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Esquisse d’une psychanalyse scientifique Jean-Jacques Pinto To cite this version: Jean-Jacques Pinto. Esquisse d’une psychanalyse scientifique. ´ Editions Subjilectes, Aix-en- Provence. La parole est aux discours : vers une logique de la subjectivit´ e, 1996. <hal- 01134074> HAL Id: hal-01134074 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01134074 Submitted on 24 Mar 2015 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Copyright

"Esquisse d'une psychanalyse scientifique", Chapitre central du livre "La parole est aux discours : vers une logique de la subjectivité", d'Éliane Pons et Jean-Jacques Pinto, 1996

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Chapitre méthodologique d'un livre co-écrit par Éliane Pons et J.-J. Pinto. Ce dernier, pour raisons professionnelles, n'avait indiqué son nom que dans cette partie intitulée "Esquisse d'une psychanalyse scientifique" (allusion respectueuse au titre de Freud "Esquisse d'une psychologie scientifique"), où se trouve expliquée en détail la méthode originale d'analyse de discours inventée et enseignée par lui : l'Analyse des Logiques Subjectives© (A.L.S.©).QUATRIÈME DE COUVERTURE DU LIVRE COMPLET : Les propos tenus par un “loubard” ne sont ni dans leur forme ni dans leur contenu ceux d’un homme d’affaires ou d’un religieux issu d'un ordre contemplatif ; ce qui relie cette forme et ce contenu se laisse analyser en éléments minimaux caractéristiques régis par une certaine logique. Cette même logique explique que tous les électeurs et consommateurs ne soient pa sensibles aux mêmes séductions politiques ou publicitaires. Cet ouvrage convie le lecteur à découvrir comment. Nous donnons ici la parole aux mots qui forment la trame symbolique des discours “courants” et non aux individus qui n’en sont que les porte-parole transitoires. Ces discours ont-ils des caractéristiques spécifiques, des stratégies particulières ? Comment viennent-ils au jour ? Ces questions seront abordées à partir des acquis suivants : - Le monde humain et les désirs qui l’animent ne sont connaissables qu’à travers ce qu’on en dit. - Tous les humains ne sont pas mus par le même discours subjectif. - Les discours ont des composants, une logique et des effets différents. Notre hypothèse : c’est le discours parental qui détermine après la naissance le discours fantasmatique de l’enfant, de façon différente selon son degré d'idéalisation ou de rejet. Le résultat à démontrer : analyser les propos actuels d’un adulte permet de reconstituer les grandes lignes de son passé et de pronostiquer de façon assez fiable le futur de son discours, dans les mots qui le composent et dans les actes qu’il commande. Au fil de ces pages, le lecteur apprendra à reconnaître les différentes incarnations d’une même forme subjective, que celle-ci se propose à lui sous l’humble aspect de la chansonnette ou sous le masque, plus prétentieux et plus suspect, de la théorie.

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  • Esquisse dune psychanalyse scientifique

    Jean-Jacques Pinto

    To cite this version:

    Jean-Jacques Pinto. Esquisse dune psychanalyse scientifique. Editions Subjilectes, Aix-en-Provence. La parole est aux discours : vers une logique de la subjectivite, 1996.

    HAL Id: hal-01134074

    https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01134074

    Submitted on 24 Mar 2015

    HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

    Larchive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a` la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements denseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

    Copyright

  • (chapitre central du livre La parole est aux discours, d'liane Pons et Jean-Jacques Pinto, 1996)

    Esquisse d'une psychanalyse scientifiqueJean-Jacques Pinto

    Des gots et des couleurs on peut enfin discuter

    Dfinition et prsentation sommaire de l'A.L.S.

    Tout terme nouveau apparatra en italique gras la premire fois.

    A. Dfinition rapide

    LAnalyse des Logiques Subjectives (A.L.S.) est une mthode danalyse des mots (units lexicales) duntexte parl ou crit, qui permet, sans recourir au non-verbal (intonations, gestes, mimiques, etc.), davoirune ide de la personnalit de lauteur et de ceux quil peut esprer persuader ou sduire.

    1. Nanalyser que les mots offre lavantage de pouvoir utiliser des textes anonymes (publicits, slogans) ou signs(journaux, uvres littraires) dont les effets (sympathie, antipathie, indiffrence pour lauteurindpendamment du contenu) se font sentir sur le lecteur mme sil ne connat ni le physique, ni les gestes, nile son de la voix de lauteur (qui peut tre distance dans le temps et/ou lespace). Ainsi, nous raconte JanLenica (Witold Gombrowicz, 1992),

    Gombrowicz se trouvait, bien entendu, en Argentine. Quant moi, jtais assis sur un banc, prs du boulevardKrupowki [ Zakopane, en Pologne], lisant le livre dun auteur dont, jusque l, je ne savais rien []. Assis sur mon banc,je ricanais, enthousiasm, transport []. Cest que "Ferdydurke" mamusait normment, et cest dj le premier pasvers la sympathie envers lauteur (soulign par nous).

    De mme pour Baudelaire, comment par D. Coste (Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, J. Delabroy,Magnard, Collection Textes et contextes, pp. 34-35) :

    Quatre lecteurs diffrents veillent aux portes des Fleurs du mal Tous ces lecteurs se dfinissent par les rapportsde similarit ou de dissimilarit qu'ils entretiennent avec le locuteur [Baudelaire] avant de lire. [Par exemple] le lecteurpotentiel [le second des quatre], sobre et naf homme de bien est l'exact oppos du locuteur [Baudelaire], jardinierdu mal . Il sera donc choqu et s'indignera. l'inverse, le pote Laforgue va fliciter Baudelaire de faire des posiesdtaches courtes sans sujet apprciable, vagues et sans raison comme un battement d'ventail, phmres etquivoques comme un maquillage (soulign par nous).

    Ou encore : Homre nous est inconnu (a-t-il seulement exist comme personne unique ?); pourtant sa posie etses mtaphores nous meuvent toujours ( laurore aux doigts de rose , Achille au pied lger , etc.).

    2. On prend en compte le sens des mots, et ce non pas globalement (approche macroscopique : analyse decontenu, thmes, notions) mais en le dcomposant en atomes de sens le plus lmentaires possible(approche microscopique), ce qui permettra de trouver des tendances gnrales, des invariants subjectifsindpendants du sujet abord dans le texte considr; par exemple, ce qui fait de Baudelaire un potemaudit , quil nous parle damour, de mort, de voyage, de parfum, de beaut, etc.

  • B. Prsentation sommaire

    1. Les sries

    Il existe dans une langue comme le franais des sous-langues subjectives (les parlers ) qui, bien quediffrentes, se comprennent tant bien que mal en se retraduisant lune dans lautre. Ces parlers sont descombinaisons de mots simples ou complexes affects dune valeur positive ou ngative.

    a) Les mots simples (analogues des atomes de sens) sont toujours des adjectifs exprimant desproprits simples : ouvert/ferm, nouveau/ancien. On les distribue dans deux listes dopposs nommessries :

    La srie A concerne lextrieur, le changement, le dsordre, la destruction de lancien. Elle se composedadjectifs simples comme : ouvert, souple, vari, changeant, nouveau, libre

    La srie B concerne au contraire lintrieur, le non-changement, lordre, la conservation de lancien. Ellese compose dadjectifs simples comme : srieux, ferme, stable, ancien, solide, durable

    Remarques :

    1) Les atomes A et B sont pris dans leur sens propre, qui est en gnral le sens concret : ouvertau sens de porte ouverte, et non de personne ouverte.

    2) On exclut des sries les ventails de plus de deux adjectifs qui ne sopposent donc pas strictementdeux deux :

    ainsi retiendra-t-on lopposition color/non color au lieu de la gamme des couleurs (de larc-en-ciel ouautres),

    et lopposition inconsistant/consistant au lieu des multiples tats de la matire (solide, visqueux,poudreux, liquide, gazeux), etc.

    3) On observe parfois dans une mme srie des atomes en contradiction du point de vue cognitif (voir enannexe la liste des atomes A et B) : inodore et puant, insipide et sucr, petit et moyen Ceci sexpliquera plusloin.

    b) Les mots complexes (analogues des molcules ) sont des adjectifs, des noms, des verbes et desadverbes dont le sens peut se dcomposer en atomes A ou B.

    Quand ils sont de composition peu prs homogne, on les rattachera la srie A (ainsi papillon :mobile, lger, rapide, dsordonn, phmre, color) ou la srie B (ainsi tortue : lourde, lente, rigide,couverte, durable). Il s'agit d'une approximation, d'un abus de langage, car au sens strict seuls les adjectifssimples appartiennent aux sries.

    Sils sont mixtes ou difficiles analyser, on les dira respectivement neutres (not 0 ) ou indcidables (not ? ).

    c) La valeur associe chaque mot simple ou complexe est simplement la rsonance favorable oudfavorable qua ce mot pour celui qui le dit. Elle peut donc tre positive (not + ), ngative (not ), neutre ( 0 ) ou indcidable ( ? ). Dautre part elle peut changer chez un locuteur donn selon lesmoments ou selon les priodes de la vie.

    2. Les points de vue

    Ils sobtiennent en comparant pour chaque mot pertinent dun texte sa srie et sa valeur. Ils peuvent changer,comme la valeur, selon les instants ou selon les ges de la vie.

    a) Le point de vue extraverti (dsign par la lettre E) valorise la srie A et dvalorise la srie B, ce qui peutse noter :

    A+ = B - = EExemple : je suis quelquun douvert, je ne suis pas born.

    N. B. : dornavant, pour faciliter leur reprage, les mots A figureront dans nos exemples en italique, et les motsB en gras.

    b) Le point de vue introverti (dsign par I) valorise la srie B et dvalorise la srie A :

    B+ = A - = IExemple : je suis quelquun de srieux, je ne suis pas un plaisantin.

  • c) Le point de vue extraverti choisira donc ses mots dans la srie A pour prsenter ce quil aime, et dans lasrie B pour prsenter ce quil critique, naime pas ou mme redoute.

    joie : mon cur dborde (A+)chagrin : jai le cur lourd, serr (B-).

    d) Le point de vue introverti choisira au contraire la srie B pour prsenter ce quil aime, et la srie A pourprsenter ce quil critique, naime pas ou mme redoute.

    joie : mon cur est combl (B+)chagrin : a me fend le cur, mon cur saigne (A-).

    e) Consquences :

    Le mme mot ou la mme expression peut tre valoris (+) pour le point de vue extraverti etdvaloris (-) pour le point de vue introverti , et inversement

    c'est la porte ouverte (tous les excs) (A-)/oprations portes ouvertes (A+) s'envoyer en l'air (rfrence: accident) (A-)/s'envoyer en l'air (rfrence: plaisir) (A+) le Vietnam, c'est l'enfer (A-)/Get 27 [boisson], c'est l'enfer (A+)

    De fait, il ne sagit pas du mme mot ou de la mme expression, mais bel et bien dhomonymesau sens strict (forme commune, emploi diffrent) sous l'angle de l'A.L.S.

    Pour dcrire le mme type de plaisir, les locuteurs recourent des mots de srie oppose :

    pour les plaisirs de la table : se remplir la panse, sen mettre plein la lampe, avoir la peau du ventre bientendue (B+)/sexploser le ventre, se faire pter la panse (A+) pour la drogue : le toxicomane peut dire quil se dfonce (A+) ou au contraire quil se fixe, se cale (B+) pour le plaisir sexuel : dans D. H. Lawrence, lamant de Lady Chatterley ne senvoie pas en lair (A+), mais trouve enfin la paix (B+).

    De mme pour dcrire le mme type de dsagrment :

    tre pt (A-)/tre bourr (B-) (domaine de rfrence : l'ivresse), tre fondu (A-)/tre givr (B-) (domaine de rfrence : la folie), y passer (A-)/y rester (B-) (domaine de rfrence : la mort), etc.

    Cest donc tort que certains mots ou expressions renvoyant un domaine de rfrence commun, et ayantmme valeur positive ou ngative sont donns pour synonymes dans les dictionnaires, comme si on pouvaitles substituer indiffremment. En fait ils contiennent des atomes de sens opposs, qui donnent une indicationsur le point de vue subjectif (instantan ou durable) de leur metteur.

    Ces couples de pseudosynonymes sont utiliss de faon partiale selon les familles de locuteurs :interviews sur leur emploi (en rception) ceux-ci les donnent souvent pour intercheangeables, mais dansl'exercice effectif de leur parole (en production) ils ne les confondent pas.

    Il sagit donc cette fois dhomonymes au sens large (rfrent commun, emploi diffrent) sous l'angle del'A.L.S.

    f) Cette notion de point de vue instantan (valable pour le seul mot qu'on analyse) peut tre tendue lchelle dun texte entier, qui prsente en gnral une dominante I ou E , sauf dans le cas du parler hsitant dcrit ci-dessous.

    3. Les parlers

    C'est l'extension cette fois l'chelle d'une vie entire de la notion de point de vue, recoupant la notionempirique de personnalit et la notion psychanalytique d'identification : chacun joue sa biographie commeun acteur dit son texte, en fait crit par un autre (voir Gense des sries et parlers, B).

    Les sous-langues, ou parlers , recombinent dans le temps (de ladolescence la fin de la vie, point expliquau Gense, B, 4) les deux points de vue I et E , ce qui aboutit :

    un parler conservateur (I I), correspondant grosso modo la personnalit obsessionnelle : introverti incorruptible , nostalgique du Paradis perdu, qui commence I et finit I .

    un parler changement/destruction (E E), correspondant grosso modo la personnalithystrique : extraverti incorrigible , tent par l'Enfer, qui commence E et finit E .

    un parler du progrs ou constructeur (E I), sans quivalent smiologique : extravertirepenti , transitant par le Purgatoire, qui commence E et finit I .

  • un parler hsitant (I ou E, abrviation de l'alternance I E I E etc.), correspondant grossomodo la personnalit phobique : ternel indcis , qui oscille toute sa vie entre E et I .

    4. Les combinaisons de parlers, galement valables l'chelle d'une vie entire :

    Il existe un parler E I rat , intermdiaire entre les parlers E E et E I, o le locuteur choue oumme meurt au moment d'achever le chef-duvre qui rachte son errance antrieure ( il se tue la tche ) :dans le film All that Jazz de Bob Fosse, le chorgraphe meurt d'un infarctus sur la table d'opration au momentmme o le spectacle qui devait consacrer sa russite passe la tlvision.

    Les reprsentants du parler hsitant (I ou E) peuvent pencher du ct du parler I I ou du parlerE E : face au danger que reprsente une situation angoissante, les premiers ( attentistes ) se tiendrontsur leurs gardes, les seconds ( entreprenants ) fonceront quand mme, tels des chevaliers avec peur etreproche (!). Ces deux dnominations sont empruntes B. Cathelat (voir le Validation, B, 4).

    Il y a souvent coexistence (pour l'instant inexplique quand sa gense) du parler I ou E et du parlerE I : ce mlange particulier de doute sceptique et d'ambition constructive, nous donnerionsvolontiers le nom de parler Montaigne , bien illustr par les crits de ce philosophe.

    La description de ces combinaisons montre assez au lecteur qui suspecterait un quelconqueschmatisme :

    que la liste actuelle des possibilits nest pas limitative,

    quelle se constitue de faon ttonnante, sur le terrain, avant de se chercher une explication thorique :elle peut, si besoin est, senrichir de nouvelles combinaisons,

    que l'adquation lobservation est toujours prfre la combinatoire aveugle : l'exprience, toutes les combinaisons ne se retrouvent pas forcment (le parler I E notamment ne nous semble pas devoir tre retenu, point expliqu au Gense, B, 4).

    Filiations

    A. lA.L.S. dcoule de certains noncs radicaux de J. Lacan (notamment les QuatreDiscours ); elle les prolonge et les modifie tout en cherchant les valider par leur mise en relation avec descorpus tirs du discours courant.

    1. Les noncs de Lacan ne sont ni gomtrie variable comme a pu le soutenir le magazine L'Express dans un dossier sur la psychanalyse, ni parfaitement cohrents, comme le croient les inconditionnels genre petit livre rouge . Il vaudrait mieux appliquer Lacan lui-mme sa conception du sujet divis , et direquil produit (entre autres) deux types dnoncs trs diffrents :

    a) des noncs radicaux, constamment raffirms, insistants, et qui souvent restent lettre morte, parexemple :

    un sujet nest pas un individu (mais ce dernier revient par la bande chez les nes--liste sous le nomde sujet singulier ),

    ce qui parle sans le savoir me fait je, sujet du verbe , (mais certains disciples prtendent encoreparler en leur nom propre ).

    Nous cherchons recenser ces noncs et tester leur validit.

    b) des noncs fantasmatiques, surtout du type discours hystrique : mtaphores non analyses,alternance de sduction et de rejet de lauditoire, astuces rhtoriques pour ratisser large , le tout se laissantdcrire justement en termes de sries et parlers .

    J.-C. Milner, dans L'uvre claire , fait la mme distinction que nous : le Lacan du mathme (celui qui affirme il ny a de srieux que le sriel ) diffre du Lacan de la conversation savante rcupre par les habiles :

    [] Il ne faut pas se laisser prendre trop au Lacan des mises en relation massives; c'est un Lacan de la conversationsavante [] Il tincelle d'aperus profonds, de rapprochements fulgurants, d'effets de vrit, mais ce n'est pas un Lacandu mathme (soulign par nous).

    Ce Lacan radical ou du mathme (jeu de lettres et de symboles formalisant lexprience clinique)voque dans Subversion du sujet et dialectique du dsir (1966) la possibilit d'un calcul logique de lasubjectivit :

  • quoi lon voit que cet Autre nest rien que le pur sujet de la moderne stratgie des jeux, comme tel parfaitementaccessible au calcul de la conjecture, pour autant que le sujet rel, pour y rgler le sien, na y tenir compte daucuneaberration dite subjective au sens commun, cest--dire psychologique, mais de la seule inscription dune combinatoiredont lexhaustion serait possible (soulign par nous).

    2. Quelle relation, donc, entre nos parlers et les Quatre Discours de Lacan ?

    Ses mathmes ambitionnent de dcrire les discours du Matre, de lUniversit, de lHystrique et delAnalyste. Mais ils soulvent certaines critiques :

    ces lettres et symboles nempchent pas les interprtations fantaisistes de la part des disciples (parexemple J. Clavreul dans L'Ordre mdical ); or leur but initial tait une transmissibilit intgrale, sansdformation .

    certaines corrlations avec l'observation clinique sont douteuses : ainsi le Discours de lUniversit(assimil par Lacan au discours obsessionnel) recouvre en fait selon nous deux ralits cliniques biendiffrentes (dans notre terminologie : parler conservateur et parler du progrs (voir le Applications, A, 1). Or cest le discours courant (pour lA.L.S.) et le texte des sances danalyse (pour quivoudrait les modliser) qui devraient toujours avoir le dernier mot sur leur formalisation, comme en convientLacan dans le Sminaire Encore : Ce nest pas laide du nud borromen [autre modlisation que lemathme] quon peut aller plus loin que l do il sort, savoir lexprience psychanalytique . Il dit aussi duschma topologique qu'il propose pour la psychose (D'une question prliminaire tout traitement possible dela psychose) : Il vaudrait pourtant mieux ce schma de le mettre au panier sil devait, l'instar de tantd'autres, aider quiconque oublier dans une image intuitive l'analyse qui la supporte .

    Refuser les formules, ambigus et peut-tre prmatures, et la topologie, par trop analogique, pourreprendre humblement la dmarche de fourmi qui consiste partir du mot mot des noncs, nous a conduit proposer lA.L.S. Celle-ci, redisons-le, dcrit des parlers diffrents des discours de Lacan, l'exception duparler E E qui concide en gros avec le Discours de lHystrique. Ce dcrochage n'empche nullement lacompatibilit de lA.L.S. avec les prmisses lacaniennes, et qu' nos parlers s'applique par dfinition ce queMilner dit des discours :

    Plus profondment, on peut souvenir qu'un discours ainsi dfini n'est en soi rien d'autre qu'un ensemble de rglesde synonymie et de non-synonymie. []. Dire qu'il y a coupure entre deux discours, c'est seulement direqu'aucune des propositions de l'un n'est synonyme d`aucune des propositions de l'autre'. [] On en conclura qu'il nepeut y avoir de synonymies s'il en existe qu' l'intrieur d'un mme discours et qu'entre discours diffrents lesseules ressemblances possibles relvent de l'homonymie. (soulign par nous).

    B. Des sources dinspiration latrales ont t :

    Le texte Subversion du sujet et dialectique du dsir , p. 824 :

    On en trouve alors les deux termes [du fantasme] comme clats : lun chez lobsessionnel pour autant quil nie le dsirde lAutre en formant son fantasme accentuer limpossible de lvanouissement du sujet, lautre chez lhystrique pourautant que le dsir ne sy maintient que de linsatisfaction que lon y apporte en sy drobant comme objet. Ces traits seconfirment du besoin qua fondamental, lobsessionnel de se porter caution de lAutre, comme du ct Sans-Foi delintrigue hystrique (soulign par nous),

    et l'article Communication linguistique et spculaire de L. Irigaray dans un numro des Cahiers pourl'analyse malheureusement puis.

    Un inventaire patient portant sur une grande varit de documents parls ou crits a fait le reste.

    Gense des sries et parlers

    En partant du constat quil existe des sous-langues diffrentes, tentons prsent davancer des arguments enfaveur de la nature identificatoire et fantasmatique de ces sries, points de vue et parlers.

    A. Le terme psychanalytique didentification, qui dsigne la fois un processus et son rsultat, estprfrable celui de personnalit, qui voque trop la personne ou lindividu de la psychologie pr-freudienne(en psychanalyse seul le corps biologique est individu, tandis que le sujet psychique est divis).

    1. Le premier temps du processus identificatoire consiste se mettre parler, sidentifier au fonctionnement dulangage sans toutefois encore se dsigner dans lnonc (lenfant ne dit pas je demble).

  • 2. La deuxime identification fonde depuis le dire du parent (le nom propre, les pronoms personnels) laconviction de lenfant dtre quelquun, une entit unifie, et qui plus est lauteur de son discours, pourtantvenu de lautre.

    3. La troisime identification accomplit la mise en place du fantasme, qui peut recevoir une dfinitionlinguistique : J.-C. Milner rappelle, dans son Introduction une science du langage, que

    selon la thorie freudienne, un fantasme se laisse toujours exprimer par une phrase, ou plus exactement par uneformule phrastique, dont chaque variante rpond en principe un fantasme distinct (soulign par nous).

    4. Tout ceci survient dans la petite enfance. Comme, sauf exception, la personnalit dfinitive ne s'installe qu'l'adolescence, aprs une phase dite de latence dans la seconde enfance, on comprend prsent que nos parlers ne prennent comme bornes que ladolescence et la fin de la vie.

    C'est galement pour cette raison qu'il serait abusif de fonder une nouvelle combinaison, le parler I E,sur la constatation d'exemples o un enfant jusque l apparemment sage se dvergonde ou court sa perte l'adolescence : le vernis ducatif pseudo-introverti impos par les parents se craqule, laissant apparatrel'identification extravertie mise en place dans la petite enfance, mais il n'y a pas eu proprement parlerdeux phases I puis E dans sa vie adulte.

    B. Cest le discours parental qui dtermine aprs la naissance, non de faon linaire mais aveccertaines transformations elles-mmes programmes , le discours fantasmatique de l'enfant, de faondiffrente selon que celui-ci est idalis ou rejet, pour ne parler dabord que des cas extrmes.

    Notre hypothse est que l'enfant, une fois identifi au texte du dsir parental, qualifiera ettraitera dsormais tout objet (y compris lui-mme et son parent) comme le parent l'a qualifi et asouhait le traiter. Ce faisant, c'est la satisfaction du parent, et non la sienne, qu'il exprime et recherchesans le savoir, en une sorte de Que ta volont soit faite ! . Ce sont les adjectifs extraits des apprciationsdu parent sur lenfant, et les verbes dcrivant le sort quil lui souhaite, qui fourniront les atomes de sensvaloriss dans les noncs fantasmatiques.

    1. Les adjectifs dcrivent l'objet :

    tel qu'il est jug par le parent (beau, laid, conforme, inattendu, etc.) : ces adjectifs seront toujoursvaloriss dans le discours futur de l'enfant;

    et tel qu'il devrait tre pour rendre possible l'action que le parent veut exercer sur lui ou le comportementqu'il en attend : lger pour mieux s'en dbarrasser sil est peru comme un fardeau, prudent s'il s'agit de leprotger des dangers : ces adjectifs seront toujours valoriss dans le discours futur de l'enfant, et leurscontraires dvaloriss (lourd dans le premier exemple, imprudent dans le second);

    2. Les verbes dcrivent lattitude du parent :

    devant lenfant idalis : aimer, adorer, prendre au srieux, respecter regarder, voir, contempler, etc.,et les moyens de conserver un tel enfant : possder, matriser garder, protger, enfermer, retenir, contenir, isoler, incorporer (verbe le plus souvent mtaphoris enmanger) nourrir, remplir, etc.,

    ou au contraire devant lenfant non dsir, refus (tel le pote maudit par sa mre, cf infra) : verbes exprimant la dception, la surprise, l'tonnement, la peur, l'horreur, har, dtester, maudire, ne pas prendre au srieux, tourner en drision,et les moyens de se dbarrasser d'un tel enfant, de le faire changer, ou de lignorer : dtruire (ouvrir, casser, dmolir, brler, clater, dchirer, percer, etc.) changer, modifier, altrer, dformer, tordre dplacer, remuer, secouer, loigner, carter, chasser, (faire) sortir (verbe parfois mtaphoris en vomir) abandonner, laisser tomber, lcher, jeter perdre, garer, donner, vendre, changer mconnatre, ignorer, oublier, etc.,tous ces mots tant valoriss secondairement chez l'adulte que cet enfant deviendra.

    Le pome de Baudelaire intitul (par antiphrase !) Bndiction illustre parfaitement ce discours parentalngatif :

    Lorsque par un dcret des puissances suprmesLe pote apparat en ce monde ennuySa mre pouvante et pleine de blasphmes

  • Crispe ses poings vers Dieu, qui la prend en piti :"Ah ! que n'ai-je mis bas tout un nud de vipresplutt que de nourrir cette drision !Maudite soit la nuit aux plaisirs phmresO mon ventre a conu mon expiation !Puisque tu mas choisie entre toutes les femmesPour tre le dgot de mon triste mariEt que je ne puis pas rejeter dans les flammescomme un billet d'amour, ce monstre rabougriJe ferai rejaillir ta haine qui m'accableSur l'instrument maudit de tes mchancetsEt je tordrai si bien cet arbre misrable,Qu'il ne pourra pousser ses boutons empests !" ,

    dont les termes seront repris, valoriss cette fois, par le pote adulte dans le pome Au lecteur (on y trouvemme au dernier vers l'cho de l'hsitation maternelle tuer l'enfant) :

    C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pasAux objets rpugnants nous trouvons des appasSi le viol, le poison, le poignard, l'incendie,N'ont pas encor brod de leurs plaisants dessinsLe canevas banal de nos piteux destins,C'est que notre me, hlas, n'est pas assez hardie.

    Avec en conclusion le Que ta volont soit faite ! adress au tenant-lieu du parent : Soyez bni, mon Dieu, qui donnez la souffranceJe sais que la douleur est la noblesse unique.

    Les mots souligns sont ceux qui dans les deux pomes se rattachent la srie A; dvaloriss (A) dans lepremier, ils sont valoriss dans le second (A+), illustrant la gense du point de vue Extraverti qui domine dansles Fleurs du Mal.

    3. Notons que les verbes exprimant le souhait du parent pourront se retrouver dans le discours de l'enfant la voixactive, passive, ou pronominale.

    On peroit en gnral aisment la relation entre le fait d'AVOIR T GARD prcieusement ( je legarde parental), et le fait de trouver sa satisfaction GARDER les objets (collectionnisme del'obsessionnel) ou les personnes (cf le film de J. Losey : The collector), SE GARDER (des dangers ou descontacts), et TRE GARD (soumission l'autorit par peur de se faire jeter ). La pit filiale, o l'enfantdivinis voue un culte ses parents, est quant elle un exemple de retour l'envoyeur .

    Il est moins vident en revanche d'envisager que s'clater, se dfoncer, s'envoyer en l'air, se fendre lagueule , etc., puissent rsulter de la transformation pronominale d'un je l'clate, je le dfonce, jel'envoie en l'air, je lui fends la gueule parental. C'est pourtant une des implications fortes de notre hypothse.Il s'agit en fait l tout simplement de la thse freudo-lacanienne de la rversibilit du sujet et de lobjetdans le fantasme ( Ce sujet qui croit pouvoir accder lui-mme se dsigner dans lnonc, nest riendautre quun tel objet (soulign par nous; Subversion du sujet et dialectique du dsir), du reste parfaitementillustre par le pome de Baudelaire L'Hautontimoroumnos (le bourreau de soi-mme) :

    Je suis la plaie et le couteau !Je suis le soufflet et la joue !Je suis les membres et la roue !Et la victime et le bourreau ! .

    Cette auto-agressivit qui va de l'exposition au danger jusqu'au suicide (meurtre parfait en diffr/retardement!) se double, dans le parler extraverti, d'une htro-agressivit qui va du non-respect d'autrui sa mise en pices pure et simple, les deux se conjoignant dans l'exemple du terroriste qui se fait sauter avec sabombe. Si l'on consent reconnatre avec nous dans le parricide le retour l'envoyeur au parent rvantd'infanticide, on pourra terminer cette sinistre numration sur le mot souriant de Cocteau :

    Il vaut mieux russir les enfants, sinon ils ne vous ratent pas !

    Redisons pour conclure que les traits smantiques minimaux ou atomes extraits de ces verbeset adjectifs sont prcisment ceux qui constituent nos sries :

    la srie conservation-intgrit-stabilit, ou srie B. la srie destruction-disparition-loignement-changement, ou srie A.

  • Description approfondie des sries, points de vue et parlers

    Ce retour sur la prsentation sommaire a pour but de montrer que la dichotomie initiale (sries A et B)dbouche sur une description fine et diversifie des discours courants, et fournit des repres linguistiques pourceux qui voudraient aller plus loin dans leur analyse; il jette galement les bases de la validation de l'A.L.S.dcrite au suivant.

    A. Essai de caractrisation linguistique

    1. Les deux points de vue I et E, et leurs combinaisons (les parlers), voquent les lectes que dcrit M. Le Guerndans ses Principes de grammaire polylectale :

    une langue est une polyhirarchie de sous-systmes, et certains de ces sous-systmes offrent aux locuteurs des choixentre diverses variantes. Chacune de ces variantes sera nomme ici un lecte Les lectes que je poserai ne serontassigns ni un individu, ni une catgorie sociale, ni une aire gographique, ni un genre particulier decommunication. Ils seront tudis en soi , dans leurs purs rapports oppositifs l'intrieur du systme (soulign parnous).

    2. Adoptant pour dcrire nos sries la mthode propose par Le Guern pour sa grammaire polylectale, nouschercherons constituer non pas une grammaire normative ni descriptive, mais une grammaire potentielle :

    Les tches d'une grammaire polylectale sont :

    (1) d'observer et recenser tous les emplois concurrents qui se trouvent attests dans la performance des locuteurs,(2) de reconstituer partir d'eux le systme de lectes dont ils sont les produits,(3) de prdire des emplois qui n'ont pas t observs a priori, mais dont la structure polylectale tablie en (2) autorise

    la gnration.Une grammaire polylectale est ainsi amene assigner la langue des limites qui ne sont pas celles de l'attest, maiscelles du possible dire , et y inclure des emplois qui font l'objet de prdictions (soulign par nous).

    Notre grammaire est une construction axiomatique suggre par un donn exprimental : nous cherchons, travers diffrents corpus, constituer des fictions nommes sries et prsentant, au regard de nos hypothses,une certaine cohrence smantique, puis nous essayons de rendre compte, en formulant des rglesgnratives, des concordances et des discordances rencontres lors des simulations et des prdictions permisespar cette grammaire.

    3. L'embotement des units mises en jeu dans la construction de la grammaire sera le suivant :

    TRAIT MINIMUM (atome = adjectif)

    SIGNIFIANT COMPLEXE (molcule = mot)

    SYNTAGME (expression, locution)

    PHRASE

    NONC (de longueur variable : PARAGRAPHE, TEXTE COURT, TEXTE LONG)

    PARLER (biographie considre comme un texte identificatoire mis en acte).

    a) Les sries d'atomes A et B sont donc des listes de traits smantiques minimaux (ou smes) oppossterme terme, par exemple ouvert/ferm, souple/rigide, lointain/proche. La dichotomie n'existe qu'au niveaudes traits lmentaires, et non des mots complexes qui les contiennent.

    Comme on l'a vu ( Dfinition, B, 1, a, remarque 2), la langue, dans son fonctionnement fantasmatique,rduit les ventails du fonctionnement cognitif, par exemple les tats de la matire (solide / visqueux / liquide /pulvrulent / gazeux) deux sries seulement de traits opposs (ici : fluide/non fluide). C'est la ncessitd'argumenter, de dfendre son identification, qui place le locuteur dans un camp ou un autre (ou exclusif),mme sil peut changer de camp au cours de son argumentation. Lakoff et Johnson font remarquer dans Lesmtaphores dans la vie quotidienne, au sujet des mythes opposs de lobjectivisme et du subjectivisme dans laculture, que lobjectivisme et le subjectivisme ont besoin lun de lautre pour exister. Chacun se dfinit paropposition lautre et voit en lui un ennemi (soulign par nous).

    Si un trait est valoris dans une srie, il est par dfinition dvaloris dans lautre. ce propos :

    Tantt le franais fournit deux mots diffrents pour une mme ralit, deux doublets dont l'un estvaloris, l'autre pjoratif, ce qui permet de comprendre et de simuler les dialogues de sourds suivants, ojoue la figure de rhtorique dite paradiastole :

  • extraverti : Vous tes rigide, soyez donc plus souple !introverti : C'est vous qui tes laxiste, soyez donc plus rigoureux !extraverti : Vous tes avare, soyez donc plus gnreux !introverti : C'est vous qui tes dpensier, soyez donc conome !extraverti : Vous tes timor, soyez plus courageux !introverti : C'est vous qui tes tmraire, soyez plus prudent !

    Tantt il nexiste quun mot pour une ralit donne, et cest le contexte qui nous indique si ce mot est valorisou pjoratif :

    extraverti : Je me sens le cur lger (A+)introverti : Justement, vous prenez tout la lgre ! (A-)

    b) Les signifiants complexes, reprsents dans plusieurs catgories grammaticales : verbes, adjectifscomplexes, substantifs, adverbes) ne se rpartissent pas a priori en sries (qui, on l'a vu, ne concernent que lestraits smantiques minimaux). On peut dcrire pour chacun d'eux sa composition en traits :

    Certains, de composition presque homogne, seront employs pratiquement sans ambigut comme serattachant l'une ou l'autre srie (cf ci-dessus papillon et tortue ).

    D'autres, contenant dans leur liste des traits des deux sries, auront un fonctionnement dtermin par lecontexte :

    Le mot NATURE peut s'associer verdure, espace, vasion, grand air, libert, tat sauvage, donc trerattach la srie A. Exemple : se perdre dans la nature ,

    ou au contraire s'associer l'ide d'une mre nature, ternelle, antrieure l'homme, temple etsanctuaire protger, norme biologique respecter. Il est alors dans la srie B. Exemple : Murs contrenature , Mre dnature , chassez le naturel, il revient au galop , retour l'tat de nature , etc.

    Certains enfin se rattachent clairement, lorsqu'ils sont isols, une srie donne, mais cette appartenanceest inverse par le contexte.

    Le mot EAU, employ isolment, est de la srie A en raison du trait fluide (c'est le liquide par excellence),que ce caractre insaisissable soit valoris ( ma petite est comme l'eau, elle est comme l'eau vive) oudvaloris ( c'est de l'eau, c'est du vent ).

    l'inverse, dans il a mis de l'eau dans son vin ou il ne boit que de l'eau (sous-entendu : pasd'alcool), il y a comparaison entre l'eau et un ou plusieurs autres liquides alcooliss. Le trait commun fluide,qui ne permet pas de les opposer, est neutralis, ignor. En revanche les traits insipide, incolore, inodore(srie B) de EAU s'opposent aux traits savoureux, color, parfum (srie A) de VIN, donc EAU est ici de la srieB (contraste entre un liquide sage et un liquide fou ). Un programme d'ordinateur pourrait dduire lasignification subjective de ces expressions.

    OUBLI, qui est de la srie A (voir la gense du verbe oublier), devient B par contexte dans sortir del'oubli , sombrer dans l'oubli , lever le voile de l'oubli . Inversement SOUVENIR, qui est de la srie B,devient A dans la flamme du souvenir , rveiller le souvenir , etc.

    La grammaire peut influer sur le changement contextuel de srie : le passage de l'article dfini (B) l'article indfini (A) peut faire rattacher la srie A un mot d'appartenance B ou neutre. Ainsi s'opposent, dansune interview de J. Vergs par Le Nouvel Observateur , LA vrit (B) et UNE vrit (A) : L'avocat gnralet l'avocat de la dfense vont raconter deux histoires Toutes les deux expriment une vrit et non pas lavrit que l'on n'arrive trouver ni dans la vie, ni encore moins pendant les quelques heures ou quelques joursd'un procs (soulign par nous).

    c) Les expressions et locutions figes. Par exemple : dpasser les bornes , crever le plafond , couper les ponts , jeter l'argent par les fentres , corpus que nous avons collect en un fichier.

    On peut, dans bon nombre de cas, dgager des rgles de calcul simples pour dterminer la srie d'uneexpression de la forme Verbe + Complment d'objet direct, partir de ses lments :

    Verbe A + Nom B expression A : CASSER LA BARAQUEVerbe B + Nom A expression B : LIMITER LES DGTSVerbe A + Nom A expression A : COURIR UN RISQUEVerbe B + Nom B expression B : ASSURER SES ARRIRES

    On remarquera que c'est la srie du verbe qui dtermine la srie de l'expression. Par ailleurs les exceptionssont assez nombreuses pour justifier une recherche plus pousse sur ce corpus.

  • L'tude de ces expressions permet en outre de comparer la manire de dcrire un mme rfrent dans lesdiffrents points de vue (on peut lister les traductions d'une expression d'un point de vue dans l'autre).

    exemple : sortir de la route (I)/rentrer dans le dcor (E).

    d) Les phrases :

    De mme qu'il existe des expressions et locutions symtriques du point de vue des sries, on peut rencontrer :

    des phrases quelconques symtriques,

    des analogies symtriques,

    Le dbat (A+) est au Parti ce que l'oxygne (A+) est au corps humain (P. Juquin), argument jadis par unlocuteur extraverti qui plaidait pour l'ouverture et la rnovation, pourrait trouver son symtrique (ici forgpar nous) chez un locuteur introverti plaidant pour l'orthodoxie : La lecture (B+) de Marx est au Partice que le pain (B+) est au corps humain . Rappelons qu'0xygne contient le trait fluide (A) et pain le traitconsistant (B).

    des proverbes, aphorismes et sentences symtriques :

    Tel pre, tel fils (I)/ pre avare fils prodigue (E).Qui se ressemble s'assemble (I)/les contraires s'attirent (E).Il vaut mieux tre seul que mal accompagn (I)/Plus on est de fous, plus on rit (E),

    qui dessinent les contours de deux morales , de deux esthtiques :

    morale de la sagesse/morale de la foliemorale classique/morale baroque ou romantiquemorale apollinienne/morale dionysiaque.

    des argumentations dialogues symtriques, comme celle que dveloppe J. Vergs, dans l'interview cite plushaut, en faveur de la dfense de rupture (A+) qu'il oppose la dfense de connivence (B-).

    e) Les textes de longueur variable :

    Voici un exemple de texte court, du pote grec Thognis (traduction M. Yourcenar), o les trois premiers versplaident pour la srie A (mots en italique), les trois derniers dcrivent pjorativement la mort, en utilisant lesmots de la srie adverse (B-, en gras) :

    J'aime la flte aigue et les joyeux pipeauxEt la lyre vibrante et le vin dans les potsJe chris la jeunesse et la tendre gaietCar mon temps au soleil est dsormais compt,Et couch dans le noir et devenu tout pierreJe ne verrai plus rien, ayant clos ma paupire .

    f) Les biographies :

    Lakoff et Johnson, dans leur description des mythes de lobjectivisme et du subjectivisme dans laculture remarquent : Toutes les cultures ont des mythes et les gens ne peuvent vivre sans mythes, pas plusquils ne peuvent vivre sans mtaphores Certains dentre nous tentent mme de mener leur vie entire selonlun ou lautre mythe (soulign par nous). De fait, nous pouvons considrer une biographie comme un textequi argumente, en la rptant, en faveur d'une des identifications dcrites plus haut. Ces mythes neseraient autres que les lectes rsultant des identifications.

    Nous ne reprendrons ici les parlers dfinis plus haut que pour prciser certains points :

    Chaque parler veut prtendre l'universel dans sa vision du monde : l'homme est, selon les versions,fondamentalement bon (parler I I), fondamentalement mauvais (parler E E), toujours perfectible (parlerE I), ou mi-ange mi-bte (parler I ou E).

    Dans le parler I I ( conservateur ), c'est l'individu isol qui est valoris : il vaut mieux tre seulque mal accompagn , alors que dans le parler E E ( changement/destruction ) c'est le groupenombreux, la foule ( plus on est de fous, plus on rit ), et dans le parler I ou E ( hsitant ) le petit groupe deconnaissances (Brassens : au-del de quatre, on est une bande de cs , les copains d'abord). Lespersonnages du Misanthrope : Alceste se retirant au dsert, Climne toujours trs entoure, et Philinteami de l'un et de l'autre tentant de les rconcilier, illustrent bien ces trois positions subjectives.

    Le parler E E ( changement/destruction ) connat deux variantes. Si la version bnigne ( changement ) de ce parler peut tre socialement accepte voire encourage pour sa crativit, sa version

  • maligne ( destruction ) se rencontre chez des sujets ports l'extrme violence : ennemis publics , tueurs en srie , criminels de guerre , etc.

    Le parler E I ( du progrs ), parler de la rdemption, du rachat, de la rparation, avec sa biographieen deux tapes, semble rsulter d'un jugement en deux temps du parent, qui rejette au dbut un enfant nonconforme son attente, puis se fait une raison , s'en accommode, et remdie au dfaut naturel parl'ducation, la formation , la construction de la personnalit de l'enfant .

    On trouve dans ce parler, au moment de la transition entre les points de vue E et I, des verbes dechangement d'tat : (se) calmer, (s')assagir, (s')endurcir, (se) ranger, (s')tablir, dcrivant le passage d'unadjectif A (fou, nomade) un adjectif B (sage, sdentaire).

    Ce parler connat plusieurs variantes, plusieurs itinraires qui se combinent souvent, et quidpendent de la manire dont sont mtaphoriss l'tat initial mauvais et l'tat final idal :

    * itinraire gurison : c'est la mtaphore mdicale si couramment applique la vie psychiquemal = maladie, bien = sant : il faut gurir les autres et se gurir en mme temps.

    * itinraire travail, construction, dification :mal = matriaux pars, bien = produit fini, uvre : c'est la morale de l'effort rdempteur.

    Il y a combinaison de ces deux mtaphores dans le fantasme du travail thrapeutique au cours d'unepsychanalyse (voir le Applications, A, 3, a).

    * itinraire enrichissement, capitalisation, accumulation .mal = dnuement, bien = richesse : la valeur du locuteur est celle de sa fortune (cf l'expression je vauxtant ).

    * itinraire gain de sagesse, d'rudition :mal = absence de savoir, bien = tte bien pleine : c'est, par exemple, le cursus universitaire accumulateurde connaissances, incompatible avec la croyance la science infuse propre au parler conservateur (cf le Applications, A, 1, deuxime ).

    * itinraire passage de l'impit la foi (Marie-Madeleine, pcheresse repentie) :mal = pch, bien = saintet : l'extraverti blasphmateur se dcouvre une vie intrieure. Dans beaucoup detraditions religieuses l'abstinence sexuelle est prsente comme un moyen d'lever son me vers Dieu (ascse).

    * itinraire accession la dignit de parent :faire un enfant idal, enfanter le Messie rend le parent idal en retour (telle Marie devenue sainte).

    * itinraire voyage qui rapporte , diffrent du voyage-perdition , du voyage sans retour (propre auparler E E), et couronn par la rconciliation familiale aprs le rejet initial (retour du fils prodigue) :

    Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyageEt puis est retourn plein d'usage et raisonVivre entre ses parents le reste de son ge .

    * itinraire conqute de la notorit :mal = anonymat, bien = reconnaissance sociale : il faut se faire un nom , devenir quelqu'un ,entreprendre une carrire politique ou autre pour se couvrir de gloire .

    Le parler I ou E (hsitant) est marqu par l'alternance rapide, voire la juxtaposition dans le discours,de termes des deux sries : le ou peut-tre exclusif (oscillation) ou inclusif (juxtaposition). Exemples :

    * Certains patients phobiques entendus en entretien disent dans la mme phrase : J'ai eu une crised'angoisse: j'tais PTRIFI (B-), LIQUFI (A-) . ou encore tel rcit est REFROIDISSANT (B-),IMPRESSIONNANT (A-) . Une patiente parle propos de son alcoolisme intermittent la fois deDBORDEMENT (A-) et d'ACCROCHAGE (B-).

    * H. Atlan, dans le premier chapitre d'un livre au titre vocateur : Entre le cristal (B) et la fume (A),plaide pour ce qui est souple et rigide la fois, que ce soit en biologie ou dans la vie en gnral. Son livresuivant s'intitule A tort et raison

    Toute juxtaposition ou oscillation rapide des sries ne signe pas forcment le parler I ou E : on peutles utiliser sciemment , par exemple dans le parler E I, pour rallier tous les suffrages ( ratisser large )en cherchant persuader la fois les locuteurs I et les locuteurs E. Par exemple en politique :

    Le changement (A+) dans la continuit (B+)La force (A+) tranquille (B+).

    Ou en publicit : Cette voiture allie la souplesse (A+) la fiabilit (B+).

  • Nous insistons, pour conclure, sur le fait que ces parlers sont l'analogue de langues et non decatgories diagnostiques masquant des jugements de valeur sous un discours mdicalis. Si classification ily a, elle ne porte que sur ces parlers eux-mmes. Les locuteurs que nous dcrivons ne sont que les porte-paroles d'une langue E E, I I, E I, etc., et non des individus qui seraient, dans leur tre profond , des E E ou des I I , de mme que parler de sujets francophones, anglophones, hispanophonesn'implique aucune rfrence des individus qui seraient dans leur essence des Franais , des Anglais ou des Espagnols .

    B. Rgles et remarques

    1. Toute perception, tout vnement, tout contenu peut-tre comment au minimum de deux manires ou dansdeux formes verbales diffrentes, comme le fameux verre qu'on peut dire demi plein ou demi vide ,puisqu'il existe deux points de vue, sans parler de leurs combinaisons.

    Prenons l'exemple des contenus VIE et MORT :

    Le locuteur extraverti dcrit la vie dans la srie A (valorise) :

    chaleur, mouvement, souplesse, bruit, couleur, etc.

    et ne voit de la mort que le cadavre (traits de la srie B dvaloriss) :

    froid ( refroidir quelqu'un ), immobile ( y rester ), rigide ( raide mort ), silencieux ( silence demort ), sans couleur ( ple comme un mort ), allong ou couch ( allonger, descendrequelqu'un ),

    Ainsi l'nonc de G. Canguilhem dans Le normal et le pathologique : La vie n'est donc pas pour le vivantune dduction monotone, un mouvement rectiligne, elle ignore la rigidit gomtrique, elle est dbat ouexplication avec un milieu ou il y a des fuites, des trous, des drobades et des rsistances inattendues dvalorise-t-il les mots monotone, rectiligne, rigide (srie B) au profit d'autres : dbat, fuite, trous,drobade (srie A).

    Le locuteur introverti ne voit lui de la MORT que la perte de sa prcieuse unit, la dissolution, ladcomposition (srie A dvalorise), l'absence ( il est parti, il nous a quitts ). Voir ce sujet le cas de Jrmecit par S. Leclaire, notamment le rve de la momie, dans le chapitre sur le discours conservateur.

    VIVRE c'est pour lui se maintenir en vie, rester en bonne sant, s'conomiser, prserver son intgritcorporelle de toute altration qui la dgrade (cf aussi cette dfinition mdicale : la sant, c'est le silence desorganes ).

    Il y a donc dans les deux cas, une sorte de prlvement partial dans la description cognitive , quicontient, elle, des termes des deux sries, notamment pour la mort, o le biologiste dcrit la cadavrisationpuis la dcomposition.

    Les sries peuvent s'changer entre les deux points de vue si la mort est souhaite. Le locuteur extraverti verra alors la vie comme un fardeau (B-) et la mort comme une dlivrance (A+), tel le poteLamartine : Qu'est-ce donc que mourir ? briser (A+) ce nud(B-) infme ; le locuteur introverti ressentira la vie comme une torture (A-) : la mort apaisera (B+) ses souffrances (A-) et lui offrira le reposternel (B+).

    Mmes possibilits dans le vocabulaire amoureux : on peut parler d'une liaison (B) ou d'une aventure(A), de frquenter quelqu'un (B) ou de sortir avec (A). Les uns diront rompre (A-) et les autres sesparer (B-), car les sries distinguent les disjonctions bords flous (dchirer, interrompre, briser : srie A)de celles bords nets (couper, sparer, trancher : srie B).

    On peut ainsi constituer une liste de termes parallles qui contestent les synonymies traditionnelles, et quiseraient l'amorce d'une sorte de dictionnaire bilingue pour la traduction d'un point de vue dans l'autre,dictionnaire potentiellement extensible aux multiples parlers :

    y passer/y rester (domaine de rfrence: mort)fondu/givr (domaine de rfrence: folie)tomber/se ramasser (domaine de rfrence: chute)renverser/craser (domaine de rfrence: accident)trembler/baliser (domaine de rfrence: peur)craindre/apprhender (domaine de rfrence: peur)

  • 2. Rgles du jeu dialogique , des changes verbaux vus sous l'angle de l'A.L.S.

    a) Le CONSENSUS (entente sur le contenu) peut tre factice si la forme du discours (le type de parler)diffre, comme ci-dessus.

    Prenons l'exemple d'un dfil antiatomique o les manifestants croient lutter pour la mme chose :

    Certains dcrivent l'effet d'une explosion nuclaire comme une DSINTGRATION (srie A), d'autres commeune VITRIFICATION (srie B), ce qui smantiquement est exactement le contraire, et renvoie ladissolution de l'unit dans un cas, une momification conservatrice dans l'autre.

    Ailleurs, on entendra les locuteurs choisir tantt DPORTATION (A-), tantt CONCENTRATION (B-) pournommer le contenu cause de nombreuses morts durant la dernire guerre .

    Lorsqu'il y a consensus, un locuteur retranscrit, retraduit dans son point de vue les mots de l'autre :

    Il m'a coup (B-) la parole C'est vrai, il t'a interrompu (A-)

    (L'opposition bords nets (B)/bords flous (A) a dj t commente).

    a vous gne (B-) ? Oui, a me drange (A-)

    (gner est en gnral associ l'ide d'obstacle, donc B; interview de C. Deneuve dans Paris Match,, Je nesuis pas une dame glace ).

    Un tel consensus est fragile et peut se rompre dans certaines conditions, qui servent de rvlateur l'antagonisme des parlers. propos du rfrendum sur Maastricht, A. Duhamel rappelle dans L'Express que la question europenne a toujours bouscul les clivages partisans, enjamb les frontires politiques,scind les formations les plus unies, ignor les antagonismes rituels Devant ce jeu brouill, devant ces rlesinverss, la tentation est forte de brocarder l'artifice et le composite de ces rapprochements contre nature .Mais il remarque aussitt : A y regarder de plus prs, on constate pourtant que ces deux blocs baroques, queces deux ligues insolites traduisent deux logiques trs profondes, trs anciennes et trs honorables. Et si lacomposition du cartel des oui et du cartel des non dmontrait avant tout la primaut destempraments sur les idologies, des caractres sur les clivages ? Et si le lien secret entre partisans etadversaires du trait de Maastricht n'tait que le dernier avatar de l'ternelle querelle entre les Anciens et lesModernes ? (soulign par nous).

    b) Le CONFLIT : dsaccord sur le contenu (le thme du dbat) ou sur la forme (le type de parler).

    Dsaccord sur la forme (avec ou sans dsaccord sur le contenu) : changes entre deux locuteurs de parlerdiffrent.

    Dialogue entre un locuteur E E et un locuteur I I: illustr par l'expression tre comme chien etchat .

    a) Forme et contenu : c'est l qu'on rencontre les dialogues de sourds voqus plus haut, avec la figurede la paradiastole ( Description approfondie A, 3, a). Celle-ci pourrait s'exemplifier dans le conflit dednominations qui surgit dans un procs entre l'avocat de l'accusation et l'avocat de la dfense : Ceux quevous appelez hros sont des assassins , et rciproquement. Dans la vie quotidienne, les partenaires donnentplutt l'impression de jouer au gendarme et au voleur : le rejet global de l'identification de l'autre est tel qu'onconteste aussi tous ses contenus. Rappelons le propos de Lakoff et Johnson : Chacun [des mythes] se dfinitpar opposition lautre et voit en lui un ennemi .

    extraverti : Vous tes rigide, soyez donc plus souple !introverti : C'est vous qui tes laxiste, soyez donc plus rigoureux !

    b) Parfois, alors mme qu'on est d'accord sur le contenu d'une proposition, l'opposition nat d'undsaccord sur la manire de le formuler, et s'exacerbe en conflit. La conviction intime de chaqueprotagoniste que son identification vaut mieux que celle de l'autre conduit un affrontement, dans lequel lalogique de l'argumentation fantasmatique prend le relais de la logique cognitive . Ainsi un psychanalystepassablement extraverti s'exclame dans un colloque :

    [Certaines notions], je veux bien qu'on en parle, mais bont divine, partir d'une exprience de chairet d'os (A+), pas comme un discours (B-) .

    une consur qui adoptant (momentanment) un point de vue introverti lui rpond : On peut reprendre (B+) les choses quand mme d'une manire moins passionnelle (A-), qui

    consisterait dire que toute thorie analytique repose (B+) sur de la clinique. ,il rtorque vivement : Pas repose (B-), exprime (A+) ! , alors qu'il est d'accord sur le fond ('la thorie vient de la

    pratique').

  • Dialogue entre un locuteur E E et un locuteur E I : illustr par la fable la cigale et la fourmi .

    Voici des propos entendus chez un locuteur rang parlant d'un locuteur vapor : Ce garons'intresse toutes sortes de choses en matire artistique, mais il n'a pas de suite dans les ides. Il appelle a del'clectisme (A+), moi j'appelle a du dilettantisme (A-).

    Dans cette paradiastole celui qui parle n'est pas un introverti trouvant inutile toute activit artistique, mais dequelqu'un d'arriv valorisant l'effort soutenu et productif.

    Dsaccord sur le contenu : changes entre deux locuteurs de mme parler.

    Dialogue entre deux locuteurs E E.

    a) Dans son intervention un colloque de l'AFCET, Le systme et les personnes, essai d'analyse d'unmalentendu, R. Carpentier, ingnieur informaticien, dcrit sans a priori psychologisant les reprsentationsopposes quont lingnieur et le public de la notion de systme (en particulier informatique). Lorsqu'oncompare comment l'ingnieur et le public qualifient le systme, et dans le cas du public son contraire , lalibert, on constate quils donnent la mme valeur positive un certain nombre de mots identiques ou voisins(ouvert, vivant, vrai, humain) de la srie A. Ils partagent donc le point de vue extraverti. Mais lun attribue cesqualits au systme, lautre l' anti-systme (la libert), ils ont ainsi des avis opposs sur le mme objet.

    Ce type de malentendu est plus simple rsoudre que celui qui relve de parlers diffrents : il suffit qu'unepartie persuade l'autre, de faon sincre ou manipulatrice, que sa manire de voir l'objet est la bonne. C'est parexemple la stratgie d'Apple contre IBM, modifiant pour le public l'image de l'ordinateur (et l'ordinateur lui-mme) pour le rendre convivial, humain, artiste et cratif.

    b) Dans le film Diva de J.-J. Beineix, le hros et une jeune asiatique voquent leurs gots musicaux. Celadonne peu prs :

    Moi, j'aime le jazz, et toi ? J'aime l'opra Peuh, un classique ! Je ne suis pas classique, je suis lyrique !LYRIQUE, contenant le trait A vocal, est de la srie A (ici valorise), alors que CLASSIQUE est de la

    srie B (ici dvalorise).

    Cette traduction permet au hros de se dfendre d'tre introverti , de rejeter lui-aussi ce qui est Bcomme mauvais, donc de se situer dans le mme camp (extraverti) que son interlocutrice pour transformer leconflit en consensus.

    Dialogue entre deux locuteurs E I (contexte thrapeutique dans le parler du progrs ) :

    Soit cette phrase prononce par un journaliste de France Inter le 14/1/85 propos des attitudes mdicalesface au SIDA : Si les franais considrent les amricains comme hystriques, ces derniers considrent lesfranais comme un peu lgers .

    Pour les amricains, prendre au srieux l'pidmie, avoir des chances de l'enrayer, c'est pratiquer uneINFORMATION soigneuse du public. Ils accusent donc les franais de dsinvolture (A-).

    Les franais, considrant qu'il faut ddramatiser, garder son calme, ne pas s'affoler dnoncent chezles amricains ce qu'ils jugent tre du tapage et de la dramatisation propres semer la panique. Chacun deslocuteurs E I traite donc l'autre de E E tout en tant d'accord avec lui sur le contenu.

    3. Passages d'un point de vue l'autre (on se met valoriser la srie oppose).

    Ils sont soit structurels (lis la structure mme d'un parler), soit conjoncturels ( exceptions confirmantla rgle ).

    a) structurels:

    a) Le parler I ou E oscille par dfinition entre les deux points de vue.

    b) Il y a un changement structurel de point de vue dans le parler E I au moment de la transition entre sesdeux phases.

    b) conjoncturels (nous les dcrirons ici uniquement chez les extravertis) :

    Chaque fois qu'un objet est idalis, il devient l'objet d'un commentaire I :

    Certains reprsentants du parler E E idalisent le groupe qu'ils forment. L'thique individuelle extravertie du passage, de la fluidit et de la distance s'inverse alors en une thique collective introvertie du groupe dcrit comme BLOC, ROC, REMPART, UNION SACRE contre l'adversaire :

  • Le fascisme (ou le communisme) ne passera pas , halte l'envahisseur ,

    ou comme LIEU SAINT qu'il est mal de quitter sous peine de devenir tratre la Cause.

    C'est aussi le cas dans le discours amoureux qui idalise le partenaire et les moments passs avec lui,depuis le pome romantique temps, suspends ton vol jusqu' la chanson y-y retiens la nuit, qu'ellesoit ternelle, arrte le temps et les heures : le refus habituel de garder, d'terniser la relation (Donjuanisme), se mue en son contraire au contact de l'objet aim.

    Tout ce qui intervient dans l'accomplissement du destin identificatoire d'un sujet peut tre idalis,donc comment d'un point de vue introverti, mme chez les extravertis, en particulier :

    a) Celui qui joue le mme rle pour le sujet adulte que le parent rejetant dans son enfance, permettant laralisation de tout ou partie de sa maldiction inconsciente :

    La prostitue se vend (srie A) ses clients auxquels elle est par dfinition infidle, mais demeure fidle(B) au proxnte qu'elle a dans la peau .

    Le mauvais garon devient un exemple aim et respect (B) pour la tte brle qui le suit.

    La sorcire, accuse de toutes les transgressions (A), est la fiance (B) du diable , elle a conclu unpacte (B) avec lui.

    b) L'idalisation d'une valeur extravertie (mot valoris de la srie A) prend la forme du souhait de laRESPECTER et de la faire DURER :

    ternelle jeunesse, rester souple, garder le sourire, perptuelle transformation, rvolutionpermanente.

    La libert est le bien le plus prcieux, il faut dfendre les liberts, je tiens mon indpendance.Les jardins sont les poumons des villes : respectons-les.

    g) L'objet, le moyen matriel permettant la ralisation d'un fantasme extraverti peut tre idalis,donc comment et trait comme le ferait un introverti : le varappeur tmraire prend soin de son matriel, lastar sductrice met au coffre ses bijoux, le tueur sans scrupules bichonne son arme, etc.

    On peut rencontrer une inversion de point de vue dans un contexte d'ironie et d'antiphrase chez un locuteurextraverti : Couvre-toi bien, mets ta petite laine, tu vas prendre froid ! (parodie du parent surprotecteur).

    Un reprsentant du parler changement/destruction peut jouer cartes sur table : se rclamer d'un nidieu ni matre constant, et donner dans un anarchisme la Bonnot. Il est alors fidle au vu den'appartenir personne, et son parler sera uniformment extraverti .

    Mais il peut au contraire, en un mouvement alternant, jurer pour mieux trahir, faire des sermentsd'alcoolique ou des promesses en l'air , dire je serai une tombe puis aller crier sur les toits lesecret recueilli. Son discours comportera donc conjoncturellement des passages introvertis . La mauvaise foidcrite classiquement chez l'hystrique a besoin pour s'exercer d'un moment de mise en confiance de l'autre,pour mieux le dcevoir ensuite.

    Enfin une inversion de point de vue peut se rencontrer pour justifier une agression (transgressionlgitime), comme l'voque E. Pons dans le chapitre Les jeunes et la violence : des extrmistes detoutes tendances peuvent arborer des valeurs introverties (retour l'orthodoxie) pour mieux satisfaireleurs fantasmes destructeurs et autodestructeurs.

    4. Dvalorisation d'un mot AMI ou valorisation d'un mot ENNEMI .

    Comment procdent les locuteurs mis en situation d'utiliser ngativement un mot de la srie qu'ils valorisent,ou l'inverse ?

    a) Cas d'un signifiant ami (habituellement valoris) :

    1) Il peut tre vit et remplac par un mot de la srie ennemie , ce qui va engendrer des couples depseudosynonymes. Prenons des exemples chez un locuteur extraverti.

    Celui-ci pourra ainsi remplacer vendre (A) la mche par manger (B) le morceau ou se mettre table (B) . En effet vendre est pour lui valoris (mot de la srie A), alors que le trait comestible (srie B) estdvaloris : l'enfant rejet est jug inconsommable par le parent qui le vomit . Ce trait peut donc servir, dansle vocabulaire extraverti, dcrire des situations ngatives : se faire bouffer , passer la casserole ,etc.

    De mme ce locuteur qui valorise le droit l'erreur , voire devient faussaire, vite l'emploi ngatif dutrait faux, et le remplace par le trait dur (B-) dans des expressions comme chque en bois , accords en

  • bois (pour accords faux en musique). Se tromper fait place se planter, se bcher, se viander, quitous contiennent des traits de la srie B (voir en annexe la liste des atomes A et B).

    L'emploi du trait couvert (B-) lui permet de remplacer diffamer ou mdire par habillerquelqu'un , tailler une veste, un costume . Vous ne faites pas le poids devient Allez vousrhabiller , rendre quelqu'un coupable devient faire porter le chapeau avec le trait couvert ou charger quelqu'un avec le trait lourd, etc.

    PERDRE tant valoris par l'extraverti ( corps perdu , au risque de se perdre ), il vitera del'employer pjorativement. On rencontrera donc par exemple sasseoir (B) sur dix briques ou se fairetouffer (B) de dix briques pour perdre (A) dix millions , ou encore tre dedans (B) pour perdre lapartie (aux cartes).

    2) On peut, au lieu d'viter le mot ami , lui associer un mot ou un trait de la srie oppose pour dvaloriserl'ensemble.

    La CHALEUR est habituellement valorise du point de vue extraverti. Comment en parlerpjorativement lorsqu'elle devient insupportable ? Outre la possibilit de remplacer comme plus haut ce termepar des on cuit, on rtit, on touffe , on peut recourir des juxtapositions comme chaleur touffante,crasante , soleil de plomb , gangue de chaleur , ou voquer des images de couvercle (traitcouvert), de serre (trait ferm), d' tuve , de four ou de fournaise (trait cuit).

    De mme, LUMIERE et BRUIT sont valoriss (srie A). On recourra donc aux traits B pour former desexpressions pjoratives : lumire aveuglante , vacarme assourdissant , on ne s'entend plusparler , le bruit couvre nos voix , etc.

    Le MENSONGE (srie A), s'il n'est pas d'emble rebaptis hypocrisie (srie B), peut tre dvaloris parl'adjonction de termes B : un monument (B) de mauvaise foi , un tissu (B) de mensonges .

    b) Cas d'un signifiant ennemi (habituellement dvaloris) :

    Une affiche marseillaise titre volez vers l'archologie au dessus d'un splendide papillon multicolore :les traits srieux, ancien (srie B) d' archologie sont rendus moins rbarbatifs au lecteur extraverti grce l'adjonction du verbe voler (A).

    Le mot COMPRENDRE qui, entendu comme saisir (B), suscite souvent la mfiance ou la drision deslocuteurs extravertis ( Pourquoi chercher comprendre ? Laissons une part de mystre ), pourra treremplac par entendre (mise en jeu d'un orifice permable, que va obturer cette surdit qu'estl'incomprhension, par exemple dans : tre bouch l'meri , rester sourd des arguments , faire lasourde oreille , il n'est pire sourd que celui qui ne veut point entendre , se heurter l'incomprhension (image d'un mur: srie B). On fait alors de la comprhension quelque chose depermable et de souple (srie A) : se montrer comprhensif .

    L'avocat J. Vergs, dans l'interview prcite, rend supportable l'auditeur extraverti le mot DFENSE(B) en l'associant un mot A dans l'expression dfense de rupture , lui qui n'affecte de dfendre les causes indfendables que pour mieux provoquer (A) :

    La dfense de connivence (B-), c'est celle qui existe dans un tribunal quand l'accus, son avocat, l'accusation,,letribunal admettent tous des valeurs communes (B-) Dans la dfense de rupture (A+), l'accus va faire commeSocrate, il va affirmer sa diffrence (A+).

    5. Les atomes et molcules d'une mme srie sont potentiellement substituables dans les expressionsmtaphoriques, mme s'ils ne sont pas synonymes, voire mme incompatibles au niveau cognitif. Cessynonymies inexplicables autrement que par l'A.L.S. sont attestes dans certains contextes.

    Par exemple :

    Franchir l'obstacle, boire l'obstacle. Partir, se casser, se craquer, gicler etc. Tel objet ou personnage est un obstacle, un carcan, un boulet. Il faut se le farcir, se le goinfrer, se

    l'appuyer. Tel spectacle est terne, froid, plat, petit, triqu, sans relief, mort, etc. Tel bar branch propose ses clients les bires desperados, du dmon, fin du monde, maudite,

    dlirium tremens, et les cidres: TNT, snake bite (morsure de serpent), black adder (vipre noire). Tel concert de rock peut faire s'exclamer : a balance, a chauffe, a dmnage, a dgage, a casse

    tout, a crve le plafond, a fait peur, a fait mal, c'est la gifle, c'est terrible, c'est monstrueux, c'estfracassant, a m'clate, a dcoiffe, c'est du tonnerre, a joue la folie, c'est fou, c'est l'enfer, ils ont fait unmalheur , etc.

  • Les termes ou expressions substituables ne s'quivalent manifestement pas du point de vue du sens propre.Mais ils constituent cependant une rserve o le locuteur va pouvoir puiser, la simple appartenance la mmesrie suffisant faire ressentir comme synonymes deux quelconques de ses termes. Ceci permet desjuxtapositions dpourvues de sens du point de vue cognitif, mais acceptes car logiques du point de vuefantasmatique. Dans l'exemple des boissons ou du concert de Rock , cette rserve ou paradigme est laliste des jugements ports sur un objet dont on ne veut pas, et des moyens par lesquels on souhaite s'endbarrasser, autrement dit la srie A, valorise chez les extravertis .

    Validation directe et indirecte, critiques et autocritiques, rsultats

    A. Pour la validation directe de notre approche, nous proposons de recourir la mthodologie deGardin et Molino (Validation des noncs en Sciences Humaines), expose dans La logique du plausible.(1987). Au dpart se posait ces auteurs un problme quantitatif (trop grand volume dinformations dpouiller chaque anne, mme sur des sujets pointus) et qualitatif (mauvais abstracts rsumant mal demauvais articles). Selon eux, les abstracts doivent pouvoir engendrer sans ambiguit le texte dvelopp, bavard . Do une double dmarche :

    1. Validation interne des modles thoriques et des analyses dexperts

    a) soit la main , en mettant par crit les rgles dexpertise et en les faisant tourner sur des exemples.

    b) soit par la confection de Systmes-Experts :

    Un Systme-Expert est un programme informatique simulant par des techniques dIntelligence Artificielle leraisonnement de lexpert (tte bien faite), et pas seulement de son rudition (tte bien pleine), ce quoi unebase de donnes suffit). Tout Systme-Expert est limit un domaine dapplication.

    Exemple : le systme Sphinx utilis dans le diagnostic de maladies digestives trouve le bon diagnostic dansplus de 90% des cas.

    c) Cette validation interne permet la vrification de la cohrence du raisonnement de lexpert, dtecte latricherie consciente ou la mconnaissance inconsciente, vite la tentation de plaquer cote que cote sa grilledinterprtation sur le corpus tudi; cf la critique de Karl Popper sur les systmes dogmatiques quidforment ou nient les faits pour avoir toujours raison. Elle correspond lexigence de formalisation dans lascience moderne selon J.-C. Milner (1995) : est galilenne une science qui combine deux traits : I'empiricitet la lettre mathmatique (discriminant de Koyr) .

    d) Mais on risque alors daboutir seulement une cohrence paranoaque , coupe du rel : lexpertise estreproductible, le Systme-Expert et lexpert humain aboutissent aux mmes conclusions, mais le lien aveclexprience, lempiricit, nexiste pas : on peut avoir la validit sans avoir l'exactitude : dans l'astrologie surordinateur, le calcul astronomique est correct, mais jamais le lien exprimental entre tel ciel de naissance et telcaractre na t prouv ( il est au contraire souvent suspect dextrapolation analogique).

    Rappelons qu'un raisonnement est dit valide s'il est correctement conduit dans sa forme,indpendamment de l'exactitude de son contenu : Socrate est un chat, tous les chats sont immortels, doncSocrate est immortel est ausi valide que Socrate est un homme, tous les hommes sont mortels, donc Socrateest mortel

    J. Molino prcise dans La logique du plausible p. 151 : Une fois que lon a obtenu une descriptionclassificatoire du corpus, le travail nen est pas fini pour autant. En effet, cette description fonde sur la mise ensrie et la rcurrence de traits caractristiques dans le corpus, ne peut tre valide que de manire presquecirculaire : on ne retrouve la fin que les traits dgags au cours de lanalyse Cest bien, comme lindique lenom danalyse du niveau neutre, dune dmarche prliminaire quil sagit, et qui ne vise qu ce que Chomskyappelle ladquation observationnelle : exigence contraignante et rvolutionnaire lgard des pseudo-mthodes utilises couramment par les sciences humaines, mais banale et lmentaire dans le cadre duneauthentique mthode scientifique (soulign par nous).

    2. D'o le second volet : la validation externe de ces analyses et modles thoriques par la fabrication desimulacres. Cette validation correspond lexigence dempiricit dans la science moderne selon J.-C.Milner.

    a) L'aspect thorique en est formul :

    par J. Molino p. 151 : Seuls le pastiche et la fabrication de faux partir des rgles de descriptionconstituent une validation externe du corpus (soulign par nous).

  • et par J.-C. Gardin, chapitre Lanalyse des textes selon lIntelligence Artificielle, p. 77 : Prenons un autreexemple [] : lanalyse dun corpus de rcits supposs distinctifs dun groupe humain donn, dfini lui-mmepar telle ou telle de nos caractrisations habituelles (gohistoriques, ethnoculturelles, socioprofessionnelles,etc.). Lexigence defficacit, dans ce cas, consiste poser que le commentaire de textes produit par lanalysedoit tre utilisable comme une espce de protocole pour en fabriquer dautres, artificiels, mais que lesmembres du groupe humain considr, ou les "experts" qui arbitrent en leur nom, ne dsavoueront pas; ouencore, comme un instrument de diagnostic pour reconnatre les rcits de ce mme groupe entre tous lesautres, etc. (soulign par nous). Si lon remplace ici rcit par profession de foi , on verra que cettedmarche qualitative est applicable l'A.L.S.

    b) La reproduction artificielle s'y mprendre de tout ou partie des aspects de l'objet tudi atteste que lesrgles de description de l'expert sont non seulement cohrentes mais efficientes. Exemples :

    en Sciences Exactes : insuline de synthse, simulateurs de vol, ralit virtuelle, archologie exprimentale oles objets refabriqus se confondent avec les originaux.

    en Sciences Humaines : simulation qualitative, logique, qui permet le test de Turing :

    Si un expert interrogeant en aveugle un humain et une machine sur un problme de sa comptence sedclare, au bout dun dlai de son choix, incapable de les distinguer, alors il faut cesser toute discussionmtaphysique et dclarer que sur ce problme la machine a un fonctionnement intelligent (ou lhomme unfonctionnement machinique !)

    la linguistique, elle, se situe entre les Sciences Exactes et Sciences Humaines :

    du ct des Sciences Exactes, figure la possibilit quon a de la dcrire avec des formalismes logiques,qualitatifs,

    du ct des Sciences Humaines, figure la possibilit quelle offre de rendre compte du propre delhomme dans loptique structuraliste (ethnologie, psychanalyse ),

    Do les effets inattendus des simulations linguistiques, qui, en gagnant en complexit, rognent peu peu sur le domaine rserv de lhomme (par exemple la production de textes complexes, intelligents , enlangue naturelle).

    3. Domaine de validit.

    Comme le prcise J.-C. Gardin : A dfaut dindications sur le corpus de textes lintrieur duquel se constituelindividualit de celui ou de ceux que lon tudie, il est impossible dtablir si la manire dont on caractrisecette individualit est ou non pertinente.

    Dans notre cas, l'hypothse des sries ne prtend pas tout dcrire :

    a) Nous nous intressons, au sein de toutes les dichotomies reprables en analyse de discours, celles quioprent dans les prises de position subjectives du discours courant. Nous ne refusons pas lexamen dautresdichotomies, mais nous constatons quelles sont locales , lies au contenu, et non dterminantes dans laforme gnrale qui oriente la partialit subjective. Ce choix est rcompens par la dcouverte d'invariantspertinents car reproductibles et dots d'un pouvoir de prdiction.

    b) L'A.L.S. se limite la description fine du discours des personnalits nvrotiques dans le discourscourant. Elle est donc non pertinente pour caractriser le discours rencontr dans les psychoses et desperversions.

    c) L'A.L.S. ne prtend pas donner de description de la sance danalyse, dont le niveau de complexit est biensuprieur : Tout lment linguistique, du trait distinctif des phonmes la transformation et la phrase, estun support potentiel de linsistance du signifiant (Mitsou Ronat).

    d) Les sries n'interviennent pas tout instant dans le discours courant, on peut parler en mode cognitif (description de la ralit ou raisonnement commun). Une recherche ultrieure portera justement surl'alternance et l'intrication du mode cognitif et du mode fantasmatique dans l'argumentation, et les passagesd'un mode l'autre.

    e) Critres de choix du corpus de textes :

    Les textes dits ou crits directement en franais sont prfrables aux textes traduits : les mtaphores setraduisent mal.

    La parole spontane retranscrite est prfrable l'criture littraire , souvent retravaille donccensure.

    Ainsi la rgle d'vitement des rptitions de termes amne souvent l'crivain, court de vocabulaire, utiliser les synonymes du dictionnaire , ce qui va troubler le bel ordre des sries.

  • De mme, la prose est prfrable la posie, marque par certaines contraintes stylistiques (rime,assonances, allitration, etc.).

    On choisira donc les professions de foi, les dialogues ou interviews retranscrits, les compte-rendus fidlesde ngociations et dbats plus ou moins polmiques

    On vitera les textes fortes contraintes argumentatives ou dmonstratives comme les textes scientifiques.En revanche les slogans publicitaires ou autres, quoique trs travaills, sont plus subjectifs et moins rationnelsen raison mme de leur brivet : une phrase ( Fax 270 : sa clart m'a sorti de l'ombre ), voire un mot( Guiness : oser ), alors qu'un raisonnement complet prend au moins trois phrases.

    4. Rsultats : traitement informatique de l'A.L.S.

    a) Une recherche mene avec le G.R.T.C (Groupe de Reprsentation et Traitement des Connaissances, C.N.R.S.Chemin Joseph Aiguier, Marseille) a conduit une validation partielle de l'A.L.S l'aide d'un langaged'Intelligence Artificielle (J.-J Pinto, 1987).

    (1) Programmes dj raliss :

    diagnostic automatique de la srie des signifiants complexes (molcules) partir de leur dcomposition enatomes

    molcules appartenance de srie invariable (indpendante du contexte) molcules appartenance de srie variable (fonction du contexte),

    calcul smantique sur les expressions et locutions pour en dterminer la srie en fonction du contexte,

    diagnostic et gnration de comparaisons antiphrastiques (aspect de l'A.L.S. non trait dans ce chapitre),

    synthse automatique de petits dialogues de sourds ,

    (2) Programmes envisags ou en cours de ralisation :

    gnration automatique des sries d'atomes A et B partir des noncs parentaux,

    validation interne : Systme-Expert d'analyse automatique de textes fournissant un diagnostic en termes desries et parlers,

    validation externe : gnration automatique de textes caractristiques des diffrents parlers (fabrication depastiches), avec notamment la traduction d'un mme contenu neutre dans ces diffrentes sous-languessubjectives ( la manire des Exercices de style de Raymond Queneau),

    gnration automatique de dialogues, avec la vise (encore lointaine) de rendre compte des interfrencesentre mode cognitif et mode fantasmatique dans l'argumentation.

    b) L'analyse semi-automatique de textes :

    Bien moins ambitieuse que le programme de validation prcit, elle offre un outil informatis facilementdisponible et relativement fiable de visualisation de textes en vue de leur comparaison.

    Elle consiste, aprs saisie d'un texte dans un traitement de textes, n'en retenir que le lexique pertinentpour l'A.L.S.

    Une macro-instruction permet de disposer tous les mots en colonne, puis d'liminer la ponctuation et lesmots non porteurs de traits A ou B (la poussire grammaticale : articles, prpositions, conjonctions decoordination et de subordination, pronoms relatifs et personnels, etc.) pour ne garder que les noms, verbes,adjectifs et adverbes. Les expressions figes doivent tre reconstitues la main.

    Cette liste verticale est transporte dans un tableur muni de quelques macro-instructions.

    Chaque mot est alors automatiquement diagnostiqu A, B, 0 ou ? par comparaison soit avec undictionnaire gnral, soit avec un dictionnaire spcifique de l'auteur (Baudelaire par exemple), ce qui permetun gain considrable de temps de recherche. Les expressions figes sont diagnostiques par comparaison avecune table de rfrence.

    La valeur (+, -, 0 ou ?) de chaque mot est automatiquement diagnostique par le mme dictionnaire pourles mots dont la valeur est lexicalise , c'est--dire soit toujours positive (par exemple gracieux), soittoujours ngative (par exemple insupportable)

    Sinon le mot (par exemple lger, dont la valeur dpend du contexte) est not +, -, 0 ou ? par une maininnocente (non experte en A.L.S.) dans le contexte fourni par le texte analys, ce qui introduit une incertitudelie l'interprtation du lecteur.

  • Le tableur fait alors automatiquement le diagnostic de point de vue pour chaque mot : B+ ou A = I (notpar +1), A+ ou B = E (not par -1), tous les autres cas, indcidables, tant nots par 0.

    Une courbe non statistique cumulant ces +1, -1 ou 0 permet alors de visualiser l'orientation du texte versl'un des points de vue E ou I, ou son hsitation entre les deux, ou encore un parcours spcifique un textedonn (exemple du pome de Baudelaire Les chats).

    Malgr une marge de variation lie la main innocente , on a la surprise de constater que les courbesde textes d'un mme locuteur s'orientent rsolument dans la mme direction indpendamment de leurcontenu thmatique, rsultat impossible obtenir par une contre-preuve : le tirage au sort des sries etvaleurs des mots issus de ces textes donne une courbe pente alatoire.

    B. Il existe d'autre part une sorte de validation indirecte de lA.L.S., constitue par desapproches empiriques dont les rsultats convergent avec les ntres : souvent purement quantitatives,procdant par induction, elles apportent par le poids de leurs statistiques ou le srieux de leurs auteurs uneconfirmation non dcisive mais nanmoins plausible notre analyse.

    1. Les mythes de Lakoff et Johnson correspondent aux deux points de vue intro et extraverti :

    Lobjectivisme et le subjectivisme ont besoin lun de lautre pour exister. Chacun se dfinit par opposition lautre et voit en lui un ennemi . (soulign par nous). Voici comment ils les caractrisent :

    Le mythe de lobjectivisme : Le monde est constitu dobjets indpendants de lobservateur

    Nous acqurons notre connaissance du monde en faisant lexprience des objets qui le constituent

    Nous apprhendons les objets du monde au moyen de catgories et de concepts qui correspondent des propritsinhrentes des objets et des relations entre les objets

    La ralit objective existe. La science peut en dernier ressort nous donner une explication correcte, dfinitive et gnrale de la ralit

    Les mots ont des sens fixes

    Les hommes peuvent tre objectifs sils usent dun langage qui est clairement et prcisment dfini, direct et sansambigut, et qui correspond la ralit

    Le mythe du subjectivisme : Nos propres sens et nos intuitions sont les meilleurs guides pour laction

    Ce qui compte le plus dans notre vie, ce sont les sentiments, la sensibilit esthtique, les pratiques morales et laconscience spirituelle, qui sont purement subjectifs

    Lart et la posie transcendent la rationalit et lobjectivit et nous mettent en contact avec la ralit de nos motionset de nos intuitions

    Le langage de limagination, en particulier la mtaphore, est ncessaire pour exprimer les aspects de notre expriencequi sont uniques

    Lobjectivit peut tre dangereuse, injuste, inhumaine. La science ne nous est daucune aide pour les questions lesplus importantes de notre vie.

    2. J. Molino dans Anthropologie et mtaphore (1979) souligne : un des partages les plus profonds de notreculture est celui qui oppose le rationnel lirrationnel. Sous les formes les plus diverses, le couple se reformedans tous les champs du savoir : il y a dun ct la solidit dun rel connu dans sa vrit objective etcohrente, et de lautre les illusions dune subjectivit qui se livre sans entraves ses dmons intrieurs . Ilrelve des dichotomies verticalement corrles :

    objectivit/subjectivit ralit/plaisir (chez Freud) accommodation/assimilation (chez Piaget) outil/rite (chez Le Cur) propre/figur (grammaire et rhtorique)

    dont la gense nest pas prcise, et pour lesquels il hsite entre les noms de mythes ( la puret scientifiquenest quun mythe ) comme Lakoff et Johnson, darchtypes ( lpistmologie de Bachelard est restebloque par lobstacle que constituait larchtype, trs concret, du pur et de limpur, de labstrait et du concret,du concept et de limage, du rationnel et de lirrationnel ), et de partage au sein de la culture .

    3. Dans son article Paradigmes cognitifs et linguistique universelle (in Intellectica n6 sur Langage etcognition), le linguiste et informaticien F. Rastier dcrit, accompagns de leurs options linguistiques, les deux

  • paradigmes qui rivalisent dans les sciences cognitives : le cognitivisme intgriste ou orthodoxe, et leconnexionnisme, dont le lexique rappelle trangement celui des mythes objectiviste et subjectiviste.

    Il caractrise leurs oppositions par les couples logiciste/physiciste, discret/non discret, identique/nonidentique soi, (superposables aux sries B et A), et oppose la mtaphore cognitiviste lesprit est unprogramme la mtaphore connexionniste lordinateur est un cerveau . Il retrouve au niveau desstructures de donnes informatiques (Minsky et Papert, Perceptrons, 1969) laffrontement entre ces deuxparadigmes sous la forme des oppositions suivantes (en anglais), verticalement corrles comme nos sries :

    symbolic/connexionist logical/analogical serial/parallel discrete/continuous localized/distributed hierarchical/heterarchical

    Mais ici encore les dnominations quil propose : enjeux idologiques, ontologies implicites (pense du discretet pense du continu), philosophies ( les ontologies spontanes cherchent appui sur des philosophiesexplicites ), potiques (mtaphore de lordinateur et mtaphore du cerveau), ne nous clairent ni sur lanature, ni sur la raison dtre de ces paradigmes

    4. Le Socio-Styles-Systme de B. Cathelat.

    a) Il a pour objet d'aborder dans une enqute multi-thmatique et multi-dimensionnelle tous les chapitres devie d'un chantillon reprsentatif de la population, pour en tirer une analyse de la diversit typologique decette population (les Socio-Styles) [Son] principe essentiel est de rechercher cette structure socio-culturellede la faon la plus empirique, en traitant de faon exprimentale un grand nombre de variables sans hypothsepralable, la recherche de la logique implicite des rponses de l'chantillon (soulign par nous).

    b) Il utilise pour prsenter ses rsultats plusieurs axes rductibles deux sans perte notable d'information :

    un axe horizontal : mouvement (ou changement)/recentrage (ou stabilit)

    un axe vertical : sensualisme (ou plaisir)/asctisme (ou rigueur)

    qui dupliquent de faon selon nous redondante notre axe Extraverti/Introverti

    c) Nous lui voyons un double intrt :

    Ses graphes confirment plus de 80% nos rsultats. Ainsi en matire de consommation alimentaire, leschoix des diffrentes clientles concident tonnamment avec ce que prdit l'A.L.S., que ce soit pour leur moded'alimentation, le type de produit consomm, le type d'emballage et de lieu de vente qui les attire, ou mme lesupport et le style publicitaire qui les touche le mieux !

    Le Socio-Styles-Systme mentionne l'existence de Lexico-styles, tout fait superposables nos parlers : Il n'y a pas une seule et idale bonne manire de dire chaque chose, mais plusieurs; l'intuition de l'artiste et lavolont du dcideur ne suffisent pas toujours assurer le succs d'un message . Les exemples de ces stylesde langages propres aux diffrentes Mentalits sont pour le ple changement Ce mec, je le senscarrment fou, mais sympa , et pour le ple stabilit Je considre qu'il est important de respecter les valeursde cet individu .

    5. La smiomtrie de Deutsch et Steiner (mise en uvre par la SOFRES).

    a) Ses bases ont des points communs avec les ntres : les mots ont une vie autonome, ils sont investis"affectivement" par les individus

    b) On soumet aux interviews un corpus de mots reprsentatifs, univoques, sensibles [non indiffrents], nonconsensuels (pour dgager des diffrences) . Ces mots reoivent des notes de -3 +3 selon quils provoquentdes sentiments agrables ou dsagrables. La smiomtrie va alors segmenter des populations, en dgageantles mots significativement surinvestis (ngativement ou positivement) par les diffrents groupes compars .

    c) On dcrit les axes :

    pulsions, motions/ordre, contrle

    dtachement/attachement

    conflit/harmonie

    qui scindent cette fois en trois notre axe Extraverti/Introverti.

    d) On met en vidence des clivages par exemple au sein de l'lectorat de droite (mme contenu) entrechiraquiens autoritaires et barristes romantiques et novateurs , rejoignant les consensus facticesdiagnostiqus par l'A.L.S. et voqus par A. Duhamel propos du rfrendum sur Maastricht,

  • e) L'analyse des sensibilits de 1000 matresses de maison de plus de 20 ans s'accorde avec notredescription des deux temps du parler E I : De 20 40 ans dominent les valeurs pulsionnelles (sensuel,nudit, motion) Entre 41 et 45 ans une rupture nette fait surgir les mots angoisse, doute, tranger,mfiance. Puis, aprs 46 ans, dominent de faon stable les valeurs d'ordre, de morale, et de tradition .(Bien sr les extraverties vagabondes ne sont pas recenses dans les matresses de maison !).

    C. Critiques et autocritiques

    1. Critiques non pertinentes tmoignant seulement d'une mauvaise comprhension du modle

    a) Nous avons rpondu par avance aux suspicions de schmatisme que la liste des combinaisons de points devue ntait pas limitative, et aux reproches de catgorisation des p