29
1. Epreuve de Français D’ou viennent les informations relatives à la santé des adolescents ? On pense d’abord aux médecins, et aux faits qu’ils observent et enregistrent dans leurs dossiers. Mais en réalité, ils observent et enregistrent peu de choses, car les adolescents les fréquentent peu. Si les trois quarts d’entre eux consultent au moins une fois par an, cela reste relativement peu par rapport aux autres catégories d’âge. L’adolescence est la période durant laquelle on consulte le moins les médecins et on fréquente le moins l’hôpital. Au demeurant, l’usage du système de soins par les jeunes renseigne peu. En effet, les données constatées font rarement l’objet de relevés systématiques, et il faut a posteriori, aller fouiller dans les dossiers des cabinets médicaux ou des hôpitaux pour obtenir une vue d’ensemble. De plus, du fait de l’hétérogénéité des informations, cette méthode de recueil des données s’avère très satisfaisante. De fait, seule la Santé scolaire (service appelé aujourd’hui : « Service de promotion de la santé en faveur des élèves ») consigne ses observations et opère une analyse. Mais cela concerne peu les adolescents, non examinés de manière systématique. Qui donc parle de la santé des adolescents ? Les médias le font assez largement, mais en privilégiant quelques faits spectaculaires ou inquiétants : telle adolescente qui a accouché seule et dont le nouveau né n’a pas survécu, tels comportements violents, telles manifestations de ras-le-bol chez les jeunes se sentant oubliés de la marche du monde. Le phénomène médiatique le plus crucial de la santé des jeunes passe inaperçu : c’est, chaque lundi, la désastreuse relation des accidents de voiture ou de motos du week-end, qui totalise au fil des semaines la douloureuse rançon que les jeunes paient au goût du risque, et il faut bien le dire, à l’alcool… Les professionnels de l’adolescence que sont les enseignants, les éducateurs, et certains travailleurs sociaux ont-ils la parole pour parler de la santé ? Pratiquement jamais. Pourtant, ce que ne voient pas les professionnels de la santé, eux l’observent au quotidien, et dans de bien meilleures conditions. Les parents n’ont guère plus d’occasions de s’exprimer sur ce sujet. Ces informations (…) restent fragmentaires et vues de l’extérieur. Or l’adolescence est une expérience profonde, intime, un bouleversement intérieur. Si on s’attache à la santé, c’est donc dans la profondeur du bien-être et du mal-être qu’il faut faire porter l’observation et l’action. Qui peut mieux le dire que les adolescents eux-mêmes ? Encore faut-il les écouter vraiment. Or la position du chercheur est ambiguë, difficile. En effet, comment amener l’adolescent à s’exprimer dans l’enracinement de la formidable mouvance qu’il expérimente dans son corps, dans son esprit, dans ses relations affectives, tout en gardant la neutralité de l’observateur scientifique ? Peut-on poser des questions et ne noter que les réponses, quand ces questions sont celles de la vie et ces réponses inévitablement des demandes ? A-t-on le droit d’obliger quelqu’un à parler du profond de lui-même s’il n’en a pas le désir ? Est-il licite de vouloir mettre à jour ce qui pour un temps, est dans la pénombre, si l’on n’est pas sûr de pouvoir adoucir les effets de ce coup de projecteur incongru et de mettre du baume sur les irritations ou les blessures que, parfois, il éclaire ? Pour toutes ce raisons, l’étude épidémiologique de la santé des adolescents est un véritable défi éthique. S’il ne s’agissait que de compter des maladies ou des accidents, les scrupules seraient moindres. Mais que connaîtrait-on alors de la santé des adolescents ? Comment pourrait-on former les professionnels de la santé, aider les parents, améliorer le fonctionnement des services ? Article de Sciences et Vie, Jean-Pierre Deschamps. Résumez ce texte en 160 mots (+ ou – 10%).

Epreuve de Français

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Epreuve de Français

1. Epreuve de Français D’ou viennent les informations relatives à la santé des adolescents ? On pense d’abord aux médecins, et aux faits qu’ils observent et enregistrent dans leurs dossiers. Mais en réalité, ils observent et enregistrent peu de choses, car les adolescents les fréquentent peu. Si les trois quarts d’entre eux consultent au moins une fois par an, cela reste relativement peu par rapport aux autres catégories d’âge. L’adolescence est la période durant laquelle on consulte le moins les médecins et on fréquente le moins l’hôpital. Au demeurant, l’usage du système de soins par les jeunes renseigne peu. En effet, les données constatées font rarement l’objet de relevés systématiques, et il faut a posteriori, aller fouiller dans les dossiers des cabinets médicaux ou des hôpitaux pour obtenir une vue d’ensemble. De plus, du fait de l’hétérogénéité des informations, cette méthode de recueil des données s’avère très satisfaisante. De fait, seule la Santé scolaire (service appelé aujourd’hui : « Service de promotion de la santé en faveur des élèves ») consigne ses observations et opère une analyse. Mais cela concerne peu les adolescents, non examinés de manière systématique. Qui donc parle de la santé des adolescents ? Les médias le font assez largement, mais en privilégiant quelques faits spectaculaires ou inquiétants : telle adolescente qui a accouché seule et dont le nouveau né n’a pas survécu, tels comportements violents, telles manifestations de ras-le-bol chez les jeunes se sentant oubliés de la marche du monde. Le phénomène médiatique le plus crucial de la santé des jeunes passe inaperçu : c’est, chaque lundi, la désastreuse relation des accidents de voiture ou de motos du week-end, qui totalise au fil des semaines la douloureuse rançon que les jeunes paient au goût du risque, et il faut bien le dire, à l’alcool…

Les professionnels de l’adolescence que sont les enseignants, les éducateurs, et certains travailleurs sociaux ont-ils la parole pour parler de la santé ? Pratiquement jamais. Pourtant, ce que ne voient pas les professionnels de la santé, eux l’observent au quotidien, et dans de bien meilleures conditions. Les parents n’ont guère plus d’occasions de s’exprimer sur ce sujet.

Ces informations (…) restent fragmentaires et vues de l’extérieur. Or l’adolescence est une expérience profonde, intime, un bouleversement intérieur.Si on s’attache à la santé, c’est donc dans la profondeur du bien-être et du mal-être qu’il faut faire porter l’observation et l’action. Qui peut mieux le dire que les adolescents eux-mêmes ? Encore faut-il les écouter vraiment. Or la position du chercheur est ambiguë, difficile. En effet, comment amener l’adolescent à s’exprimer dans l’enracinement de la formidable mouvance qu’il expérimente dans son corps, dans son esprit, dans ses relations affectives, tout en gardant la neutralité de l’observateur scientifique ? Peut-on poser des questions et ne noter que les réponses, quand ces questions sont celles de la vie et ces réponses inévitablement des demandes ? A-t-on le droit d’obliger quelqu’un à parler du profond de lui-même s’il n’en a pas le désir ? Est-il licite de vouloir mettre à jour ce qui pour un temps, est dans la pénombre, si l’on n’est pas sûr de pouvoir adoucir les effets de ce coup de projecteur incongru et de mettre du baume sur les irritations ou les blessures que, parfois, il éclaire ? Pour toutes ce raisons, l’étude épidémiologique de la santé des adolescents est un véritable défi éthique. S’il ne s’agissait que de compter des maladies ou des accidents, les scrupules seraient moindres. Mais que connaîtrait-on alors de la santé des adolescents ? Comment pourrait-on former les professionnels de la santé, aider les parents, améliorer le fonctionnement des services ? Article de Sciences et Vie, Jean-Pierre Deschamps. Résumez ce texte en 160 mots (+ ou – 10%).

Page 2: Epreuve de Français

2. Epreuve de Français

L'épreuve de Français des psychomotriciens comporte un résumé, une discussion et des questions de vocabulaire. Selon les concours, vous pouvez être amené à traiter les trois sujets en deux heures. Il peut aussi vous être demandé de ne faire qu'un résumé. Sujet 1: Concours Psychomotricien. Faculté de médecine Pitié-Salpétrière-Session 1998 Résumez le texte suivant en 150 mots avec une marge de + ou - 15% La société Française était , au début de ce siècle, divisée en trois grandes classes sociales aux barrières rigides, véhiculant chacune des codes de conduite, des valeurs et des styles de vie propres: ouvriers, bourgeois et paysans vivaient dans des mondes clos et étanches. Le paysan vivait dans une société autonome, formant une véritable civilisation à part, centrée sur l'entreprise familiale, l'autoconsommation, les coutumes villageoises, le poids de la tradition et de l'Eglise. L'ouvrier vivait lui aussi dans son monde propre, avec sa conscience de classe assez nette, son langage, ses formes de sociabilité et sa psychologie. La bourgeoisie enfin, que l'on peut diviser en rentiers, industriels et professions intellectuelles, évoluait elle aussi dans une sphère à part, cherchant à tout prix à marquer ses distances avec les couches populaires. L'instruction, le savoir-vivre, la respectabilité en étaient les marques premières. Bref, à chaque classe correspondait une culture, un mode de vie, une morphologie et une psychologie propre. En quelques décennies, ces modes de vie distincts sembelent avoir explosé sous l'action de grandes forces d'unification.

La disparition progressive du monde paysan comme "civilisation autonome" est le premier facteur d'unifiaction. En unn demi-siècle, le nombre de paysans français est passé de cinq millions à moins d'un million aujourd'hui. De plus, les paysans actuels sont devenus peu à peu agriculteurs, c'est-à-dire une catégorie socioprofessionnelle comme les autres, dont les traits distincts s'effacent. Les agriculteurs roulent en automobile, regardent la télévision, s'habillent en blue-jean...La fin de la civilisation agricole a été le premier grand facteur d'unification sociale et culturelle.

Le resserement des inégalités de revenus et la consommation de masse ont contribué à atténuer les différences. Des années 1950 aux années 1980, la France a vécu une tendance nette au resserrement des inégalités de revenus et de patrimoines. Même si cette tendance à l'égalisation des revenus s'est stabilisée depuis une dizaine d'années, l'évolution sur un demi-siècle a joué dans le sens d'une homogénéisation des conditions de vie. Il y a encore trente ans, le mode de vie du cadre se distinguait nettement de celui de l'ouvrier, l'un était propriétaire, l'autre habitait en HLM. L'un roulait en voiture, l'autre en mobylette. L'un partait en vacances, l'autre non. Les enfants de l'un allaient allaient au lycée, ceux de l'autre en apprentissage. La distinction aujourd'hui est moins tranché. L'un comme l'autre possède télévision, magnétoscope, voiture, téléphone... Ce qui distingue le cadre de l'ouvrier est moins la différence des types de consommation que le prix des produits achetés. De sorte qu'il est moins aisé de reconnaître au premier coup d'oeil un employé ou un cadre supérieur dans un supermarché. D'autres facteurs on également joué dans le sens de l'homogénéisation: la mobilité sociale, qui a pertmis une réelle circulation entre les groupes sociaux depuis l'après-guerre; la culture démocratique véhicule également des codes de comportements égalitaires entre les individus. La télévision et l'enseignement de masse ont sans doute également contribué unifier les comportements et à diffuser une culture commune. Faut-il conclure de ces évolutions qu'il n'existe plus de classes mais un modèle unique de mode de vie? C'est la thèse soutenue par certains théoriciens de la "société postmoderne". Selon un courant de sociologue anglo-saxons, fortement inspirés par des auteurs français, la société postmoderne se caractériserait -entre autres évolutions- par une disparition des anciennes classes sociales au profit d'un patchwork de "style de vie " changeants et assez proches. Nicolas Herpin, qui s'est attaché à présenter et discuter les thèses des sociologues postmodernistes, résume ainsi une de leurs

Page 3: Epreuve de Français

propositions principales: "A une stratification sociale hiérarchisée en un petit nombre de classes, bien distinctes les unes des autres, se substitue une structure plus floue: la nébuleuse des classes moyennes."

"Vers l'homogénéisation de la société?"J-F. DORTIER, Sciences humaines, septembre-octobre 1999

Page 4: Epreuve de Français

3. Epreuve de Français : 2 heures

Professeur Bernard Debré, Hôpital Cochin.

Notre société est hypocrite et lâche ; nous voulons tous la beauté, la jouissance et le bonheur ; nous refusons de regarder la proximité de la mort et de la souffrance. Nous refusons le regard de celui qui sait qu'il va partir. Si nous tolérons encore la famine au Soudan, c'est que nous pouvons éteindre la télévision ou regarder un match de football. Mais nous ne tolérons plus ni la mort ni la déchéance de nos amis, de nos parents ; ils sont trop près de nous. Alors nous réclamons pour nous le droit de leur administrer une mort propre.

Une loi, réclamée au nom de ceux qui veulent mourir dans la dignité, est souvent une excuse pour ne pas être dérangés par nos proches qui s'en vont trop lentement. Si nous acceptons une loi sur l'euthanasie, pourquoi garder en vie les arriérés mentaux, les vieillards atteints de la maladie d'Alzheimer ?

Et d'ailleurs, à partir de quand un handicap devient-il inacceptable ? La voici cette rencontre entre "le coeur et la raison" que je redoute tellement. Côté coeur, ce vieillard qui, petit à petit, s'isole du monde, s'enfonce dans la folie et qui fait pitié ; coté raison, l'économie bien sûr ! Soigner ce vieillard incurable et qui va mourir coûte cher. A une époque où il nous est répété chaque jour que la santé coûte trop cher - les économistes nous le disent - les dépenses de santé sont les plus élevées dans les derniers mois de la vie. Supprimons ces derniers mois, les économies seront énormes.

Rendre service au malade tout en rendant service à la société, quelle belle conjonction ! Quelle terrifiante conjonction !D'ailleurs, pourquoi ne pas prévenir au lieu de guérir ? Dans peu d'années, la science va permettre de trier les embryons ; la société va ainsi pouvoir "éviter" la naissance d'individus qui auraient été programmés génétiquement pour "faire" un cancer actuellement incurable, ou pour développer une maladie physique ou psychique inacceptable. Ce triage pourrait être proposé au nom d'une "pitié" préventive (...).Il faut (...), bien entendu, refuser certaines formes d'acharnement thérapeutique. Il est indécent de pratiquer l'acharnement thérapeutique vis-à-vis de certains malades ou de vieillards, que l'on maintient artificiellement en vie. Evitons cependant d'être trop simplistes. Combien de personnes, ayant fait un infarctus ou après un coma traumatique, ont été sauvées par la réanimation et ont repris une vie normale, alors qu'elles étaient jugées perdues ? Il ne faut pas de loi autorisant l'euthanasie. La loi est manichéenne. Or la médecine refuse la règle du tout ou rien, d'une loi, fût-elle dictée par de bonnes intentions. Soigner, c'est être présent à côté d'un malade au début comme à la fin. Soigner, c'est aussi empêcher de souffrir et ne pas s'acharner sur un corps qui s'éteint.

Il ne faut pas de loi, car légiférer, c'est avant tout maintenir certaines valeurs fondamentales qui façonnent une nation. La modernité d'une nation, c'est aussi accepter de prendre en charge les handicapés et les vieillards, ce n'est pas éliminer ceux qui pourraient gêner et qui coûtent cher.Nous entrons dans un monde qui va offrir à l'homme un pouvoir gigantesque sur sa propre destinée, comme sur celle de l'Univers. C'est aujourd'hui qu'il faut impérativement un rappel à l'éthique et à la morale

Questions:

1. Reformulez en une phrase la thèse défendue par l'auteur. ( 1 point ) 2. Reformulez deux des arguments utilisés par l'auteur. (Une phrase par argument). ( 4 points ) 3. Quel est le ton de la phrase : "Rendre service au malade tout en rendant service à la société, quelle belle conjonction ! " Quel peut en être l'effet sur le lecteur ? (Répondez en deux phrases). ( 3 points) 4. Résumez ce texte en 140 mots (plus ou moins 10%). ( 12 points )

Page 5: Epreuve de Français

4. Epreuve de Français : 2 heures

Le corps épanoui

La réhabilitation du corps constitue sans doute l'un des aspects les plus importants de l'histoire de la vie privée. Elle modifie en effet le rapport de l'individu avec lui-même et les autres.

Se maquiller, faire de la gymnastique ou du jogging, du tennis, du ski où de la planche à voile, c'est prendre son corps à la fois comme fin de son activité et comme moyen. Dans certaines activités, le travail physique par exemple, le corps est un moyen, non une fin. Dans d'autres, comme la cuisine, le corps est la fin, mais le moyen est un intermédiaire, les plats que l'on prépare dans cet exemple. La nouveauté de la fin du XXème siècle, c'est la généralisation d'activités corporelles qui ont le corps lui-même pour but : son apparence, son bien-être, son accomplissement. " Se sentir bien dans sa peau" devient un idéal.

L'évolution de la danse traduit bien cette nouveauté. Assurément, la danse implique toujours des partenaires, et la sensualité y est toujours présente, de façon plus ou moins discrète. Mais les danses du début du siècle, la valse, le quadrille, constituaient des rites sociaux complexes : danser, c'était exposer sa maîtrise de ces codes. Après la guerre de 1914, la danse lie les couples, et les moralistes dénoncent la lascivité du tango. Après la Seconde Guerre mondiale, le jazz qui, avec le charleston, n'avait touché jusque-là que des minorités, soutient de ses rythmes des danses populaires, boogie-woogie, be-bop, etc. Ce sont toujours des couples qui dansent mais ils s'écartent, se rapprochent, s'écartent encore. Le plaisir d'éprouver sa propre force, sa souplesse au gré des passes, en accord avec un rythme, accompagne celui, plus sensuel, du partenaire que les slows donnent l'occasion d'étreindre sans les règles de figures et de pas du tango. Avec le jerk et le disco, voici que l'on danse seul, éventuellement sans partenaire. Au rite social a succédé un rite du couple, puis un rite du corps individuel. La maîtrise des usages, l'accord avec un partenaire, la célébration du corps : la danse a connu trois âges successifs.

S'occuper de son corps prend ainsi une place importante dans la vie privée, et l'on y recherche des gratifications multiples et complexes. Le plaisir du bain, de la toilette, de l'effort physique est en partie satisfaction narcissique, contemplation de soi-même. Le miroir n'est pas une nouveauté du XXème siècle ; sa banalisation, en revanche, en est-une, comme la façon d'en user : on ne s'y regarde pas seulement, avec le regard d'un autre, pour voir si l'on respecte les codes vestimentaires ; on s'y regarde comme les autres ne sont pas en général autorisés à le faire : sans maquillage, sans vêtement,nu.

Mais les satisfactions narcissiques de la salle de bains sont traversées de rêves et de souvenirs. S'occuper de son corps, c'est le préparer pour le donner à voir. Il ne suffit pas de montrer ses parures, ses bijoux, ses décorations. Le vêtement ou bien se fait fonctionnel, confortable, pratique, fût-ce au mépris des usages, ou bien met en valeur le corps, le laisse deviner, le souligne et parfois le révèle. On fait parure désormais de son bronzage, de sa peau lisse et ferme, de sa souplesse, et le dynamisme du cadre moderne est attesté par ce que son style suggère de sportif. On laisse d'ailleurs voir de plus en plus son corps : chaque étape de ce dénudement partiel commence par faire scandale, puis se répand rapidement et finit par s'imposer, du moins parmi les jeunes, aggravant la coupure entre les générations. C'est l'histoire de la mini-jupe, au milieu des années 60, comme celle, dix ans plus tard, du monokini sur les plages. Montrer ses cuisses ou ses seins cesse d'être indécent. Et l'on voit l'été, dans les villes, des hommes en short, chemise ouverte ou torse nu. Le corps n'est plus seulement réhabilité et assumé : il est revendiqué et donné à voir [...]

En fait, le corps est devenu le lieu de l'identité personnelle. Avoir honte de son corps serait avoir honte de soi-même. Les responsabilités se déplacent : nos contemporains se sentent moins responsables que les générations précédentes de leurs pensées, de leurs sentiments, de leurs rêves ou de leurs nostalgies ; ils les acceptent comme s'ils leur étaient imposés de l'extérieur. En revanche, ils habitent pleinement leur corps : c'est eux. Plus que les identités sociales, masques ou personnages

Page 6: Epreuve de Français

d'emprunts, plus même que les idées ou les convictions, fragiles et manipulées, le corps est la réalité même de la personne. Il n'est donc plus de vie sociale du travail, des affaires, de la politique, de la religion : c'est celle des vacances, du corps épanoui et libre.

Antoine PROST, Histoire de la vie privée.1987.

1/ Résumez ce texte en 150 mots (+ ou - 10 %). ( 16 points.)

2/ Expliquez les expressions soulignées. ( 4 points.)

Page 7: Epreuve de Français

5. Epreuve de Français : 2 heures 1. Résumer le texte en 150 mots (+ ou-10%) ( 14 Points ) 2. Expliquer les 3 expressions soulignées. ( 6 Points )

"Génome, après le tapage" par Arnold Munnich1

Le Monde, vendredi 2 mars 2001

Ce qu'il y a de troublant dans l'excitation que suscite l'annonce du décryptage du génome humain, c'est le cortège de malentendus, d'incompréhensions et d'illusions qu'elle entraîne dans son sillage. Ce n'est pas nouveau. Chaque avancée de la génétique s'accompagne d'un vacarme assourdissant, d'innombrables clameurs qui résonnent tantôt comme des cris de joie, tantôt comme des cris d'alarme. Et l'opinion de s'interroger à juste raison : Entre la diabolisation de la génétique et le triomphalisme de la guérison annoncée, qui dit la vérité ? ».

Les meilleurs journalistes, les professionnels de la communication les plus talentueux semblent impuissants à combler le fossé qui se creuse entre une opinion publique méfiante et des scientifiques collectivement suspects de menacer l'humanité en tant que telle. Si vous demandez à votre voisin ce qu'est au juste un gène et ce que le séquençage du génome va changer à sa vie, il vous répondra perplexe qu'il n'en sait rien, mais que toute cette histoire ne lui dit rien de bon. Qu'elle lui évoque plutôt une menaçante entreprise, synonyme d'eugénisme, de clonage humain et de catégorisation des hommes de sinistre mémoire. Beaucoup s'imaginent bientôt «fichés». pour leurs caractéristiques génétiques ou titulaires d'une carte génétique individuelle dont la puce contiendrait — à la manière d'une carte de groupe sanguin — l'identité génétique des personnes, à la disposition des compagnies d'assurances et des agences de recrutement ! A la manière d'un thème astral, nos gènes dicteraient nos conduites et gouverneraient notre destinée.

Grossière caricature, triste fiction ! Comme si les utopies, les faux problèmes et les scénarios catastrophes avaient capté tout l'intérêt que suscite notre jeune science. Paradoxalement, c'est lorsque le savoir et les outils de l'homme lui donnent la capacité de décomposer — et de recomposer — l'humain que les enjeux de la condition humaine se révèlent dans toute leur complexité. On pourrait épiloguer longtemps sur les sentiments d'excitation et d'effroi que suscitent ces annonces et sur l'état de sidération psychique qui en découle. Il reste que ce dernier empêche de penser sereinement les problèmes d'aujourd'hui.

Pourtant, si nous nous montrions collectivement capables de nous départir de cet effroi qui nous glace, pour ne retenir que la dimension constructive de la crainte, alors cette crainte salutaire, qui fait esquiver les écueils, pourrait nous servir de guide dans la détermination de ce à quoi nous tenons par dessus tout. Car, au fond, derrière cette méfiance que suscite la génétique, c'est bien le risque de défigurer l'image de l'homme qui nous hante. On retrouve dans cette affaire, comme dans bien d'autres domaines de la génétique, cette même difficulté à communiquer et à commuter l'effroi en une crainte constructive. Il faut bien reconnaître qu'il existe un réel déficit d'accompagnement et d'information sur les enjeux véritables.Déficit qualitatif plus que quantitatif, comme si les scientifiques n'avaient pas su trouver le ton juste, les mots simples et clairs que nos contemporains attendent de nous.

L'exercice n'est pas aisé : il s'agit pour nous d'exprimer en langage intelligible et — sans jeux de mots — de décrypter ce que l'opinion est en droit d'attendre du décryptage du génome. Premier et sans doute principal enseignement : la carte des gènes est la même chez tous les hommes d'hier et d'aujourd'hui, quelles que soient leur ethnie, religion, couleur de peau, d'yeux ou de cheveux. Le décryptage du génome prive les idéologies racistes de tout fondement scientifique. Il n'y a donc pas lieu d'établir la carte génétique de tout un chacun. S'il nous prenait la folie de nous y hasarder, l'étude systématique des constituants élémentaires de nos gènes pourrait se révéler non seulement d'un coût exorbitant, mais aussi très décevante en termes de prédiction pour l'avenir de l'individu. En effet les maladies courantes comme le diabète, l'hypertension artérielle, l'arthrite, l'obésité où une prédisposition génétique est fortement soupçonnée, résultent en réalité de l'interaction entre l'environnement du sujet et une combinaison de facteurs génétiques hérités dont aucun ne

Page 8: Epreuve de Français

peut être tenu à lui seul pour responsable de la maladie. De sorte que disposer de l'inventaire complet des gènes humains ne permet nullement d'identifier les sujets à risque dans la population.

Prétendre le contraire reviendrait à prendre des paris sur l'issue d'une compétition sportive sans connaître les règles du jeu ni le nom ou le nombre de joueurs. Bien sûr, cette complexité va se réduire mais, pour l'heure, la médecine prédictive reste une abstraction. Bien des incertitudes planent encore sur le bien-fondé de l'hypothèse comme sur la fiabilité des résultats attendus. Bien des doutes subsistent sur les bénéfices de pratiques qui n'ont de médical que le nom, car, pour appartenir au champ de la médecine et non à celui de la médisance, il faudrait encore que ces prédictions soient suivies de mesures thérapeutiques, diététiques ou préventives de nature à faire reculer le spectre de la maladie annoncée. Ce qui reste à démontrer.

1. Arnold Munnich est professeur à l'Université René Descartes — Paris V, centre de génétique de l'hôpital Necker - Enfants-Malades

Page 9: Epreuve de Français

6. Epreuve de Français : 2 heures 1. Résumez ce texte en 180 mots (+ ou — 10%) (16 Points ) 2. Expliquez les expressions soulignées ( 4 Points )

Opprimées et soumises

Il faut bien convenir, comme le formule M. Claude Lévi-Strauss cité par M. Alain Decaux, qu'il existe depuis bien longtemps " une relation fondamentale d'asymétrie entre les sexes ", en fait depuis un million d'années qu'il y a des hommes, et qui exploitent une des deux plus intéressantes moitiés — à coup sûr la plus charmante — de l'humanité. Sommes-nous si loin de la préhistoire ? Le premier tome d'une histoire des Françaises qui nous conduit de la femme de Roquebrune (1 000 000 avant Jésus-Christ) aux premières amours de Louis XIV peut très légitimement s'intituler "la Soumission". Le temps de la soumission a été un très long temps. Pendant cette période, donc pendant la quasi-totalité de l'histoire humaine, la quasi-totalité des femmes ont été traitées en objet d'échange, de convoitise, de propriété. Et cela, en France aussi bien qu'ailleurs. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'elles s'en plaignent. Mais cela s'explique-t' il seulement par la contrainte ? On sait bien que la lutte pour l'égalité n'a pris que très récemment un caractère cohérent.

Deux faits essentiels ont fort longtemps mis obstacle à l'émancipation des femmes. D'abord, bien entendu, la volonté des hommes, étayée sur la force, les lois, les traditions et des considérations théoriques qu'il est hors de propos de discuter ici. Mais aussi bien l'absence de protestation des femmes, qu'elle s'explique par la résignation, l'impuissance, l'ignorance où elles étaient maintenues, l'égoïsme ou le bonheur auquel certaines d'entre elles atteignaient quand même. Demander la libération de la femme, c'est demander que toute femme bénéficie légalement et pratiquement des avantages conquis individuellement, dans le passé, par quelques femmes. C'est une démarche moderne. S'il y a eu, au cours de la période que traite M. Alain Decaux dans ce premier tome, un mouvement fréquemment interrompu, une résistible ascension comportant des temps morts, des repos, des chutes, c'est bien celui-là. Et si le sujet n'avait jamais été traité, c'est qu'il tient de la gageure. Certes, on peut à toute époque dégager des tendances, des moyennes. La « Gauloise moyenne » était plus libre et plus considérée que la Gallo-Romaine, encore que cette liberté ait également consisté, à la soviétique, en ce qu'on la jugeait apte aux travaux les plus durs. L'époque mérovingienne et le Haut Moyen Age marquent ici comme ailleurs une régression. Les croisades, la guerre de Cent Ans, la Renaissance sont, au contraire, autant d'étapes vers un peu plus de lumière. Mais nous restons ici au niveau du schéma. Comment cerner de plus près cette réalité ondoyante et multiple, l'existence des femmes au long des millénaires ? Comment définir cette créature si diverse ? Aucune ne ressemble à aucune autre, ni d'un siècle sur l'autre, ni d'une région ou d'une condition à l'autre. Et l'exception vient sans cesse infirmer la règle. Ainsi la reine semble-t'elle à tous points de vue plus libre que l'esclave ou la serve, la châtelaine que la religieuse, la femme des villages que la paysanne. Mais dans la pratique médiévale, l'adultère royal ou aristocratique est plus sévèrement châtié que celui des femmes d'humble condition. Dans l'extrême misère, il n'y a guère de distance entre le « vilain » et la « vilaine ». La femme célibataire ouveuve jouit d'une indépendance évidente, par rapport à celle qui est «en puissance de mari ». A condition d'avoir de quoi vivre.

La vérité est qu'il n'y a jamais eu de statut féminin en France. Ou plus exactement que ce statut, dans ses états successifs, a toujours été troué de dérogations. Il n'est pas d'exemple, et même aux temps les plus barbares, que la ruse, l'amour, la volonté, la loi parfois n'aient transformé la vie de certaines femmes. Il y a toujours eu des femmes qui « portaient la culotte », bien avant que Catherine de Médicis inventât cette pièce d'habillement. Il y a toujours eu des femmes libres de leur corps, de leur propos, de leur destin. Question de caractère ou de circonstances. Ainsi Clotilde, femme de Clovis, ou Judith, épouse de Charlemagne. Ainsi, dans un registre différent, Frédégonde ou Brunehaut. Les reines de France ont, pour la plupart, vécu dans l'ombre de leur mari. Mais en cas de veuvage et de minorité royale, elles devenaient toutes-puissantes. Ainsi Blanche de Castille, Catherine et Marie de Médicis ou Anne d'Autriche. Les deux premières exercèrent la régence avec une grande virilité. Les deux autres n'ont rien eu de plus pressé que de l'aliéner, naturellement entre les mains d'un

Page 10: Epreuve de Français

homme. Où l'on vérifie que le pouvoir et les lois ne sont que ce qu'on en fait. Cela dit, les régentes n'étaient pas considérées comme femmes, mais comme veuves et mères. D'une autre façon, certaines dames ont su régner par les sens. Mais c'est par leur soumission même au désir des souverains et des grands de ce monde, qui n'est rien d'autre, sous le velours et la soie, qu'un bon gros désir de mâle, qu'Agnès Sorel ou Diane de Poitiers sont amenées à jouer un grand rôle. A l'autre bout de l'échelle, la sainte, l'héroïne, l'inspirée ont vu reconnaître leur supériorité, transitoirement ou durablement. Ainsi Geneviève de Nanterre ou Jeanne d'Arc. Mais nous voyons bien qu'il s'agit là de cas très particuliers. Rares, très rares, pendant des siècles, ont été les femmes qui sont parvenues à se faire reconnaître et respecter comme égales sans tomber dans la prostitution ou être auréolées d'une mission divine. Il faut attendre le début du XVII' siècle pour assister à un changement décisif. Non pas tant du côté des belles amazones qui tirent le canon pendant la Fronde, rivalisant avec les hommes sur le terrain des hommes et ne s'en trouvant pas si bien. Le salon, la conversation, la politesse, inventions féminines, changent les données du problème. La marquise de Rambouillet reçoit sur son lit, mais pour mieux narguer les hommes qui n'ont pas le droit de s'y étendre à ses côtés. Le Puritanisme des précieuses est avant tout volonté de ne pas subir la loi du plus fort. Il ne s'agit plus de briller par la brutalité, le muscle et l'épée. Les femmes exigent désormais des hommes l'élégance, la finesse, l'esprit et elles leur démontrent qu'en ces domaines elles n'ont rien à leur envier.

Alors autour de la divine marquise, de Magdeleine de Scudéry, de Françoise d'Aubigné, de leurs émules de la cour, de la ville, de la province se groupent des hommes, de plus en plus nombreux qui, pour la première fois, traitent sincèrement les dames en interlocutrices valables. On remet en question l'ignorance des filles, on demande pour elles cette liberté de choisir sans laquelle il n'est pas de mariage humain. Le temps de l'homme subjugué commence avec l'annonce d'un monde plus civilisé.

Dominique JAMET, Extrait du Figaro, 1972.

Page 11: Epreuve de Français

7. EPREUVE DE FRANÇAIS

(Durée : 2 heures)

Éloge de la différence

« Si je diffère de toi, loin de te léser, je t’augmente », Saint Exupéry, Lettre à un otage. Cette évidence, tous nos réflexes la nient. Notre besoin superficiel de confort intellectuel nous pousse à tout ramener à des types et à juger selon la conformité aux types; mais la richesse est dans la différence.

Beaucoup plus profond, plus fondamental, est le besoin d'être unique, pour «être» vraiment. Notre obsession est d'être reconnue comme une personne originale, irremplaçable; nous le sommes réellement, mais nous ne sentons jamais assez que notre entourage en est conscient. Quel plus beau cadeau peut nous faire l'«autre » que de renforcer notre unicité, notre originalité, en étant différent de nous ? Il ne s'agit pas d'édulcorer les conflits, de gommer les oppositions; mais d'admettre que ces conflits, ces oppositions doivent et peuvent être bénéfiques à tous.

La condition est que l'objectif ne soit pas la destruction de l'autre, ou l'instauration d'une hiérarchie, mais la construction progressive de chacun. Le heurt, même violent, est bienfaisant; il permet à chacun de se révéler dans sa singularité; la compétition, au contraire, presque toujours sournoise, est destructrice, elle ne peut aboutir qu'a situer chacun à l'intérieur d'un ordre imposé, d'une hiérarchie nécessairement artificielle, arbitraire.

La leçon première de la génétique est que les individus, tous différents, ne peuvent être classés, évalués, ordonnés ; la définition de «races», utile pour certaines recherches, ne peut être qu'arbitraire et imprécise; l'interrogation sur le «moins bon» et le «meilleur» est sans réponse; la qualité spécifique de l'Homme, l'intelligence, dont il est si fier, échappe pour l'essentiel à nos techniques d'analyse; les tentatives passées d'«amélioration» biologique de l'Homme ont été parfois simplement ridicules, le plus souvent criminelles à l'égard des individus, dévastatrices pour le groupe.

Par chance, la nature dispose d'une merveilleuse robustesse face aux méfaits de l'Homme : le flux génétique poursuit son œuvre de différenciation et de maintien de la diversité, presque insensible aux agissements humains; l'«univers des phénotypes» où nous vivons, n'a fort heureusement que peu de possibilités d'action sur l'«univers des génotypes» dont dépend notre avenir, transformer notre patrimoine génétique est une tentation; mais cette action restera longtemps, espérons-le, hors de notre portée.

Cette réflexion peut être transposée de la génétique à la culture : les civilisations que nous avons sécrétées sont merveilleusement diverses et cette diversité constitue la richesse de chacun de nous; Grâce à une certaine difficulté de communication, cette hétérogénéité des cultures a pu longtemps subsister ; mais , il est clair qu’elle risque de disparaître rapidement.

Notre propre civilisation européenne a étonnamment progressé vers l'objectif qu'elle s'était donné: le bien-être matériel. Cette réussite lui donne un pouvoir de diffusion sans précédent, qui aboutit peu à peu a la destruction de tontes les autres; tel a été le sort, pour ne citer qu'un exemple parmi tant d'autres, des Esquimaux d'Ammassalik, sur la côte est du Groenland, dont R, Gessain a décrit la mort culturelle sous la pression de la «civilisation obligatoire».

Lorsque l'on constate la qualité des rapports humains, de l'harmonie sociale dans certains groupes que nous appelons «primitifs», on peut se demander si l'alignement sur notre culture ne sera pas une

Page 12: Epreuve de Français

catastrophe : le prix payé pour l'amélioration du niveau de vie est terriblement élevé, si cette harmonie est remplacée par nos contradictions internes, nos tensions, nos conflits. Est-il encore temps d'éviter le nivellement des cultures ? La richesse à préserver ne vaut-elle pas l'abandon de certains objectifs qui se mesurent en produit national brut on même en espérance de vie?

Poser une telle question est grave; il est bien difficile, face à cette interrogation, de rester cohérent avec soi-même, selon que l'un s'interroge dans la calme douillet de sa bibliothèque ou que l'on partage durant quelques instants la vie d'un de ces groupes qui nous émerveillent, mais où les enfants meurent, faute de nourriture ou de soins.

Pourrons-nous préserver la diversité des cultures sans payer un prix exorbitant ? Subi ou souhaité, un changement de l'organisation de notre planète ne peut être évité; la parole est donc aux «utopistes». Certains d’entre-eux posent le problème en termes inattendus, ainsi Yona Friedman intitulant un de ses livres Comment vivre entre les autres sans être chef et sans être esclave. Même lorsque le monde qu'ils nous proposent nous paraît vraiment trop «différent» du nôtre, nous pouvons être à peu près sûrs que la réalité le sera plus encore.

Cet effort d'imagination, il semble que la génération si décriée, qui s'apprête à nous succéder l'ait déjà largement entrepris. La révolte contre la trilogie métro-boulot-dodo, contre le carcan du confort douceâtre, l'affadissement du quotidien organisé, la mort insinuante des acceptations, ce sont nos enfants qui nous renseignent Sauront-us bâtir un monde où l'Homme sera moins à la merci de l'Homme ?

Albert JACQUAJRD

La génétique et les hommes (Editions Le Seuil 1978).

Questions

1. Vous résumerez ce texte en 180 mots (+ ou -10 %) (sur 14 points)

2. Vous expliquerez les expressions suivantes : (3 fois 2 pts)

- édulcorer les conflits

- hétérogénéité des cultures

- utopistes

Page 13: Epreuve de Français

8- Epreuve de Français : 2 heures

Il faut reconnaître qu'à la confiance et à la foi un peu naïves de nos pères dans le progrès, a succédé une inquiétude qui tourne parfois à l'angoisse. Certes, dans le domaine de l'avancement des connaissances et de la science, le bilan est extrêmement positif ; on sait, de nos jours, infiniment plus de choses, et on les sait mieux qu'il y a un siècle. Parallèlement, les frontières du monde à connaître s'éloignent sans cesse, de sorte que personne n'espère ou ne redoute plus « la mort de la science ». En même temps, les applications des connaissances peuvent donner en principe à l'homme, vis-à-vis de la nature, une indépendance, une sécurité chaque jour plus grande. Mais dès qu'on passe du domaine de la science à celui de son utilisation et plus encore à celui du destin collectif de l'humanité, le tableau s'obscurcit dramatiquement. Même les applications pratiques des découvertes et des connaissances créent souvent des difficultés imprévues : le moteur qui doit libérer asservit en fait dans bien des cas ; la médecine guérit, mais l'allongement de l'espérance de vie pose des problèmes sérieux à la société ; l'urbanisation arrache les hommes aux rythmes et aux malédictions millénaires de la nature, mais elle sécrète des névroses individuelles et sociales qui assombrissent ses avantages. Enfin et surtout, notre temps a vu s'accomplir les plus grands massacres collectifs qu'on ait jamais connus, l'arbitraire et l'oppression n'ont jamais été aussi redoutables aux mains d'oligarchies(1) ou de pouvoirs qui disposent de moyens techniques colossalement multipliés. Sans parler de l'explosion démographique mondiale, en face de ressources insuffisantes et, au surplus, trop souvent mal réparties et mal utilisées.

Ce monde, caractérisé par l'expansion vertigineuse des sciences et des techniques, est si différent de celui où nous avons puisé nos règles de pensée, que l'angoisse nous saisit parfois. Un monde sans paysans sera-t-il un monde meilleur ? La conquête de l'espace, quand tout reste à faire sur la Terre, est-elle « raisonnable » ? Le perfectionnement, toujours plus poussé et à n'importe quel prix, des engins de destruction massive est-il vraiment un progrès ? Ces questions sont tellement légitimes qu'il ne faut pas s'étonner si des formes de pensée non rationnelles, des eschatologies(2) religieuses ou autres prospèrent plus que jamais et continuent de hanter un grand nombre de nos contemporains, parfois parmi les jeunes.Faut-il donc dresser un bilan de faillite ? Je ne le crois pas. Il faut réagir contre les tentations du découragement. Sans doute attendions-nous trop, sinon du futur, du moins du présent et c'est pourquoi nous sommes déçus.

Mais, pour faire nos comparaisons, ne surestimons pas le passé de l'humanité. Ses périodes les plus brillantes et les plus policées ne cachaient-elles pas des arrière-plans de misère, d'oppressions et d'injustices cruelles grâce auxquelles seulement certaines réussites étaient possibles ? Nous situons trop facilement l'âge d'or(3) derrière nous : mais les bergeries(4) de Versailles ne doivent pas faire oublier qu'au XVlllème siècle encore, les paysans français mouraient -au sens propre- de faim. Et les massacres contemporains les plus horribles ne sauraient faire pardonner ceux d'hier. En fin de compte, un bilan tout à fait honnête montre que le progrès dans l'organisation sociale se manifeste malgré tout, même si c'est avec lenteur et difficulté, sur des rythmes très différents ici et là, avec des arrêts, voire des reculs temporaires. Des forces profondes se sont mises en mouvement et elles se révèlent irrésistibles. Les masses,autrefois résignées, exercent une pression contre laquelle rien ne peut prévaloir ; les jeunes, tournés vers l'avenir, les chercheurs, les intellectuels apportent leur concours. La démocratie politique lui ouvre les voies. L'histoire se faisait autrefois dans le bruit des bottes, des fusillades, des massacres, dans les cris souvent implacablement étouffés des victimes. Convenons-en, c'est tout autrement que s'opèrent aujourd'hui mutations et réformes de structure. (...) Mais la raison fondamentale qui nous pousse à rejeter le pessimisme, c'est qu'hier encore, toutes les misères étaient ressenties comme des fatalités contre lesquelles il était vain de s'insurger ; à l'inverse, la société de demain, si elle porte encore en elle des formes d'aliénation inacceptables, refusera des horreurs qui nous étaient devenues familières et ses futurs artisans s'emploient dès maintenant à les prévenir. Même si l'avenir « meilleur pour tous » n'est pas aussi prochain que nous le voudrions, un nombre croissant d'hommes savent que leur sort peut s'améliorer et, du coup, ils cessent d'être résignés. Ils veulent se battre pour plus de justice et d'humanité. Et, tout compte fait, c'est cela leprogrès.

Pierre MENDES FRANCE

Page 14: Epreuve de Français

Article paru dans Après-demain (journal mensuel de documentation politique), 1967.

Vous résumerez ce texte en 160 mots (+ ou - 10 %). Vous indiquerez le nombre de mots utilisé.

Notes :

(1) Nom donné aux régimes politiques dans lesquels le pouvoir est détenu par un très petit nombre de dirigeants.

(2) Croyances et doctrines expliquant la finalité de l'homme dans l'univers.

(3) Période de bonheur imaginée par le poète grec Hésiode ( Ville — Vile siècle av. JC)

(4) Allusion à la bergerie dans laquelle Marie Antoinette aimait s'occuper d'animaux, à Versailles. On peut également voir là une référence à des tableaux et motifs décoratifs évoquant la vie, heureuse et très idéalisée des bergers de l'Antiquité

Page 15: Epreuve de Français

9- Epreuve de français Contractez le texte en 150 mots avec une marge de 10%

Le faux darwinisme informationnel L’information domine désormais le monde. Mais ce monde de l’information –notre monde- est aujourd’hui face à un redoutable problème : l’excès d’informations. Comment les trier, les classer, et finalement, lesquelles conserver ? Cet excès concerne le monde physique lui-même. L’espace est encombré par des ondes originales innombrables, sur des fréquences variées, avec interférences de plus en plus gênantes et, peut-être, des effets physiologiques non négligeables (qu’il faut étudier avec soin). L’information qualitative a connu un développement considérable en vingt ans, en raison de la mondialisation et de la multiplication des systèmes de diffusion.

Prenons le cas d’Internet. Comme la langue d’Esope, c’est la meilleure et pire des choses ; On y trouve tout. Toutes les idées, tous les projets, toutes les informations. La créativité résulte des rapprochements féconds, dit-on. On pourrait donc penser qu’en combinant les informations du Net, on peut innover, créer, inventer. Or ce n’est le cas ! Le Net annihile la créativité. Car s’y produit un tri annuel des informations du fait que ce sont toujours les mêmes sites qui sont consultés. Un processus de sélection naturelle érode, élimine, efface les informations les plus insolites, donc les plus originales. En même temps, la consultation de toutes les informations donne une fausse impression d’exhaustivité qui conduit à la dissuasion. A quoi bon innover ou inventer puisque tout existe !

Dans la recherche scientifique, le processus est semblable. Hier encore, la recherche scientifique était américano-européenne, avec quelques centres dans l’ex-Commonwealth et au japon. Aujourd’hui, l’Inde, la Chine, le Brésil, le Pakistan, Israël, la Corée, Taiwan, etc. sont des acteurs scientifiques majeurs. On produit à peu près cent fois plus d’articles scientifiques qu’il y a vingt ans. Dans cette jungle luxuriante qu’est devenue la littérature scientifique, que faut-il vraiment lire ? La sélection des articles par les grandes revues scientifiques a tendance à privilégier les savoirs établis. Car elle se fait souvent autour d’un consensus entre les scientifiques les plus influents, qui ne sont pas toujours les plus innovants. Les grands novateurs sont, en fait, des marginaux du « scientifiquement correct ». Dans un système où l’information est surabondante, le danger de voir disparaître la véritable innovation –celle qui ouvre des nouveaux chapitres de la science- au profit de la multiplicité de travaux estimables mais moins prospectifs, est réel.

Second exemple, plus flagrant : les informations diffusées par les médias. Submergés d’informations en provenance du monde entier à toute heure du jour et de la nuit, les médias réagissent à travers un double processus. Ils laissent aux agences et à quelques grands médias le soin de faire le tri, puis ils diffusent tous les mêmes informations. Or ce tri est le reflet de la sensibilité de quelques journalistes travaillant dans l’urgence plutôt qu’un véritable tri rationnel, réfléchi, prenant en compte l’importance relative des informations. Le réflexe se substitue à la réflexion. Comment peut-on ouvrir un journal télévisé en parlant d’un attentat en Palestine qui a fait deux morts en ignorant que dans le même temps une tuerie a eu lieu en Tchétchénie, une autre au Soudan et que, sur nos propres routes, il y a eu 150 morts ? Pourquoi faut-il attendre une prise d’otages à Moscou pour reparler de la Tchétchénie ? Le tri des informations est une opération difficile, mais on aurait pu croire que la multiplicité des médias permettrait une variété des informations, des points de vue et des analyses. C’est l’inverse qui se produit. Avec bien sûr, des phénomènes de mode. Hier, l’insécurité, qui n’a pas disparu mais dont on ne parle plus. Aujourd’hui, les accidents de la route, qui ne constituent pas une nouveauté. Tout cela peut donner prise à des phénomènes de manipulation d’opinions conscientes ou inconscientes. Les médias sont d’ailleurs souvent accusés de cela. Mais l’analyse des conséquences est plus intéressante. Ce faux darwinisme informationnel, qui tend à uniformiser les informations, sera peut être tragique pour les médias eux-mêmes, où s’opère une sélection naturelle. L’une des conséquences évidentes est l’étiolement progressif des quotidiens nationaux. Entre les journaux gratuits et les informations télévisées ou radiophoniques délivrant tous les mêmes informations, les moins chers survivront. L’avenir de la presse écrite réside, d’une part, dans la presse de province, d’autre part, dans les hebdomadaires et les mensuels, parce que le recul qu’autorise leur fréquence permet analyses et réflexions.

Page 16: Epreuve de Français

Dans la théorie de Darwin, il y a deux notions : les mutations créatrices de variété et la sélection naturelle uniformisante. Dans les informations, seul le second processus est aujourd’hui à l’œuvre. Vive la diversité…dans l’informatique comme ailleurs ! « Le faux darwinisme informationnel », L’Express, Janvier 2003. Corrigé de l'épreuve de français Actuellement, on vit dans une société absorbée par un trop plein d'informations. Sans déprécier leur mérite, elles endommagent tout de même les ondes. Regardons Internet par exemple. Il est le siège de toutes les initiatives. Puisqu'on pense que l'inventivité dépend d'alliances productives, on admettrait à tort que la combinaison des informations sur Internet peut être une source d'innovation. IL en est de même pour l'internationalisation de la recherche scientifique. Elle accorde le primat, dans ses publications, aux noms les plus influents en défavorisant les innovations importantes. Les agences de presse, quant à elles, écrement de manière partiale les messages. On assiste à la redondance des mêmes informations avec des thèmes s'accordant aux convenances du moment. Le résultat de cette prédilection idéologique est manipulateur de l'opinion du lecteur et du téléspectateur dans la mesure où le choix d'un journal considérera plus son prix au détriment de son idéologie. 156 mots

Page 17: Epreuve de Français

10- Epreuve de Français : 2 heures

Les constellations familiales recomposées sont à la fois attirantes et inquiétantes. Si elles sont attirantes, c'est parce qu'elles tendent à concilier les deux temps qui paraissent inconciliables, le temps conjugal de l'histoire, et le temps parental de l'immuable. Mais si elles inquiètent, c'est parce qu'un tel dépassement ne va pas sans une modification profonde de I 'un et de l'autre de ces temps. De nombreuses recherches contemporaines montrent qu'une constellation familiale recomposée ne peut fonctionner que par une certaine redéfinition du temps conjugal. Ce temps dépend aussi de la permanence, et d'une redéfinition symétrique du temps parental, qui relève aussi de l'histoire.Le réseau recomposé ne peut fonctionner que si les ex-époux parviennent à accepter que, dès lors qu'ils sont parents, leur séparation ne sera jamais totale, leur liberté jamais entièrement retrouvée. Ils doivent accepter que leurs relations perdurent, sous une forme différente.

Rester deux parents en ne constituant plus un couple : cette contrainte, forte, suppose de faire le deuil de l'aspiration à la table rase, y compris en ce qui concerne leurs relations personnelles d'ex-époux. Si les divorcés sont « une population qui aspire à fuir son passé », ce passé ne se laisse pas oublier. En outre, la collaboration suppose l'élaboration de normes de référence, de limites et de repères qui sont actuellement à peine en train d'émerger. Que penser, par exemple, de la proximité des domiciles ? Doit-elle être considérée comme un devoir ? Comment apprendre à distinguer deux parents et un couple parental ? Et donc, en l'absence d'une éducation commune de l'enfant, comment rendre les principes éducatifs de chaque parent entre lesquels circule l'enfant compatibles avec l'autre ? De là, des négociations permanentes, dans lesquelles se mêlent inextricablement la passion et la raison, les jeux identitaires et l'appel à des principes universalisables. Pour les seconds époux ou compagnons, la constellation recomposée signifie également accepter que le temps de leur propre histoire conjugale ne commence pas à la rencontre, qu'il n'efface pas le passé, mais doit nécessairement l'intégrer. Héritant de la vie conjugale de l'autre, il leur faut apprendre à composer avec les conséquences au quotidien d'une histoire dans laquelle ils n'ont aucune part, gérer Ieurs propres relations avec I 'ex-époux de l'autre et sa parentèle1 , trouver la « juste distance » qui leur permettra d'émanciper leur propre couple.

Tout cela bouleverse des repères profondément ancrés, et constitue une fragilité d'autant plus grande que les individus ont le sentiment de ne pas pouvoir s'appuyer sur des normes claires leur permettant de désaffectiver et de dépersonnaliser les conflits qui les opposent. De l'autre côté, la constellation familiale recomposée suppose que Ies parents acceptent que rien ne soit immuable, que le statut ne fait pas le parent sans une actualisation permanente du lien de filiation. Concevoir qu'un parent ne reste un parent que dans des relations concrètes avec l'enfant, suffisamment denses et fréquentes, suppose de modifier progressivement la distinction classique entre gardien et non-gardien au profit d'une co-parentalité, et charge chacun de la responsabilité de maintenir les relations de l'enfant avec son autre parent... Ce qui ne va pas sans difficulté en cas de conflit aigu. Cela signifie aussi, pour les deux parents, accepter que leur place de parent soit unique, mais pas exclusive, et que se surajoute une figure originale inédite, alors qu'ils pensaient être à jamais les uniques références parentales.

I. THERY, article paru dans Sciences humaines, décembre- janvier 1994.

Vous résumerez ce texte en 135 mots (+ ou —10 %). Vous indiquerez le nombre de mots utilisé.

1 Parentèle : ensemble des parents

Page 18: Epreuve de Français

11- Epreuve de Français : 2 heures

Chaînon manquant : la fin d'un mythe.

Longtemps, Lucy fut « la » référence. Découverte en 1974 dans la région de Hadar, en Ethiopie, cette représentante féminined'Australopithecus afarensis, âgée de plus de trois millions d'années, s'imposait comme la seule ambassadrice de nos lointains ancêtres australopithèques, qui ont précédé les premiers Homo. Jusqu'à ce que les paléontologues, en 1994, fassent la connaissance d'Australopithecus ramidus. Originaire de la même région que Lucy, mais âgé, lui, de quatre millions et demi d'années, il devint aussitôt le nouveau « plus ancien ancêtre » des hominidés. Un ancêtre pas tout à fait convenable, qui présentait aussi des caractères évoquant la famille des chimpanzés....

Depuis ? Le portrait de groupe de nos aïeux n'a cessé de se modifier, et les découvertes de fossiles pré- humains de se succéder. Rien que cette année, deux découvertes exceptionnelles sont ainsi venues compliquer un peu plus le puzzle de nos origines. La première, annoncée par une équipe franco-kényane, concerne le plus ancien représentant connu à ce jour de notre lignée évolutive : découvert au Kenya, dans les collines Tugen, Orrorin tugenensis est âgé de six millions d'années ! Or son squelette est celui d'un bipède et sa morphologie est plus proche de celle des hominidés modernes que celle des australopithèques. Quelques semaines plus tard, nouvelle annonce : dans la même région d'Afrique, Meave Leakey - épouse du célèbre paléontologue Richard Leakey- a découvert le fossile d'un autre représentant du futur genre humain. BaptiséKenyanthropus platyops, vieux de trois millions et demi d'années, il présente une face moderne et un crâne primitif, et diffère à la fois des australopithèques et des premiers représentants du genre Homo....

Depuis lors, l'arrivée de Toumaï, un crâne vieux de sept millions d'années trouvé dans un désert tchadien est venue brouiller encore d'avantage le paysage paléoanthropologique. A mesure que le tableau se complique, une certitude s'impose : le « chaînon manquant », ce prétendu hiatus évolutif que l'on crut longtemps exister entre les singes et l'homme, est une pure vue de l'esprit. « Ce mythe, fortement enraciné, a profondément biaisé notre démarche. Mais, avec le développement des travaux de terrain et des techniques plus fines, ces questions existentialistes ont été hissées au rang de vrais problèmes scientifiques » note Brigitte Senut ( Muséum national d'histoire naturelle, Paris) . Ainsi sait-on maintenant que les grands singes s'étaient largement diversifiés il y a vingt millions d'années, tandis que les premiers vrais hominidés sont attestés depuis six millions d'années. La question qui se pose désormais est donc la suivante : quand, et où, le premier représentant de la lignée humaine s'est-il séparé de celle des grands singes ? Parce que Lucy et bien d'autres fossiles y furent découverts, on pensa longtemps que le « berceau » de nos ancêtres se situait en Afrique de l'Est. Leur histoire supposée, nommée « East Side Story » par Yves Coppens - qui en fut le premier défenseur-, aurait débuté le long de la vallée du Rift, une énorme faille qui barre l'Afrique orientale du Nord au Sud sur plus de 3000 kilomètres. Son effondrement, survenu il y a sept ou huit millions d'années, aurait provoqué une « coupure écologique » au sortir de laquelle la forêt se serait transformée en savane à l'est de la faille. D'où une adaptation de nos ancêtres arboricoles, qui se seraient dressés sur leurs pattes de derrière pour mieux scruter l'horizon.

D'abord contesté, ce scénario continue de séduire nombre de paléontologues notamment parce que l'on n'a jamais trouvé trace de grands singes contemporains des australopithèques à l'est du rift est-africain. Mais le berceau de nos ancêtres, pense-t-on aujourd'hui, pourrait tout aussi bien se trouver au Tchad, où les restes d'un Australopithecus bahrelghazali baptisé Abel, âgé comme Lucy de plus de trois millions d'années, ont été mis au jour en 1995. Quant à l'origine des singes, elle pourrait tout aussi bien se trouver.....en Asie. D'après de récentes découvertes faites en Chine centrale et en Birmanie, c'est en effet sur ce continent que pourraient être apparus les premiers anthropoïdes (ou simiens). Lesquels ont ensuite donné naissance aux hominoïdes (singes sans queue), qui comprennent les gibbons, les orangs-outans, les gorilles, les chimpanzés et les hommes. Une origine asiatique pour les anthropoïdes, une origine africaine pour les grands singes et l'homme, est-ce possible ? Oui, si l'on suppose des allers et retours entre les continents dictés par les fluctuations climatiques. Auquel cas le berceau initial de l'humanité, selon l'expression de Jean-Jacques Jaeger (Institut des sciences de l'évolution, Montpellier) pourrait bien ressembler à « un berceau à roulettes, naviguant entre le sud de l'Asie et l'Afrique ».

Page 19: Epreuve de Français

Catherine Vincent ; 10 novembre 2001 - (Le Monde Mars 2004)

Questions

I) Résumer le texte en 160 mots (+ ou — 10%) ( 14 points)

II) Expliquer les mots ou expressions soulignés. ( 6 points )

Page 20: Epreuve de Français

12- Epreuve de Français : 2 heures

Bonheurs

La critique constructive, l'admiration, l'approbation, ce qu'on pourrait appeler la chaleur dans les échanges, sont autant des faits de civilisation que des traits de caractère. Or notre civilisation individualiste, en fondant le bonheur collectif sur l'égoïsme des individus, et la richesse générale sur la concurrence des intérêts particuliers, n'a guère favorisé cette ouverture. Chacun vit séparé, méfiant, conscient de ses droits, cloîtré dans son privé, et considère le voisin comme un étranger, peut-être un concurrent, voire un adversaire. La loi du marché, en se généralisant, rend la société de moins en moins conviviale. Situation peu propice ! Il était peut-être possible jadis de s'enfermer dans un bonheur clos, dans un petit monde abrité, étroit mais confortable. De nos jours, aucun abri n'est à l'épreuve des tumultes extérieurs et l'isolement ne fait qu'accroître l'angoisse. Clos sur eux-mêmes par l'esprit du système et l'exemple des autres, les individus peuvent moins que jamais se défendre contre les agressions. Pour être heureux faut-il donc être dur, aveugle, fermé aux autres, toujours occupé à dominer, à se défendre, uniquement soucieux de ses intérêts ?

C'est exactement le contraire qui est vrai ! Il faut s'ouvrir. Or s'ouvrir a toujours demandé un effort, et cet effort, dans l'ambiance individualiste qui est la nôtre, est plus coûteux que jamais : le principe biologique d'économie d'énergie nous pousserait plutôt à rester dans nos abris. Seule une exigence d'amplitude peut nous attirer au-dehors : le désir de déploiement et d'épanouissement.S'ouvrir, c'est d'abord assouplir son rythme d'existence, le dérationaliser, le démécaniser, y semer des pauses, lever les yeux, regarder autour de soi et se rendre présent à ce qui se passe. Présence à ce qu'apporte le hasard, mais aussi présence aux autres. L'ouverture est sans limite; on sait que, dans l'amour et les sacrifices qu'il implique, elle abat toutes les barrières et peut aller jusqu'à l'oblation. Mais, sans aller si loin, il est clair que dans le quotidien, l'ouverture est un signe de vitalité. C'est par elle que passe le bonheur.

Une jachère est un terrain qu'on laisse se reposer un ou deux ans avant de le remettre en culture. Coutume disparue : les engrais artificiels permettent désormais une exploitation ininterrompue. Signe des temps, car nous aussi, nous n'arrêtons pas. Notre existence est compacte, organisée dans le détail, sans temps vides. On bouche les moindres fissures avec le sport, la télé, le journal. Nous ne savons plus flâner; perdre du temps nous semble immoral, car le temps c'est de l'argent. Certains psychologues ont appelé jachères ces précieux moments perdus, espaces vierges, espaces de jeux ouverts à l'imprévu, à l'incertain, à la fantaisie, espaces de promenades sans but, de rêveries sans objet. Alors le bloc dense que formait notre existence se délite ; nous cessons de nous confondre avec ce que nous faisons, de coïncider avec notre vie professionnelle ou familiale. Nous prenons des vacances, nous cueillons des fleurs au bord du chemin, nous lâchons, l'espace d'un instant, le fil qui nous tire en avant. A quoi servent ces interruptions ? Que gagne-t-on à perdre son temps ? On y gagne beaucoup puisqu'on sort de la pauvreté et qu'on entre dans le luxe ! Comprenons que le temps consacré au nécessaire, à l'utile est un temps dont nous nous privons; nous n'avons comme temps à nous que celui que nous mettons en jachère. Un robot n'a pas de temps à soi; il n'en a pas besoin. Mais nous avons organiquement besoin de ces jachères pour y déployer nos rêves, nos désirs toujours insatisfaits, nos projets et nos souvenirs : il s'agit de nous ouvrir à nous-mêmes ! C'est le moment de la poésie, de l'art, de la musique, de la contemplation et d'une certaine créativité non professionnelle : le moment où l'on accepte de s'écouter et, à travers cette écoute, d'entendre l'appel au dépassement. Plus loin encore, on approche d'une zone de silence : plus de souvenirs, plus de projets, plus rien que le sentiment d'exister, le plaisir d'exister, l'existence pure. Ces moments perdus sont-ils vraiment un luxe ? Ou plutôt; ne sont-ils pas plus nécessaires que les autres, ceux qui passent pour utiles ? Ce sont des moments où l'on se concentre au lieu de se disperser; l'action n'y perd rien puisqu'on y revient ensuite avec des forces neuves, comme des terres laissées en jachère on tire de belles moissons.

Les moines de tous les pays et de toutes les religions ont cherché de cette façon à équilibrer une alternance d'action et de recueillement où l'on se met en état de disponibilité dans la solitude et le silence. C'était pour eux la condition de la vie parfaite. Interrompre le tourbillon des soucis, la boulimie qui force à occuper le moindre créneau, se rendre, au contraire, poreux à ce qui s'offre, voire à l'absence même de perceptions et d'idées, au pur silence... Un autre tourbillon surgit alors, beaucoup plus lent, plus secret, qui creuse son chemin dans notre être et met au jour des niveaux refoulés, dont

Page 21: Epreuve de Français

nous ne savions rien. Régression ? Retour à des fantasmes infantiles ? Pourquoi pas ? Ces régressions nous mettent en contact avec le germe qui fait croître; avec la sève qui irrigue.

Jean Onimus, Bonheurs, bonheur , Ed. Insep, 1998

Questions :

1. Vous résumerez ce texte en 155 mots (+ ou - 10%) ( 15 points )

2. Vous expliquerez les mots ou expressions suivants : une exigence d'amplitude (1 point), notre existence se délite (1 point), l'oblation (1 point), mettre en jachère (1 point), régression (1 point)

Page 22: Epreuve de Français

13- Epreuve de Français : 2 heures

[...] C'est en 1923 que le biologiste britannique John B. S. Haldane a inventé le terme ectogenesis pour caractériser une grossesse qui serait menée hors du ventre de la femme, dans un utérus artificiel. C'est aussi Haldane, proche d'Aldous Huxley, qui a été indirectement à l'origine du Meilleur des mondes, paru en 1932. Quatre-vingts ans plus tard, et contrairement aux prévisions formulées par Haldane, aucune naissance par ectogenèse n'a été obtenue dans l'espèce humaine. Cette situation ne durera pas. Des recherches sont en cours qui doivent permettre d'atteindre cet objectif, chez plusieurs espèces de mammiferes. Le sujet n'est plus un tabou : il a été officiellement débattu des vices et des vertus de l'ectogenèse humaine, lors du dernier congrès mondial de bioéthique organisé, en novembre 2004, à Sydney. Comment assurer in vitro l'ensemble des fonctions physiologiques normalement assurées par le placenta et l'utérus ? Les membres de la petite communauté scientifique en marche vers cette nouvelle frontière sont ici confrontés à des difficultés techniques très importantes.

Henri Atlan estime toutefois, avec d'autres, que ces difficultés n'ont rien de fondamental. On n'est ici, toute proportion gardée, qu'à un degré supérieur de complexité par rapport à celle du rein artificiel. Pour l'auteur, ancien membre du Comité consultatif national d'éthique, l'acceptation de cette pratique se fera, selon toute vraisemblance, en deux temps. La première phase sera thérapeutique : il s'agira notamment de prévenir les conséquences des naissances très prématurées, en proposant une fin de gestation hors du corps maternel, sans mise en oeuvre de la fonction pulmonaire. La seconde phase verra ensuite dans le recours à des utérus artificiels efficaces une nouvelle possibilité de donner la vie. Comment, et en invoquant quels arguments, pourra-t-on interdire à des femmes et à des couples d'avoir recours à cette possibilité dès lors qu'ils souhaiteront échapper de la sorte aux risques, aux contraintes et aux souffrances de la grossesse et de l'accouchement ? La question ne se posera plus dans les termes retenus par Huxley dans son célèbre roman de science-fiction.

Il ne s'agira pas, en effet, de l'utilisation étatique d'une technique d'élevage industriel des futurs humains. On parlera plus simplement de l'usage, dans un espace démocratique et marchand, d'une nouvelle technique de procréation scientifiquement assistée. De ce point de vue, l'utérus artificiel constituera bien une nouvelle étape du processus de dissociation de la sexualité et de la reproduction. A vrai dire, la dernière, sauf à imaginer que le clonage reproductif humain puisse devenir une réalité.Cette perspective ne peut pas, aujourd'hui, ne pas être rapprochée des contradictions émergentes au sein du mouvement féministe quant au respect qui doit ou non être accordé aux liens entre grossesse et maternité. L'arrivée de l'utérus artificiel dans le champ du possible, puis du probable, permet de rendre plus lisible une opposition fondamentale entre les féministes radicales (ou « libertaires») et celles qui le sont moins. Les premières plébiscitent les multiples potentialités offertes par l'ectogenèse. Les secondes jugent cette technique a priori inacceptable. Elles y perçoivent en résumé, le dernier outil en date forgé par une technoscience d'essence patriarcale, une sorte de nouveau «complot mâle» d'autant plus dangereux qu'il menace l'essence même de cette caractéristique de la féminité moderne qu'est la gestation désormais maîtrisée.

En France, il faut ainsi compter avec le discours provocateur récemment développé par Marcela lacub dans L'Empire du ventre(Fayard). Cette juriste dénonce la toute-puissance maternelle et la «sacralisation» de la fonction de gestation qui font que la maternité est devenue indissociable de l'accouchement. Face à un tel énoncé, on observe une multiplication des prises de parole de leaders féministes qui demandent notamment le maintien de l'interdit de la pratique des mères porteuses et de la commercialisation de la fonction de gestation. L'arrivée de l'utérus artificiel dans le champ de l'assistance médicale et technique à la procréation conduira aussi immanquablement à s'intéresser à la nature et à la fonction de tous les échanges-physiologiques et psychologiques- entre l'enfant à naître et celle qui le porte. Plus généralement, elle imposera de prendre la mesure des multiples dimensions biologiques et symboliques de la grossesse.« Les enfants nés d'une machine, auront des organes génitaux mais pas d'ombilics, a expliqué, à Sidney, Rosemarie Tong, féministe et spécialiste de bioéthique (université de Caroline du Nord). ils seront de simples créatures du présent et des projections dans l'avenir, sans connexions signifiantes avec le passé. C'est là une voie funeste et sans issue.» L'utérus artificiel serait aussi la porte ouverte de manière irréversible vers la création de corps définitivement posthumains.

L'utérus artificiel ou la dernière frontière humaine par Jean-Yves Nau in Le Monde du 12/03/2005

Page 23: Epreuve de Français

Résumez ce texte en 180 mots ( plus ou moins 10% ) et indiquez le nombre de mots.

Rappel : on entendra par mot l'unité typographique limitée par deux blancs, par un signe typographique et un blanc ou l'inverse. Ainsi l' compte pour un mot et c'est-à-dire pour quatre.

Page 24: Epreuve de Français

14- Epreuve de Français

La Société Incapable de Décider des Alternatives

Les rédacteurs du rapport annuel de l'ONUSIDA et de l'OMS sur l'épidémie de sida doivent, chaque année, se livrer à un exercice redoutable. Ils doivent d'une part publier les statistiques relatives aux décès provoques par le VIH et aux nouvelles infections, en progression fulgurante dans certains pays, d'autre part se féliciter rituellement des succès obtenus en matière de prévention on de diminution du taux de prévalence.

An risque parfois de friser le paradoxe dissimulé derrière un understatement très anglo-saxon. C'est ainsi que l'on apprend que le Kenya fait partie des «bons élèves» de la communauté internationale puisque le taux de prévalence du VIH dans la population a été ramené de 10 à 7 % depuis 2003. L'information est soigneusement mise en valeur par une « accroche » de la maquette: « les baisses les plus spectaculaires de la prévalence se sont produites chez les femmes enceintes du Kenya urbain ». Mais le texte dévoile une toute autre réalité; infiniment moins riante : « Les baisses de l'incidence et de la prévalence du VIH ont probablement été partiellement produites par les changements de comportements, mais deux progressions « naturelles » des épidémies de sida pourraient aussi avoir abaissé la prévalence. Premièrement, au fur et à mesure du développement de l'épidémie et de l'augmentation du nombre des personnes qui décèdent de maladies liées au sida, les taux de mortalité peuvent être supérieurs au rythme auquel les nouvelles infections st produisent.

En conséquence, le nombre total de personnes vivant avec le VIH s'abaisse (et la prévalence chute) mais le rythme des nouvelles infections à VIH n'est pas nécessairement ralenti. Deuxièmement, dans les premiers stades de l'épidémie, le VIH se propage surtout par les personnes les plus exposées au risque de contracter et de transmettre le virus. Leur décès finit par les retirer des circuits de transmission du VIH et (toutes choses étant égales par ailleurs) pourrait provoquer un déclin de l'incidence du VIH qui pourrait se traduire aussi par une baisse de la prévalence ». Le taux a chuté car la mortalité a été élevée, on comprendra que la nouvelle ne porte guère à l'optimisme.

De fait, le rapport 2005 de l'ONUSIDA et de l'OMS montre que la pandémie, loin d'être enrayée, progresse un peu partout dans le monde. On compte aujourd'hui 40,3 millions de personnes vivant avec le VIH, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, en 1995. On a enregistré, en 2005, 5 millions de nouvelles infections par le VIH dont 3,2 millions en Afrique sub-saharienne. 2,1 millions d'entre elles concernaient des enfants de moins de quinze ans. Le sida a tué, en 2005, 3 millions de personnes dont 2,4 en Afrique sub-saharienne. « Et le sida est aujourd'hui l’origine en Afrique, de 6,5% des décès d'enfants de moins de cinq ans contre 2% en 1990 »...

D'où ce constat dramatique : « Le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde a atteint son niveau le plus élevé jamais enregistré, avec 40,3 millions de personnes (contre quelque 37,5 millions en 2003) ». « Malgré des diminutions des taux d'infection dans certains pays, le nombre global de personnes vivant avec le VIH a continué de s'accroître dans toutes les régions du monde à l'exception des Caraïbes ». Les augmentations les plus marquées concernent l'Europe orientale, l'Asie centrale et l'Asie de l'Est, en particulier la Chine ou les statistiques encore lacunaires n'incitent pas à l'optimisme. On pourrait, d'ici 2010, enregistrer 10 millions de séropositifs en Chine (ils sont actuellement 840 000).

Directeur exécutif de l'ONUSIDA, le Dr Peter Piot conclut : « L'épidémie de sida continue à surpasser les efforts déployés pour la contenir aux niveaux national et mondial... Il est clair qu'un accroissement rapide de l’étendue et de la portée des programmes de prévention du VIH est requis de toute urgence ». Une manière habile de reconnaître la faillite des politiques menées jusqu'à ce jour. En 1981, lors de l'apparition du virus, le sida était le «syndrome imaginaire pour décourager les amoureux ». Aujourd'hui, il est le révélateur d'une « société incapable de décider des alternatives ». Le prix à payer a été particulièrement lourd : 25 millions de personnes sont mortes du sida depuis 1981. Et, au rythme actuel, ce ne pourrait être qu’un acompte.

Patrick Girard Marianne novembre 2005

Page 25: Epreuve de Français

Questions

1. Vous ferez le résumé de ce texte en 170 mots (+ ou – moins de 10 %) / 14

2. Vous définirez et expliquerez :

- Prévalence /1.5 point

- Pandémie / 1.5 point

- Statistique encore lacunaires /1.5 point

- Programme de prévention /1.5 point

Page 26: Epreuve de Français

15. Epreuve de Français : 2 heures 1) Résumer le texte en 170 mots (+/- 10%) sur 14 points 2) Définir les expressions et termes soulignés : force de loi, conjugalités, concubinage, couples naturels, dissolution conjugale, matriarcat sur 6 points Telle fille, quel père ?

Rappelons rapidement les quelques données qui ont un impact sur les relations entre la fille et son père. L'autonomie politique, professionnelle et financière des femmes françaises n'a pas un demi-siècle ! On l'oublie trop souvent. Il faut attendre 1944 pour que la fraternité républicaine puisse se décliner au féminin : les femmes obtiennent le droit de vote. En même temps que citoyennes, elles deviennent des ménagères « libérées » du travail domestique. Les machines et les robots sont censés les soulager de ces corvées, tout en suscitant le goût de la consommation. Cela devient nécessaire, car les femmes travaillent de plus en plus. L'accès aux professions demandant une qualification a été rendu possible par l'accès à l'enseignement secondaire et supérieur, où les femmes réussissent en moyenne mieux que les hommes. Mais il faudra attendre 1965 pour que la loi reconnaisse enfin aux femmes mariées le droit d'exercer une activité professionnelle sans l'autorisation de leur époux.

Les femmes investissent surtout les professions du secteur public, où elles trouvent une sécurité professionnelle qu'elles recherchent, et où elles bénéficient de meilleures promotions que dans le privé. En 1972, l'égalité du salaire entre hommes et femmes devient force de loi. Par ailleurs, l'évolution des conditions de la maternité contribue à accroître l'autonomie des femmes. Les progrès de la médecine permettent de réduire la mortalité infantile. On assiste à une baisse du nombre de procréations : la gestation occupe de moins en moins de temps dans la vie des femmes. À partir des années 70, le baby-boom est terminé : la fécondité descend en dessous du taux de 2,1 enfants par femme, chiffre nécessaire pour que la population se maintienne à un niveau stable. De plus, avec l'apparition de la contraception, il y a eu passation de pouvoir : les femmes ont désormais l'initiative de la conception. Elles vont bientôt rêver de faire des enfants toutes seules. La conjugalité connaît les effets de ces changements. Le divorce devient plus fréquent, il atteint aujourd'hui 30% des couples. Lesconjugalités se diversifient : les femmes sont mariées, pacsées, vivent en concubinage ou en union libre. Sur 14,7 millions de femmes françaises vivant en couple aujourd'hui, 2 millions ne sont pas mariées. Les naissances hors mariage connaissent le développement que l'on sait, pour un bon nombre dans le cadre de couples également dits « naturels ». En 1994, 40% des enfants naissaient hors mariage, et 17% ne vivaient pas avec leurs deux parents. Parmi ces derniers, 85% vivaient avec leur mère.

Après avoir employé les femmes dans le service public, après leur avoir réservé un certain nombre de prestations comme les allocations familiales, la protection de la petite enfance, le développement du travail social, l'Etat a eu à coeur de protéger les femmes après une dissolution conjugale. Ce qui a amené certains auteurs à parler d'Etat-mari. Etat, mari des citoyennes et protecteur de leurs enfants à la place du père réel. Ces quelques constats nous permettent-ils de penser que la femme est émancipée ? L'évolution est significative, mais le discours triomphaliste tenu récemment par la presse, selon lequel les femmes seraient aujourd'hui restituées dans leurs droits, selon lequel nous vivons sous le matriarcat, ne sert qu'à masquer une réalité contraire. Si la famille a beaucoup évolué, et avec elle les rôles respectifs de l'homme et de la femme, redéfinis récemment par la loi vis-à-vis des enfants, la place de la femme dans le champ social laisse subsister bien des inégalités.La condition des femmes a évolué, mais leur position relative vis-à-vis des hommes est restée stable. Le couple d'opposition homme-femme se déplace, mais subsiste.

La condition des femmes s'améliore, leur inégalité se maintient Si les filles réussissent mieux que les garçons au baccalauréat et sont plus nombreuses en université, certains domaines restent réservés à une majorité masculine : dans les lycées techniques, elles s'orientent plus vers des métiers humains et sociaux (commerce, secrétariat, santé) que des métiers techniques. Elles sont minoritaires dans les classes préparatoires et, à l'-université, elles sont peu présentes dans les disciplines scientifiques. Au niveau professionnel, leur choix semble guidé par trois principes. Le premier est que les emplois qui leur conviennent le mieux sont ceux apparentés aux fonctions domestiques : enseignement, santé, services, activités symboliques (art et littérature, presse). Le deuxième veut que, à qualification égale, les hommes sont préférés pour détenir une fonction

Page 27: Epreuve de Français

d'autorité, les femmes restant cantonnées aux rangs hiérarchiques inférieurs. Le troisième principe veut que les hommes gardent le monopole des métiers techniques. On peut donc affirmer que, si la condition sociale des femmes s'améliore, le différentiel avec les hommes persiste.

Jean-Claude Liaudet. Telle fille, quel père ? Paris : l'Archipel, 2002. P. 41- 44.

Page 28: Epreuve de Français

16- Epreuve de résumé

Durée : 2 heures. Au début du XXème siècle, l'idée qu'une maladie puisse se développer après un choc traumatique n'était pas évidente. Pourtant les symptômes observés chez les combattants de la Première Guerre mondiale poussèrent à s'interroger : certains soldats revenus du front étaient apathiques, et revivaient inlassablement la même scène vécue sur le champ de bataille. Les psychiatres commencèrent à parler de névrose de guerre et Sigmund Freud en fera la pivot de la pulsion de mort. Mais pour beaucoup, le névrosé de guerre était un fraudeur, un simulateur ou un lâche, animé par un désir, conscient ou inconscient, de se soustraire au combat. Derrière de telles interprétations, une vision particulière de la morale dominait : un soldat doit être dur au mal, capable d'affronter avec courage l'horreur de la guerre... La Seconde Guerre mondiale changea la donne. les récits terribles que firent les rescapés des camps de concentration transformèrent résolument l'idée que l'on se faisait des traumatismes psychologiques. Des études sur ces rescapés, comme celle de Bruno Bettelheim, attirèrent l'attention sur la culpabilité lancinante de celui qui n'accepte pas d'avoir survécu au milieu de tant de morts - ce que l'on nommera le "syndrome du survivant". Dans les années 1980, l'Association américaine des psychiatres, dans sa nouvelle classification des troubles mentaux (dite DSM III), introduit la notion de "stress post-traumatique". Tout événement traumatisant peut engendrer un trouble psychologique : le névrosé est devenu une victime. C'est la naissance de la "victimologie" en psychiatrie. Parallèlement, la notion de victime fait son entrée dans le droit. Pour l'avocat Thierry Lévy, le fait que la victime d'un dommage dispose de certains droits n'est pas nouveau et se comprend parfaitement. ce qui pose problème, ce sont les dérives du système juridique actuel, dans lequel les victimes se voient reconnaître des droits excessifs. Il y aurait désormais des catégories types de victimes : si, lors d'un procès, le plaignant entre dans une de ces catégories, alors sa parole est sacralisée. La défense de l'accusé devient donc impossible, tout le monde étant inconsciemment persuadé de sa culpabilité. L'un de ces portraits types de victimes pourrait être l'enfant ayant subi des abus sexuels, dont l'affaire d'Outreau donne l'un des exemples les plus édifiants. L'enquête fut dramatisée : aux rumeurs succédèrent les dénonciations, puis la parole des enfants, dont les exprts reconnurent "l'entière crédibilité"... Résultat : 17 personnes accusées, alors qu'il n'y avait pas l'ombre d'une preuve tangible ! Les inculpations abusives qui suivirent (avant l'acquittement général de décembre 2005 ) doivent être imputées, affirment les magistrats Antoine Garapon et Denis Salas, à une idéologie désormais établie selon laquelle "l'agresseur ment et la victime dit vrai" : celle-ci aurait donc tous les droits. Mais l'on peut aller plus loin dans la dénonciation d'une "litanie victimaire". Le sociologue Guillaume Erner dénonce, dans La Société des victimes, un nouvel ordre moral qui s'instaure et confère à la victime un statut sacré, puisqu'elle serait une version laïcisée des martyrs et des saints. La victime, en prenant la parole publiquement pour dire sa souffrance, susciterait la compassion d'autrui, ce qui lui permettrait d'être reconnue. Les frontières morales auraient donc bougé en moins d'un siècle : si avant, on était respecté parce qu'on taisait sa souffrance, aujourd'hui on est reconnu parce qu'on la dit . Conséquence de ce nouvel ordre moral : des individus peuvent instrumentaliser la souffrance d'autrui pour servir leurs fins personnelles. Il faut dire que l'on assiste peut-être à l'émergence d'une sorte de substitut aux espérances messianiques globales, qui privilégie la compréhension de l'histoire à travers des drames personnels, familiaux ou communautaires, à un moment de crise du politique et de montée de l'individualisme. Ainsi se mettent en place des "communautés de victimes" grâce auxquelles certains crimes d'Etat longtemps tus peuvent aujourd'hui être reconnus (par exemple, le massacre de 300 algériens le 17 octobre 1961 à Paris ). Mais lo'n court alors le risque d'arriver à cette "concurrence des victimes" dont a parlé jean-Michel Chaumont, où chaque communauté renvendique, plus que les autres, les palmes de la souffrance. la mémoire devient-elle dès lors une "religion civile", comme l'écrit Enzo Traverso, où chaque groupe se définit avant tout par les blessures du passé ? Par ailleurs, les médias feraient des victimes leurs fonds de commerce, écrit encore G. Erner : ce qui se vend, c'est la compassion - les informations, et non plus seulement "la mauvaise presse" , se sont spécialisées dans les faits divers ou dans l'image voyeuriste de la victime souffrante. Enfin, les politiques eux aussi joueraient désormais sur la fibre victimaire, comem dans le cas de la mairie de Toulouse qui recueillit, via des "cellules d'écoute", la parole des "victimes" après l'explosion de l'usine AZF le 21 septembre 2001 : la catégorie tait devenue très large puique tous les habitants de la ville yant entendu le bruit ou preçu le souffle furent considérés comme des victimes. Régis MEYRAN ; "Les

Page 29: Epreuve de Français

effets pervers de la victimisation" Sciences Humaines ; janvier 2007 1. Résumé Vous résumerez ce texte en 180 mots (+ ou - 10 %) . Vous indiquerez à la fin le nombre de mots employés. 2. Questions : a. expliquez le sens des mots ou expressions : (2 points ) - une version laïcisée de martyrs et des saints. -instrumentaliser la souffrance d'autrui. b. Discussion : Débattez de la question posée par l'auteur de l'article : "La mémoire devient-elle dès lors une "religion civile", comme l'écrit Enzo Traverso, où chque groupe se définit avant tout par les blessures du passé? "