Esthétique du Spectacle vivant

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Esthtique du Spectacle VivantDick Tomasovic

Lvaluation porte sur un dossier ralis par nous partir dun spectacle. Le cours doit tre aliment par notre vie de spectateur. Opra, orchestre philharmonique, 8 salles dart et dessais, festival thtre (Fonck fvrier), festival musique, Mamac, biennale photo (2011), galeries photos

Introduction Esthtique du spectacle vivant . Nous commencerons le cours par un rappel de la notion desthtique, et nous dcouvrirons celle de spectacle vivant. Voil un couple de termes problmatique. Le spectacle vivant, cest tout ce qui relve de la performance, en prsence de public. Il y a spectacle vivant ds quil y a spectateur (ce nest pas toujours scnique). Quelquun se met en reprsentation pour quelquun qui ne lest pas. Le thtre, lopra, la tradition du music hall, le cirque, la performance au sens strict (entre le thtre et les arts plastiques, souvent ax sur le corporel), la danse. Le cours en largement consacr la danse contemporaine. Nous laborderons selon des repres historiques, puis selon ses problmatiques. Dick Tomasovic fit son doctorat sur le sujet danimation, sintresse tant au cinma quau thtre, et son sujet de questionnement principal fut celui de la reprsentation du corps humain au XXime sicle.

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PLAN DU COURS21 Septembre 2010 : 28 Septembre 2010 : 5 Octobre 2010 : 12 Octobre 2010 : 19 Octobre 2010 : 26 Octobre 2010 : 2 Octobre 2010 : 9 Novembre 2010 : 16 Novembre 2010 : 23 Novembre 2010 : 30 Novembre 2010 : 7 Dcembre 2010 : 14 Dcembre 2010 : 21 dcembre 2010 : Introduction Une esthtique applique du spectacle vivant ? Vers une esthtique thtrale ? Fragments pour une histoire de lesthtique du spectacle Pour une histoire culturelle de la danse (le corps politique, connect ltat social) Fragments pour une histoire de la danse contemporaine (1), Prcurseurs et pironners (Desarte, Valcroze et les pionnires amricaines) Cong de Toussaint Fragments pour une histoire de la danse contemporaine (2), Loe Fuller, Merce Cunningham, Tisha Brown et labstraction Fragments pour une histoire de la danse contemporaine (3), Les bouleversements allemands (Wigman, Joos, Laban) Fragments pour une potique de la danse contemporaine (4), Enjeux de la danse contemporaine (de Bjart aux annes 2000) Intermdiarits (1), Danse et Thtre : autour de Pina Bausch Intermdiarits (2), Danse et nouvelles images Conclusion Eventuelle sance de rattrapage

Bibliographie Slective (My ULg)Sur lesthtique du spectacle vivant APPIA, uvres compltes, Lausanne, Lge dhomme, 1993. ARISTOTE, Potique, Paris, Livre de poche, 1990. ARTAUD Antonin, Le thtre et son double, Paris, Gallimard, Folio, 1985 [1938].

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Pour la bibliographie, consulter le centre bibliographique cinmatographique de Beaufays, le Centre Stemans. Examen : travail 10 pages max (min 5) voir un spectacle de danse contemporaine (au Thtre de la Place), analyser selon le PAVIS. Il faut dabord lire le PAVIS, puis aller voir le spectacle, afin dappliquer correctement les prceptes du livre. Pointer des lments remarquables et comment ils fonctionnent dans la mise en scne.

6 Pour lentrevue orale : une question gnrale sur le cours et sur les lectures obligatoires ; et la dfense du travail crit.

7 28 Septembre 2010 Deux mots sur le spectacle de 30x30, dHenri-Paul Fortier. Le danseur et chorgraphe qubcois propose une performance quil a dj ralis dans une vingtaine de ville, sur tous les continents. Cest toujours le principe de 30 jours x 30 minutes de danse horaire fixe, au centre de la ville, et sans musique. Cest toujours exactement la mme danse, tous les jours, peu importe les circonstances mtorologiques, peu importe le public. Le but est de faire exactement la mme performance, en faisant abstraction du reste, de lenvironnement. montre suisse , et quil prenne conscience des changements de lenvironnement dans lequel il volue. Concernant la danse, le fil rouge poursuivi est celui de la verticalit du corps, puis une srie de figures dtaches les unes des autres, de diffrents genres. Un des lments troublants est labsence totale de musique : Fortier ne dansait pas sur le rythme de la ville (ce que dautres danseurs des rues font parfois), mais sur son propre rythme, le travail est dtre lcoute de ses repres temporels, ses propres rythmes biologiques : battements de c ur, respiration, bruits de ses gestes sur le sol et dans les airs.

Ce que lartiste espre, cest que le spectateur revienne pour prendre conscience quil est

rgl comme une

Une esthtique applique du Spectacle VivantQuest ce que la danse ? Si on envisage toutes les dfinitions de la danse travers les ges, on retrouve toujours lide que la danse est une suite de mouvements du corps, excuts en rythme ou non, selon une certaine ordonnance, et gnralement accompagn de musique. Comme dans 30 x 30, on peut danser sur les rythmes biologiques du corps, les pulsations du c ur, le souffle des autres danseurs plusieurs. Paul Valry dit ; dans Degas, Danse Dessin : La danse est un art des mouvements humains, de ceux qui peuvent tre volontaires . Il crit l un manifeste de la danse contemporaine, une vraie premire rflexion sur la naturemme du geste de danser. Il oppose les mouvements qui ont une intention, inscrit entre notre corps et un objet dsir ; aux gestes qui nont dautre fin que de modifier notre sentiment dnergie, de crer un certain sentiment, comme les bonds dun enfant, par exemple. Faites lexprience : quand on se met sautiller, un sentiment dnergie traverse ltat quon ressent, amne un certain plaisir. Cest la joie exprime dun corps en mouvement, parce que nous sommes des tres immobiles . Pour Valry, la danse fait partie de cette sorte de mouvement, accompagne dun plaisir de mouvement. Dans lunivers de la danse, cest le repos qui na pas de place, limmobilit est la chose contrainte, limmobilit nest jamais quun tat de passage, voire de violence, une contrainte pour le danseur comme pour le spectateur. Les bonds, pointes, sont des manires naturelles de faire de la danse. La danse est toujours un corps surexcit, en tat de surnergie. Ltat de la danse ne peut donc se prolonger indfiniment, il est arrt par la fatigue, mais aussi parce que la danse nous met loin de nous-mmes , la danse soutient notre nergie mais de manire instable. Le stable, larrt nest jamais quun accident. La danse est un dsquilibre permanent. En nous mettant loin de nousmmes, on est mis dans une autre existence, la danse est un moment rare, on ressent un autre tat, une altrit.

8 Valry explique que cest ce que certains ont vulgairement appel linspiration . Il va ensuite comparer la figure du danseur celle du pote. Dans un texte, Valry dcrit la plus belle danseuse quil nait jamais vue, et quil a vue au cinma, il la dcrit trs joliment. On dcouvre ensuite que cest un film scientifique, et que la danseuse est une mduse. Il compare la ne se limite pas aux mouvements humains. La danse transforme le mouvement utilitaire en mouvement potique. Charles Baudelaire : La danse, cest la posie avec des bras et des jambes, cest la matire gracieuse et terrible anime, embellie par le mouvement . La question est de savoir partir de quand un mouvement quitte lutilitaire pour devenir potique ? Est-ce au spectateur de placer le seuil, la socit, les chorgraphes ? Certains spectateurs sont dus par des spectacles de danse contemporaine parce quils nont pas su placer ce fameux seuil dans la reprsentation, ils ne lont pas vu (ce qui donne des ractions fermes, dincomprhension, de rejet). On a forg une expression : Non-danse , forge par les dfenseurs de la danse acadmique. Elle apparait dans les annes 80, quand on voit une mancipation de la danse : beaucoup de travaux minimalistes, des travaux chorgraphiques axs sur la perte de mouvement, sur labsence de dynamisme, sur le renoncement au spectaculaire. Par exemple, un spectacle qui souvre sur une lumire trs faible et qui sclaire trs lentement, sur un homme qui semble immobile mais qui en ralit tremble imperceptiblement sur lui-mme pendant les 10 premires minutes, comme sil luttait pour le mouvement. Tout ce qui interroge le mouvement est class nondanse (voir revue Mouvement, en 2004 - http://www.mouvement.net/site.php ). Aujourdhui, la non-danse semble un peu plus intgre. Au cours des 7-8 dernires annes, le statut de la danse a t compltement modifi. A partir des annes 80, des crateurs mergent, de toutes petites compagnies (qui se limitent parfois un chorgraphe et un unique danseur) arrivent avec des questionnements et non plus avec des chorgraphies bien peses. Peu peu, ces petites compagnies se sont institutionnalises, avec lun ou lautre spectacle grand public. Des institutions comme La Monnaie sy sont intresss. A linverse, on observe une stagnation du ct du thtre : aucun renouvellement depuis les annes 80, le renouvellement ne peine un peu arriver. Les programmateurs font dailleurs le constat que le public prfre de plus en plus la danse au thtre, ces spectacles le surprennent plus. Peut-tre que cette redcouverte est lie au fait que notre socit questionne beaucoup le corps, et un peu moins le verbal. Partout en Europe, on voit de plus en plus ce mme mouvement vers la danse. Cependant, la question du seuil (entre utilitaire et potique) demeure, on entendra toujours des spectateurs dire que a ne dansait pas assez . Rudolph Laban, chorgraphe allemand, a cr un tableau sur quatre lments sur lesquels toute danse se fonde : o Lespace : des dessins crs sur le sol par les mouvements du danseur, lespace 3D trac par les mouvements de ses bras, de ses jambes. o Le temps : le tempo, la manire dont le temps est gr, la rapidit, les acclrations.

texture des filaments de la mduse des jupes froisses

Il insiste sur sa grce infinie. On voit donc que la danse

9 o Le poids du corps : la prise de conscience de la force de gravit, les jeux sur les mouvements ariens, gracieux, les abandons lattraction terrestre, les attitudes lourdes. o Lnergie : contenue ou dverse, les grands lans ou un flux libre et continu, diffrents degrs de tensions dans le corps, les flux dnergie dans le corps. La combinaison de ces 4 lments est continue, dans des mesures diffrentes et changeantes. La danse est faite dinstants privilgis o le corps tente de se dtacher de lagitation, et tente dtre matre de son exprience, en sinterrogeant sur la faon de bouger. Le danseur est celui qui interroge le mouvement et sa matrise.

Danse et CultureChaque peuple, pour des motifs diffrents et de faons diffrentes, danse, et cela est toujours trs rvlateur de son mode de vie. Les gestuelles sont symboliques, explicitement ou non. Nous verrons aussi les liens trs forts entre le corps dansant et le corps politique. La danse peut tre un art, mais aussi un rituel, ou un divertissement. Parfois elle est les deux ou les trois la fois. Dans tous les cas, chaque socit a fait des choix dans les types de gestuelles. Par exemple, en France, le principal se fait au niveau des jambes, et sur leur amplitude maximale : dans le ballet classique, le travail se fait sur lagrandissement de louverture des hanches, lamplitude douverture (les jets de jambe, grands carts) ; idem dans le French Cancan ! En Inde, la danse tourne plutt autour du regard, on apprend faire rouler les yeux et les sourcils. Les accessoires sont alors crs en fonction : des mises en vidence des yeux par du maquillage ou des bijoux, des foulards ; ou des pointes et des tutus. La danse a aussi des effets psychiques particuliers : ltat dnergie que dcrit Valry, le sentiment dunit du groupe, la transmission dides, les transes de certaines socits (derviche tourneur), la thrapie des autistes par la danse. Ces diffrents effets attribuent des fonctions diverses la danse : des danses de religion, des danses de la pluie, entrer en lien avec les anciens, les rites de passage (danses au mariage), rle dans les rapports amoureux (la danse permet aux jeunes gens de sexes opposs de se rencontrer). Il y a donc deux grandes sortes de danses : Il y a des danses de participations (religieux, folklore, social), avec des formes assez simples pour tre faites (et retenue) par le plus grand nombre de participants, tous les membres de la communaut y participent (les rondes, les danses de salon). Les danses destines tre reprsentes devant un public. Les danseurs sont alors des professionnels et leur danse est considre comme un art. Les mouvements prsentent une certaine difficult, ils ne sont pas toujours rptitifs (ou alors cest la rptition-mme qui est la difficult), ils ncessitent un entrainement particulier. Pour que lart soit reconnu comme tel dans une socit, il faut que le labeur de lartiste soit reconnu.

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De tout tempsOn sait quen tout temps, les hommes ont dans (traces archologiques). Beaucoup de documents crits et picturaux en tmoignent : le Culte dOsiris en Egypte, ladmiration de la danse chez les Grecs, la pyrrhique (une danse martiale), les danse en lhonneur de Dionysos, la pantomime des romains. Lglise chrtienne dsapprouvait la danse : si on se secoue trop, on attire le diable, on attire joie et euphorie, promiscuit et pch ! Pourtant, certaines danses paysannes sont montes dans laristocratie, puis la Cour qui voulait aussi samuser, jusquaux ballets professionnaliss.

La danse, biologiquementDu point de vue biologique, il a de raisons trs simples pour lesquelles nous dansons. Cest le phnomne universel de covibration : il y a un rapport fort entre la musique et le corps, qui sincarne par la danse. Le phnomne est li au rythme, qui est partout dans notre existence : le premier rythme que lenfant apprend est le rythme jour/nuit (rythme qui fut quelque peu modifi par llectricit). Ltre a besoin de nourritures sensorielles, des rythmes (une torture trs violente est le local o il ne se passe rien, asonoris et de lumire constante, sans aucune variation : cest le cas du mitard). Les variations sont donc un rel besoin, et la musique apporte beaucoup de variations. La varit apport par la musique est plus importante pour plusieurs raisons : loreille est sensible, elle ne se ferme jamais (en cas de choc, on ne peut fermer les yeux, on ressent une douleur), comme elle est toujours ouverte (et ne cligne pas, comme les yeux), on peroit plus intensment les variations. Le rythme est une dimension transsensorielle de base : sa perception ne sadresse pas un sens particulier, elle peut emprunter plusieurs canaux. Michel Chion, grand thoricien du son au cinma, voqua la thorie que tout ce qui auditif nest pas QUE auditif : on ressent les choses sonores trs physiquement et trs corporellement . Cela commence dans le ventre de la mre : avant dentendre le rythme cardiaque de la mre et le sien, on le ressent par les pressions des parois corporelles. Les futurs nouveau-ns sont sensibles aux ondes sonores, mais pas par laudition (milieu aquatique peut propice la perception des sons qui sont rendus en bruits sourds), mais par covibration : il ressent les ondes corporelles, les vibrations. Les vibrations arrivent dans le corps, on les ressent, on vibre avec elles et on doit les incarner (exprience du Drum and bass), la cage thoracique rsonne, comme un diapason (pour lanecdote, trs haut dcibel haut, et amplitude basse, on pourrait faire imploser quelquun). Le son est bi-sensoriel, il sadresse loue et au touch. La danse est donc trs tablie culturellement, mais relve aussi du besoin physiologique. Pourquoi le phnomne universel que les gens dtestent entendre leur propre voix enregistre, pourquoi ne la reconnaissent-ils jamais ? Cest aussi d au phnomne de covibration : nous nous entendons parler par la mchoire et le crne, et non par nos oreilles. Ds lors, prise de distance quand on coute un enregistrement, on dcouvre les dfauts de prononciation, les accents

11 05 .10.2010

Vers une Esthtique Thtrale ?Introduction au Ballet Acadmique, et premire comparaison avec la danse contemporaineLa danse classique se dveloppe particulirement entre 1300-1600, puis se stabilise relativement. Elle allie peinture, musique et posie... Elle se compose de mouvements styliss et ariens, effectus sur pointe pour les femmes sur le bout des pieds), et codifis au fil des sicles. Le code spcifique est aujourdhui clos, ferm sur lui-mme : cest le ballet acadmique. Le rapport entre musique et chorgraphie est trs fort, sur des musiques dj existantes ou composes spcialement pour loccasion (ce qui se fait surtout fin 19me et dbut 20me sicle). dune uvre dun autre genre (opra, posie, conte). Les dcors ne doivent pas gner lvolution des danseurs, le centre de la scne est toujours absolument vide. Ils se limitent gnralement de grosses toiles peintes (en effet trompe l il parfois) qui servent plus cacher les accs aux coulisses sur le fond et les cts que comme lment dinteraction avec le danseur. Code vestimentaire : lorigine, les danseurs taient vtus la mode de leur poque ; et les costumes napparaissent quau 19me sicle, plus particulirement le tutu (jupe vase en tissu transparent), trs popularis par Marie Taglioni partir de 1830. Il sest un peu rtrci au fil des annes. Il y a aussi les pointes, et les autres costumes, souvent fantasmagoriques, en fonction de largument racont. La France, fin 19me, ne permet pas de prenniser la danse, cest la Russie qui va jouer un rle important. En effet, lors de la rvolution russe, les artistes fuient en France, ce qui cre des changes entre les deux pays. Marius Petipa, un Franais, devient le principal chorgraphe du palais imprial de Russie, il va perfectionner la danse, faire des ballets narratifs plus longs que la moyenne (toute une soire), inaugurer par des gestes mimtiques.

Il y a toujours un

argument , ou

livret : une intrigue, spcialement crite pour loccasion, ou adaptation

EXTRAIT : La Belle au bois dormant, du chorgraphe RudolphPetipa, sur une musique de Tchakovski.

Noureev. Il reprend la chorgraphie de

Noureev fut dabord soliste au Kirov (grand centre dopra de Saint-Ptersbourg), puis danseur toile de Russie ( le plus grand danseur du 20me sicle), il est reconnu pour sa technique exemplaire, est une star internationale. Il fut chorgraphe lopra de Paris entre 1980 et 1989, il sintresse beaucoup au rpertoire baroque. Sa mort, en 1993 Paris, fut aussi beaucoup mdiatise, car due au virus du SIDA. Il est lhritier le plus fidle de Petipa. Dans ce ballet, il tente de remonter au plus prs de lesprit de lartiste, et nous allons donc voir un ballet quasi archologique de la fin du 19me sicle. Le langage classique de la danse demande une tenue de corps qui na rien dhumain, contre la gravit, dfiant les lois de la physique. En regardant les rptitions, on peroit bien la diffrence entre la tenue normale du corps et la tenue arienne du ballet classique.

EXTRAIT : Un Quart de Tour, de Antonin de Bemels, 2003, Hugo Dehaas (le danseur).

12 De Bemels sintresse la vido-danse, ce que peut apporter lenregistrement vido la danse. Cet exemple peut tre considr comme un aboutissement de la danse contemporaine, laquelle sest toujours attache avoir des accessoires . Des appareils ou autres qui permettent de rinventer, de questionner la danse. Le cours sera toujours entre deux ples : entre Petipa et la vido exprimentale, nous envisagerons les ruptures esthtiques et historiques qui on fait glisser la danse de lun lautre ; et les reprsentations du corps totalement diffrentes. Le ballet Classique, Petipa grille de lecture, des codes trs ferms. La danse contemporaine de faire sens, du registre de la pure exprience sensorielle, dnue de grille de lecture. La mise en vidence de la figure classique instantane, Flux continu et rptitif. pose, fige. Gracieux. Offensant, voire provocant (dans la vido-danse, le scintillement de limage qui cre un rythme est difficilement supportable, cest le flicker effect). Capacit du corps du danseur. Reprsentation scnique La technologie modifie la perception du corps dans. uvre hybride, performance enregistre et retravaille, qui relve de lintermdialit (= cheval sur plusieurs mdias). Rflexion de linteraction entre danse et musique, question de tempo. La danseuse du ballet explique que lcriture musicale a tenu tout spcialement compte de la danse, que Petipa faisait des recommandations Tchakovski pour que les pas des danseurs tombent tout justes. uvre dtermine la bande son, les clignotements correspondent au tempo. La danse comme un langage symbolique, avec une La danse comme un langage quasi absurde, qui refuse

Lesthtique en question : repres historiquesEn quoi la notion desthtique applique au spectacle vivant ne va pas de soi. Etymologie du mot esthtique. Lorigine grecque : estemae = le sentiment ; aestesis = percevoir par les sens, la sensation ; estetikos = la facult de sentir et de comprendre. La racine esth (franais ou anglais) a un rapport troit avec les notions de percevoir, de sensations. Lesthtique nexiste pas en tant que telle, en tant que discipline, avant le 17me sicle. Elle est ensuite une notion trs interroge par les philosophes. Les philosophes grecs, ou Diderot, Descartes, ont fait de lesthtique mais sans rfrer spcialement cette discipline. Exemple : le questionnement sur le beau dans Le Banquet de Platon. En 1750, Alexandre Baumgarten crit Aesthetica, dans lequel il cre une nouvelle science : lEsthtique. Il donne un nouveau sens au mot : une investigation de la thorie de lart, lesthtique comme la science de lart ; qui a pour objet le beau, les belles sciences, la belle pense (lmotion ne de la contemplation de lart). Lesthtique cest la science du

13 beau. Cela dit, Baumgarten est pntr du rationalisme de son temps et admet que ce nest encore quune facult de science infrieure , qui ngale pas avec les disciplines rationnelles, ou avec les autres parties de la philosophie. Cependant, cest le premier discours sur lart, nomm comme tel. Aujourdhui, on se rfre toujours lesthtique comme une science du beau . Baumgarten est un disciple de Descartes et Leipniss(?). Ce qui le gne dans la pense quil tudie, cest que la commission sensorielle a t exclue; et il cre donc en raction cette lacune petite branche disciplinaire quest lesthtique. Il introduit la notion problmatique de valeur esthtique, quil envisage surtout sur la posie. Sa pense de lesthtique est marque de rationalisme : la valeur esthtique, la beaut dun pome, est propos la quantit dides claires (>< confuses) quil contient . Pour tout ce qui relve du got, du plaisir sensoriel, les auteurs vont tre trs prudents, car lobjet ne se prte pas lobjectivit. Aussi, on remarque que chaque auteur tire toujours lesthtique vers son domaine de prdilection : Baumgarten va vers la posie, Descartes et bien dautres vers lart pictural... mais aucun nira vers le spectacle vivant ! Ceux qui sy intresseront ne seront jamais des philosophes. Les philosophes vont prendre lesthtique comme un sujet de rflexion. Kant, crit ses Observations sur le sentiment du beau et du sublime ; et Critique de la facult de juger (qui concerne notamment la facult de critique esthtique). Kant est lautre grand pre de la fondation de la discipline de lesthtique. Il sintresse la question du got, du jugement, de lapprciation, applique au beau artistique. Selon lui, le beau naturel est, par essence, suprieur au beau artistique. Les beaux arts doivent donc slaborer au plus prs de la nature. Il rend la tension entre subjectif et objectif, entre le particulier et luniversel, dans le jugement de got. Sa thorie est lie la notion de gnie : le got est une disposition inne de lesprit, par laquelle la nature donne les rgles lart. Toute uvre dart se dfinit comme une forme harmonieuse, qui permet une entente (un entendement)!

entre la raison et limagination. Le sublime meut, le beau charme, et le sublime se distingue du beau parce quil dpasse notre entendement . On est dans une mtaphysique de lart. Hegel pousse bout lanalyse de Kant, jusqu retourner la pense sur elle-mme. Il redfinit lesthtique comme une philosophie de lart. Introduction lesthtique, 1835 : le beau naturel est rejet. Selon Hegel, lart ne permet pas de se sapprocher du beau naturel, lart est une manire de faonner la matire, daffirmer une libert desprit. Cest la premire fois quon voit une volont de cration. Toute cration de lesprit est un objet dont il est impossible de nier la dignit . Lart a un but spirituel : se dgager des formes mensongres. Lartiste projette son esprit dans la ralit, et en mme temps il projette lesprit dune poque (IMPORTANT). Lart comme moyen dextrioriser lesprit dune poque ! Hegel permet de faire sa classification de lart, les trois moments de lhistoire de lart: Lart symbolique : antiquit indienne et gyptienne, dont le modle est larchitecture."

14 Lart classique : poque hellnistique, la sculpture prime. Lart romantique : lpoque du monde chrtien, les arts picturaux, la musique et la posie. Cest une logique de dveloppement de lart, trois moments ncessaires. Hegel lie lhistoire de lart aux grands mouvements de civilisation Conclusion : notion de valeur esthtique, en restant proche du rationalisme. Kant se penche sur la facult de jugement, la subjectivit, le got, la rception dune est lharmonie naturelle. Hegel redfinit lesthtique comme une philosophie de lart, lart est clbr par une libert de cration, et contient le souffle dune poque. Histoire des civilisations en parallle de lhistoire de lart. Processus dmancipation de la pense sur lesthtique. uvre. Le modle#

il fonde lautonomie du discours sur lart, lui donnant sa vraie lgitimit. La science du beau , et considre la

-

Baumgarten cre la nouvelle discipline de lesthtique comme

Modernit artistiqueAu 19me sicle, la philosophie de lart est inquite par la modernit artistique. Alors quun discours spcifique sur lart se constitue, dans la pratique mme, on se met remettre en question toutes les rgles, les artistes les refusent parfois violemment. Dans lesprit de lpoque, les rgles sont perues comme incongrues, et on aboutit une nouvelle vision de lart, qui doit justement refuser toute rgle. On situe Baudelaire et Les Fleurs du Mal comme moment clef. A partir de lui, il est difficile de dterminer les normes du beau, de la cration artistique. Louvrage propose laffreux, le laid, la pourriture dune charogne, dans une forme de posie exquise. Cest le paradoxe des fleurs et du mal. Grande rupture avec ce qui tait autrefois considr comme beau, comme linspiration. Il sagit maintenant dapprendre penser par soi-mme, jouir, rver autrement, parfois de manire insolente, lautorisation du blasphme et du plaisir quil peut donner. A la fin de la vie de Baudelaire, il sjourne en Belgique pour des contrats ddition rgler, il est un vieil homme assez aigri et va tourner toute sa misanthropie vers les belge. Il crit Pauvre Belgique, La plante des singes ; il reproche au peuple belge une pense formate, ils font tout ensemble et jamais dans un bon rapport de causalit, ils font tout au mauvais moment, et puis leurs femmes sont moches et ressemblent des bovins de toute faon, ils ne sont bons qu manger de la pourriture ! Ce qui est intressant, cest quil fait des critiques o il revoit les normes de lart, du plaisir.

Les Matres du soupons : Marx, Freud et NietzscheKarl Marx met en rapport lart et lidologie : la cration artistique, les conceptions esthtiques dun peuple sont incluses dans lidologie (= les reprsentations que se forgent une socit un moment donn de son histoire, compte tenu du stade de dveloppement matriel atteint). Les crits ouvrent les dialogues entre art et politique, art et socit, art et conomie. Les esthticiens daujourdhui sont le plus souvent dans ce genre de question.

15

Sigmund Freud (1856-1939, vit le grand changement de la socit) largit le domaine de la pense sur lart la psychologie et linconscient. Il sinterroge la place donne aux uvres travers la psychanalyse, il utilise lart comme des domaines de rfrents pour dvelopper sa pense. Ex : dipe de la tragdie grecque. Il sintresse la cration artistique et sa parent avec le monde des rves, la dimension inconsciente du travail artistique. Il se livre lui-mme des analyses d uvres dart et fait des liens entre la rception de l uvre et linconscient, soit en questionnant le spectateur sur son ressentit, soit en partant des uvres dart. Cette nouvelle approche uvres dart, remonter donne lart une nouvelle fonction, entre l uvre et son auteur, entre l uvre et le destinataire. En suivant Freud, beaucoup danalyses ont tent de diagnostiquer les auteurs par leurs son inconscient. Ce systme radicalis de la psychanalyse est trs problmatique (la libert de lauteur, lui prter des intentions) et la plupart de ces crits sont abusifs, les auteurs se trompent cause de lide fausse que toute imagination est lie linconscient. Friedrich Nietzsche est la rfrence fondatrice de lesthtique moderne, par son nihilisme, par son refus de toute transcendance, et par sa volont de retrouver lunion de lart et de la vie, qui sont rests trop longtemps spars. Mettre lart au centre de toute vie, de toute philosophie. Lart a plus de valeur que la vrit parce que lart est la tche vritable de la vie, lart en est lactivit mtaphysique . De faon indirecte, Nietzsche fait des discours sur la place de lart dans la vie, souvent repris par des metteurs en scne (Artaud).$

Aujourdhui, lesthtique nexiste pas quen philosophie de lart, elle est prsente dans la sociologie de lart, psychologie de lart, phnomnologie de lexprience esthtique, sociologie de la culture, esthtique de la rception (on ninterroge plus l uvre ou lauteur mais son rcepteur, discipline rcente)... Aux 20me et 21me sicles, ce sont les artistes qui prennent en chargent le discours sur lart. Cest dailleurs la caractristique principale des discours sur lesthtique du spectacle vivant : les praticiens crivent beaucoup plus que les thoriciens extrieurs.

Ouvrages et Thoriciens Walter Benjamin, L uvre dart lpoque de sa reproductibilit technique, textes esthtiques sur les espaces urbains, Baudelaire, Kafka. Thodore Adorno, Thorie esthtique, Etude sur la musique, Esthtique ngative (rfection sur lart et lhistoire), il crit aussi sur limpossibilit de faire de la posie, de lart aprs Auschwitz, et en mme temps le devoir de continuer en faire. Herbert Marcuse, Lhomme Unidimensionnel, lart et les processus de culture dans les socits industrielles, lart et la culture dans les socits de consommation.

16 Pierre Francastel, La ralit figurative, rapport entre art, histoire et socit, l uvre dart comme un signe sur la socit, qui parle de la socit. Jusquil y a peu, lesthtique tait limite des notions%

cardinales : le beau, la classification, le gnie,

linspiration

Mais chaque nouvelle discipline remettait en question lesthtique elle-mme.

Exemple : le discours sur le cinma. Le cinma reste longtemps en dehors de luniversit, il faut attendre 1948 pour avoir les premiers instituts reconnus la Sorbonne. Toute discipline doit dabord lgitimer lobjet de sa discipline. Marc Jimnez : Quest ce que lesthtique (1997, ouvrage recommand) rappelle que le terme esthtique paraissait vieillit parce quil ne parvient plus tre opratoire dans lart contemporain. Bouleversement des nouvelles technologies, industrialisation des pratiques esthtiques : beaucoup de thoriciens sont all rechercher dans lesthtique ltat contemporain du monde artistique. Yves Michaud, La crise de lart contemporain. Au dbut des annes 90, il parle de la crise de lart contemporain, en expliquant le malaise irrmdiable de la socit nous vivons la fin de lutopie de lart : la fin de croyance de pouvoir de critique, de transfiguration et surtout de communication de lart . Autrement dit, il y a cest quil se coupe du public, prend soit une forme trs divertissante et alinante ; soit de lart contemporain qui na pas su trouver de rcepteur, qui semble tre rserv une certaine lite. Beaucoup de contemporains ne comprennent plus lart contemporain, et souponnent mme ceux qui disent laimer de simuler comprendre. Lhiatus se produit partir de Duchamp, la grande sparation entre art et public. Lesthtique doit peut tre arrter de soccuper de lart, mais de la mort de lart, de la fin de son utopie de changer le monde de rassembler les gens, puisque dsormais elle spare. Dbut 90s, des tendances trs opposes mergent : le march de lart sest compltement effondr, et ct on investit maintenant dans un Renoir comme une valeur refuge (rapport lart ?) ; les centres dart se concentrent beaucoup sur la mdiation culturelle ; des villes sont reconstruites autour la culture (Lige, Barcelone). Lart prend un rapport trange avec lconomie, la politique... Alors mergent foule de publication sur lesthtique, mais trs opposes les unes des autres. Yves Michaud, Critres esthtique et jugement de got. Grard Genette, La Relation Esthtique. Jacques Aumont (auteur vivement recommand), De lEsthtique au prsent, A quoi pensent les films ? (ouvrages trs utiles pour analyse de films). Nous savons maintenant quil ny a aucun sens dire quun auteur est trs esthtique ; quil faut faire attention cette discipline complexe et fuyante. Nous verrons ensuite pourquoi il est problmatique quelle se penche sur le spectacle vivant, puisque cest un cas diffrent de la posie ou de lart pictural : le spectacle vivant est un art' ' & &

toujours eu lide que lart pouvait rassembler, avoir un discours, critiquer, changer des ides

phmre

%

. La crise,

17

12/10/2010 Jeudi 4 novembre : cinma congolais recommand, dans le programme de lIndpendance du Congo.

Fragments pour une histoire de lesthtique du spectacleAu sens strict, lesthtique thtrale est dorigine philosophique, o se forgent des concepts pour penser le thtre. Les diffrentes thories du thtre sont labores, depuis lAntiquit, par des philosophes, des crivains, et des artistes du thtre (spcificit de lesthtique du thtre). Commenons par un exemple clbre. Brecht sest dfendu de vouloir traiter de laffaire esthtique dans son thtre, il ne dit sintresser quau schma de reprsentation, laspect politique et rflexif du thtre quil pratique. Pourtant, quand on lit Le Petit Organon (son ouvrage sur le thtre), on voit quil oppose le beau, la possession de lacteur par son personnage, le schma dialectique. Dans la prface, il dclare quil va examiner son thtre en fonction de sa place dans lesthtique, ou alors esquisser les contours dune esthtique pour pouvoir penser son thtre . Pourquoi envisage-t-il lesthtique alors quil sen dfendait ? Car on ne peut exprimer la reprsentation selon une distanciation thtrale sans passer par la notion esthtique. Il regrette que son discours ne soit pas autonome par rapport la notion desthtique, mais il en a besoin pour pratiquer un discours engag via le thtre. Sa rfrence premire est le philosophe Aristote, et sa Potique (qui dcrit les genres tragiques et comiques). Cependant il soppose Aristote sur la question de la catharsis = ide de purgation de lme du spectateur par la reprsentation, le spectateur, en assistant la tragdie, par lempathie quil ressent, est purg de ses passions. Il soppose car ce nest pas une libration, avec la providence, dans la tragdie, tout est toujours ananti la fin (?). En plus de cette ide de purgation des mes, le thtre depuis Aristote fait fausse route en voulant reprsenter lexacte ralit des gens sur scne : la similitude ne peut exister, et les sentiments didentification (empathie) sont nfastes. En effet, lempathie est de lordre de la rhtorique, cest convaincre le public par lmotion, cest dangereux. Brecht propose un nouveau type de relation : la distanciation, une notion la frontire du politique et de lesthtique. La distanciation fait percevoir un objet, un personnage, une situation, un processus ET, dans le mme temps, le rendre insolite, trange. On donne sur scne quelque chose que le spectateur reconnait, MAIS avec un petit quelque chose qui le rend bizarre, et cest dans cette distanciation, dans ce dcalage, que peut se mettre une vritable rflexion. Le but est de pousser le spectateur prendre ses distances par rapport lillusion de la ralit ; lveiller la ralit authentique. Dans un spectacle de Brecht, le spectateur prend conscience de sa position du spectateur, se rend compte de la ralit de la reprsentation, il rehausse sa conscience. Pour mieux comprendre le phnomne de distanciation, passons par le cinma. Que ce soit au thtre ou au cinma, on entre dans une salle (dispositif cinmatographique), on est en tat de sous-motricit et de sur(

18 perception, cest trs alinant (processus didentification). Le spectateur oublie son statut pour se plonger dans la digse, voil pourquoi le cinma sassocie au rve, le spectateur oublie le temps du spectacle pour se plonger dans la digse. Le spectateur accepte doublier son statut de spectateur, il joue le jeu, le contrat du spectateur. Au thtre, le spectateur vit la mme exprience (mme si le dispositif cinmatographique est plus puissant en termes didentification), le spectateur entre dans lillusion thtrale, il se plonge dans limage. Dans les deux cas, le spectateur oublie qui il est, le contexte, lenvironnement. Lide de Brecht, cest quon ne peut plus vivre dans cette re dillusion. Au thtre, il faut crer sans cesse des distanciations, rappeler au spectateur la matrialit de la) )

reprsentation (panneau, jeux spciaux), cela permet de garder le spectateur totalement veill, de conscience , lui rappeler lactualit, le monde autour de lui, le faire envisager des questions politiques Le thtre est alors non plus un art de lillusion mais un art de lexplication.

rehausser sa

On trouve beaucoup la distanciation dans la Nouvelle Vague : les faux raccords, les ruptures dans lillusion cinmatographique, mme si ne dure que quelques secondes et que le spectateur replonge dans la digse tout de suite aprs (ex : Belmondo qui se retourne vers le spectateur : Allez vous faire foutre ! dans A Bout de Souffle). Dailleurs, le spectateur daujourdhui sest fort habitu ce genre de rupture, et il ne sen rend plus trop compte, cela na plus beaucoup deffets. Aussi, le dispositif cinmatographique est tellement fort que la rupture de lillusion ne peut jamais durer trs longtemps. Lesthtique thtrale est une pense agissante, elle pose des questions sur le thtre sur ce que doit tre la pratique du spectacle vivant. Interaction permanente entre thoriciens et praticiens de lesthtique thtrale. En spectacle vivant, lessentiel des questions esthtiques sont poses par des praticiens. Il y a des traits normatifs, des essais, des fragments, des textes pragmatiques Lesthtique du thtre est la fois trs philosophique et conceptuelle, et la fois engage dans la pratique du thtre.0

Quest ce que le thtre ?dfinitions.

Le thtre tant un art ambigu qui repose sur une dualit : lcriture et la

reprsentation. Le thtre est un art composite, de deux dimensions trs oppose, on trouve donc diffrentes On a longtemps considr le thtre uniquement sous le rfrent du texte. Ce nest que relativement rcemment quon a pris en considration la reprsentation, le scnique. Deux grands types de textes pour la dfinition du thtre : 1. Les analyses de texte, de la potique textuelles : textes ds lAntiquit, et dominent jusquau 19me 2. Les thories de la reprsentation, qui mergent au 19me. LE TEXTE Dans lesthtique associe la littrature, la scne nest considre que comme la partie technique excuter. Aristote est le premier faire la distinction texte/reprsentation, poser des critres qui auront de lourdes

19 consquences. La Politique pose les normes esthtiques de la tragdie (unit de temps, daction, rgle de vraisemblance), et va tre le manuel dcriture de la tragdie suivi jusquau 20me sicle ! Dans le premier chapitre, il dcrit le thtre comme un art potique, il parle de posies pour tragdie . Tout ce qui est reprsentation est spectacle, qui exerce la plus grande sduction, est totalement tranger lart . La tragdie a atteint sa le finalit dans des excutions techniques ; elle est autonome, et quand il faut la mettre en scne, cest du registre de lartisanat, du registre de diffrents corps de mtier. Le thtre est donc un objet dart potique, latin et puis classique : Horace (le thtre comme un genre littraire) ; Corneille au 17me, Racine Ils cherchent tous correspondre le plus au schma aristotlicien (sauf peut-tre Corneille parfois, qui cherche largir ses horizons). Mais personne ne pense lart de la reprsentation, personne ne remet en cause Aristote. Du 17me au 19me, les prfaces de tragdies expliquent laxe dramatique, comment elle est compose, et comporte des recommandations pour la reprsentation. Ces textes sont maintenant entrs dans lesthtique thtrale (tout comme les discours des auteurs sur leurs pratiques : Voltaire, Victor Hugo). On parle donc assez peu de lacteur ! Diderot prend en compte le texte ET la scne, mais les spare. Cest la premire approche moderne (18me, Paradoxe sur le Comdien). Cependant, le texte parat assez tardivement, et il ny a pas de lien entre art du comdien et thorie dramatique, les deux rflexions sont traites comme si elles taient totalement indpendantes. Par contre, nombreux sont les traits consacrs lexcution concrte de la performance de lacteur : la question de lloquence, de lart oratoire (bien savoir prononcer son discours). Cicron, De Oratore fait le rapport entre acteur et loquence. Epoque classique : art du discours et art du comdien, on parle de lun en envisageant lautre. Les livres de mthodes pour bien articuler, dont celui de Ren Burri (Bien Articuler), en 1679. Ils servent aux prdicateurs, avocats, acteurs, politiques Epoque des Lumires : traits de dclamation, de prononciation, monographies sur la formation de lacteur (ouvrages trs mthodologiques, professionnalisant et crit par des acteurs). Dailleurs, dans la revue Les Cahiers de la comdie franaise, n5, une chercheuse synthtise les textes sur lacteur du 18me sicle. Fin 19me, 1880 : NAISSANCE DE LA MISE EN SCENE, rvolution copernicienne du thtre, remise en question du thtre en tant que texte, rhabilitation de la reprsentation dans le fait thtral. LA REPRESENTATION Avant la mise en scne et la fonction de metteur en scne, les pices fonctionnaient la rptition technique, les acteurs sarrangeaient entre eux pour ne pas se marcher dessus. Dans la comedia dellarte, cest le chef de troupe qui dirige, et il joue aussi parfois. Les acteurs fonctionnaient sur la rptition des manires de faire courantes : voil pourquoi il y a trs peu dvolution de la reprsentation durant ces sicles. A laube du 20me sicle, en 1887, Andr ANTOINE ouvre le Thtre libre (une compagnie), o il exerce la fonction de metteur en scne, c'est--dire un second crateur (et non pas en termes dimportance mais en termes

20 de temporalit). Il prend en charge l uvre dramatique pour lui donner sens et vie par la reprsentation, la mise en scne artistique apparat ! Mise en scne = art de rgler laction technique dans tous ses aspects, lharmonisation des mouvements des acteurs, lameublement de la scne, les costumes, les accessoires. Le metteur en scne porte une vision globale de tous les lments de la scne, et veille leur coordination. Cette conception nest plus celle dAristote, Lexcution technique du spectacle ; ou celle de Hegel, Lexcuteur extrieur de lart dramatique . La mise en scne nest plus la prise en charge matrielle, mais linterprtation et le sens mme de la pice reprsente. Il sagit de penser la pice, le metteur en scne peut mettre un discours supplmentaire celui du texte. Cest une rvolution : la pise de conscience que la reprsentation scnique est une nouvelle uvre thtrale, affranchie du texte premier. Le texte perd sa place pour ntre quun lment parmi les autres. Le dcor et le jeu de lacteur ne sont plus simples accompagnements du texte, mais vritable lieu de cration, lieu de dialogue avec le texte. Le thtre nest plus uniquement littraire, il est aussi scnique. Cette mutation du cinma sopre ensuite dans les autres pays occidentaux. Lart du 21me sicle est celui de la mise en scne. Dailleurs, on parle de moins en moins desthtique thtrale, mais desthtique du spectacle. Aristote nest plus une rfrence pour penser le spectacle. Le thtre devient un art indpendant, cest lAUTONOMIE DE LESTHETIQUE THEATRALE. 1884 : Beck de Fouquire, Lart de la Mise en scne, Essai desthtique thtrale. Edward Gordon Craig (1872-1966, acteur, metteur en scne, dcorateur et thoricien du thtre britannique influent) & Adolphe Appia (1862-1928, dcorateur et metteur en scne suisse, pionniers des thories du thtre moderne) laborent les bases conceptuelles de lesthtique du spectacle. De lArt du Thtre (1911) : dialogues o ils annoncent la renaissance du thtre occidental, accomplie par le metteur en scne, artiste majeur du thtre venir. Ils travaillent sur le mouvement, le dcor et la voix (pense scnique du thtre). Concepts : o Le mouvement = le geste et la danse, la pose et la posie du mouvement. o Dcor = tout ce que lon voit, costumes, clairages et dcors professionnels. o Voix = les paroles dites ou chantes, en opposition aux paroles crites car les paroles crites et parles sont de deux ordres distincts. Cest plus quune revendication de la scne, cest le doigt sur le texte en ce quil peut gner la reprsentation. Cest la revendication de la reprsentation comme art indpendant, fond sur la scne et plus du tout sur le texte. Les penseurs des avant-gardes vont radicaliser cette pense. 1879, Thomas Edison et linvention de lclairage lectrique, lequel devient un lment de la mise en scne, on peut lui donner sens. Ce sont les gens du thtre qui sinterrogent sur leur pratique artistique, la rinvention du thtre. Les premiers thoriciens de lesthtique du spectacle sont les praticiens mme du spectacle vivant. Polmique lance par Antoine Vitez (1930-1990, thoricien influent dans le thtre franais daprs guerre), qui amne une rflexion entre le texte et le spectacle.2 1

21 Rcemment : querelles au festival dAvignon, o beaucoup de belges taient invits (Jan Fabre), anne de scandale car ses hommes de thtre pensent quasi compltement en terme de performance et de rapport la scne. Or Avignon a toujours t le lieu du texte classique et thtral franais. Dans le Dictionnaire du thtre de Patrice Pavis, il dfinit lesthtique du thtre comme : Lesthtique, ou la potique du thtre, cest formuler les lois de composition et de fonctionnement du texte et de la scne . Il prend en compte les deux aspects sans radicaliser. Il distingue aussi trois grandes catgories desthtique : 1. Esthtique normative : auscultation de la reprsentation ou du texte dramatique, en fonction des critres de got particuliers une poque. 2. Esthtique descriptive, ou structurale : description des formes thtrale, classification selon diffrents critres. 3. Esthtique de la production et de la rception : celle de la production numre les facteurs de fonctionnement du texte et de la scne (dtermination idologique, gnrique, historique) ; et lesthtique de la rception examine le point de vue du spectateur.3

-

Lesthtique thtrale aujourdhuiDepuis 1880, linstitution thtrale est crise, depuis larrive des naturalistes, la remise en question du drame par Zola (entre autres), le dveloppement de lide de sortir du thtre, rinventer le thtre avec de nouveaux positionner par rapport ladite crise du thtre, du texte, de la reprsentation, comme si la crise ne stait jamais arrange. Aprs la WWII, le discours (Yves Michaud) concernant la fin de lutopie de lart (lart comme permettant la communication, de changer le monde, na pas pu empcher lhorreur de la guerre, remise en question). De plus, le thtre a toujours t un art trs citoyen, fait dans la ville, refltant les conditions du citoyen, il souffre donc dautant plus la fin de lutopie de lart.4

paramtres. Durant tout le 20me sicle, le thtre va continuer dtre qualifi

en crise , chaque auteur va se

Etats des lieux : Le secteur du thtre adulte, le thtre contemporain, est lamin, il ne trouve plus de subsides, plus de public. Les productions cotent plus cher quelles ne rapportent. Le thtre pour enfant, par contre, fonctionne assez bien, les spectacles ne sont pas trs coteux et trouvent toujours leur public. Les reprsentations comptent de nombreuses dates, dont des prestations internationales, cest un secteur viable. assez bien. Conclusion : les pices de thtre fonctionnent assez bien l o elles trouvent leur public, c'est--dire les derniers spectateurs rcepteurs de lillusion de lart.5

Les compagnies de thtre action , qui se jouent dans les coopratives, les usines5

fonctionnent aussi

22

Repres de lEsthtique thtrale, selon les apports des diffrents penseurs :1. Affranchissement de lide de mimsis. La toute premire pense occidentale du thtre est ngative. Platon, dans La Rpublique, pose la question de lart et du thtre ; il condamne lart thtral, proclame quil faut chasser ceux qui le pratiquent hors de murs de la Cit, parce que le thtre est ax sur le processus de reprsentation mimtique. Il est nuisible de deux faons : Lacteur est un homme double, sa fonction lui demande dtre double, et cela ne correspond pas au schma de la Cit, qui comprend que chacun se spcialise. Et surtout, le thtre risque de contaminer par la sduction, de convaincre par lempathie (sophisme). Cest largument que les pres de lglise et moralistes du 17me reprendront. Aristote change la donne, selon lui, les cours de mimtique sont lorigine de tous les arts. La tragdie doit faire des efforts de mimtique pour produire leffet de catharsis. Attention, on a beaucoup interprt cette notion dAristote, et souvent de manire errone. 19.10.2010 Diderot fut peut tre le premier crire le geste. Le thtre doit retranscrire le message de la nature, par lcriture du discours des mots et de pantomime. Il faut crire les deux gestes, qui doivent se constituer de faon autonome, en accompagnant le mot, ou en se substituant (quand la parole se tait) lui. Dans Lettre sur les sourds et muets, il sintresse la puissance du langage des gestes au thtre. Il reporte une6 7 6 6 6

exprience personnelle qui valide ses hypothses : loign des acteurs, mieux jtais plac6

je frquentais jadis beaucoup les spectacles

plus jtais

au moment o les acteurs rcitaient leurs textes, je me bouchais les Se boucher les oreilles pour mieux entendre . On peut

oreilles

Cest une nouvelle surprise autour de moi quand on me voyait rpandre des larmes aux moments

pathtiques, mme avec les doigts dans les oreilles

ressentir les motions de la tragdie sans rien entendre du texte, en se confiant la pantomime. Ds 1751, il dveloppe la notion de double dimension du langage dramatique, dans les conditions de la production et de lmotion : il ne suffit plus de la proposition oratoire, il faut la proposition gesticule ; il faut entendre avec les oreilles, et entendre avec les yeux. Lentendement (la comprhension) par les yeux, couter le visuel de la scne. Il rdige une Thorie de la Pantomime : nous ne savons point encore combien la pantomime influe sur les reprsentations , il sent que la pantomime va transformer le travail artistique du thtre. Lintroduction des gestes dans la structure du drame va bouleverser les donnes-mmes de lcriture : les textes et lcriture scnique. Dcrire la pantomime, cest une remise en question du texte dramatique tel quil tait, son quilibre, son unit, son harmonie ; mais aussi faire basculer le ple du thtre vers la reprsentation, la mise en scne. Diderot est donc un prcurseur assez moderne. Lannotation du geste dans le texte permet la didascalie (ex : Jean (dun air strict), passe-moi le sel ). Diderot parle dcriture alterne. Aristote sparait le texte et lartisanat de sa ralisation (il ne fallait pas mettre des notes sur le thtre dans le texte dramatique pour prserver son intgrit). Diderot met de longues descriptions didascaliques dans le texte-mme, il ouvre son texte pour laisser place la reprsentation (surtout8

23 dans les monologues, que Diderot aime beaucoup parce qu ils instruisent les desseins secrets des personnages ). Le monologue est un moment privilgi de communication au spectateur, cest gnralement dans les monologues que Diderot fait beaucoup son criture alterne. Il a recours des scnes simultanes, cest une annotation didascalique trs schmatique, plus proche du canevas que du texte potique (deux colonnes, le dire dun ct, le geste de lautre). Jean-Pierre Sarasin, thoricien du thtre, explique : quand lcriture didascalique prend de limportance, cest une double partition. Le texte dramatique va alors se diriger vers le romanesque. Diderot met aussi, dans ses textes, des descriptions de dcors, de costumes, des intonations : il prinscrit la mise en scne. Il introduit sa propre vision de la concrtisation du texte sur la scne. Sans le savoir, Diderot sinstalle metteur en scne, avant mme que cette conception existe. Il recommande le jeu, pour ne pas que sa pice soit inintelligible ou froide. Lcriture potique ne suffit plus pour le thtre. Le rapport la peinture est fondamental dans lesthtique thtrale de Diderot : Il donne les prmisses dune thorie de lacteur ; et dun autre ct, il fait une relation entre peinture et thtre. Le jeu de lacteur (pantomime) est rvolutionn, il faut un nouveau jeu : non plus des personnes qui rcitent un texte, mais des personnes qui jouent. Il expose le problme en se rfrant la peinture, le dramaturge effectue la mme dmarche que le peintre, il rflchit aux techniques de composition picturale, et tente de retranscrire sur scne/sur le tableau, la scne quil a dans la tte. Diderot emprunte au registre vocabulaire du peintre pour construire un langage thtral. Il ny a pas de dcoupe squentielle. Le peintre, comme le dramaturge, doit effectuer un dcoupage spatio-temporelle, choisir le bon moment condition qui permet de penser le thtre, le cinma@ 9

reprsenter. Roland Barthes commente Diderot :

La scne, le tableau, le plan, le rectangle dcoup, voil la Diderot donne le modle esthtique pour prendre en@

charge le geste, sa composition et son unit dramatique. Lordre de la pantomime passe par le tableau . Selon Diderot, la scne parfaite est une succession de tableau : La scne offre au spectateur autant de tableaux rels quil ny a dans laction de moments favorables au peintre . Que sont les moments favorables ? La rforme majeure de Diderot est de remplacer le coup de thtre (moment important, grande rvlation, les acteurs se figent dans une pose admirable) par lide de tableau. Dun point de vue historique et social, cest un rejet de la part du bourgeois des caprices du prince, le public bourgeois ne veut plus de grand changement de la socit mis en scne dans les thtres (retournement de situation), ils veulent une stabilit (pour les affaires), et ont la famille pour modle. Diderot dveloppe lide de linstant parfait, partir de la peinture. Quand le peintre veut raconter une histoire, le peintre choisit prcisment le moment. Lpisode est suffisant (il dit tout), signifiant. Cest le moment que le spectateur peut dcouper, emporter avec soi dans sa mmoire, et en jouir aprs. lpoque hellnistique, conserve au Vatican. Elle reprsente le pre troyen, et ses deux fils attaqus par desB A @

Cest ce que Lessing appellera

linstant prgnant , quand il sattache au Laocoon (sculpture majeure de

24 serpents). En 1766, il publie Laocoon, il fait une lutte pictura poesis : il montre que les artistes qui ont cherch une quivalence entre peinture et posie ont tout faux. Il explique : dans le texte littraire, le cri du pre est dcrit avec minutie, cest un cri dchirant qui touche le lecteur. La sculpture, par contre, na pas les traits dforms dun visage au cri dchirant, ce ne serait pas joli, elle a un ait plus dramatique, plus noble reprsenter. Sculpteur et auteur ont des moments prgnants diffrents. Diderot pense aussi quil faut saisir ce bon moment, celui qui condense en mme temps le pathos (lmotion) et le sens. Lide de tableau se retrouve au 20me sicle, chez les metteurs en scne du thtre dimage (60s 70s) : thtre bas sur des scnes scnographiques, clairage, position des personnages prime, peu de texte. Emblmatique : Le Regard du Sourd, Bob Wilson. Lide du quatrime mur de Diderot dcoule du tableau. Le tableau est le comble de lillusion du spectateur, le moment o se confondent ralit et fiction, vrai et faux, motion de la scne et du spectateur (il doit tre captiv). Touche-moi, tonne-moi, dchire-moi, indigne-moi, et aprs, tu tenteras de me rendre mes yeux , quelle violence pour la description du tableau de Jean-Baptiste Greuze, Le Fils puni, 1778. Autant Diderot sinspire de la peinture pour le thtre, autant Greuze sinspire du thtre pour ses tableaux : forte dynamique, composition de dcor, grands drames, compositions gomtriques et dynamiques, tat motionnel des personnages, peinture trs raliste, autonome (univers narratif contenue en elle). Michael Fried (historien de lart), La Place du spectateur : il parle dune esthtique de labsorbement, reposant sur un double paradoxe. Le tableau, pictural ou scnique, se referme compltement sur lui-mme, intensit motionnelle des personnages, ils sont emmurs dans le tableau. La structure est close car elle se suffit elle-mme , coupe du monde des spectateurs (un temps et un espace propre). Le tableau est autonome et coup, ferm sur lui-mme (aucun personnage ne soccupe du spectateur, ne le regarde). Cest prcisment parce que le monde du tableau est autonome que le spectateur se retrouve transport dans lunivers, la digse, les motions des personnages. Cest pour a quon est transport dans l uvre de Greuze. Diderot revendique de la mme manire une clture parfaite de lunivers, dont il comprend quelle renforce lattachement du spectateur. Il plaide pour linexistence du public : pour que le spectateur entre dans la fiction, il faut faire comme sil nexistait pas ! Il ne faut aucun contact entre la scne et la salle. En 1758, Diderot nonce sa thorie du quatrime mur : Soit que vous composiez ou que vous jouiez, ne pensez au spectateur que comme sil nexistait pas . Consigne qui vaut pour lcrivain et lacteur. Cette thorie sera reprise par tous les metteurs en scne moderne (Antoine, Zola ). Paradoxe sur le Comdien, Denis Diderot. En bref, larrive de la didascalie demande un nouveau type de comdien ; on dlaisse le coup de thtre pour le tableau (dcoupe rflchie de linstant) ; il faut penser lespace de la scne comme clos et autonome, respecter le quatrime mur pour favoriser lempathie (lidentification, mme si le texte nexiste pas encore). Lacteur est las et vous tes triste, cest quil sest dmen sans rien sentir, et que vous avez senti sans rien vousG G G F F E E D C

dmener . Il joue si bien le personnage que vous le prenez comme tel, il sait bien lui, quil ne lest pas. Lacteur

25 doit garder une distance avec le personnage qui joue, mais pas le spectateur . Le thtre est une fabrique de lillusion distancie (ATTENTION ! chez Diderot, lide de distance = ce qui permet lidentification, le quatrime mur ; MAIS Brecht base aussi sa thorie sur la distanciation = distance par rapport lillusion, rendre trange ou insolite des situations scniques pour que le spectateur ne soit pas trop pris dans lillusion, briser lillusion). Diderot refuse lalination de lacteur (il ne doit pas se confondre et semprisonner dans son rle), mais soufaite lalination du spectateur, il doit devenir captif. Les crits de Diderot ne sont pris en compte quun sicle aprs (parution en 1830). Emile Zola, Le Naturalisme au thtre. Zola tente dadapter la doctrine naturaliste au thtre, il rve dune

enqute universelle sur le vrai , une intrigue qui rende la vrit du quotidien, des dcors ralistes, un jeu cru. Cest (ide que cest le milieu social qui produit les individus). Sa thorie sur le thtre a eu assez peu de consquences, mme si quelques petits auteurs naturalistes au thtre. Les influences de Zola passent du ct des metteurs en scne. Andr Antoine met en scne La Terre (1900) au Thtre Libre (quil fonde en 1887) : il recre un domicile paysan, poutre en bois, paille Trs vriste. Les personnages comme les dcors doivent faire vrit, le contexte prime quasi sur le texte, organis par le metteur en scne. Le public se lasse vite du thtre naturaliste, priode marquante mais courte du thtre moderne. A la suite dAndr Antoine, des jeunes artistes se lancent dans la mise en scne : Aurlien Lugn-Poe, Jacques Copeau (thtre plus esthtisant), Jean Vilar (thtre plus militant), Constantin Stanislavski (grand thoricien du jeu de comdien). Ils ont fond un Thtre dart, conu pour lart du thtre, ils ont une vision auteuriste (mme sils pratiquent des thtres trs diffrents). Ils fondent des petites compagnies, ils veulent renouveler lesthtique thtrale, et veulent le rendre indpendant des autres formes artistiques. Adolphe Appia & Edward Gordon Craig. Appia tait contre le thtre de divertissement, contre le ralisme naturaliste (il pense que ces processus faisaient tomber facilement dans lillusionniste), contre limitation photographique et lide de mimtisme. Il va chercher du ct du symbolisme, le metteur en scne ne doit pas oublier quil nest pas un photographe, mais un artiste . Craig se met aussi du ct du symbolisme, il pense que le thtre peut devenir autonome (et entrer aux Beaux Il crera le Thtre du futur, une utopie irralisable, qui nourrira limaginaire de beaucoup davant-gardes. De lArt du Thtre, 1905 et 1907, Craig : dialogues entre un amateur de thtre et un rgisseur. Sa dfinition de lhistoire du thtre : Lart du thtre nest ni le jeu de lacteur, ni la pice, ni la mise en scne, ni la danse, il est form des lments qui les composent : la ligne du jeu, le rythme de la danse, la couleur . Cest une dfinition fondamentale car il refuse de hirarchiser les lments du thtre. Il dcrit les aspects du thtre par les lments plus petits qui les composent, les entits visuelles. Le thtre ne doit pas avoir recours aux autres arts, et surtout pas faire la synthse des autres arts, il faut trouver un langage propre au thtre. Il est trs oppos Wagner, quiP I I

Arts) par le symbolisme. Craig finira anti-symbolisme, mais aussi antitout (anti-naturalisme, antijeu de lacteur

H

).

26 considre lopra comme la fusion de tous les arts (Opra et drame). Les autres arts ne peuvent quinspirer, thtre na rien faire avec la peinture ou la littrature . Craig prend une prise de position radicale, soppose toutes les conceptions historiques ou contemporaines, il espre tre daccord avec les artistes du futur. Il fait la diffrence entre les paroles crites pour tre lues, et les paroles crites pour tre dites . Affirmation de la prpondrance de la scne, avant le texte. Il accompagne ses mises en scne desquisses, quil appelle Visions Scniques. Par exemple, LArrive (1901) ; ou LEscalier (1905), un drame fond sur laction dans lespace. Il ralise beaucoup dillustrations, des croquis de dcors ; mais cest toujours trs abstrait, trs souvent impossible raliser. Sa recommandation aux artistes du futur : esquissez tout le temps . Hamlet selon Craig :Q Q

Le

Les schmas concrtisent une vision intrieure, des dynamismes, des courbes, des tats intrieurs. Souvenezvous que tout cela nest quaffaire de proportions, rien voir avec la ralit , le thtre repose sur des lments visuels mettre en mouvement dans lespace. Cest une utopie du thtre, destine aux metteurs en scne du futur. Rapport la marionnette de Craig dans le thtre de lavenir ( du lendemain et du surlendemain ) : distinction entre acteur et sur-marionnette. Celle-ci est lidal total, le remplacement de lacteur par une marionnette. Il pense que le jeu de lacteur nest pas un art, que lacteur nest pas un artiste. Explication. Le corps est domin par lmotion, et il est pour le moment linstrument principal du thtre. Mais un comdien est un humain, il varie ses reprsentations selon son tat physique, il peut se tromper, trbuchez, ternuer. Lapplication de son art varie dun jour lautre. OR, dans lart, on nadmet pas laccident, si le sculpteur rate un coup de marteau, sa sculpture nest plus de lart, elle est rate ! Llment humain est par dfinition faillible, il na donc pas sa place sur scne, il est le risque de la variation l o ncessite la perfection. La sur-marionnette le remplacera, tre parfait, elle est une sorte de robot qui excute les demandes prcises du metteur en scne. Double rejet du symbolisme et du ralisme. En attendant la sur-marionnette, Craig plaide pour le masque, dessin prcisment par le metteur en scne. Volont de contrler les irrgularits de lacteur, les lments qui peuvent amener du hasard. Pour que le thtre soit sauv, il faut quil soit dtruit, que tous les acteurs et actrices meurent de la peste, et rendent lart impossible .S R Q

Q

27 Beaucoup dauteurs davant-garde crent des puppet theater, avec des marionnettes, dont le plus connu est le Bread&Puppet Theater, toujours trs engages dans le social. Laffect humain est gomm, remplac par un masque ou des silhouettes. 26.10.2010 Rendre le travail le 10 Janvier, jour dinterrogation le 25 et 26. Antonin Artaud (1896-1947), Le thtre et son double, 1938. Ces textes sont destins rvolutionner le monde du thtre. Il a t acteur de thtre et de cinma, crivain, et pote. Charles Dulin lengage comme acteur, Abel Gance le choisit pour Marat dans Napolon, il joue dans Jeanne dArc, il joue avec Lherbier, Fritz Lang. En 1927, il fonde son thtre, Alfred Jarry, qui fonctionne pendant 2 saisons, 4 spectacles : seules 8 reprsentations en 2 ans, mais chacune delles sont scandaleuses, de grands vnements. Les avis des critiques et du public sont toujours trs contrasts, hostilits, stupeurs, encouragements. Tout ce qui ressort surtout, cest quel point Artaud bouscule lordre de la scne. Pourtant les spectacles ne cotent quasi rien, mais montre dans leur mise en scne une invention qui bouscule le rapport traditionnel du spectateur au thtre. Mise jour dun rapport nouveau entre les tres et les choses , la juxtaposition dlments quon nimaginait pas mettre ensemble, pour faire jaillir de la posie sur scne. Dans ses pices, il insiste sur la force de suggestion, la violence et vrit des objets (hritage naturaliste et volont de choc), le jaillissement dune posie nouvelle, transformation des rapports entre thtre et vie. Dans la prface du livre, Artaud appelle retrouver les forces vivantes qui animent le thtre. Il interpelle la culture occidentale o lart a t spar de la vie, plac au muse ; il est tant de retrouver la passion de la scne, le thtre au c ur de la vie. Jamais, quand cest la vie elle-mme qui sen va, on a autant parl de civilisation et de culture : il relve lhiatus entre art et culture. Il faut rompre avec la culture (le thtre comme un texte) pour retrouver la vie et lart. Il sinspire du Mexique (o il a voyag) et sur le thtre balinais, o vie et culture ne sont pas spars. Il faut rompre avec la tradition littraire du thtre, qui ne correspond plus lide du temps. Mais aussi, il faut rompre avec le thtre de distraction vulgaire, un art infrieur et mensonger, fond sur laU U U U U T

psychologie .

La psychologie qui rduit linconnu au connu, au quotidien et lordinaire est la cause de la , la psychologie empche toute posie. Rpugnant moderne thtre franais . En finir

dperdition dnergie

avec la posie textuelle pour la posie pure, briser le langage pour toucher la vie, souvrir toutes les formes dexpression possible (geste, son, parole, feu, cri, danse), reformuler un langage libr pour un nouveau langage scnique. Le cinma a tous les pouvoirs de la sorcellerie le cinma brut est pris tel quil est, dgage un peu sa transe, rvlation, raconter des histoires, ??? se priver de son but le plus profond, les choses de la pense, lintrieur de la cinma . Rflexion sur la mise en scne, langage en mouvement de lespace. Il revendique des moyens dexpression trs concrets qui appartient lunivers spcifique de la scne (musique, plastique, mimique, architecture, clairage, dcor). Artaud vide le thtre du langage, pour le remplir dobjets.U U

conscience, sans interposition, sans reprsentation.

le cinma parlant est une sottise, la ngation mme du

28 Le thtre de la cruaut . Artaud crit deux manifestes, la notion de la peste est centrale, cest une mtaphore du thtre de la cruaut (comme lalchimie). On ne peut continuer prostituer lide de thtre qui ne vaut que par une liaison magique, atroce, avec la ralit et le danger , le thtre doit tre en liaison avec le rel. Si le thtre essentiel est comme la peste, ce nest pas parce quil est contagieux, cest parce que cest une maladie qui se voit sur le malade, cest lide de rvlation cruelle dun mal profond. Le thtre dArtaud doit avoir la mme valeur, la fonction de rvler des choses enfouies. Le thtre et la peste, confrence la Sorbonne : il rappelle Saint Augustin qui assimilait peste et thtre, en regard de laction nfaste des spectacles, il condamnait sa pratique. Artaud reprend la comparaison pour en faire une valeur. Le thtre bouscule le repos des sens, linconscient opprim, pousse une certaine rvolte (il est pour lexpression de choses enfouies, mais il nest pas psychologie en ce quil ne renvoie pas au connu, une psychologie simple du personnage qui exprime ses motions). Il sintresse au mythe : tous les grands mythes sont noirs , le triomphe des forces obscures par la tragdie , Nietzsche. Le thtre de la cruaut est lexprience des limites. Comme tout pote, il cherche tre au-del du conscient ou de linconscient. Idalement, il devrait y avoir danger de mort de participer un spectacle. Lexprience de la cruaut ne peut avoir lieu quune fois, lide essentielle du spectacle vivant, cest quau thtre, un geste ne peut se rpter 2 fois. Il est beaucoup cit au 20me sicle, lide du spectacle qui narrive quune fois, le rapport la mort. Il invite explorer les sensibilits nerveuses du spectateur, il faut aller au thtre en se donnant, sinvestir, quelque chose de fort entre acteur et spectateur. Il faut un grand bouleversement, une violence au thtre ; mais en mme temps, sur le plan du rel, rien na chang. Le lieu du thtre vraiment est un autre lieu, quil rapproche de lalchimie, en le disant virtuel, qui ne porte pas plus leur fin que leur ralit en eux-mmes. Cela renvoie une autre dimension, le lieu de la perception, de la posie, un peu inhumain, quon partage durant le spectacle avec les comdiens. Cest assez proche de ltat dinspiration de Valry (concernant la danse) : un moyen de dcouvrir un autre soi, cest risqu parce qunergie un peu folle, qui ne dure quun temps limit. Comme chez Craig, cest une utopie du spectacle. Beaucoup se sont revendiqu dArtaud continuateurs dArtaud, il va tester les limites de la reprsentation, jusqu faire douter delle. Il ne considrait pas Artaud comme un modle mais comme un prophte qui ouvre des voies. Vers un thtre pauvre, 1965 : il appelle un comme thtre de transgression, dpouiller tout ce qui nest pas essentiel pour rvler le propre du thtre et dcouvrir ses richesses. Joue de la transgression, utilisation des mythes (grands archasmes), situations tabous, interactions entre acteurs et spectateurs, remise en question lespace liminaire (spare scne et spectateur), lexposition de lorganisme vivant, men aux excs , travail sur le don dacteur.X X W V V V

Jerzy Grotowski (1933-1999), en Pologne. Il fonde un

thtre-laboratoire . Il sera un des plus proches

art thtral extrme

mrissement de lacteur, tension vers lextrme, le dnuement absolu , penser le thtre

Tadeusz Kantor (1915-1990), polonais. Comme Artaud, volont de crer une puissance daction primitive, bouleversante, mais travers le concret, la cration sur scne (il invente des objets, machines surralistes). Il

29 propose des sortes de happening. Il mlange sur scne les morts (inertes) et les vivants. Une de ses pices les plus clbres est La Classe morte, o il mlange les acteurs, les acteurs portant des masques, et des poupes mannequins. Les mannequins sont comme un prolongement immatriel, un prolongement de lacteur, un corps supplmentaire transgressif installant la mort sur scne, interrogeant le vivant. Brecht, une des figures les plus modernes du thtre du 20me sicle. Auteur de thtre, il se rvolte contre la bourgeoisie allemande, frquente la bohme de Munich (artiste entre thtre et music-hall, reprsent par Karl Valentin), crit des ballades, recueils de posie, se rve pote anarchiste. Premire pice en 1918, Baal dcrit un personnage tel quil se voudrait tre. Son thtre devient de plus en plus critique de la socit moderne, Piscator linfluence par ses thories. Ses uvres attirent la polmique. Lopra de Katsou fut clbre en 1928, mais sur base dun certain mal entendu : les intentions critiques sont passes inaperues, opra moderne et parodique, cest la musique entranante de Macdenife qui a fait la fortune de Brecht. Initi aux thories de Marx, il pense un thtre qui pourrait prolonger des rflexions de type dialectique, marxiste. Influence du ct du thtre oriental. 1933 Hitler, il fuit lAllemagne, Europe puis USA (rencontre Lang) mais le cinma ne convient pas aux critiques. Son systme de mise en scne. Son but est de sloigner des conceptions de Diderot (projection, identification, 4me mur). Le spectateur, face une reprsentation, est fragile et peut tre sduit par la rhtorique. En Allemagne, il a vu la dmonstration de ce quil craignait. Il rclame des spectacles qui brisent ladhsion du spectateur, qui le rendent citoyen, se sentant une responsabilit dans sa socit, rflchir sa position pour comprendre et transformer les mcanismes de la socit. Pas de spectacle de divertissement, dvasion ! Effet de distanciation. Marqu par piscator : sur scne, il installait des matriaux nouveaux, comme des cartes gographiques, des projections dimages fixes ou des films. Elments scniques qui brisent la force du rcit, qui brisent la croyance du spectateur. Par le texte dabord, en transposant des actions historiques dans le familier, en dcoupant le texte, en refusant les moments trop empathiques. Rendre la scne insolite, pour crer un regard critique de la part du spectateur. La mise en scne nest plus dramatique, mais pique (pope, construction de petits tableaux, le spectateur ne rentre pas dans une grande narration). Leffet V porte sur diffrents lments de la scne : clairage, dcor (pas symbolique, pas naturalisme mais trange), costumes. Cration dun dcalage permanent (ex : militaire costum mais bouteilles en plastiques pour les gun). Projections, surphrases qui contredisent la scne joue ou qui apportent de linformation. Le jeu de lacteur ne doit pas sembler naturel, se maintenir ct du personnage.

La Danse ou le Corps PolitiqueDs lors que le corps devient objet de reprsentation, il est investit de projection diverses, fantasmagoriques ou socitales. Une politique du corps tend toujours saffirmer.

30 Dans lhistoire des textes sur la danse, on trouve beaucoup doppositions entre la danse occidentale, qui serait uniquement axe sur la forme, et les danses primitives, qui seraient uniquement symboliques. Cette vision est fausse : toute poque, la danse fut signe de croyances collectives et rvlatrices des systmes politiques. Selon les idologies, la mise en scne du corps du danseur est diffrente, incarne plus ou moins explicitement ces visions. Dans la tradition occidentale du corps dansant, on retrouve lide de la transformation du corps vers le glorieux, ladmirable. Dans la culture judo-chrtienne, dogme de lhomme cr limage de Dieu. Ide dpurement, de beaut parfaite, dabstraction. Ide de lhomme divis par le pch originel : lenveloppe charnelle promise la putrfaction, et lme quelle contient, essence divine de lhomme ; domination du spirituel sur le charnel, mort et rdemption, unit parfaite, rsurrection de lme. Loccident crit beaucoup sur lide de lhomme morcel, sublime en partie. Question du corps parfait, aussi lger et arien que lme. Les discours des danseurs ont intgr ce discours : ide que lexercice physique nest pas simple prparation, mais exercice de tous les instants, vritable ascse (je mentrane sans cesse pour avoir le corps le plus parfait possible, pour le spectacle et pour moi-mme). La danse mdivale est porte par un ordre liturgique, pendant des sicles, la mise en scne du corps sest faite sous les canons de lglise. Bien danser, cest suivre des rgles rigoureuses, tre bon chrtien, faire attention aux gestes dplacs. Il y a dun ct les gestes compatibles avec le verbe qui sest fait chair, et de lautre, des gestes interdits. Un corps non contrl peut tre vite possd par un dmon, et danser est toujours un risque (se secouer et attirer le diable). Donc, lglise instaura des gestes licites, pour radiquer les pratiques paennes de la danse. Moralisation de la gesticulation : il ne faut pas trop se secouer pour ne pas attirer le diable, ou pour ne pas faire tomber son me (comme on fait tomber un bracelet). Au Moyen Age, la perception du corps est trs diffrente. Les individus vivent dans une grande promiscuit, on travaille ensemble, on dort ensemble, on habite 12 dans une pice. Ds lors, une hirarchie du corps se dfinit : le bas du corps est indiffrent (en dessous de la ceinture), dans un lit on se touche les pieds, il ny a pas de problme ; tout le monde a le mme bas du corps. Par contre, le haut est important. Symbolique primordiale de la tte, mtaphore de la tte qui gouverne le corps, les bras sont larme, le c ur est le courage, le rein sont la concupiscence. Donc, les bons mouvements sont ceux ordonns par la tte, et non par le plaisir du corps. Ordre vertical des gestes. Rapport avec la hirarchie sociale qui sarticule haut-bas (ex : le roi est debout et ses fidles genoux), grande ide de la verticalit. Mtaphore du corps dans lglise pour civiliser, contrler les sensibilits collectives. Faire de la danse un outil ducatif de lglise, on refuse les corps spectaculaires, on valorise le maintien, comme le corps est ce qui soutient lme. Les classes sociales les plus favorises ont voulu se distinguer des danses campagnardes, et ont crs des danses de plus en plus crbrales, des chorgraphies de plus en plus complexes. Ce sont des danses qui demandent tre apprises, la danse savante , reposant sur un savoir.Y

31 A la Renaissance (le corps humain, De Vinci), lhomme devient le centre de lunivers, et amnent dautres conceptions. La notion dindividualit commence poindre. Les danses reprsentent moins le collectif que lindividu, on vit la mort plus intimement, on entretient une relation plus intime avec Dieu, avec le roi. Cest lpoque des danses macabres, de la mise en scne de la mort qui vient chercher chacun individuellement. Le pouvoir royal met la main sur la danse pour en faire un outil de propagande de masse. Catherine de Mdicis (1519reprsente une chorgraphie dun monde clat, o Jupiter doit revenir pour remettre de lordre dans les plantes. Lors des reprsentations, un livret explicatif donne les valeurs symboliques des pas de danses ( immortalit , aim de tous ), le roi joue Jupiter, et le spectacle est la mtaphore du roi qui vient remettre de lordre aprs` ` `

1589), fait des ballets qui dlivrent des messages. Charles IX fait une

tourne , il donne des ballets partout,

lanarchie. Dans le ballet de La Dlivrance de Renaud, Louis XIII est lcart du gouvernement, et la pice est un moyen de dclaere que le roi, dmon de feu, veut purger ses sujets de toute dsobissance. Lpoque moderne ramne la danse encore plus prs de la politique, ramenant les prestations proches du pouvoir temporel, et moins du ct du pouvoir spirituel. Louis XIV dbute en 1651 dans Cassandre. En 1653, le Ballet de la nuit a pour thme ladoration du souverain, il tient le rle du soleil levant, de la lumire qui claire le monde (son rle est exclusif, il ny a que lui qui peut le jouer, et ce sera le cas jusqu sa mort). On voit donc, par de telle personnalit qui dansent, la valorisation du danseur de reprsentation. Les danses sont trs militaires, prescription la rptition, la symtrie des mouvements. On stylise beaucoup les gestes, mtaphore du corps : corps tir vers le haut, port de tte lgant, gestes purs, corps tendu vers le haut, le saut. On donne des rgles la danse, les scnes sont surleves pour mettre une distance symbolique entre danseurs et foule, la foule qui doit lever les yeux et qui voit les danseurs encore plus levs. Louis XIV fonde, en 1661, lAcadmie royale de danse. Il ordonne quon trouve un systme pour noter les gestes. En 1672, le mtier de danseur est un vrai mtier, et environs 10 ans plus tard, apparaissent les premiers danseurs professionnels. En 1713 : Conservatoire de Danse, et lAcadmie royale Militaire devient lOpra. A la rvolution romantique, le fminin contamine la danse. COURS MANQUANT : deux prcurseurs : Delsarte, Jacques Delcroze

16.11.2010

Emile Jacques-Dalcroze (1865-1950) : musicien et pdagogue dorigine suisse, il dcouvre une approche dumouvement par le rythme, grande influence sur la danse moderne allemande. Il sintresse principalement la musique, et trouve ses tudiants assez nuls, jugeant quils nont pas doreille musicale. Il repense lapprentissage musical, par lintgration corporelle dlments rythmiques. Il met au point une technique qui dcompose la composition par le rythme musical, et pour ltudiant intgre la composition, lui

`

32 demande une interprtation par le mouvement : ide de comprendre la musique par le corps, en le mettant en mouvement. Il demandait ses tudiants, de reprsenter les rythmes musicaux par grands groupes ; de traduire en geste les phrass musicaux ; des gestes voquant des mesures. Il saperoit que certains nont pas doreille musicale parce quils ont une arythmie physique : ils narrivent pas intgrer un rythme dans leur corps. Dans la thorie de Dalcroze, le corps est un passage oblig entre la pense et la musique. Des exercices pour amliorer les comportements psychomoteur, valoriser lconomie dnergie dans le mouvement, la vitesse de raction. En bref, il invente une ducation psychomotrice (mouvement/musique). Ide que la musique suscite dans le cerveau une image, qui peut tre traduite en mouvements du corps. Vers 1910, il cre des instituts, des coles frquentes par les futurs pionniers de la danse moderne allemande. Il rencontre Appia, se met travailler avec des danseurs, et les danseurs de ballet classique vont violemment rejeter ses mthodes de travail. Delsarte et Dalcroze crent un terrain thorique, des exercices, partir desquelles les nouveaux chorgraphes vont fonder un nouveau langage.

Quatre pionnires de la danse amricaine Isadora Duncan 1878-1920, a t forme par une tudiante de Delsarte. Grande influence en Europe, artistechorgraphe la plus