D’ETUDE : Le personnage de roman du XVII° à n os jours SEQUENCE 1 : Groupement de textes – Le personnage r omanesque dans les conflits historiques. Problématique : Comment le roman rend-il compte de l’histoire et aide-t-il à mieux comprendre le monde contemporain ? Extraits étudiés en lecture analytique : - LA 1 : Louis-Ferdinand CELINE, Voyage au bout de la nuit, 1932 (manuel page 92) - LA 2 : Victor HUGO, Quatrevingt-treize, 1874 (manuel page 98) - LA 3 : Alexandre DUMAS, La Reine Margot, 1845. - LA 4 : Eugène EBODĖ, Souveraine Magnifique, 2014 (extrait du chapitre 14) Lectures cursives :

• Extraits, à propos de la Saint Barthélémy : - Pierre de RONSARD, Discours des Misères de ce temps, 1562 (p. 440) - Michel Eyquem de MONTAIGNE, Essais, livre III, chapitre 12, 1580 (p. 441) -Théodore Agrippa D’AUBIGNE, Les Tragiques, 1616 (p. 442)

• Lecture du roman d’Eugène EBOD Ė, Souveraine Magnifique , 2014. Etudes transversales menées sous forme d’exposés : - Les lieux du roman - Victimes et bourreaux - Histoire et symbolisme de Doliba la vache - Les discriminations et la montée de la haine dans le roman - Comment Eugène EBODE se sert-il de la fiction pour faire comprendre l’histoire ? Etude d’ensemble : Lorsqu’ils évoquent la Grande Histoire, les romanciers sont-ils des historiens ?

Histoire des arts :

• Jacques-Louis DAVID, La Mort de Marat, 1793. (p. 98) • Extraits du film de Patrice CHĖREAU, La Reine Margot, 1994 : la séquence initiale

(rencontre La Mole/ Coconnas) et la scène de la chasse au sanglier.

Activités menées avec la classe : La classe a participé au prix Jean d’HEURS. Les élèves ont mis en voix et en scène le texte primé l’an passé, Souveraine Magnifique, d’Eugène EBODĖ. Ils ont été guidés dans ce travail par M. Monnin, de la Compagnie Azimuts. L’étude de ce roman a été menée en parallèle avec le cours d’Histoire-Géographie (recherches sur le Rwanda). Les élèves ont été invités à mener une lecture active, à réfléchir au monde contemporain à partir d’un récit qui relate le génocide du Rwanda. Une visio-conférence a été organisée au lycée afin qu’ils puissent échanger avec l’auteur. Trois représentations ont été proposées aux théâtres de Bar-le-Duc et de Verdun, ainsi qu’à Saint-Mihiel devant le Grand Jury du Prix Jean d’HEURS 2016. Leurs travaux et réactions de lecture sont consignés sur un carnet personnalisé.

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SEQUENCE 2 : Œuvre intégrale – L’ABB Ė PREVOST, Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, 1731. Problématique : Faut-il condamner Manon et le Chevalier Des Grieux ? N’est-elle qu’une « catin » et lui qu’un « fripon », selon le mot de Montesquieu ? (Edition conseillée : Hachette, Bibliolycée) Extraits étudiés en lecture analytique : - LA 1 : la rencontre (pages 19-21) de « J’avais marqué le temps de mon départ » à « souvent des prodiges » - LA 2 : l’évasion de Saint-Lazare (pages 129-130) de « Ce compliment devait le surprendre » à « depuis près de trois mois » - LA 3 : la mort de Manon (pages 211-212) de « N’exigez point de moi… » à « la mort avec impatience ». Lectures cursives : - Pierre Choderlos de LACLOS, Les Liaisons dangereuses, lettre 81 (portrait de la Merteuil) - MOLIERE, Dom Juan, Acte I, scènes 1 et 2 : portraits du libertin.

Etudes d’ensemble : - Est-ce un roman libertin ? - Comment le lecteur est-il édifié ?

Activité menée avec la classe :

Après avoir écrit un réquisitoire, un plaidoyer, ou un témoignage pour défendre ou accuser Manon ou Des Grieux (sujet d’invention), les élèves ont été invités à jouer le procès pour mettre à profit le travail mené précédemment avec le metteur en scène et rendre compte de leur lecture du roman de l’Abbé Prévost. Histoire des arts : -Jean-Honoré FRAGONARD, Le Verrou, 1777.

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OBJET D’ETUDE : le texte théâtral et sa représentat ion, du XVIIème siècle à nos jours SEQUENCE 3 : Groupement de textes - Scènes de balco n. Problématique : Qu’apporte le balcon à la mise en scène d’une pièce de théâtre ? Extraits étudiés en lecture analytique : - LA 1 : Pierre-Augustin Caron de BEAUMARCHAIS, le Barbier de Séville ou la Précaution inutile, 1776, acte 1, scène 3, de « La jalousie du premier étage s’ouvre » à « il ferme la jalousie à la clef » - LA 2 : Edmond ROSTAND, Cyrano de Bergerac, 1857, acte III, scène 10, de «Roxane, s’avançant sur le balcon : c’est vous ? » à « Christian : Ah ! Roxane ! » Lectures cursives : - Jean GENET, Les Bonnes, 1947 , de « Solange : Cela, ma petite, c’est notre nuit à nous » à « Elle se relève » - MOLIERE, L’Ecole des femmes, acte III, scène 4 (scène du balcon) - OVIDE, les Métamorphoses, « Pyrame et Thisbé » - William SHAKESPEARE, Roméo et Juliette, II, 2 (scène du balcon) Histoire des arts : - extrait du film de Baz LUHRMANN, 1996 http://www.dailymotion.com/video/x3a6ww_romeo-et-juliette_shortfilms - extrait de la mise en scène de David BOBĖE, 2016 https://www.youtube.com/watch?v=GYMx2bPBI9M -extrait du film de Jean-Paul RAPPENEAU, Cyrano de Bergerac, 1990. Etudes d’ensemble : - Synthèse sur le théâtre : notions de dramaturgie et de scénographie, la double énonciation, le théâtre dans le théâtre. -Travail en groupes autour de la problématique puis restitution en classe :

• Le balcon : un espace signifiant ? • Le balcon : un deuxième espace scénique (théâtre dans le théâtre) • Le balcon dans les mises en scène proposées.

-Mouvements littéraires étudiés sous forme de schémas heuristiques, à partir des recherches menées par les élèves et présentées sous formes d’exposés (élèves volontaires) : Lumières, Romantisme, Réalisme et Naturalisme, Nouveau théâtre. Activité menée avec la classe :

-Les élèves ont pu découvrir deux scènes différentes lors de leur présentation de Souveraine Magnifique, et ont dû adapter leur jeu en fonction de l’espace scénique (théâtre moderne, théâtre « à l’italienne »). Ils ont travaillé sur une mise en scène du procès (la Gacaca) avec une classe du lycée Poincaré de Bar-le-Duc.

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SEQUENCE 4 : Œuvre intégrale – Pierre CORNEILLE, Cinna, 1642. Problématiques : Comment Corneille met-il en scène un personnage illustre ? Comment la magnanimité du prince est-elle glorifiée par le théâtre ? Extraits étudiés en lecture analytique : - LA 1 : I, 3, la harangue de Cinna : « Amis, leur ai-je dit, voici le jour heureux… » à « …de leur sanglante paix » - LA 2 : V, 2, le combat de générosité : « Emilie : Aussi, dans le discours que vous venez d’entendre... » à « …du supplice aussi bien que du crime » - LA 3 : V, 3, le dénouement : « Emilie : Et je me rends, seigneur, à ces hautes bontés » à « et veut tout oublier ». Lectures cursives : - SENEQUE, De Clementia, I, IX - Michel Eyquem de MONTAIGNE, Essais, livre I, chapitre XXIV, « Divers événements de même conseil ». Histoire des arts : - Frontispice de l’édition de Cinna de 1664. - Nicolas POUSSIN, Le jugement de Salomon,1649. - Michelangelo Merisi LE CARAVAGE, Judith décapitant Holopherne, 1598. Activités menées avec la classe pour aborder les qu estions d’ensemble : -Travaux de recherches répartis dans des groupes de 2 à 3 élèves, avec restitution orale. Chaque exposé doit s’appuyer sur des références précises à Cinna, des vers doivent être cités.

• Corneille (biographie) • Le classicisme en 10 mots clés et 2 illustrations (contexte, artistes, caractéristiques) • L’histoire romaine : Octave et Auguste. • Les monologues : cadre de la situation d’énonciation et intérêt dramaturgique. • Qui est le personnage principal ? Cinna ou Auguste ? • Le rôle des femmes dans Cinna. • Les traitres dans Cinna : Qui ? envers qui ? Pourquoi ? Qu’advient-il d’eux ?

-Chaque élève a proposé une mise en voix d’un passage de 5 vers de Cinna.

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OBJET D’ETUDE : La question de l’Homme dans les gen res de l’argumentation du XVI° à nos jours.

Séquence 5 : Groupement de textes - L’HOMME, LA SCI ENCE et LE SAVOIR

Problématique : Entre peur et curiosité, quelles relations l’homme entretient-il avec le savoir ?

Extraits étudiés en lecture analytique : - LA 1 : François RABELAIS, Pantagruel , 1532 : Lettre de Gargantua à Pantagruel « Pour cette raison, mon fils » à « Amen » - LA 2 : Blaise PASCAL, Pensées, 1670 : « Qu’est-ce que l’homme, dans l’infini ? » : de « Que l’homme contemple… » à « …petitesse de la nature » - LA 3 :Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur les Sciences et les Arts, 1751 : « Voilà comment le luxe… » à « …inductions historiques » - LA 4 : VOLTAIRE, Micromégas, 1752 : chapitre 7, « O atomes intelligents ….remercier Dieu solennellement ». Lectures cursives :

• Œuvres lues intégralement : - VOLTAIRE, Micromégas, 1752. - Pierre BOULLE, La Planète des Singes , 1963. • Extraits : - Michel Eyquem de MONTAIGNE, Essais,1580 : extrait de « Apologie de Raymond Sebond » manuel p.144 - Denis DIDEROT, Prospectus de l’Encyclopédie et article « Encyclopédie », 1751 1772. - Johan Wolfgang von GOETHE, Faust , 1829, manuel p. 376. - Marie SHELLEY , Frankenstein,1818, manuel p. 377.

Histoire des arts : - REMBRANDT, La leçon d’anatomie du Docteur Tulp, 1632 - MICHEL-ANGE, Chapelle Sixtine, Le péché originel et la chute ,1508-1512 (exposé d’un élève volontaire)

Etudes d’ensemble : - L’appétit de savoir : une vision optimiste de la science. - Science, connaissance et défiance : réflexion sur la place de l’homme et l’orgueil. - Les genres de l’argumentation directe et indirecte dans les textes étudiés : lettre, roman, essai, fragment, discours, prospectus, conte philosophique, roman de science- fiction. Activités complémentaires : Recherches personnelles :

- sur les mythes de Prométhée, Pandore et Cassandre. - définition des termes : Science, savoir, encyclopédie.

ou sous forme d’exposés : - Qu’est-ce que l’humanisme ? - Les Lumières (les philosophes, critiques et revendications, Encyclopédie) - L’art oratoire dans l’Antiquité, aspects de la rhétorique selon Quintilien.

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OBJET D’ETUDE : Ecriture poétique et quête de sens, du Moyen-âge à nos jours

Séquence 6 : Chants de révolte et d’apaisement.

Problématique : Comment le poète s’engage-t-il dans son temps pour dénoncer /restaurer les liens entre les hommes ?

Œuvre intégrale : Arthur RIMBAUD, Poésies , Poèmes de 1870 , « Le recueil DEMENY », pages 39 à 81 uniquement , édition Etonna nts Classiques, Flammarion.

Lecture analytique : -LA 1 : Arthur RIMBAUD, « Le Mal », 1870 Lectures cursives : -Lettres d’Arthur RIMBAUD à Georges IZAMBARD et Paul DEMENY. Etudes d’ensemble :

- Figures et rôles du poète (lettres à Georges IZAMBARD et Paul DEMENY) - Formes poétiques et registres dans le recueil. - « On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans » : Arthur RIMBAUD est-il un poète insolent ? Comment s’exprime sa rébellion ? Activité menée avec la classe :

- « Deux minutes avec Arthur RIMBAUD » : A chaque début de séance, deux élèves ont partagé leur lecture d’un court extrait de poème (4 à 10 vers). Ils ont proposé un rapide point d’analyse (nommer un procédé de style ou de versification et indiquer son effet), et justifié leur choix, à partir de leurs impressions de lecture. Groupement de textes

Extraits étudiés en lecture analytique : - LA 2 : Théodore Agrippa D’AUBIGNĖ, Les Tragiques, « Misères » , « Je veux peindre la France une mère affligée » à « du sang pour votre nourriture », 1616. - LA 3 : Grand Corps Malade, 3ème temps, « Roméo kiffe Juliette », 2010 - LA 4 : Louis ARAGON, La Diane Française, « La Rose et le Réséda », 1943 Histoire des arts : - Etude du clip de Grand Corps Malade (la danse, la vidéo et le slam), 2010. - Court métrage réalisé par André MICHEL, mise en images du poème de Louis Aragon "La Rose et le Réséda" dit par Jean Louis BARRAULT. http://www.ina.fr/video/AFE01000681 et poème chanté par Juliette GRĖCO. Activités menées avec la classe :

- A partir du descriptif, les élèves ont été invités à convoquer leurs connaissances et lectures de cette année pour établir des liens entre les séquences et nourrir leur réflexion sur « le rapport à l’autre », thème abordé de façon pluridisciplinaire.

- Ecriture de courts poèmes pour s’indigner.

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SEQUENCE 1 : GT – Le personnage romanesque dans les conflits historiques

-LA 1 : Louis-Ferdinand CELINE, Voyage au bout de la nuit , 1932 (manuel page 92)

Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’était fini ; que j’étais devenu du feu et du bruit moi-même. Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les jambes qui tremblaient comme si quelqu’un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l’air de me quitter et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l’odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière. Tout de suite après ça, j’ai pensé au maréchal des logis Barousse qui venait d’éclater comme l’autre nous l’avait appris. C’était une bonne nouvelle. Tant mieux ! que je pensais tout de suite ainsi : « C’est une bien grande charogne en moins dans le régiment ! » Il avait voulu me faire passer au Conseil pour une boîte de conserve. « Chacun sa guerre ! » que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l’air de servir à quelque chose la guerre ! J’en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrés ordures que j’aurais aidés bien volontiers à trouver un obus comme Barousse. Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l’explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours. Mais le cavalier n’avait plus sa tête, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait – 17 – dû lui faire du mal ce coup-là au moment où c’était arrivé. Tant pis pour lui ! S’il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé. Toutes ces viandes saignaient énormément ensemble. Des obus éclataient encore à la droite et à la gauche de la scène. J’ai quitté ces lieux sans insister, joliment heureux d’avoir un aussi beau prétexte pour foutre le camp. J’en chantonnais même un brin, en titubant, comme quand on a fini une bonne partie de canotage et qu’on a les jambes un peu drôles.

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-LA 2 : Victor HUGO, Quatrevingt-treize , 1874 (manuel page 98)

Le 28 juin 1793, trois hommes étaient réunis autour d'une table dans cette arrière-chambre. […] Le premier de ces trois hommes était pâle, jeune, grave, avec les lèvres minces et le regard froid. Il avait dans la joue un tic nerveux qui devait le gêner pour sourire. Il était poudré, ganté, brossé, boutonné ; son habit bleu clair ne faisait pas un pli. Il avait une culotte de nankin, des bas blancs, une haute cravate, un jabot plissé, des souliers à boucles d'argent. Les deux autres hommes étaient, l'un, une espèce de géant, l'autre, une espèce de nain. Le grand, débraillé dans un vaste habit de drap écarlate, le col nu dans une cravate dénouée tombant plus bas que le jabot, la veste ouverte avec des boutons arrachés, était botté de bottes à revers et avait les cheveux tout hérissés, quoiqu'on y vît un reste de coiffure et d'apprêt ; il y avait de la crinière dans sa perruque. Il avait la petite vérole sur la face, une ride de colère entre les sourcils, le pli de la bonté au coin de la bouche, les lèvres épaisses, les dents grandes, un poing de portefaix, l'œil éclatant. Le petit était un homme jaune qui, assis, semblait difforme ; il avait la tête renversée en arrière, les yeux injectés de sang, des plaques livides sur le visage, un mouchoir noué sur ses cheveux gras et plats, pas de front, une bouche énorme et terrible. Il avait un pantalon à pied, des pantoufles, un gilet qui semblait avoir été de satin blanc, et par-dessus ce gilet une rouppe dans les plis de laquelle une ligne dure et droite laissait deviner un poignard.

Le premier de ces hommes s'appelait Robespierre, le second Danton, le troisième Marat.

-LA 3 : Alexandre DUMAS, La Reine Margot , 1845.

Au moment où il arrivait à la porte, toujours suivi de Coconnas, plusieurs coups de feu retentirent dans la rue. Aussitôt on entendit La Mole sauter de son lit et le plancher crier sous ses pas.

— Diable ! murmura La Hurière un peu troublé, il est réveillé, je crois !

— Ça m’en a l’air, dit Coconnas.

— Et il va se défendre ?

— Il en est capable. Dites donc, maître La Hurière, s’il allait vous tuer, ça serait drôle.

— Hum ! hum ! fit l’hôte.

Mais, se sentant armé d’une bonne arquebuse, il se rassura et enfonça la porte d’un vigoureux coup de pied.

On vit alors La Mole, sans chapeau, mais tout vêtu, retranché derrière son lit, son épée entre ses dents et ses pistolets à la main.

— Oh ! oh ! dit Coconnas en ouvrant les narines en véritable bête fauve qui flaire le sang, voilà qui devient intéressant, maître La Hurière. Allons, allons ! en avant !

— Ah ! l’on veut m’assassiner, à ce qu’il paraît ! cria la Mole dont les yeux flamboyaient, et c’est toi, misérable ?

Maître La Hurière ne répondit à cette apostrophe qu’en abaissant son arquebuse et qu’en mettant le jeune homme en joue. Mais La Mole avait vu la démonstration, et, au moment où le coup partit, il se jeta à genoux, et la balle passa par-dessus sa tête.

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— À moi ! cria La Mole, à moi, monsieur de Coconnas !

— À moi ! monsieur de Maurevel, à moi ! cria La Hurière.

— Ma foi, monsieur de La Mole ! dit Coconnas, tout ce que je puis dans cette affaire est de ne point me mettre contre vous. Il paraît qu’on tue cette nuit les huguenots au nom du roi. Tirez-vous de là comme vous pourrez.

— Ah ! traîtres ! ah ! assassins ! c’est comme cela ! eh bien ! attendez.

Et La Mole, visant à son tour, lâcha la détente d’un de ses pistolets. La Hurière, qui ne le perdait pas de vue, eut le temps de se jeter de côté ; mais Coconnas, qui ne s’attendait pas à cette riposte, resta à la place où il était et la balle lui effleura l’épaule.

— Mordi ! cria-t-il en grinçant des dents, j’en tiens ; à nous deux donc ! puisque tu le veux.

Et, tirant sa rapière, il s’élança vers La Mole.

Sans doute, s’il eût été seul, La Mole l’eût attendu ; mais Coconnas avait derrière lui maître La Hurière qui rechargeait son arquebuse, sans compter Maurevel qui, pour se rendre à l’invitation de l’aubergiste, montait les escaliers quatre à quatre. La Mole se jeta donc dans un cabinet, et verrouilla la porte derrière lui.

— Ah ! schelme ! s’écria Coconnas furieux, heurtant la porte du pommeau de sa rapière, attends, attends. Je veux te trouer le corps d’autant de coups d’épée que tu m’as gagné d’écus ce soir ! Ah ! je viens pour t’empêcher de souffrir ! ah ! je viens pour qu’on ne te vole pas ! et tu me récompenses en m’envoyant une balle dans l’épaule ! attends ! birbone ! attends !

Sur ces entrefaites maître La Hurière s’approcha et d’un coup de crosse de son arquebuse fit voler la porte en éclats. Coconnas s’élança dans le cabinet, mais il alla donner du nez contre la muraille : le cabinet était vide et la fenêtre ouverte.

— Il se sera précipité, dit l’hôte ; et comme nous sommes au quatrième, il est mort.

— Ou il se sera sauvé par le toit de la maison voisine, dit Coconnas en enjambant la barre de la fenêtre et en s’apprêtant à le suivre sur ce terrain glissant et escarpé.

Mais Maurevel et La Hurière se précipitèrent sur lui, et le ramenant dans la chambre :

— Êtes-vous fou ? s’écrièrent-ils tous deux à la fois. Vous allez vous tuer.

— Bah ! dit Coconnas, je suis montagnard, moi, et habitué à courir dans les glaciers. D’ailleurs, quand un homme m’a insulté une fois, je monterais avec lui jusqu’au ciel, ou je descendrais avec lui jusqu’en enfer, quelque chemin qu’il prît pour y arriver. Laissez-moi faire.

— Allons donc ! dit Maurevel, ou il est mort, ou il est loin maintenant. Venez avec nous ; et si celui-là vous échappe, vous en trouverez mille autres à sa place.

— Vous avez raison, hurla Coconnas. Mort aux huguenots ! J’ai besoin de me venger, et le plus tôt sera le mieux.

Et tous trois descendirent l’escalier comme une avalanche.

— Chez l’amiral ! cria Maurevel.

— Chez l’amiral ! répéta La Hurière.

— Chez l’amiral, donc ! puisque vous le voulez, dit à son tour Coconnas.

Et tous trois s’élancèrent de l’hôtel de la Belle-Étoile, laissé en garde à Grégoire et aux autres garçons, se dirigeant vers l’hôtel de l’amiral, situé rue de Béthizy ; une flamme brillante et le bruit des arquebusades les guidait de ce côté.

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— Eh ! qui vient là ? s’écria Coconnas. Un homme sans pourpoint et sans écharpe.

— C’en est un qui se sauve, dit Maurevel.

— À vous, à vous ! à vous qui avez des arquebuses, s’écria Coconnas.

— Ma foi, non, dit Maurevel ; je garde ma poudre pour meilleur gibier.

— À vous, La Hurière.

— Attendez, attendez, dit l’aubergiste en ajustant.

— Ah ! oui, attendez, s’écria Coconnas ; et en attendant il va se sauver.

Et il s’élança à la poursuite du malheureux qu’il eut bientôt rejoint, car il était déjà blessé. Mais au moment où, pour ne pas le frapper par derrière, il lui criait : « Tourne, mais tourne donc ! » un coup d’arquebuse retentit, une balle siffla aux oreilles de Coconnas, et le fugitif roula comme un lièvre atteint dans sa course la plus rapide par le plomb du chasseur.

Un cri de triomphe se fit entendre derrière Coconnas ; le Piémontais se retourna, et vit La Hurière agitant son arme.

— Ah ! cette fois, s’écria-t-il, j’ai étrenné au moins.

— Oui, mais vous avez manqué me percer d’outre en outre moi.

— Prenez garde, mon gentilhomme, prenez garde, cria La Hurière.

Coconnas fit un bond en arrière. Le blessé s’était relevé sur un genou, et, tout entier à la vengeance, il allait percer Coconnas de son poignard au moment même où l’avertissement de son hôte avait prévenu le Piémontais.

— Ah ! vipère ! s’écria Coconnas.

Et, se jetant sur le blessé, il lui enfonça trois fois son épée jusqu’à la garde dans la poitrine.

— Et maintenant, s’écria Coconnas laissant le huguenot se débattre dans les convulsions de l’agonie, chez l’amiral ! chez l’amiral !

— Ah ! ah ! mon gentilhomme, dit Maurevel, il paraît que vous y mordez.

— Ma foi, oui, dit Coconnas. Je ne sais pas si c’est l’odeur de la poudre qui me grise ou la vue du sang qui m’excite, mais, mordi ! je prends goût à la tuerie. C’est comme qui dirait une battue à l’homme. Je n’ai encore fait que des battues à l’ours ou au loup, et sur mon honneur la battue à l’homme me paraît plus divertissante.

Et tous trois reprirent leur course.

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-LA 4 : Eugène EBOD Ė, Souveraine Magnifique , 2014 (extrait du chapitre 14 )

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SEQUENCE 2 : OI – ABBE PREVOST, Histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, 1731. -LA 1 : la rencontre (pages 19-21)

J’avais marqué le temps de mon départ d’Amiens. Hélas ! que ne le marquai-je un jour plus tôt ! j’aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras, et nous le suivîmes jusqu’à l’hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n’avions pas d’autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes qui se retirèrent aussitôt ; mais il en resta une, fort jeune, qui s’arrêta seule dans la cour, pendant qu’un homme d’un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s’empressait de faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante, que moi, qui n’avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention ; moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d’un coup jusqu’au transport. J’avais le défaut d’être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais, loin d’être arrêté alors par cette faiblesse, je m’avançai vers la maîtresse de mon cœur.

Quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l’amenait à Amiens, et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu’elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L’amour me rendait déjà si éclairé depuis un moment qu’il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d’une manière qui lui fit comprendre mes sentiments ; car elle était bien plus expérimentée que moi : c’était malgré elle qu’on l’envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s’était déjà déclaré, et qui a causé dans la suite tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer. Elle n’affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu’elle ne prévoyait que trop qu’elle allait être malheureuse ; mais que c’était apparemment la volonté du ciel, puisqu’il ne lui laissait nul moyen de l’éviter. La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt l’ascendant de ma destinée, qui m’entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l’assurai que si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu’elle m’inspirait déjà, j’emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d’où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m’exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l’amour, s’il n’opérait souvent des prodiges.

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-LA 2 : l’évasion de saint-Lazare (pages 129-130) d e « Ce compliment devait le surprendre » à « depuis près de trois mois »

Ce compliment devait le surprendre. Il demeura quelque temps à me considérer sans me répondre. Comme je n’en avais pas à perdre, je repris la parole pour lui dire que j’étais touché de toutes ses bontés, mais que la liberté étant le plus cher de tous les biens, surtout pour moi à qui on la ravissait si injustement, j’étais résolu de me la procurer cette nuit même, à quelque prix que ce fût ; et, de peur qu’il ne lui prît envie d’élever la voix pour appeler du secours, je lui fis voir une honnête raison de silence, que je tenais sur mon justaucorps. « Un pistolet ! me dit-il. Quoi ! mon fils, vous voulez m’ôter la vie pour reconnaître la considération que j’ai eue pour vous ? — À Dieu ne plaise ! lui répondis-je ; vous avez trop d’esprit et de raison pour me mettre dans cette nécessité ; mais je veux être libre, et j’y suis si résolu, que si mon projet manque par votre faute, c’est fait de vous absolument. — Mais, mon cher fils, reprit-il d’un air pâle et effrayé, que vous ai-je fait ? quelle raison avez-vous de vouloir ma mort ? — Eh ! non, répliquai-je avec impatience. Je n’ai pas dessein de vous tuer : si vous voulez vivre, ouvrez-moi la porte, et je suis le meilleur de vos amis. » J’aperçus les clefs qui étaient sur la table ; je les pris, et je le priai de me suivre en faisant le moins de bruit qu’il pourrait.

Il fut obligé de s’y résoudre. À mesure que nous avancions et qu’il ouvrait une porte, il me répétait avec un soupir : « Ah ! mon fils, ah ! qui l’aurait jamais cru ? — Point de bruit, mon père, » répétais-je de mon côté à tout moment. Enfin nous arrivâmes à une espèce de barrière qui est avant la grande porte de la rue. Je me croyais déjà libre, et j’étais derrière le père, tenant ma chandelle d’une main et mon pistolet de l’autre.

Pendant qu’il s’empressait d’ouvrir, un domestique qui couchait dans une chambre voisine, entendant le bruit de quelques verrous, se lève et met la tête à sa porte. Le bon père le crut apparemment capable de m’arrêter. Il lui ordonna avec beaucoup d’imprudence de venir à son secours. C’était un puissant coquin, qui s’élança sur moi sans balancer. Je ne le marchandai point ; je lui lâchai le coup au milieu de la poitrine. « Voilà de quoi vous êtes cause, mon père, dis-je assez fièrement à mon guide. Mais que cela ne vous empêche point d’achever, » ajoutai-je en le poussant vers la dernière porte. Il n’osa refuser de l’ouvrir. Je sortis heureusement, et je trouvai à quatre pas Lescaut qui m’attendait avec deux amis, suivant sa promesse.

Nous nous éloignâmes. Lescaut me demanda s’il n’avait pas entendu tirer un pistolet. « C’est votre faute, lui dis-je ; pourquoi me l’apportiez-vous chargé ? » Cependant je le remerciai d’avoir eu cette précaution, sans laquelle j’étais sans doute à Saint-Lazare pour longtemps. Nous allâmes passer la nuit chez un traiteur, où je me remis un peu de la mauvaise chère que j’avais faite depuis près de trois mois.

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-LA 3 : la mort de Manon (pages 211-212) de « N’exi gez point de moi… » à « la mort avec impatience ».

N’exigez point de moi que je vous décrive mes sentiments, ni que je vous rapporte ses

dernières expressions. Je la perdis ; je reçus d’elle des marques d’amour au moment

même qu’elle expirait : c’est tout ce que j’ai la force de vous apprendre de ce fatal et

déplorable événement.

Mon âme ne suivit pas la sienne. Le ciel ne me trouva sans doute point assez

rigoureusement puni ; il a voulu que j’aie traîné depuis une vie languissante et misérable.

Je renonce volontairement à la mener jamais plus heureuse.

Je demeurai plus de vingt-quatre heures la bouche attachée sur le visage et sur les mains

de ma chère Manon. Mon dessein était d’y mourir ; mais je fis réflexion, au

commencement du second jour, que son corps serait exposé, après mon trépas, à

devenir la pâture des bêtes sauvages. Je formai la résolution de l’enterrer, et d’attendre la

mort sur sa fosse. J’étais déjà si proche de ma fin, par l’affaiblissement que le jeûne et la

douleur m’avaient causé, que j’eus besoin de quantité d’efforts pour me tenir debout. Je

fus obligé de recourir aux liqueurs fortes que j’avais apportées ; elles me rendirent autant

de force qu’il en fallait pour le triste office que j’allais exécuter. Il ne m’était pas difficile

d’ouvrir la terre dans le lieu où je me trouvais ; c’était une campagne couverte de sable.

Je rompis mon épée pour m’en servir à creuser, mais j’en tirai moins de secours que de

mes mains. J’ouvris une large fosse ; j’y plaçai l’idole de mon cœur, après avoir pris soin

de l’envelopper de tous mes habits pour empêcher le sable de la toucher. Je ne la mis

dans cet état qu’après l’avoir embrassée mille fois avec toute l’ardeur du plus parfait

amour. Je m’assis encore près d’elle ; je la considérai longtemps ; je ne pouvais me

résoudre à fermer sa fosse. Enfin, mes forces recommençant à s’affaiblir, et craignant

d’en manquer tout à fait avant la fin de mon entreprise, j’ensevelis pour toujours dans le

sein de la terre ce qu’elle avait porté de plus parfait et de plus aimable. Je me couchai

ensuite sur la fosse, le visage tourné vers le sable ; et, fermant les yeux avec le dessein

de ne les ouvrir jamais, j’invoquai le secours du ciel, et j’attendis la mort avec impatience.

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SEQUENCE 3 : scènes de balcon -LA 1 : BEAUMARCHAIS , le Barbier de Séville , acte 1, scène 3.

BARTHOLO, ROSINE.

(La jalousie du premier étage s’ouvre, et Bartholo et Rosine se mettent à la fenêtre.)

ROSINE.

Comme le grand air fait plaisir à respirer !… Cette jalousie s’ouvre si rarement !…

BARTHOLO .

Quel papier tenez-vous là ?

ROSINE.

Ce sont des couplets de la Précaution inutile que mon maître à chanter m’a donnés hier.

BARTHOLO .

Qu’est-ce que la Précaution inutile ?

ROSINE.

C’est une comédie nouvelle.

BARTHOLO .

Quelque drame encore ! quelque sottise d’un nouveau genre[1] !

ROSINE.

Je n’en sais rien.

BARTHOLO .

Euh, euh, les journaux et l’autorité nous en feront raison. Siècle barbare !…

ROSINE.

Vous injuriez toujours notre pauvre siècle.

BARTHOLO .

Pardon de la liberté ; qu’a-t-il produit pour qu’on le loue ? Sottises de toute espèce : la liberté de penser, l’attraction, l’électricité, le tolérantisme, l’inoculation, le quinquina, l’encyclopédie, et les drames…

ROSINE.

(Le papier lui échappe et tombe dans la rue.) Ah ! ma chanson ! ma chanson est tombée en vous écoutant : courez, courez donc, monsieur ! Ma chanson ! elle sera perdue !

BARTHOLO .

Que diable aussi, l’on tient ce qu’on tient.

(Il quitte le balcon.) ROSINE regarde en dedans et fait signe dans

la rue.

St, st ! (Le comte paraît.) Ramassez vite et sauvez-vous.

(Le comte ne fait qu’un saut, ramasse le papier et rentre.)

BARTHOLO sort de la maison, et cherche.

Où donc est-il ? Je ne vois rien.

ROSINE.

Sous le balcon, au pied du mur.

BARTHOLO .

Vous me donnez là une jolie commission ! Il est donc passé quelqu’un ?

ROSINE.

Je n’ai vu personne.

BARTHOLO , à lui-même.

Et moi qui ai la bonté de chercher !… Bartholo, vous n’êtes qu’un sot, mon ami : ceci doit vous apprendre à ne jamais ouvrir de jalousies sur la rue.

(Il rentre.)

ROSINE, toujours au balcon.

Mon excuse est dans mon malheur : seule, enfermée, en butte à la persécution d’un homme odieux, est-ce un crime de tenter à sortir d’esclavage ?

BARTHOLO , paraissant au balcon.

Rentrez, signora ; c’est ma faute si vous avez perdu votre chanson ; mais ce malheur ne vous arrivera plus, je vous jure.

(Il ferme la jalousie à la clef.)

Scène IV LE COMTE, FIGARO. (Ils entrent avec

précaution.

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LA 2 : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac , Acte III, scène 10

CYRANO, CHRISTIAN, ROXANE.

ROXANE, s’avançant sur le balcon C’est vous ? Nous parlions de… de… d’un…

CYRANO Baiser. Le mot est doux ! Je ne vois pas pourquoi votre lèvre ne l’ose ; S’il la brûle déjà, que sera-ce la chose ? Ne vous en faites pas un épouvantement N’avez-vous pas tantôt, presque insensiblement, Quitté le badinage et glissé sans alarmes De sourire au soupir, et du soupir aux larmes ! Glisser encore un peu d’insensible façon Des larmes au baiser il n’y a qu’un frisson !

ROXANE Taisez-vous !

CYRANO Un baiser, mais à tout prendre, qu’est-ce ? Un serment fait d’un peu plus près, une promesse Plus précise, un aveu qui veut se confirmer, Un point rose qu’on met sur l’i du verbe aimer ; C’est un secret qui prend la bouche pour oreille, Un instant d’infini qui fait un bruit d’abeille, Une communication ayant un goût de fleur, Une façon d’un peu se respirer le cœur, Et d’un peu se goûter, au bord des lèvres, l’âme !

ROXANE Taisez-vous !

CYRANO Un baiser, c’est si noble, Madame, Que la reine de France, au plus heureux des lords, En a laissé prendre un, la reine même !

ROXANE Alors !

CYRANO, s’exaltant

J’eus comme Buckingham des souffrances muettes, J’adore comme lui la reine que vous êtes, Comme lui je suis triste et fidèle…

ROXANE Et tu es Beau comme lui !

CYRANO, à part, dégrisé C’est vrai, je suis beau, j’oubliais !

ROXANE Eh bien ! montez cueillir cette fleur sans pareille… CYRANO, poussant Christian vers le balcon Monte !

ROXANE Ce goût de cœur…

CYRANO Monte !

ROXANE Ce bruit d’abeille…

CYRANO Monte !

CHRISTIAN, hésitant Mais il me semble à présent que c’est mal !

ROXANE Cet instant d’infini !…

CYRANO, le poussant Monte donc, animal ! Christian s’élance, et par le banc, le feuillage, les piliers, atteint les balustres qu’il enjambe.

CHRISTIAN Ah ! Roxane ! Il l’enlace et se penche sur ses lèvres.

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SEQUENCE 4 : CORNEILLE, Cinna, 1642. - LA 1 : I, 3 , la harangue de Cinna Cinna "Amis, leur ai-je dit, voici le jour heureux Qui doit conclure enfin nos desseins généreux ; Le ciel entre nos mains a mis le sort de Rome, Et son salut dépend de la perte d'un homme, Si l'on doit le nom d'homme à qui n'a rien d'humain, A ce tigre altéré de tout le sang romain. Combien pour le répandre a-t-il formé de brigues ! Combien de fois changé de partis et de ligues, Tantôt ami d'Antoine, et tantôt ennemi, Et jamais insolent ni cruel à demi !" Là, par un long récit de toutes les misères Que durant notre enfance ont enduré nos pères, Renouvelant leur haine avec leur souvenir, Je redouble en leurs cœurs l'ardeur de le punir. Je leur fais des tableaux de ces tristes batailles Où Rome par ses mains déchirait ses entrailles, Où l'aigle abattait l'aigle, et de chaque côté Nos légions s'armaient contre leur liberté ; Où les meilleurs soldats et les chefs les plus braves Mettaient toute leur gloire à devenir esclaves ; Où, pour mieux assurer la honte de leurs fers, Tous voulaient à leur chaîne attacher l'univers ; Et l'exécrable honneur de lui donner un maître Faisant aimer à tous l'infâme nom de traître, Romains contre Romains, parents contre parents, Combattaient seulement pour le choix des tyrans. J'ajoute à ces tableaux la peinture effroyable De leur concorde impie, affreuse, inexorable, Funeste aux gens de bien, aux riches, au sénat, Et pour tout dire enfin, de leur triumvirat ; Mais je ne trouve point de couleurs assez noires Pour en représenter les tragiques histoires. Je les peins dans le meurtre à l'envi triomphants, Rome entière noyée au sang de ses enfants : Les uns assassinés dans les places publiques, Les autres dans le sein de leurs dieux domestiques ; Le méchant par le prix au crime encouragé, Le mari par sa femme en son lit égorgé ; Le fils tout dégouttant du meurtre de son père, Et sa tête à la main demandant son salaire, Sans pouvoir exprimer par tant d'horribles traits Qu'un crayon imparfait de leur sanglante paix.

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- LA 2 : V, 2, le combat de générosité :

ÉMILIE

Aussi, dans le discours que vous venez d'entendre,

Je parlais pour l'aigrir, et non pour me défendre.

Punissez donc, seigneur, ces criminels appas

Qui de vos favoris font d'illustres ingrats ;

Tranchez mes tristes jours pour assurer les vôtres.

Si j'ai séduit Cinna, j'en séduirai bien d'autres ;

Et je suis plus à craindre, et vous plus en danger,

Si j'ai l'amour ensemble et le sang à venger.

CINNA

Que vous m'ayez séduit, et que je souffre encore

D'être déshonoré par celle que j'adore !

Seigneur, la vérité doit ici s'exprimer :

J'avais fait ce dessein avant que de l'aimer ;

A mes plus saints désirs la trouvant inflexible,

Je crus qu'à d'autres soins elle serait sensible ;

Je parlai de son père et de votre rigueur,

Et l'offre de mon bras suivit celle du cœur.

Que la vengeance est douce à l'esprit d'une

femme !

Je l'attaquai par là, par là je pris son âme ;

Dans mon peu de mérite elle me négligeait,

Et ne put négliger le bras qui la vengeait :

Elle n'a conspiré que par mon artifice ;

J'en suis le seul auteur, elle n'est que complice.

ÉMILIE

Cinna, qu'oses-tu dire ? est-ce là me chérir,

Que de m'ôter l'honneur quand il me faut mourir ?

CINNA

Mourez, mais en mourant ne souillez point ma

gloire.

ÉMILIE

La mienne se flétrit, si César te veut croire.

CINNA

Et la mienne se perd, si vous tirez à vous

Toute celle qui suit de si généreux coups.

ÉMILIE

Eh bien ! prends-en ta part, et me laisse la

mienne ;

Ce serait l'affaiblir que d'affaiblir la tienne :

La gloire et le plaisir, la honte et les tourments,

Tout doit être commun entre de vrais amants.

Nos deux âmes, seigneur, sont deux âmes

romaines ;

Unissant nos désirs, nous unîmes nos haines ;

De nos parents perdus le vif ressentiment

Nous apprit nos devoirs en un même moment ;

En ce noble dessein nos cœurs se rencontrèrent ;

Nos esprits généreux ensemble le formèrent ;

Ensemble nous cherchons l'honneur d'un beau

trépas :

Vous vouliez nous unir, ne nous séparez pas.

AUGUSTE

Oui, je vous unirai, couple ingrat et perfide,

Et plus mon ennemi qu'Antoine ni Lépide :

Oui, je vous unirai, puisque vous le voulez :

Il faut bien satisfaire aux feux dont vous brûlez ;

Et que tout l'univers, sachant ce qui m'anime,

S'étonne du supplice aussi bien que du crime.

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- LA 3 : V, 3, le dénouement : ÉMILIE

Et je me rends, seigneur, à ces hautes bontés ; Je recouvre la vue auprès de leurs clartés : Je connais mon forfait qui me semblait justice ; Et (ce que n'avait pu la terreur du supplice) Je sens naître en mon âme un repentir puissant, Et mon cœur en secret me dit qu'il y consent. Le ciel a résolu votre grandeur suprême ; Et pour preuve, seigneur, je n'en veux que moi-même : J'ose avec vanité me donner cet éclat, Puisqu'il change mon cœur, qu'il veut changer l'Etat. Ma haine va mourir, que j'ai crue immortelle ; Elle est morte, et ce cœur devient sujet fidèle ; Et prenant désormais cette haine en horreur, L'ardeur de vous servir succède à sa fureur.

CINNA

Seigneur, que vous dirai-je après que nos offenses Au lieu de châtiments trouvent des récompenses ? O vertu sans exemple ! ô clémence, qui rend Votre pouvoir plus juste, et mon crime plus grand !

AUGUSTE

Cesse d'en retarder un oubli magnanime ; Et tous deux avec moi faites grâce à Maxime : Il nous a trahis tous ; mais ce qu'il a commis Vous conserve innocents, et me rend mes amis. [A Maxime.] Reprends auprès de moi ta place accoutumée ; Rentre dans ton crédit et dans ta renommée ; Qu'Euphorbe de tous trois ait sa grâce à son tour ; Et que demain l'hymen couronne leur amour. Si tu l'aimes encor, ce sera ton supplice.

MAXIME

Je n'en murmure point, il a trop de justice ; Et je suis plus confus, seigneur, de vos bontés Que je ne suis jaloux du bien que vous m'ôtez.

CINNA

Souffrez que ma vertu dans mon cœur rappelée Vous consacre une foi lâchement violée,

Mais si ferme à présent, si loin de chanceler, Que la chute du ciel ne pourrait l'ébranler. Puisse le grand moteur des belles destinées, Pour prolonger vos jours, retrancher nos années ; Et moi, par un bonheur dont chacun soit jaloux, Perdre pour vous cent fois ce que je tiens de vous !

LIVIE

Ce n'est pas tout, seigneur ; une céleste flamme D'un rayon prophétique illumine mon âme. Oyez ce que les dieux vous font savoir par moi ; De votre heureux destin c'est l'immuable loi. Après cette action vous n'avez rien à craindre, On portera le joug désormais sans se plaindre ; Et les plus indomptés, renversant leurs projets, Mettront toute leur gloire à mourir vos sujets ; Aucun lâche dessein, aucune ingrate envie N'attaquera le cours d'une si belle vie ; Jamais plus d'assassins, ni de conspirateurs : Vous avez trouvé l'art d'être maître des coeurs. Rome, avec une joie et sensible et profonde, Se démet en vos mains de l'empire du monde ; Vos royales vertus lui vont trop enseigner Que son bonheur consiste à vous faire régner : D'une si longue erreur pleinement affranchie, Elle n'a plus de voeux que pour la monarchie, Vous prépare déjà des temples, des autels, Et le ciel une place entre les immortels ; Et la postérité, dans toutes les provinces, Donnera votre exemple aux plus généreux princes.

AUGUSTE

J'en accepte l'augure, et j'ose l'espérer : Ainsi toujours les dieux vous daignent inspirer ! Qu'on redouble demain les heureux sacrifices Que nous leur offrirons sous de meilleurs auspices, Et que vos conjurés entendent publier Qu'Auguste a tout appris, et veut tout oublier.

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Judith décapitant Holopherne , LE CARAVAGE, 1598.

Le Jugement de Salomon, Nicolas POUSSIN (1594-1665)

Cinna, frontispice de l’édition de 1664.

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Séquence 5 : L’HOMME, LA SCIENCE et LE SAVOIR -LA 1 : RABELAIS, Pantagruel , 1532, Lettre de Gargantua à Pantagruel Pour cette raison, mon fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à bien profiter en étude et en vertu. Tu es à Paris, tu as ton précepteur Epistémon : l'un, par de vivantes leçons, l'autre par de louables exemples, peuvent bien t'éduquer. J'entends et veux que tu apprennes parfaitement les langues, d'abord le grec, comme le veut Quintilien, puis le latin et l'hébreu pour l'Écriture sainte, le chaldéen et l'arabe pour la même raison; pour le grec, forme ton style en imitant Platon, et Cicéron pour le latin. Qu'il n'y ait aucun fait historique que tu n'aies en mémoire, ce à quoi t'aidera la cosmographie établie par ceux qui ont traité le sujet. Des arts libéraux, la géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai donné le goût quand tu étais encore petit, à cinq ou six ans : continue et deviens savant dans tous les domaines de l'astronomie, mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice et l'art de Lulle qui ne sont que tromperies et futilités. Du droit civil, je veux que tu saches par cœur tous les beaux textes, et me les commentes avec sagesse.

Quant à la connaissance de la nature, je veux que tu t'y appliques avec soin : qu'il n'y ait mer, rivière ou source dont tu ne connaisses les poissons; tous les oiseaux de l'air, tous les arbres, arbustes et buissons des forêts, toutes les herbes de la terre, tous les métaux cachés au ventre des abîmes, les pierreries de tout l'Orient et du Midi. Que rien ne te soit inconnu. Puis relis soigneusement les livres des médecins grecs, arabes et latins, sans mépriser les talmudistes et cabalistes, et, par de fréquentes dissections, acquiers une parfaite connaissance de cet autre monde qu'est l'homme. Et quelques heures par jour, commence à lire l'Écriture sainte, d'abord en grec le Nouveau Testament et les Épîtres des Apôtres, puis en hébreu l'Ancien Testament. En somme, que je voie en toi un abîme de science : car maintenant que tu es un homme et te fais grand, il te faudra sortir de la tranquillité et du repos de l'étude et apprendre la chevalerie et les armes pour défendre ma maison et secourir nos amis dans toutes leurs affaires contre les assauts des malfaisants. Et je veux que rapidement tu mettes tes progrès en application, ce que tu ne pourras mieux faire qu'en soutenant des discussions publiques sur tous les sujets, envers et contre tous, et en fréquentant les gens lettrés, tant à Paris qu'ailleurs. Mais parce que, selon le sage Salomon, la sagesse n'entre jamais dans une âme méchante, et que science sans conscience n'est que ruine de l'âme, il te faut servir, aimer et craindre Dieu, et en Lui mettre toutes tes pensées et tout ton espoir, et, par une foi faite de charité, t'unir à Lui de manière à n'en être jamais séparé par le péché. Prends garde aux tromperies du monde, ne t'adonne pas à des choses vaines, car cette vie est passagère, mais la parole de Dieu demeure éternellement. Sois serviable envers ton prochain, et aime-le comme toi-même. Respecte tes précepteurs, fuis la compagnie des gens à qui tu ne veux pas ressembler, et ne gaspille pas les grâces que Dieu t'a données. Et quand tu t'apercevras que tu disposes de tout le savoir que tu peux acquérir là-bas, reviens vers moi, afin que je te voie et te donne ma bénédiction avant de mourir. Mon fils, que la paix et la grâce de notre Seigneur soient avec toi. Amen.

D'Utopie, le dix-sept mars,

ton père, Gargantua. Source : http://www.site-magister.com/humanis.htm#ixzz4aepvozaX Vous trouverez sur ce site la version originale. Celle-ci est modernisée.

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-LA 2 : PASCAL, Pensées, « Qu’est-ce que l’homme, dans l’infini ? »

Que l’homme contemple donc la nature entière dans sa haute et pleine majesté, qu’il éloigne sa vue des objets bas qui l’environnent. Qu’il regarde cette éclatante lumière mise comme une lampe éternelle pour éclairer l’univers, que la terre lui paraisse comme un point au prix du vaste tour que cet astre décrit et qu’il s’étonne de ce que ce vaste tour lui-même n’est qu’une pointe très délicate à l’égard de celui que ces astres, qui roulent dans le firmament, embrassent. Mais si notre vue s’arrête là, que l’imagination passe outre, elle se lassera plutôt de concevoir que la nature de fournir. Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en approche, nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espaces imaginables, nous n’enfantons que des atomes au prix de la réalité des choses. C’est une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part. Enfin c’est le plus grand caractère sensible de la toute-puissance de Dieu que notre imagination se perde dans cette pensée.

Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est, qu’il se regarde comme égaré dans ce canton détourné de la nature. Et que, de ce petit cachot où il se trouve logé, j’entends l’univers, il apprenne à estimer la terre, les royaumes, les villes et soi-même, son juste prix.

Qu’est-ce qu’un homme, dans l’infini ?

Mais pour lui présenter un autre prodige aussi étonnant, qu’il recherche dans ce qu’il connaît les choses les plus délicates, qu’un ciron lui offre dans la petitesse de son corps des parties incomparablement plus petites, des jambes avec des jointures, des veines dans ses jambes, du sang dans ses veines, des humeurs dans ce sang, des gouttes dans ses humeurs, des vapeurs dans ces gouttes ; que divisant encore ces dernières choses, il épuise ses forces en ces conceptions, et que le dernier objet où il peut arriver soit maintenant celui de notre discours. Il pensera peut-être que c’est là l’extrême petitesse de la nature.

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-LA 3 : ROUSSEAU, Discours sur les Sciences et les Arts, Voilà comment le luxe, la dissolution et l'esclavage ont été de tout temps le châtiment des

efforts orgueilleux que nous avons faits pour sortir de l'heureuse ignorance où la sagesse

éternelle nous avait placés. Le voile épais dont elle a couvert toutes ses opérations semblait

nous avertir assez qu'elle ne nous a point destinés à de vaines recherches. Mais est-il

quelqu'une de ses leçons dont nous ayons su profiter, ou que nous ayons négligée

impunément ? Peuples, sachez donc une fois que la nature a voulu vous préserver de la

science, comme une mère arrache une arme dangereuse des mains de son enfant ; que tous

les secrets qu'elle vous cache sont autant de maux dont elle vous garantit, et que la peine que

vous trouvez à vous instruire n'est pas le moindre de ses bienfaits. Les hommes sont pervers ;

ils seraient pires encore, s'ils avaient eu le malheur de naître savants. Que ces réflexions sont

humiliantes pour l’humanité ! que notre orgueil en doit être mortifié ! Quoi ! la probité serait fille

de l’ignorance ? La science et la vertu seraient incompatibles ? Quelles conséquences ne

tirerait-on point de ces 15 préjugés ? Mais pour concilier ces contrariétés apparentes, il ne faut

qu'examiner de près la vanité et le néant de ces titres orgueilleux qui nous éblouissent, et que

nous donnons si gratuitement aux connaissances humaines. Considérons donc les sciences

et les arts en eux-mêmes. Voyons ce qui doit résulter de leur progrès; et ne balançons plus à

convenir de tous les points où nos raisonnements se trouveront d'accord avec les inductions

historiques.

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-LA 4 : VOLTAIRE, Micromégas, chapitre 7 Conversation avec les hommes « O atomes intelligents, dans qui l’Etre éternel s’est plu à manifester son adresse et sa puissance, vous devez sans doute goûter des joies bien pures sur votre globe : car, ayant si peu de matière, et paraissant tout esprit, vous devez passer votre vie à aimer et à penser ; c'est la véritable vie des esprits. Je n'ai vu nulle part le vrai bonheur ; mais il est ici, sans doute. » A ce discours, tous les philosophes secouèrent la tête ; et l'un d'eux, plus franc que les autres, avoua de bonne foi que, si l'on en excepte un petit nombre d'habitants fort peu considérés, tout le reste est un assemblage de fous, de méchants et de malheureux. « Nous avons plus de matière qu'il ne nous en faut, dit-il, pour faire beaucoup de mal, si le mal vient de la matière , et trop d'esprit, si le mal vient de l'esprit. Savez-vous bien, par exemple, qu'à l'heure où je vous parle, il y a cent mille fous de notre espèce, couverts de chapeaux, qui tuent cent mille autres animaux couverts d'un turban, ou qui sont massacrés par eux, et que, presque sur toute la terre, c'est ainsi qu' on en use de temps immémorial. Le Sirien frémit, et demanda quel pouvait être le sujet de ces horribles querelles entre de si chétifs animaux. « Il s'agit, dit le philosophe, de quelque tas de boue grand comme votre talon. Ce n'est pas qu'aucun de ces millions d'hommes qui font égorger prétende un fétu sur ce tas de boue. Il ne s'agit que de savoir s'il appartiendra à un certain homme qu'on nomme Sultan, ou à un autre qu'on nomme, je ne sais pourquoi, César. Ni l'un ni l'autre n'a jamais vu ni ne verra jamais le petit coin de terre dont il s'agit ; et presque aucun de ces animaux, qui s'égorgent mutuellement, n'a jamais vu l'animal pour lequel ils s’égorgent. Ah ! Malheureux ! s'écria le Sirien avec indignation, peut-on concevoir cet excès de rage forcenée ! Il me prend envie de faire trois pas, et d'écraser de trois coups de pied toute cette fourmilière d'assassins ridicules. Ne vous en donnez pas la peine, lui répondit-on ; ils travaillent assez à leur ruine. Sachez qu'au bout de dix ans, il ne reste jamais la centième partie de ces misérables ; sachez que, quand même ils n’auraient pas tiré l'épée, la faim, la fatigue ou l’intempérance les emportent presque tous. D'ailleurs, ce n'est pas eux qu'il faut punir, ce sont ces barbares sédentaires qui du fond de leur cabinet ordonnent, dans le temps de leur digestion, le massacre d'un million d'hommes, et qui ensuite en font remercier Dieu solennellement.»

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HDA

- MICHEL-ANGE, la Chapelle Sixtine, Le péché originel et la chute ,1508-1512

- REMBRANDT, La leçon d’anatomie du Docteur Tulp, 1632

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Séquence 6 :

LA 1 : Arthur RIMBAUD, Poésies

LE MAL

Tandis que les crachats rouges de la mitraille Sifflent tout le jour par l’infini du ciel bleu ; Qu’écarlates ou verts, près du Roi qui les raille, Croulent les bataillons en masse dans le feu ; Tandis qu’une folie épouvantable, broie Et fait de cent milliers d’hommes un tas fumant ; — Pauvres morts ! dans l’été, dans l’herbe, dans ta joie, Nature ! ô toi qui fis ces hommes saintement !… — Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l’encens, aux grands calices d’or ; Qui dans le bercement des hosannah s’endort, Et se réveille, quand des mères, ramassées Dans l’angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir, Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir !

LA 2 : Agrippa d’Aubigné, Les Tragiques, Livre I, v. 97-130 (écrit vers 1577 et publié en1616)

Je veux peindre la France une mère affligée, Qui est, entre ses bras, de deux enfants chargée. Le plus fort, orgueilleux, empoigne les deux bouts Des tétins nourriciers ; puis, à force de coups D'ongles, de poings, de pieds, il brise le partage Dont nature donnait à son besson l'usage ; Ce voleur acharné, cet Esaü malheureux, Fait dégât du doux lait qui doit nourrir les deux, Si que, pour arracher à son frère la vie, Il méprise la sienne et n'en a plus d'envie. Mais son Jacob, pressé d'avoir jeûné meshui, Ayant dompté longtemps en son cœur son ennui, À la fin se défend, et sa juste colère Rend à l'autre un combat dont le champ est sa mère. Ni les soupirs ardents, les pitoyables cris, Ni les pleurs réchauffés ne calment leurs esprits ; Mais leur rage les guide et leur poison les trouble, Si bien que leur courroux par leurs coups se redouble.

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Leur conflit se rallume et fait si furieux Que d'un gauche malheur ils se crèvent les yeux. Cette femme éplorée, en sa douleur plus forte, Succombe à la douleur, mi-vivante, mi-morte ; Elle voit les mutins tout déchirés, sanglants, Qui, ainsi que du cœur, des mains se vont cherchant. Quand, pressant à son sein d'une amour maternelle Celui qui a le droit et la juste querelle, Elle veut le sauver, l'autre qui n'est pas las Viole en poursuivant l'asile de ses bras. Adonc se perd le lait, le suc de sa poitrine ; Puis, aux derniers abois de sa proche ruine, Elle dit : « Vous avez, félons, ensanglanté Le sein qui vous nourrit et qui vous a porté ; Or vivez de venin, sanglante géniture, Je n'ai plus que du sang pour votre nourriture !

LA 3 : Grand Corps Malade, Roméo Kiffe Juliette , 3ème temps , 2010

Roméo habite au rez-de-chaussée du bâtiment trois Juliette dans l'immeuble d'en face au dernier étage Ils ont 16 ans tous les deux et chaque jour quand ils se voient Grandit dans leur regard une envie de partage C'est au premier rendez-vous qu'ils franchissent le pas Sous un triste ciel d'automne où il pleut sur leurs corps Ils s'embrassent comme des fous sans peur du vent et du froid Car l'amour a ses saisons que la raison ignore Roméo kiffe Juliette et Juliette kiffe Roméo Et si le ciel n'est pas clément tant pis pour la météo Un amour dans l'orage, celui des dieux, celui des hommes Un amour, du courage et deux enfants hors des normes Juliette et Roméo se voient souvent en cachette Ce n'est pas qu'autour d'eux les gens pourraient se moquer C'est que le père de Juliette a une kippa sur la tête Et celui de Roméo va tous les jours à la mosquée Alors ils mentent à leurs familles, ils s'organisent comme des pros S'il n'y a pas de lieux pour leur amour, ils se fabriquent un décor Ils s'aiment au cinéma, chez des amis, dans le métro Car l'amour a ses maisons que les darons ignorent Roméo kiffe Juliette et Juliette kiffe Roméo Et si le ciel n'est pas clément tant pis pour la météo

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Un amour dans l'orage, celui des dieux, celui des hommes Un amour, du courage et deux enfants hors des normes Le père de Roméo est vénèr, il a des soupçons La famille de Juliette est juive, tu ne dois pas t'approcher d'elle Mais Roméo argumente et résiste au coup de pression On s'en fout papa qu'elle soit juive, regarde comme elle est belle Alors l'amour reste clandé dès que son père tourne le dos Il lui fait vivre la grande vie avec les moyens du bord Pour elle c'est sandwich au grec et cheese au McDo Car l'amour a ses liaisons que les biftons ignorent Roméo kiffe Juliette et Juliette kiffe Roméo Et si le ciel n'est pas clément tant pis pour la météo Un amour dans l'orage, celui des dieux, celui des hommes Un amour, du courage et deux enfants hors des normes Mais l’histoire se complique quand le père de Juliette Tombe sur des messages qu'il n'aurait pas dû lire Un texto sur l'i-phone et un chat Internet La sanction est tombée, elle ne peut plus sortir Roméo galère dans le hall du bâtiment trois Malgré son pote Mercutio, sa joie s'évapore Sa princesse est tout près mais retenue sous son toit Car l'amour a ses prisons que la raison déshonore Mais Juliette et Roméo changent l'histoire et se tirent A croire qu'ils s'aiment plus à la vie qu'à la mort Pas de fiole de cyanure, n'en déplaise à Shakespeare Car l'amour a ses horizons que les poisons ignorent

Roméo kiffe Juliette et Juliette kiffe Roméo Et si le ciel n'est pas clément tant pis pour la météo Un amour dans l'orage, celui des dieux, celui des hommes Un amour, du courage et deux enfants hors des normes Roméo kiffe Juliette et Juliette kiffe Roméo Et si le ciel n'est pas clément tant pis pour la météo Un amour dans un orage réactionnaire et insultant Un amour et deux enfants en avance sur leur temps.

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LA 4 : ARAGON, « La Rose et le Réséda », mars 1943 (repris dans La Diane française,

1944) À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Tous deux adoraient la belle prisonnière des soldats Lequel montait à l’échelle et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Qu’importe comment s’appelle cette clarté sur leur pas Que l’un fut de la chapelle et l’autre s’y dérobât Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Tous les deux étaient fidèles des lèvres du cœur des bras Et tous les deux disaient qu’elle vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Du haut de la citadelle la sentinelle tira Par deux fois et l’un chancelle l’autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Ils sont en prison Lequel a le plus triste grabat Lequel plus que l’autre gèle lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Un rebelle est un rebelle deux sanglots font un seul glas Et quand vient l’aube cruelle passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Répétant le nom de celle qu’aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas Il coule, il coule, il se mêle à la terre qu’il aima Pour qu’à la saison nouvelle mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel celui qui n’y croyait pas L’un court et l’autre a des ailes de Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle le double amour qui brûla L’alouette et l’hirondelle la rose et le réséda