7
Biochimie, 68 (1986) 779-785 © Socift6 de Chimie biologique/Elsevier, Paris 779 Esp ces activ6es radicalaires de l'oxyg ne Christiane FERRADINI Laboratoire de Chbnie Physique, Universitd Rend-Descartes, 45 rue des Sahlts-Pbres, 1:-75270 Paris Cedex 06, France (Recu le 18-2-1986, acceptd aprbs revision le 19-3-1986) R6sum6 - Les esp~ces radicalaires provenant de la r6duction de l'oxyg~ne sont fr6quemment form6es lors des r6actions de photosensibilisation. Les propri6t6s thermodynamiques et cin&iques de l'anion super- oxyde et du radical hydroxyle sont ici bri6vement rappel6es. radicaux libres / radical superoxyde / radical hydroxyle Summary - Oxygen free radicals. Oxygen free radicals are often formed during photosensitization pro- cesses. Kinetic and thermodynamical characteristics are briefly described for OH and 0=2 radicals. oxygen free radicals I superoxide ion I hydroxyl radical Les r6actions de photosensibilisation impliquent fr6quemment la formation de radicaux libres d&ivant de l'oxyg~ne. On salt que le processus ini- tialement invoqu6 lors des r6actions de photosen- sibilisation dites de type Iest un 6change mono61ectronique. Cet &hange conduit fi la for- mation, h partir du substrat, de radicaux libres selon par exemple: 3S+RH --* SH" +R" ou bien: 3S + RH --, S .+ + R H - ou encore: 3S+RH ~ S7 +RH .+ 3S symbolisant l'6tat triplet du photosensibilisa- teur, RH le substrat. Un rapide r66quilibrage acido-basique peut 6ven- tuellement se produire ensuite, ce qui ne modifie pas la nature radicalaire des esp&es en jeu. D'autre part, le ph6nom~ne de photoionisation peut conduire, ~t partir du sensibilisateur, h l'6jec- tion d'61ectrons. Apr6s thermalisation, ces 61ectrons se solvatent et se transforment en 61ectrons hydra- tfs e~q. Les esp&es radicalaires pr&6dentes r6agissent leur tour sur l'oxyg~ne atmosph&ique et donnent naissance ~ des peroxyradicaux RO~ et h l'anion superoxyde O~ : R" + O z ~ RO~ RH-+O 2 ~ RH+O~ RH.++O2 .-. RO~+H + e~q+O2 --,O~ L'6volution ult6rieure conduit/~(aux) forme(s) oxy- d6e(s) stable(s) du substrat RH. Cette ~volution peut impliquer transitoiremen~ l'existence du radi- cal OH', comme nous le verrons. Pour les processus de photosensibilisation dits de type II, l'acte initial est un transfert d'6nergie d'excitation: 3S+302 --, IO2+1S

Espèces activées radicalaires de l'oxygène

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

Biochimie, 68 (1986) 779-785 © Socift6 de Chimie biologique/Elsevier, Paris

779

Esp ces activ6es radicalaires de l'oxyg ne

Christiane FERRADINI

Laboratoire de Chbnie Physique, Universitd Rend-Descartes, 45 rue des Sahlts-Pbres, 1:-75270 Paris Cedex 06, France

(Recu le 18-2-1986, acceptd aprbs revision le 19-3-1986)

R6sum6 - Les esp~ces radicalaires provenant de la r6duction de l'oxyg~ne sont fr6quemment form6es lors des r6actions de photosensibilisation. Les propri6t6s thermodynamiques et cin&iques de l 'anion super- oxyde et du radical hydroxyle sont ici bri6vement rappel6es.

radicaux libres / radical superoxyde / radical hydroxyle

S u m m a r y - Oxygen free radicals. Oxygen free radicals are often formed during photosensitization pro- cesses. Kinetic and thermodynamical characteristics are briefly described for OH and 0=2 radicals.

oxygen free radicals I superoxide ion I hydroxyl radical

Les r6actions de photosensibilisation impliquent fr6quemment la formation de radicaux libres d&ivant de l'oxyg~ne. On salt que le processus ini- tialement invoqu6 lors des r6actions de photosen- sibilisation dites de type I e s t un 6change mono61ectronique. Cet &hange conduit fi la for- mation, h partir du substrat, de radicaux libres selon par exemple:

3S+RH --* SH" +R"

ou bien:

3S + RH --, S .+ + RH-

ou encore:

3S+RH ~ S7 + R H .+

3S symbolisant l'6tat triplet du photosensibilisa- teur, RH le substrat.

Un rapide r66quilibrage acido-basique peut 6ven- tuellement se produire ensuite, ce qui ne modifie pas la nature radicalaire des esp&es en jeu.

D'autre part, le ph6nom~ne de photoionisation

peut conduire, ~t partir du sensibilisateur, h l'6jec- tion d'61ectrons. Apr6s thermalisation, ces 61ectrons se solvatent et se transforment en 61ectrons hydra- tfs e~q.

Les esp&es radicalaires pr&6dentes r6agissent leur tour sur l'oxyg~ne atmosph&ique et donnent naissance ~ des peroxyradicaux RO~ et h l 'anion superoxyde O~ :

R" + O z ~ RO~

R H - + O 2 ~ R H + O ~

RH.++O2 .-. RO~+H +

e~q+O2 --,O~

L'6volution ult6rieure conduit/~(aux) forme(s) oxy- d6e(s) stable(s) du substrat RH. Cette ~volution peut impliquer transitoiremen~ l'existence du radi- cal OH' , comme nous le verrons.

Pour les processus de photosensibilisation dits de type II, l'acte initial est un transfert d'6nergie d'excitation:

3S+302 --, IO2+1S

Page 2: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

780 C. Ferradini

I1 n'implique donc pas la formation primaire de radicaux libres. Mais l'oxyg6ne singulet peut ensuite jouer le r61e d'oxydant, ce qui entrMne l'apparition d'anions superoxyde [1] :

I o 2 + x ---* O ~ + X +

Des essais ont 6t6 effectu& afin de mettre en 6vi- dence I'existence de radicaux libres oxyg6n6s lors des processus de photosensibilisation. Dans le cas des porphyrines, des exp6riences de <<spin- trapping>> ont conduit ~ admettre la formation de O~ [2,3] et de OH" [3,4] tandis que, par photolyse-&lair, la pr&ence de eaq pr6curseur de OF a pu &re constat6e [5]. Toutef6is l 'emploi des capteurs traditionnels de O~ s'est, dans un cas analogue, r6v616e inefficace [6].

tr6s sp&ifiques des r6actions d'oxydation par l'oxy- g~ne a permis ~t la mati6re vivante d'utiliser l'enthal- pie libre correspondante.

En fait ces quatre 41ectrons ne sont pas &hang& en une seule &ape, mais le plus souvent en quatre processus 616mentaires cons&utifs: - la premi6re r6duction conduit h l ' ion radical

superoxyde 0 F :

0 2 + e ~ O~

- la deuxi6me ~t l 'eau oxyg4n4e:

O ~ + e + 2 H + --* H 2 0 2

- la troisihme au radical hydroxyle:

H 2 0 2 + e + H + ~ O H ' + H 2 0

1) Couples oxydo-r6ducteurs impliqu6s dans la chimie radicalaire de l'oxyg~ne

Pour mieux estimer la part radicalaire dans les ph6- nom~nes de photosensibilisation, il semble utile de pr&iser la nature et les caract6ristiques des r6ac- tions d'oxydo-r6duction qui sont alors mises en jeu.

Le couple global d'oxydo-r6duction O2/H20 correspond ~ l'6change de quatre 61ectrons:

O 2 + 4 e + 4 H + --' 2 H20

Son potentiel s tandard biologique d 'oxydo- r6duction (h pH 7) est Eo= 0,82 V. Cette valeur 41ev4e montre que, lorsque l'oxyg~ne capte quatre 61ectrons, cette r6duction s'accompagne d 'une lib4- ration d'enthalpie libre bien sup6rieure ~ celles habi- tuellement mises en jeu lors des diverses r6actions biologiques. Heureusement l 'oxyg6ne r6agit avec une vitesse faible ou nulle sur la plupart des com- pos4s biochimiques. C'est ce blocage cin6tique qui a permis le dUicat passage de la vie ana6robie ~ la vie adrobie, lorsque l 'atmosph6re terrestre, initia- lement r~ductrice, s'est enrichie en oxyg~ne au cours de rdactions photochimiques. La mise en place pro- gressive de catalyses trhs compartiment6es et

- enfin le quatrihme h H20:

O H ' + e + H + ~ - H 2 0

Ces quatre &apes font passer les deux atomes d'oxyghne du degr6 d 'oxydation 0 au degr6 d 'oxy- dation - 2. I1 est possible d'envisager ensuite la r4duction des deux hydrog6nes de l 'eau en H 2, r6duction qui ne se produit que rarement en prd- sence d'oxyg6ne.

La s6quence pr6c6dente de r6ductions peut donc s '&rire comme dans l'exemple du Sch6ma 1. On y remarque l'alternance r6guli6re et pr6visible entre les produits mol6culaires (O z, H20 2, H20, H2) et les produits radicalaires (O F, OH' , H') .

Dans Ie cas de Ia r6action envisag6e pr6c6- demment:

R ' + O 2 ~ RO3

R" &ant un radical libre form6 h partir d 'un subs- trat RH, les r6ductions successives de l 'oxyghne peuvent s'6crire, par analogie avec la s6quence pr6- c~dente, un groupement R rempla~ant nn atome d'hydrog6ne (2):

O 2 -* RO~ --, ROOH --, OR" --, ROH --, R" --, RH

SeMma 1.

02 +e+H*l, Og +e+2H~ H202 e+H+ OH"

I 0 2 + 4 e + 4 H + --, 2 H20

+e+H; H20 +e+H~. H" +e+H~. H2

I I J 2 e + 2 H + -, H 2

Page 3: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

Espbces activdes radicalaires de l'oxygbne 781

c'est-~-dire que sont successivement form&: - un peroxyradical RO~ - un hydroperoxyde ROOH - un radical alcoxy OR" - une fonction hydroxyle - un radical R" - un produit stable RH.

I1 semble utile de pr6ciser les principales donn6es thermodynamiques et cin6tiques actuellement 6ta- blies permettant de caract6riser les 6changes 61ec- troniques pr6c6dents.

2) Donn6es thermodynamiques

Dans le cas du Sch6ma 1, les potentiels d'oxydo- r6duction sont bien connus (voir [7, 8]). Pour une solution aqueuse ~ pH 7 et une pression partielle d'oxyg~ne 6gale h une atmosph6re, leurs valeurs (en volts) sont les suivantes, en nous limitant cette fois aux esp~ces de l'oxyg~ne:

i 2- 0.33 02 0'94H,O 2 0,46 OH 2,18 H20

0,305 t I 1.32 0,82 [

On peut v&ifier que deux potentiels d'oxydo- r~duction cons6cutifs correspondant ~ l'6change d'un 61ectron (Em et E2/3) sont bien li6s au poten- tiel E m de l'6change bi-61ectronique associ6 par la relation classique:

El 12 + E213 E l l 3 =

2

coup moins pour i'6change du premier 6lectron ( - 0,33 V). C'est ce blocage qui est un des respon- sables de l'absence partielle de r6activit6 du couple O2/H20. En effet, de nombreuses r6actions de l'oxyg~ne ne se produisent pas, bien qu'6tant ther- modynamiquement favorables. Ceci assure la rela- tive stabilit6 du mat6riel biologique en pr6sence d'air et permet que seules des oxydations contr6- 16es aient lieu. La photosensibilisation facilite le pre- mier 6change d'~lectron soit, comme on l'a vu, en formant directement O~, soit en produisant l'oxy- g6ne singulet, ce qui d6clenche dans Ies deux cas le processus oxydatif. c) La connaissance des potentiels d'oxydo-r6duction permet de s61ectionner les r6actions thermodyna- miquement possibles. Citons en particulier:

+ H ÷ O ~ + H202 ~ OH" + 0 2 + H20

dite r6action de Haber et Weiss (OF r~duisant H202);

OH" + H202 --r HO~ + H20

(OH" oxydant H202). Les r6actions de dismutation de O~ et OH" sont

6galement exergoniques :

2H ÷ O~+O~ ~ H202+O2 (puisque 0,94 > 0,33 V)

O H + O H --. H202 (puisque 2,18 > 0,46).

H202 peut se dismuter uniquement par 6change de deux 61ectrons :

Les propri6t6s acido-basiques de ces esp~ces sont aussi connues. Les valeurs des pk a sont:

Acide Base pk a

HOi O~ 4,8 OH" O" 11,9 H202 HO~ 11,7

On voit donc que, ~ pH 7, seul HOt est dissoci6: c'est l'anion superoxyde O~ qui pr6domine.

Les donn6es pr6c6dentes sugg6rent plusieurs remarques : a) Le radical OH" est un oxydant tr~s fort, tandis que O~ peut jouer le r61e d'oxydant ou de rdducteur. b) L'oxyg~ne, tr& oxydant si l'on consid~re la r6ac- tion globale (0,83 V), l'est moins pour l'6change de deux premiers 61ectrons (0,305 V) et encore beau-

2 H202 ~ 02 + 2 H20

et non par la r6action radicalaire:

2 H202 --. Og + O H ' + O H -

d) Le diagramme potentiel - pH peut ~tre construit pour chacun des couples oxydo-r6ducteurs impli- qu6s (Fig. 1), ce qui permet de pr6voir leurs r6ac- tions ~ tous pH.

Les donn6es thermodynamiques ne sont toute- fois pas suffisantes pour pr6voir de fa~on univo- que les r6actions pouvant survenir entre les esp~ces consid6r6es et un solut6. Ainsi si on consid6re le comportement de l'anion superoxyde O~ ~ pH 7 vis-a-vis d'un couple S+/S dont le potentiel d'oxydo-r6duction est compris entre - 0,33 et 0,94 V, ce qui est un large intervalle, on volt qu'en plus

Page 4: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

782 C. Ferradini

2 4 - - -

o >

+1

0 ! !

HO'~2 ,5 02 10 pH 0g

Fig. 1. Diagramme potentiel pH des esp~ces d6riv6es de l'oxyg6ne.

de la dismutation, deux autres r6actions sont ther- modynamiquement possibles :

O~-+S + .-, S + O 2

2H ÷ O~+S J'S + + H 2 0 z

Selon les concentrations en Se t S + et les constan- tes de vitesse de ces r6actions, l 'une ou l 'autre d'entre elles se produira pr6f6rentiellement. Le con- tr61e du m6canisme r6actionnel est donc cin6tique. Tel est souvent le cas, ce qui a conduit ~ effectuer sur les esp~ces envisag6es ici un grand nombre de d6terminations cin6tiques, soit en d6veloppant des comp6titions, soit par photolyse ou radiolyse 6clair.

3) Donn~es cin6tiques

Les deux radicaux libres produits par r~duction de 0 2 ont des physionomies cin6tiques tr~s diff6ren- tes. En effet l'esp~ce OH" est un oxydant tr~s r6ac- tif tandis que O~ est relativement inerte.

a) Anion superoxyde

(Pour les donn6es cin6tiques sauf autre indication de O~ voir [9].) iorsqu'on consid~re la r6action de dismutation de O~:

2H + O g + O ~ ~. H202 + O 2

on constate que, bien qu'exergonique, cette r6ac- tion ne se produit pas, par suite d 'un blocage cin6- tique justifi6 par la difficult6 de recouvrement des orbitales impliqu6es [10].

Au contraire les deux r6actions de dismutation faisant intervenir la forme acide HO 2 sont rapides:

H O t + H O t -~ H202+ O 2

(k = 7,6 x 10 5 mol - l- l .s- 1)

+ H ÷ HO~ +O g ' H2Oz+O 2

(k= 8,5 x 107 mol - l . l .s- l)

O~ ne peut donc se dismuter que par capture d 'un proton. En consdquence, l 'anion superoxyde est sta- ble dans les solvants aprotiques tels que l'ac6toni- trile ou le dim6thylsulf0xyde. O~ ne r~agit pas ou r6agit lentement sur: - l 'acide ddoxyribonucl6ique - les acides amin6s - les lipides - le couple N A D + / N A D H sauf si celui-ci est

complex6 par la lactate d6shydrog6nase. L' ion superoxyde O~ peut provoquer certaines

r6ductions. Ainsi il r6agit sur le cytochrome c sous sa forme ferrique (k= 1 ,4x 106 mol - l . l . - I ) ainsi que sur la m6th6moglobine ( k = 1 , 4 x 103 mol- l . l . s -1) [11].

I1 r6duit diverses quinones avec des constantes de vitesse de l 'ordre de l0 s - 109 mol- l.l.s - l , rdac- tion souvent limit6e par la r6action inverse d 'oxy- dation du radical semiquinone par 02:

+H * O~ + Q~------~ QH" + 02

- - H +

I1 rdduit rapidement les ions Cu 2+ (8x109 mol-I . l .s-1) et les superoxyde dismutases ( -2 x 109 mo l - l . l . s - l ) .

L 'anion superoxyde donne en solution aqueuse quelques r6actions d 'oxydation dont les principa- les sont :

acide ascorbique (pH 9,9) [12] adr6naline [13] collag~ne [14] glutathion [15] hydroquinone NADH-lactate d6shydrogdnase superoxyde dismutase Cu +

k (mol- M.s- 1) 1,5 x l0 s 5 ,6x 104 2,4 x 106 22 1 ,6x 107 3 ,6x 104 22 x 109

Page 5: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

Espkces activ~es radicalaires de l'oxygbne 783

La relative inertie de O~ ne doit pas n6anmoins conduire fi conclure que ce radical est inactif au point de vue biologique. En effet dans l'organisme, ce radical n'est pr6sent qu'h des concentrations sta- tionnaires faibles. On peut penser que son manque de r6activit~ lui permet de diffuser hors de son lieu de production et d 'atteindre des cibles particulari- s&s. Sa r6gulation dans l'organisme est assur6e par la superoxyde dismutase, enzyme qui catalyse la r~action:

2H + o ~ + O ~ ~' H202+ O 2

bien connu que la r6duction biologique de l 'oxy- g6ne conduit fi des processus oxydants diff&ents de ceux associ6s h la cha~ne mitochondriale, comme par exemple la peroxydation lipidique ou certains effets bact6ricides lors de la phagocytose. II sem- ble difficile d 'admettre que, dans tous les cas, l 'anion superoxyde puisse &re le responsable direct de telles oxydations. Deux hypoth&es ont &6 avan- c6es pour r6soudre cette question: 1) La formation de O~ entraTnerait celle de OH" Nous avons vu en particulier que, lors de la photo- sensibilisation des porphyrines, la prfsence de OH" a 6t6 signal6e. I1 en est de m~me pour la phagocy- tose. I1 a 6t6 sugg6r6 que cette production serait due ~t la r6action dite de Haber et Weiss d6j~ cit6e:

b) Le radical hydroxyle [16]

Le radical OH" est, au contraire, tr~s r6actif. On conna~t plus d 'un millier de constantes de vitesse de r6action d 'oxydation par OH' . Seuls quelques exemples peuvent &re donn6s ici. L'oxydation peut &re produite par divers m&anismes: - soit par &hange d'61ectrons:

O H ' + F e 2+ ~ O H - + F e 3+ ( k = 3 x 10 s mol - i . l . s -1)

OH" + C N - ~ O H - + CN" (k = 4,5 x 10 9 mo l - M.s- 1)

- soit par arrachement d 'atomes H :

k ( m o l - t . l . s - 1)

acide ascorbique 1.2 × 101° cyst6ine 1,3 × 101° ribose 2,1 × 109 thymidine 2,1 × 109

- soit par addition sur les doubles liaisons ou les cycles aromatiques:

k ( tool- l . l .s- t)

adfnine 5 x 109 benz6ne 7,8 × 109 &hyl6ne 1,8 x 109 thymine 5 X 109 tyrosine 2,2 × 101°

+ H + O~ + H20 2 I, O H ' + O 2

I1 s'est toutefois av6r6 que cette r6action &ait exces- sivement lente. I1 a alors 6t6 invoqu6 la possibilit6 d 'une catalyse par des ions Fe 3+, plus ou moins complex6s, toujours pr&ents ~ l '&helle cellulaire. Cette catalyse ferait intervenir les deux r6actions:

Fe 3++Og ~ F e 2 + + O 2

Fe 2+ +H202 ---, Fe 3+ +OH" + O H -

2) On peut calculer que, pour pH 7, le rapport (HO2)/(O~) = 6,3 × 10 -3.

Le radical HO 2 est plus r6actif que O~ comme on peut le voir sur les exemples suivants:

k (mol- l-l.s- l)

HO~ O~

acide ascorbique 1,25 × I06 1,5 × l0 s acide linol6ique 1,18× 103 0 NADH 1,8 × 105 << 24

De telles diff&ences peuvent amplement compen- ser le rapport d6favorable des concentrations aux pH voisins de la neutralitC De plus, HO~ n ' f tant pas charg6, pourrait avoir une interaction pr6f6ren- tielle avec les membranes lipidiques. HO~ pourrait donc &re responsable de divers d6g~ts biologiques [17,181. 3) La cha~ne 2, que nous avons d6jb, 6voqufe:

Le radical OH' , ~ l'inverse de O~, a donc toute probabilit6 de r6agir in vivo ~ proximit6 imm6dkite de son lieu de production. Cette r6activit6 compa- r6e de O~ et de OH" soul&e un probl~me. I1 est

0 2 "-" RO 2 "-* ROOH ~ OR ~ ROH "* R --" RH

est &idemment beaucoup moins bien connue, ses propri&~s dfipendant de la nature du radical R'. Les

Page 6: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

784 C. Ferradini

r6actions biradicalaires sont thermodynamiquement possibles et souvent rapides:

RO~ + RO~ ~ ROOR + 0 2

R + R ~ R 2

Pour les lipides, les deux r6actions:

RO~+RH ~ R O O H + R "

R ' + O 2 --* RO;

sont responsables de chMnes de peroxydation. La pr6sence d'ions Fe z+ conduit h u n auto-entretien de cette cha]ne:

+ H +

ROOH + Fe z+ • Fe 3+ + OR" + H20

OR" initiant ensuite une nouvelle s6quence. Par ail- leurs, la r6action:

R" + 02 -~ RO~

est souvent consid&& comme une voie de poten- tialisation d 'un d6g~t radicalaire biologique, sus- ceptible de rfparations au stade R" et irr6parable au stade RO~. 4) R6gulations biologiques: Les esp&es dont la physionomie chimique vient d '&re rapidement esquiss& jouent in vivo des r61es dont on d6cou- vre de jour en jour toute l ' importance. Leur pro- duction biologique peut avoir lieu par plusieurs voies :

- par photosensibilisation, comme nous l 'avons v u ;

- par action des rayonnements ionisants; - au cours du m&abolisme de l'oxyg~ne. Une frac-

tion non n6gligeable de l'oxyg~ne inspir6 passe par l'6tat 0 2 ;

- au cours des m&abolismes de divers toxiques (C2HsOH) et de certains m6dicaments (antitu- moraux par exemple).

Ces radicaux libres, selon leur origine et leur loca- lisation, peuvent jouer des r61es n6fastes ou utiles. Les cons6quences n6fastes sont des ruptures de chMne des acides nucl6iques, l'alt6ration des mem- branes, l'inactivation d'enzymes, etc. Mais ces radi- caux libres sont aussi impliqu6s dans des processus biologiques fondamentaux tels que la phagocytose, la biosynth6se des prostaglandines et diverses autres oxydations.

Leurs r6gulations sont assur&s, de mani&e tr6s stricte par tout un ensemble de mol&ules, en plus de la superoxyde dismutase, d6jh 6voqu6e plus haut.

Citons : - la catalase, qui d6compose l 'eau oxyg6n6e for-

m6e par la dismutation de 02 ou au cours de l 'action oxydante de ce radical:

catalase

2 H202 • H20 + 02

- le glutathion, qui contribue (lui aussi) efficace- ment fi la diminution de I'6tat stationnaire en H202 par le processus:

glutathion

2 GSH + H202 • GSSG + 2 H20 peroxydase

Le glutathion est de plus connu comme un capteur efficace de radicaux libres:

G S H + R" --* G S ' + RH

2 GS" --, GSSG

- la vitamine E (c~ tocophdrol), qui r6agit sur les radicaux de type RO z propageant les chMnes de peroxydation. Elle serait rdg6ndr6e par la vita- mine C;

~TH + RO 2 ~ ocT" + RO2H

c¢T'+vit C --' vit C'+~xTH

Les effets biologiques des esp&es activ6es radica- laires d&ivant de l'oxyg~ne, varient profond6ment selon le mode de production de l 'esp&e consid6- r6e. I1 est par exemple int6ressant de comparer ~t ce point de vue i'efficacit6 des ions superoxyde pro- duits lors du m6tabolisme de l'oxyg~ne et celle des m~mes radicaux provenant de la radiolyse de l'eau. Si on admet que 1°70 des 02 inspir6s passent l '&at de 0 2 (valeur probablement sous-estim6e), on peut calculer qu'il faudrait une dose de 30 krad pour former, dans les m~mes conditions, la m~me quantit6 de radicaux. Or 30 krad repr6sentent une dose extr~mement dangereuse. Les radicaux d'ori- gine biochimique sont donc beaucoup moins toxi- ques que les radicaux de provenance radiolytique. Cette diff&ence peut &re attribu& au fait que les radicaux d'origine biochimique sont produits dans des compartiments off les dispositifs de contr61e sont 6troitement associ6s aux sites de production.

On conqoit alors mieux tout l'int6r& de la pho- tosensibilisation. Cette m&hode consiste fi utiliser un agent de faible entropie, de haute information, pour produire des concentrations stationnaires 61ev&s en radicaux en des lieux habituellement

Page 7: Espèces activées radicalaires de l'oxygène

Espkces activ~es radicalaires tie l 'oxygkne 785

d6pourvus de radicaux et donc de r.6gulation. L'effi- cacit6 des esp6ces radiculaires ares1 creees peut alors 6tre extr~mement importante.

Bibliographic

1 Saito I., Matsuura T. & Inoue K. (1983) J. Am. Clzem. Soc. 105, 3200-3206

2 Buettner G.R. & Oberley L.W. (1979) FEBS Lett. 98, 18-20

3 Buettner G.R. & Oberley L.W. (1980) FEBS Lett. 121, 161-164

4 Faraggi M., Carmichael A. & Riesz P. (1984) Int. J. Radiat. BioL 46, 703-713

5 Bonnet R., Ridge R.J., Land E.J., Sinclair R.S., Tait D. & Truscott T.G. (1982) .L Chenl. Soc. Faraday Trans. 1 78, 127-136

6 Gibson S.L., Cohen H.J. & Hill R. (1984) Photo- chem. Photobiol. 40, 441-448

7 Ferradini C. & Pucheault J. (1983) in: Biologie de I'Action des Rayonnements Ionisants, Masson, Paris, pp. 213

8 Koppenol W.H. & Butler J. (1985)Adv. Free Radi- cal Biol. Med. 1, 91-131

9 Farhataziz & Ross A.B. (1977) Nat. Stand. Ref. Data

Ser., Nat. Bur. Stand. 59, Selected specific rates of reactions of transients from water in aqueous solu- tion. llI. Hydroxyl radicals and perhydroxyl radi- cals and their radical ions.

I0 Koppenol W.H. & Butler J. (1977) FEBS Lett. 83, I - 6

11 Ferradini C., Foos J., Gilles L., Haristoy D. & Pucheault J. (1978) Photochem. Photobiol. 28, 851-855

12 Bielski B.H.J. & Richter H.W. (1977) J. Am. Chem. Soc. 99, 3019-3023

13 Bors W., Michel C., Saran M. & Lengfelder E. (1978) Z. Naturforsch. 33, 891-896

14 Monboisse J.C., Gard~s-Albert M., Randoux A., Ferradini C. & Borel J.P. (1985) 4th International Conference on Superoxide and Superoxide Dismu- tase, Rome

15 Sekaki A., Gard+s-Albert M. & Ferradini C. (1984) Journdes d'ff~tude sur la Chimie des Radiations, Mont-Ste-Odile, France

16 Dorfman L.H. & Adams G.E. (1973) Nat. Stand. Ref. Data Ser., Nat. Bur. Stand. 46, Reactivity of the hydroxyl radical in aque_ous solutions

17 Gebicki J.M. & Bielski B.H.J. (1981) J. Ant. Chent. Soc. 103, 7020-7022

18 Bielski B.H.J., Arudi R.L. & Sutherland M.W. (1983) J. Biol. Chem. 258, 4759-4761