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ERNST JÜNGER - exultet.net · tard. De surcroît, avec son frère préféré, il s’est frotté de près au monde parfois dangereux d’une nature ensauvagée. Sa ... quasiment

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ERNSTJÜNGER

DUMÊMEAUTEUR

LesBlancs et lesRouges.Histoire de la guerre civile russe,1917-1921, nouvelle édition complétée, éditions duRocher,2007.

LaChasse, dernier refuge du sauvage ? (sous sa direction),Privat,2007.

Le Siècle de 1914. Utopies, guerres et révolutions au XXesiècle,Pygmalion,2006(prixRenaissance2007).

DeGaulle,lagrandeuretlenéant,éditionsduRocher,2004.Histoire et tradition des Européens. 30 000 ans d’identité,

éditionsduRocher,2002,rééd.2004.Histoireduterrorisme,Pygmalion,2002.HistoiredelaCollaboration,Pygmalion,2000,rééd.2002.Dictionnaire amoureux de la chasse, Plon, 2000 (Prix

François-Sommer).Les Blancs et les Rouges. La révolution et la guerre civile

russe, Pygmalion, 1997 (Prix des Intellectuelsindépendants).

Encyclopédiedesarmesdechasse,Maloine,1997.Histoire d’un fascisme allemand, 1918-1934, Pygmalion,

1996,rééd.2002.LesArmesquiontfaitl’Histoire,Crépin-Leblond,1996.Gettysburg,éditionsduRocher,1995.Histoire critique de la Résistance, Pygmalion, 1995, rééd.

2002.LeCœurrebelle,LesBellesLettres,1994.LesBeaux-Artsdelachasse,JacquesGrancher,1992.L’AssassinduprésidentKennedy,Perrin,1989.Treizemeurtresexemplaires,Plon,1988.LeGuidedel’aventure,Pygmalion,1986.Histoiredel’Arméerouge,1917-1924,Plon,1981 (couronné

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vaste bibliothèque. » Tout comme Goethe, ce père avait de lasympathiepour lesFrançaiset fitensortequ’Ernstapprît leurlangue. Il organisa même pour lui, tout jeune, un séjourlinguistiquedansunefamillefrançaise.

Uncancrerêveuretcultivé

Le premier bulletin scolaire du jeune garçon porte lamention«manqued’attention».Cetteobservationseretrouverasouventsurleslivretsàvenir.Ernstsemblel’incarnationdecescancres imaginatifs et talentueux, fermés aux mathématiques,maispassionnésdelittérature,quiserévèlentécrivainsderace.Sapassionpourlalecture,illadoitàsamère,quiluialéguélafantaisiedesonesprit.S’ilrejettelesmatièresquil’assomment,ilapprendlelatinetlegrecdansletexteetcomposedespoèmesqu’il adresse à la presse locale. Tout jeune, il lit AlexandreDumas, les récits d’aventures de Karl May, ou encore JulesVerne.Déjàéclectique, il litaussi laBiblequi l’intéressepourles histoires de bédouins, de meurtres et de razzias. Il litégalementLesMilleetUneNuits,l’Eddaislandaise,HésiodeetHomère, qui laisseront en lui des empreintes profondes etcontradictoires.Plus tard, dans le coursde sonadolescence, illira Nietzsche et Maurice Barrès, qui le marqueront de façondurable. Mais il lit aussi Oscar Wilde, Edgar Poe, Stendhal,Balzac,Baudelaire.

Avant lagrandeépreuveinitiatiquedelaguerre, ilaacquisdans un parfait désordre une ample formation de l’esprit parl’accès direct aux textes et à leurs auteurs. Ils ont agi sur lui,éveillantunemultiplicitéd’idéesetd’émotions,favorisantaussisamaîtrisede l’allemandetdufrançais,doncunecapacitépeucommune pour exprimer pensées ou sentiments. Au sens

classiquedumot,ilafaitseshumanités,mêmesicefutdefaçonpeu académique. Son esprit a été enrichi et cultivé enprofondeur,dansdesproportionsdevenuesraresunsiècleplustard.Desurcroît,avecsonfrèrepréféré,ils’estfrottédeprèsaumonde parfois dangereux d’une nature ensauvagée. Sapréparationestdoncparticulièrementricheetéquilibrée,toutenétantétrangèreauxconventionsscolaires.

Jeuxinterditsetsauvagerie

Chaque été, de longues vacances offrent à Ernst et à soncadet Friedrich Georg de vivre ce qu’ils ressentent comme lavraievie.LeurpèreavaitachetéunevastemaisonàRehburg,aunord-ouestdeHanovre.Après laprisondupensionnat,grâceàcette demeure et au pays qui l’entoure, les deux garçonsdécouvrentunparadisdesauvagerie.Àuneheuredemarchedelamaisons’étendunlacimmenseetpeuprofond,leSteinhuderMeer,d’oùpartunruisseauquicouleentreboisetmarais.Pasune maison, pas un village à l’horizon. « Tout donnait lesentiment d’un bonheur inespéré, écrira Friedrich Georg.Personnenenousimposaitdelimites.»

Loindesparents,lesgarçonsvontfairedecepaysperduunterraindejeuxinterdits.Leurdomaineestimmense.Forêts,lac,marais,carrièresabandonnées.Ilspeuventvarierlesexplorationsàl’infini,frôlantparfoislamort.Ilssefrayentunpassagedansune jungle inaccessible, les jambes lacérées par les ronces.L’endroit privilégié est le marais. Ils le parcourent nus,s’enduisant le corps de vase pour se protéger des taons et desmoustiques. Ils se baignent parmi les roseaux, courent sur unesurface herbeuse qui ondule sous les pas. Il leur arrive des’enfoncersoudaindansunebouenoirequilesaspireetd’oùils

se tirent avec peine. C’est leur jeu préféré, le plus dangereux,ignoré des parents. Quand le tapis herbeux cède et que lesgarçons s’enfoncent en hurlant de peur et d’excitation, ils sedemandants’ilss’entirerontencorecettefois.Puis,épuisés,ilssecouchentdansl’herbe,ausoleil,pourparleretparlerencore.Sacaudos, lesdeuxfrèresontégalementrejointungroupeduWandervogel(«oiseauxmigrateurs»),importantmouvementdejeunesse, libertaire et völkisch 1, qui prône l’écologie avant lalettre, le retour à la nature, loin des villes et du mondebourgeois.

DanssonromanautobiographiqueLeLance-Pierres2,ErnstJünger a conté avechumour les coups fumants de la bandedechenapans dont il était le chef. Son frère et lui rêvaient dedécouvertesetdepaystropicaux.L’aventurecolonialeétaitalorsà son zénith et la littérature populaire en chantait l’épopée.L’Afrique semblait le continent où pouvaient s’accomplir lesrêves lesplus fous.UneAfriqueenpartieviergeetencorepeupeuplée, celle qu’évoquaient dans leurs souvenirs desaventuriers comme Stanley. Les deux frères dévoraient ceshistoires,toutens’indignantquel’oneûtintroduitdansl’édenafricain la « civilisation », cette profanation de la sauvagerie.Aux missionnaires, médecins et colonisateurs européens, ilspréféraientdebeaucoup«lesmarchandsd’esclavesarabes[…]descendants de Sindbad lemarin, des figures riches et dignesdans un monde magique. Brûler les villages, pourchasser lesesclaveset fairerouler les têtessur lesable,n’était-cepas leurbondroit1?»

LaLégionetlerêveafricain

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CHAPITREII

LESLIVRESÀL’OMBREDEMARS

En convalescence à Hanovre dans la demeure familiale, lelieutenant Jünger commence à effectuerpour lui-même lamiseen forme des seize calepins dans lesquels il a noté au jour lejour ses souvenirs de la grande épreuve.Sonpère, y jetant lesyeux, manifeste son enthousiasme. Convaincu de la qualitéexceptionnelle de ce témoignage, il se propose de le publier àson propre compte. On prendra pour nom d’éditeur celui dujardinier, RobertMeier.Ayant en têteLeRouge et leNoir deStendhal,Ernst,quantàlui,pensetoutd’abordappelersonlivreLe Rouge et le Gris, cette dernière couleur étant celle del’uniforme allemand de campagne. Puis les réminiscencesd’anciennes sagas islandaises lui souffleront le titre autrementévocateurdeInStahlgewittern(Oragesd’acier).

Initiationdansl’épouvante

Entre-temps, lamatière initiale des carnets a pris la formed’un journal, genre littéraire qui, plus que tout autre, fera laréputationd’écrivaindeJüngeretauquelilresterafidèleaudelàde son centième anniversaire. Bien d’autres combattants de laGrandeGuerreontentreprisde tenirun journalpourconserverlamémoirede l’expérienceexceptionnellequ’ils allaientvivre.La plupart ont abandonné après quelques jours ou quelquessemaines.PasJünger.Nonquesesnotesgribouilléessur levif

aient été rédigées sous la forme qui sera celle du livre. JulienHervierarévéléquelepremierjournal,Oragesd’acier,commelessuivants,maisdansdeplusfortesproportions,adonnélieuàuntravailconsidérablederéécritureavecuneintentionlittéraireévidente.Ainsilaguerre,expérienceexistentielleparoxysmique,a-t-elleéténonseulementla«mère»dusoldat,maisaussicelledel’écrivain.SansdouteJüngerétait-ilécrivaindenaissanceoupeu s’en faut, mais la guerre lui a offert l’occasion de naîtrevraimentàl’écritureetderévélerlesdonsportésenlui.

Se souvenant de la grande offensive du 21mars 1918, aucoursdelaquelleilaétégrièvementblesséunepremièrefoisaupoumon, Jünger offre ainsi de cette épreuve une transpositionphilosophiqueetpoétique :«LaGrandeBataillemarquaaussiun tournantdansmavie intérieure,etnonpasseulementparcequedésormaisjetinsnotredéfaitepourpossible.Laformidableconcentration des forces, à l’heure du destin où s’engageait lalutte pour un lointain avenir […], m’avait conduit pour lapremièrefoisjusqu’auxabîmesdeforcesétrangères,supérieuresà l’individu. C’était autre chose que mes expériencesprécédentes;c’étaituneinitiation,quin’ouvraitpasseulementles repaires brûlants de l’épouvante. Là, comme du haut d’uncharquilabourelesoldesesroues,onvoyaitaussimonterdelaterredesénergiesspirituelles.»

LesOragesd’acier

Initialement sous-titré Extraits du journal d’un chef detroupes de choc et à partir de la quatrième édition, plussimplement, Journal de guerre, l’ouvrage ne répond pas à ceque l’on entend habituellement par un journal. Rédigé pourl’essentiel dans l’ordre chronologique, il n’est pas daté, et le

lecteur se perd souvent pour mettre une date, mêmeapproximative,surlesfaitsetcirconstancesrapportés.Jüngernecacherapasque,pourlui,lapréoccupationlittérairedel’artistel’emportesurlesoucid’exactitudedumémorialiste.Autantparpudeurqueparsoucidedistanciation,l’auteuravolontairementexpurgé ses journaux de notations trop personnelles qui sontprésentes dans les cahiers originaux 1. Il a par exemplequasimenteffacél’évocationderelationsavecdesfemmes.DansOragesd’acier,ilrestepurementallusifsursonidylleavecunejeuneFrançaisesurnommée«Jeanned’Arc». Il faitégalementl’impassesurtoutjugementdéfavorableàl’égarddesupérieursou de la guerre en général, alors que les cahiers critiquentvertementlesofficiersd’état-majorquipratiquentl’héroïsmeenchambre.Jüngers’yindignedeleurméconnaissancedesréalitésdufrontetdel’absurditédecertainsordresquisacrifientlaviedessoldats.Parexemple,à ladatedu23 juillet1918 :«Pourpouvoir rédiger quelques phrases ronflantes à l’intention del’arrière,onasacrifiélesosdeseptfusiliers;etcelabienquel’absence totaledevaleur tactiquede laposition fût largementconnue, grâce à mes rapports et à quelques autres. »Commentaires supprimés dans lesOrages d’acier, où l’auteurapparaîtsous les traitsd’unofficiermodèle,qui,dans lavéritédescahiersoriginels,sedemandaitparfoisquandseterminerait«cetteguerredemerde».

Lapréfaceàl’éditionde1924avoueavecuncertainhumourcequiséparelescarnetsnotéssurlevifdutexteultérieurrédigédansune intention littéraire :«Cefutuneétrangeoccupation,assissurunsiègeconfortable,quededéchiffrerlesgriffonnagesde ces cahiers dont la couverture était encore engluée par laboueséchéedestranchéesetmaculéedetachessombresdontjenesavaispluss’ils’agissaitdesangoudevin1.»

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CHAPITREIII

WEIMARETLARÉVOLUTIONCONSERVATRICE

Avecunepresciencefrappante,dansLeBoqueteau125,datéde 1925, Ernst Jünger annonçait l’émergence des acteurs d’untype nouveau qui allaient dominer l’histoire allemande eteuropéennedesannées1920et1930:«Jevois,écrit-ilalors,seleverenEuropeunegénérationnouvelledechefsdefilequineconnaîtront ni peur ni répugnance à verser le sang, dénuésd’égards, habitués à souffrir terriblement, mais aussi à agirterriblement et à mettre en jeu leurs plus grands biens. Unegénérationquiconstruitdesmachinesetquisaitlesdéfier,unegénérationpourquilamachinen’estpasunmétalsansvie,maisuninstrumentdedominationqu’ils’agitd’utiliseravecfroideurd’espritetviolencedecœur.C’estcequi forgeraaumondeunvisagenouveau!»

ÀMoscou comme àRome, àVarsovie comme àBerlin, laguerre a façonné en effet un nouveau type qui supplante lesphraseurs futilesde l’époqueprécédente.Deshommesenclins,selon la formulation de Nicolas Berdiaev, « à transposer lesméthodesmilitairesdansl’aménagementdelavie,àpratiquerlacontrainte méthodique – un type humain féru de pouvoir etrespectueux de la force, qui s’est manifesté à la fois dans lecommunismeetdanslefascisme1».

Dansl’Allemagnechaotiquedesannées1920

EnAllemagne,toutparticulièrement,ledestindesnouveaux« chefs de file » annoncés par Jünger leur sera imposé parl’époque. Ce destin avait commencé de se dessiner en 1914.Pour les survivants, il senoueravraimentquatreansplus tard,danslecauchemardeladéfaiteetdelarévolution.

Après la tension et les souffrances supportées parl’Allemagne pendant les années de guerre, la demanded’armistice auxpremiers joursdenovembre1918, l’abdicationde l’empereur et la proclamation de la république en pleinedéfaitedéchaînentunrazdemaréederévoltes.Enmoinsd’unesemaine,lapuissantemachinedel’Étatwilhelminiensemblesevolatiliser.Auxmutineriesdanslaflotteetdansl’armée,quiontcommencédans lespremiers joursdenovembre, succèdentdessoulèvementsspartakistesouanarchistesdanstouteslesgrandesvillesallemandes.

Ausoirdu9novembre1918,alorsqueGuillaumeIIafaitlechoixde se réfugier auxPays-Bas,Berlin et lesgrandesvillestombent au pouvoir d’émeutes spartakistes, version allemandedubolchevismequiatriomphél’annéeprécédenteenRussie.ÀMoscou, Lénine est convaincu que la révolution rouge vas’étendre à l’Allemagne. Et il s’en faudra en effet de peu. Lamise en échec de ce projet révolutionnaire est dû à l’ententescellée entre le ministre socialiste Noske et les Corps francs(Freikorps), phénomène imprévu surgi du chaos et desdécombresde l’anciennearmée impériale.Contre touteattente,ceux-làréussirontenAllemagnealorsqueleurséquivalents,les«gardesblancs»,échouaientenRussie1.

Au sein des régiments mutinés, quelques volontaires segroupent spontanément à l’appel de jeunes officiers ou desimplessous-officierstoutjustearrachésàlaguerre.Ilsnesontpasmûrspourselaisserinsulteretmalmenerparlesémeutierset

les foulesen furie.Tandisqu’on leurcracheà la figure,qu’onleurarrache lesépaulettes, symbolesd’autorité,qu’on leur faitla chasse dans les rues, ils font face. Dans des casernesdésertées, ils se regroupent, constituant de petites unités devolontairesquiprennentlenomd’unchefimprovisé.Cescorpsfrancs ont l’avantage du métier, des armes et de l’audace.Bientôt,ilsserontrejointspardesétudiantsetdeslycéenstropjeunes pour avoir été mobilisés et qu’enflamme le sombrepatriotisme de la défaite. L’un d’eux, Ernst von Salomon,deviendraplustardcélèbreenracontantdefaçonhaletanteleuraventuredansun livre torrentiel quede jeunes activistes lirontpartoutenEurope1.

Le fragile gouvernement socialiste de novembre a besoind’eux.Lapoliceetl’armées’étantvolatilisées,ilssontledernierrempartduReichcontrelesinsurrections.Àl’appelduministreNoske, les Corps francs sauveront une république qu’ilsn’aiment pas. À deux reprises, en décembre 1918 et janvier1919, ils vont reconquérir Berlin puis intervenir dans tout leReichpourécraserlessoulèvementsrouges.Celasefaitàcoupsdecanonetdemitrailleuses,avecdescentainesdemortsetpasmal d’atrocités de part et d’autre.L’Allemagne est entrée pourlongtempsdans un état endémiquede guerre civile.Ledernieracte de cette époque des troubles armés sera le putsch deMunich,le9novembre1923,quiferaconnaîtrelenomd’AdolfHitler.

Après 1923, jusqu’en 1930, la république de Weimartraversera une période d’accalmie. C’est alors, durant cesquelquesannées,quesurgitunfourmillementdemouvementsetdejournauxnationalistesauseindesquelsErnstJüngervajouerunrôledepremierplan.Parréciprocité,ilsvontleporteràl’undesesapogées.

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1. Nicolas Berdiaev, Les Sources et le Sens du communisme russe,Gallimard,1951.

1.DominiqueVenner,Les Blancs et les Rouges.Histoire de la guerrecivilerusse,1917-1921,éditionsduRocher,2007.

1. Ernst von Salomon, Les Réprouvés (Die Geächteten, 1930), Plon,1931,rééd.Bartillat,2007.

1.ArminMohlernaquitàBâle(Suisse),le12avril1920,ilestmortle4juillet 2003. Sur ses années auprès de Jünger, il a publié un ouvrage nonencore traduit, Ravensburger Tagebuch. Meine jahre mit Ernst Jünger,Karolinger,1999.

1. Armin Mohler, La Révolution conservatrice en Allemagne, 1918-1932, traduction de Henri Plard et Hector Lipstick, Pardès, 1993.Bibliographie française établie par Alain de Benoist. On peut égalementconsulterLaRévolutionconservatricedansl’AllemagnedeWeimar,sousladirection de Louis Dupeux, Kimé, 1992. Armin Mohler souligne que leconceptdelarévolutionconservatricepourraitêtreétenduàtoutel’Europe.Il cite leRusseDostoïevski (1821-1881), lesFrançaisGeorgesSorel (1847-1922)etMauriceBarrès(1862-1923),lesItaliensVilfredoPareto(1848-1923)et GaetanoMosca (1858-1941), les Espagnols Miguel de Unamuno (1864-1936)etJoséOrtegayGasset(1883-1956).

2.ArminMohlernotequeMaurrasutilisa incidemment la formuledansL’Enquêtesurlamonarchie(1909):«Onneréussirajamaisunerévolution,surtout une révolution conservatrice, une restauration, un retour à l’ordre,qu’avec leconcoursdecertainsélémentsadministratifsetmilitaires.»Mais«révolutionconservatrice»estemployéeicidansunsensrestrictif,celuidelacontre-révolution.Lecontenuallemandesttrèsdifférent.

1.JulienGracq,Préférences,JoséCortiéditeur,1989,p.250ets.1. Ernst Jünger,Le Travailleur (Der Arbeiter. Herrschaft und Gestalt,

1932), traductionde JulienHervier,ChristianBourgois, 1989,p. 316.Dansson Journal de guerre et d’Occupation (Julliard, 1965, p. 474), Jüngernuance ce point de vue par le rappel du souvenir décevant des quelquessemainesdurant lesquelles, à la finde1923, il avait été le correspondant àLeipzigducélèbrecapitaineRossbach.Maisàcetteépoque,lesCorpsfrancsavaient été dissous et s’étaient transformés en réseaux clandestins ou enassociationsd’entraide,nejouantpluslerôlehistoriquequiavaitétéleleurjusqu’en1921.

1.SurleputschdeKapp(13mars1920),onsereporteraànotreétude:Histoire d’un fascisme allemand. Les Corps francs du Baltikum et larévolutionconservatrice,chapitreXI.Àl’époque,Jüngerétaitofficierdans

la Reichswehr. À ce titre, il était intervenu à Hanovre pour disperser uneémeutespartakisteprenantprétexteduputschdeKapp.

1.LesLumièressontentenduesicicommeidéologieetnondanslaréalitéhistorique complexe,multiple et souvent positive dumouvement des idéesdesLumièresquiaffirmait lavocationdechaque (Suitede lanote1de lapage67.)

homme(européen)àpenserendehorsdesdogmeset,chezMontesquieu,lacapacitédechaquepeupleàpenserlebienparlui-même,selonsesloisetsa culture. Différencialisme contre lequel s’insurgera Condorcet pour qui,danssavisionuniversalisteetmathématique,«unebonneloidoitêtrebonnepourtousleshommes,commeunepropositionvraieestvraiepourtous».

1.Moeller van den Bruck, Le Troisième Reich, éditions Alexis Rédier,1933,rééd.FernandSorlot,1981.

1. Le Troisième Reich, op. cit. Du même auteur, La Révolution despeuplesjeunes,préfaced’AlaindeBenoist,Pardès,1993.

2. La littérature française sur le mouvement de la jeunesse et leWandervogel reste faible. On peut cependant consulter Karl Höffkes,Wandervogel. La jeunesse allemande contre l’esprit bourgeois (1896-1933), Pardès, 1985.HansBlüher,Wandervogel.Histoire d’unmouvementde jeunesse, Les Dioscures, 1994. L’un des inspirateurs du mouvementbündisck était le poète Stefan George (1868-1933), dont l’un des disciplessera le colonel Claus von Stauppenberg (1907-1944), organisateur del’attentatdu20juillet1944.

1.Le filmdePierreGranier-DeferreLaHorse (1970), avec JeanGabindanslerôleprincipal,suggèrequelquepeulanaturefière,silencieuse,rudeetféodaledeClausHeim.

1. Ernst von Salomon,LaVille (Die Stadt, 1932),LaVille,Gallimard,1933.

1. Louis Dupeux, Stratégie communiste et dynamique conservatrice.Essai sur les différents sens de l’expression « national-bolchevisme »,Honoré Champion, 1976. L’auteur propose la définition suivante : « Le“véritable”national-bolchevismeestuneidéologiedel’extrêmedroitelaplusradicale,dontlesreprésentantsreprennentàleurcomptelarévolutionsocio-économique du communisme soviétique et l’alliance avec ce communismesoviétique, car ils croient, sur la base de la dynamique conservatrice, quedansuncontextecommunisteetd’Europedel’Est,lagermanitéetlesvaleurstraditionnelles triompheraient au bout du compte. »Définition intéressantemaisquinégligelapartderussophilienullementbolcheviqueinscritedanslatradition historique de l’Allemagne du Nord et de la Prusse. D’autre part,

dans l’Allemagne de cette époque, on peut se demander ce que signifie leterme « extrême droite », fourretout polémique plus que catégorieidéologiqueetpolitique.

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penséepolitiqueindigente.Aprèsquelquesmois,JüngercéderaladirectionàsonamilenéopaïenFriedrichHielscher.

De 1927 à 1930, infatigablement, Jünger collabore aussi àWiderstand, la revuedeNiekisch.Etpendant leshuitpremiersmois de 1930, il sera en outre coéditeur avecWerner Lass del’hebdomadaireDie Kommenden, influent dans le mouvementdelajeunesse.

Unnationalismeprovocant

Ceserontsesdernièrescollaborationsàlapressepolitique.Ilnepublierienen1931ettoutauplusunedizainedecritiqueslittérairesen1932et1933.En1929,danslapremièreversionduCœur aventureux, il a déjà nettement pris ses distances avectouteactioncollective.

À de multiples signes on sentait que l’époque changeait.Vers1930,lescerclesdeladroiterévolutionnairesontenpertedevitesse,tandisquemontelapuissancenouvelled’Hitleretdupartinational-socialiste.

Pendant les années d’effervescence de la révolutionconservatrice,Jüngern’estcertespasunactivisteengagédanslarue ni un idéologue. Il s’impose cependant dans tous lesjournaux et petites revues du moment par son aura de soldatprestigieuxetsonstylemagique.Audired’ErnstvonSalomon,ilestleseulécrivaindeladroiterévolutionnairedontlesécritssusci-tentparfoisdescommentairesdans lapresseextérieureàcetétroitmilieu.

Conscientdecerayonnement,Jüngernourritmêmeunbrefinstant l’ambition de fédérer autour de lui tout le courantnationaliste. Cette illusion durera peu. Dans son appel«Schliesst euch zusammen ! », publiédans laStandarte du 3

juin1926, ilpresse lesgroupesrivauxdeconstituerun«frontnationaliste ». L’appel reste sans écho, s’enlisant dans desdiscussions stériles de petits chefs. L’unification se fera,maisderrièreunvéritableanimalpolitique,lorsquelepartinational-socialiste entamera son ascension vers le pouvoir à partir de1930.

Au cours des années précédentes, Jünger s’est clairementréclamédunationalismeetpasduplusmodéré.Onentrouvelatrace dans la préface qu’il accorde en 1926 à un pamphletradical de son frère Friedrich Georg, Aufmarsch desNationalismus:«Nousrevendiquonslenomdenationalistes–unnomquiestlefruitdelahainequenousvouentlapopulacegrossière et raffinée, la canaille cultivée, le grouillement desattentistesetdesprofiteurs.[…]»«Nousnerevendiquonspasl’universalité.Nouslarejetons,depuislesdroitsdel’hommeetle suffrageuniversel jusqu’à la culture et auxvéritésgénérales[…] « Nous ne voulons pas l’utile, le pratique ou l’agréable,nousvoulonslenécessaire–cequeveutleDestin1.»

Trois ans plus tard, en 1929, sa vision s’étantmodifiée, ilsaisiral’occasiondepréciserque,pourlui,lenationalismen’estpas un absolu : « Le mot nationalisme est un drapeau fortutilisablepour fixerclairement lapositiondecombatoriginaled’unegénérationpendant les années chaotiquesde transition ;cen’estaucunement,commelecroientbeaucoupdenosamisetaussidenosennemis, l’expressiond’unevaleur supérieure : ildésigneunecondition,maisnonpasnotrebut1.»

Unethérapiecontreladéfaite

Aucoursdesgrandesannéesdelarévolutionconservatrice,lapenséemétapolitiquedeJüngern’apascesséd’évoluer.Ellea

été marquée par les événements que nous avons rapportés,principalementl’invasionmilitairedelaRuhrparlaFrance,quiprovoquaunevéritablecommotionnationale.Elle futpeut-êtreinfluencéeaussiparlesdeuxannéesd’étudesdephilosophieetde biologie entreprises par l’ancien officier dès le secondsemestre de 1923 à l’université de Leipzig, sous le magistèrephilosophique de Felix Krüger et de Hans Driesch. Auprintemps 1925, ses études furent coupées par un stage àl’Institut océanographique de Naples qui lui fit découvrir unparadis de la flore et de la faune. Expérience qui influencerasansdoute sa futurecarrièred’entomologiste et l’attrait exercésurluiparlagarrigueméditerranéenne.

Le devoir de réserve imposé par son statut d’officier de laReichswehr jusqu’en août 1923 ne lui avait pas interdit depréparer les pages explosives du Boqueteau 125,vraisemblablement influencées par ses études de philosophie.Terminé à la fin de 1924, cet essai, nous l’avons dit, futofficiellementpublié en1925.C’est justementdans lapériode1925-1927quelacarrièredejournalistepolitiquedeJüngerestla plus riche 1. Après le traumatisme de 1923, la défaiteallemande de novembre 1918 lui est apparue comme uneblessure purulente. Il recherche alors une thérapie dans laformulation d’une idéologie nationaliste sans pathossentimental.Savisionpolitiquen’accordeaucuneimportanceàl’opposition gauche/droite. Il estime que socialisme etnationalisme ne sont pas contradictoires mais au contraire« l’expression d’une même force ». Suivant une formule enusagedanscertainscerclesd’officiers,lenationalismeseravécucomme«undevoiraltruisteenvers leReich»,et lesocialismecomme « un devoir altruiste envers le peuple ». Le seuladversaire clairement désigné est le « bourgeois », objet de

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mouvementréciproques’éveillèrentenAllemagnelesdémonsdupangermanisme.

La guerre de 1914-1918 porta ces passions au paroxysme.Les Français prétendirent mener « la lutte de la civilisationcontrelabarbarie»,ainsiquel’écrivaitBergsonle8août1914.« Devenus forts comme nation, renchérissait Bainville, lesAllemands se sont ruésdans labarbarie… Ils sont retournés àl’étatprimitifetàleurfonctiondehordesenvahissantes»(CentAnsd’illusionssurl’Allemagne,1917).Enface,parlavoixdeThomasMann(Considérationsd’unapolitique),lesAllemandssevoyaientendéfenseursdel’artcontrel’intellectualisme,delaculture authentique contre le cosmopolitisme et l’artificialitédontilsfaisaientlesattributsdelaFrance.

Le « combat pour la civilisation et le droit »mené par laRépublique contre l’Allemagne favorisa une propagandexénophobe d’une violence inégalée. Tout était bon pourinculqueràl’opinionunehaineabsoluedesAllemands,afinde« tuer la bête pour tuer le venin », comme l’écrivait GabrielLangloisdansL’Allemagnebarbare (WalteretCie,1915).Dessavantsfurentrequispourdémontrerqueles«Boches»avaientétéde tous tempsdétestableset, finalement,étrangersaugenrehumain.«Pouradmettrequ’unAllemandsoitunhommecommeles autres, écrivait froidement le Dr Edgar Bérillon, éminentprofesseurà l’Écoledepsychologie,amideCharcot, il fautnejamais avoir eu l’occasion de considérer avec attention unspécimendesarace…»

Cette passion aveugle incita Charles Maurras, célèbredoctrinaire de la monarchie, à conseiller de « détrôner lesHohenzollern»,etdetraduireleurpeuple«devantlesassisesdel’univers », un Nuremberg ou un TPI avant la lettre. Ilrecommandaitmêmede«fusillerUnterdenLinden[oudans]laWilhelmstrasse Guillaume et ses fils », sans qu’il soit même

besoinderéunirun tribunal.L’embrasementdeshainesrendaitfouslesplusintelligents.

Après1918,lahargnecontrel’AllemagneaffaméeetvaincuemaispotentiellementpuissanteinspiralapolitiqueétrangèredelaFrance,arc-boutéedanslapréservationdesclauseslesmoinsdéfendablesdutraitédeVersailles.

Traité n’est d’ailleurs pas le mot puisque tous les articlesavaientété imposéesauxAllemandssansnégociationpossible.Démissionnant pour protester contre l’intransigeance deClemenceau, l’économiste J.M. Keynes, délégué financier dugouvernementbritannique,atoutrésuméenunephrase:«Cettepaix,quicontientengermeladécadencedetoutelacivilisationeuropéenne,estunedesactionslesplusscandaleusesqu’aitpucommettreuncruelvainqueuraucoursdessièclescivilisés1.»

En exigeant des politiciens deWeimar une signature sansdiscussion, Clemenceau les désignait à l’opinion de leur payscomme des traîtres. On ne peut pas dire que la Républiquefrançaise ait fait des cadeaux à sa petite sœur allemande ! En1923, sous prétexte d’un retard dans les « réparations »,Poincaré fit occuper la Ruhr, ce qui provoqua une résistanceunanime et de sanglantes représailles en retour. Lesconséquences en chaîne plongèrent le pays dans un effroyablechaos.Commedurantladernièreannéedelaguerre,onmourraitdefaimpendantquelestrafiquantss’engraissaient.

Lahautechevaleriedelaguerre

C’est à cette époque qu’Hitler commença son ascension.Pourtant, malgré son émotion légitime de patriote allemand,jamais Ernst Jünger n’émit à cette époque ni par la suite lemoindreaigreurnianimositécontrelaFranceetlesFrançais.Il

est vrai que, dans ces années-là, tous les Français ne cédaientpas aux délires de l’ancienne « revanche ». Jünger citera plustardplusieurs écrivains françaisqu’il lisait,Drieu laRochelle,mais aussi Montherlant. « Je le mets, écrit-il, de même queSaint-Exupéry et Quinton, au petit nombre de cette hautechevaleriequ’aproduitelapremièregrandeguerre1.»

Henry de Montherlant (1896-1972) avait participé à laguerre de 14-18, bien que de façon un peu lointaine. Il avaitcependant été blessé. Il publia ensuite plusieurs ouvrages s’yrapportant indirectement, notamment La Relève du matin(1920). Il deviendra même secrétaire général de l’ossuaire deDouaumont.

AntoinedeSaint-Exupéry(1900-1944)étaittropjeunepouravoirparticipéàlaGrandeGuerre,maisilrejoignitlachevaleriedespilotesdel’Aéropostaleen1926.Rudeexpérienceévoquéedans Courrier Sud, son premier livre, en 1929. Affecté à sademande, malgré son âge, dans une escadrille de combat en1944,ilseratuéenpleinvol,le8septembredelamêmeannée.Son très beau récit Pilote de guerre (1942) a pour sujet lescombats aériens désespérés de 1940. Jünger n’avait pu lire celivreàl’époquedesoncommentaire.

LetroisièmepersonnagecitéparJüngerestàjustetitreRenéQuinton(1865-1925).Cefutuntrèsauthentiquecombattantetun penseur profond. Scientifique de haut niveau, officier deréserve,ilrepritduservicevolontairementen1914,àquarante-huitans,commecapitained’artillerie.Ilterminalaguerreaveclegrade de lieutenant-colonel, huit blessures, sept citations et lacravate de commandeur de la Légion d’honneur. Dans sesMaximes sur la guerre (Grasset, 1930, rééd. Porte-Glaive,1989), vrai traité de stoïcisme guerrier, il idéalise ce que sescompatriotes considéraient comme une horreur. Jünger parlera

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Travailleurneprendrangparmi les«figures»qu’enraisondeson rapport avec la « forme»originelle. Il ne se réalise qu’enexprimantla«forme»,ens’yconformant.Jüngersuggèrequ’ausein du monde des Travailleurs, analogue à la pyramide del’ancienne armée prussienne (un de ses modèles deprédilection),lerangdechacunestdéterminéparsonrapportàla « forme », autrement dit avec le principe vivant du nouvelÉtat.Cequi en est suggéré ressemble à une structuremilitairehiérarchiséepar lemérite (adéquationavec la«forme»)sur lemodeprussiendelalibreobéissance.La«mobilisationtotale»se trouvera ainsi réalisée, qui a pour vocationde « conférer lapuissanceetnond’assurerleprogrès».

Jünger pense à bondroit qu’Hitler et son parti ont falsifiécetteidéeenremplaçantlanotionspiritualiséedel’Étatprussienparcelledelarace.

1.ArticlepubliédansDieStandarte,13septembre1925.2. Journal de guerre et d’Occupation, 1939-1948, traduction d’Henri

Plard,op.cit.,p.477,notationsdu29mars1946.1.LeCœuraventureux (1929), traduction de JulienHervier,Gallimard,

1995.Lescitationsquel’ontrouveiciproviennentd’unetraductionpartielleréalisée par Armin Mohler. Sa forme est légèrement différente de celled’Hervier.SouslemêmetitreLeCœuraven(Suitedelanote1delapage109.)tureux, Jünger a écrit un nouveau texte fort différent en 1938.Cettedeuxièmeversion,quifuttraduiteparHenriThomaspourGallimard (1942), efface le contenu nationaliste, tandis quel’espritnietzschéendelapremièreversionestfortementatténué,sansdisparaîtrecomplètement.

1.ErnstvonSalomon,LeQuestionnaire,p.241.1. Le Travailleur (1932), traduction de Julien Hervier, Christian

Bourgois,1989,p.39.Touteslescitationssontextraitesdecetteédition.1. Alexis de Tocqueville, (1856) ; Yves-Marie Bercé, La Naissance

dramatiquedel’absolutisme,1598-(Suitedelanote1delapage114.)1661(éditionsduSeuil,1992);ArletteJouanna,LeDevoirderévolte. La noblesse française et la gestation de l’Étatmoderne,1559-1661(Fayard,1989);Jean-MarieConstant,LaFolleLibertédesbaroques,1600-1661(Perrin,2007)…

1.Pouruneinterprétationduconceptou«figure»del’Arbeiter,onpeutconsulter la contribution de LouisDupeux,Ernst Jünger, du nationalismeabsoluàlagnosetotalitairedel’Arbeiter,1925-1932,dansle«DossierH»ErnstJünger,op.cit.

1.JulienHervier,introductionauxJournauxdeguerre,I:1914-1918,p.XXXVIII-XXXIX.

CHAPITREVII

MYTHEDELAPRUSSEETMYTHEDELARACE

L’idéeprussiennedel’État,idéehautementspirituelle,apeuen commun avec l’idée purement administrative, individualisteet fonctionnelle de l’État qui prévaut en France depuis LouisXIV.

Qu’est-ce donc que la Prusse ? « La Prusse n’est pas unenation, elle est le visage pur et grave de la vie. »Cette parolepoétique, que l’on croirait surgie de la plume d’Ernst vonSalomon,estd’unécrivainfrançaisquicomprenaitlemystèredelaPrusse,œuvredel’espritautantqueconstructionpolitique1.

Êtrelibreetservir

Parlantdelaprussianité,Spengleraproposéunedéfinitionplus historique : « Dans ce mot se trouve tout ce que nous,Allemands, nous possédons non pas de pensées vagues, dedésirs, d’idées, mais bien plutôt de volonté, de devoir, depouvoirquiontlaforcedudestin.[…]Êtrelibre–etservir:iln’y a rien de plus difficile que ces deux choses-là ; seuls lespeuplesdontl’esprit,dontl’êtresefondesurdetellescapacitéset qui peuvent réellement être libres et servir, ont le droit deprétendreàungranddestin.Servir,c’estlàlestyledelaPrusseancienne […]. Point de “Je” mais un “Nous”, un sentimentcollectif dans lequel chacun engage toute son existence. Le

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CHAPITREVIII

L’EXILINTÉRIEUR

L’écrivainJulienGracqdécouvritparhasardSurlesfalaisesdemarbre,auplusnoirdel’Occupation,àlalibrairiedelagared’Angers 1. Il l’ouvrit dans l’attente d’un train et ne puts’arracheràsalecture.Ceroman,dira-t-il,«estlechef-d’œuvredeJünger».DansLaLittératureàl’estomac,célèbrepamphletde 1950, dirigé contre la commercialisationde la littérature, ilajoutera : « Je donnerais presque toute la littérature des dixdernièresannéespourlelivred’ErnstJüngerSurlesfalaisesdemarbre2.»Plustard,ilécriraencore:«Celivrequivoitlejourà unedes charnières de l’histoire [1939] est un livre qui nousparle de Jünger, et qui nous parle à travers lui de nous et denotre temps […]. Je crois qu’il faut lire Sur les falaises demarbre comme un livre emblématique. De grandes images letraversent, qui ont été, qui sont encore, celles de notre vied’hommesdumilieudusiècle,denosjoiesetdenosdésastres[…]. Ce sont les figures de notre donne : émouvantes outerribles,cesontlesfiguressouslesquellesnotredestinnousaétédistribué1.»

Leguerrierretirédumonde

Cespenséesde JulienGracqcondensentdansune certainemesureleproposdenotreessai.ErnstJüngerestparexcellenceletémoindesfiguressuccessivesdudestineuropéenaucoursdu

plus cruel des siècles.Pourtant,Sur les falaises demarbre neparlequepourunmomentprécisdecedestin.Ceromancodénepeut être isolé de l’époque qui l’a vu naître, et celaindépendammentdetoutjugementartistique.

Dans le texteque l’onvientdeciter, JulienGracq rappellesuccinctement lacarrièrede Jünger, écrivainet soldat.Nous laconnaissonsbiendanssesétapessuccessives.Leslecturessansfin de l’enfance et de l’adolescence, coupées de coursesaventureusesdansunenaturepréservée.L’épreuvefondatricedela Grande Guerre, l’héroïsme insolent du jeune officier destroupes d’assaut, couturé de cicatrices, marqué à jamais parl’ivresse des assauts et l’implacable dureté des tranchées. Lanaissancedel’écrivain,dèslecasquedéposé.Etquelécrivain!Auteurd’aborddelivresdeguerrepuisdelivrespolitiquesquifontdeluilephareintellectueld’unenouvellepenséeradicale,ramassée dans lemanifeste fracassantLe Travailleur. Et voicique,soudain,celuiquel’onimaginaitparfoiscommeunesorted’annonciateurdumouvementvictorieuxde1933sedétournedelamanière laplusabrupteet laplus libre.Auxavancesqui luisont faites, il répondsèchement :« Iln’yapasdeplace,pourmoi, dans une armée oùGoering est général. » Jünger devientune sorte d’émigré de l’intérieur. Il voyage, il médite, puis ilécriten1939sonromanderupture,Surlesfalaisesdemarbre,dontlesensestaussitôtcomprisenAllemagne.

Alorsque lespremiersexemplairessortentde l’imprimerie,une nouvelle guerre éclate. Jünger est mobilisé, maisl’enthousiasme d’autrefois a fait place à la résignation. Lesoccasions offertes de monter au feu seront rares et il ne s’enplaint pas vraiment. Après la campagne de France, ayantordonnéà seshommesde toujours respecter lesvaincus, il estnomméàl’état-majordesforcesd’occupation.Hormisquelquespermissions et trois mois de mission au Caucase, il passe le

restantde laguerreàParis,nouantdes relationsamicalesavectout ce que la capitale française compte de talents. Mêléindirectementaucomplotdu20juillet1944,iléchappeausortdetantd’autresofficiers.Durantunelongueviequivaconnaîtred’autres développementsmoins dramatiques, il a traversé ainsimaints périls mortels, bénéficiant d’un étrange privilèged’invulnérabilité.

Résumant cette vie avec ses propres mots, Julien GracqcompareJüngerà«cesguerriersmoyenâgeuxquisuspendaientunjourleurépéeauxmursd’uncloître».L’imageestbelle,maislalongueexistencedel’écrivainestscandéedeplusderythmesque cette seule alternance. Il est vrai que Sur les falaises demarbre marque une rupture tranchée au milieu de cette vie,révélatricedel’immensefracturequifrapperabientôtl’espritetledestindesEuropéens.Nousnous réservonsd’y revenirplusloin1.

Cetterupturedanslavieetl’œuvredeJüngercomporteplusd’une énigme. Le guerrier tenté par les rêves d’une brutalerévolution se retire soudain du monde, mué en ermitehumanitaire et pacifiste, herborisant sur les hauteurs desFalaisesdemarbre.Cesontdesinattendusquiincitentlemoinscurieuxdesspectateursàseposerdesquestions.

LaNuitdeslongscouteaux

Pour tenter de comprendre cettemutation, il est nécessairede faire retour sur les années qui ont suivi la publication duTravailleur, l’arrivée au pouvoir d’Hitler, le 30 janvier 1933,puislespleinspouvoirspourquatreansqu’accordeleReichstagle23marssuivantpar441voixcontre94,àl’occasiondecequel’onaqualifiédecoupd’Étatlégal.

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été exclu de l’université sans pension, dépendant de quelquesamispoursurvivre.Plongédansunenoireamertume, il lanceradanssonpropreJournal(Glossarium)desattaquesvenimeusescontresonamiJünger,luireprochantsonapparentdétachementetsonprogressifretourengrâce.

GottfriedBennetMartinHeidegger

Un autre exemple d’illusion est offert par le médecin etpoète expressionniste Gottfried Benn (1886-1956), l’un destroisgrandsintellectuelsallemands,avecCarlSchmittetMartinHeidegger, à s’être un temps compromis avec le IIIe Reich.Cependant,à ladifférencedesdeuxautres, iln’a jamaiseuderelations personnelles avec Jünger, qu’il a même longtempsignoré.Illerangeaittoutauplusdanslacatégoriedesmilitairesqui écrivent des livres.Nommé par les nazis vice-président del’éphémèreUniondesécrivainsnationaux,ilseraévincédecettefonction,àlafinde1934,pourdéviationidéologique,sevoyantalors contraint de se replier sur ses fonctions de médecinmilitaireetsesméditationssolitaires.

Beaucoup plus célèbre que le cas de Benn est celui deMartinHeidegger,plusricheaussidesignification.Àl’automne1932, celui qui deviendra le plus influent philosophe de sontemps enseigne à l’université de Fribourg-en-Brisgau. Il estabsorbépar ses travauxconsacrés à lapenséedeParménideetd’Anaximandre. Autant dire qu’il est loin de toute politique.Néanmoins, audirede sondisciple, l’historienErnstNolte, lephilosophe était « un “socialiste national” au sens littéral duterme, c’est-à-dire qu’il entendait susciter en Allemagne uneréconciliation des classes, en même temps qu’il respectait lesautrespeuples1».Ilappartenait«à la tendancevölkischquia

effectué la première critique contreHitler, de l’intérieurmêmedunational-socialisme».Aprèsuncongé,ilrentreàFribourgàlami-mars 1933. Hitler est chancelier depuis six semaines. Àpartir de ce moment, l’Allemagne entre dans un processusrévolutionnaireimpliquantdesactesdeviolence,maisaussidesespoirsconfortéspardesdécisionsjugéesfavorablementparlesAllemands,notamment lesplus jeunes.SimoneWeil l’anoté :« Seules les générations d’avant-guerre restent attachées aurégime [de Weimar] ; toute la jeunesse est animée depuis lacrise,quil’aprivéedetoutespoir,d’unehaineviolentecontrelecapitalisme, d’une ardente aspiration vers un régime socialiste2.»C’estcequesembleincarnerHitleretcelanedéplaîtpasauprofesseurHeidegger.

Le«Mai68»national-socialiste

L’Universitéallemandenerestepasàl’écartdumouvementgénéral. À Fribourg, les étudiants nationaux-socialistes sontnombreux. Ils exigent de participer au gouvernement del’université.Lesprofesseurslesplusconservateurss’yopposent,voyantdanscette revendicationune formede«bolchevisme».Onparleraitaujourd’huid’esprit«Mai68».LerecteurWilhelmvon Möllendorff, élu par ses pairs au mois de décembreprécédent, est récusé par les étudiants qui incarnent le coursnouveau. Devant une situation bloquée, les professeurs setournentversHeidegger,qu’apprécientlesétudiants.Lerecteuren titre réunit lui-mêmeunesessionextraordinairedusénatdel’université, donne sa démission et propose la candidature deHeidegger,quiestélule21avril1933àl’unanimitémoinsdeuxabstentions.

Le philosophe n’est pas un conservateur. Il est sensible au

thèmede lamise en harmonie de tous ceux qui participent autravail allemand, qu’ils soient ouvriers, étudiants,fonctionnaires,cadreséconomiquesouprofesseursd’université.C’estunthèmequ’ildévelopperalui-mêmedevantlesétudiants,le 25 novembre 1933 (« L’étudiant allemand comme travail-leur»),puisdevantlesouvriersdeFribourg,le22janvier1934,deux discours qui témoignent pour l’esprit de l’époque 1. Iladhère lui-même au Parti le 3mai 1933.Une décision qui luiseravertement reprochée,ons’endoute,après1945.Adhésiondonnée,semble-t-il,dans l’espoird’exerceruneactionpositivesur le cours des événements au sein de l’université, sans selaisserdéborderpar lesétudiants lesplusexcitésauxquels iladéjà refusécatégoriquement l’affichagedeplacardsantisémitesdans les locauxuniversitaires,ainsique lesautodafésde livresrépudiés.

TouslestextesetdiscoursqueHeideggerrédigeàl’époqueprouventsesillusions.Celles-cisontcommunesàlaplupartdesAllemands, parmi lesmeilleurs.On le verra lors duplébis-citedu12novembre1933,quandlepasteurNiemöller,lephysicienMax Planck, le poète Gerhart Hauptmann, la plupart desévêques et l’Uniondes citoyens allemandsde confession juiveappellentàvoterenfaveurduFührer.Choixquefaitégalementàl’époque le jeune Claus von Stauffenberg, futur auteur del’attentatdu20juillet1944.

S’étant heurté tout à la fois à certains de ses collèguesconservateurs, mais aussi au ministre qui entend peserpolitiquement sur ses décisions,Heidegger remet sa démissionde recteur en février 1934. Pour bien marquer sa rupture, ilrefusera même, deux mois plus tard, de prendre part auxcérémoniesofficiellesdepassationdespouvoirs1.

Revenant après la guerre sur cette période, Heidegger dira

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campsadverses.J’aisouventeulesentiment,lorsdecrises,quede tels esprits continuaient à y prendre part – qu’ilssuspendissent discrètement des poursuites en cours, qu’ilsfissentdisparaîtreundossier,ouqu’ilseussentunavionprêtàdécoller,lemomentvenu.»Parmiceux-là,onpeutciterWernerBestouWolframSieversdéjàévoqués,maisaussiRudolfDiels1.Cedernierconteraplustardàl’écrivainlescirconstancesquiavaient entraîné une perquisition fortuite à son domicile duquartierberlinoisdeStieglitz,àlafinde1933.

Sur dénonciation d’un voisin, nous en avons déjà parlé,deux policiers municipaux étaient venus perquisitionner à larecherche d’armes… Travail de routine dans une époquetroublée,oùlesdénonciationssemultipliaient.

Cette petite alerte eut une double conséquence. Jüngercommençaparjeteràlapoubelleunegrandequantitédepapiers,et parmi eux des lettres et des journaux intimes remontant à1919, perdus donc à tout jamais. Ensuite, noterat-ilultérieurementdanssonJournal(24août1945):«L’incidentdeStieglitzme fit considérerBerlincommeunsoldéfavorable. Ilm’amena à quitter une maison déjà repérée et à m’installer àGoslar.»

Goslar est une petite ville dumassifmontagneux duHarz.Jünger y séjournera avec les siens à partir de décembre 1933,jusqu’à un nouveau déménagement, trois ans plus tard (9décembre 1936), pour Uberlingen, en bordure du lac deConstance. Ce ne sera qu’une longue halte avant un nouveaudépart,le1eravril1939,pourl’ancienpresbytèredeKirchhorst,près de Hanovre, où il résidera avec sa famille jusqu’au 1erdécembre1948.

LagrandeœuvreduJournal

Mobilisé dans la Wehrmacht, le 26 août 1939, avec sonanciengradedelieutenant,cequiprovoquechezluiunsourireamer,Jüngerestaussitôtpromuaugradedecapitaine,dontilnesortira plus. Il rejoint la garnison de Celle. Depuis plusieursmois, l’écrivainaentreprisderédigerunvéritablejournal,datécette fois. Il y note des faits, parfois infimes, qui suscitentsouventdelongscommentairessibyllins.Aumoinsépargnera-t-il à ses futurs lecteurs les détails concernant les embarrasgastriquesou lesperformances amoureusesqui encombrent lesjournauxetsouvenirsdesesconfrèresmoinspudiques.RiendeteleneffetchezJünger,endépitdelatour-nureintimistedesapensée.Ilse limitestrictementà l’expressiondessentimentsetméditations.

Ce Journal qu’il a commencé de rédiger le 3 avril 1939,alorsmême qu’il entreprenait l’écriture de Sur les falaises demarbre1,Jüngernecesseraplusdeletenirjusqu’àlafindesavie, hormis des interruptions parfois prolongées, notammentdurant les périodes consacrées à de nouveaux livres 2. Tenuduranttoutelaguerre,ceJournalserasagrandeœuvre,capablederivaliseraveclesouvragesdejeunesse,celleoùilrévéleralemeilleurdeson talentd’écrivain.DèsOragesd’acier, sortedejournalnondaté,ilavaitdéjàaffirméd’exceptionnellesqualitésde diariste. Il avait aussi montré cette dispositionsismographiquesurlaquellenousavonsinsisté.Onverracelle-cià l’œuvre au cours de la dizaine d’années exceptionnellementdramatiques qui s’échelonnent du 3 avril 1939 au 2 décembre1948, date à laquelle s’achève le deuxième ensemble deJournaux ayant pour cœur la Seconde Guerremondiale et sessuitesimmédiates3.

Dans la crainte de réactions policières, les Journauxdesannéesdeguerreserontsoumisàdesprécautions.Certainsnoms

propres seront cryptés.Celuid’HitlerdevientKniébolo, ce quin’auraitd’ailleurstrompépersonne.

D’emblée,JüngeraconçusonJournalavecl’intentiondelepublier.Larédactiontrèsélaboréeadoncétéattentivementrevueavantsapublication–soucislittérairesobligent.Cependant,àladifférencedesécritsdejeunesse,l’auteurneprocèderaplusqu’àderaresremaniementsàl’occasiondenouvelleséditions.

La lecture des Journaux offre une riche matière sur lesannéesdeguerredeJünger,aumoinssurlesréactionsetpenséessuscitées par les événements, les rencontres, les lectures, oucertainsfaitsmineursdelaviequotidienne1.

Lecouragedanslaguerrecivile

L’écrivain est depuis peu sous l’uniforme quand sortd’imprimerie,enAllemagne,àlafindeseptembre1939,Surlesfalaisesdemarbre.Ennovembre, ilestmutéau287e régimentd’infanterie à Belsen, et il reçoit le commandement de la 2ecompagnie.IlaccompagnebientôtsonunitéquiestaffectéeàladéfensedelaligneSiegfriedfaceauxpositionsfrançaises.Ainsicommence pour lui la « drôle de guerre », dont la routine estcoupéedequelquesescarmouchesettirsdemitrailleuse2.

Dans une lettre à un ami, le 24 mars 1940, on relève cesimpressions:«Jesuisiciàlatêted’unecompagniecommeilyavingtans,etcetteactivitéestcellequejepréfère,carc’estlaplus contemplativeque l’onpuisse exercer au seinde l’armée.[…] C’est encore là où l’on se bat que l’on peut espérerrencontrerlemoinspossibledecesindividusdontlecontactestrépugnant. J’ai déjà supprimé le mot “allemand” de tous mesouvrages,pournepasavoiràlepartageraveceux1.»

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pouvoir. Président du Reichstag en 1932, premier ministre de Prusse en1933,enfinministrede l’Air, ildevient l’undes troispremierspersonnagesdu régime, déployant un faste ostentatoire. Capturé par les Américains en1945, traduit devant le tribunal de Nuremberg, il se montrera le pluscourageux et le plus offensif des accusés. Condamné à la pendaison, iléchappeaubourreauen sedonnant lui-même lamortdans sacellule le15octobre1946.

1.ErnstJünger,Journaldeguerreetd’Occupation,1939-1948,p.480-481.

1.NotammentdanssonJournal,àladatedu8mai1945.1. Julien Hervier (Deux individus contre l’histoire, op. cit.) explique

l’origine dumot «maurétanien », issue d’unpersonnagedesMille etUnenuits,l’unedesplusancienneslecturesdeJünger.

1.LettredeFriedrichHielscheràErnst Jüngerendatedu18novembre1985, publiée dans la correspondance Jünger-Hielscher (1927-1985), Klett-Cotta,2005.CitéeparJulienHervier,Journauxdeguerre.II:1939-1948,p.XXV, n. 2.Après la guerre,WolframSievers fut emprisonné, condamné àmortetpenduen1947,pardécisiondutribunaldeNuremberg.Voirdanslemême volume de la Pléiade la notice biographique consacrée à FriedrichHielscher,p.1301.

2.PierreBitoun,LesHommesd’Uriage,LaDécouverte,1988,p.116.3. Dominique Venner, Histoire critique de la Résistance, Pygmalion,

1995,rééd.2002,p.168.1.RudolfDiels (1900-1957). Jeuneetbrillant fonctionnairede lapolice

dePrusse à la fin de la république deWeimar, il avait organisé un servicepolitiqueàlademandeduministresocialisteCarlSevering.QuandGoeringdevintministredel’IntérieurdePrusseen1933,ilchargeaDielsd’organiserle servicequideviendra laGestapo (GeheimStaatspolizei : police secrèted’État),qu’ildirigeajusqu’enavril1934.

1.Toutd’abordintituléLaReinedesserpents.2. La date du 3 avril 1939 est celle de la version définitive, dans la

traductionrevueparJulienHervierpourlesJournauxdeguerre,II:1939-1948,p.17.Dans l’éditionpubliéeparJulliarden1965(traductiond’HenriPlard),leJournaldeguerreetd’Occupationcommençaitle25avril1939.

3. Jünger donnera plus tard le titre collectif de Rayonnements(Strahlungen) aux livres médians des journaux de la Seconde Guerremondiale, à l’exclusion de Jardins et routes, publié en 1942, et de LaCabane dans la vigne, qui paraîtra en 1958. Ultérieurement, il engloberaégalementcesvolumessousletitrecollectifdeRayonnementsquifinirapar

regrouper l’ensemble des Journaux, incluant Soixante-dix s’efface. SelonJulienHervier,lemot«rayonnements»serapporte,dansl’espritdeJünger,àlanotionderadiation.

1.PourunechronologiedétailléedelaviedeJüngerdurantlesannéesdeguerre,onsereporteraàl’appareilcritiqueréaliséparJulienHervierpourlevolumeIIdelaPléiade.

2. Jünger recevra la Croix de fer de 2e classe pour avoir sauvé uncamarade,blesséparlefeuadverse.

1.CitéparJulienHervier,op.cit.,p.XXXIX.1. Hans Speidel (1897-1984). Engagé en 1914, il participe à tous les

combatsdelaguerre.MaintenudanslaReichswehr,ilreprendparallèlementdes études d’histoire et d’économie, et soutient une thèse de doctorat delettres en 1925. Nommé en 1930 à l’état-major général, il est adjoint àl’attachémilitaireenFrance,chargédurenseignement,de1933à1935.Aprèslacampagnede1940,ilestnomméenaoûtchefd’état-majordugénéralOttovon Stülpnagel, commandant en chef des forces allemandes en France. Àpartirdemars1942,ilestchefd’état-majordedifférentesgrandesunitéssurle front de l’Est. Nommé général en mars 1943, il devient à partir d’avril1944lechefd’état-majordugrouped’arméesB,souslesordresdumaréchalRommel.Assurantl’intérimdecedernierdanslanuitdu6juin1944,iln’apas jugé utile d’alerter les forces allemandes en dépit des renseignementstransmispar lecolonelHelmuthMeyer.Compromisdans lecomplotdu20juillet1944,ayantdesurcroîtcontrevenuàl’ordred’HitlerdedétruireParis,ilestarrêtéle7septembre.Sauvéparunecourd’honneurmilitaire,ilsubiraensuitelesortdesprisonniersdeguerrejusqu’en1949.Aprèssalibération,ildeviendra le conseiller militaire du chancelier Adenauer, participant à lacréationde laBudenswehr et à la réhabilitationdes arméesallemandes.De1957à1963,ilcommandelesforcesterrestresdusecteurCentre-Europedel’OTANetprendsaretraiteen1964.

1. Sur Sophie Ravoux (1906-2001) et son mari, ainsi que sur lejournalisteallemandantinaziJosephBreitbach(1903-1980),amicommunducoupleetdeJünger,onconsulteralerépertoirebiographiqueétabliparJulienHervier pour la Pléiade, volume II. JosephBreitbach, proche ami d’AndréGide, très introduit à la NRF, a joué avant la guerre un rôle de passeurimportantentrelittératureallemandeetlittératurefrançaise.

1. Sur le rayonnement intact de Paris durant l’Occupation, nousrenvoyonsàHistoiredelaCollaboration,Pygmalion,2002.

2.PaulLéautaud,Journal littéraire,Mercure de France, tomeXV, à la

datedu22novembre1943.1. En 1978, Jünger publiera chez son éditeur,Klett-Cotta, la traduction

qu’il a faite du livre de son ami Léautaud, In Memoriam, suivie d’unepostface,avecunedédicaceàFlorenceGould.

2. Banine (1905-1992), diminutif de Umm-el-Banine Assadoulaeff, estnée à Bakou, en Azerbaïdjan, dans une riche famille chiite très cultivée.ÉmigréeenFranceaprès la révolutionde1917etmaintesautrespéripéties,elle vivra ensuite à Paris, au sein dumilieu littéraire. Elle a écrit plusieurslivressurJünger.LepluscompletestErnstJüngerauxfacesmultiples,op.cit.

1. Alain de Benoist, « Céline et l’Allemagne, 1933-1945 »,Le Bulletincélinien,1997,etnotreHistoiredelaCollaboration,op.cit.,p.207-216.

1.Onaprétenduque cemanifeste avait été lu et approuvépar le feld-maréchalRommel,mais rienne le prouve.L’ancien chef de l’Afrikakorps,commandantdugrouped’arméesBfaceaudébarquementdel’été1944,étaitétranger au complot du 20 juillet et l’aurait sans aucun doute condamné.Dans laconfusionde l’époque, c’estunmalentendu tragiquequi a conduitHitleràexiger le suicide secretdugrandsoldat, le14octobre1944.Surcepoint,onpeutconsulterBenoîtLemay,ErwinRommel,Perrin,2009.

1. Armand Petitjean (1909-2003). Normalien, collaborateur de la NRFavant 1940, ami de JeanPaulhan, gravement blessé en juin 1940, il rejointensuite le secrétariat à la Jeunesse deVichy auquel il tente de donner uneorientationvirile.IlserapprochedelaRésistanceàlafinde1943ets’engageensuite dans les tabors marocains (1re armée), malgré sa main mutilée. Ilparticipeauxcombats jusqu’à lacapitulationallemandeet se tientensuiteàl’écartde touteactivitépolitique.En1941, ilavaitpubliéà laNRFunessaivaguement fascisant,Combats préliminaires. Pour plus d’informations, onpourrasereporterànotreHistoiredelaCollaboration,op.cit.

2.JulienHervier,EntretiensavecErnstJünger,Gallimard,«Arcades»,1986,p.59et157.

3.PierreBoutang,LesAbeillesdeDelphes,LaTableRonde,1952,rééd.LesSyrtes,1999.

1.ErnstJünger,LaPaix,LaTableRonde,éditionde1971,p.77.1.Ausujetdecetteconjuration,onpourrase reporterà l’étudepubliée

dansleno40deLaNouvelleRevued’Histoire,mars-avril20091.ErnstJünger,SecondJournalparisien,22juillet1944.1.FeuilletsdeKirchhorst(LaMaisondanslavigne),13janvier1945.2.Jüngeraeuunsecondfils,Alexandre,dontilévoquelacrânerieface

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l’épousedeJünger,Gretha,ironiseraavecunevivacitémordante.« Elle trouvait, écrira l’écrivain quelque peu dépité, qu’onressentait une impressiondemalaise àvivre sous lemême toitqu’unhommecapabled’élucubrercegenredetexte.2»

L’espritquicoloreencoreHéliopolissedéchirerapeuaprèsavec la publication allemande, en octobre 1951, du Traité durebelle (Der Waldgang). Une nouvelle fois, l’époque avaitchangé.

LeTraitédurebelle

En 1951, six ans se sont écoulés depuis l’écrasement del’Allemagne. Six années de transformations des mentalités,surtout à l’Ouest, marquées par la guerre froide que leshistoriens font commencer en 1948. Le conflit mondial etl’opprobre pesant sur l’Allemagne ne sont pas oubliés, maispendant un temps, leur souvenir sera estompépar le sentimentprégnantdelamenacevenuedel’Est.C’estuneréalitéoubliéedont porte témoignage l’actualité de l’époque. En France, lescraintesprécisesd’invasionetdemassacressont trèsprésentespar exemple dans les propos de table du général de Gaulle,éloignédupouvoir,maisobservateurpassionnédel’actualitédumoment1.

L’essai que publie Jünger sous le titreDerWaldgang (LeTraitédurebelle)reflètedenouvellesvibrations2.L’ouvrageesten rupture complète avec la philosophie contemplative de SurlesfalaisesdemarbreetaveclemoralismedouçâtredeLaPaix.Le comportement des puissances victorieuses de 1945 acontribué à dissiper certaines représentations que la périodeprécédenteavaitsemées:«Nousnesommespasimpliquésdans

notre seule débâcle nationale, écrit maintenant Jünger. Noussommes entraînés dans une catastrophe universelle, où l’on nepeutguèredirequelsserontlesvraisvainqueursetquelsserontlesvaincus.»

Faisant retour sur lepassé récent sous l’éclairagedudébutdes années cinquante, celles qui voient se confirmerl’asservissement de tous les peuples d’Europe orientale et desAllemandsde l’Est, l’écrivainprendde lahauteurpourdécrirel’oppression du communisme sans la nommer : « L’inexorableencerclement de l’homme a été préparé de longue date par lesthéoriesquivisentàdonnerdumondeuneexplication logiqueet sans faille, et qui progressent au même pas que ledéveloppementdelatechnique.Onsoumetd’abordl’adversaireà un investissement rationnel, puis à un investissement social,auquel succède, l’heure venue, son extermination. Nul destinn’estplusdésespérantqued’êtreentraînédanscettesuitefatale,où le droit se change en arme. » Cette description vaut bienentendupourd’autressystèmes,ycomprisceuxquiprétendentaumonopoledelaliberté:«Iln’yapasdegrandsmotsnidenoblepenséeaunomdesquelslesangn’aitdéjàcoulé.»

Le titre allemand du nouvel essai,DerWaldgang, n’ayantpasd’équivalentenfrançais,aété traduitparHenriPlardpourl’éditionfrançaisepar«rebelle».LemotWaldgängeremprunteson nom à une antique coutume scandinave médiévale. Leshorsla-loi coupables demeurtre pouvaient être tués légalementpartousceuxquilesrencontraient.Maisleproscritavaitaussile droit du « recours aux forêts » pour s’y réfugier et y vivrelibrement à ses risques et périls. Le terme de « maquisard »auraitpuêtrechoisi,maiscommeilserapportaitàuneépoqueetunesituationhistoriqueprécises, iln’apasétéretenupar letraducteur.Eneffet, le« rebelle»queveutcerner Jüngerdanssonessain’estpasunpersonnagehistorisé,mêmesilecontexte

qui l’a fait naître est historique. Le souvenir de la Résistancependant la Seconde Guerre mondiale l’a influencé ainsi quel’actualité desmenaces soviétiques dans la période dangereusede la guerre froide. Un Allemand, même aussi éloigné desquestions quotidiennes que l’était Jünger, n’a pu ignorer letraumatismecauséparleblocusdeBerlin,quiaisolélesecteur«occidental»dejuin1948àmai1949,dansl’intentiondefairetomberlatotalitédel’anciennecapitaleauxmainsdeStaline.

Lalibertédubraconnier

L’invocation aux forêts comme refuge pour la liberté peutsemblersurprenantechezunauteurqui,dansSurlesfalaisesdemarbre, enavait fait aucontraire le lieude tous lesmaléfices.Mais cette nouvelle approche est conforme à une séculairetraditioneuropéennequiatoujoursvudanslaforêtlelieumêmeduressourcement.Unetelleinterprétationestomniprésentedansle cycle arthurien comme dans maintes légendes celtiques ougermaniquesqueconnaissaitJünger.Elleestégalementprésentedanslessouvenirsd’enfanceetl’imaginairedel’écrivain.C’estla signification donnée à la forêt dansSur les falaises, et nonl’inverse,quiconstitueunebizarrerie.

Le 19 février 1947, alors que la famille vivait encore àKirchhorst, le Journal de guerre rapporte un souvenirparticulièrement joyeux qui tranche avec les considérationsplutôtsombresdelapériode.Etlecadredecesouvenirestceluidelaforêtdécritecommeunrefuge.

« Je me rends dans la forêt, tintant de givre, se souvientJünger.En revenant, je rencontre le jeuneHausteindevant sonatelier,ilmefaitgaiementsigned’entrer.»LejeuneHausteinestpour moitié paysan et pour moitié forestier. On va découvrir

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saisaussidestrésorsd’énergiemasqués,m’incitentàpenserquel’Europe, en tant que communauté millénaire de peuples, decultureetdecivilisation,n’estpasmorte,bienqu’elleaitsemblése suicider. Blessée au cœur entre 1914 et 1945 par lesdévastations d’une nouvelle guerre de TrenteAns, puis par sasoumission aux utopies et systèmes des vainqueurs, elle estentréeendormition.

Biendesfois,danssesécrits,Jüngerafaitallusionaudestincomme à une évidence se passant d’explication, ainsi qued’autresinvoquentAllah,Dieu,laProvidenceoul’Histoire.Cemot, que nous écrivons en français, avec ou sans majuscule,selonlecas,aplusieurssignifications.Quandunroman-cierditde son personnage que « sa mort lui a donné un destin », ilentendquelescirconstancesdecettemortontdonnéunsens àla vie de son personnage, conférant à celui-ci une forme, unestature.Maisquandunautreromancierditqueledestindesonpersonnage était de finir comme une épave ou un héros, ilentenddestincommesynonymedesortoude fortune, ausensantique. De façon analogue, on parlera de la destinée d’unpeupleoud’unecivilisation,autrementditsonexistenceousonavenir historique. Nous gravissons un échelon supérieurlorsque,dansl’Iliade,HomèreditquelesdieuxeuxmêmessontsoumisauDestin, cette fois avec unemajuscule.L’épisode estcontéauchantXXIIlorsqu’ils’agitdetrancherdusortd’Hectorface au glaive d’Achille. Le Destin figure ici les forcesmystérieuses qui s’imposent aux hommes et même aux dieux,sansquelaraisonhumainepuisselesexpliquer.Cen’estpaslaProvidence des chrétiens, puisque celle-ci résulte d’un plandivinqui se veut intelligible, aumoinspour l’Église.C’est enrevanche un autre nom pour la fatalité. Pour répondre à cettedernière,lesstoïcienset,defaçondifférente,Nietzsche,parlentd’amor fati, l’amour du destin, l’approbation de ce qui est,

parce qu’on n’a pas le choix, rien d’autre en dehors du réel.Approbation contestée par toute une part de la traditioneuropéennequi,depuisl’Iliade,amagnifiélerefusdelafatalité.CitonslefragmentduchantXXIIquisuitladécisiondesdieux.Poursuivi par Achille, Hector se sent soudain abandonné :«Hélas!Pointdedoute,lesdieuxm’appellentàlamort[…].Etvoici maintenant le Destin qui me tient. Eh bien ! Non, jen’entendspasmourir sans lutteni sansgloire […]. Ildit, et iltire le glaive aigu pendu à son flanc, le glaive grand et fort ;puis,se ramassant, ilprendsonélan tel l’aigledehautvolquis’envaverslaplaine[…].Tels’élanceHector.»L’essentielestdit. Hector est l’incarnation du courage tragique, d’uneinsurrection contre l’arrêt du Destin qu’il sait pourtantinexorable.Tout est perdu,mais aumoins peut-il combattre et«mourirenbeauté».

LeNœudgordien:l’Europeetl’Asie

Si l’on regarde le tempsécoulé, si l’onsongeaussiàceluiquiviendra,ErnstJüngeroffreànosyeuxlesperspectivesd’unautredestineuropéen.Unedestinéedifférenteentoutechosedece que nous montre le moment où j’écris. Alors que nouscheminonsàtâtonsversl’aubeindistincted’unréveilfutur,cethommese tientdevantnouscommelafigured’uneautrefaçond’être.LesEuropéensdel’avenirpourrontprendreappuisurcequ’a été sa vie et son itinéraire spirituel pour retrouver leurvisage aujourd’hui défiguré. Dans beaucoup de ses écrits,commeauburin sur l’acierpur, Jünger agravé les traitsd’unepermanenceeuropéenneetd’undestin laissantpeudeplaceaudouteetaudésarroi.

Jamaisiln’afaitcetravaild’élucidationavecplusdeclarté

quedansLeNœudgordien,ouvragepubliéinitialementen19531.Cetessaiétaitvisiblementinfluencéparl’époque.Les16,17et 18 juin de cette année-là, le peuple ouvrier de la zonesoviétiquedeBerlins’étaitrévoltéàmainsnuescontrelescharsde l’Armée rouge, bientôt imité par toute la population de lapartie de l’Allemagne soumise au pouvoir soviétique. Lesoulèvement fut brisé par les armes, et la répression futsanglante. Jünger n’y fait aucune allusion dans son livre, quis’affiche comme une réflexion intemporelle sur l’espriteuropéen.Néanmoins,enfiligrane,l’âpretéduconflitEst-Ouestde l’époqueest sensible, comme le sont les souvenirs sombresdel’époquehitlérienne,évoquésavecdistance.

Lecontrasteentre l’Estet l’Ouest, l’Europeet l’Asie, telleest lamatièrequinourrit la réflexiondeJüngerdansson livre.Celaestaffirmédèslapremièrepage,danslestyleparticulierdel’écrivain. Notre mémoire ou notre regard, écrit-il, sont ainsifaitsqu’ilsretiennentsurtout l’éclatdesguerresetdesarmesàtravers le temps. Marathon et Salamine, armées, phalanges,cohortes d’éléphants, assauts de croisés et de sarra-sins,bataillesnavales,groupesdeblindés,débâclesdans laglaceetles déserts, saccages de villes aux temps de DémétriusPoliorcète, de Titus, de Tamerlan, comme aux nôtres :« Celas’empreintdanslamémoire.»

Maiscen’estlàquelecadredelaréflexiondansl’espaceetletemps.LeproposdeJüngerestd’uneautreambition.Commel’annonce le titre de son essai, il s’appuie sur le souvenir dunœudgordientranchéparAlexandred’uncoupd’épéeà l’oréedesaconquêtedel’Asie.Selonlalégende,l’empiresurl’Orientétait promis à celui qui saurait dénouer ce nœud compliqué,noué au timon du char de Gordius, roi de Phrygie. Commentfaut-ilinterpréterlecoupd’épéed’Alexandre?Danslaréponse

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UnautrematérialismehistoriqueHeideggeretlenihilismeduTravailleurUnmanifestedu«réalismehéroïque»LepartidelaPrussecontreceluid’HitlerUneréservetoujoursplusdistante

VIII.L’exilintérieurLeguerrierretirédumondeLaNuitdeslongscouteauxL’oppositionprussienneàHitlerGünterGrassetleséclipsesdelamémoireQuandlesAllemandsvotaientHitlerOswaldSpenglerprendsesdistancesLacrainted’unenouvelleguerremondialeCarlSchmitt,l’improbableamideJüngerGottfriedBennetMartinHeideggerLe«Mai68»national-socialiste

IX.L’adieuauxarmesUnesécessiond’avecsoiIncompatibilitéhumaine«J’avaissous-estimélesdonsdecethomme»SurlesfalaisesdemarbreLacondamnationdes«maurétaniens»«OnlaisseJüngertranquille»Desprotectionsinattendues

LagrandeœuvreduJournalLecouragedanslaguerrecivileSéjoursparisiensDanslesalondeFlorenceGouldL’affaireCéline-MerlineLesrêvesidylliquesdeLaPaixPlatitudeshumanitairesDubourgogneetdesfraisesLamortdufilsbien-aimé

X.Durebelleàl’anarqueMachiavelouCorneilleL’opposantl’emportesurlepatrioteL’arrivéedesAméricainsCatastrophesetsouffrancesDevantdesmalheursimmensesDessuicidesparmilliersJüngerestinterditd’éditionLeTraitédurebelleLalibertédubraconnierD’autresrecoursquedesécolesdeyogaTentationsthéologiquesLacohérencedel’œuvreDurebelleàl’anarque

Épilogue.Unautredestineuropéen

LecouragetragiqueetleDestinLeNœudgordien:l’Europeetl’AsiePrincipesolairecontreprincipechthonienHérodoteetl’identitégrecqueLibertéetarbitraireL’Iliadeetl’espritdechevalerieL’artdeschasseursdespremiersâgesViserplushautquelebutUneéthiquedelatenue

N°d’édition:5461ÉditionsduRocher

28,rueduComte-Félix-GastaldiMonaco