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ESSAI DE MAÎTRISE Interventions psychologiques favorisant le deuil et l’adaptation des soignants en longue durée Marie-Hélène Boulay RÉSUMÉ Les soignants travaillant au sein d’établissements de soins longue durée (SLD) sont confrontés à des réalités particulières. En effet, plusieurs facteurs tels que le profil de formation peu adapté, la nature des relations qui s’éta- blissent entre soignants et soignés et la nature de la tâche définissent la spécificité de ce milieu de travail. Par conséquent, les soignants se retrouvent quotidiennement face à de nombreux défis en lien avec la souffrance physique et psychologique de ceux qu’ils soignent et auxquels ils s’attachent. Néanmoins, trop peu de moyens sont mis en place actuellement afin de permettre aux soignants de résoudre sainement leur processus de deuil et de développer de nouvelles stratégies d’adaptation au quotidien. En effet, intervenir au niveau de ces deux réalités pourrait favoriser le bien-être psychologique et physique des soignants à l’intérieur de leur contexte de travail. Cet essai présente donc plusieurs interventions issues de la psycho- logie des relations humaines susceptibles de répondre à de tels besoins. Ces propositions ont pour objectif d’utiliser le potentiel de chacune des compo- santes du système, afin de favoriser la synergie entre elles et ainsi, augmenter l’efficacité des interventions. Interventions psychologiques favorisant le deuil et l’adaptation des soignants en longue durée Les établissements de soins longue durée (SLD) comportent des enjeux diffé- rents des autres établissements du réseau de la santé. En ce sens, le contexte de travail qu’on y retrouve fait appel constamment aux processus d’adaptation et de deuil chez le personnel soignant.

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ESSAI DE MAÎTRISE

Interventions psychologiques favorisant le deuil etl’adaptation des soignants en longue durée

Marie-Hélène Boulay

RÉSUMÉ

Les soignants travaillant au sein d’établissements de soins longue durée(SLD) sont confrontés à des réalités particulières. En effet, plusieurs facteurstels que le profil de formation peu adapté, la nature des relations qui s’éta-blissent entre soignants et soignés et la nature de la tâche définissent laspécificité de ce milieu de travail. Par conséquent, les soignants seretrouvent quotidiennement face à de nombreux défis en lien avec lasouffrance physique et psychologique de ceux qu’ils soignent et auxquels ilss’attachent. Néanmoins, trop peu de moyens sont mis en place actuellementafin de permettre aux soignants de résoudre sainement leur processus dedeuil et de développer de nouvelles stratégies d’adaptation au quotidien. Eneffet, intervenir au niveau de ces deux réalités pourrait favoriser le bien-êtrepsychologique et physique des soignants à l’intérieur de leur contexte detravail. Cet essai présente donc plusieurs interventions issues de la psycho-logie des relations humaines susceptibles de répondre à de tels besoins. Cespropositions ont pour objectif d’utiliser le potentiel de chacune des compo-santes du système, afin de favoriser la synergie entre elles et ainsi, augmenterl’efficacité des interventions.

Interventions psychologiques favorisant le deuil et l’adaptationdes soignants en longue durée

Les établissements de soins longue durée (SLD) comportent des enjeux diffé-rents des autres établissements du réseau de la santé. En ce sens, le contextede travail qu’on y retrouve fait appel constamment aux processus d’adaptationet de deuil chez le personnel soignant.

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Tout d’abord, l’appellation longue durée implique que les résidents y séjournenten moyenne 2,9 ans23 . Ainsi, une dynamique complexe a le temps de se déve-lopper entre le résident et le personnel soignant. Au fil des ans, la proximitécontinuelle et la nature des soins à prodiguer (laver, nourrir) contribuent audéveloppement d’un niveau d’intimité et de familiarité non négligeable entresoignant et soigné.

Ensuite, la littérature reconnaît que la présence intensifiée de la souffrance etde la mort dans le contexte de travail d’un soignant contribue à long terme à lefragiliser, affectant sa santé physique et mentale24 . Dans un contexte de SLD,certains soignants risquent ainsi de développer des mécanismes d’adaptationmoins adéquats et de connaître des processus de deuil complexifiés, comptetenu de leur état initial de vulnérabilité.

En outre, la lourdeur de la tâche en SLD est présentement importante. Les genssont hospitalisés de plus en plus en fin de vie. De plus, dès leur arrivée, ilsprésentent généralement plus de déficits physiques et cognitifs que leursprédécesseurs, et ceux-ci sont plus sévères. De cette façon, l’ensemble duséjour d’un résident se traduit actuellement par des soins plus nombreux etspécifiques qu’auparavant. Enfin, en ce moment, une demande d’hébergementen soins prolongés est systématiquement effectuée dès qu’un individu béné-ficie de cent jours consécutifs de soins à l’intérieur d’un établissement actif. Ence sens, un plus grand nombre de résidents auront assurément recours àl’hébergement au fil des prochaines années25 .

De par cette situation, il devient important de se pencher sur le vécu dessoignants afin de leur proposer différentes interventions visant à favoriser leurprocessus de deuil ainsi que leur niveau d’adaptation générale. Dans cetteoptique, la psychologie des relations humaines (PRH) peut fournir des solu-tions intéressantes aux problèmes identifiés; cette affirmation est appuyée parles réflexions qui suivent. D’abord, selon Pronovost, Jinchereau et LeBlanc(1997), cette approche répond aux limites de la psychologie de la santé(c’est-à-dire l’approche individualiste et clinique et l’influence du modèlemédical) de par sa perspective relationnelle et systémique. Ainsi, le psycholo-gue de la PRH place le résident, le problème, les soignants et l’institution dansune perspective interactionnelle (Guillet, 2002). Le milieu de SLD est doncabordé en tant que système complexe et unique, où le vécu du soignant est

23 Cette information provient du centre d’archives médicales de l’IUGS. Elle représente ladurée moyenne du séjour des résidents décédés à cet établissement entre le 1er avril 2002et le 31 mars 2003; soit la dernière année financière.

24 Canouï et Mauranges, 2001; Caron, 2000; Pépin, 1999.25 Cette information provient d’un entretien avec une gestionnaire de l’IUGS, mars 2003.

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considéré comme une partie prenante du système. De même, les valeurs huma-nistes qui guident l’action de la PRH soutiennent la présence d’un potentield’actualisation chez tous les individus aidés, c’est-à-dire que tous les soignantspeuvent améliorer leur vécu en intervenant sur eux-mêmes. En cours deprocessus, l’accent est donc mis sur la coopération entre l’intervenant et lesmembres du système. De ce fait, la responsabilité du changement est remise àla personne ou au système aidé (LeBlanc, 1997), et le psychologue agit commeun catalyseur des ressources des personnes concernées. Cette prise en chargepar les soignants favoriserait leur motivation intrinsèque, les amenant à porterle changement souhaité avec une plus grande conviction (Guillet, 2002).

Plus spécifiquement, l’essai s’élabore en trois parties. Il s’agit d’abord dedresser un profil du travail des soignants : leur formation, le contexte de travail,la nature des liens entretenus avec les résidents ainsi que les différentes diffi-cultés psychologiques associées à leur emploi. Une deuxième partie porte surl’analyse des mécanismes d’adaptation auxquels les soignants ont recours aumoment d’un décès ainsi qu’au quotidien. Cette partie répertorie l’ensembledes mécanismes individuels et collectifs utilisés actuellement. Enfin, unetroisième partie traite de moyens que le psychologue de la PRH peut mettre enplace afin d’aider les soignants à mieux s’adapter à leur contexte de travail. Defaçon complémentaire, il est aussi question d’évaluer les compétences àdévelopper par le psychologue afin d’intervenir efficacement auprès de cetteclientèle.

Dans le souci de comprendre la réalité étudiée du point de vue des gensqui la vivent, des entrevues ont été réalisées auprès de trois personnes inter-venant en centre hospitalier de soins longue durée (CHSLD), dont l’expériencede travail varie entre 10 et 25 ans. Toute référence à l’une ou l’autre de cesentrevues sera présentée entre guillemets. Les autres exemples mentionnésproviennent de l’expérience en CHSLD de l’auteure, dans le cadre de sa maîtriseen psychologie des relations humaines.

Profil du travail des intervenants en sld

Cette première partie vise à traiter des différents facteurs qui caractérisent letravail en SLD. D’abord, la formation académique des soignants semble-t-elleadéquate pour le contexte de travail? Ensuite, comment la durée de l’héberge-ment et la nature de la tâche influencent la relation soignant-soigné? Enfin, ilconvient d’explorer la nature de ces relations, afin d’évaluer quels sont lesimpacts physiques et psychologiques possibles à court et long terme pour unsoignant.

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Le profil de formation

Dès le départ, le travail en SLD diffère des autres établissements du réseau de lasanté. Cette section fait état de quatre facteurs qui illustrent cette caractéristique.D’abord, la formation académique en soins infirmiers met surtout l’accent « surles techniques physiques pour soigner, et non sur le volet psychologique de lapersonne, comme par exemple, apprendre à écouter » (De Montigny, 1992;Estryn-Behar, 1997; Kebers, 1999; Kübler-Ross, 1977; Lussier-Russell, 1992;Pronovost, 1986). Ainsi, puisque la formation est souvent insuffisante pourrépondre aux besoins psychologiques des résidents en SLD (Amiet, 2001;Gendron et Carrier, 1997; Kebers; Manoukian et Massebeuf, 2001), composeravec cet aspect du travail (comme la santé mentale et la confusion) serait uneréalité qui s’apprend dans l’action par le nouveau soignant.

Par ailleurs, le travail en SLD engendre un changement au niveau des valeursacquises au cours de la formation et véhiculées par le travail de soignant,consistant à prodiguer des soins dans le but de guérir et de sauver des vies. Ily aurait donc contradiction entre l’idéal du soignant (guérison du patient) etl’accompagnement vers la mort (Bacqué, 1995; Caron, 2000; Kübler-Ross, 1977;Legault, 1993; Manoukian et Massebeuf, 2001). De même, le travail en SLDaurait socialement une connotation un peu ingrate, voire dévalorisante pourla profession (Bacqué; Estryn-Behar, 1997). En ce sens, Bacqué affirme que« délaisser le combat contre la mort au profit des soins de nursing (alimenta-tion, toilette, bien-être) est comparable à l’abandon d’une attitude noble auprofit d’un comportement servile » (soumis) (p.181). Par conséquent, le travailde recadrage et d’adaptation est majeur pour le soignant qui arrive en SLD.

Le contexte de travail : la durée de l’hébergement et la nature de la tâche

Dans un deuxième temps, la durée moyenne du séjour d’un résident étant dequelques années, les soignants ont le temps d’entrer en relation avec lui defaçon intime et souvent prolongée (Estryn-Behar, 1997; Jinchereau, 2002;Legault, 1993; Manoukian et Massebeuf, 2001). Ainsi, un lien d’attachementimportant peut se créer. Par exemple, un résident confus se rend au poste del’unité de soins afin qu’on l’accompagne pour qu’il s’achète des bonbons;l’infirmier sourit et lui envoie quelqu’un. Voilà un exemple de ces gestes queposent chaque jour les soignants en longue durée, parce qu’ils sont « attachés »à ceux qu’ils soignent

Ainsi, puisqu’un établissement de SLD est un milieu de vie, la nature du travaildes soignants semble différer des autres secteurs, quoique « chaque servicepossède ses particularités et rend compte de difficultés spécifiques pour le

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soignant qui y travaille » (Canouï et Mauranges, 2001, p.64). La pédiatriesuscitant par exemple chez le soignant un sentiment d’injustice et d’identifica-tion à son propre enfant, alors que la réanimation implique des conditionsfavorisant une accumulation de stress chez les soignants (bruits des machines,éclairage permanent, etc.).

Un autre facteur qui caractérise la nature du travail en SLD est l’exercice de larelation d’aide. Il serait, avec la psychiatrie, les endroits les plus propices àl’exercice de cette fonction de la part des soignants (Manoukian et Massebeuf,2001). En effet, en SLD, les personnes âgées sont souvent anxieuses à l’idéed’agoniser ou de mourir seules. Leur angoisse existentielle peut alors êtrecommuniquée à un soignant de différentes façons. Les soignants qui entrenten relation d’aide sont donc souvent en contact avec des personnes endétresse; ce que certains auteurs reconnaissent comme étant l’une des sourcesles plus constantes de fatigue et d’épuisement au travail (Canouï et Mauranges,2001; Pépin, 1999).

La nature des relations avec la clientèle et la souffrance des soignants qui endécoule

Dans cette section, les relations positives tout comme les relations plus diffici-les sont explorées. Plus précisément, il s’agit d’étudier les critères qui viennentdéfinir la nature des différentes relations ainsi que leur ampleur. Parmi cescritères, un élément central en terme d’importance se dégage de l’expérience dusoignant. Il s’agit de la souffrance psychologique associée au travail en SLD.

Avant d’aborder la nature de la relation, il est avant tout important de soulignerque celles-ci peuvent être appelées à changer au fil du temps compte tenu de ladurée des liens qui s’établissent entre soignants et soignés. Par exemple, unrésident avec qui le contact était établit depuis un certain temps avec lessoignants peut subir de nouvelles pertes cognitives ou vivre de nouveauxdeuils; ce qui implique une modification des contacts entre eux.

D’une part, il y a donc les relations soignants-soignés positives etenrichissantes pour les deux personnes. Les conditions de succès identifiéespour de telles relations seraient un champ de compétences partagées, en cesens que « chacun doit donner et recevoir de la relation pour que ses besoinssoient satisfaits ». D’abord, le soignant doit être intéressé par son travail etvalorisé par celui-ci. Il doit être capable de surpasser la souffrance du résidentafin de le rejoindre (Gendron et Carrier, 1997). Cette condition est difficile, carelle implique de composer avec la dégradation physique et cognitive du rési-dent, de même qu’avec son histoire, ses croyances, ses peurs, etc. Il s’agit en

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fait des habiletés que Jinchereau (2002) nomme la compréhension empathique,la considération positive inconditionnelle et la congruence.

Dans l’optique d’une relation où le champ de compétence est partagé, le rési-dent doit également contribuer; son attitude psychologique occupant mêmeune part importante au sein de la relation (Estryn-Behar, 1997). Ainsi, il doitd’abord reconnaître le travail du soignant. Par la suite, selon les intervenantsinterrogés, « un résident qui adopte une attitude confiante et respectueuse ouqui fait preuve d’ouverture contribuerait à favoriser la relation ». En somme, lesrelations vécues de façon positive, où le champ de compétence est partagé,contribueraient à renforcer le soignant dans son rôle professionnel et à nourrirson estime personnelle. En retour, il serait alors davantage porté à s’investirdans la relation à l’autre.

Au-delà de cette relation positive avec un résident, certains soignants arriventà grandir dans le cadre du contact avec la personne souffrante, voir même suiteà son décès. En ce sens, certains auteurs affirment que travailler auprès demourants peut augmenter le goût de vivre, contribuer à l’éveil spirituel et / ouêtre une source de gratification. De ce fait, le travail auprès de mourants peutêtre une chance de croissance (De Montigny et De Hennezel, 1990; Kebers,1999; Levine, 1992) et une occasion de travailler sur soi-même (Gendron etCarrier, 1997; Jinchereau, 1993; Kübler-Ross,1977; Pronovost, 1993). En effet,s’engager auprès de gens en quête de sens renverrait le soignant à sa proprequête de sens.

D’autre part, le travail en SLD comporte aussi des relations plus difficiles. Troiscritères majeurs peuvent influencer une telle relation et compromettre l’équili-bre psychologique et physique des soignants. Un premier critère constitue leprofond déséquilibre existant dans la relation soignant-soigné (Bacqué, 1995;Canouï et Mauranges, 2001; Jinchereau, 1993; Morasz, 1999). En effet, lemalade souffre, il est vulnérable et « reçoit » les soins, et le soignant « donne ».De plus, la situation suppose qu’au départ, deux personnes qui ne se connais-sent pas entrent dans une relation touchant à l’intimité du corps et / ou del’âme. Jinchereau (1991) évoque ainsi l’expérience que vivent plusieurspersonnes en SLD : « On ne s’est pas choisis pour partager ainsi la viequotidienne » (p.6). À cet effet, il semblerait que les traits de caractère d’unrésident ne seraient qu’exacerbés par l’intimité des soins reçus ainsi que par sasouffrance; le rendant souvent imprévisible (Cornillot et Hanus, 1997; Gendronet Carrier, 1997; Morasz). Ainsi, les soignants sont souvent la cible de senti-ments négatifs et de frustrations de la part de résidents (Kebers, 1999). Il estdonc possible d’observer un manque de respect ainsi que certains comporte-ments agressifs et hostiles à l’égard des soignants, allant même jusqu’à tenter

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de diviser les équipes de soins (Estryn-Behar, 1997; Gendron et Carrier, 1997;Kebers, 1999; Kübler-Ross, 1977).

Un deuxième critère découle de la culture même du milieu de SLD. Cette culturesuppose que le bien-être du résident passe en priorité. Par conséquent, lesoignant et ses besoins ne sont que partiellement considérés (Bacqué, 1995;Canouï et Mauranges, 2001; Jinchereau, 1993). Cette réalité, que les soignantsnomment « la structure de service », implique qu’il est accepté que certainsrésidents manifestent de la rigidité envers eux, tentent de les manipuler ou semontrent très exigeants (Manoukian et Massebeuf, 2001). Il « reviendrait »ainsi au soignant de se mettre à l’écoute de la personne, de déceler ses attenteset ses besoins, et de lui procurer les ressources appropriées (Gendon et Carrier,1997).

Enfin, un dernier critère s’illustre par l’importance du nombre de résidentsmoins lucides en gériatrie. Ainsi, leurs comportements souvent perturbés(démence, Alzeimer, etc.) modifient l’échange habituel soignant-soigné, ce quidemande une énergie substantielle au soignant. En effet, la clientèle non-lucideimplique d’abord de « devoir se fier uniquement à ses perceptions, en validantconstamment si le non-verbal de la personne semble signifier ses besoins ».Par ailleurs, les gens plus agressifs ou confus exigent davantage de précau-tions au plan physique de la part du soignant. Tous ces critères représententen bout de ligne un surplus notable pour les soignants; surplus qui à la longue,peut contribuer à les saturer (Canouï et Mauranges, 2001).

Désormais nous savons que pour le soignant, tous les critères mentionnésprécédemment ont le potentiel de compromettre son équilibre psychique etphysique, en affectant son niveau d’adaptation et la résolution de son proces-sus de deuil. Il importe maintenant de présenter un dernier critère considérable,qui complète l’ensemble de la souffrance psychologique associée au travail enSLD : la confrontation quotidienne avec la souffrance et la mort.

D’abord, en plus d’être un milieu de vie, les établissements de longue duréecomportent un volet palliatif. Le contexte de travail implique donc un contactfréquent avec la souffrance et la mort. À ce propos, Kebers (1999) soutient que« les soignants sont confrontés à une réalité humaine à laquelle ils n’échapperontpas et quand bien même elle est lointaine pour eux, ils la voient se développersous leurs yeux et sous leurs mains » (p.106). De ce fait, le désir de soigner etde guérir se trouve parfois étroitement mêlé au désir de fuir l’image de celui oucelle que l’on ne voudrait pas devenir, confrontant à l’angoisse existentielle del’être humain (Bacqué, 1995; Canouï et Mauranges, 2001; Caron, 2000; Cornillotet Hanus, 1997; De Montigny, 1992; Gendron et Carrier, 1997; Jinchereau,

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2002;1993; Kebers, 1999; Legault, 1993; Lussier-Russell, 1992; Pronovost,1993;1989;1986). En d’autres termes, le travail en SLD renverrait les soignantsà leur propre mort, et serait un des éléments pénibles à supporter pour eux. Parailleurs, côtoyer la souffrance peut faire vivre de l’impuissance au soignant; ilpeut se sentir incompétent, irrité, et découragé (Bergeron, 1993; De Montigny,1992; Estryn-Behar, 1997; Gendron et Carrier, 1997; Jinchereau, 1991; Legault,1993; Manoukian et Massebeuf, 2001). En résumé, fonctionner dans un milieuoù la souffrance est omniprésente et où les décès sont fréquents finit parfragiliser les soignants, affectant leur santé physique et mentale (Amiet, 2001;Bergeron, 1993; Canouï et Mauranges, 2001; Caron; Cornillot et Hanus, 1997;Gendron et Carrier, 1997; Legault, 1993; Pépin, 1999; Pronovost, 1989). « À lalongue, ils sont en quête du sens de leur travail. Ils sont des soignants ensouffrance » (Kebers, p.106).

La littérature identifie aussi plusieurs autres critères qualifiés « d’usants »pour un soignant en SLD (Caron, 2000; Estryn-Behar, 1997; Gendron et Carrier,1997; Kebers, 1999; Legault, 1993). D’abord, il y a l’accumulation de « coupsémotionnels » (déchéance physique, décès), sans avoir la possibilité d’allégerla tension. Ensuite, le fait de constater la situation d’abandon de personnesâgées suscite chez le soignant un sentiment souvent mêlé de tristesse, deculpabilité ou d’angoisse existentielle, selon le cas. De plus, il est presqueimpossible pour lui d’éviter la vue du mourant, de même que les bruits et lesodeurs, comme il lui est difficile de nier la tristesse des résidents et des familles.D’ailleurs, il serait usant pour un soignant de devoir déployer de l’énergie aveccertaines familles quelquefois exigeantes, vindicatives et paniquées, vue lasituation de leur proche. Selon Bacqué (1995), la souffrance des soignantsserait donc avant tout composée de l’ensemble de ces indices.

Les impacts sur le soignant des facteurs qui caractérisent le travail en SLD

À la lumière de ce qui précède, de nombreux facteurs particuliers caractérisentle travail en SLD. En parallèle, ceux-ci se traduisent à travers la conduite et lespensées concrètes des soignants à court et à long terme. Ainsi, tous lessoignants rencontrés dans le cadre de cet essai s’accordent pour dire que« ces situations usent à long terme, même si ce n’est pas toujours perçu aucours des premières années de travail ». Les observations qui suivent indiquentdonc comment ce sentiment « d’usure » peut évoluer jusqu’à l’épuisementprofessionnel, défini comme étant l’aboutissement d’une exposition continueà un type spécial de stress engendré, en bonne partie, par l’obligation dedevoir satisfaire des exigences de travail élevées et de transiger avec des gens,particulièrement des clients difficiles (Maslach et Jackson, 1982).

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À l’intérieur des comportement et du discours d’un soignant, il est souventpossible d’identifier les premiers symptômes de l’épuisement (Canouï etMauranges, 2001; Estryn-Behar, 1997; Manoukian et Massebeuf, 2001; Pépin,1999; Pronovost, 1986). D’abord, plusieurs soignants disent se sentir « vidés,comme écœurés ou très fatigués ». Cela représente un premier indice : « l’épui-sement émotionnel ». Ensuite, il arrive que certains introduisent une distancedans la relation avec le résident. Il s’agit d’un deuxième indice, soit : « ladéshumanisation de la relation à l’autre ». Par exemple, entrer dans la chambred’un résident, ouvrir la radio ou la télévision, et procéder à des soins « mécani-ques », sans « devoir » discuter. Enfin, un troisième indice, la « diminutionde l’accomplissement personnel », représente une conséquence des deuxpremiers et se subdivise en trois niveaux de difficultés. D’abord, le soignantcommence par se sentir inefficace dans son travail et doute de lui; par exemple,en croyant qu’il ne sait plus aider les gens. Ensuite, il augmente la distanceémotive et vit de la culpabilité et de la démotivation. Par exemple, en ressentantde l’agressivité face à un résident qui fait des demandes. Enfin, le soignantpeut éprouver des symptômes physiques associés au moment du retour autravail, telles que raideurs, céphalées, etc. Par conséquent, puisque lessoignants qui évoluent à travers ces étapes éprouvent manifestement unedifficulté de plus en plus grande à revenir à leur poste, l’absentéisme au travailpourrait être considéré comme l’une des conséquences possibles de l’expé-rience du travail en SLD.

Le processus de deuil et les mécanismes d’adaptation chez lessoignants

Il a déjà été démontré que l’expérience du travail en SLD est difficile. Il s’agitmaintenant de se pencher davantage sur les processus adaptatifs que déve-loppent et utilisent les soignants afin de pallier cette réalité. Cette partie ported’abord sur l’analyse des mécanismes d’adaptation auxquels ont recours lessoignants lors d’un deuil, puis ensuite, ceux qu’ils utilisent au quotidien.

Le processus de deuil

Il convient d’abord d’être prudent avant de traiter de généralités, puisque lamort est toujours singulière, unique et subjective (Cornillot et Hanus, 1997;Gendron et Carrier, 1997; Hétu, 1997; Jinchereau, 2002; Kebers, 1999;Monbourquette, 1991; Pronovost, 1998). En ce sens, il semble qu’on ne s’habituepas à la mort. Le deuil doit donc être recommencé à chaque fois (Amiet, 2001;Cornillot et Hanus). Par conséquent, en plus d’être propre à chaque individu, leprocessus de deuil varie d’une situation à l’autre.

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Considérant cela, l’expérience de la perte pour un soignant travaillant en SLDpeut prendre une forme particulière selon sa personnalité ainsi que le contexte.À ce sujet, Kebers (1999) soutient que le deuil d’un résident consisterait unpeu en les mêmes étapes que pour un proche, mais en plus rapide et en moinsconscient. En ce sens, Legault (1993) affirme que le deuil des soignants seprésente parfois sous une forme abrégée, soit de quelques minutes à unesemaine. Ensuite, le souvenir des résidents décédés semble s’inscrire dansleur mémoire; pouvant même demeurer vif durant des mois, voire des années.Les décès auraient donc un impact chez plusieurs soignants, mais le processusde deuil se distancierait quelque peu de la théorie.

Au fil des lignes qui suivent, le deuil est traité d’une manière plus théorique. Ils’agit d’abord d’illustrer, à partir de la littérature, quelques-unes des concep-tions du processus de deuil. Ensuite, il est question d’identifier les manifestationsd’un deuil normal, appliquées à la réalité des soignants en longue durée. Enfin,les différents facteurs susceptibles de gêner la résolution de ce processus dedeuil sont abordés.

Tout d’abord, le deuil est un processus psychologique, social et somatique, enréaction à la perte du lien significatif avec une personne lors du décès decelle-ci (Caron, 2000; Gendron et Carrier, 1997; Legault, 1993). Ainsi, il impliquechacune des dimensions de la personne : physique, affective, morale, spiri-tuelle, religieuse, familiale et sociale (Pronovost, 1998). En ce sens, le deuil estdonc perçu comme étant le travail de désinvestissement que le survivant doiteffectuer par rapport à la personne dans laquelle il s’était affectivement investi(Bowlby, 1984; Hétu, 1997). Bref, faire son travail de deuil consisterait « essen-tiellement à se détacher, et la façon d’y parvenir dépendrait autant d’un ensemblede facteurs personnels, culturels et sociaux que des toutes premières relations[établies en tant qu’individu] » (Gendron et Carrier, p.139).

Une première perspective visant à expliquer le processus de deuil ou toutprocessus d’ajustement à une perte consiste en une série d’étapes à traverser;le nombre et l’ordre de ces étapes variant selon les auteurs. Ainsi, Kübler-Ross(1977; 1975) énonce par exemple le processus de deuil d’une personne mou-rante, où des retours en arrière, des chevauchement, des interversions oul’absence d’une ou de plusieurs étapes sont possibles. Il s’agit du choc, de lanégation, de la rage ou colère, du marchandage, de la dépression, de l’accepta-tion et de la décathexis (lâcher-prise). Une seconde perspective consiste àdéfinir le deuil en tant que série de tâches à accomplir. Elle fait donc référenceà un travail précis et à un aspect normatif (il faut s’en acquitter). Par exemple,Worden (1982) utilise un modèle de quatre tâches : accepter la réalité de laperte, vivre pleinement la douleur et la peine, s’ajuster à un milieu d’où la

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personne décédée est absente, et enfin, retirer son énergie émotive de la rela-tion avec le défunt, afin de réinvestir dans une autre relation. En réalité, quelque soit l’auteur, il est possible de constater que les étapes ou les tâches serecouvrent. Il serait donc envisageable de ne parler que de trois grandes étapesfondamentales, soit une phase de choc et d’évitement, de désorganisationet de réinsertion (Hétu, 1997)26 . En conclusion, puisque la période pendantlaquelle séjourne un résident en SLD lui permet de créer des liens intimes etsouvent prolongés avec les équipes soignantes, le soignant aurait, en théorie,à retirer l’investissement émotionnel dans la personne décédée afin d’établirde nouvelles relations.

Cependant, en SLD, il apparaît difficile de « vivre pleinement la douleur et lapeine », telle que mentionné plus haut. En effet, ce que la Régie Régionale de laSanté et des Services Sociaux nomme « l’urgence d’admettre » implique que« le lit disponible» lors d’un décès est systématiquement « offert » à quelqu’und’autre; « ce qui ne prend parfois que quelques heures… » Une infirmièreraconte que son processus de deuil s’en trouve alors affecté : « l’arrivée d’unnouveau patient est parfois beaucoup trop rapide. J’ai quelquefois l’impres-sion que le lit est encore chaud, que la personne est encore là…C’est enrageant,c’est dur, et ça manque de respect, pour le défunt et pour les soignants... ». Eneffet, la tâche du soignant demeure malgré les décès et il n’y a pas de tempsd’arrêt accordé comme lorsqu’on perd un proche. Ainsi, comment arrivent-ils àeffectuer leur travail de deuil et continuer à avancer?

Les manifestations du deuil normal

En premier lieu, Worden (1982) propose une classification des manifestationsd’un deuil normal, où l’ensemble des exemples rapportés correspond à uneexpérience partagée par les soignants en SLD interrogés. D’abord, le deuilnormal impliquerait la présence d’un vécu émotif comme la tristesse, l’anxiété,la colère, la culpabilité ou l’impuissance. Par exemple, une infirmière raconteque la mort d’un résident éveille en elle un « sentiment d’échec, de culpabilitéet d’impuissance ». Ensuite, le deuil occasionnerait des réactions au plan phy-sique, tels que la sensation d’avoir une boule dans l’estomac, d’être fatigué,d’avoir la gorge serrée, etc. Par exemple, une préposée déclare se fier « à [ses]sensations pour évaluer ce qui pourrait être fait auprès d’un mourant ». Unetroisième forme de manifestations de deuil s’applique aux pensées. Il s’agit parexemple de se préoccuper du défunt, « de [se] demander où il est et s’il a bienvécu sa mort », ou encore, d’avoir la sensation qu’il est encore présent : « j’ai

26 Pour Roy (1990), il s’agit des phases de déstructuration, de transition et de restructura-tion

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parfois l’impression que l’âme de la personne est encore là et qu’elle n’est pasprête à quitter, même si son corps est déjà parti ». Enfin, le deuil affecterait lescomportements du soignant. Celui-ci peut donc avoir de la difficulté à dormir,perdre l’appétit, rêver au défunt, se retirer, pleurer ou encore, manifester del’hyperactivité. Une soignante raconte ainsi « sentir une augmentation brus-que d’adrénaline », lui ayant déjà permis, par exemple, de « monter cinq étagesen courant; deux fois d’affilée ». Enfin, une dernière soignante mentionne qu’illui arrive « d’aller aux toilettes afin de pleurer en cachette ou de rêver à lapersonne qui vient de mourir, parfois même à quelques reprises pendant lapremière semaine ». À ce sujet, Legault (1993) mentionne que le délai de cettephase plus « aiguë » du deuil chez un soignant se situe le plus souvent « entrequelques jours et une semaine » (p. 90).

Facteurs susceptibles de gêner la résolution du processus de deuil normal d’unsoignant

Qu’ils soient d’ordre personnel, propres à la culture hospitalière ou sociaux,certains facteurs peuvent perturber une saine résolution de deuil. Cettesection vise ainsi à explorer les facteurs perçus comme susceptibles de com-plexifier le processus de deuil normal des soignants. Deux perspectives sontexplorées et viennent démontrer la vaste combinaison d’interactions possiblesentre les facteurs personnels du soignant et ceux de son environnement (rési-dent, culture, etc.). Dans un premier temps, il s’agit de présenter les six facteursselon Worden (1982). Par la suite, Jinchereau (2002) propose une forme desynthèse, fruit de ses observations en tant que psychologue en relationshumaines auprès de soignants en longue durée.

Ainsi, Worden (1982) énonce six facteurs susceptibles d’influencer le proces-sus de deuil, applicables dans le cadre du travail en SLD. Un premier facteurconsidère « qui était la personne décédée » par rapport au soignant. Parexemple, une infirmière soutient que « l’admission d’un nouveau résident créeun sentiment d’appartenance avec lui et sa famille; c’est alors mon patient »dit-elle. Ainsi, la mort de l’un des « siens » pourra l’affecter davantage. Ledeuxième facteur est la « nature de l’attachement au défunt », soit l’élément leplus significatif de ceux répertoriés par les soignants de l’étude de Legault(1993). Il s’agit par exemple de cette résidente que tous appellent « Mamie » oud’une personne qui rappelle quelqu’un de cher au soignant. Il peut aussi s’agird’un résident qui présente les qualités nommées plus tôt à propos des rela-tions plus enrichissantes (ouverture, reconnaissance, etc.). Un troisièmefacteur pouvant gêner le processus de deuil s’applique aux circonstancesentourant le décès. En ce sens, Estryn-Behar (1997) prétend qu’un décès qui se

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passe mal, « c’est un malade qui meurt tout seul, sans recevoir l’aide etl’accompagnement souhaitable » (p.49). Par exemple, une soignante raconte :« une nuit, j’ai décidé d’arrêter de remplir les papiers pour aller voir le mourant.À mon arrivée, il était déjà mort…je m’en suis voulue ». Le quatrième facteurétudie « les expériences passées avec le deuil »; l’un des facteurs propres aupersonnel soignant selon Legault. Il s’agit du lien intime que chacun entretientavec la mort, pouvant en partie être construit à partir de pertes subies au planpersonnel. Le cinquième facteur, aussi « propre au personnel soignant » con-sidère leur personnalité. Ainsi, certains sont plus enclins dès le départ à vivrede l’anxiété, de la culpabilité ou au contraire, à exprimer l’ensemble de leursémotions plus facilement, ce qui peut aussi influencer leur deuil. Enfin, unsixième facteur concerne l’environnement social. À ce sujet, Legault identifietrois composantes susceptibles de compliquer le deuil normal, se retrouvant« souvent dans les milieux de travail gérontologiques » (p.27). D’abord, il ya « la loi du silence ou culture hospitalière » (Canouï et Mauranges, 2001;Estryn-Behar; Kebers, 1999; Pronovost, 1986). Ainsi, les soignants déclarentqu’il est « tabou de parler de la mort sur les unités de soins »; ils disent ainsi nejamais en parler ou très rarement. De fait, Ploton (1990) confirme que l’environ-nement social nie le décès. En ce sens, il soutient qu’en gériatrie, l’organisationdu travail ne permet pas qu’il y ait un temps pour la vie, la mort et le deuil. Eneffet, il suffit de rappeler l’urgence d’admettre mentionnée plus tôt. Enfin, il y a« absence d’un réseau de support social ». D’abord, la culture ne permet pasvraiment de se supporter entre collègues. Canouï et Mauranges soutiennentmême qu’ « adhérer ou être menacé d’exclusion s’impose à celui qui troublel’intégrité de l’équipe en place » (p.94). Ensuite, cette absence peut être liée àun problème de résistance des soignants, qui ne le demandent pas ou être liéeà beaucoup de chefs de services qui trouvent que cela déstabilise trop dechoses (Estryn-Behar).

En deuxième lieu, Jinchereau (2002) répertorie trois réactions « saines » obser-vées chez les soignants en SLD au fil de sa carrière en PRH; dont l’une peutêtre davantage gênée par la présence d’une culture hospitalière. Ainsi, en plusd’observer des processus de deuil « normal », ainsi que des soignants quitrouvent un sens au décès (l’héritage ou sens de l’acquis), elle remarque quecertains soignants ne réagissent pas ou réagissent bien à la mort d’un résident,sans qu’il ne soit question de mécanismes de défense. En effet, ils ne manifes-tent aucun sentiment de perte, mais bien un « apaisement », voire même un« gain ». Toutefois, cette réaction étant plutôt mal perçue socialement, certainssoignants se privent peut-être de la vivre complètement. Paradoxalement, laculture pourrait donc aussi nuire à une libre expression de cette « absence dedeuil » chez certains soignants.

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Les mécanismes d’adaptation actuellement utilisés par les soignants

Comme il a déjà été mentionné, la relation entre soignant et soigné évolue avecle temps. Ainsi, les soignants doivent s’adapter constamment. Cette sectionétudie donc les mécanismes d’adaptation qu’utilisent les soignants au quoti-dien, et non seulement en période de deuil. Est-ce que certains mécanismessont davantage utilisés que d’autres? Comment se concrétisent-ils par lessoignants qui les utilisent?

D’abord, l’adaptation signifie « se mettre en harmonie avec; se plier, se confor-mer » (Le Petit Larousse, 2000, p.39). Pour un soignant travaillant en SLD, ils’agit donc de trouver un point d’équilibre entre son cadre de référence per-sonnel (ses valeurs), les cadres de référence transmis par la formation et lemilieu, ainsi que l’expérience de la réalité dans un CHSLD.

Au plan théorique, Lazarus et Folkman (1984) présentent un modèle intéres-sant des huit catégories du « Ways of coping questionnaire »27 . Il s’agit demécanismes utilisés par les soignants afin de s’adapter dans différentessituations difficiles en SLD. Selon le Petit Larousse (2000), le mot coping signi-fie « stratégie développée par l’individu pour faire face au stress » (p.261). Unestratégie de coping s’avère donc efficace dès qu’elle soustrait le soignant à sasouffrance, lui permettant d’exercer plus de contrôle sur sa situation. Grâce àces stratégies, il peut ainsi préserver un niveau d’autonomie, de motivation etd’équilibre psychologique suffisant pour lui permettre de continuer à fonc-tionner (Lazarus et Folkman). En ce sens, il arrive de voir des soignants enlongue durée qui, afin de continuer à avancer, « cherchent à déplacer ou àcontourner les difficultés rencontrées au travail dès que la souffrance devienttrop présente » (Canouï et Mauranges, 2001, p.84).

Les stratégies de résistance utilisées par les soignants sont inconscienteset peuvent être individuelles ou collectives (Canouï et Mauranges, 2001; Estryn-Behar, 1997; Parkes, 1986). De plus, dans le volet individuel, une stratégies’exprimerait surtout sous une forme active ou passive. Par exemple, tenter defuir une situation précise (forme passive). Quant aux stratégies collectives,elles représenteraient davantage une défense du métier. Par exemple, « s’en-durcir » au plan émotif afin de se plier aux « normes » d’un groupe. Ce dernierconcept viendrait « de la nécessité de devoir nier inconsciemment une réalité,afin de mieux la supporter » (Canouï et Mauranges, p.91). Ainsi, plus unesituation s’avère pénible, plus les processus défensifs seraient importants. Ence sens, Bacqué (1995) souligne qu’en gériatrie et en réanimation, les soignants

27 Voir Vézina (1988) et Chipp et Scherer (1992), traduisant et évaluant le « Ways of copingquestionnaire ».

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se heurtent aux mécanismes de protection les plus importants de toute la pra-tique du soin.

Les stratégies de coping et les mécanismes de défenses peuvent ainsi être misen parallèle, puisque considérés globalement, ils correspondent à l’ensembledes « réponses » au stress qu’utilisent les soignants (Selye,1983). La sectionsuivante présente donc chacune des stratégies de Lazarus et Folkman (1984),auxquelles peuvent se greffer à l’occasion certains mécanismes de défenses.Le tout est illustré par des exemples tirés de l’expérience des soignants en SLD.

Une première stratégie est la confrontation. Le soignant s’affirme dans sonexpérience; soit en luttant pour atteindre son but, en essayant de convaincreou en exprimant ses émotions à la personne jugée responsable du problème.Selon Canouï et Mauranges (2001), la mise en œuvre de stratégies activescomme celle-ci revient à maîtriser personnellement les situations et favorise lasouplesse dans l’adaptation. Certains soignants l’utilisent. Par exemple, lorsde décès, une infirmière insiste : « il faut en parler : au travail et à l’extérieur; etmoi, j’en parle, peu importe ce que les gens en pensent ». Cette stratégie peutdonc sembler un peu revendicatrice.

Une deuxième stratégie est la distanciation. Elle s’avère l’une des plus utiliséespar les intervenants rencontrés dans le cadre de cet essai. Il s’agit d’unestratégie passive, où le soignant tente de ne pas trop donner d’importance àune situation perçue comme difficile, tentant de ne pas y penser ou d’oublier.L’isolation est un mécanisme de défense qui présente des liens avec cettestratégie (Bacqué, 1995; Bergeron, 1993; Canouï et Mauranges, 2001; Morasz,1999; Pronovost, 1986; Tremblay, 2001). Par exemple, elle permet à un groupede soignants d’aborder les patients d’une façon technique et impersonnelle.Cette distance affective rend alors possible le contact avec la souffrance enlimitant l’implication du soignant; il soigne ainsi une maladie, pas un malade(De Montigny, 1992; Estryn-Behar, 1997; Kebers, 1999; Lussier-Russel, 1992).

Une troisième stratégie est passive et se nomme le contrôle de soi, ou« contrôle exercé à l’encontre de soi-même »28 . Il s’agit d’une des stratégiesles plus utilisées par les soignants rencontrés dans le cadre de cet essai. Parailleurs, elle serait très valorisée socialement (Kübler-Ross, 1977). Le soignantgarde ainsi ses sentiments pour lui; évitant de montrer aux autres la gravité duproblème. Le mécanisme de la sublimation s’y apparente. Par exemple, unsoignant qui renonce à une certaine proximité affective avec un résident, afinde « s’endurcir » et ainsi, se plier aux normes du groupe, où un tel comporte-ment peut être perçu comme inadapté (Estryn-Behar, 1997; Legault, 1993;

28 Chipp, P.E., Scherer, K. (1992), p.286.

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Morasz, 1999; Parkes, 1986; Tremblay, 2001). La rationalisation peut aussi aiderun soignant à se contrôler; par exemple, par une phrase telle que « c’était sonheure… » au moment d’un décès (Canouï et Mauranges, 2001; Pépin, 1999;Tremblay, 2001).

Une quatrième stratégie est la recherche de soutien social. Le soignant,demande de l’aide ou parle de sa difficulté ou de ses sentiments à quelqu’un.Cette stratégie est active, parce que le soignant cherche à augmenter sa com-pétence et son efficacité (Canouï et Mauranges, 2001). En ce moment, lessoignants utilisent cette stratégie, mais presque uniquement à l’extérieur deleur milieu de travail. Toutefois, l’idée que « cette façon de faire est inadéquateet qu’il serait temps d’offrir différents moyens de support » est présente cheztous les soignants rencontrés dans le cadre de cet essai. Cette stratégie pourraitdonc être utilisée davantage.

Une cinquième stratégie consiste en l’acceptation de ses responsabilités ou« auto-accusation »29 . Il s’agit d’une stratégie passive, dans la mesure où lelieu de contrôle est externe et ne favorise pas l’évolution. Ainsi, le soignantpeut se blâmer, s’excuser ou encore, tenter de se racheter. Selon Pépin (1999),cette stratégie peut s’apparenter à la rationalisation. Par exemple, un soignantqui reçoit une remarque à propos d’une tâche faite plus rapidement peut justi-fier son comportement par une cause externe à lui, telle qu’une trop grandequantité de travail.

Une sixième stratégie se nomme la fuite et l’évitement. Il s’agit d’un soignantqui refuse de croire à une situation, qui espère qu’elle cessera d’elle-même ou quiévite les gens. Cette stratégie est passive et s’illustre par certains comportements.Par exemple, se défouler sur autrui, fumer, consommer des stupéfiants, del’alcool, etc. Un soignant qui adopte cette attitude obtient ainsi un répit provi-soire, mais qui n’est pas toujours efficace à long terme (Bacqué, 1995; Canouïet Mauranges, 2001). Le retrait est un mécanisme de fuite souvent utilisé,permettant d’éviter des situations potentiellement pénibles (Estryn-Behar, 1997;Kübler-Ross, 1977; Pépin, 1999). Détourner une conversation délicate avec unrésident en est un exemple. D’autres mécanismes (la fantaisie, la compensa-tion) sont aussi utilisés (Pépin, 1999; Tremblay, 2001). Ainsi, le soignant peuts’imaginer dans une situation plus agréable (les vacances) ou tenter d’investirson énergie où ses chances de succès sont meilleures; comme cette préposéequi pratique un sport où elle excelle.

Une septième stratégie vise à résoudre le problème ou « recherche d’une solu-tion rationnelle »8 . Le soignant peut s’inspirer de ses expériences, dresser un

29 Chipp, P.E., Scherer, K. (1992), p.286.

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plan d’action, redoubler d’efforts ou apporter des changements à la situation.Il s’agit d’une stratégie active qui aide le soignant à maîtriser sa situation;favorisant ainsi son adaptation (Canouï et Mauranges, 2001).

La huitième et dernière stratégie de coping est la réévaluation positive de lasituation. Il s’agit encore une fois d’une stratégie active, où le soignant tentede changer pour le mieux. Par l’acquisition de nouvelles valeurs ou croyances,il ressort grandi de l’expérience difficile et est inspiré à redécouvrir les chosesimportantes de la vie. Cette attitude, définie comme un lieu de contrôle interne,favorise l’adaptation au stress et permet au soignant de faire des deuils impos-sibles à faire pour d’autres (Canouï et Mauranges, 2001). Une soignanteraconte ainsi son cheminement auprès des mourants : « la spiritualité estembarquée avec le temps. Maintenant, je n’ai plus peur : la mort est devenueune transition, ce n’est plus un échec ».

En somme, les soignants en longue durée utilisent actuellement la plupart desstratégies de coping identifiées par Lazarus et Folkman (1984). Toutefois, leurcontexte de travail influence la nature des stratégies utilisées (actives ou pas-sives), ainsi que la fréquence de l’utilisation. En ce sens, Canouï et Mauranges(2001) jugent qu’il n’y a pas de stratégie unique et bonne. Néanmoins, certainsauteurs (Paulhan et Bourgeois, 1995; Shepperd et Kashini, 1991; Wiebe etWilliams, 1992) constatent que les stratégies centrées sur le problème seraientplus efficaces que les stratégies passives pour faire face à des situations géné-rant de l’anxiété ou la dépression parce qu’elles contribuent à diminuer ladétresse psychologique des individus.

En somme, les deux premières parties de cet essai ont permis de constater quela réalité des soignants en SLD est souvent difficile. Aussi, bien que l’éventailde stratégies d’adaptation qu’ils utilisent actuellement semble élaboré, la litté-rature dénonce une insuffisance de support au sein des organisations, ce quel’ensemble des soignants interrogés confirment. Par ailleurs, plusieurs d’entreeux démontrent des signes d’épuisement. Il s’agit donc, au sein de cette dernièrepartie, de réfléchir à des moyens pouvant être mis en place afin de contrecarrerle plus efficacement possible leur souffrance, et favoriser leur processus dedeuil ainsi que leur adaptation générale.

Alternatives afin de favoriser l’adaptation et le processus dedeuil des soignants

Comme il a été démontré que les stratégies dites « actives » s’avèrent en géné-ral plus efficaces (Paulhan et Bourgeois, 1995; Shepperd et Kashini, 1991;

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Wiebe et Williams, 1992), les alternatives proposées dans le cadre de cet essairespecteront cette visée qui permet aux soignants une recherche de solutionsdynamiques et adaptées à leur situation.

Bilan actuel de la situation

L’état de la situation actuelle permet de poser trois affirmations. Tout d’abord,la situation est complexe et le travail très exigeant. En effet, l’accumulation dedeuils rendrait le soignant vulnérable aux plans physique et psychologique(Cornillot et Hanus, 1997; Kebers, 1999). À ce propos, soit les soignants ledisent, soit ils émettent des comportements qui traduisent leurs difficultés. Parexemple, Gendron et Carrier (1997) ont démontré que l’absentéisme infirmieraugmentait après des décès très difficiles. Ensuite, la formation initiale apparaîtinadéquate et peu d’outils sont ultérieurement offerts sur les lieux de travailpour pallier cette lacune. En effet, les réunions sont axées sur les soins et nonsur la dimension émotive du soin (Legault, 1993). Les soignants interrogéstémoignent qu’il n’y a pas actuellement de lieux d’écoute : « simplement lerapport de fin de service; aucune place pour le soutien ou les questions ». Parailleurs, les absences au travail pour causes psychologiques dans le réseau dela santé en Estrie représentaient 41 % des absences en 2001; soit 7,3 % de plusque l’année précédente. À cet effet, les établissements de gériatrie sont parmiles institutions ciblées et en ce sens, le Ministère de la Santé et des ServicesSociaux exige la mise en place de changements visant à augmenter la présenceau travail (Fisette, 2001). Enfin, la culture contribue d’une certaine façon àmaintenir cette situation. En effet, plusieurs soignants croient qu’il « peut êtrerisqué de parler de ce qui fait mal » (Morasz, 1999, p.153); ce qui pose unecertaine résistance à l’égard du support. Par ailleurs, dans la mesure où uncentre hospitalier a aussi une composante sociale, sa culture se construit enpartie à partir des valeurs projetées dans la société (majoritairement occidenta-les en ce qui concerne le soin de longue durée en institution); où la mortapparaît souvent comme un tabou, « un échec à la science » (Manoukian etMassebeuf, 2001, p.101).

L’importance d’intervenir dans les milieux de soins longue durée

Tout d’abord, il ne fait aucun doute que des changements en termes de sup-port à offrir au personnel soignant en SLD soient nécessaires. En effet, il a étémentionné que la fatigue morale et physique, la tristesse et le sentiment d’im-puissance atteignent les soignants (Gendron et Carrier, 1997). En ce sens,parce qu’ils œuvrent au cœur de la condition humaine, ils ont plus que d’autresbesoin de formation et de soutien continus (Gendron et Long, 1996; Jinchereau,1993; Kebers, 1999; Meller, Rzetelny et Hudis, 1989). Ainsi, afin que la souffrance

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devienne source de croissance, il importe qu’elle soit « accueillie, reconnue etacceptée » (Pronovost, 1993, p.129). De fait, Roy (1990) confirme qu’accueillirle vécu rend la souffrance paradoxalement moins aiguë, donnant au soignant lesentiment qu’il est sur la bonne voie.

Il existe donc un lien important entre le support formel et informel en milieu detravail et la santé des soignants. Par exemple, un manque de support dans dessituations difficiles comme la mort de résidents serait source de stress pour lessoignants (Estryn-Behar, 1997; Legault, 1993). De plus, la disponibilité dusoutien contribuerait à augmenter le niveau de motivation, en plus de diminuerl’absentéisme et la décompensation (Caron, 2000; Estryn-Behar).

Il est donc fondamental pour les soignants d’avoir un lieu d’écoute où il estpossible pour eux de s’exprimer à propos de leur expérience d’accompagne-ment (Amiet, 2001); ce support nécessitant « le soutien de psychologues quandles services ont la chance d’en être pourvus » (Canouï et Mauranges, 2001,p.65). De plus, puisqu’aucune forme de support ne peut garantir une réponseaux besoins de tous en tout temps, il est important qu’elles soient variées(Parkes, 1986). En ce sens, Legault (1993) énonce quatre solutions retenues parles soignants rencontrés. Il s’agit d’utiliser les réunions périodiques de soinset d’y introduire l’aspect émotif, de recevoir une formation à l’accompagne-ment, d’organiser des rencontres de groupes facultatives, et enfin, d’avoiraccès à des entrevues individuelles avec une personne-ressource (psycholo-gue, etc.).

Maintenant, comme il a été démontré que les stratégies actives s’avéraientefficaces dans plusieurs contextes (Paulhan et Bourgeois, 1995; Shepperd etKashini, 1991; Wiebe et Williams, 1992), les considérations qui suivent envisa-gent les quatre stratégies de coping de Lazarus et Folkman (1984) répondant àcette condition, afin d’évaluer dans quelle mesure chacune d’elles pourraitconvenir à la réalité des soignants en SLD. Suite à cela, les stratégies jugéesadéquates feront l’objet de propositions d’interventions concrètes en PRH.

Dans un premier temps, la confrontation apparaît difficile à mettre en placepour deux raisons. D’abord, vu l’importance de la culture, plusieurs personnesse conforment (Canouï et Mauranges, 2001). Ensuite, la confrontation impliquel’expression des émotions à la personne jugée responsable du problème; cequi est difficile à appliquer ici, dans la mesure où les facteurs à l’origine de lasouffrance d’un soignant en longue durée proviennent souvent d’élémentscomme la relation soignant-soigné, la maladie et la mort, etc. Une deuxièmestratégie est la recherche de support social. Selon Legault (1993) ainsi que chezl’ensemble des soignants rencontrés, il s’agit de la demande d’amélioration la

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plus répandue. En ce sens, différentes formes de ce type de support peuventêtre offertes. Une troisième stratégie vise à tenter de résoudre le problème. Or,puisque dans un établissement de SLD, les soignants ont souvent peu depouvoir sur les contraintes institutionnelles, certaines solutions seront propo-sées, mais en intervenant auprès de la direction. Une dernière stratégie activeest la réévaluation positive de la situation. Elle apparaît également intéressanteà appliquer, soit par le biais d’une relation d’aide individuelle, soit en travaillantauprès d’équipes de soignants.

L’apport précis de la psychologie des relations humaines

Tout d’abord, il importe d’énoncer les principales valeurs de la psychologiedes relations humaines (PRH), afin de légitimer sa présence en contexte de SLDauprès des soignants. Plus précisément, il est question de présenter le modèlegénéral de cette approche, pouvant s’appliquer à l’ensemble des interventionsproposées aux soignants, aux équipes de soins et aux institutions. Enfin, lescompétences inhérentes à la pratique de ce travail sont mises en lumière.

Tout d’abord, la PRH considère que la personne est capable d’actualiser unpotentiel qu’elle possède dès son origine. Elle a donc toutes les ressourcesnécessaires pour résoudre sa difficulté (Pronovost, Jinchereau et LeBlanc,1997; Mellor, Rzetelny et Hudis, 1989). Par ailleurs, la PRH est une approche quirépond aux limites de la psychologie de la santé (approche individualiste etclinique, influence du modèle médical), par la perspective relationnelle etsystémique (Pronovost et al.). Le soignant est donc perçu comme une descomposantes du système, sur lequel il a une possibilité d’agir, compte tenu deses compétences et des relations qu’il peut y établir. Considérant cela, le psy-chologue remet la responsabilité du changement à l’individu ou au systèmeaidé (LeBlanc, 1997). Les soignants sont donc « à la fois sujets et complémentsdans l’intervention des psychologues » (Pronovost et al., p.50). De ce fait, laparticipation à toute forme de support doit être volontaire, afin qu’il s’agissevraiment d’accueil et de soutien (Jinchereau, 1993; Kebers, 1999).

Un modèle d’intervention général

Il s’agit désormais de présenter le cadre de référence de l’approche, puis lemodèle d’intervention; valable pour l’ensemble des propositions d’interven-tions de cet essai. Ce modèle accorde d’abord une priorité à la coopération, cequi signifie que le psychologue respecte les objectifs que le soignant veutpoursuivre, en procédant dès le départ à une analyse de sa situation « avec »lui. Ainsi, il tente constamment d’introduire et de maintenir des buts communsavec le soignant; par exemple, à propos des objectifs à travailler et la manière

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de les atteindre (Guillet, 2002). Ensuite, le psychologue adopte une polyva-lence de rôles et de méthodes, en adaptant son intervention et ses outils à laspécificité du contexte (Guillet, 2002). Par exemple, en ajustant le contenu (et ladurée) d’une réunion en fonction de la disponibilité d’une équipe. Enfin,puisqu’il travaille avec des gens relativement autonomes, le psychologue doits’autoréguler, parce qu’il se voit confronté à des situations où il lui faut inven-ter des solutions les plus adéquates possible plutôt qu’appliquer celles quisont déjà valides sur un plan théorique (Guillet, 2002). Il découvre donc cessolutions dans l’interaction avec les soignants, en fonction de l’expérienceunique de chacun.

Maintenant, le modèle d’intervention proprement dit se divise en cinq étapes(Lescarbeau, Payette et St-Arnaud, 1996). Ainsi, après avoir reçu une demande parle système, le psychologue analyse la situation d’un point de vue relationnel.Il s’agit alors d’identifier les différentes composantes de ce système qui sontimpliquées dans la situation problème (institution, groupe de soignants, soignanten individuel, famille, résident ou plus d’un à la fois). Une troisième étapeconsiste ensuite à planifier l’ensemble des actions en fonction des besoins dechangements identifiés par la ou les personnes concernée (s). Enfin, il y al’exécution de ces actions, suivie de l’évaluation de la démarche auprès desdifférentes « composantes », afin de juger du niveau d’atteinte des objectifspoursuivis. Chacun peut alors y faire un bilan de ses apprentissages.

Proposition d’interventions concrètes en milieu de SLD

Voici maintenant de multiples formes d’interventions à développer au seind’un milieu de longue durée, afin de soutenir les soignants dans leur milieu detravail. Elles sont abordées à partir d’un contexte général (institutionnel), jus-qu’au plus particulier (l’individu). Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, maisbien d’une banque d’actions possibles, où peut puiser le psychologue, maiségalement à partir desquelles il peut créer d’autres interventions.

Les interventions auprès de l’institution.

Tout d’abord, selon Pronovost (1989), « l’organisation a une responsabilitéface au bien-être du personnel qu’elle emploie » (p.25); soit d’élaborer desstructures favorisant l’écoute, le support, la reconnaissance, la sécurité, laspontanéité, la confiance et la coopération; autant chez les individus qu’auniveau des groupes (Bergeron, 1993; Pronovost, 1998). Une première possibi-lité d’intervention s’adresse donc à l’institution. Elle vise à permettre auxsoignants qui le désirent de clore la relation avec le résident au moment de sondécès; et ce, sur les lieux de travail. Ainsi, faciliter l’expression des sentiments

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des soignants par le biais de différents comportements que ces dernierschoisissent. Par exemple, en envoyant des fleurs, en effectuant une visite ausalon ou en inscrivant le décès sur le babillard. Il s’agit d’une intervention dedéveloppement organisationnel où le psychologue peut travailler avec lessoignants et les dirigeants à introduire dans l’organisation même du travail, untemps réservé à la symbolisation et la signification de la vie (Jinchereau, 2002).Au même titre que les soignants qui forment les équipes de soins, l’institution(en son nom) pourrait aussi mettre un terme à la relation auprès des familles derésidents en leur envoyant une carte exprimant des condoléances au nom del’établissement (Jinchereau, 2002).

Une seconde intervention concernant l’institution consiste à offrir uneformation continue ou ponctuelle aux soignants intéressés à parfaire leurscompétences relationnelles en lien avec leur travail. À cet effet, il a été vu qu’ilssont trop peu formés pour effectuer ce travail d’écoute auprès des gens en finde vie (Morasz, 1999) et les unités de soins témoignent de cette carence géné-rale en matière d’accompagnement (Kebers, 1999). Les soignants devraientainsi connaître les étapes du deuil et la hiérarchie des besoins du mourant(Taillens, 1998); il s’agit même là selon Lussier-Russel (1992) d’une exigence deleur travail. Par ailleurs, les soignants interrogés dans le cadre de l’étude deLegault (1993), de même que dans le cadre de cet essai, révèlent qu’il est trèsimportant pour eux de recevoir une formation à l’accompagnement des mou-rants, et de pouvoir par la suite leur assurer une présence de qualité. Unpremier volet de formation pourrait donc inclure l’accompagnement auxmourants et la résolution du processus de deuil, tout comme l’enseignementde quelques stratégies impliquées dans l’exercice de la relation d’aide. Parexemple, l’habileté à soutenir un résident dans sa relecture de vie ou à appren-dre à travailler avec sa colère (Hétu, 1997). Par la suite, il pourrait s’agir d’unesensibilisation aux enjeux relationnels entre familles, résidents, soignants etinstitution (par exemple, l’importance de la culture), afin de les outiller auquotidien (Caron, 2000). Par ailleurs, il importe d’adapter la formation aux atten-tes et aux besoins des soignants qui la suivront. En ce sens, le psychologuepourrait procéder à une analyse de besoins auprès d’eux. De même, il pourraitutiliser les ressources des soignants dans une visée préventive, en abordantavec eux quelques-unes des multiples questions existentielles souvent poséeslors de formations (Kebers). Par exemple, « comment accepter l’impuissance? »ou « comment mettre ses limites sans blesser? » Bref, outiller concrètement lessoignants qui le désirent afin qu’ils puissent affronter plusieurs situationspossibles (Legault, 1993; Pépin, 1999).

Une troisième intervention possible vise les gestionnaires d’unités de soins(aussi nommés chefs de services ou infirmiers-chef) et s’inspire des entrevues

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réalisées auprès des soignants. Il s’agit pour le psychologue (surtout à l’in-terne) d’exposer plusieurs interventions possibles au gestionnaire afin quecelui-ci puisse prendre contact avec lui au nom de ses soignants en cas debesoin, par exemple, lors d’un décès particulièrement difficile pour les soignantsou en cas de conflits impliquant un ou des résident (s). Il s’agit donc d’uneoffre de service pouvant inclure un soutien informel par le psychologue àl’unité de soins ainsi que les interventions de crises. En effet, l’offre de soutieninformel respecte le facteur personnel de plusieurs soignants. D’abord, elle estlibre : les gens qui n’en ressentent pas le besoin sont ainsi considérés. Ensuite,il y a cette distinction possible entre hommes et femmes dont parlait Bacqué(1995); à savoir que les hommes seraient, de façon générale, moins enclins às’exprimer que les femmes. Ainsi, il se peut qu’une forme de soutien moinsstructurée qu’un « groupe formel » puisse leur convenir.

En quatrième lieu, il s’agit d’une autre intervention visant les gestionnaires;tirée encore une fois de l’information obtenue auprès des soignants. Elle pour-rait se nommer « la création de scénarios d’horaires possibles en lien avec lapersonne mourante ». Concrètement, cette intervention vise à soutenir lessoignants qui sont moins à l’aise avec les mourants en permettant à toutel’équipe de soins de mieux connaître le potentiel et les limites de chacun de sesmembres; visant à la fois une meilleure continuité des soins au mourant et lerespect du soignant incommodé. Ainsi, il serait possible en tant qu’équiped’ajuster des horaires de travail et / ou des tâches « avant » qu’il y ait unepersonne mourante à l’unité. En effet, sans planification, les soignants sontsouvent incapables de se libérer pour aider un collègue en difficulté. Dans lesfaits, le psychologue offrirait un soutien au changement, basé sur les étapesdu processus identifié précédemment. Ainsi, après avoir analysé la situation etidentifié les besoins, il pourrait travailler avec le gestionnaire et les équipes desoins à fixer des objectifs (changements à apporter) et à planifier l’ensemble dela démarche (déroulement). Ensuite, il soutiendrait l’équipe tout au long de lapériode de changement et évaluerait l’ensemble de la démarche avec euxaprès un certain temps d’essai. Un dernier point doit toutefois être mentionné.Peut-être serait-il indiqué lors de l’analyse de la situation que les soignantsémettent d’abord leurs limites en privé (au psychologue) où la pression estmoins grande qu’en groupe, pour ensuite revenir ensemble.

Une cinquième intervention possible consiste à organiser des groupes desoutien destinés aux soignants qui veulent et ressentent le besoin d’y partici-per. Bien que cette pratique puisse sembler familière, elle apparaît encore troppeu utilisée au sein des établissements de SLD. Un groupe de soutien consisteen un rassemblement périodique de soignants qui éprouvent des besoins deressourcement concernant une situation ou un événement commun à chacun,

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mais vécu de façon unique (Jinchereau, 1991). Ces groupes peuvent êtreofferts sur demande ou selon les besoins spécifiques d’un milieu (par exemple,après chaque décès). Notons toutefois que les soignants interrogés disentpréférer la formule « au besoin ». Un groupe de support présenterait plusieursavantages. D’abord, entendre l’expérience de ses collègues peut aider un soi-gnant à compenser pour une absence de feedback sur l’application des soins,en le rassurant à propos de sa pratique et de ce qu’il éprouve (Bacqué, 1995; DeMontigny, 1992). Ensuite, il semble qu’un collègue soit souvent le mieux placépour offrir une véritable compréhension emphatique (Gendron et Carrier, 1997;Legault, 1993; Lussier-Russell, 1992). Enfin, le groupe permettrait de briserl’isolement et d’apporter des ressources nouvelles; différentes de la relationun à un (Guillet, 2002). Les groupes peuvent être menés selon deux objectifs;soit dans une perspective de support au processus de deuil, soit en visant unemeilleure adaptation au quotidien. D’abord, un groupe de soutien orienté versune saine résolution du deuil des soignants vise à favoriser l’application duplan de soins dans son volet psychologique. C’est un lieu d’accueil et dequestionnement, pouvant répondre à la fois à des besoins personnels etprofessionnels (Jinchereau). Quant au groupe de soutien axé davantage surl’adaptation, il a pour objectif de permettre le développement de nouvellesstratégies ou habiletés en regard de comportements indésirables ou nocifs dela part de résidents (Jinchereau, 1993). Il s’agit alors de situations souventdifficiles, où les soignants sont à bout de ressources. L’échange leur permetalors d’être entendu dans leurs difficultés et de mettre en évidence les enjeuxrelationnels, les réactions et les privations vécues dans le cadre des relationsavec les personnes soignées (Caron, 2000; De Montigny, 1992; Jinchereau, 1993).Ils peuvent donc faire plus de sens avec leur expérience et se libérer d’affectstrop chargés, afin de « mieux soigner, sans trop souffrir » (Caron, p.162).

Maintenant, qu’il s’agisse d’un groupe de soutien au deuil ou d’adaptation, laprocédure à suivre en tant que psychologue en relations humaines se ressem-ble. Il s’agit encore une fois de s’inspirer du modèle énoncé plus haut. D’abord,en effectuant une analyse de la demande et en identifiant les besoins dessoignants. Ensuite, par une évaluation de la situation. Par exemple, quellecontribution apporte chacun des « éléments » impliqués dans la constructionet / ou le maintien de la difficulté? En troisième lieu, il s’agit de planifier com-ment sera élaboré le groupe ou comment sera développée la nouvelle stratégie,habileté, etc. Enfin, après une période d’essai, il s’agit d’évaluer la démarcheavec le système.

Les interventions auprès de familles.

Une autre possibilité d’intervention pour le psychologue en relations humai-nes vise les soignants et les familles. Il s’agirait pour lui de travailler avec le

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gestionnaire, les soignants et quelques familles (analyse de besoins), afin delibérer du temps dans l’organisation du travail des soignants, leur permettantde rencontrer les proches du défunt. En effet, dans le cadre des entrevues,certains soignants ont admis qu’une rencontre avec les familles intéresséesenviron deux ou trois semaines après le décès pourrait permettre d’évaluer laqualité des soins et de l’accompagnement prodigués à leur proche. De ce fait,une éventuelle amélioration des services offerts par les soignants pourrait leurpermettre de vivre davantage d’efficacité à long terme, même en la présence decontraintes institutionnelles. Au bout d’un moment, tous les individus impli-qués pourraient évaluer la démarche avec le psychologue, afin d’en modifier lastructure, ou même de la cesser.

Une septième possibilité d’intervention consiste à soutenir les familles en criselors du décès de leur proche, tout en leur offrant le suivi psychologique auquelils ont droit. En effet, plusieurs soignants révèlent que leur tâche s’en trouve-rait allégée, ayant souvent « trop peu de temps à accorder aux familles ». Deplus, ils se disent très peu outillés pour cela : « c’est le psychologue qui est lemieux formé pour recevoir une personne vraiment en crise ou pour voir si elleest à risque d’un deuil problématique ou non à long terme ». D’autre part,plusieurs familles disent « finir par découvrir » le soutien, ce qui sembledémontrer une faille dans la circulation de l’information. En ce sens, une infir-mière suggère « que le psychologue participe aux réunions d’admission denouveaux patients. Ainsi, dès l’arrivée, la famille et le résident seraient informésde la gratuité et de la pertinence de ce service ». Par conséquent, le psycholo-gue pourrait soutenir les familles (en semaine) et leur offrir un service de suivià plus long terme; en leur remettant par exemple une carte avec un numéro detéléphone afin de respecter leur rythme et leurs besoins. Selon les soignants, ils’agit là d’un bon moyen, car souvent, les membres de familles seraient tropémotifs pour mémoriser ce type d’information autrement. Bien entendu, cettestratégie s’applique plus facilement pour un psychologue à l’interne.

Les interventions auprès de résidents.

Une autre possibilité d’intervention s’adresse aux résidents, puisque travaillerauprès d’eux diminuerait aussi la charge des intervenants (Gendron, Long etTremblay, 1996). En effet, tout comme pour les familles, il s’agit d’un soutienoffert au soignant par le biais d’interventions sur le système. Deux perspecti-ves s’offrent au psychologue en ce qui a trait à cette clientèle. D’une, part, ilpeut s’agir de groupes de réconfort, comparables aux groupes de soutienofferts aux soignants pour deux raisons. D’abord, il y a partage et expressiondes sentiments, ensuite, leur mise sur pied implique sensiblement les mêmesétapes. Ainsi, après avoir considéré les besoins des résidents, le psychologuepourrait offrir aux volontaires un endroit où ils seraient reçus sans jugement.

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De cette façon, une part de leur frustration pourrait s’estomper, risquant moinsd’être projetée ensuite sur les soignants. D’autre part, il peut s’agir d’un sou-tien de type « relation d’aide » offert au résident, mais adapté à une clientèleprésentant souvent des déficits cognitifs (Duval, 2002). Pour le psychologue,il s’agit donc de lire le dossier si possible et d’en discuter avec un médecinou un neuropsychologue, afin de comprendre la nature des déficits et ainsi,ajuster son intervention.

La relation d’aide individuelle auprès du soignant.

Une dernière stratégie implique le soignant dans un cadre thérapeutique indi-viduel. Le modèle théorique proposé ici s’appliquerait aussi à l’ensemble desformes de groupes de soutien citées plus tôt, le but étant de permettre à lapersonne de faire du sens avec son expérience; en quelque sorte ce que Lazaruset Folkman (1984) nomment « réévaluation positive de la situation »; soit lerecadrage d’une réalité.

Pour la PRH, l’actualisation est un processus continu et circulaire. Ainsi, lapersonne aurait dès le départ tout le potentiel nécessaire pour s’actualiserau contact de son expérience et de son environnement. Ainsi, plus elles’actualiserait, plus elle se particulariserait et deviendrait un être unique(St-Arnaud, 2001; 1996a; 1996b; 1995). Considérant cette perspective, l’objec-tif de la relation d’aide revient à stimuler chez la personne aidée ce processusnaturel et conscient d’actualisation présent en elle, mais momentanémentralenti (par exemple, lors d’un deuil ou d’une difficulté d’adaptation). Cette« stimulation » décrit le « processus d’autodéveloppement » et s’opère entrois phases qui se présentent de façon cyclique et permettent l’évolution.D’abord, il s’agit de permettre au soignant de recevoir l’information en prove-nance de son organisme et de son environnement, afin qu’il puisse y donnerun sens (autosignifiance). Ensuite, de l’encourager à faire des choix person-nels éclairés (autogestion); et enfin, de l’inciter à poser une action efficace àl’aide de moyens adaptés, soit en respectant ses valeurs et son environnement(autodétermination).

Les éléments à surpasser pour instaurer un changement durable

Bien qu’il soit audacieux d’explorer l’inconnu, il l’est encore plus de remettreen question le connu. En effet, « le changement implique une nouvelle lecturede la réalité » (Kourilsky-Belliard, 1999, p.33) et en SLD, deux difficultés majeu-res doivent être surmontées avant de procéder à des changements, soit lemanque de temps et la loi du silence.

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Tout d’abord, « prendre le temps » est primordial, car la rapidité avec laquelle lesoignant doit « rebondir » après un décès difficile augmente la fréquence desdeuils différés et diminue sa productivité (Cornillot et Hanus, 1997). Par consé-quent, « la réalité se pose en termes de priorité » (Kebers, 1999, p.99). En cesens, Senge, Kleiner, Roberts, Ross, Roth et Smith (1999) suggèrent d’intégrerles nouveaux projets dans l’organisation même du travail. Par exemple, lesintégrer dans l’horaire, prévoir du temps pour la réflexion et faire confiance auxgens dans la gestion de leur temps. On peut aussi prévoir quelques heuressupplémentaires au budget pour qu’un soignant soit remplacé quelquesheures par année lors de décès douloureux par exemple. Ainsi, un préposé« volant » qui ne se sent pas touché pourrait rester de 14h00 à 15h00 au lieu dequitter à 14h00, et permettre à son collègue de rencontrer la famille afin dediscuter, de faire une visite au salon, etc.

Ensuite, contrer la loi du silence, du moins en partie, est un préalable à touteintervention visant l’expression du vécu. Toutefois, la période de « sensibilisa-tion » peut être longue et ardue, compte tenu qu’en moyenne, « les changementsculturels prennent deux fois plus de temps que ce que vous escomptez » (Sengeet al., 1999, p.101). Néanmoins, le psychologue peut s’appuyer sur le fait qu’engénéral, ce sont les soignants eux-mêmes qui réclament davantage de soutien;il y a donc un besoin, une demande. Sa tâche pourrait donc consister à lesimpliquer dès le départ afin de leur remettre progressivement la responsabilitédu changement. Enfin, signalons que si l’on ne prend pas le temps de « s’entraî-ner régulièrement à l’art de la maïeutique et de la systémique, aucun changementprofond ne peut intervenir, même s’il existe un réel intérêt » (Senge et al., p.84).

Compétences à maîtriser par le psychologue en relations humaines en SLD

Le psychologue doit maîtriser plusieurs compétences afin d’intervenir effi-cacement en SLD. Tout d’abord, une « solide formation en psychologie »(Estryn-Behar, 1997, p.97) incluant les outils de la relation d’aide (De Montigny,1992) semble toute indiquée. De plus, s’il vise une polyvalence des rôles, lepsychologue doit pouvoir entrer facilement en relation avec différents typesde personnalités et d’intervenants (Pronovost et al., 1997). Ensuite, plusieurss’entendent pour dire que l’écoute est une qualité à la base de tout typed’intervention; en groupe ou en individuel (Caron, 2000; Egan et Forest, 1987;Hétu, 1997; Lavoie, 2000; Lussier-Russel, 1992; Pronovost et al., 1997; St-Arnaud, 2001). Ensuite, d’autres habiletés sont aussi essentielles (De Montigny;Egan et Forest; Hétu); il s’agit d’une ouverture à la différence, d’empathie,d’une certaine souplesse, d’authenticité (dont l’expression du sentiment d’im-puissance) et enfin, d’une qualité de présence à l’autre (respect des silences).Certaines techniques plus précises sont enfin très importantes. Entre autres, le

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reflet, la reformulation, la focalisation et la confrontation (Egan et Forest; Hétu;Lavoie).

Par ailleurs, en plus de considérer l’aspect systémique d’une situation et dedévelopper différentes habiletés, un psychologue soucieux de maximiserl’efficacité de ses interventions peut chercher à établir et maintenir une appro-che coopérative. Plus précisément, cinq règles sous-tendent une relation decoopération et peuvent guider l’action d’un psychologue en relations hu-maines (St-Arnaud, 1995). D’abord, un ajustement continuel au contact dusystème dans lequel il intervient (autorégulation). Ensuite, la prise en comptede l’importance des ressources du soignant à l’intérieur d’un processus dechangement (partenariat). En troisième lieu, l’exploitation des différentscanaux de communication disponibles (alternance), afin de maintenir le contactavec son partenaire. Par exemple, en passant successivement des procédésd’assistance (comme la facilitation) aux procédés de suppléance (telle que lagestion du processus). Par la suite, l’élaboration et le maintien de buts com-muns avec le soignant à chacune des étapes du processus (concertation).Enfin, un partage du pouvoir à l’intérieur de la relation (non-ingérence) ainsique la considération de l’autonomie du client et le respect de son facteurpersonnel; se traduisant par un transfert progressif de la responsabilité duprocessus de changement (responsabilisation).

Bénéfices dus à l’aspect systémique de l’intervention

La raison première qui justifie la présence d’un établissement de SLD demeurela clientèle qui en bénéficie. Par le fait même, les budgets alloués visent àaméliorer de façon continue les soins qui leurs sont offerts, ce qui apparaît toutà fait justifié. Cependant, plusieurs personnes tombent dans le piège de consi-dérer les résidents et les soignants d’une manière séparée, en n’attribuant quetrès peu de projets ayant pour but de supporter les soignants, mais plusieurspour aider les résidents. En réalité, ils sont en constante interaction et sontmembres à part entière d’une même réalité : un système. Par conséquent, il n’ya aucun doute qu’en intervenant sur la souffrance des soignants, « on obtientun impact non seulement sur le bien-être du personnel, mais également sur lebien-être des patients » (Legault, 1993, p.12). De même, un espace de parole« ne peut que favoriser la qualité de la prise en charge [du résident] et alléger lacharge psychique des soignants » (Canouï et Mauranges, 2001, p.71). En cesens, considérer l’ensemble de la situation ne peut que favoriser le bien-êtreglobal de chacun (Morasz, 1999; Pronovost, 1989), et ainsi, celui du système.

En terminant, il importe de rappeler que le bilan de la situation énoncé précé-demment doit être pris au sérieux. En effet, les soignants vivent plusieurs

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difficultés à l’intérieur de leur travail et le support apparaît actuellement insuf-fisant. En conséquence, la précarité de leur situation exige la mise en place desolutions concrètes. Par ailleurs, des moyens existent; il suffit de les implanter.

À ce propos, les grands changements demandent souvent temps et efforts;c’est bien connu. En effet, il semble difficile de « prendre conscience des avan-tages de l’adaptation pour soi-même et pour les autres, tout en vivant uneincertitude par rapport à la validité et à la faisabilité du changement souhaité »(Tremblay, 2001, p.51). Toutefois, les efforts en tant qu’équipe qui reconnaîtdes besoins, se fixe des objectifs et porte le changement permettent la plupartdu temps de faire un pas réel vers des résultats visant une amélioration desconditions de travail (Estryn-Behar, 1997). En effet, le fait de partir des soignantsimpliqués sans rien leur imposer contribue à développer chez eux une motiva-tion intrinsèque, ce qui favorise la responsabilisation et le changement positif.

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